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- 722. Le comité a examiné le présent cas à sa réunion de mars 2003 et présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 330e rapport, paragr. 1077 à 1105, approuvé par le Conseil d’administration à sa 286e session (mars 2003).]
- 723. Le gouvernement a envoyé deux communications, datées du 10 septembre 2003 et du 9 mars 2004, respectivement, pour présenter ses observations à la suite des conclusions et recommandations intérimaires du comité.
- 724. La Turquie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas - 725. Le comité rappelle que le cas a trait à l’application des conventions nos 87, 98 et 151, tant dans la loi que dans la pratique, aux agents de la fonction publique, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi no 4688 relative aux syndicats des agents publics. Les allégations factuelles soulèvent essentiellement une question générale de discrimination antisyndicale visant les plaignants, leurs membres et dirigeants.
- 726. Plus concrètement, la Confédération des syndicats des agents publics (KESK) a mis en cause la conformité de certaines des dispositions de la loi no 4688 avec les conventions nos 87, 98 et 151. [Voir 330e rapport, paragr. 1080.] Par ailleurs, la KESK a allégué des actes de discrimination antisyndicale commis contre les membres et les dirigeants des syndicats affiliés ainsi que contre les travailleurs participant à leurs activités. Ces actes ont principalement pris la forme d’une mutation de ces agents publics, contre leur volonté, d’un poste ou d’un lieu de travail à un autre; ils ont aussi pris la forme d’actions en justice engagées contre certains d’entre eux. Le comité rappelle que trois groupes d’agents publics auraient souffert de discrimination antisyndicale: i) 107 dirigeants et membres du Syndicat des professionnels de la santé (SES), affilié à la KESK, ainsi que les travailleurs qui ont participé aux activités du syndicat; ii) 30 dirigeants et membres de EGITIM-SEN, le syndicat du secteur de l’éducation, dont la majorité a également fait l’objet d’actions en justice lancées par l’administration; iii) 13 dirigeants et membres de syndicats affiliés qui ont été frappés d’un certain nombre de sanctions, telles qu’une peine d’emprisonnement, des sanctions administratives et le refus de promotion. [Voir 330e rapport, paragr. 1083.] La KESK a aussi allégué que le Bureau des produits agricoles et Türk TELECOM ont fait preuve de favoritisme à l’égard de certains syndicats au détriment des syndicats qui la composent. [Voir 330e rapport, paragr. 1081 et 1082.]
- 727. Le comité rappelle que, pour sa part, le Syndicat indépendant des employés des travaux et de la construction publics (BAGIMSIZ YAPI-IMAR SEN) a indiqué que ses membres faisaient l’objet de pressions exercées par des fonctionnaires du ministère de la Construction et du Logement, d’une part, et du Bureau de la topographie, d’autre part, pour les forcer à démissionner du syndicat; ces fonctionnaires ont aussi menacé les travailleurs qui envisageaient d’adhérer au syndicat. [Voir 330e rapport, paragr. 1084.] Le plaignant a allégué qu’il avait été affirmé aux travailleurs concernés que ces actes avaient été accomplis conformément aux ordres des supérieurs hiérarchiques. Le Syndicat indépendant des transports (agents publics dans les services de transports ferroviaire, aéroportuaire, maritime et routier) (BAGIMSIZ ULASIM-SEN) a soutenu que des fonctionnaires des chemins de fer nationaux turcs avaient exercé des manœuvres d’intimidation et des pressions contre les représentants et les membres du syndicat. Il a aussi présenté des allégations spécifiques concernant trois employés du Bureau d’exploitation du port de Mersin - à savoir, M. Nazmi Vural (chef des services aux passagers et membre fondateur du syndicat), M. Mehmet Yildiz (responsable du pointage) et M. Okan Nar (expert et président du syndicat) - et a mentionné une enquête faite par le ministère des Transports à cet égard.
- 728. Le gouvernement n’a répondu qu’en ce qui concerne les aspects législatifs des plaintes, bien qu’il ait confirmé que le ministère des Transports avait ouvert une enquête sur les allégations de discrimination antisyndicale au Bureau d’exploitation du port de Mersin.
