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Interim Report - Report No 248, March 1987

Case No 1376 (Colombia) - Complaint date: 17-JUL-86 - Closed

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  1. 504. La plainte figure dans une communication du 17 juillet 1986 du syndicat des travailleurs de la Fédération nationale des cafetiers de Colombie (SINTRAFEC); cette organisation a envoyé des informations complémentaires par une communication en date du 29 août 1986. Le gouvernement a répondu par des communications des 20 août, 8 et 21 octobre, 5 et 26 novembre, et 16 décembre 1986.
  2. 505. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négocation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 506. Le syndicat des travailleurs de la Fédération nationale des cafetiers de Colombie (SINTRAFEC) allègue le licenciement de syndicalistes protégés par le privilège syndical sans que, comme l'exige la législation (article 405 du code du travail), le juge du travail n'ait admis au préalable l'existence d'un motif valable de licenciement. L'organisation plaignante cite en particulier Gerardo Guerrero (licencié en septembre 1985), Héctor Efrén Ramírez (licencié en décembre 1984), Luís Enrique Osorio (licencié en novembre 1984), Rafael Augusto Acosta (licencié en novembre 1985), Ramiro Pedroza (licencié en septembre 1980), qui ont présenté une demande de réintégration devant les tribunaux, Marino Leonardo Rivera (licencié en juin 1986) et María Victoria Castaño récemment réintégrée par décision judiciaire.
  2. 507. L'organisation plaignante allègue également que son comité régional de Fusagasugá, bien qu'ayant été reconnu par le ministère du Travail, est ouvertement ignoré par l'entreprise (Fédération nationale des cafetiers). La SINTRAFEC ajoute que, contrairement à ce qui avait été convenu, les entreprises dans lesquelles est implanté le syndicat n'ont pas versé à ce dernier la cotisation de 0,5 pour cent due par les travailleurs non syndiqués qui bénéficient de la convention collective en vigueur; elles n'ont pas non plus versé la cotisation exceptionnelle pour l'année 1984, qui a été payée également par les travailleurs syndiqués. Le montant de ces cotisations s'élève à 202.020 dollars des Etats-Unis.
  3. 508. De même, ajoute la SINTRAFEC, à l'expiration de la convention collective, le 31 mars 1986, les entreprises en question ont accordé une augmentation salariale de 19 pour cent, à compter du 1er janvier 1986, aux travailleurs non syndiqués, désavantageant ainsi les travailleurs syndiqués. Par ailleurs, ces entreprises ne tiennent jamais compte du personnel syndiqué pour l'octroi des promotions et, lorsqu'elles le font, elles posent comme condition le retrait des intéressés du syndicat.
  4. 509. L'organisation plaignante allègue également l'assassinat, par des groupes paramilitaires, du syndicaliste Carlos Betancourt Bedoya dont le corps a été retrouvé portant des marques de torture, et la disparition de Gildardo Ortíz Cardozo et de Gentil Plaza, ainsi que des menaces proférées à l'encontre de divers syndicalistes (Hernando Alzate Montoya, Helmo Quintero Perdomo, Juan Emilio Taborda et César Augusto Aristizábal Marín). L'organisation plaignante communique en annexe un document anonyme intitulé "Activités du syndicat de la fédération ces dernières années"; la plus grande partie des accusations qui y sont portées sont inexactes, en particulier celles qui ont trait à la participation du syndicat à des activités de guérilla; ce qui se passe en fait c'est que l'on assassine les dirigeants syndicaux et que l'on détruit le syndicat.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 510. Répondant aux allégations relatives à des licenciements de caractère antisyndical, le gouvernement déclare que l'article 405 du code du travail dispose que le travailleur protégé par le privilège syndical ne peut être licencié, ni désavantagé en matière de conditions de travail, ni transféré dans d'autres établissements de la même entreprise ou dans une autre ville, sans un motif valable préalablement admis comme tel par le juge du travail. Lorsque le juge n'admet pas l'existence d'un motif valable, il doit refuser à l'employeur qui l'a demandée l'autorisation de licencier, défavoriser ou transférer le travailleur intéressé (article 408 du code du travail). Lorsque le travailleur est licencié sans l'autorisation du juge du travail, il est habilité à engager une action en réintégration auprès de ce même juge, qui ordonnera à l'employeur de payer au travailleur intéressé, à titre d'indemnisation, les salaires non perçus par suite du licenciement.
