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- 1031. La plainte figure dans une communication du Syndicat des travailleurs de la manufacture de composants électriques du Mexique S.A. de C.V. (STEMCEM) en date du 29 juillet 2004. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication datée du 22 septembre 2005.
- 1032. Le Mexique a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais pas la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 1033. Dans sa communication datée du 29 juillet 2004, le Syndicat des travailleurs de la manufacture de composants électriques du Mexique S.A. de C.V. (STEMCEM) allègue qu’il est une organisation de travailleurs représentant et défendant les droits et les intérêts de ses membres dans la manufacture de composants électriques du Mexique S.A. de C.V. (MACOELMEX), entreprise qui dépend d’Alcoa, à Piedras Negras, Coahuila. Ce syndicat a été créé par les travailleurs de MACOELMEX au cours d’une assemblée générale, le 30 avril 2002. Pendant l’assemblée, l’acte constitutif a été formellement signé, un comité de direction a été élu et les statuts ont été approuvés. Au cours de cette même assemblée, 502 travailleurs de MACOELMEX se sont affiliés au syndicat et ont signé la demande d’enregistrement devant le conseil local de conciliation et d’arbitrage.
- 1034. Le syndicat plaignant explique qu’au début de l’année 2002 Javier Carmona, Rafael Salinas et d’autres travailleurs des usines de MACOELMEX, propriétés d’Alcoa, à Piedras Negras, Coahuila, Mexique, avaient commencé à s’organiser pour créer un nouveau syndicat de MACOELMEX, indépendant du syndicat existant (Syndicat de travailleurs de l’industrie de sous-traitance de l’Etat de Coahuila, CTM). Les travailleurs cherchaient à former un syndicat qui représenterait les intérêts de la majorité des travailleurs des quatre usines de MACOELMEX, propriétés d’Alcoa (usine no 1, usine no 2, usine Subaru et usine Bodega) à Piedras Negras.
- 1035. Le syndicat plaignant explique que le contrat de travail collectif, conclu entre MACOELMEX et le syndicat CTM le 3 janvier 2000, inclut une clause de sécurité syndicale («cláusula de exclusión») qui fait de l’affiliation au syndicat CTM une condition pour qu’un travailleur ait un emploi permanent chez MACOELMEX. La clause de sécurité syndicale oblige aussi l’entreprise à licencier les travailleurs qui seraient expulsés du syndicat CTM. Ladite clause, autorisée par les articles 395 et 413 de la loi fédérale du travail (LFT), précise que «… le patron licenciera les membres qui renonceraient à leur affiliation au syndicat contractant ou qui en seraient expulsés». Le syndicat plaignant indique que la Cour suprême a déclaré cette clause inconstitutionnelle à plusieurs reprises, mais ceci n’est pas appliqué dans la pratique.
- 1036. Au Mexique, les contrats dits «contrats de protection» sont une pratique courante dans l’industrie de sous-traitance dont fait partie MACOELMEX; ils sont signés entre des entreprises et des syndicats, généralement avant que l’entreprise recrute des travailleurs et commence à fonctionner. Lorsque les travailleurs veulent organiser un syndicat, pour ensuite avoir la possibilité de demander une vérification des comptes en vue de leur titularisation, les travailleurs sont menacés par cette clause qui, dans de nombreux cas, est effectivement appliquée pour licencier des travailleurs. L’application de la clause de sécurité syndicale restreint les droits des travailleurs de former un syndicat de leur choix et de s’y affilier, ainsi que de rechercher leur titularisation. L’effet combiné de ces restrictions est la négation du droit de négocier collectivement un contrat collectif.