- 729. A sa 286e session, compte tenu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d’administration a approuvé les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la loi no 4688, afin de respecter ses obligations résultant des dispositions des conventions nos 87, 98 et 151, notamment des mesures visant à garantir une protection efficace des agents publics contre des actes de discrimination antisyndicale.
- b) Concernant les allégations particulières de favoritisme liées à l’établissement d’un comité administratif institutionnel au sein de Türk TELECOM, et la distribution par le Bureau des produits agricoles de formulaires d’adhésion en faveur du syndicat Türk Tarim-Orman Sen, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les syndicats soient considérés de manière égale et que les travailleurs concernés puissent choisir librement le syndicat auquel ils souhaitent adhérer. Le comité demande au gouvernement de répondre à ces allégations, en indiquant, en particulier, les mesures prises à cet égard.
- c) Le comité demande au gouvernement d’ouvrir rapidement des enquêtes indépendantes dans chacun des cas individuels mentionnés ci-après, afin d’établir si les travailleurs concernés ont fait l’objet de préjudice dans leur emploi en raison de leurs activités syndicales légitimes et, dans l’affirmative, de prendre les mesures appropriées pour remédier sans tarder aux conséquences d’une discrimination antisyndicale:
- i) les 107 cas concernant les membres, les dirigeants du Syndicat des professionnels de la santé (SES) et les travailleurs participant aux activités de ce syndicat;
- ii) les 30 cas concernant les membres et les dirigeants de EGITIM-SEN;
- iii) les 13 cas de travailleurs mentionnés dans la troisième liste exposée par la KESK dans sa plainte.
- Le comité demande au gouvernement de répondre aux allégations présentées dans chacun des cas individuels en indiquant, en particulier, l’état d'avancement des enquêtes correspondantes.
- d) Eu égard aux allégations concernant les trois employés de l’exploitation du port de Mersin - à savoir, M. Nazmi Vural (chef des services aux passagers), M. Mehmet Yildiz (responsable du pointage) et M. Okan Nar (expert) -, le comité demande au gouvernement de répondre aux allégations relatives à ces trois cas en indiquant, en particulier, les résultats de l’enquête du ministère des Transports, ainsi que les mesures prises en conséquence. Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale de la part des responsables du ministère de la Construction et du Logement, du Bureau de la topographie, et des responsables des Chemins de fer nationaux turcs, le comité demande au Syndicat indépendant des employés des travaux et de la construction publics (BAGIMSIZ YAPI-IMAR SEN) et au Syndicat indépendant des transports (agents publics dans les services de transports ferroviaire, aéroportuaire, maritime et routier) (BAGIMSIZ ULASIM-SEN) de lui soumettre toute information complémentaire qu’ils estiment utile.
B. Nouvelles observations du gouvernement
B. Nouvelles observations du gouvernement - 730. Dans sa communication du 10 septembre 2003, le gouvernement souligne que tous les renseignements nécessaires ont déjà été fournis dans ses communications antérieures et déclare que le comité sera tenu informé des éventuels faits nouveaux. Insistant sur le fait que les règles précises applicables à la liberté syndicale dans la fonction publique sont énoncées dans la loi no 4688, le gouvernement indique que les faits nouveaux dans ce domaine font l’objet d’un suivi attentif de la part du Premier ministre et du ministère du Travail et de la Sécurité sociale en vue de garantir le respect intégral de la loi. S’agissant des cas des membres du Syndicat des professionnels de la santé (SES) et du Syndicat des fonctionnaires du secteur de l’éducation (EGITIM-SEN), le gouvernement indique que le bureau du procureur a rendu des décisions en vertu desquelles les accusations ont été levées.
- 731. Dans sa communication du 9 mars 2004, le gouvernement formule d’autres observations et, à l’appui de celles-ci, joint plusieurs documents. En ce qui concerne les questions législatives du cas, le gouvernement fournit une copie de la circulaire n° 25136, datée du 12 juin 2003, sur l’application de la loi n° 4688, ainsi qu’une copie du projet de loi relatif aux modifications de la loi n° 2821 sur les syndicats.