  2. 511. Toujours selon le gouvernement, l'organisation plaignante a fait savoir que la dirigeante syndicale María Victoria Gastano Agudelo, qui avait été licenciée, a été réintégrée dans son emploi par décision judiciaire. Sa situation ne devrait donc plus faire l'objet d'une plainte puisque l'intéressée a recouvré ses droits sur ordre de la seule autorité compétente en la matière, à savoir le tribunal du travail. De même, l'organisation susmentionnée a indiqué que MM. Gerardo Guerrero Ibagué, Héctor Efrén Ramirez, Luis Enrique Osorio, Rafael Augusto Acosta Acuna et Ramiro Pedroza Morales ont déposé devant plusieurs tribunaux du travail des demandes de réintégration, mesure à laquelle ils ont droit s'ils sont protégés par le privilège syndical et s'ils ont été licenciés sans que l'employeur n'ait obtenu au préalable l'autorisation du juge du travail. Le motif de la plainte présentée contre le gouvernement ne paraît pas très clair en ce qui concerne les travailleurs susmentionnés, car la législation (articles 405 et suivants du code du travail, 113 et suivants du code de procédure du travail) et les faits représentés par les demandes de réintégration, dont sont saisis les juges du travail (et qui ont été soumises en vertu de la possibilité de recours que la législation garantit aux travailleurs en la matière), démontrent de façon claire et évidente que les droits des travailleurs sont effectivement protégés.
  3. 512. Plus concrètement, au sujet de deux des licenciements dénoncés, le gouvernement indique que, dans le cadre du mandat du ministère du Travail consistant à veiller au respect des normes du travail, le chef de la Section de l'inspection du travail de la Division départementale du travail et de la sécurité sociale du Valle a infligé, le 14 novembre 1986, au Comité départemental des cafetiers du Valle del Cauca une amende d'un montant de 84.057 pesos colombiens (approximativement 400 dollars E.-U.), pour le licenciement du travailleur Gerardo Guerrero Ibagué, en violation des normes sur le privilège syndical. Il ne ressort pas de l'enquête que le départ de M. Héctor Efrén Ramírez ait fait suite à la décision de l'entreprise de le licencier. Les deux travailleurs en question ont engagé les actions appropriées en vue de leur réintégration auprès de la justice ordinaire du travail.
  4. 513. Quant à M. Marino Rivera, le gouvernement souligne qu'il n'a pas été licencié comme l'affirment les plaignants, mais qu'il a été transféré, mesure qui, si elle constitue bien une violation du privilège syndical lorsqu'elle est prise sans l'autorisation préalable du juge du travail, est cependant très distincte du licenciement, celui-ci impliquant la cessation complète des relations de travail du travailleur avec l'entreprise qui l'emploie. La Division départementale du travail et de la sécurité sociale, dans le cadre de l'enquête administrative menée au sujet du transfert en question, avait obtenu, aux termes d'un accord avec l'entreprise, le retour de Marino Rivera à son lieu de travail normal mais, comme l'intéressé avait engagé une action en vue de sa réintégration devant le tribunal du travail, l'accord en question n'avait pu être appliqué, étant donné que, lorsqu'une affaire se trouve sub judice, c'est-à-dire en attente d'une décision judiciaire, elle ne peut faire l'objet d'aucune mesure de la part d'autres autorités.
  5. 514. Pour ce qui est de la mort du syndicaliste Carlos Betancourt Bedoya, le gouvernement déclare que le commandant du Département de police de Caldas a indiqué qu'il était procédé, en collaboration avec le juge d'instruction criminelle no 13 de la municipalité de Manzanares, à toutes les démarches nécessaires pour identifier et trouver les auteurs du délit. Selon les déclarations recueillies jusqu'ici auprès de certaines personnes, M. Betancourt a quitté la localité de Samaná le 17 mai 1986 à 17 h 15, en compagnie de M. Alejandro Montoya García, qui s'est arrêté dans une ferme lui appartenant, et le véhicule de la victime a été vu par la suite conduit par une autre personne. Le gouvernement indique que l'Etat lutte contre les délinquants de droit commun qui cherchent à perturber la tranquillité urbaine dans diverses régions du pays et qui, protégés par l'anonymat et profitant de l'existence de lieux non habités, commettent des actes tels que celui dont a été victime M. Betancourt. Cependant, les autorités judiciaires et de police compétentes procèdent à l'enquête appropriée sur laquelle des informations seront fournies ultérieurement.