- 1037. Le 22 février 2002, les travailleurs de l’usine no 2 de l’entreprise ont tenu une assemblée générale dans le centre communautaire de Piedras Negras, au cours de laquelle ils ont désavoué de fait M. Leocadio Hernández, secrétaire général du syndicat CTM, et ont décidé de commencer à former un nouveau syndicat. M. Hernández, accompagné d’environ dix de ses partisans, a voulu dissoudre l’assemblée par la force, mais la majorité l’a repoussé. En abandonnant l’assemblée, M. Hernández et ses partisans ont attaqué Mme Amparo Reyes, une travailleuse de l’usine no 1 de la même entreprise qui était venue soutenir les travailleurs de l’usine no 2. Quatre femmes du groupe de M. Hernández ont frappé et insulté Amparo Reyes; alors que celle-ci essayait de s’échapper, elles l’ont jetée à terre, lui ont donné des coups de pied et l’ont traînée en la tirant par les cheveux. En outre, le lundi 25 février 2002, des partisans du syndicat CTM sont entrés dans l’usine no 2 et ont attaqué plusieurs travailleurs. L’un d’entre eux, Bruno Meléndez, a été blessé à la tête, blessure pour laquelle il a dû avoir des points de suture.
- 1038. Le 26 février 2002, l’entreprise MACOELMEX a fait usage, à la demande du syndicat CTM, de la clause de sécurité syndicale pour licencier six travailleurs de l’usine no 1 qui avaient aidé les travailleurs de l’usine no 2 à organiser l’assemblée du 22 février 2002. Des représentants de l’entreprise ont expliqué à ces travailleurs qu’ils étaient licenciés parce que le contrat collectif de travail passé entre MACOELMEX et le syndicat CTM donnait audit syndicat le pouvoir d’expulser des travailleurs et de s’adresser à MACOELMEX pour qu’elle mette fin à leur contrat.
- 1039. Le 4 mars 2002, il a été procédé à une élection en vue de renouveler le comité syndical de section de l’usine no 2. A cette occasion, les travailleurs avaient l’option de voter pour les candidats d’une liste indépendante ou pour une liste soutenue par le syndicat CTM. Le matin des élections, les cadres de MACOELMEX ont menacé les travailleurs en disant que MACOELMEX quitterait Piedras Negras s’ils ne votaient pas pour la liste du syndicat CTM. Les représentants du syndicat CTM, et des dirigeants de MACOELMEX, ont fait campagne contre la liste indépendante et ont intimidé les travailleurs en regardant par-dessus leur épaule pour voir pour qui ils votaient. Malgré les menaces des dirigeants de MACOELMEX et du syndicat CTM, la liste indépendante a gagné par une large majorité, et le conseil local de conciliation a constaté que les travailleurs de l’usine no 2 avaient élu un nouveau comité syndical de section par 892 voix contre 592 (au Mexique existe un conseil local de conciliation et d’arbitrage dans chaque Etat de la République, instance qui est chargée de régler les conflits professionnels qui ne relèvent pas de la juridiction fédérale; le gouverneur de chaque Etat supervise le conseil local de conciliation et d’arbitrage).
- 1040. Le 30 avril 2002 s’est tenue une assemblée générale de tous les travailleurs syndiqués de l’usine no 2 et de l’usine Subaru. L’objectif de ladite assemblée était de créer formellement un syndicat indépendant du CTM qui représenterait véritablement les intérêts des travailleurs. Ladite réunion s’est transformée en assemblée constitutive du syndicat de MACOELMEX, et les 502 travailleurs qui y avaient assisté ont approuvé les statuts du syndicat de MACOELMEX et ont élu Carlos Briones, José Luis Rodríguez et Bruno Meléndez comme membres de leur comité de direction.
- 1041. Les 3 et 4 octobre 2002, MACOELMEX a licencié de l’usine no 1 environ 16 travailleurs de MACOELMEX qui avaient manifesté l’intention de s’affilier au nouveau syndicat. De plus, MACOELMEX a licencié Carlos Briones, Bruno Meléndez, José Luis Rodríguez et Guadalupe Rivera, quatre des cinq dirigeants du nouveau syndicat de l’usine no 2.
