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- 544. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à quatre reprises où il a présenté des conclusions intérimaires au Conseil d'administration, et le plus récemment en février-mars 1991 (voir 277e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 303 à 334).
- 545. Le gouvernement a fourni des informations complémentaires sur ce cas par communication du 12 août 1991.
- 546. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 547. Après les quatre examens détaillés de ce cas, les allégations encore en instance sont les suivantes: les faits nouveaux concernant les procès pour meurtre portant sur les incidents survenus dans les entreprises Laws Textile Philippines Ltd. et Goldilocks Bakeshop; les nombreuses mesures antisyndicales (interrogatoires, procès pour activités séditieuses, arrestations ou meurtres - en particulier l'arrestation et la mort de quatre dirigeants syndicaux nommément désignés dans des incidents distincts en mars et avril 1990); le rôle ambigu joué par les Unités géographiques des forces auxiliaires civiles (CAFGU) dans la répression des travailleurs; et une demande du comité en vue d'obtenir des renseignements plus à jour sur les différents organes philippins chargés du suivi des violations des droits de l'homme dans le pays.
- 548. A sa session de février-mars 1991, le Conseil d'administration, au vu des conclusions du comité, a approuvé les recommandations intérimaires suivantes:
- a) Le comité déplore la mort de syndicalistes survenue au cours d'un vote d'homologation à l'entreprise Laws textiles Philippines Ltd. et des piquets de grève à la société Goldilocks Bakeshop, et demande au gouvernement de l'informer de l'issue des procès en cours contre les gardes de la sécurité accusés de ces crimes.
- b) Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations détaillées sur l'arrestation de trois dirigeants syndicaux (Nestor Libalib, Rolly Olano et Lydia Sicat), lors d'incidents distincts en mars et avril 1990, et sur la mort présumée du syndicaliste David Borja, le 29 avril 1990, au sujet desquels aucune information n'a été fournie.
- c) Le comité demande au gouvernement de lui transmettre le plus rapidement possible des copies de tout jugement rendu à propos des différents interrogatoires, arrestations et menaces, que le plaignant rattache à une politique militaire et policière de harcèlement antisyndical, afin que le comité puisse évaluer cette allégation. Le comité demande en particulier au gouvernement de fournir des précisions sur les procès engagés contre les deux syndicalistes instructeurs, MM. Marlon Luares et Elizalde Malaluan, arrêtés et relâchés sous cautionnement après le raid militaire lors d'un séminaire syndical le 25 mars 1990, et d'envoyer des exemplaires des documents séditieux qu'il dit avoir confisqués.
- d) Le comité exprime son inquiétude devant le refus du gouvernement de démanteler les Unités géographiques des forces auxiliaires civiles (CAFGU); le gouvernement ayant indiqué que ces groupes armés ne pouvaient être assimilés aux vigiles non contrôlés qu'il s'est juré de faire disparaître, le comité lui demande de fournir des renseignements à jour sur le rôle des CAFGU et de leurs unités auxiliaires (SCAA), compte tenu des allégations présentées dans le présent cas.
- e) (...)
- f) Enfin, le comité attend les renseignements promis par le gouvernement sur certains aspects en instance de ce cas, et en particulier sur 1) l'évolution de plusieurs procès (ceux des syndicalistes Roxas, Barros, Tullao, Peru, Alberio, Cubilla, Adriano, Sarias, Cueva, Alderite, Espirita et Roda); 2) tout renseignement nouveau sur la situation de MM. Clutario, Orculla, Sabidalas, et sur l'incident qui a troublé en 1988 la fête du 1er mai à Laguna; 3) les neuf morts ou disparitions signalées en 1989 et les pratiques du travail déloyales qui ont perturbé les piquets de grève de 1989 et qui sont décrites aux paragraphes 320 et 322 du 272e rapport du comité; 4) des statistiques à jour sur les activités des divers organismes créés dans le pays en vue de promouvoir les droits de l'homme et de contrôler la violation de ces droits.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 549. Dans sa communication du 12 août 1991, le gouvernement admet la nécessité d'améliorer l'administration de la justice dans le pays, mais il assure le comité qu'il a mis tout en oeuvre pour adopter les réformes judiciaires nécessaires à l'amélioration de cette administration. Il fournit des statistiques récentes publiées par la Commission des droits de l'homme des Philippines.
