Display in: English - Spanish
- 124. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale des commissions ouvrières datée du 24 juin 1985. Cette organisation a présenté de nouvelles allégations dans une communication du 14 août 1985. Le gouvernement a répondu par une communication du 10 février 1986.
- 125. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 126. Le plaignant allègue dans sa communication du 24 juin 1985 que les travailleurs de la société AUMAR (Autopistas del Mare Nostrum), concessionnaire de l'Etat pour l'exploitation de l'autoroute Tarragone-Alicante, avaient lancé, dans les formes et délais légaux, un ordre de grève pour les 7, 8 et 9 avril 1985, l'étendant par la suite jusqu'au 18 avril. Les motifs de la grève étaient fondés sur la convention collective.
- 127. Le plaignant explique que cette entreprise rassemble sept centres de travail (cinq routiers et deux administatifs). Les centres routiers se composent en tout, en ce qui concerne les services de péage, de quatre stations principales, dites de tronçon, et de 22 péages secondaires.
- 128. Le plaignant ajoute que le décret royal 1554 du 18 juin 1982 sur le maintien du service public sur les autoroutes nationales à péage dispose en son article premier que l'exercice du droit de grève par le personnel qui prête ses services sur les autoroutes nationales à péage s'entend sous réserve du maintien du service public consistant à permettre l'utilisation ininterrompue du réseau, comme prévu dans les actes de concession administrative. L'article 2 dudit décret dispose que le délégué du gouvernement auprès des sociétés concessionnaires d'autoroutes nationales à péage déterminera, limitativement et par accord dûment motivé et justifié, l'effectif maximum nécessaire, compte tenu de l'ampleur et de la durée de la grève, pour assurer le fonctionnement dudit service public.
- 129. Selon le plaignant, en vertu du décret royal cité, ont été imposés des services minima; ces services ont été assurés pendant la grève, au point que pendant les journées de forte circulation (7, 8 et 9 avril) les effectifs ont dépassé 100 pour cent des effectifs prescrits pour le service normal et que pendant les journées de moindre circulation ils ont oscillé entre 60, 70 et 80 pour cent. La violation la plus grave, poursuit le plaignant, porte sur les péages secondaires, où le service minimum, exigible à tout moment, est le même que le service normal (une personne par poste chaque jour), de sorte que dans 22 péages le personnel (plus d'une centaine d'agents, soit plus de la moitié de l'effectif) a été privé de l'exercice de son droit constitutionnel de grève.
- 130. Le plaignant relève que même des péagers auxquels le tableau de service donnait normalement congé ont été obligés, en raison de la grève, de travailler pour assurer le service minimum. De même, au cours de la grève, le service minimum a été renforcé par instructions orales données au jour le jour. Les travailleurs ainsi requis ont été désignés unilatéralement par l'entreprise. En fait, en application du décret royal sur les services minima, le comité de grève lui-même a été obligé de travailler, et il est établi que le personnel affecté au service minimum égalait 100 pour cent les travailleurs appelés à la grève.
- 131. Dans sa communication du 14 août 1985, l'organisation plaignante allègue que, conformément à la loi, elle a lancé un ordre de grève de 24 heures pour le 20 juin 1985, en vue de défendre les intérêts généraux des travailleurs, de protester contre la réduction des pensions et d'obtenir le maintien de l'emploi, et qu'elle a désigné un comité de grève chargé de régler et d'assurer les services essentiels. Le plaignant ajoute que c'est en s'appuyant sur les décrets sur les services minima à maintenir en cas de grève dans les services essentiels (en particulier le décret royal 495/80 sur le Chemin de fer métropolitain de Madrid et les décrets royaux 2771/83 et 1728/84 sur les postes et télécommunications) qu'ont été émises les instructions fixant les services minima à assurer le 20 juin au Métro de Madrid, aux PTT et à l'entreprise municipale des Transports madrilènes.
- 132. Le plaignant estime qu'une telle conception du service minimum est abusive, non seulement parce qu'elle embrasse des services qui ne peuvent en aucune manière passer pour essentiels (guichets, nettoyage, magasinage, messagers, etc.), mais encore parce qu'elle restreint l'exercice du droit de grève pour une forte proportion des travailleurs, et cela au mépris des conditions formelles auxquelles la législation nationale subordonne la limitation du droit de grève.
