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- 7. Par une communication du 31 octobre 1963, la Confédération internationale des cadres fonctionnaires a soumis à l'O.I.T une plainte contre le gouvernement de l'Autriche pour violation de la liberté syndicale. Le 8 janvier 1964, les plaignants ont présenté une modification au texte primitif de leur plainte. Les deux communications ont été transmises au gouvernement de l'Autriche, qui a envoyé sa réponse par lettre du 10 février 1964.
- 8. L'Autriche a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 9. D'après les allégations des plaignants, il existait avant 1962 une disposition constitutionnelle selon laquelle les représentants du personnel devaient participer, dans une certaine mesure, à l'élaboration des règlements sur les droits et devoirs des fonctionnaires. Cette disposition a été supprimée. Il existe cependant une circulaire, publiée par la Chancellerie fédérale en 1946, selon laquelle la représentation du personnel des services publics était confiée provisoirement aux quatre syndicats de cette catégorie qui existaient alors. Ces syndicats sont: le Syndicat des fonctionnaires municipaux, le Syndicat des employés des postes, le Syndicat des employés des chemins de fer et le Syndicat des autres employés publics. Les plaignants déclarent que ces syndicats ne sont qu'une émanation des partis politiques, dont deux sont alliés depuis plusieurs années dans le gouvernement de coalition existant. Les dirigeants syndicaux supérieurs sont aussi des mandataires de ces partis. Vu la discipline de parti qui est la règle, ces dirigeants syndicaux sont soumis au gouvernement, donc à l'employeur. Les membres de ces syndicats ne jouissent en réalité d'aucun droit, ni par conséquent du droit d'élire leurs dirigeants, les dernières élections dans les services publics ayant eu lieu en 1951.
- 10. Les plaignants indiquent aussi qu'en 1955 les fonctionnaires qui désiraient une action syndicale indépendante de l'employeur ont constitué la Fédération autrichienne des fonctionnaires, qui, en 1959, a obtenu du Tribunal constitutionnel le droit d'user de la dénomination de « syndicat », contre l'avis du ministre de l'Intérieur. Se fondant sur l'argument qu'il n'existe aucune réglementation légale du droit de représenter le personnel, le gouvernement refuse à la Fédération toute intervention dans les discussions sur les problèmes généraux de personnel, intervention réservée aux quatre organisations existantes. Tout ce qu'a pu obtenir la Fédération jusqu'à présent a été une décision du Tribunal sur le droit d'user de la dénomination de « syndicat ».
- 11. Les plaignants envoient, entre autres documents, l'arrêt mentionné du Tribunal constitutionnel et la circulaire de 1946. Par cette circulaire les administrations publiques sont invitées à faire participer les commissions du personnel à la réglementation des questions intéressant celui-ci. Il s'agit notamment de les consulter avant d'adopter une mesure quelconque concernant le personnel, ainsi que de recevoir les réclamations qu'elles présentent au nom d'un ou de plusieurs fonctionnaires, les revendications en matière économique et sociale, et d'autoriser leur participation au contrôle des conditions hygiéniques des bureaux.
- 12. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que le droit d'association est garanti par la loi fondamentale de l'Etat, comme par la loi de 1951 sur les associations et que la Fédération autrichienne des fonctionnaires jouit à cet égard des mêmes droits que les autres organisations. Apparemment les plaignants confondent deux concepts distincts, à savoir celui du droit à la représentation à l'intérieur des entreprises et celui du droit à la représentation des intérêts collectifs des membres d'une profession par les organisations professionnelles. Le premier de ces droits n'est pas compris dans le concept de droit d'association au sens des conventions internationales. La circulaire ou « décret Figl » mentionnée dans la plainte a un caractère provisoire et se rapporte exclusivement aux affaires qui sont de la compétence des commissions du personnel dans le cadre de leurs administrations respectives. Les syndicats mentionnés dans ce décret étaient les seuls qui existassent à l'époque où il fut publié. Entre-temps, un de ces syndicats a cessé d'exister et il s'est produit un regroupement dans le mouvement syndical des fonctionnaires.
