National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission prend note des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1991, du rapport du gouvernement et de la documentation qui y était jointe, notamment des commentaires de la Confédération turque des associations d'employeurs et de la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS). Dans ces commentaires, la Confédération turque des associations d'employeurs exprime son accord avec les informations et explications données à la Commission de la Conférence en 1991 par le représentant gouvernemental turc. La TURK-IS s'interroge sur les mesures qui ont été prises pour remplacer et modifier la loi no 1402 relative à la loi martiale et a espéré que la commission continuerait à suivre l'application du règlement de 1990 sur les enquêtes de sécurité.
Situation des fonctionnaires licenciés ou mutés entre 1980 et 1987 pendant la période d'application de la loi martiale
2. Dans son observation de 1991, la commission avait noté le jugement du Conseil d'Etat, en date du 7 décembre 1989, qui concluait que les fonctionnaires, employés publics et travailleurs des services publics dont l'emploi avait pris fin à la demande des commandants de la loi martiale, en application de l'article 2 de la loi no 1402 devront être réintégrés à leur poste par les institutions concernées dans la région où il a été mis fin à leur emploi, pour autant qu'ils n'aient pas perdu les qualifications requises au moment de leur première nomination. La commission avait noté également, au vu de l'opinion de l'avocat général du Conseil d'Etat, que les décisions prises par les commandants de la loi martiale au sujet des licenciements et mutations dans l'emploi, en vertu de la loi no 1402, avaient été jugées non conformes à l'article 4 de cette convention. La commission avait espéré que le jugement du Conseil d'Etat serait pleinement appliqué au profit de toutes les personnes dont l'emploi avait été affecté et que sa teneur serait prise en considération dans les amendements à la loi relative à la loi martiale.
3. La commission note, selon les informations fournies à la Commission de la Conférence en 1991 et d'après le rapport du gouvernement, que le jugement du Conseil d'Etat continue à être mis à exécution et que les demandes de réintégration continuent à être traitées en conséquence.
4. La commission note avec satisfaction, d'après la déclaration du gouvernement, que sur les 72 membres de l'université qui avaient demandé leur réintégration, 68 sont revenus à leur poste à la suite des mesures adoptées, moyennant en particulier la création de postes supplémentaires, conformément au jugement du Conseil d'Etat. Le gouvernement ajoute que, en ce qui concerne les quatre membres de l'université qui s'étaient vu refuser leur réintégration, le premier avait perdu sa qualification en tant que fonctionnaire, le recours du deuxième avait été refusé par le tribunal, le troisième n'avait pas encore remis les documents requis et le quatrième était déjà à la retraite.
5. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations précises pour ce qui est des 358 fonctionnaires qui avaient été licenciés sous le régime de la loi martiale et dont la réintégration avait été refusée. Elle avait également demandé des précisions sur le sens des articles 48 et 98 de la loi no 657 sur la fonction publique, qui avaient été mentionnées comme constituant des obstacles légaux à la réintégration des intéressés. La commission prend note des éclaircissements fournis par le gouvernement à cet égard. Elle note avec intérêt qu'à la suite de l'adoption de la loi no 3713 du 12 avril 1991 sur la lutte contre le terrorisme 161 fonctionnaires ont été réintégrés dans leurs droits et que d'autres demandes de réintégration étaient en cours d'examen. Selon le gouvernement, les 197 fonctionnaires qui n'ont pas encore été réintégrés sont toujours sous le coup de la sentence qui les avait frappés ou ont été reconnus coupables, aux termes de la loi no 657, d'une infraction dégradante telle que corruption, vol, détournement de fonds ou fraude. La commission espère que les demandes continueront à être examinées dans l'esprit du jugement du Conseil d'Etat et que, dans son prochain rapport, le gouvernement continuera à la tenir informée du statut des fonctionnaires dont les demandes de réintégration avaient été suivies d'effet.
6. La commission a noté que le jugement du Conseil d'Etat avait écarté les obstacles empêchant les personnes qui avaient été transférées dans d'autres régions au cours du régime de la loi martiale de revenir à leurs lieux d'origine. La commission avait prié le gouvernement de fournir, au sujet des 4.870 personnes mutées, des informations et des statistiques précises concernant leur retour chez eux. La commission note que, d'après les indications du gouvernement, certaines de ces personnes étaient revenues à leur poste par la voie des procédures légales normales et que d'autres avaient bénéficié du jugement du Conseil d'Etat ou d'une suite favorable donnée à une demande directement présentée. Le gouvernement indique qu'aucun recours ni aucune demande ne sont laissés sans réponse. La commission doit réitérer de nouveau sa demande d'informations et de statistiques plus précises sur le nombre de personnes qui ont retrouvé leur région et leurs fonctions antérieures.
