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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
- 67. Le comité a examiné le présent cas pour la dernière fois à sa réunion de mars 2003. [Voir 330e rapport, paragr. 148 à 152.] Le comité rappelle que les allégations dans le présent cas concernaient la modification de la classification sectorielle des chantiers navals de Pendik et d’Alaybey, les faisant passer du secteur de la «construction navale» à celui de la «défense nationale», ce qui a entraîné une perte des droits de représentation pour le syndicat Dok Gemi-Is au nom des travailleurs concernés. [Voir 327e rapport, paragr. 838 et 839.] A ce stade, il faut aussi rappeler que l’article 3 de la loi no 2821 sur les syndicats prévoit que les syndicats peuvent être formés au niveau industriel par les travailleurs employés dans des établissements relevant du même secteur. En vertu de l’article 4, le secteur couvrant un établissement doit être déterminé par le ministère du Travail et de la Protection sociale, et les parties concernées peuvent faire appel de la décision auprès des tribunaux compétents.
- 68. Des allégations de discrimination antisyndicale ont aussi été soulevées et, plus concrètement: a) des allégations de licenciement imminent de 1 100 travailleurs des chantiers navals de Haliç et Camialti, dont il était allégué, pour la quasi-totalité d’entre eux, qu’ils étaient membres de Dok Gemi-Is; b) des allégations de harcèlement et de manœuvres d’intimidation visant les membres de Dok Gemi-Is de la part de la direction des chantiers navals de Pendik et d’Alaybey, y compris le licenciement du nombre maximum de travailleurs autorisé par la loi (neuf par mois), et le licenciement de quelque 200 travailleurs sur le site de dépeçage des navires d’Aliaga le lendemain du jour où ils avaient accepté d’adhérer au syndicat Dok Gemi-Is. [Voir 327e rapport, paragr. 845.]
- 69. Le cas a été examiné pour la première fois par le comité à sa réunion de mars 2002. Au cours de ses deux derniers examens à ses réunions de novembre 2002 et mars 2003, le comité a fait part de ses profonds regrets au vu de la réticence du gouvernement à donner effet aux recommandations du comité concernant ces allégations, et en particulier à: a) prendre les mesures nécessaires de façon à garantir le droit de Dok Gemi-Is de s’organiser et de représenter ses membres aux chantiers navals de Pendik et d’Alaybey et faire en sorte que les effectifs perdus pour ce syndicat du fait de la classification de ces chantiers navals comme relevant de la défense nationale soient immédiatement réintégrés; b) ouvrir des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations de discrimination antisyndicale et prendre les mesures correctives nécessaires si ces allégations sont avérées.
- 70. Le gouvernement a envoyé une première communication datée du 10 septembre 2003, dans laquelle il soulignait que les renseignements nécessaires avaient été donnés dans ses réponses antérieures sur le cas. Dans une deuxième communication du 9 mars 2004, le gouvernement a rappelé que Dok Gemi-Is avait demandé que soit déterminé le secteur dans lequel les chantiers navals de Pendik et d’Alaybey devraient être classés, conformément à l’article 4 de la loi no 2821. A la suite de l’examen de cette demande, il a été décidé que ces chantiers navals relevaient du secteur de la défense nationale. Cette décision a été promulguée au Journal officiel et a donné lieu à une objection de la part de Dok Gemi-Is. Le tribunal du travail a rejeté cette objection et sa décision a été confirmée par la Cour suprême. Une fois la procédure de classification menée à son terme, les travailleurs employés aux chantiers navals de Pendik et d’Alaybey ont pu exercer leur droit à la liberté syndicale en adhérant à Türk Harb-Is Sen. Le gouvernement a souligné que toutes les mesures et décisions administratives ont été prises conformément à la loi no 2821 sur les syndicats et à la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out et qu’elles avaient été examinées par les tribunaux compétents.
- 71. S’agissant des allégations de discrimination antisyndicale, le gouvernement a indiqué qu’il avait reçu une communication de l’avocat de Dok Gemi-Is faisant appel auprès du ministère du Travail et de la Protection sociale au sujet des licenciements de travailleurs du chantier naval de Pendik. Cet appel a été transmis au ministère de la Défense nationale; le gouvernement a présenté une copie de la lettre confirmant cette transmission. Le gouvernement a aussi joint une copie de la réponse du ministère du Travail et de la Protection sociale à l’avocat de Dok Gemi-Is. Dans cette lettre, le ministère indique en particulier que la question des licenciements a été renvoyée devant le ministère de la Défense nationale. Le gouvernement a souligné que Dok Gemi-Is n’a introduit aucun appel sur d’autres questions; par conséquent, aucune enquête n’a été effectuée. Le gouvernement a expliqué qu’en vertu de l’article 91 de la nouvelle loi no 4857 sur la main-d’œuvre, qui est entrée en vigueur le 10 juin 2003, les plaintes pour violations de la législation du travail font l’objet d’enquêtes menées par les inspecteurs du travail du ministère du Travail et de la Protection sociale.