- 13. Il résulte des informations fournies par le gouvernement que les quatre syndicats du personnel des services publics actuellement reconnus comptaient, au 31 décembre 1963, un total de 406.820 membres (dont 75.605 pensionnés), et que le nombre des fonctionnaires des services en question était de 420.000. Quant à la Fédération autrichienne des fonctionnaires, elle n'a pas, jusqu'ici, publié de chiffres sur le nombre de ses membres, mais, d'après les données dont on dispose, leur nombre serait de 10.000 à 20.000. Le gouvernement déclare que les membres des quatre syndicats mentionnés élisent périodiquement leurs bureaux et indique les dates auxquelles ont été tenus leurs congrès respectifs, tous très récents (1959, 1961, 1962 et 1963). Le gouvernement joint à sa communication les statuts de chacun de ces syndicats.
- 14. D'après le gouvernement, les conditions d'emploi dans les services publics sont généralement régies par des dispositions légales, cependant, il reste un large champ pour la négociation collective. La condition préliminaire établie par la loi pour l'attribution de la faculté de conclure des conventions collectives est que le nombre des membres d'un syndicat et l'importance de ses activités dans le domaine économique lui confèrent un caractère présentatif. La Fédération autrichienne des fonctionnaires n'a pas demandé jusqu'ici l'attribution de cette faculté. Le gouvernement déclare aussi que les quatre syndicats mentionnés ont l'appui de la Fédération autrichienne des syndicats dans leurs revendications et que cette organisation centrale est représentée à la Commission paritaire des prix et des salaires et dans l'élaboration de la politique économique et sociale de l'Etat. Ces organisations sont entièrement indépendantes; en diverses occasions, elles ont entrepris des actions syndicales à l'appui de leurs demandes et ont soulevé un grand nombre de différends avec la République d'Autriche et avec d'autres employeurs publics au nom de leurs membres. Chacune d'elles a un siège central et des branches dans tout le pays, avec un total de deux cent quarante-six employés. Par contre, la Fédération autrichienne des fonctionnaires ne consacre pas, semble-t-il, plus d'une heure par semaine à la réception des réclamations de ses membres.
- Allégations relatives au défaut de représentation de la Fédération autrichienne des fonctionnaires dans les organes consultatifs
- 15. Le Comité observe que, dans le présent cas, la plainte principale porte sur le fait que la Fédération autrichienne des fonctionnaires n'est pas reconnue par les administrations pour la consultation sur les questions de personnel. De son côté, le gouvernement soutient que le droit de représentation dans l'entreprise (et, par extension, dans une administration publique) n'est pas compris dans le concept de droit d'association au sens des conventions internationales et doit être distingué de la représentation des intérêts collectifs des membres d'une profession par les organisations respectives. En d'autres termes, le gouvernement considère que les normes internationales en matière de liberté syndicale ne justifieraient pas la demande des plaignants que la Fédération soit admise dans les organismes consultatifs existants. Pour éclairer la situation, le gouvernement indique que, dans le meilleur des cas, le nombre des membres de la Fédération ne dépasse pas les 20.000, chiffre très inférieur aux chiffres mentionnés pour les autres associations de personnel des services publics, d'où il résulte que cette fédération serait une organisation nettement minoritaire.
- 16. Dans divers cas précédents, le Comité a considéré qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur le droit d'une organisation déterminée à être invitée, par exemple, à faire partie d'un organisme consultatif, à moins que son exclusion ne constitue un cas flagrant de discrimination affectant les principes de la liberté syndicale, et que c'est là une question sur laquelle le Comité doit statuer dans chaque cas particulier, selon les circonstances.
- 17. D'autre part, comme l'a rappelé le Comité en différentes occasions , notamment à l'occasion de la discussion du projet de convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, la Conférence a évoqué la question du caractère représentatif des syndicats et a admis, jusqu'à un certain point, la distinction que l'on fait quelquefois entre les différents syndicats selon leur degré de représentativité. Toutefois, quant à ce point spécial, le Comité a considéré que, si admissible qu'elle soit en elle-même, il faut en premier lieu que les critères dont s'inspire cette distinction entre organisations plus ou moins représentatives soient d'une nature objective et se fondent sur des éléments qui n'offrent pas de possibilités d'abus.
- 18. Dans un cas semblable mettant en cause la France , cas où s'est posé le problème d'une organisation syndicale qui n'avait pas été admise à être représentée dans les organismes internes d'une entreprise de l'Etat, le Comité a considéré que, cette organisation ne représentant qu'une faible proportion des entreprises intéressées, il n'avait pas été apporté de preuves suffisantes du fait que le refus d'accorder cette participation constituait une violation des droits syndicaux.
