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- 69. Le comité a examiné ce cas à sa session de mars 1972, à l'issue de laquelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport qui figure dans son 130e rapport, recommandant au Conseil d'administration, conformément à la procédure en vigueur, d'examiner ce rapport à sa 186e session (2-3 juin 1972). L'organisation plaignante ayant, par une communication datée du 25 janvier 1972, apporté des informations complémentaires sur le cas, et la Confédération mondiale du travail ayant demandé par une autre communication que le cas soit à nouveau soumis au comité, le Conseil d'administration a décidé, lors de sa session de juin 1972, d'en ajourner l'examen.
- 70. La nouvelle communication de la CLAT a été transmise au gouvernement, qui a formulé ses observations dans un document en date du 1er février 1973.
- 71. La Colombie n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 72. La plainte initiale de la CLAT avait été présentée par télégramme, daté du 24 novembre 1971. Cette plainte ayant été transmise au gouvernement, celui-ci a formulé ses observations dans une communication du 6 décembre 1971, confirmée par une autre communication du 18 janvier 1972.
- 73. Les plaignants alléguaient que le gouvernement colombien aurait "interdit catégoriquement" la tenue du sixième Congrès de la CLASC en territoire colombien et demandaient l'intervention de l'OIT pour éclaircir l'attitude du gouvernement colombien "profondément attentatoire aux droits des travailleurs".
- 74. Dans sa réponse, le gouvernement affirmait n'avoir jamais refusé à la CLASC l'autorisation de se réunir à Bogota. Il expliquait qu'il n'avait pas été possible de donner suite à la demande tendant à obtenir l'autorisation de tenir le congrès du fait que cette demande avait été présentée par une organisation - la Confédération générale du travail - qui, faute de jouir de la personnalité juridique, n'était pas habilitée à faire cette démarche. Il indiquait ensuite que, pour tourner cet obstacle légal, le gouvernement avait appuyé la suggestion du président de la Confédération générale du travail qui avait proposé que le congrès eût lieu sous les auspices de l'Action syndicale d'Antioquia mais que cette proposition n'avait pas été suivie. Enfin, le gouvernement déclarait qu'il n'était pas à même d'accorder l'aide financière importante qui avait été demandée pour l'organisation du congrès, d'une part, en raison de l'absence de crédits budgétaires à cet effet, d'autre part, à cause de l'impossibilité de procéder à des transferts budgétaires à cette fin du fait que la Confédération générale du travail ne jouissait pas de la personnalité juridique.
- 75. Le gouvernement joignait à sa réponse le texte d'une communication adressée par le ministre du Travail à M. Jairo Gutiérrez, président de la Confédération générale du travail (et cosignataire de la plainte en qualité de président du sixième Congrès de la CLASC).
- 76. Dans cette communication, le ministre s'exprimait en ces termes: "En votre qualité de président de l'organisation syndicale appelée "Confédération générale du travail", vous nous avez signalé que, en novembre prochain, se tiendra dans cette ville, du 21 au 27, le sixième Congrès continental des travailleurs de la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC). Dans votre message... vous ajoutez que la réalisation du congrès envisagé entraînera pour votre organisation un coût de l'ordre de quatre millions de pesos colombiens, raison pour laquelle, au nom de la Confédération générale du travail, vous demandez que le Président de la République étudie la possibilité d'accorder une aide immédiate d'un million de pesos en vue dudit congrès international. En présentant votre demande d'aide financière, vous relevez ce qui suit: "connaissant, comme nous le faisons, les difficultés budgétaires que les ministères rencontrent à la fin de chaque année, nous vous demandons très respectueusement de faire le nécessaire pour obtenir une autorisation de transfert si le ministère que Vous dirigez ne disposait pas de crédits"."