- 732. S’agissant des allégations concernant les questions factuelles, le gouvernement indique que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a jamais reçu de plainte au sujet des allégations ci-après:
- - les 13 travailleurs mentionnés dans la troisième liste présentée par la KESK dans sa plainte;
- - les allégations de favoritisme en relation avec l’établissement d’un comité administratif institutionnel à Türk TELECOM; et
- - la distribution par le Bureau des produits agricoles de formulaires d’adhésion en faveur du syndicat Türk Tarim-Orman Sen.
- 733. En ce qui concerne les membres du Syndicat des professionnels de la santé (SES) et du Syndicat des fonctionnaires du secteur de l’éducation (EGITIM-SEN), le gouvernement répète que les procureurs ont décidé de lever les accusations. Le gouvernement indique que des copies des décisions correspondantes sont jointes à sa réponse en tant qu’annexes 5, 6, 7, 8, et 9. Les documents présentés dans la langue d’origine, avec les signatures et tampons officiels, ont été traduits et peuvent être résumés comme suit.
- 734. La première décision est signée du procureur du bureau du Procureur général de la République à Ankara. Elle porte le numéro de référence 2002/656 et indique que les défendeurs sont «membres du comité exécutif du Syndicat du personnel retraité du secteur de l’éducation, des savoirs et de la culture». La date de l’infraction est le «29.3.2002 et avant». La référence dans les statuts du syndicat à l’«éducation dans la langue maternelle» a apparemment été considérée comme illégale par le procureur public d’Amasya. Cette décision a été infirmée par le procureur public d’Ankara. Ce dernier a décidé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour engager une procédure contre les membres du comité exécutif du syndicat.
- 735. La deuxième décision, datée du 24 janvier 2003, a été rendue sous la signature du procureur du bureau du Procureur général de la République de Turquie à Balikesir. Elle porte le numéro de référence 2003/208 et désigne le défendeur comme étant «Mehmet Aslan et 65 amis», et l’infraction, une «réunion tenue sans autorisation» le 10 janvier 2003 devant le bâtiment de la section d’EGITIM-SEN de Balikesir. Soixante-cinq personnes ont apparemment participé à cette réunion, qui avait pour but de protester contre la suspension d’un mois appliquée à deux étudiants par l’administration de l’université. Le procureur a décidé qu’aucune charge ne serait retenue contre les défendeurs.
- 736. La troisième décision, datée du 18 avril 2003, est une décision du «tribunal pénal lourd» sous les signatures de l’«employé 380» et du «ministre 29996», portant la référence 2003/239 MÜT. Cette décision confirme en fait la décision de ne pas poursuivre les défendeurs prise par le procureur de Balikesir, mentionnée au paragraphe précédent.
- 737. La quatrième décision est une décision du procureur du bureau du Procureur général, à Balikesir, portant le numéro de référence 2003/43 et adressée au Bureau régional du travail et de la sécurité sociale à Bursa. M. Necmettin Karakus, l’«informateur», a apparemment allégué que des irrégularités avaient été commises au Syndicat du personnel retraité du secteur de la santé. En particulier, il a été allégué que le président du syndicat, M. Tamer Özcan, avait organisé un repas dans un hôtel sans qu’il y ait eu de décision du comité exécutif et qu’il avait retiré des fonds sous le couvert d’une signature falsifiée. Le procureur a rendu une «décision d’abstention équitable» au sujet de ces allégations, compte tenu de l’audit administratif et financier qui devait être effectué par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale le 17 septembre 2003.
- 738. Le cinquième document est une communication, datée du 25 mars 2002, du bureau du directeur de la sécurité et concerne la décision du procureur de la «Cour de la sécurité de l’Etat» de Diyarbakir relative à la réunion du comité général tenue par la section d’EGITIM-SEN de Bingöl. Elle porte la référence B.051.EGM.4.12.00.12.02/1718. Au cours de cette réunion, des affiches portant les légendes «La langue maternelle est un droit - on ne peut pas l’entraver» et «L’éducation dans la langue maternelle ne divise pas - elle unifie» ont été exposées. Le bureau du directeur de la sécurité a apparemment considéré que ces légendes étaient illégales et a soumis la question au procureur de la province dans une lettre du 6 février 2002. Le 7 mars 2002, le procureur a décidé de ne pas poursuivre les représentants du syndicat, étant donné que ces slogans figuraient dans les statuts du syndicat, dûment approuvés par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale.