- 133. Le plaignant évoque aussi la circulaire no 20/85 de la direction du Métro de Madrid, qui institue certains services minima qui ne correspondent pas à des besoins essentiels au sens strict, interdisant et limitant ainsi l'exercice du droit de grève pour un fort pourcentage des travailleurs; il cite également l'arrêté du gouverneur civil de Madrid du 17 juin 1985 sur les services minima sur le réseau d'autobus de Madrid, qui étend la notion de services essentiels aux nettoyeuses, aux commis, aux guichetiers etc. et prive ainsi du droit de grève la presque totalité du personnel; on peut en dire autant, ajoute le plaignant, de l'instruction du Directeur provincial des télécommunications sur les Postes et Télégraphes. Le plaignant fait observer que ces trois décisions ont été prises sans la participation, ni même la consultation, du syndicat auteur de la grève ou de ses représentants, et qu'aucune d'elles ne donne de motifs suffisants pour un tel niveau de services minima ou ne tient compte des moyens de transport individuels ni de la baisse du nombre d'usagers en raison même de la grève.
- 134. Le plaignant indique que les décisions en question ont été attaquées en justice par la Confédération syndicale des commissions ouvrières, pour violation du droit fondamental de grève; ces plaintes sont actuellement en instance. De même, deux dirigeants des commissions ouvrières ont attaqué le gouverneur civil devant le Tribunal de Madrid pour avoir porté atteinte à l'exercice du droit de grève en imposant des services minima abusifs.
- 135. Malgré toutes ces circonstances, conclut le plaignant, l'entreprise municipale des Transports madrilènes et le Métro de Madrid ont pris des sanctions sans attendre la décision des tribunaux.
B. Réponse du gouvernement 136. Dans sa communication du 10 février 1986, le gouvernement déclare que, le 29 mars 1985, la délégation gouvernementale auprès des sociétés concessionnaires d'autoroutes nationales à péage a reçu une lettre de la société AUMAR, concessionnaire de l'Etat, avec copie de la décision par laquelle le comité d'entreprise du centre d'Ametlla de Mar déclarait une grève légale illimitée à partir de 6 heures, le 7 avril 1985. Etant donné que les grèves du personnel des autoroutes nationales à péage sont subordonnées, en vertu de l'article premier du décret royal 1554 du 18 juin 1982, au maintien du service public consistant à permettre l'utilisation ininterrompue du réseau, comme prévu dans les actes de concession administrative, ladite délégation gouvernementale a déterminé le personnel minimum nécessaire, de façon limitative et par décision dûment motivée, compte tenu de l'ampleur et de la durée prévues de la grève, pour assurer la prestation du service public dans les conditions susdites.
B. Réponse du gouvernement 136. Dans sa communication du 10 février 1986, le gouvernement déclare que, le 29 mars 1985, la délégation gouvernementale auprès des sociétés concessionnaires d'autoroutes nationales à péage a reçu une lettre de la société AUMAR, concessionnaire de l'Etat, avec copie de la décision par laquelle le comité d'entreprise du centre d'Ametlla de Mar déclarait une grève légale illimitée à partir de 6 heures, le 7 avril 1985. Etant donné que les grèves du personnel des autoroutes nationales à péage sont subordonnées, en vertu de l'article premier du décret royal 1554 du 18 juin 1982, au maintien du service public consistant à permettre l'utilisation ininterrompue du réseau, comme prévu dans les actes de concession administrative, ladite délégation gouvernementale a déterminé le personnel minimum nécessaire, de façon limitative et par décision dûment motivée, compte tenu de l'ampleur et de la durée prévues de la grève, pour assurer la prestation du service public dans les conditions susdites.