- 77. "En réponse à votre demande - poursuivait la communication du ministre du Travail -, je me permets de vous faire savoir ce qui suit: le chef de la division départementale du travail et de la sécurité sociale d'Antioquia... a remis au chef de la division des relations collectives de ce ministère la documentation ayant trait à la constitution d'une organisation syndicale de troisième degré en formation appelée "Confédération générale du travail", avec son siège principal en la ville de Bogota et un champ d'action s'étendant à tout le territoire national. Ladite documentation a été étudiée par la section de la réglementation et de l'enregistrement des syndicats à la division des relations collectives de travail de ce ministère, qui a pu constater, au cours de son examen, certaines irrégularités de fond qui ont empêché la poursuite des formalités prévues au chapitre 3 du titre 1er du Code du travail. Etant donné ces déficiences, le chef de la section de la réglementation et de l'enregistrement des syndicats, après les avoir dûment déterminées et conformément aux dispositions du Code du travail, a formulé les observations pertinentes... ci-après: renvoyer, par le canal de la division départementale du travail et de la sécurité sociale d'Antioquia, la documentation en question pour que les intéressés rectifient les erreurs mises en évidence dans le présent document à toutes les fins légales."
- 78. "Les éléments que je viens d'exposer - déclarait le ministre dans sa communication - conduisent nécessairement à conclure que la Confédération générale du travail est une organisation dont la demande de reconnaissance de la personnalité juridique est actuellement à l'étude, c'est-à-dire qu'elle ne jouit pas de la plénitude des droits que la législation consacre en faveur des associations de travailleurs qui ont la personnalité juridique. Par conséquent, tant que la pièce administrative reconnaissant la personnalité juridique et portant approbation des statuts n'aura pas été établie, elle ne peut ni agir en cette qualité, ni remplir les fonctions qui sont les siennes aux termes de la loi et de ses statuts, ni exercer les droits prévus, car ainsi le veut l'article 372 du Code du travail."
- 79. "D'autre part - poursuivait la communication du ministre -, l'article 2 du décret no 35 du 20 janvier 1956, qui a remplacé l'article 5 du décret exécutif no 2655 du 8 septembre 1954, dispose ce qui suit: pour qu'une ou plusieurs confédérations puissent réunir un congrès syndical, il faut qu'au moment de la convocation ces confédérations fonctionnent légalement et normalement, condition qui, on l'a vu, n'est pas remplie pour l'instant par la Confédération générale du travail. Il ressort de ce qui précède que la Confédération générale du travail est, à l'heure actuelle, juridiquement inapte à promouvoir, organiser et tenir un congrès de l'ampleur de celui qu'elle a prévu de convoquer en qualité d'organisation syndicale de troisième degré, reconnue comme telle par le gouvernement national, et d'organisme représentatif d'une partie de la classe laborieuse colombienne."
- 80. La communication du ministre poursuivait en ces termes: "Quant à la demande d'une aide financière pour permettre la réunion du congrès syndical international envisagée, bien que, conformément aux dispositions de l'article 428 du Code du travail, notre administration ait l'obligation de faciliter la tenue de congrès syndicaux, elle juge bon, conformément à la réglementation qu'elle considère comme appropriée, de vous dire qu'elle n'est pas en mesure de fournir la somme demandée car, outre qu'aucun crédit n'est inscrit au budget, elle ne pourrait légalement entreprendre les démarches en vue d'un transfert de fonds pour permettre la réalisation d'un congrès prévu et organisé par une organisation qui, pour l'instant, étant donné qu'elle est en voie de formation, n'a pas la personnalité juridique, qui serait indispensable pour justifier une attribution de fonds non inscrits au budget national."
- 81. "Cependant - concluait la communication du ministre -, en dépit des empêchements de caractère juridique et financier exposés dans les paragraphes précédents, je saisis cette occasion pour vous dire que le gouvernement national se féliciterait de voir la réunion syndicale internationale envisagée se tenir sous la responsabilité directe de l'Action syndicale d'Antioquia, comme vous le suggérez avec pertinence dans votre message du 2 octobre 1971. Ainsi, le pays pourrait accueillir un congrès syndical qui, en raison de la qualité des participants, de leur caractère représentatif et de la diversité des régions dont ils viendraient marquerait un important jalon dans l'histoire du syndicalisme colombien, ce qui répond parfaitement à l'un des postulats essentiels de la politique appliquée par le gouvernement national, à savoir stimuler l'exercice du droit constitutionnel d'association et, par conséquent, l'exercice des facultés que notre droit positif confère aux organisations syndicales de la République pour maintenir ainsi la paix sociale, base fondamentale du progrès national."