- 550. En ce qui concerne la dissolution des CAFGU et autres groupes paramilitaires, le gouvernement déclare avoir créé récemment une force de police nationale philippine (PNP) qui regroupe la police philippine et la police civile au sein d'un même organisme. Cette fusion vise à attribuer l'ensemble des tâches et responsabilités de police à un organisme unique, à l'exclusion de tous les autres, y compris les CAFGU. Ceux-ci restent toutefois intégrés à l'organisation militaire, alors que tous les autres groupes armés ont été supprimés et déclarés illégaux, conformément à l'article 254 de la Constitution nationale, qui dispose que "les armées et autres groupes privés non reconnus par une autorité dûment constituée seront dissous. Toutes les forces paramilitaires, y compris les forces de défense nationale civiles dont l'existence n'est pas compatible avec la force armée civile créée par la présente Constitution, seront dissoutes ou, le cas échéant, intégrées aux forces régulières".
- 551. Le gouvernement déclare que les poursuites judiciaires intentées contre les gardes de la sécurité mêlés aux actes de violence commis à l'occasion des piquets de grève organisés à l'entreprise Goldilocks Bakeshop ont été confiées au tribunal régional de Pasig (district 164). Cependant, explique-t-il, alors que l'affaire était en instance, les plaignants se sont désistés, déclarant notamment que les inculpés n'étaient pour rien dans le crime allégué. L'affaire a donc été classée.
- 552. Selon le gouvernement, l'arrestation de Nestor Libalib, Rolly Alano et Lydia Sicat est examinée actuellement par le ministère de la Justice, à la demande du ministère du Travail et de l'Emploi. De son côté, la Commission des droits de l'homme des Philippines a indiqué que, selon certaines informations, Lydia Sicat aurait échappé à ses ravisseurs, mais elle n'est toujours pas entrée en contact avec elle, et il a donc été décidé de classer l'affaire.
- 553. Le gouvernement déclare que des poursuites pénales pour activités séditieuses ont été intentées contre Marlon Luares et Elizalde Malaluan, qui sont actuellement en liberté sous caution. La Commission des droits de l'homme des Philippines, auprès de laquelle les deux inculpés ont déposé une plainte à l'encontre des militaires qui les ont arrêtés, instruit ces procès.
- 554. En ce qui concerne la demande du comité relative aux renseignements promis par le gouvernement sur certains aspects en instance de ce cas (voir 277e rapport, paragr. 334 f)), le gouvernement fournit les précisions suivantes. Le ministère de la Justice examine le cas de MM. Cueva et Espiritu en vue de leur garantir le droit à un procès équitable et rapide; M. Espiritu est actuellement en liberté sous caution. En ce qui concerne les activités séditieuses criminelles reprochées à M. Roda, le gouvernement déclare que la Cour d'appel lui a récemment accordé le droit d'être à nouveau jugé, conformément à sa demande. En ce qui concerne la mort de M. Meliton Roxas, le rapport de la police de Luguna indique qu'il a été "tué par deux malfaiteurs non identifiés armés d'un pistolet de calibre 45 et circulant sur une motocyclette légère de couleur rouge". Le gouvernement ajoute que toutes les personnes arrêtées lors de la célébration du 1er mai 1988 ont été relâchées et que, s'il est vrai que la police, comme elle l'admet elle-même, a dispersé les grévistes (qui bloquaient les principales artères de la ville) et a arrêté plusieurs fauteurs de troubles, cette dispersion s'est faite sans violence. Les enquêtes menées au sujet des affaires concernant respectivement MM. Peru, Sarias, Adriano et Cubillo n'ont apporté aucun fait nouveau d'importance. Leur mort a été signalée au siège de la police de la ville d'Angeles par la Commission des droits de l'homme des Philippines. Le gouvernement signale à ce sujet que cette ville est située dans la région qui a été dévastée par l'éruption du Mont Pinatubo. Selon la police de Laguna, M. Orculla n'a jamais été arrêté. Le meurtre de Peter Alderite fait actuellement l'objet d'une enquête tendant à soumettre les éléments nécessaires à une inculpation du procureur de Davao.