- 1042. Selon le syndicat plaignant, au Mexique, une organisation de travailleurs doit être enregistrée devant le conseil de conciliation et d’arbitrage compétent pour obtenir sa reconnaissance formelle en tant que syndicat. Sur base de l’article 366 de la LFT, le conseil de conciliation et d’arbitrage ne peut refuser l’enregistrement officiel à un syndicat s’il remplit toutes les conditions requises exigées par l’article 365 de ladite loi. Le syndicat plaignant précise qu’il a rempli les conditions requises: 1) compter au minimum 20 membres; 2) son objectif était d’étudier les intérêts des travailleurs, les améliorer et les défendre; et 3) avec la demande d’enregistrement officiel en tant que syndicat, il a présenté a) une copie certifiée conforme du procès-verbal de l’assemblée constitutive; b) une copie certifiée conforme des procès-verbaux rendant compte de l’élection de son comité de direction; c) ses statuts, et d) une liste reprenant le nombre d’affiliés, leurs noms et domicile. Le syndicat a demandé son enregistrement devant le conseil local de conciliation et d’arbitrage à Piedras Negras le 27 juin 2002, qui a cependant décidé de refuser l’enregistrement le 23 août 2002. Le conseil a fait état dans son jugement de problèmes concernant l’enregistrement mais n’a jamais cherché à prendre contact avec le syndicat pour éclaircir le problème ou résoudre les doutes pesant sur la demande d’enregistrement; il n’a pas non plus donné au syndicat l’occasion de corriger ou de préciser des points éventuels. Le 2 septembre 2002, le syndicat a interjeté devant le troisième tribunal de district du huitième circuit un recours en amparo auprès de la justice fédérale contre la décision du conseil local de conciliation et d’arbitrage, mais le 22 octobre 2002 ledit tribunal a refusé au syndicat la protection constitutionnelle demandée. Le syndicat a alors déposé un recours en amparo devant le tribunal collégial de district de la ville de Torreón, Etat de Coahuila.
- 1043. En une occasion, le président du conseil local de conciliation et d’arbitrage s’est directement ingéré dans la procédure d’enregistrement du syndicat plaignant, puisqu’il a contacté les organisateurs du syndicat autour de minuit le 25 septembre 2002 et leur a conseillé de ne pas essayer de former un syndicat indépendant. Il a menacé les travailleurs en disant qu’il ne convenait pas qu’ils expriment si ouvertement leur dissidence envers le syndicat CTM.
- 1044. D’autre part, José Angel Aranda Hernández, un dirigeant du syndicat CTM, était le représentant des travailleurs à l’instance du conseil local de conciliation et d’arbitrage qui a refusé l’enregistrement du syndicat plaignant. Le conseil local de conciliation et d’arbitrage possède une structure tripartite qui comprend un fonctionnaire gouvernemental, un représentant de la partie patronale et un représentant de la partie des travailleurs mais, selon l’article 707 de la LFT, les parties composant le conseil local de conciliation et d’arbitrage qui auraient un intérêt personnel ne doivent pas prendre part au jugement.
- 1045. Le syndicat plaignant estime que le présent cas confirme des violations des conventions nos 87 et 98, ainsi que des actes d’ingérence et de discrimination antisyndicale.
- B. Réponse du gouvernement
- 1046. Dans sa communication en date du 22 septembre 2005, le gouvernement déclare qu’il a assumé l’engagement de respecter les dispositions de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, en la ratifiant, le 1er avril 1950, et qu’il n’a pas ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. L’obligation de reconnaître le principe de la liberté syndicale s’impose à tous les Etats Membres en vertu de la Constitution de l’Organisation internationale du Travail, ce qui se reflète dans le Manuel concernant les procédures en matière de conventions et recommandations internationales du travail. Par conséquent, pour que le Comité de la liberté syndicale puisse réviser un cas, la violation supposée de la liberté syndicale doit être le fait d’actions effectuées par le gouvernement.
- 1047. Etant donné ce qui précède, suivront des commentaires sur les faits signalés dans la communication du syndicat plaignant, faits provoqués par des actions des autorités en rapport avec le principe de la liberté syndicale et la protection du droit syndical de la convention no 87 de l’OIT.
- 1048. En ce qui concerne l’affirmation du syndicat plaignant selon laquelle le conseil local de conciliation et d’arbitrage compétent aurait violé la convention no 87 de l’OIT parce qu’il n’a pas accepté l’enregistrement du syndicat, le gouvernement déclare que le fait signalé par le syndicat ne constitue pas un manquement de la part du gouvernement au principe de la liberté syndicale et de la protection du droit syndical consacrés dans la convention no 87 de l’OIT.