- 82. Des éléments dont disposait le comité à sa session de mars 1972, il ressortait que la demande d'autorisation de tenir le dixième Congrès de la CLASC à Bogota émanait d'une organisation nationale colombienne en formation et, de ce fait, ne jouissant pas encore de la personnalité juridique. Or, en vertu de la législation colombienne, pour qu'une confédération puisse organiser un congrès, il faut qu'au moment de sa convocation la confédération organisatrice fonctionne "légalement et normalement". Il semble que la Confédération générale du travail ait été consciente de cet obstacle juridique mis à ce qu'elle organise elle-même le congrès envisagé puisque, de son propre chef, ainsi que le rapporte le gouvernement, elle avait suggéré que le congrès soit organisé sous les auspices de l'Action syndicale d'Antioquia jouissant, elle, de la personnalité juridique. Il apparaissait que, loin d'avoir eu des objections à cette suggestion, le gouvernement y avait souscrit sans réserve et l'on ignore la raison pour laquelle cette solution n'a finalement pas été adoptée.
- 83. Etant donné ce qui précède, le comité, estimant qu'il n'avait pas été établi que la tenue du sixième Congrès de la CLASC à Bogota ait été interdite par les autorités colombiennes, recommandait au Conseil d'administration de décider que le cas n'appelait pas de sa part un examen plus approfondi.
- 84. Comme il a été indiqué plus haut, le Conseil d'administration, ayant reçu de nouveaux éléments d'information, avait décidé d'ajourner l'examen du cas.
- 85. Par sa communication du 25 mars 1972, la CLAT faisait tenir au Bureau une relation détaillée des faits, résumée ci-dessous. Plus de cent syndicats dotés de la personnalité juridique, affiliés à cinq fédérations régionales et nationales elles-mêmes dotées de la personnalité juridique, ont appuyé la convocation du sixième Congrès de la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne, qui devait se tenir à Bogotá en novembre 1971, conformément à la décision prise en octobre 1970 lors du douzième Congrès latino-américain des travailleurs. D'importantes organisations syndicales colombiennes qui n'étaient pas affiliées à la CLASC avaient elles aussi donné leur appui à la tenue de ce congrès. Le 1er mai 1971, cinq fédérations dotées de la personnalité juridique et sept comités syndicaux régionaux, ainsi que cent syndicats, se sont constitués en une Confédération générale du travail (CGT), qui s'est elle-même affiliée à la Confédération mondiale du travail et à la CLASC. La CGT ainsi que d'autres organisations syndicales ont alors constitué quinze commissions de travail chargées de préparer les travaux du Congrès, sous la direction de la commission organisatrice de la CLASC. Du 11 au 15 août 1971, une commission de la CLASC, accompagnée de Jairo Gutiérrez, président de la CGT, s'est rendue auprès des autorités colombiennes pour leur faire part de la décision de tenir le sixième Congrès de la CLASC en Colombie, pour se renseigner sur les formalités légales à remplir et pour demander au gouvernement les facilités habituellement accordées en pareil cas.
- 86. D'après les plaignants, le Président de la République aurait accordé par télégramme une audience à la commission, qui avait eu vingt-quatre heures auparavant confirmation qu'elle serait reçue. Néanmoins, au moment où la commission se présentait pour l'audience, elle fut avisée que le Président ne pourrait pas la recevoir, en raison de graves problèmes d'ordre national. La commission fut cependant reçue par le Secrétaire général de la présidence de la République, le ministre du Travail, le vice-ministre du Travail et le secrétaire général faisant fonction de ministre des Affaires étrangères, en l'absence du ministre titulaire. Un mois plus tard, le 27 septembre 1971, devant l'insistance de la CGT, le Secrétaire général de la présidence envoya le télégramme suivant : "Ce que le gouvernement peut faire et fera est vous donner garanties pleines et entières pour réunion sixième Congrès CLASC qui selon toute attente se soumettra rigoureusement aux lois du pays."
- 87. A cette même date, poursuivent les plaignants, le secrétaire général faisant fonction de ministre des Affaires étrangères informait téléphoniquement le président de la CGT de ce qu'il avait donné des instructions afin que soient accordés les visas demandés pour les délégués de certains pays qui avaient besoin d'un visa pour entrer en Colombie. Par la suite, le 7 octobre 1971, le président de la CGT était informé de ce que les services intérieurs de la douane de Bogotá avaient reçu instruction de laisser entrer les documents, ouvrages, etc., qui devaient être distribués aux participants au Congrès, moyennant vérification préalable et dédouanement, le président de la CGT devant s'engager à présenter à la douane, après le Congrès, des documents signés attestant que les livres et la documentation avaient été remis à titre gracieux aux délégués.