  6. 515. Quant à la disparition de MM. Gidardo Ortíz Cardozo et Gentil Plazas, le gouvernement indique que le commandant du Département de police de Huila a fait savoir que Mme Nydia Sarza Plazas a informé le commandement du troisième district de police, dont le siège se trouve dans la ville de Garzón (Huila), que le 9 janvier 1986, à 19 h 30, Gentil Plazas, son frère, instituteur, et Gildardo Ortíz Cardozo, employé du Comité des cafetiers de Garzón, ont quitté leurs domiciles situés dans la municipalité de Suaza. Dès que l'on s'est aperçu que les personnes en question n'étaient pas rentrées chez elles, il a été ordonné au commandant du poste de police de Suaza de patrouiller dans la région, mais il a été impossible de les retrouver. Il convient de noter que la famille et les voisins de MM. Plazas et Ortíz n'ont absolument pas collaboré à l'enquête pour les retrouver. Le gouvernement ajoute que la disparition des personnes en question donne lieu, parallèlement à l'enquête menée par la police, à une procédure judiciaire dont est chargé le troisième juge pénal du Circuit de Neiva, auquel le gouvernement s'est adressé pour obtenir des informations détaillées. Toutefois, il convient de relever qu'il ne ressort pas des enquêtes menées que la disparition de Gentil Plazas et Gildardo Ortíz Cardozo soit liée à la qualité d'enseignant du premier, ni à celle de membre du Comité des cafetiers de Garzón du second.
  7. 516. Pour ce qui est des menaces dont ont été victimes MM. Hernando Alzate Montoya, Helmo Quíntero Perdomo, Juan Emilio Taborda et César Augusto Aristizábal Marín, le gouvernement déclare que le commandant du Département de police de Caldas a fait savoir que MM. Aristizábal, Taborda et Quíntero ont comparu devant le commandant en question et qu'ils ont affirmé avoir reçu, depuis le mois de mars 1985, des appels téléphoniques anonymes les accusant d'être des ennemis des entreprises privées et étatiques et d'être des agents de subversion; les personnes en question ont également indiqué à la police qu'elles n'avaient pas porté plainte pour ces appels. Par ailleurs, elles ont indiqué qu'elles avaient également reçu par téléphone, dans les locaux du syndicat de la ville de Chinchiná (Caldas) et à leurs domiciles, des menaces de mort anonymes, les auteurs de ces appels ne s'étant pas fait connaître. Aucune plainte n'a été déposée non plus pour ces menaces devant les autorités compétentes.
  8. 517. Toujours selon le gouvernement, pour ce qui est de M. Hernando Alzate Montoya, le commandant du Département de police de Chinchiná a indiqué que, selon le secrétariat du syndicat, l'intéressé avait également reçu, par téléphone, des menaces de mort anonymes, mais qu'il n'avait pas non plus porté plainte pour ces faits. Les circonstances mentionnées permettent de conclure clairement que si des menaces de mort ont été proférées de manière anonyme, il n'apparaît pas, et il n'est pas non plus prouvé, que la Fédération nationale des cafetiers, le gouvernement ou toute autre autorité civile ou militaire, les groupes subversifs ou les délinquants de droit commun aient été les auteurs de ces appels. Cela étant, et les intéressés n'ayant pas porté plainte contre ces faits qui constituent un délit selon la loi pénale, il est évident que les autorités du pays sont dans l'impossibilité de procéder aux enquêtes correspondantes et d'assurer la protection voulue aux intéressés.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 518. Pour ce qui est du licenciement de syndicalistes protégés par le privilège syndical, le comité relève que, selon le gouvernement, sur les sept personnes mentionnées par l'organisation plaignante une a été réintégrée dans son poste par le tribunal du travail, une autre n'a pas été licenciée mais transférée, et les cinq personnes restantes, tout comme celle qui a été transférée, ont engagé une action en justice en vue de leur réintégration dans le poste de travail qu'elles occupaient. Le comité observe également que, dans l'un des cas de licenciement, l'autorité administrative a infligé une amende à l'entreprise en cause.