- 137. Le gouvernement ajoute qu'avant de déterminer l'effectif minimum nécessaire la délégation du gouvernement a prié la Direction générale des Ponts et Chaussées (responsable du contrôle de la circulation sur les autoroutes) de la renseigner sur l'effectif minimum nécessaire pour assurer le service de l'autoroute sans interruption pendant 24 heures par jour, compte tenu du personnel normalement en place à chaque lieu de travail et du caractère probablement exceptionnel des journées pour lesquelles était prévue la grève en question. A la suite de quoi la délégation gouvernementale a procédé, le 2 avril 1985, à la détermination des services minima, et en a avisé la société concessionnaire pour qu'elle prenne les mesures nécessaires. Cette détermination était fondée sur les motifs suivants:
- a) l'intensité du trafic prévu pour les journées en question (le 7.4.85, 12.000 véhicules par jour; le 8.4.85, 25.900 véhicules; le 9.4.85, 10.950 véhicules);
- b) le nombre d'agents nécessaires dans lesdites conditions (sur le tronçon d'Hospitalet: le 7.4.85, 8; le 8.4.85, 10; le 9.4.85, 6; les autres jours, 5; aux accès de Cambrils, Hospitalet et Ametlla: tous les jours, un par station);
- c) le nombre minimum d'agents nécessaires selon le service des concessions de la Direction générale des Ponts et Chaussées (sur le tronçon d'Hospitalet: le 7.4.85, 3; le 8.4.85, 4; le 9.4.85, 3; les samedis, dimanches, jours fériés et veilles de fête, 3; les autres jours, 2; aux accès de Cambrils, Hospitalet et Ametlla: tous les jours, 1).
- 138. Le gouvernement signale qu'il a fallu aussi tenir compte d'autres circonstances, telles que le moment particulier de la grève (retour des congés de Pâques et incidence particulière le lundi 8 avril) et le fait que certaines stations ne sont normalement dotées que d'un seul agent, de sorte que la seule réduction possible aurait été de fermer le péage et donc l'accès, ce qui aurait été contraire à l'obligation de maintenir le service public; la délégation gouvernementale a donc jugé nécessaire le maintien des effectifs suivants, qui ont été communiqués à la société concessionnaire: station principale d'Hospitalet: le 7.4.85, 3 agents; le 8.4.85, 4; le 9.4.85, 3; les samedis, dimanches, jours fériés et veilles de fête, 3; les autres jours, 2. Station d'accès de Cambrils, d'Hospitalet et d'Ametlla: tous les jours, 1.
- 139. Le gouvernement indique aussi qu'après cette détermination, et la grève ayant déjà commencé, la délégation gouvernementale a reçu le 8 avril une lettre du directeur général de la circulation qui lui signalait que, par suite de la grève et par insuffisance des effectifs chargés du service minimum, il s'était produit à Hospitalet des encombrements qui, outre la gêne qu'ils causaient à la circulation proprement dite, risquaient de poser de véritables problèmes d'ordre public. Pour ces graves motifs de sécurité routière et de menaces à l'ordre public, il a été décidé d'augmenter les services minima de la manière suivante, par lettre du 8 avril 1985, suivie d'une autre du 11. Ainsi, à la station principale d'Hospitalet, le nombre total d'agents a été porté à six le 8 avril 1985, à cinq le 9, et à trois tous les vendredis entre 14 et 24 heures. En conclusion, la délégation gouvernementale, ne pouvant se soustraire à son devoir de servir l'intérêt général dans son domaine de compétence, s'est efforcée de maintenir un équilibre entre le droit légitime de grève des travailleurs, reconnu et garanti par la loi, et le droit non moins légitime et essentiel de la population à bénéficier des services publics, même réduits et imparfaits.
- 140. D'autre part, le gouvernement déclare que le comité d'entreprise de la CMM (Métro de Madrid), ayant décidé de soutenir la grève générale du 20 juin 1985, la direction de ladite compagnie a établi, par circulaire no 20/85, le service minimum à assurer ce jour-là dans le métro et sur la ligne de banlieue de Carabanchel. Le 19 juin, la direction de la compagnie a émis la circulaire no 21/85 réaffirmant la liberté du travail pour tous les agents qui décideraient de ne pas soutenir la grève; la circulaire a rappelé l'obligation de présence au poste de travail pour tous les travailleurs désignés pour les services essentiels et pour l'entretien, et recommandait aux travailleurs la plus grande attention pour éviter les dommages aux installations. Plus tard, par circulaire no 81/85, la direction a nommé les agents qui devaient tenir les services essentiels le 20 juin. La grève du 20 juin 1985 a eu des répercussions sur le service public, notamment sur les présences parmi le personnel roulant (le gouvernement a donné des chiffres par catégorie pour le personnel normal, les présents et les dotations pour service minimum), et sur le nombre de trains en service (le gouvernement donne un tableau qui indique, pour chaque heure de la journée, les trains qui circulent habituellement, les trains prévus pour maintenir le service minimum et les trains qui ont effectivement circulé).
