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Observation (CEACR) - adopted 2016, published 106th ILC session (2017)

Worst Forms of Child Labour Convention, 1999 (No. 182) - Senegal (Ratification: 2000)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 31 août 2016, des réponses du gouvernement, reçues le 1er décembre 2016, ainsi que de son rapport.
Articles 3 a), et 7, paragraphe 1, de la convention. Vente et traite à des fins d’exploitation économique, travail forcé et sanctions. Mendicité. 1.   Législation. Dans ses commentaires précédents, la commission a constaté avec préoccupation que, bien que l’article 3 de la loi no 2005-06 du 29 avril 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes interdise d’organiser la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit ou d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire, l’article 245 du Code pénal dispose que «le fait de solliciter l’aumône aux jours, dans les lieux et dans les conditions consacrés par les traditions religieuses ne constitue pas un acte de mendicité». Elle a fait observer qu’à la lecture conjointe de ces deux dispositions il semblerait que le fait d’organiser la mendicité des enfants talibés ne puisse être incriminé, ne s’agissant pas d’un acte de mendicité au sens de l’article 245 du Code pénal.
La CSI indique que, en novembre 2014, un projet de loi de réglementation des daaras (écoles coraniques) pour établir des critères d’inspection a vu le jour, mais que, depuis, ce projet de loi est toujours en consultation auprès des chefs religieux et que le gouvernement devrait prendre des mesures pour accélérer l’adoption de ce projet de loi. En outre, la CSI insiste sur le fait que l’ambiguïté à la lecture conjointe de l’article 3 de la loi no 2005-06 et de l’article 245 du Code pénal devrait obliger le gouvernement à modifier le Code pénal afin de garantir explicitement qu’aucune exception ne permette de forcer un enfant à mendier. De plus, la commission note que la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (CNLTP), dans son rapport annuel de 2014: «La lutte contre la traite des personnes au Sénégal: Etats des lieux et mise en œuvre du Plan d’action national», annexé au rapport du gouvernement, recommande elle aussi au gouvernement un réaménagement de la loi no 2005-06 et de l’article 245 du Code pénal pour remédier à cette situation d’ambiguïté qui perdure. En outre, la commission note que selon le Comité des droits de l’enfant, un projet de code de l’enfant, regroupant l’ensemble des dispositions législatives relatives aux droits de l’enfant, a été finalisé et soumis pour adoption (CRC/C/SEN/CO/3-5, paragr. 7). La commission prend bonne note des projets de lois ayant trait à l’élimination de la mendicité des enfants talibés, mais elle observe qu’ils sont en phase d’élaboration ou de consultation depuis plusieurs années. Elle prie donc instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour faire adopter les divers projets de lois afin d’interdire et éliminer la mendicité par les enfants talibés et les protéger contre la vente et la traite et le travail forcé ou obligatoire et assurer leur réadaptation et intégration sociale. La commission prie le gouvernement de fournir des informations quant aux progrès réalisés à cet égard.
2. Application dans la pratique. La commission a noté que le nombre d’enfants talibés forcés à mendier – pour la plupart, des garçons âgés entre 4 et 12 ans – était estimé à 50 000. Elle a insisté sur le fait que ces enfants recevaient en réalité très peu d’éducation et étaient extrêmement vulnérables car ils dépendaient totalement de leur professeur coranique ou marabout. La commission a, en outre, noté que bien que sept maîtres coraniques aient été arrêtés et condamnés à des peines de prison en application de la loi no 2005-06, les jugements n’ont jamais été appliqués et que depuis la condamnation et la remise en liberté de ces marabouts en 2010, aucun marabout n’a été poursuivi et encore moins condamné.