- 739. En ce qui concerne les allégations visant les trois employés du bureau d’exploitation du port de Mersin - M. Nazmi Vural, M. Okan Nar (président de BAGIMSIZ ULASIM-SEN) et M. Mehmet Yildiz -, le gouvernement indique que le président de BAGIMSIZ ULASIM-SEN avait introduit une plainte, datée du 16 mai 2002, auprès du bureau du Premier ministre. Des inspecteurs du ministère des Transports ont enquêté sur les allégations, et le directeur du Bureau d’exploitation du port de Mersin, M. Kenan Sen, a été jugé coupable d’exercer des pressions sur les membres du syndicat. Une sanction, sous la forme d’un avertissement, lui a donc été appliquée et a été consignée dans son dossier personnel le 30 septembre 2002.
- 740. Le gouvernement a joint une copie d’une lettre du président du comité des inspecteurs portant le numéro de référence B.11.2.DDY.0.60.00.00/1450. Cette lettre résume les constatations de l’enquête faite par les inspecteurs. Il semble que la question ait été soulevée parce que M. Okan Nar a démissionné du Syndicat turc des communications et ensuite établi, avec M. Nazmi Vural et M. Mehmet Yildiz, le Syndicat indépendant des transports. Ils ont été menacés de mutation à d’autres postes, bien que ces menaces n’aient apparemment pas été mises à exécution. Néanmoins, les inspecteurs ont établi que trois membres du Syndicat indépendant des transports avaient démissionné, y compris M. Mehmet Yildiz, en raison de l’hostilité manifestée par le directeur de l’autorité portuaire, M. Kenan Sen, à l’égard du nouveau syndicat; de fait, un membre du Syndicat turc des communications a assisté à des manifestations d’un tel comportement hostile. Les inspecteurs ont donc conclu que l’allégation selon laquelle le directeur de l’autorité portuaire avait manifesté de l’hostilité envers le nouveau syndicat et exercé des pressions sur ses membres pour les pousser à démissionner était quelque peu fondée.
- 741. M. Nar a été brusquement privé du bureau qui lui avait été affecté lorsqu’il était directeur administratif du Syndicat turc des communications, immédiatement après sa démission de ce dernier syndicat et à l’époque où il participait à la création du Syndicat indépendant des transports. Les inspecteurs ont considéré que cette mesure avait été mise en oeuvre pour des raisons antisyndicales et ne reposait pas sur des motifs valables. Les inspecteurs ont également noté que le directeur de l’autorité portuaire avait exercé des pressions sur des fonctionnaires, pour des raisons antisyndicales, afin qu’ils ne délivrent pas de certificats médicaux à MM. Okan Nar et Nazmi Vural.
- 742. Dans ces circonstances, les inspecteurs ont conclu que le directeur de l’autorité portuaire avait fait preuve de favoritisme envers un syndicat au détriment du Syndicat indépendant des transports et, par là même, de discrimination contre les fondateurs et les membres de ce dernier syndicat. Les inspecteurs ont estimé que ce comportement était contraire à la loi no 4688, à la loi n° 2821, à la circulaire du Premier ministre no 2002/17 et aux conventions nos 87 et 151. Les inspecteurs ont recommandé qu’une sanction soit appliquée au directeur de l’autorité portuaire, sous la forme d’une réprimande. Si ce comportement devait persister, ils ont recommandé que d’autres fonctions lui soient attribuées à un poste différent.
- 743. Faute d’éléments de preuve concrets à l’appui de l’allégation selon laquelle ce comportement antisyndical résultait d’instructions émanant du ministre, les inspecteurs ont décidé que cette allégation n’appelait pas d’autres mesures.
- 744. Le gouvernement présente une copie de ce qui semble être la notification de la sanction par le ministre de l’Administration portuaire au directeur de l’exploitation du port de Mersin. Ce dernier a dûment accusé réception de cette notification et l’a signée. La décision concernant la sanction a été prise le 18 septembre, notifiée le 23 septembre et consignée le 30 septembre 2002.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 745. Le comité rappelle que, durant son dernier examen du cas, il a sollicité les observations du gouvernement sur les questions factuelles de la plainte afin de les examiner quant au fond. Comme le gouvernement fait référence, encore que brièvement, aux questions législatives de la plainte, le comité traitera d’abord ce point avant d’examiner l’une après l’autre chacune des allégations factuelles présentées.