- 19. Dans le présent cas, vu les chiffres donnés quant au nombre des membres des organisations du personnel des services publics, y compris ceux de la Fédération autrichienne des fonctionnaires, permettant d'appliquer un critère objectif pour déterminer le caractère plus ou moins représentatif de ces organisations, le Comité considère que l'exclusion de la Fédération des organes consultatifs constitués ne peut être considérés comme un cas flagrant de discrimination affectant les principes de la liberté syndicale, étant donné le caractère nettement minoritaire de cette fédération.
- 20. Dans ces conditions, le Comité considère que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu violation des droits syndicaux et recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- Allégations relatives au défaut de possibilités d'action de la Fédération autrichienne des fonctionnaires
- 21. Les plaignants ont allégué que tout ce qu'a pu obtenir la Fédération autrichienne des fonctionnaires a été la reconnaissance judiciaire du droit de se dénommer « syndicat ». Cette décision n'a changé en rien la situation de fait et la Fédération continue à n'être pas reconnue. A ce sujet le Comité rappelle que le gouvernement avait déclaré, dans sa réponse, que les syndicats du personnel des services publics ont, en principe, le droit à la négociation collective. La condition établie par la loi pour l'exercice de ce droit est que l'organisation ait un caractère représentatif par le nombre de ses membres et l'importance de son activité dans le domaine économique. En ce qui concerne la Fédération autrichienne des fonctionnaires, celle-ci n'a pas encore demandé à être reconnue aux fins de négociations collectives.
- 22. D'autre part, cependant, le Comité considère que la raison d'être d'un syndicat est dans la défense et la représentation des intérêts de ses membres. La simple possibilité d'existence légale d'un syndicat ne satisfait pas aux principes de la convention (no 87); sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; cette convention garantit, en son article 2, la liberté de choix des travailleurs en matière d'affiliation à une organisation déterminée et définit en son article 10 l'organisation comme étant « toute organisation de travailleurs ou d'employeurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs ou des employeurs ».
- 23. Or, d'après le décret de 1946 mentionné par les plaignants et par le gouvernement, et qui prévoit l'intervention des syndicats dans les questions concernant le personnel dans une administration publique, les organisations reconnues à cette fin sembleraient être les seules autorisées, entre autres compétences, à présenter des réclamations pour un fonctionnaire, si celui-ci le demande, ou lorsqu'une mesure peut intéresser fondamentalement un ou plusieurs fonctionnaires.
- 24. Le Comité a accepté, sous certaines conditions, comme un fait non contraire aux principes de la liberté syndicale, qu'une organisation minoritaire ne soit pas qualifiée d'après la loi pour être représentée dans des organes consultatifs, comme on l'a vu plus haut, ou ne soit pas autorisée à engager des négociations collectives. Toutefois, le Comité a aussi déclaré que la distinction entre les organisations syndicales les plus représentatives et les autres organisations ne devrait pas avoir pour conséquence de priver les organisations syndicales non reconnues comme les plus représentatives des moyens essentiels pour la défense des intérêts professionnels de leurs membres.
- 25. D'autre part, le Comité observe que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations analysant la législation syndicale du Danemark en ce qui concerne les fonctionnaires , avait constaté que, selon celle-ci, l'administration ne peut reconnaître qu'une seule organisation de fonctionnaires et que cette reconnaissance implique pour l'organisation en question le droit d'être consultée et d'être représentée dans les organes consultatifs, et celui de négocier. Pour cette raison, le Comité a déclaré que, si la « reconnaissance » d'une organisation aux fins de représentation dans les organismes paritaires ou de consultation préalable peut être admise dans des conditions déterminées, le fait que la loi elle-même n'autorise cette reconnaissance qu'en faveur d'une seule organisation et n'accorde qu'à celle-ci le droit de négocier, peut, dans certains cas, limiter les possibilités d'action des organisations non reconnues. En outre, le fait que l'organisation « reconnue » est la seule qui puisse, en pratique, « promouvoir et défendre » les intérêts de ses membres pouvait être incompatible avec le principe de l'article 2 de la convention no 87, selon lequel les intéressés ont le droit de constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier. Le Comité n'a pas insisté sur ses observations à ce sujet quand le gouvernement a fait savoir que les organisations non reconnues, bien que ne jouissant pas du droit de négociation collective, étaient autorisées à présenter des requêtes à l'administration.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 26. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que les allégations relatives à la représentation de la Fédération autrichienne des fonctionnaires dans les organismes consultatifs des services publics n'appellent pas un examen plus approfondi.