- 1049. Le syndicat plaignant n’indique pas, dans sa communication, qu’il lui a été interdit d’exercer librement son droit de se constituer, avec une personnalité juridique et un patrimoine propres, pour défendre les intérêts de ses membres, dans la forme et les termes qu’il estime pertinents. Il ne lui a pas non plus été interdit d’exercer son droit de rédiger ses statuts et règlements, d’élire librement ses représentants, d’organiser sa gestion et ses activités, ni de formuler son programme d’action.
- 1050. De même, le syndicat plaignant n’a pas été laissé sans défense puisque le système juridique du Mexique donne la possibilité d’exercer ses droits par des moyens de contestation et des recours légaux applicables contre la décision du conseil local de conciliation et d’arbitrage compétent. Comme le syndicat plaignant lui-même le signale dans sa communication, il a pu exercer les actions en justice et les moyens de contestation qu’il considérait applicables, devant les autorités juridictionnelles et administratives compétentes.
- 1051. En tout cas, le registre des syndicats au Mexique n’est pas déclaratif de droits; il ne sert qu’à les rendre publics.
- 1052. Le Comité de la liberté syndicale a reconnu qu’il ne semble pas s’agir d’une infraction à la convention no 87 de l’OIT lorsque l’enregistrement des syndicats consiste uniquement en une formalité dont les conditions ne sont pas de nature à mettre en danger les garanties prévues par la convention.
- 1053. Il convient de signaler que le syndicat plaignant peut, et il en a le droit, demander de nouveau son enregistrement qui lui sera attribué lorsque l’autorité aura déclaré qu’il a respecté toutes les conditions légales requises, sans que cette circonstance n’affecte ses droits de se constituer en tant qu’association syndicale, de rédiger ses statuts et d’élire ses représentants.
- 1054. Le syndicat des travailleurs de MACOELMEX considère que le gouvernement du Mexique a prétendument violé les obligations contractées avec l’OIT en autorisant une structure tripartite dans le conseil local de conciliation et d’arbitrage qui a laissé un représentant du syndicat rival affilié au CTM faire partie de ladite instance et que, par conséquent, sa décision a été déterminante pour refuser l’enregistrement du syndicat des travailleurs de MACOELMEX.
- 1055. La loi fédérale sur le travail, dans ses articles 648 à 667, établit la procédure d’élection à laquelle doivent se soumettre les représentants des travailleurs ou des employeurs dans les conseils fédéraux ou locaux de conciliation et d’arbitrage, ainsi que les conditions requises pour assumer cette charge. Ladite procédure consiste à tenir des assemblées qui doivent être convoquées soit par le secrétaire du travail et de la prévoyance sociale, soit par le gouverneur de l’Etat ou le chef du département du district fédéral, assemblées dans lesquelles les délégués des organisations syndicales ou patronales, dûment enregistrées, des travailleurs libres ou des patrons indépendants pourront élire les représentants tant des travailleurs que des patrons dans des assemblées qui se tiendront dans chaque conseil spécial. Conformément à ce qui précède, la procédure d’élection des représentants des travailleurs et des patrons devant les conseils fédéraux et locaux de conciliation et d’arbitrage est transparente et claire; de plus, elle est dûment réglementée par la législation du travail. S’il y avait un empêchement légal quelconque pour un des membres du conseil local de conciliation et d’arbitrage saisi de l’enregistrement syndical, selon ce que stipule l’article 707 de la loi fédérale sur le travail, le syndicat plaignant aurait dû le faire valoir au moment opportun devant les autorités précisées dans l’article 709 de la loi fédérale sur le travail, conformément à l’article 710 de la même ordonnance. Par conséquent, le syndicat des travailleurs de MACOELMEX avait en main tous les éléments nécessaires pour demander de décharger le(s) membre(s) du conseil local de conciliation et d’arbitrage compétent qui pourrai(en)t être empêché(s) de se déclarer sur l’affaire en question; s’il ne l’a pas fait, il en est responsable et il ne peut imputer au gouvernement un manquement à cet égard, ni soutenir que la structure tripartite des conseils lui cause préjudice étant donné que cette composition découle directement des ordonnances légales et a comme objectif que le jugement conjoint de l’organe soit le plus équitable et le plus impartial possible.