La commission note l’indication de la CSI selon laquelle le gouvernement ne réussit pas à faire appliquer l’article 3 de la loi no 2005-06, ni à enquêter, à poursuivre ou à faire condamner ceux qui forcent les talibés à mendier. Selon elle, l’absence d’enquêtes et de poursuites sont majoritairement dues à un manque de volonté politique de la part des autorités, à une ambiguïté dans le Code pénal et à la pression sociale exercée par certaines autorités religieuses. Le gouvernement indique en effet, dans son rapport, que la justice condamne les auteurs de traite sur la base de qualifications juridiques autres que la loi no 2005-06 et que les statistiques montrent que les incriminations en application de cette loi demeurent faibles. En outre, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la CNLTP a initié de nombreuses sessions de formation sur la loi no 2005-06 pour inciter les acteurs chargés de l’application de la loi à plus de fermeté contre les auteurs de traite. Dans le cadre de ces formations, entre mars 2015 et janvier 2016, ont été formés, entre autres, 23 procureurs et chefs de secrétariats de parquets sur l’identification et la protection des victimes, sur le système d’alimentation des bases de données des actions judiciaires en matière de traite des personnes (SYSTRAITE), qui permettra d’évaluer les tendances et l’évolution de la traite dans le pays. Cependant, la commission note que selon une cartographie des écoles coraniques de la région de Dakar réalisée par la CNLTP en 2014, il y aurait plus de 30 000 enfants talibés forcés de mendier chaque jour dans la seule région de Dakar. De plus, la commission note que le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales du 7 mars 2016, exprime lui aussi sa vive préoccupation quant aux faibles taux de poursuites et de condamnations des personnes exploitant des enfants, y compris les enseignants coraniques (CRC/C/SEN/CO/3-5, paragr. 69). La commission se doit d’exprimer sa profonde préoccupation devant la persistance du phénomène de l’exploitation économique des enfants talibés et devant le faible nombre de poursuites engagées en application de l’article 3 de la loi no 2005-06. Notant la difficulté qu’a le gouvernement à faire appliquer la loi no 2005-06, la commission lui rappelle une fois de plus que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’établissement et l’application de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. Elle prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que l’article 3 de la loi no 2005-06 soit appliqué dans la pratique aux personnes se livrant à l’utilisation de la mendicité des enfants talibés de moins de 18 ans aux fins d’exploitation économique. Notant le faible impact des mesures prises, la commission prie le gouvernement de redoubler d’efforts pour renforcer de manière effective les capacités des agents chargés de l’application des lois et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et que des sanctions suffisamment dissuasives soient imposées dans la pratique. Notant avec regret l’absence de données fournies en ce sens, la commission prie une fois de plus le gouvernement de fournir des statistiques sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions imposées en application de la loi no 2005-06.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques. Enfants talibés. La commission a précédemment noté les différents programmes de modernisation des daaras et de formation des maîtres enseignants ainsi que divers plans-cadres pour éliminer les pires formes de travail des enfants.
La commission prend note de l’observation de la CSI selon laquelle, en novembre 2013, un programme de Projet d’appui à la modernisation des daaras (PAMOD) a été lancé pour établir des règles en vue d’éradiquer la mendicité et protéger les droits des enfants dans les daaras. Ce programme comprendrait la mise en place de 164 daaras «modernes» ainsi que des subventions financières allouées aux daaras existants qui font preuve de bonnes pratiques pour éliminer toute dépendance à la mendicité. En outre, elle note l’indication du gouvernement selon laquelle, en 2015, 179 enfants victimes de traite furent recensés, sans indiquer combien d’entre eux sont des talibés. Par ailleurs, selon le rapport annuel de la CNLTP, le Centre d’accueil, d’information et d’orientation des enfants en situation difficile (centre GINDDI) a accueilli 217 enfants talibés mendiants dont 155 victimes de traite. La commission prie le gouvernement de continuer de prendre les mesures nécessaires pour protéger les enfants talibés de moins de 18 ans contre la vente et la traite et le travail forcé ou obligatoire et assurer leur réadaptation et intégration sociale. Elle le prie de communiquer des informations sur les mesures prises en ce sens, notamment dans le cadre du PAMOD en vue de la modernisation du système des daaras. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants talibés qui auront été retirés des pires formes de travail des enfants et qui auront bénéficié de mesures de réinsertion et d’intégration sociale dans le centre GINDDI.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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