- 555. Le gouvernement déclare qu'il ne possède toujours pas d'informations sur l'endroit où se trouvent MM. Clutario, Sabidalas et Tullao; étant donné l'absence de témoins et de plaignants, il y a fort peu de chances que les enquêtes aboutissent. En l'absence d'autres faits, la disparition de ces personnes ne suffit pas pour engager des poursuites contre leurs ravisseurs allégués, en admettant qu'il s'agisse d'enlèvements.
- 556. En ce qui concerne les neuf cas de mort et de disparition figurant au 272e rapport du comité, le gouvernement fournit les informations suivantes:
- - Reynaldo Gonzales: aurait disparu pour se joindre à un mouvement clandestin;
- - Alberto Ramos: serait mort à la suite d'une guerre entre deux gangs bien connus dans le pays, le "Sige Sige Sputnik" et le "Batang City Jail Gang"
- - Félix Cantada serait mort de la même manière;
- - Arturo Mirasol aurait été tué par Albert Abrera, garde du corps du propriétaire de l'entreprise où il travaillait; ce suspect sera sans doute inculpé prochainement, selon un rapport intérimaire sur les investigations menées actuellement par le district de police occidental;
- - Ildefonso Caran, Gregorio Delumias, Galileo Dinoy, Danilo Acuna: mêmes remarques que ci-dessus;
- - Arnold Ilustrisimo: sa mort ferait l'objet d'une enquête.
- Par ailleurs, les conflits du travail mentionnés dans les allégations relatives à des pratiques déloyales de travail auraient été réglés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 557. Le comité prend note avec intérêt des nombreuses informations communiquées par le gouvernement sur les allégations en instance dans le présent cas, dont certaines remontent à la célébration du 1er mai 1988 et certaines concernent d'autres allégations présentées par le KMU en 1990. Le comité note en particulier que les affaires ci-après ont été classées, soit à la demande des plaignants, soit par manque de preuves ou d'indices: les meurtres commis à l'occasion des piquets de grève organisés à l'entreprise Goldilocks Bakeshop; l'affaire Lydia Sicat; la disparition de MM. Clutario, Sabidalas et Tullao; l'arrestation de M. Orculla; la mort de M. Meliton Roxas; l'assassinat par un gang d'Alberto Ramos et de Félix Cantada; la disparition de Reynaldo Gonzales. Le comité regrette le classement de ces affaires et rappelle qu'un mouvement syndical libre et indépendant ne peut se développer dans un climat de violence et d'incertitude.
- 558. le comité note également que les enquêtes menées par la police, le ministère public et/ou la Commission des droits de l'homme des Philippines se poursuivent dans les affaires suivantes: arrestations de Nestor Libalib et de Rolly Alano (ministère de la Justice); procès de MM. Cueva et Espiritu (ministère de la Justice); morts de MM. Peru, Sarias, Adriano et Cubillo (police d'Angeles); meurtre de Peter Alderite (procureur de Davao); mort de MM. Mirasol, Caran, Delumias, Dinoy et Acuna (district de police occidental). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à ces affaires.
- 559. Le comité note spécialement le fait que certains procès se déroulent actuellement: le procès pour activités séditieuses intenté contre MM. Marlon Luares et Elizalde Malaluan à la suite d'une descente de l'armée effectuée en mars 1990 dans les locaux où avait lieu un séminaire syndical (les prévenus étant actuellement en liberté sous caution et ayant eux-mêmes engagé une procédure judiciaire contre les fonctionnaires qui les ont arrêtés) et le nouveau procès ordonné par la Cour d'appel au sujet des accusations d'activités séditieuses lancées contre M. Roda. Etant donné la gravité des accusations portées dans ces affaires et le fait que, selon le KMU, les syndicalistes en cause sont attaqués surtout pour leur appartenance et leurs activités syndicales, quelles que soient les accusations portées contre eux, le comité demande au gouvernement de faire diligence pour lui communiquer toutes informations nouvelles sur le déroulement des procès et lui envoyer copie des jugements dès leur publication.