- 141. A titre d'information générale, le gouvernement indique que la demande de transport s'élève (chiffre de janvier 1985) à 1,2 million de trajets par jour ouvrable moyen. Cela correspond environ à 27 pour cent des trajets effectués à Madrid, ou 38 pour cent des trajets par transports en commun. Ces niveaux interdisent d'assurer les déplacements par d'autres moyens, faute de capacité suffisante des véhicules et des voies sur lesquelles ils circulent. Les études faites par l'entreprise ont établi l'existence de deux périodes de pointe d'une demi-heure, l'une le matin de 8 h 30 à 9 heures, avec 56.900 passagers, et l'autre le soir de 18 heures à 18 h 30, avec 49.300 passagers, autour desquelles se situent les deux périodes maxima de demande; ces études montrent aussi que 93 pour cent des déplacements qui se produisent aux premières heures de la journée ont pour objet d'aller au travail (75 pour cent) ou aux études (18 pour cent), tandis que 80 pour cent des déplacements de fin d'après-midi sont des retours au domicile. Ces deux considérations permettent de constater qu'il y a dans la journée deux périodes de forte demande à satisfaire, l'une allant de 6 heures à 9 h 30 et l'autre de 18 heures à 21 heures; ces deux périodes correspondent au tiers de la durée ordinaire du service et à 43 pour cent de tous les déplacements quotidiens. C'est sur ces considérations qu'il faut donc fonder l'offre de transport propre à assurer le service essentiel.
- 142. Le gouvernement ajoute que deux chefs de station, un agent de guichet et six conducteurs ont été frappés de sanctions disciplinaires pour inexécution du service essentiel prévu pour le 20 juin 1985. Ces personnes ont été punies pour absence injustifiée de suspension d'emploi et de salaire pendant dix jours et d'un blâme. Après avoir fait appel devant la direction de l'entreprise et compte tenu de circonstances atténuantes, ces sanctions ont été réduites à deux jours de suspension d'emploi et de salaire et à une réprimande pour quatre des intéressés.
- 143. En ce qui concerne les Postes et Télégraphes, le gouvernement déclare que la Direction provinciale des communications de Madrid a établi le 19 juin une instruction fixant les services minima à assurer le 20 juin 1985, uniquement au cas où se produiraient ce jour-là des perturbations de la marche normale des services, conformément aux dispositions des décrets royaux 2775 du 2 novembre 1983 et 1728 du 26 septembre 1984. Le service minimum n'a été mis en place qu'aux quais et magasins du Centre de tri de Chamartín, où un grand nombre d'agents semblaient disposés à suivre le mouvement de grève, et pour l'équipe d'après-midi (14 à 21 heures) au Centre de réception/expédition aérien de Madrid Barajas, où tout le personnel s'était déclaré en faveur de la grève. La paralysie des quais et magasins de Chamartén aurait totalement interrompu l'acheminement du courrier arrivé par trains postaux ou venu de province ou des bureaux périphériques de Madrid; quant aux départs, ils auraient été affectés à 30 ou 40 pour cent des correspondances venant de Madrid ou en transit; à propos du service de réception/expédition de Barajas, il faut signaler que c'est un point vital de l'aéroport, car il reçoit et expédie tous les vols postaux nationaux et étrangers, toutes les voitures de navette desservant les bureaux de Madrid et toutes les correspondances avec la Grande poste de Cibeles et le Centre de tri de Chamartín.
