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  1. 72. La plainte de l'Union des syndicats congolais est contenue dans une communication en date du 17 février 1966, complétée par une communication du 5 avril 1966. Le texte de la plainte ayant été transmis au gouvernement pour observations, celui-ci a fait parvenir sa réponse par une lettre en date du 21 mars 1966.
  2. 73. Le Congo (Kinshasa) n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 74. Les plaignants alléguaient essentiellement que, par une ordonnance du 15 février 1966, le chef de l'Etat aurait supprimé le droit de grève, ce qui, aux yeux des plaignants, constituerait non seulement une atteinte portée au libre exercice des droits syndicaux, mais s'inscrirait en outre en violation de l'article 28 de la Constitution congolaise.
  2. 75. Dans sa réponse datée du 21 mars 1966, le gouvernement indiquait que la mesure prise par le chef de l'Etat visant à suspendre momentanément l'exercice du droit de grève avait sa seule origine dans les circonstances de l'époque et n'impliquait nullement une suppression du droit de grève.
  3. 76. Ayant donné les renseignements ci-dessus pour «information» de l'O.I.T, le gouvernement déclarait que « l'Union des syndicats congolais n'est pas un syndicat agréé par le gouvernement congolais et que, par conséquent, il serait déplacé que le gouvernement congolais puisse donner des observations et arguments sur les allégations portées contre lui par un syndicat irrégulier dont la plainte n'est pas recevable ».
  4. 77. Saisi du cas à sa quarante-troisième session, tenue au mois de mai 1966, le Comité a estimé qu'avant d'envisager un examen de l'affaire quant au fond, il lui appartenait de déterminer si l'organisation qui avait déposé la plainte était habilitée à le faire en vertu de la procédure en vigueur. Il a noté à ce propos que le B.I.T, bien qu'ayant connaissance de l'existence de cette organisation depuis quelque temps déjà, ne possédait pas d'informations précises quant à son statut juridique, à son importance ou à ses liens avec d'autres organisations professionnelles, nationales ou internationales.
  5. 78. Afin de se prononcer en connaissance de cause sur la recevabilité de la plainte, le Comité a donc jugé utile d'obtenir du plaignant des renseignements sur son statut, ses effectifs et son affiliation, et il a chargé le Directeur général de se mettre en rapport avec lui aux fins d'obtenir lesdits renseignements.
  6. 79. Parallèlement, la non-reconnaissance par les autorités publiques d'une organisation syndicale n'étant pas, en soi, une raison suffisante pour priver cette organisation de son droit de recourir à la procédure de plainte en violation de la liberté syndicale devant le Comité, celui-ci a considéré utile également de solliciter du gouvernement des informations sur le statut juridique exact de l'organisation plaignante, sur la signification et la portée de l'agréation d'un syndicat, sur la législation applicable en la matière et, notamment, sur les conditions auxquelles est subordonné l'enregistrement. Le Comité a en conséquence chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement les informations en question.
  7. 80. Saisi de nouveau de l'affaire à sa quarante-quatrième session, tenue au mois de novembre 1966, le Comité a constaté que le Directeur général, par une lettre en date du 30 mai 1966, avait sollicité du plaignant les informations complémentaires dont la nature est précisée au paragraphe 78 ci-dessus, mais que cette lettre était restée sans réponse.
  8. 81. A ce propos, le Comité a relevé que, dans une communication du plaignant datée du 5 avril 1966, celui-ci alléguait que la lettre du Directeur général du fer mars 1966, par laquelle ce dernier informait le plaignant de son droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de sa plainte, avait été retirée de la poste par la Confédération des syndicats libres du Congo, lue et transmise au ministère du Travail.
  9. 82. Le Comité a considéré que, si une telle allégation correspondait à une réalité, les circonstances dont elle faisait état pourraient expliquer que la lettre du Directeur général du 30 mai 1966 n'ait peut-être pas été reçue et qu'elle soit donc restée sans réponse.
  10. 83. Quoi qu'il en soit, constatant qu'il n'avait pas obtenu les renseignements qu'il avait jugé utiles à l'examen de l'affaire et qu'il existait un élément d'incertitude quant à la réception de la communication par laquelle ces renseignements avaient été demandés, le Comité a chargé le Directeur général de renouveler sa demande auprès de l'organisation plaignante.
  11. 84. En ce qui concerne les informations qu'il avait exprimé le désir de recevoir du gouvernement, et dont la nature est précisée au paragraphe 79 ci-dessus, le Comité a constaté que, le Directeur général ayant sollicité lesdites informations par une lettre du 30 mai 1966, le gouvernement avait répondu par une communication en date du 18 août 1966.