- 88. Les plaignants déclarent que la commission organisatrice du Congrès, ayant examiné le télégramme du Secrétaire général de la présidence et constaté que l'état de siège avait été décrété en Colombie (circonstance qui interdit toute réunion sans autorisation préalable des autorités militaires), comprit que, bien que des garanties leur aient été offertes officiellement, les lois appliquées en Colombie faisaient obstacle en réalité à la tenue du Congrès. Les plaignants ajoutent que, bien que le vice-ministre des Affaires étrangères ait déclaré que les visas seraient accordés, ses subordonnés ne les délivraient pas; ils considèrent d'ailleurs que les formalités douanières compliquaient plus qu'elles ne facilitaient l'entrée de la documentation.
- 89. Devant cette situation, poursuivent les plaignants, dans la deuxième semaine du mois d'octobre 1971, une mission composée d'un dirigeant de la CLASC et de dirigeants syndicaux colombiens se présenta auprès du Secrétaire général de la présidence, qui, au lieu de la recevoir, lui fit parvenir un message selon lequel "le gouvernement étudiait actuellement la situation". De son côté, le chef du Service des visas du ministère des Affaires étrangères déclara qu'il avait ordre de ne pas accorder les visas. La mission demanda alors audience au secrétaire général faisant fonction de ministre des Affaires étrangères, qui ne voulut pas la recevoir, arguant de ce qu'il avait déjà donné des ordres pour que les visas soient accordés. Sur l'insistance des membres de la mission, le secrétaire général consentit enfin à les recevoir et leur fit savoir que le gouvernement avait donné des ordres pour que le Congrès n'ait pas lieu. Pour sa part, le vice-ministre du Travail déclara à la mission que des pressions extérieures s'opposaient à la tenue du Congrès. Enfin, le président de la CGT et la commission furent personnellement informés de ce que le gouvernement n'autorisait pas la tenue du Congrès, que les délégués étrangers ne pourraient pas entrer dans le pays, et que la loi colombienne sur l'état de siège porterait ses effets.
- 90. Les plaignants concluent en déclarant que la CGT n'a en aucun moment demandé l'autorisation de tenir le Congrès, qu'il n'avait jamais été dit qu'il s'agissait d'un congrès de la CGT, qu'il avait toujours été précisé que ce congrès était celui de la CLASC, et qu'il n'y avait aucune raison de dire que le refus d'autorisation était dû au fait que la CGT n'avait pas la personnalité juridique, puisque cette organisation se contentait de donner son appui au Congrès.
- 91. En réponse à cette communication de la CLAT, le gouvernement déclare que le récit chronologique de la CLAT est présenté sans preuves et au mépris du régime juridique et des intérêts supérieurs du pays. Le gouvernement fait dit n'avoir pas voulu refuser l'autorisation de tenir le Congrès, et que la mission de la CLASC a été reçue par diverses personnalités. Certes, il avait été rappelé à la mission que le Congrès devrait se dérouler dans le respect rigoureux des dispositions légales: en effet, poursuit le gouvernement, la Colombie se trouvait à ce moment-là en état de siège, et, conformément à la constitution et aux lois en vigueur, il appartenait au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre et la paix. Par conséquent, le gouvernement pouvait ajourner ou suspendre toute réunion, y compris les assemblées et conseils départementaux et municipaux, si cela répondait aux intérêts supérieurs du pays. Le gouvernement n'avait pas ignoré le congrès prévu, mais avait estimé qu'il n'était pas prudent d'en autoriser la tenue pendant l'état de siège: en état de siège, il n'est pas fait exception pour les réunions syndicales, et il n'y a pas lieu de condamner un gouvernement qui a jugé devoir, conformément aux dispositions de la loi, interdire une réunion en période d'état de siège.
- 92. Le gouvernement conclut qu'il n'y a pas eu violation de la liberté syndicale et du droit d'organisation. Dans l'ordre des priorités du processus gouvernemental figurent tout d'abord les intérêts supérieurs de la paix et de l'ordre. "Lorsqu'il est dit dans la constitution que le droit de réunion a des limites en période d'état de siège, ce n'est pas parce que la Colombie a décidé d'établir ce système; il s'agit en fait d'une situation... régi(e) par des lois ou d'autres institutions juridiques."