- 144. Le gouvernement souligne que ces secteurs sont d'un intérêt stratégique, car l'arrêt de travail de leur personnel entraînerait inévitablement l'impossibilité d'assurer le service pour la grande majorité du personnel de Madrid et aboutirait à un évident "abus en rendant inévitable la participation des travailleurs non grévistes au mouvement de grève, de sorte que l'action concertée de quelques-uns étendrait la grève à tous" selon les termes de l'arrêt no 11/1981 rendu le 8 avril par le tribunal constitutionnel.
- 145. Le gouvernement indique qu'une fois établis les services minima dans les unités de quais et de desserte, seuls 17 travailleurs sur 376 se sont mis en grève. Au service de réception et de distribution de Barajas, quatre agents ont assuré le service minimum. De même, comme il n'existait pas de comité de grève, la Direction provinciale des communications de Madrid n'a pas pu le consulter pour déterminer les effectifs nécessaires au maintien du service essentiel dans lesdits services. Le gouvernement communique des lettres du directeur provincial des communications de Madrid qui montrent le peu d'écho donné par ces services à la consigne de grève: dans l'ensemble du territoire national, y compris à Madrid, le personnel gréviste ne comptait que 4,08 pour cent de l'effectif total.
- 146. En ce qui concerne la grève des autobus madrilènes, le gouvernement déclare que, le 15 juin 1985, les Transports madrilènes ont demandé l'établissement de services minima pour la grève du 20; c'est pourquoi la délégation du gouvernement auprès de la communauté autonome de Madrid a pris le 17 juin une décision tendant à instituer un service minimum aux Transports madrilènes. Les services minima des lignes d'autobus de l'entreprise sont établis selon deux règles, l'une applicable aux lignes d'autobus et de minibus qui doublent le métro, et l'autre à celles qui constituent l'unique moyen de transports en commun. Les effectifs minima sont fixés dans trois branches de service, à savoir celle du trafic, celle des ateliers et magasins et celle des services généraux. Sur les lignes qui doublent le métro, il a été décidé de maintenir l'effectif normal pendant les heures de pointe, et de le réduire de moitié pendant les heures de circulation normale. Le même critère a été retenu pour les lignes qui constituent le seul moyen de transports en commun, en ne gardant pendant les heures de circulation ordinaire que 60 pour cent des effectifs habituels. Dans les branches mineures, l'effectif a été réduit de moitié, le plein effectif n'étant maintenu que dans les activités indispensables à l'hygiène et à la sécurité des déplacements.
- 147. C'est sur toutes ces considérations, indique le gouvernement, qu'ont été établis les services minima de l'entreprise municipale des transports de Madrid, dont il faut absolument éviter la paralysie qui aurait des répercussions directes sur la vie de la capitale et nuirait gravement au bon fonctionnement des hôpitaux et administrations, des écoles, des établissements publics, etc. La décision prise ne constitue donc nullement une violation du libre exercice du droit de grève, mais simplement une limitation destinée à éviter de graves préjudices pour la communauté.
- 148. Enfin, le gouvernement déclare que les fondements juridiques des quatre décisions dénoncées se trouvent dans l'article 28.2 de la Constitution, rapproché de son article 37, et dans l'article 10 du décret loi royal du 4 mars 1977, tels qu'interprétés par la jurisprudence du tribunal constitutionnel, notamment en son arrêt du 8 avril 1981. Le gouvernement relève que le droit de grève est certes consacré par la Constitution, mais qu'aucun droit constitutionnel n'est illimité. Comme tout droit constitutionnel, le droit de grève doit avoir ses limites, qui découlent non seulement de ses rapports avec d'autres droits constitutionnels mais aussi de rapports avec d'autres intérêts constitutionnellement protégés. Il faut harmoniser le droit des travailleurs en grève avec le droit des autres citoyens qui peuvent se voir lésés dans leur propre sécurité et dans leur santé; il en découle que le droit des travailleurs de défendre leurs intérêts par le recours à un moyen de pression inhérent à la production de biens ou de services doit céder le pas quand il occasionne un tort plus grave que celui que subiraient les grévistes si leurs revendications ou prétentions n'étaient pas satisfaites. Il incombe aux pouvoirs publics de prendre les décisions nécessaires pour éviter qu'une suspension de la prestation de services essentiels n'expose la communauté à des maux certains et graves.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 149. Le comité note que la présente plainte concerne les services minima établis par les autorités en raison d'une grève de 24 heures du Métro de Madrid, des Postes et Télégraphes, et de l'entreprise municipale des Transports madrilènes, et d'une autre grève de plusieurs jours à l'entreprise AUMAR (concessionnaire de l'Etat pour l'exploitation de l'autoroute Tarragone/Alicante), toutes grèves lancées par l'organisation plaignante. Le plaignant allègue en particulier qu'il n'a pas pu participer à l'établissement des services minima, et que ces services étaient excessifs du fait qu'ils restreignaient l'exercice du droit de grève pour une forte proportion de travailleurs et qu'ils portaient entre autres sur des activités qu'on ne peut pas tenir pour essentielles.