- 746. Le comité rappelle que, s’il est vrai que la loi no 4688 représentait à l’époque où elle a été adoptée un progrès important vers la reconnaissance des droits syndicaux des agents publics, les mécanismes de contrôle de l’OIT ont mis en évidence un certain nombre de disparités entre les dispositions de la loi et celles des conventions nos 87, 98 et 151. Au cours de son examen antérieur du cas, le comité a souligné certaines des questions soulevant des problèmes de compatibilité avec ces conventions, rappelant en même temps les principes pertinents de la liberté syndicale. [Voir 330e rapport, paragr. 1095 à 1098.] Ces questions étaient les suivantes: l’exclusion de certaines catégories d’agents publics du champ d’application de la loi no 4688 et par conséquent du droit de s’organiser (art. 3a) et 15); la suspension et la résiliation du mandat d’un représentant syndical en cas de candidature à des élections locales ou générales (art. 10); le droit de négocier collectivement (art. 28); et l’absence de reconnaissance du droit de grève des agents publics qui n’exercent pas de pouvoir au nom de l’Etat et qui ne peuvent pas être considérés comme exécutant des services essentiels au sens strict du terme. Par ailleurs, le comité a souligné que les articles 14 et 30 de la loi no 4688 ne renfermaient pas de garanties suffisantes pour assurer une détermination véritablement objective du syndicat le plus représentatif. [Voir 330e rapport, paragr. 1098.] Enfin, le comité a insisté sur le fait que des mesures législatives devraient être prises pour assurer une protection efficace des agents publics contre tous actes de discrimination antisyndicale. [Voir 330e rapport, paragr. 1101 et 1102.]
- 747. Le comité est conscient du fait que le gouvernement entreprend actuellement plusieurs réformes législatives dans le domaine de la liberté syndicale et de la négociation collective, comme par exemple le projet de loi sur les amendements de la loi no 2821 sur les syndicats annexé par le gouvernement à sa communication du 9 mars 2004. Le comité croit par ailleurs comprendre qu’un processus est mis en place pour modifier la loi no 4688; que des modifications spécifiques ont été considérées; et qu’un projet de loi est en cours d’élaboration. Toutefois, le comité n’a reçu du gouvernement aucune confirmation à cet égard, encore moins le libellé exact d’un texte censé amender la loi no 4688.
- 748. Le comité veut croire que les modifications de la loi no 4688 garantiront les droits des agents publics en matière de liberté syndicale et de négociation collective d’une manière compatible avec les conventions nos 87, 98 et 151 et les principes de la liberté syndicale rappelés dans son examen précédent. Tenant compte du fait qu’un processus de modification de la loi no 4688 est en cours et qu’il fait partie d’un processus de réforme plus général, le comité demande au gouvernement de communiquer les textes pertinents portant amendement de la loi no 4688, conformément aux obligations qui sont les siennes en vertu des mécanismes de contrôle de l’OIT.
- 749. En ce qui concerne les allégations factuelles, le comité note que le gouvernement n’a répondu ni aux allégations de favoritisme au sein de Türk TELECOM et du Bureau des produits agricoles ni aux allégations de discrimination antisyndicale vis-à-vis des 13 membres et dirigeants des syndicats affiliés à la KESK. Le gouvernement se limite à faire observer que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale n’a jamais reçu de plainte à cet égard. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas tenu compte des recommandations spécifiques faites par le comité au sujet de ces allégations au cours de son examen précédent. D’autre part, le comité souhaite rappeler que sa compétence n’est pas subordonnée à l’épuisement préalable de telles ou telles voies de recours au niveau national.