7. La commission avait demandé des informations sur l'indemnisation des personnes dont l'emploi avait été affecté par les décisions prises en application de la loi no 1402, qui avaient demandé réparation et pour lesquels les tribunaux s'étaient prononcés favorablement. La commission note la déclaration générale du gouvernement selon laquelle toutes les personnes réintégrées ont été indemnisées. Elle doit néanmoins demander des informations plus précises sur le nombre de personnes qui ont demandé réparation, notamment sur celles qui n'avaient pas cherché à être réintégrées ou qui n'avaient pas bénéficié d'une réintégration, ainsi que sur les jugements rendus en l'espèce et la mise à exécution de ces derniers.
Amendements proposés à la loi no 1402 relative à la Loi martiale
8. La commission note, d'après le rapport du gouvernement, que le projet de modification de la loi no 1402, qui avait fait l'objet de ses commentaires précédents, était devenu caduc du fait qu'il n'avait pas été adopté avant l'expiration du mandat du Parlement (avant les élections générales d'octobre 1991). La commission note encore qu'un nouveau projet, préparé par le ministère de la Justice, a été soumis au Conseil des ministres en octobre 1992 et devait être présenté au Parlement au début de 1993. Le gouvernement déclare que ce projet abroge l'article 2 de la loi no 1402, qui donnait pouvoir aux commandants de la loi martiale de demander le licenciement ou la mutation dans une autre région de fonctionnaires et prévoit la réintégration, le retour au lieu d'origine et des réparations à l'égard des personnes mutées ou licenciées. La commission veut croire que le gouvernement sera en mesure d'indiquer que cet article aura été abrogé comme elle le demande depuis de nombreuses années.
9. La commission veut croire également qu'un amendement approprié modifiera l'article 3 d) de la loi no 1402, qui autorise le bannissement pour cinq ans de personnes considérées comme constituant une menace pour la sécurité nationale ou l'ordre public, afin de garantir que les mesures tendant à sauvegarder la sécurité de l'Etat soient suffisamment définies et délimitées pour éviter toute discrimination fondée, entre autres, sur l'opinion politique. A cet égard, la commission précise de nouveau que le droit de recours visé à l'article 125 de la Constitution ne suffit pas à assurer la protection nécessaire. La commission espère que ces considérations, dont elle a trouvé l'écho dans l'avis exprimé par l'avocat général du Conseil d'Etat, seront prises entièrement en compte au cours de la rédaction du texte final de la loi projetée. Elle espère que le gouvernement sera en mesure dans son prochain rapport d'indiquer les progrès accomplis dans le sens de l'adoption des amendements voulus à la loi relative à la loi martiale.
10. La commission note avec intérêt qu'une Commission des droits de l'homme a été créée en application de la loi no 3586 du 5 décembre 1990 et que cette commission avait commencé à réexaminer la loi no 1402. La commission prie le gouvernement d'indiquer si cette commission poursuit ses travaux et, dans l'affirmative, de préciser ses fonctions et pouvoirs, notamment en ce qui concerne la révision de la loi no 1402 ou de tout autre texte législatif, et mentionner les décisions qu'elle aurait éventuellement rendues.
11. Le gouvernement indique aussi que le nouveau projet tendant à modifier la loi no 1402 limitera les enquêtes de sécurité entreprises dans l'administration publique aux membres du personnel qui ont en mains des documents secrets et ont accès aux services de haute sécurité, et interdira les enquêtes pour le reste du personnel en fonction ou en cours de recrutement. Ce projet devra comporter une claire définition de la nature des documents et informations réputés mettre en péril la sécurité de l'Etat, de sorte que les personnes qui se seraient vu refuser un emploi ou qui auraient été licenciées à la suite d'enquêtes de cette nature après le 12 septembre 1980 seraient recrutées ou réintégrées, selon le cas, pour autant qu'elles n'auraient pas cessé d'être qualifiées à cet effet. Le gouvernement déclare en outre que la désignation des autorités chargées d'entreprendre ce genre d'enquêtes devrait être établie sous forme d'un règlement séparé.
12. La commission prend acte de l'information susvisée et de la relation qu'elle semble avoir avec la teneur du règlement du 8 mars 1990 sur les enquêtes de sécurité. A cet égard, la commission se réfère à son commentaire formulé ci-après et prie le gouvernement d'indiquer si le nouveau projet modifiera le règlement précité, tout comme la loi no 1402, et, si ce n'est pas le cas, de signaler quelles sont les mesures envisagées pour assurer que les dispositions spécifiques mentionnées ci-dessus ne seront pas rendues inopérantes en vertu de l'application du règlement sur les enquêtes de sécurité d'effet plus général.