  12. 85. Dans cette réponse, le gouvernement rappelait tout d'abord que l'Union des syndicats congolais n'était pas une organisation professionnelle agréée par le ministre du Travail et qu'elle n'avait donc pas d'existence juridique; le gouvernement en inférait que ladite organisation ne saurait exercer une activité syndicale quelconque, ni sur l'étendue du territoire national ni devant les instances internationales.
  13. 86. Le gouvernement indiquait ensuite qu'en réponse à la demande d'enregistrement déposée par l'organisation plaignante les autorités compétentes avaient fait savoir à cette organisation qu'il convenait qu'elle attende l'examen de ses statuts « conformément à la législation en la matière qui se trouve actuellement à la signature du Président de la République».
  14. 87. Le gouvernement précisait que le ministre du Travail avait élaboré de nouveaux textes législatifs fixant les conditions que devrait remplir tout syndicat pour se faire enregistrer. Ces textes, déclarait le gouvernement, s'inspirent de l'esprit de l'article 28, para graphe 1, de la Constitution nationale, qui est ainsi conçu: « Tous les Congolais ont le droit de se réunir paisiblement et sans armes, et de fonder des syndicats ou autres associations ou de s'y affilier pour promouvoir leur bien-être et assurer la défense de leurs intérêts politiques, sociaux, économiques, religieux et autres. » Les textes législatifs élaborés, déclarait le gouvernement, consacrent « une pleine liberté aux associations professionnelles » et fixent uniquement des conditions de forme.
  15. 88. Il semble ressortir des observations du gouvernement - relevait le Comité à sa session de novembre 1966 - que de nouvelles dispositions législatives régissant l'enregistrement (ou agréation) ont été élaborées, mais ne sont pas encore entrées en vigueur et que, dans ces conditions, il n'apparaissait pas quelles étaient les dispositions ou règles applicables en la matière au moment du dépôt de la plainte. En effet, constatait le Comité, il ressort des données disponibles que les textes de 1957 qui régissaient le droit d'organisation ont été abrogés en 1964 sans que, apparemment, du moins en ce qui concerne l'enregistrement, ils aient été remplacés par d'autres dispositions.
  16. 89. Or, constatait le Comité, il se trouve que le syndicat plaignant avait, tout au moins au mois de février 1966, date du dépôt de la plainte, une existence de fait. Le gouvernement ayant invoqué l'inexistence juridique du plaignant pour inciter le Comité à considérer sa plainte comme irrecevable, ce dernier a estimé que c'était au gouvernement de préciser les raisons pour lesquelles le syndicat auteur de la plainte n'avait pas obtenu l'enregistrement et ne devrait pas être considéré comme ayant une existence juridique.
  17. 90. Le Comité a rappelé, en effet, que, dès son premier rapport, il a estimé que l'on irait à l'encontre des fins auxquelles a été établie la procédure d'examen des plaintes en violation des droits syndicaux si l'on admettait que la dissolution ou la non-reconnaissance d'une organisation par un acte gouvernemental abolit le droit de ladite organisation de recourir à la procédure en question.
  18. 91. Dans ces conditions, avant d'envisager l'examen du fond de l'affaire, le Comité, pour se faire une opinion sur le point de savoir si la plainte émanait d'une organisation habilitée à la déposer, a estimé qu'il lui était nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations précises sur les dispositions législatives éventuelles qui régissaient l'enregistrement des syndicats au moment du dépôt de la plainte ou toute autre règle applicable en la matière et, en particulier, sur les conditions dans lesquelles ces règles ou dispositions ont été appliquées dans le cas précis de l'Union des syndicats congolais; le Comité a en conséquence chargé le Directeur général d'obtenir lesdites informations du gouvernement.
  19. 92. Par une lettre en date du 15 novembre 1966, le Directeur général a prié l'organisation plaignante de fournir les informations dont la nature est précisée au paragraphe 78 ci-dessus, lettre qui, à ce jour, est restée sans réponse. Par une lettre portant la même date, le Directeur général a sollicité du gouvernement les informations complémentaires dont il est question au paragraphe précédent. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 12 décembre 1966.