- 750. Dans ces circonstances, le comité doit rappeler, une nouvelle fois, les principes suivants eu égard aux allégations de favoritisme. En favorisant ou en défavorisant une organisation donnée par rapport aux autres, un gouvernement pourra influencer le choix des travailleurs en ce qui concerne l’organisation à laquelle ils entendent appartenir. En outre, un gouvernement qui, sciemment, agirait de la sorte porterait aussi atteinte au principe établi dans la convention no 87, selon lequel les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits consentis par cet instrument ou à en entraver l’exercice légal. A plus d’une reprise, le comité a examiné des affaires où les autorités publiques auraient eu, selon les allégations présentées, une attitude favorable ou, au contraire, hostile à l’égard d’une ou plusieurs organisations syndicales. Toute discrimination de ce genre met en cause le droit des travailleurs consacré par l’article 2 de la convention no 87 de créer les organisations de leur choix et de s’y affilier. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 304 et 306.] Le comité prie instamment le gouvernement d’examiner sans délai les allégations au sujet de l’établissement d’un comité administratif institutionnel à Türk TELECOM avec la participation de Türk Haber-Sen et la distribution par le Bureau des produits agricoles de formulaires d’adhésion en faveur du syndicat Türk Tarim-Orman Sen, y compris tous actes concomitants de discrimination antisyndicale qui pourraient s’être produits. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour faire en sorte que tous les syndicats soient traités sur un pied d’égalité et que les travailleurs concernés puissent choisir librement le syndicat auquel ils souhaitent adhérer. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 751. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale, le comité examinera tout d’abord celles relatives au Syndicat des professionnels de la santé (SES) et au Syndicat des fonctionnaires du secteur de l’éducation (EGITIM-SEN), y compris le cas des 13 travailleurs mentionnés plus haut, car ils soulèvent tous des questions similaires.
- 752. A titre préliminaire, le comité souhaite mettre l’accent sur les éléments suivants des allégations relatives au SES et à EGITIM-SEN. Premièrement, les allégations concernant le SES mentionnaient des actes de discrimination antisyndicale sous la forme de mutations de fonctionnaires à des postes ou des lieux de travail différents; il n’a pas été fait mention d’actions en justice engagées contre ces fonctionnaires. En revanche, les allégations concernant EGITIM-SEN mentionnaient des actes de discrimination antisyndicale sous la forme de mutations de fonctionnaires ainsi que d’actions en justice engagées contre certains de ces travailleurs. Deuxièmement, la KESK a présenté une liste de 107 travailleurs qui participaient à des activités syndicales avec le SES, soit comme membres, soit comme dirigeants du syndicat, soit comme travailleurs participant aux activités syndicales sans être affiliés, tandis que la liste concernant EGITIM-SEN visait 30 travailleurs qui étaient membres ou dirigeants du syndicat. Dans les deux cas, les listes précisaient le nom et la profession des travailleurs, et leurs responsabilités syndicales; elles indiquaient aussi la ville d’origine et le lieu de travail de chacun de ces travailleurs et la ville ou le lieu de travail où ils avaient été mutés. Troisièmement, la KESK a indiqué que les actes de discrimination antisyndicale allégués relatifs au SES s’étaient produits au cours des six derniers mois précédant la plainte, à savoir entre décembre 2001 et mai 2002, puisque la plainte est datée du 28 mai 2002. Aucun calendrier n’était précisé pour ce qui est des actes allégués de discrimination antisyndicale concernant EGITIM-SEN mais ceux-ci s’étaient probablement produits avant le 28 mai 2002.
- 753. Compte tenu de ce qui précède, le comité note tout d’abord que le gouvernement fait seulement référence aux accusations qui ont été levées par les procureurs et qu’il n’aborde pas la question des mutations à d’autres postes ou lieux de travail dont il est allégué qu’elles ont des motifs antisyndicaux. Par ailleurs, le comité note qu’en ce qui concerne les allégations se rapportant au SES le gouvernement n’a communiqué qu’une décision visant un représentant du syndicat, ce qui laisse les 106 autres cas sans réponse.
- 754. Par ailleurs, de l’avis du comité, des questions se posent quant au point de savoir si les documents communiqués par le gouvernement se rapportent effectivement aux cas soumis par la KESK, car ils présentent un grand nombre de différences. A cet égard, le comité souligne en particulier ce qui suit. En premier lieu, l’unique décision relative à un représentant du SES, transmise par le gouvernement, se réfère à des poursuites judiciaires, alors que la KESK n’a jamais allégué que des membres et des dirigeants du SES avaient fait l’objet de telles poursuites.