- 72. S’agissant tout d’abord des droits d’organisation et de représentation des travailleurs affiliés à Dok Gemi-Is, compte tenu des observations du gouvernement, le comité doit souligner que ni l’application de la législation nationale pour ce qui est de la classification des deux chantiers navals dans le secteur de la défense nationale, ni l’exercice de la liberté syndicale en ce qui concerne Türk Harb-Is Sen ne sont en cause dans le présent cas. La question essentielle est celle de la compatibilité des dispositions légales concernant cette classification, et son incidence pour le syndicat Dok Gemi-Is et ses membres, avec les conventions relatives à la liberté syndicale ratifiées par la Turquie. Le comité rappelle une nouvelle fois qu’il avait constaté que «la classification des chantiers navals de Pendik et d’Alaybey comme faisant partie du secteur de la défense nationale avec la perte des adhérents et de la représentation qui en a résulté pour le syndicat constituent une violation des droits d’organisation et de représentation des travailleurs membres de Dok Gemi-Is, contraire à la convention no 87 (ratifiée par la Turquie)». [Voir 327e rapport, paragr. 844.] A cet égard, le comité doit souligner une nouvelle fois que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a soulevé des questions au sujet des critères au regard desquels le ministère du Travail détermine qu’un site de travail relève d’un secteur donné en vertu de l’article 4 de la loi no 2821; en particulier, cette commission a considéré que la classification et sa modification devraient être déterminées «suivant des critères spécifiques, objectifs et préétablis». Notant que, deux ans après son premier examen du cas, le gouvernement se refuse toujours à prendre les mesures recommandées par le comité, le comité prie fermement le gouvernement de donner effet à ses recommandations et, plus concrètement, de prendre les dispositions nécessaires pour garantir le droit de Dok Gemi-Is de s’organiser et de représenter ses membres aux chantiers navals de Pendik et d’Alaybey et de faire en sorte que les effectifs perdus pour le syndicat Dok Gemi-Is soient immédiatement réintégrés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 73. Passant aux allégations de discrimination antisyndicale, le comité note que le gouvernement semble considérer qu’il ne peut agir que lorsque des allégations de discrimination antisyndicale sont présentées directement aux autorités gouvernementales. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement utilise un tel argument, ne tenant pas compte des allégations mises en évidence par le comité ni des recommandations qu’il a formulées dans ses rapports successifs et, en particulier, l’ouverture d’enquêtes indépendantes au sujet des allégations de discrimination antisyndicale. Le comité rappelle à cet égard que les plaintes pour discrimination antisyndicale devraient être examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties concernées qui devraient participer à cette procédure d’une façon appropriée et constructive. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 738 et 750.] Le comité compte sur le gouvernement pour qu’il garde aussi ce principe à l’esprit lorsqu’il traitera les allégations qui ont été soumises au ministère du Travail par Dok Gemi-Is et renvoyées devant le ministère de la Défense. Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement d’ouvrir sans plus tarder des enquêtes indépendantes au sujet des allégations de discrimination antisyndicale soulevées dans le présent cas et, si ces allégations sont avérées, de prendre toutes les mesures correctives nécessaires, y compris la réintégration dans leurs emplois, sans perte de salaire, des travailleurs licenciés ou une compensation adéquate pour les préjudices subis par ces derniers.
- 74. Compte tenu de ce qui précède, le comité doit exprimer solennellement sa préoccupation au sujet de l’absence de progrès en vue de donner effet à ses recommandations dans le présent cas depuis son premier examen il y a deux ans. Cela est d’autant plus regrettable que les événements évoqués dans la plainte se sont produits il y a plus de quatre ans et que les éventuelles atteintes à la liberté syndicale, qui ont pu avoir lieu à l’époque, ont peut-être à l’heure actuelle des effets irréversibles. Le comité compte sur l’entière coopération du gouvernement à l’avenir, afin que ce dernier respecte les engagements qu’il a pris en ratifiant les conventions nos 87 et 98.