- 1056. Le gouvernement conclut en précisant que: 1) les faits que signale le syndicat plaignant dans sa communication ne constituent pas un manquement de la part du gouvernement du Mexique au principe de la liberté syndicale et du droit syndical consacrés dans la convention no 87 de l’OIT; 2) le syndicat plaignant a déposé un recours devant les autorités administratives et juridictionnelles pour dénoncer des irrégularités, il a été écouté et a obtenu une réponse, les voies et procédures légales appropriées ont été suivies, et 3) le syndicat plaignant a pu faire valoir ses droits devant les autorités juridictionnelles compétentes, en exerçant les actions légales appropriées et, dans son cas, les recours et moyens de contestation établis par le système juridique national, afin d’obtenir que les autorités respectent les obligations que leur imposent les ordonnances applicables, ainsi que celles qui découlent des décisions émises par les organes juridictionnels.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1057. Le comité observe que le syndicat plaignant dans le présent cas (constitué dans l’entreprise MACOELMEX) allègue: 1) le refus de l’enregistrer de la part du conseil local de conciliation et d’arbitrage bien qu’il ait respecté les conditions requises par la loi, et le fait que le syndicat comprenait 502 membres; 2) l’existence d’un contrat collectif passé avec un autre syndicat (CTM) qui comprenait une clause de sécurité syndicale conditionnant l’embauche de tout travailleur à son affiliation au CTM et obligeant l’entreprise à licencier les travailleurs qui renonceraient à leur affiliation ou seraient expulsés du CTM; selon le syndicat plaignant, lesdites clauses sont autorisées dans les articles 395 et 413 de la loi fédérale sur le travail et sont courantes dans l’industrie de sous-traitance bien que la Cour suprême les ait déclarées anticonstitutionnelles; 3) en application de la clause prévue dans le contrat collectif, six travailleurs ont été licenciés durant la période de constitution du syndicat plaignant et des actes de violence ont été perpétrés contre des travailleurs par des partisans du syndicat CTM, et des menaces et des intimidations ont été proférées par des représentants de l’entreprise; 4) après la constitution du syndicat plaignant, l’entreprise a licencié 16 travailleurs qui avaient manifesté l’intention de s’affilier au syndicat ainsi que quatre des cinq dirigeants syndicaux (Carlos Briones, Bruno Meléndez, José Luis Rodríguez et Guadalupe Rivera); et 5) le conseil local de conciliation et d’arbitrage (organe tripartite composé de trois membres), qui a refusé l’enregistrement du syndicat plaignant, comprenait un dirigeant du syndicat CTM qui ne s’est pas désisté bien qu’il existe un conflit d’intérêts; de plus, quelques mois après le refus émis par le conseil, le président dudit conseil a tenté de dissuader les organisateurs du syndicat plaignant de former un syndicat indépendant. Le comité note que ces allégations datent de 2002, du fait que l’autorité judiciaire a statué en première instance contre l’enregistrement du syndicat plaignant et que ledit syndicat a présenté un nouveau recours devant le tribunal collégial de district de la ville de Torreón, Etat de Coahuila.