- 755. En outre, le gouvernement a communiqué quatre décisions qui font référence à EGITIM-SEN. Deux décisions du procureur concernent les membres du comité exécutif du syndicat et la mention de la «langue maternelle» dans les statuts du syndicat. En vertu de l’une de ces décisions, en date du 7 mars 2002, le procureur a levé les accusations visant les syndicalistes. De l’avis du comité, il semble peu probable qu’un cas ne faisant plus l’objet de poursuites judiciaires soit mentionné dans une plainte pour discrimination antisyndicale introduite près de trois mois après que la décision du procureur a été rendue. Les deux autres décisions liées à EGITIM-SEN font référence à une infraction commise le 10 janvier 2003 par 65 personnes qui ont participé à une réunion devant le bâtiment de la section d’EGITIM-SEN de Balikesir. Le comité note que la date de l’infraction est postérieure à la date de la plainte déposée par la KESK et ne pouvait donc pas avoir été soulevée par le plaignant.
- 756. Compte tenu de ce qui précède, le comité relève que les observations du gouvernement sont incomplètes et que les différences mises en évidence plus haut font douter que les éléments de preuve communiqués par le gouvernement se rapportent aux allégations présentées par la KESK et examinées ici. Cela est d’autant plus regrettable que les allégations ont trait à des événements qui se sont produits il y a deux ans et qui, s’ils sont avérés, peuvent avoir de sérieuses conséquences pour les individus concernés. Dans ces circonstances, le comité doit rappeler que les gouvernements doivent reconnaître l’importance qu’il y a, pour leur propre réputation, à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif par le comité, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre par les organisations plaignantes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 20.] Eu égard au caractère incomplet des observations du gouvernement ainsi qu’aux nombreuses différences entre ses éléments de preuve et les allégations présentées, le comité veut croire qu’à l’avenir le gouvernement apportera une pleine coopération à la procédure devant le comité.
- 757. Au vu de ce qui précède, le comité doit rappeler les principes suivants:
- - nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées [voir Recueil, op. cit., paragr. 690];
- - la protection contre les actes de discrimination antisyndicale doit couvrir non seulement l’embauchage et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d’emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations et autres actes préjudiciables [voir Recueil, op. cit., paragr. 695];
- - la protection contre les actes de discrimination antisyndicale est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux pour leur permettre de remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance [voir Recueil, op. cit., paragr. 724];
- - le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les travailleurs soumis à un tel traitement disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 738 et 741];
- - lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 754.]
- 758. Le comité prie instamment le gouvernement d’ouvrir sans plus tarder des enquêtes indépendantes sur les cas individuels suivants, afin d’établir si les travailleurs concernés ont subi un préjudice dans leur emploi en raison de leurs activités syndicales légitimes:
- a) les 107 cas concernant des membres et des dirigeants du SES et des travailleurs participant à ses activités;
- b) les 30 cas concernant des membres et des dirigeants d’EGITIM-SEN;
- c) les 13 cas de travailleurs mentionnés dans la troisième liste présentée par la KESK dans sa plainte.
- 759. S’il est établi que ces travailleurs ont fait l’objet d’une discrimination antisyndicale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour en corriger sans délai les conséquences éventuelles. En particulier, le gouvernement devrait déclarer nulles et sans effet les mutations décidées pour des raisons antisyndicales et devrait prendre des mesures immédiates de façon que les travailleurs concernés soient réintégrés dans les postes qu’ils occupaient avant d’être mutés.
- 760. En ce qui concerne les trois employés du Bureau d’exploitation du port de Mersin, le comité note que le gouvernement a ordonné aux inspecteurs du ministère des Transports de procéder à une enquête, que ces inspecteurs ont constaté que le directeur de l’autorité portuaire avait adopté une ligne de conduite antisyndicale dans ses rapports avec les membres et les représentants du Syndicat indépendant des transports (agents publics dans les services de transports ferroviaire, aéroportuaire, maritime et routier) (BAGIMSIZ ULASIM-SEN), que, de ce fait, le ministère des Transports avait appliqué une sanction disciplinaire à ce haut responsable, que la sanction avait été consignée dans son dossier et qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle le comportement antisyndical était fondé sur des instructions du ministre. Le comité note que ledit comportement n’a pas eu d’effets négatifs sur la carrière des travailleurs concernés. Le comité estime donc que ces trois cas individuels ne nécessitent pas d’autre examen.