- 150. Le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement, et en particulier des raisons qu'il invoque pour l'établissement des services minima pendant les grèves, ainsi que de leur fondement juridique. Le comité note aussi que les versions du plaignant et du gouvernement sont en grande partie contradictoires en ce qui concerne l'ampleur des services minima en question.
- 151. En de précédentes occasions, le comité a estimé légitime l'établissement d'un service minimum quand des grèves risquent, par leur étendue et leur durée, de provoquer dans le pays une crise grave menaçant les conditions normales d'existence de la population; il a également indiqué que, pour être admissible, un tel service minimum devrait se borner aux opérations strictement nécessaires pour garantir la vie, la sécurité et la santé des personnes dans une partie ou dans l'ensemble de la population, et aussi que les organisations de travailleurs devraient pouvoir, comme celles des employeurs et les pouvoirs publics, participer à la détermination du service. (Voir 236e rapport, cas no 1244 (Espagne), paragr. 153 à 155.)
- 152. Le comité estime que la situation créée par les grèves évoquées dans la plainte répondait aux conditions énoncées ci-dessus pour légitimer l'établissement des services minima. En revanche, le comité estime qu'il ne dispose pas d'éléments d'appréciation suffisants pour se prononcer sur la question de savoir si les services minima établis se bornaient au strict nécessaire, car il lui faudrait pour cela une connaissance approfondie de la structure et du fonctionnement des entreprises concernées, et des conséquences réelles des mouvements de grève. Le comité observe toutefois que le plaignant a soumis la question aux autorités judiciaires espagnoles, qui disposeront certainement de tous les éléments voulus pour se prononcer.
- 153. Le comité observe, d'autre part, que le gouvernement n'a pas réfuté l'allégation de l'organisation plaignante selon laquelle, lors de la détermination des services minima, on aurait omis de faire participer l'organisation plaignante, qui avait lancé les consignes de grève. En fait, le gouvernement s'est borné à signaler, à propos des services minima fixés pour les Postes et Télégraphes (c'est-à-dire une des quatre entreprises dont parle le plaignant), qu'il n'a pas pu consulter de comité puisqu'il n'en existait pas.
- 154. A cet égard, le comité tient à souligner le principe selon lequel, dans la détermination des services minima à assurer en cas de grève, il importe que participent non seulement les organisations d'employeurs et les pouvoirs publics mais aussi les organisations de travailleurs concernées. En effet, outre que cela permettrait un échange de vues réfléchi sur ce que doivent être en situation réelle les services minima strictement nécessaires, cela contribuerait aussi à garantir que les services minima ne soient pas étendus au point de rendre la grève inopérante à force d'insignifiance, et à éviter de donner aux organisations syndicales l'impression que l'échec de la grève tient à ce que le service minimum a été prévu trop large et fixé unilatéralement.
- 155. Enfin, le comité note que, selon le gouvernement, les sanctions prises pour absence injustifiée contre neuf travailleurs du Métro de Madrid qui n'avaient pas assuré leur service minimum ont été ramenées à deux jours de suspension d'emploi et de salaire, et à une réprimande au lieu d'un blâme, à la suite d'un appel porté devant la direction de l'entreprise.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 156. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport, et en particulier d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que non seulement les organisations d'employeurs et les pouvoirs publics, mais aussi les organisations de travailleurs concernées, doivent pouvoir participer à la détermination des services minima à assurer en cas de grève.