- 1058. En ce qui concerne le refus du conseil local de conciliation et d’arbitrage d’enregistrer le syndicat plaignant, l’allégation de partialité d’un de ses membres et l’attitude hostile au syndicat de la part du président dudit conseil, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) le refus du conseil local de conciliation et d’arbitrage d’accorder l’enregistrement ne constitue pas un manquement de la part du gouvernement au principe de la liberté syndicale et du droit syndical consacrés dans la convention no 87; 2) l’enregistrement des syndicats, au Mexique, n’est pas déclaratif de droits, il ne sert qu’à les rendre publics; 3) le syndicat plaignant peut, et il en a le droit, demander de nouveau son enregistrement s’il remplit les conditions légales requises; 4) le syndicat plaignant n’indique pas dans sa plainte qu’il a été empêché d’exercer librement son droit à se constituer, ni son droit de rédiger ses statuts et règlements, d’élire librement ses représentants, d’organiser sa gestion et ses activités et de formuler son programme d’action; 5) le syndicat plaignant a fait usage des actions et des moyens de contestation prévus dans le système juridique national; 6) la loi fédérale sur le travail, dans ses articles 648 à 667, établit la procédure d’élection à laquelle doivent se soumettre les représentants des travailleurs ou des patrons dans les conseils fédéraux ou locaux de conciliation et d’arbitrage, ainsi que les conditions requises pour pouvoir assumer cette charge; ladite procédure consiste à tenir des assemblées qui doivent être convoquées soit par le secrétaire du travail et de la prévoyance sociale, soit par le gouverneur de l’Etat ou le chef du département du district fédéral, assemblées dans lesquelles les délégués des organisations syndicales ou patronales dûment enregistrées, des travailleurs libres ou des patrons indépendants, pourront élire les représentants, tant des patrons que des travailleurs dans des assemblées qui seront tenues dans chaque conseil spécial; 7) le syndicat plaignant a eu en main les éléments nécessaires pour demander la récusation des membres du conseil local de conciliation et d’arbitrage qui auraient pu être empêchés de se prononcer sur l’affaire en question; s’il ne l’a pas fait, il en est responsable et ne peut imputer au gouvernement un manquement à cet égard; et 8) la prétendue violation des principes de la liberté syndicale doit être le fait d’actes effectués par le gouvernement.
- 1059. Le comité observe que l’autorité judiciaire a rejeté, le 22 octobre 2002, un recours interjeté par le syndicat plaignant, mais souligne sa préoccupation devant le fait qu’un autre recours interjeté par le syndicat plaignant devant le tribunal collégial de district de la ville de Torreón n’est toujours pas jugé. Le comité déplore ce retard de plusieurs années, souligne que l’administration dilatoire de la justice équivaut à un déni de justice et demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement que rendra ledit tribunal. Le comité souligne également que, selon le syndicat plaignant, le conseil local de conciliation et d’arbitrage (compétent en matière d’enregistrement des syndicats) n’a pas communiqué avec des représentants du syndicat pour résoudre d’éventuels problèmes légaux. A cet égard, le comité désire signaler que, dans des cas antérieurs relatifs au Mexique, il avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour qu’à l’avenir, si l’instance chargée de reconnaître la légalité des organisations considérait que les documents soumis à cette fin comportaient des irrégularités, la possibilité soit donnée auxdites organisations de rectifier les irrégularités constatées. [Voir, par exemple, 334e rapport, cas no 2282, paragr. 638; et 337e rapport, cas no 2346, paragr. 1056.]
- 1060. En ce qui concerne les allégations relatives aux clauses de sécurité syndicale («cláusulas de exclusión») des contrats collectifs qui conditionnent l’embauche des travailleurs à leur affiliation à un syndicat et qui obligent l’entreprise à licencier les travailleurs qui renonceraient à leur affiliation au syndicat ou en seraient expulsés, le comité observe que le gouvernement ne fournit pas d’observations spécifiques à ce sujet. Le comité note que ces clauses sont autorisées par les articles 395 et 413 de la loi fédérale sur le travail et du fait que, selon le syndicat plaignant, elles sont très courantes dans le secteur de l’industrie de sous-traitance bien que la Cour suprême les ait déclarées inconstitutionnelles. Le comité observe que les dispositions mentionnées sont les suivantes:
- Article 395. Dans le contrat collectif, il pourra être établi que le patron admettra exclusivement comme travailleurs ceux qui seraient membres du syndicat contractant. Ladite clause et toute autre qui pourraient établir des privilèges en leur faveur ne pourront être appliquées au préjudice des travailleurs qui ne feraient pas partie du syndicat et qui prêteraient déjà leurs services dans l’entreprise ou l’établissement antérieurement à la date à laquelle le syndicat demande la conclusion ou la révision du contrat collectif et l’introduction dans celui-ci de la clause d’exclusion. Il pourra aussi être établi que le patron licenciera les membres qui renonceraient à leur affiliation au syndicat contractant ou qui en seraient expulsés.
