Display in: English - Spanish
- 475. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération nationale des travailleurs du pouvoir judiciaire du 19 mars 1993.
- 476. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 12 mai 1993.
- 477. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 478. Dans sa communication du 19 mars 1993, la Fédération nationale des travailleurs du pouvoir judiciaire allègue que le gouvernement a promulgué le décret législatif no 768 (nouveau Code de procédure civile), qui interdit aux agents judiciaires d'exercer le droit syndical et le droit de grève. L'organisation plaignante fait savoir qu'elle compte parmi ses adhérents des agents administratifs, dénommés selon la structure fonctionnelle du pouvoir judiciaire auxiliaires juridictionnels (compris dans la carrière administrative), et que, s'ils jouissaient de la liberté syndicale en vertu de la législation antérieure, la nouvelle loi les place dans la même situation que les magistrats, lesquels, en vertu de l'article 243 de la Constitution politique du Pérou, ne peuvent ni se syndiquer ni déclarer la grève.
- 479. Par ailleurs, l'organisation plaignante allègue qu'en vertu des décrets-lois nos 25446 et 25812, qui instituent un processus d'évaluation du personnel du pouvoir judiciaire, neuf syndicalistes ont été destitués définitivement de leurs fonctions. Elle affirme que la cessation de la relation de travail a été décidée unilatéralement par les autorités qui n'ont pas respecté le règlement selon lequel les agents publics sont protégés contre le licenciement et n'ont pas donné à tous ceux qui ont fait l'objet de l'évaluation la possibilité de faire usage du droit de défense.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 480. Dans sa communication du 12 mai 1993, le gouvernement déclare que l'article 251 du décret-loi no 757 (loi organique du pouvoir judiciaire) dispose que la carrière d'auxiliaire juridictionnel comprend les grades de greffiers et rapporteurs d'audience de la Cour suprême, greffiers et rapporteurs d'audience des plus hautes cours, greffiers de tribunal spécialisé ou paritaire et auxiliaires de justice. Il fait savoir qu'étant donné la crise que traverse le pouvoir judiciaire ces catégories de travailleurs ont été conduites à exercer un plus grand nombre de fonctions et de plus hautes responsabilités que celles dont ils doivent normalement s'acquitter selon la loi. Le processus de réorganisation et de modernisation des pouvoirs de l'Etat et la législation nécessaire à son fonctionnement ont entraîné une réduction du personnel qualifié et spécialisé du pouvoir judiciaire. De ce fait, les magistrats se sont trouvés dans l'impossibilité matérielle d'exécuter leurs tâches sans l'appui et la collaboration étroite des auxiliaires juridictionnels. Dans le cadre de la réforme de l'Etat, il est nécessaire d'assimiler ces travailleurs à des magistrats, même s'ils ne sont pas qualifiés pour remplir les fonctions de magistrats. Dans ce sens, les nouvelles dispositions du Code de procédure civile n'enfreignent pas les conventions de l'OIT.
- 481. Par ailleurs, en ce qui concerne le licenciement de neuf dirigeants syndicaux par suite du processus d'évaluation et de ratification prévu par le décret-loi no 25446, le gouvernement signale qu'il a approuvé la création d'une commission chargée de l'évaluation des magistrats de la Cour suprême et de la Haute Cour, des juges de première instance, des juges de paix, des greffiers et rapporteurs d'audience, des greffiers de tribunaux, des secrétaires généraux, des secrétaires administratifs de la Cour et du personnel auxiliaire et administratif du pouvoir judiciaire. Cette commission d'évaluation était censée présenter son rapport final à la Cour en réunion plénière qui devait décider si les employés en question étaient maintenus à leur poste ou s'ils étaient licenciés. Le gouvernement précise que cette enquête a pour objet de recueillir des éléments d'appréciation sur les éventuels signes extérieurs de richesse permettant de présumer une inconduite des fonctionnaires et que la campagne de moralisation du pouvoir judiciaire présente toutes les garanties juridiques. Néanmoins, le gouvernement demandera des informations à la Cour suprême au sujet de la violation alléguée des droits syndicaux des dirigeants licenciés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 482. Le comité note que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue que les auxiliaires juridictionnels du pouvoir judiciaire ont été privés de la possibilité d'exercer le droit syndical et le droit de grève, après avoir été assimilés à des magistrats en vertu d'une réforme du Code de procédure civile.