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 93. En présence de ces nouveaux éléments d'information, le comité constate l'évolution qui s'est produite pendant les démarches préparatoires à la tenue du Congrès: d'abord accueillies avec faveur par les diverses autorités nationales, elles ont en fin de compte abouti à l'interdiction du Congrès. En effet, les représentants de la CLASC et le président de la CGT ont au début été reçus par lesdites autorités, qui les ont assurés de ce que le gouvernement accorderait des facilités pour la tenue du Congrès. Les difficultés semblent avoir commencé en octobre 1971, notamment en ce qui concerne l'octroi des visas aux délégués étrangers et en ce qui concerne aussi la CGT, cette organisation n'ayant pas la personnalité juridique. Enfin, la tenue du Congrès a été interdite. Des informations communiquées par le gouvernement il ressort que celui-ci se déclarait à un certain moment en faveur de la réunion, sans toutefois accepter qu'elle fût organisée par la CGT, celle-ci ne possédant pas la personnalité juridique; or dans sa dernière communication ce même gouvernement explique que le Congrès a été interdit parce que l'on jugeait qu'il n'était pas prudent de le tenir en période d'état de siège. Il semblerait donc que, bien que le Congrès ait été préparé sous le patronage d'une autre organisation, qui, elle, jouissait de la personnalité juridique, il n'a pas pu se tenir en raison d'une décision prise par les autorités en vertu de l'état de siège.
- 94. Le comité a indiqué en diverses occasions que les mesures de caractère politique, telles que l'état de siège, échappent à sa compétence sauf quant aux effets qu'elles pourraient avoir sur les droits syndicaux. Dans le cas présent, ces effets ont été de restreindre le droit de réunion d'une organisation syndicale internationale. Il ne fait pas de doute qu'un gouvernement peut restreindre le droit de réunion en général, y compris celui des syndicats, en période d'état de siège, afin d'assurer l'ordre public. La position du gouvernement n'est toutefois pas très claire en ce qui concerne les motifs pour lesquels a été interdit le sixième congrès de la CLASC. En effet, il semble que l'état de siège ait été déclaré le 27 février 1971, c'est-à-dire qu'il était déjà en vigueur lorsque ont été entreprises les démarches tendant à la tenue du Congrès, mais que la décision d'interdire ce dernier en Vertu de l'état de siège n'ait été prise qu'au dernier moment, peu avant sa tenue, en novembre 1971. Les raisons pour lesquelles la CLASC a persévéré dans son intention de tenir le Congrès en Colombie, sachant que l'état de siège régnait dans le pays, ne sont d'ailleurs pas plus claires.
- 95. Comme le comité a déjà eu l'occasion de le déclarer dans un cas précédent, les réunions syndicales de caractère international sont susceptibles de soulever des problèmes spéciaux, non seulement en ce qui concerne la nationalité des participants, mais également en relation avec la politique et les engagements internationaux du pays dans lequel ces réunions doivent avoir lieu. Compte tenu de ces engagements, le gouvernement dudit pays pourrait juger nécessaire d'adopter des mesures restrictives en se fondant à cet égard sur certaines circonstances existant à un moment déterminé. De telles mesures pourraient à la rigueur être justifiées dans des cas exceptionnels, compte tenu d'une situation particulière et à condition qu'elles soient conformes aux dispositions en vigueur dans le pays. Toutefois, elles ne devraient jamais être appliquées de façon générale contre des organisations syndicales déterminées et sans qu'il existe, dans chaque cas, des motifs suffisants de nature à justifier les décisions du gouvernement, tels que les dangers réels qui pourraient surgir dans le domaine des relations internationales d'un Etat et du point de vue de la sécurité et de l'ordre publics. Sinon le droit de réunion, dont l'exercice doit être également reconnu aux organisations internationales, serait sérieusement limité.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 96. Dans ces conditions, sous réserve des considérations exprimées aux paragraphes 94 et 95, sur lesquels il désire attirer l'attention, et compte tenu de ce que le sixième Congrès de la CLASC s'est entre-temps tenu en un autre pays, le comité recommande au conseil d'administration de décider qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ce cas.