- 761. Enfin, le comité note que le Syndicat indépendant des employés des travaux et de la construction publics (BAGIMSIZ YAPI-IMAR SEN) et le Syndicat indépendant des transports (agents publics dans les services de transports ferroviaire, aéroportuaire, maritime et routier) (BAGIMSIZ ULASIM-SEN) n’ont pas communiqué d’autres renseignements pour préciser les allégations générales de discrimination antisyndicale de la part des fonctionnaires du ministère de la Construction et du Logement et du Bureau de la topographie et des fonctionnaires des Chemins de fer nationaux turcs. Le comité considère donc que ces allégations ne nécessitent pas d’autre examen.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 762. Compte tenu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tenant compte du fait qu’un processus visant à modifier la loi no 4688 est en cours et qu’il fait partie d’un processus de réforme plus général, le comité demande au gouvernement de communiquer les textes pertinents portant amendement de la loi no 4688, conformément aux obligations qui sont les siennes en vertu des mécanismes de contrôle de l’OIT.
- b) S’agissant des allégations de favoritisme à Türk TELECOM et au Bureau des produits agricoles, le comité prie instamment le gouvernement: i) d’examiner sans délai les allégations relatives à l’établissement d’un comité administratif institutionnel à Türk TELECOM avec la participation de Türk Haber-Sen et la distribution par le Bureau des produits agricoles de formulaires d’adhésion en faveur du syndicat Türk Tarim-Orman Sen, y compris tous actes concomitants de discrimination antisyndicale qui pourraient s’être produits; ii) de prendre les dispositions nécessaires pour garantir que tous les syndicats soient traités sur un pied d’égalité et que les travailleurs concernés puissent choisir librement le syndicat auquel ils souhaitent adhérer; et iii) de le tenir informé à cet égard.
- c) En ce qui concerne les 107 travailleurs participant aux activités du SES, les 30 membres et représentants d’EGITIM-SEN et les 13 membres et représentants des syndicats affiliés à la KESK, le comité: i) prie instamment le gouvernement d’ouvrir, sans plus attendre, des enquêtes indépendantes, afin d’établir si les travailleurs concernés ont subi un préjudice dans leur emploi en raison de leurs activités syndicales légitimes; ii) prie instamment le gouvernement, s’il est établi que ces travailleurs ont fait l’objet d’une discrimination antisyndicale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger sans délai les éventuelles conséquences de la discrimination antisyndicale et, en particulier, de déclarer nulles et sans effet les mutations décidées pour des raisons antisyndicales et de prendre des mesures immédiates de sorte que les travailleurs concernés soient réintégrés dans les postes qu’ils occupaient avant d’être mutés; et iii) demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Pour ce qui est des allégations de discrimination antisyndicale concernant les trois employés du Bureau d’exploitation du port de Mersin, notant que le gouvernement a ordonné une enquête, qu’une sanction disciplinaire a été appliquée à un haut responsable qui avait adopté un comportement antisyndical, et que ce comportement n’a pas porté préjudice à la carrière des travailleurs concernés, le comité estime que ces trois cas individuels ne nécessitent pas d’autre examen.
- e) Notant que le Syndicat indépendant des employés des travaux et de la construction publics (BAGIMSIZ YAPI-IMAR SEN) et le Syndicat indépendant des transports (agents publics dans les services de transports ferroviaire, aéroportuaire, maritime et routier) (BAGIMSIZ ULASIM-SEN) n’ont pas présenté d’autres renseignements pour préciser les allégations générales de discrimination antisyndicale de la part des fonctionnaires du ministère de la Construction et du Logement et du Bureau de la topographie et des fonctionnaires des Chemins de fer nationaux turcs, le comité considère que ces allégations ne nécessitent pas d’autre examen.