- 483. Le comité observe que les observations du gouvernement ne sont pas en contradiction avec les allégations; il relève néanmoins que le gouvernement a invoqué les motifs suivants pour justifier la suppression du droit syndical et du droit de grève: 1) la crise que traverse le pouvoir judiciaire a conduit les auxiliaires de justice à exercer un plus grand nombre de fonctions et de plus hautes responsabilités que celles dont ils doivent normalement s'acquitter selon la loi; 2) le processus de réorganisation et de modernisation des pouvoirs de l'Etat a entraîné une compression des effectifs qualifiés et spécialisés du pouvoir judiciaire; et 3) dans le cadre de la réforme de l'Etat, il a fallu assimiler ces travailleurs à des magistrats.
- 484. A cet égard, le comité est conscient du fait que la réduction du personnel qualifié du pouvoir judiciaire peut faire craindre que l'exercice du droit de grève n'entrave démesurément le fonctionnement normal de l'administration judiciaire. Néanmoins, en ce qui concerne particulièrement l'interdiction imposée aux agents du pouvoir judiciaire d'exercer le droit syndical, le comité souhaite rappeler au gouvernement que l'article 2 de la convention no 87 dispose que les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières. Par conséquent, tous les agents de la fonction publique (à la seule exception possible des forces armées et de la police, en vertu de l'article 9 de la convention no 87), comme les travailleurs du secteur privé, devraient pouvoir constituer les organisations de leur choix pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre des initiatives pour que la législation soit modifiée de façon telle que les agents du pouvoir judiciaire puissent exercer librement le droit syndical.
- 485. Quant à l'interdiction faite aux employés du pouvoir judiciaire d'exercer le droit de grève, le comité souhaite signaler que, conformément aux principes qu'il a formulés, le droit de grève peut être limité, voire interdit dans la fonction publique, à l'égard des fonctionnaires agissant en tant qu'organes de la puissance publique. De l'avis du comité, les fonctionnaires de l'administration judiciaire sont des fonctionnaires qui agissent en tant qu'organes de la puissance publique dont le droit de recourir à la grève peut donc faire l'objet de restrictions ou d'interdictions. Néanmoins, le comité rappelle au gouvernement que les restrictions devraient être compensées par des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et les décisions arbitrales devraient être dans tous les cas obligatoires pour les deux parties. De tels jugements, une fois rendus, devraient être exécutés rapidement et de façon complète. (Voir Etude d'ensemble de la commission d'experts, 1983, paragr. 214.) C'est pourquoi le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour que les travailleurs du secteur judiciaire puissent faire usage de telles procédures.
- 486. Le comité signale l'aspect législatif de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
- 487. Pour ce qui est de l'allégation relative au licenciement de neuf dirigeants syndicaux du pouvoir judiciaire à la suite d'une procédure d'évaluation, le comité prend note des observations du gouvernement qui a déclaré que cette enquête avait pour objet de recueillir des éléments d'appréciation au sujet d'éventuels signes extérieurs de richesse conduisant à présumer une inconduite des fonctionnaires et que la campagne de moralisation du pouvoir judiciaire présentait toutes les garanties voulues, mais qu'il demanderait des informations à la Cour suprême sur la violation alléguée des droits syndicaux des dirigeants licenciés. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette requête.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 488. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre des initiatives pour que la législation soit modifiée de façon telle que les agents du pouvoir judiciaire puissent exercer librement le droit syndical.
- b) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les agents de l'administration judiciaire privés du droit de grève puissent faire usage de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, les décisions arbitrales devant être dans tous les cas obligatoires pour les deux parties, et les jugements, une fois rendus, devant être exécutés rapidement et de façon complète.
- c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de la demande de renseignements adressée à la Cour suprême au sujet du licenciement de neuf dirigeants syndicaux qui étaient employés dans le pouvoir judiciaire.
- d) Le comité signale l'aspect législatif de ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.