- 560. Le comité regrette que le gouvernement ne réponde pas aux trois autres incidents mentionnés au paragraphe 334 de son 277e rapport, à savoir le déroulement du procès pour meurtre actuellement intenté par le tribunal régional contre un certain Reynaldo Arcilon à la suite de la fusillade qui s'est produite dans l'entreprise Law Textiles Philippines Ltd.; le meurtre par balles survenu le 29 avril 1990 de David Borja, président du Syndicat uni de Lanao, affilié au KMU; le déroulement des procès intentés aux syndicalistes Barros et Alberio. Le comité espère recevoir prochainement des informations sur ces aspects de la plainte et il rappelle que l'institution, lorsque se sont déroulés des troubles ayant entraîné des pertes de vies humaines ou des blessures graves, d'une enquête judiciaire indépendante, est une méthode particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de tels actes (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 3e édition, 1985, paragr. 78).
- 561. Enfin, le comité note que les CAFGU n'auront pas de responsabilités policières et continueront à faire partie de l'organisation militaire alors que tous les autres groupes armés ont été dissous et que les milices officielles ont été fusionnées au sein de la nouvelle police nationale philippine (PNP). En l'absence d'autres précisions sur le rôle des CAFGU - et de leurs compagnies auxiliaires connues sous le sigle de SCAA -, le comité exprime l'espoir que les craintes des plaignants dans le présent cas quant aux raisons réelles de l'existence de ces groupes armés supplétifs sont à présent dissipées. Le comité estime à ce sujet que les CAFGU régis par la réglementation militaire devraient avoir un comportement responsable et que leurs activités ne devraient aucunement porter atteinte aux travailleurs ou entraver l'exercice de la liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 562. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que certaines des allégations présentées dans le présent cas n'appellent pas d'examen plus approfondi puisque les affaires sur lesquelles elles portent ont été classées au niveau national soit à la demande des plaignants, soit par manque de preuves ou d'indices. Le comité regrette le classement de ces affaires et rappelle qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer dans un climat de violence et d'incertitude.
- b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du déroulement ultérieur des enquêtes menées par la police, le ministère public et/ou la Commission des droits de l'homme des Philippines dans les affaires suivantes: l'arrestation de Nestor Libalib et de Rolly Alano (ministère de la Justice); les procès à venir de MM. Cueva et Espiritu (ministère de la Justice); la mort de MM. Peru, Sarias, Adriano et Cubillo (police d'Angeles); le meurtre de Peter Alderite (procureur de Davao); la mort de MM. Mirasol, Caran, Delumias, Dinoy et Acuna (district de police occidental).
- c) Etant donné la gravité des accusations qui pèsent sur MM. Luares et Maluluan, d'une part, et sur M. Roda, d'autre part, et le fait que, selon le KMU, les syndicalistes en cause sont attaqués surtout pour leur appartenance et leurs activités syndicales, quelles que soient les accusations d'activités séditieuses portées contre eux, le comité demande au gouvernement de faire diligence pour lui communiquer toutes informations nouvelles sur le déroulement des procès et lui envoyer copie des jugements dès leur publication.
- d) Il demande également au gouvernement de lui fournir des informations sur les trois autres incidents mentionnés au paragraphe 334 de son 277e rapport, à savoir le déroulement du procès pour meurtre intenté par le tribunal régional contre un certain Reynaldo Arcilon à la suite de la fusillade qui s'est produite dans l'entreprise Laws Textiles Philippines Ltd.; le meurtre par balles survenu le 29 avril 1990 de David Borja, président du Syndicat uni de Lanao, affilié au KMU; le déroulement des procès intentés aux syndicalistes Barros et Alberio.
- e) Concernant les procédures en instance relatives aux syndicalistes, le comité rappelle l'importance qu'il attache à la garantie contre les arrestations arbitraires, au droit à un procès équitable et rapide et à l'institution d'enquêtes judiciaires indépendantes lorsque se sont déroulés des incidents ayant entraîné des pertes de vies humaines, de façon à éclaircir pleinement les faits, à déterminer les responsabilités, à sanctionner les coupables et à prévenir la répétition de tels actes.