  20. 93. Dans cette communication, le gouvernement affirme tout d'abord qu'il n'aurait pas hésité à répondre quant au fond s'il s'agissait d'une organisation professionnelle ayant une existence juridique. « A cet effet - poursuit le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, signataire de la lettre du gouvernement -je crois qu'il appartient au Comité de la liberté syndicale de prendre en considération les lois nationales et de reconnaître uniquement les institutions nationales établies. Il serait fort illégal pour mon gouvernement de traiter avec une organisation qui n'existe pas. La pratique nationale ne le permet aucunement. Et le Comité, malgré les objectifs en matière de respect de la liberté syndicale qu'il poursuit, ne devrait pas favoriser un climat de non-respect des institutions nationales et d'insécurité, surtout dans un pays en voie de développement, en reconnaissant, lui, des organisations qui ne sont pas connues du gouvernement. Il devrait plutôt s'attacher au préalable aux aspects juridiques en cette matière. »
  21. 94. Le gouvernement joint néanmoins à sa communication les textes législatifs qui fixaient antérieurement les conditions d'enregistrement des syndicats, de même que celui de l'ordonnance-loi no 122, du 1er mai 1964, dont l'article 7, paragraphe 1, porte abrogation des textes susvisés. Le gouvernement précise qu'à l'heure actuelle il n'existe, en ce qui concerne le droit d'association, aucune législation, celle-ci se trouvant toujours à l'état de projet.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 95. Il ressort ainsi clairement des éléments fournis par le gouvernement qu'aujourd'hui comme au moment du dépôt de la plainte, il n'existe et n'existait aucun texte régissant les conditions d'enregistrement des syndicats.
  2. 96. Il n'en subsiste pas moins que, d'après les déclarations mêmes du gouvernement, l'organisation plaignante s'est vu refuser l'enregistrement par les autorités, lesquelles, de ce fait, lui contestent toute existence juridique.
  3. 97. Lorsqu'il aura eu connaissance des motifs qui ont incité le gouvernement à adopter à l'égard de l'organisation plaignante la position qui a été la sienne, peut-être le Comité les estimera-t-il justifiés et considérera-t-il, dès lors, à l'instar du gouvernement, que l'organisation à l'origine de la plainte n'était pas habilitée à déposer cette dernière. Toutefois, pour les raisons exposées plus haut (voir paragr. 79 et 89 à 91 ci-dessus), le Comité considère que c'est à lui de se prononcer sur la question préalable de la recevabilité de la plainte et non pas au gouvernement comme celui-ci semble estimer que ce soit le cas.
  4. 98. Le Comité croit devoir signaler ici, comme il l'avait fait à l'occasion d'affaires antérieures, que la procédure en vigueur en matière de soumission de plaintes relatives à des violations de la liberté syndicale prévoit que ces plaintes doivent émaner soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements. Or, dans son premier rapport, le Comité rappelle avoir déjà indiqué que l'on pouvait parfois faire valoir que les personnes qui prétendent agir au nom d'une organisation de ce genre ne sont pas habilitées à le faire si cette organisation a été dissoute ou n'a pas été reconnue. Dans ces cas, constatait le Comité, des contestations pourraient évidemment s'élever quant à l'autorité dont jouissent exactement les personnes qui prétendent agir au nom de l'organisation intéressée et il a fait savoir qu'il serait disposé à examiner chaque affaire selon ses mérites. Il a déclaré toutefois qu'il ne jugerait jamais une plainte irrecevable par le seul fait que le gouvernement en cause a dissous l'organisation au nom de laquelle la plainte est présentée ou n'a pas reconnu cette organisation. En adoptant ce point de vue, le Comité s'est inspiré des conclu siens approuvées à l'unanimité par le Conseil d'administration en 1937 lorsque, à propos du cas relatif au Parti travailliste de l'île Maurice, il a examiné une plainte fondée sur l'article 24 de la Constitution de l'O.I.T. (alors art. 23). Dans le cas en question, le Conseil d'administration a établi le principe selon lequel il se réserve la possibilité d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider si un organisme doit ou non être considéré comme une organisation professionnelle aux fins de la Constitution de l'O.I.T et il ne se considère lié par aucune définition de l'appellation « organisation professionnelle » que pourrait donner un gouvernement. Le Comité a toujours suivi les mêmes principes pour juger de la recevabilité des plaintes dont il a eu à connaître. C'est pourquoi il a toujours estimé qu'une plainte ne saurait être irrecevable pour la seule raison que le gouvernement visé a dissous l'organisation qui la présente ou n'a pas reconnu cette organisation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 99. Etant donné ce qui précède, et afin que le Comité soit en mesure de déterminer si l'Union des syndicats congolais était ou n'était pas habilitée à déposer sa plainte, le Comité recommande au Conseil d'administration d'insister auprès du gouvernement pour que celui-ci veuille bien indiquer les motifs pour lesquels il a jugé opportun de refuser de reconnaître l'organisation plaignante ainsi que la procédure suivie par lui en la circonstance; le Comité recommande en outre au Conseil d'administration d'ajourner l'examen du cas jusqu'à sa prochaine session.
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