- Article 413. Dans le contrat-loi pourront être établies les clauses auxquelles se réfère l’article 395. Leur application reviendra au syndicat administrateur du contrat-loi dans chaque entreprise.
- Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’application de ce jugement de la Cour suprême en relation avec les articles 395 et 413 de la loi fédérale sur le travail.
- 1061. Quant aux allégations concernant les actes de discrimination antisyndicale au motif de la constitution du syndicat plaignant (licenciement de six travailleurs de l’usine no 1 de l’entreprise qui avaient aidé à organiser l’assemblée du 22 février 2002; licenciement de quatre des cinq dirigeants du syndicat et de 16 travailleurs qui avaient manifesté l’intention de s’affilier), des actes de violence de la part de personnes proches de l’autre syndicat contre les travailleurs qui avaient décidé de commencer à constituer le syndicat plaignant au cours de l’assemblée du 22 février 2002, d’actes d’intimidation de la part de l’entreprise et des menaces de l’entreprise de quitter Piedras Negras si les travailleurs ne votaient pas en faveur des représentants du syndicat existant, le comité déplore que le gouvernement n’ait pas envoyé d’observations spécifiques à ce sujet et qu’il se soit limité à signaler de façon générale que le syndicat plaignant peut faire valoir ses droits par des recours et des moyens de contestation établis par le système juridique.
- 1062. Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour qu’une enquête soit diligentée sur ces allégations et, si les faits allégués se confirment, d’assurer la réparation des actes antisyndicaux et, en particulier, la réintégration des travailleurs licenciés et, si cela n’était pas juridiquement possible, de les indemniser complètement sans perte d’avantages sociaux. L’indemnisation devrait inclure des sanctions suffisamment dissuasives pour l’employeur en raison d’un tel comportement antisyndical. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. De manière générale, le comité rappelle que nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690], et qu’en vertu du principe contenu dans l’article 2 de la convention no 98 les employeurs devraient s’abstenir de toute pression ou menace à l’encontre des travailleurs qui exercent des activités syndicales et que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 47.]
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1063. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne le refus du conseil local de conciliation et d’arbitrage d’enregistrer le syndicat plaignant, observant que l’autorité judiciaire a rejeté le 22 octobre 2002 un recours interjeté par le syndicat plaignant et soulignant avec préoccupation qu’un autre recours interjeté par le syndicat plaignant devant le tribunal collégial de district de la ville de Torreón n’est toujours pas jugé, le comité déplore ce retard de plusieurs années, souligne que l’administration dilatoire de la justice équivaut à un déni de justice et demande au gouvernement de lui communiquer le texte du jugement que rendra ledit tribunal.
- b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’application du jugement de la Cour suprême en relation avec les articles 395 et 413 de la loi fédérale sur le travail.
- c) Le comité déplore que le gouvernement n’ait pas envoyé d’informations spécifiques sur: 1) les allégations d’actes de discrimination antisyndicale au motif de la constitution du syndicat plaignant (licenciement de six travailleurs de l’usine no 1 de l’entreprise qui avaient aidé à organiser l’assemblée du 22 février 2002 et licenciement de quatre des cinq dirigeants du syndicat et de 16 travailleurs qui avaient manifesté l’intention de s’affilier); 2) les allégations d’actes de violence de la part de personnes proches de l’autre syndicat contre les travailleurs qui avaient décidé de commencer à former le syndicat plaignant au cours de l’assemblée du 22 février 2002, et 3) les allégations d’actes d’intimidation de la part de l’entreprise et de menaces disant que l’entreprise quitterait Piedras Negras si les travailleurs ne votaient pas en faveur des représentants du syndicat déjà existant.
- d) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour qu’une enquête soit diligentée sur ces allégations et, si les faits étaient confirmés, d’assurer la réparation des actes antisyndicaux et, en particulier, la réintégration des travailleurs licenciés et, si cela n’était juridiquement pas possible, de les indemniser complètement sans perte d’avantages sociaux; l’indemnisation devrait inclure des sanctions suffisamment dissuasives pour l’employeur en raison d’un tel comportement antisyndical. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.