  2. 519. Le comité observe que le code du travail prévoit une série de garanties contre les actes de discrimination antisyndicale. Il est prévu, en particulier, que les dirigeants syndicaux ne peuvent être licenciés ou transférés sans motif valable préalablement admis comme tel par le juge du travail, et qu'ils doivent bénéficier d'une action judiciaire en réintégration en cas de licenciement sans autorisation du juge du travail. Dans le présent cas, le comité regrette de constater que l'employeur a procédé au transfert et aux licenciements allégués, sans tenir compte de l'obligation que lui impose la loi de recourir à la procédure judiciaire prévue dans le code du travail. Dans ces circonstances, le comité exprime sa préoccupation en observant que les mesures de licenciement ou de transfert ont été décidées entre septembre 1980 et juin 1986, et espère que l'autorité judiciaire prononcera son jugement dans un bref délai; il souligne les conséquences graves que les mesures illégales de ce type, adoptées par certains employeurs, ont sur les activités syndicales.
  3. 520. Pour ce qui est de la mort du syndicaliste Carlos Betancourt Bedoya et de la disparition des syndicalistes Gildardo Ortíz Cardozo et Gentil Plazas, le comité prend note des déclarations du gouvernement et, en particulier, du fait que les autorités judiciaires et de police compétentes procèdent aux enquêtes appropriées. Le comité déplore profondément la mort du syndicaliste Carlos Betancourt Bedoya et la disparition de Gildardo Ortíz Cardozo et de Gentil Plazas. Il prie le gouvernement de l'informer de l'évolution des enquêtes judiciaires en cours et exprime l'espoir qu'elles permettront d'établir les responsabilités et de sanctionner les coupables.
  4. 521. Pour ce qui est des allégations relatives aux menaces de mort proférées contre divers syndicalistes, le comité exprime sa préoccupation devant le fait que ces menaces touchent quatre dirigeants du secteur des cafés. Le comité prend note des déclarations du gouvernement, selon lesquelles les intéressés avaient informé la police du fait qu'il s'agissait d'appels téléphoniques anonymes et qu'ils n'avaient pas porté plainte pour les menaces en question. Le comité observe que, en raison des circonstances dans lesquelles ces menaces ont été proférées, il est extrêmement difficile de déterminer qui sont les responsables. Cependant, compte tenu du fait que, dans le cadre du présent cas, des allégations relatives à la mort et à la disparition de syndicalistes ont également été formulées, le comité tient à rappeler les conclusions générales qu'il a formulées sur un cas récent relatif à la Colombie (voir 246e rapport, cas no 1343, paragr. 408), où il indiquait qu'il convenait d'adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que, ..., les droits syndicaux puissent s'exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tout ordre.
  5. 522. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations relatives au fait que l'entreprise ignore le comité régional de l'organisation plaignante à Fusagasugá, bien que ce comité ait été reconnu par le ministère du Travail; au non-paiement par les entreprises du secteur des cafés des cotisations dues au syndicat en vertu d'une convention collective; et à certaines mesures adoptées par les entreprises du secteur des cafés au détriment des travailleurs syndiqués, en particulier en matière de hausse des salaires.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 523. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de faire en sorte que la protection légale accordée par le code du travail contre les actes de discrimination antisyndicale perpétrés contre les travailleurs protégés par le privilège syndical soit mise en pratique.
    • b) Le comité déplore profondément la mort du syndicaliste Carlos Betancourt Bedoya et la disparition de deux autres syndicalistes, et il prie le gouvernement de l'informer de l'évolution des enquêtes en cours.
    • c) Le comité prie le gouvernement de lui envoyer ses observations sur les allégations auxquelles il n'a pas répondu.
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