Mesures prises sur la base des enquêtes de sécurité
13. La commission se réfère à ses commentaires précédents concernant les dispositions du règlement du 8 mars 1990 sur les enquêtes de sécurité, où elle a relevé leur portée étendue (le règlement touche toutes les personnes appelées à être employées dans des ministères et d'autres institutions et organisations publiques), leur vaste application (il comprend les activités idéologiques et subversives et les relations avec les étrangers) et les définitions très larges qu'elle contient (telles que celles qui concernent les "recherches sur archives", les "enquêtes de sécurité" et les "activités subversives"). La commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour assurer que le refus d'employer ou la mutation à la suite de l'application de ce règlement ne se fondent pas sur l'opinion politique ni sur tout autre critère constituant une discrimination, aux termes de cette convention.
14. La commission note, d'après la déclaration du gouvernement, que les dispositions de la loi du 12 avril 1991 sur la lutte contre le terrorisme donnent une plus grande objectivité au règlement précité, et que toutes les actions entreprises en vertu dudit règlement peuvent être révisées judiciairement en conformité avec l'article 125 de la Constitution et avec la loi no 2577 concernant la procédure des actions administratives. La commission observe que les dispositions de la loi sur la lutte contre le terrorisme, en particulier sa définition du terrorisme (art. 1) et de la propagande (art. 8), sont trop étendues pour donner une spécificité ou une objectivité suffisantes à l'application du règlement sur les enquêtes de sécurité (voir ci-après davantage de détails sur la loi sur la lutte contre le terrorisme). Elle doit préciser en outre que le droit de recours ne suffit pas pour satisfaire aux prescriptions de l'article 4 de la convention en vertu duquel les mesures tendant à sauvegarder la sécurité de l'Etat doivent être suffisamment définies et délimitées pour ne pas entraîner de mesures discriminatoires fondées sur l'opinion politique ou sur tout autre critère interdit. La commission doit, par conséquent, prier une fois encore le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer que l'application du règlement en cause n'entraîne pas de discrimination au sens de la convention. La commission prie également le gouvernement de préciser le nombre de personnes qui se sont vu refuser ou ont perdu un emploi à la suite de l'application de ce règlement.
Loi du 12 avril 1991 sur la lutte contre le terrorisme
15. La commission note avec intérêt la loi sur la lutte contre le terrorisme, qui a abrogé les dispositions relatives à la peine capitale, réduit ou commué d'autres peines, décriminalisé l'usage de la langue kurde et abrogé certaines dispositions du Code pénal.
16. La commission note néanmoins, avec préoccupation, que la loi susvisée comporte une définition très étendue du "terrorisme" et de la "propagande", qui donnent tous deux lieu à des peines de prison. L'article 1er définit le terrorisme comme étant une activité dirigée par une ou plusieurs personnes appartenant à une "organisation" (ce dernier terme étant défini comme un groupe de deux personnes ou davantage ayant un objectif commun) et ayant pour but de changer les caractéristiques de la République, telles qu'elles figurent dans la Constitution, et son système politique, légal, social, laïc et économique, de porter atteinte à l'unité indivisible de l'Etat conçu comme territoire et comme nation, de mettre en danger l'existence de l'Etat et de la République turcs, d'affaiblir ou de détruire l'autorité de l'Etat, ou de s'en emparer, d'éliminer les droits et libertés fondamentaux ou de nuire à la sécurité interne et externe de l'Etat, de l'ordre public ou de la santé de la population par tout moyen de pression, de force et violence, de terreur, d'intimidation, de pression ou de menace. Aux termes de l'article 8, la propagande écrite ou orale et les assemblées, réunions et manifestations tendant à porter atteinte à l'unité indivisible de l'Etat turc, conçu comme territoire et comme nation, sont interdites quelles que soient les méthodes utilisées ou l'intention et les idées qui les inspirent.
17. Bien que toute sanction en vertu de cette loi puisse faire l'objet d'un recours, la commission fait observer que les définitions très larges qui y sont contenues ne paraissent pas établir de critères suffisamment précis sur la base desquels une protection contre l'emprisonnement pour, entre autres, l'expression d'une opinion politique soit assurée aux termes de la convention. La commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises pour assurer que les personnes ne soient pas privées d'emploi du fait qu'elles sont emprisonnées en application de ladite loi en raison d'une discrimination fondée sur l'un des critères établis par la convention et de dire si les dispositions précitées ont été examinées par la Cour constitutionnelle.