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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 372, June 2014

Case No 3022 (Thailand) - Complaint date: 30-APR-13 - Follow-up

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent le licenciement antisyndical de six membres du comité de la section Hat Yai du Syndicat des chemins de fer d’Etat de Thaïlande (SRUT) et de sept dirigeants du SRUT pour leur participation à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail lancée après la catastrophe ferroviaire qui s’est produite à Hua Hin et l’imposition de sanctions pour action revendicative. Elles ajoutent que la conduite de la Société publique des chemins de fer de Thaïlande (SRT) et d’autres institutions officielles révèle un certain nombre de failles dans la législation thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, qui n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale énoncés dans les conventions nos 87 et 98

  1. 575. La plainte figure dans une communication du Syndicat des chemins de fer d’Etat de Thaïlande (SRUT), de la Confédération des travailleurs des entreprises publiques (SERC), de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) et de la Confédération syndicale internationale (CSI), en date du 30 avril 2013.
  2. 576. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans une communication en date du 11 mars 2014.
  3. 577. La Thaïlande n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 578. Dans une communication en date du 30 avril 2013, les organisations plaignantes – le SRUT, la SERC, l’ITF et la CSI – allèguent que le gouvernement n’a pas pleinement respecté les droits des syndicats, de leurs dirigeants et membres conformément aux principes de la liberté syndicale, comme il est énoncé dans les conventions nos 87 et 98. Elles affirment que la conduite de la Société publique des chemins de fer de Thaïlande (SRT) et d’autres institutions officielles parties au conflit qui est à l’origine de la présente plainte révèle des failles dans la législation thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, dont le gouvernement est responsable en sa qualité d’Etat Membre de l’OIT. Même si la Thaïlande n’a pas ratifié les conventions nos 87 et 98, il entre dans le mandat du comité de déterminer si telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale, que le pays concerné ait ratifié ou non ces conventions.
  2. 579. Par conséquent, les organisations plaignantes estiment que la conduite de la SRT soulève de graves questions de conformité concernant des mesures visant à: i) protéger les syndicats pour qu’ils puissent organiser leurs activités et formuler leur programme d’action librement, sans restrictions ni obstacles à l’exercice légitime de ces droits; ii) protéger les syndicats dans leurs efforts en vue de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs; iii) protéger les travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale.
  3. 580. Les organisations plaignantes précisent que la SRT est une société ferroviaire publique qui a été fondée en 1896 et qui exploite l’ensemble du réseau ferré thaïlandais (4 070 km de voies). Elle employait plus de 20 000 travailleurs avant 1998, contre seulement 11 000 travailleurs réguliers et 4 000 travailleurs temporaires en 2012. La réduction de la main-d’œuvre dans les chemins de fer est due à une résolution du Conseil des ministres adoptée en juillet 1998 stipulant que la SRT ne devait pas employer plus de 5 pour cent des travailleurs atteignant chaque année l’âge de la retraite obligatoire.
  4. 581. Les organisations plaignantes précisent qu’avant 2009 le gouvernement faisait peu de cas du transport ferroviaire national, limitant au minimum ses investissements en infrastructures ou en équipements techniques. Par exemple, l’une des préoccupations majeures du SRUT en matière de santé et de sécurité concernait l’utilisation de systèmes de signalisation manuelle désuets. En 2009, le stock existant avait 25 à 30 ans; la dernière locomotive a été achetée en 1995, et seulement 20 locomotives sur 170 étaient équipées d’un disjoncteur de sûreté et d’un dispositif de veille automatique.
  5. 582. Concernant le SRUT, les organisations plaignantes indiquent que les débuts du mouvement des cheminots en Thaïlande remontent à 1957, lorsque le premier syndicat a été formé puis dissout un an plus tard. Après bien des années d’absence de liberté syndicale et de droit de réunion en Thaïlande, la communauté internationale s’est indignée de la répression exercée par le gouvernement, causant l’emprisonnement et l’assassinat de dirigeants syndicaux en 1970. Une série limitée de droits du travail ont alors été introduits; des associations de cheminots sont apparues, qui ont toujours été depuis au premier rang de la lutte pour la démocratie et qui ont fusionné avec succès pour former l’Association nationale des chemins de fer d’Etat en 1991. Cette organisation est devenue le SRUT après l’adoption en 2000 d’une nouvelle loi sur le travail autorisant la création de syndicats dans le secteur public. Aujourd’hui, le SRUT représente 11 000 membres dans toutes les catégories et régions du système ferroviaire thaïlandais. Ces cheminots sont protégés par une convention collective conclue entre le SRUT et la SRT (signée pour la première fois en 1975 entre les associations de cheminots et la SRT). Le SRUT fait partie de tous les comités pertinents et représente les travailleurs dans bien des organes de décision de la SRT, dont sa commission bipartite des relations professionnelles (Commission des affaires syndicales (RAC)). A l’échelle nationale, le syndicat est affilié à la SERC où il joue un rôle moteur. Fondée en 1980, la SERC regroupe 45 syndicats du secteur public (70 pour cent du mouvement syndical organisé dans ce secteur) et s’est joint à la CSI en 2008. A l’échelle internationale, le SRUT est affilié à l’ITF depuis 1989.
  6. 583. Les organisations plaignantes indiquent que, le 5 octobre 2009, le train no 84 de la SRT a déraillé à la gare de Khao Tao, dans le district de Hua Hin de la province de Prachuap Kiri Khan, en Thaïlande, tuant sept personnes; d’autres déraillements semblables s’étaient produits plus tôt ce mois-là plus à l’ouest, dans la province de Kanchanaburi (train de passagers) et au nord de Bangkok (train de marchandises). Selon le rapport d’enquête officiel, le conducteur du train s’est endormi, ou a perdu conscience, immédiatement avant le déraillement; cet accident mortel a donc été attribué à la négligence du conducteur. Les organisations plaignantes ajoutent que le rapport contient des déclarations du conducteur et du technicien du train, selon lesquelles le disjoncteur de sûreté et le dispositif de veille automatique étaient brisés, et que le conducteur a perdu connaissance à cause de la fumée qui s’infiltrait en permanence dans le poste de conduite.
  7. 584. Les organisations plaignantes indiquent que, le 13 octobre 2009, le SRUT a convoqué en réunion son comité exécutif et les sous-comités de ses neuf sections provinciales pour discuter de la détérioration de la situation en matière de santé et de sécurité à bord des trains de la SRT. Comme le SRUT n’avait pas le droit à la grève en vertu de la législation thaïlandaise, les dirigeants du syndicat ont convenu que la meilleure stratégie en l’occurrence était d’appeler la SRT à respecter ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail en vertu des conventions collectives signées entre le SRUT et la SRT (ci-après désignée l’initiative sur la santé et la sécurité au travail).
  8. 585. Les organisations plaignantes citent les dispositions pertinentes des conventions collectives, selon lesquelles la SRT doit vérifier et réparer avant de les mettre en service tous les équipements de l’ensemble de ses locomotives, voitures et bogies pour qu’ils soient en parfait état de marche (convention collective de 2001). De même, la SRT doit vérifier et réparer avant de les mettre en service tous les équipements de l’ensemble de ses locomotives, voitures et bogies pour qu’ils soient en parfait état de marche (convention collective de 2002). La dernière convention collective signée entre le SRUT et la SRT confirmait que les dispositions précitées demeuraient en vigueur.
  9. 586. Les organisations plaignantes indiquent que, les 14 et 15 octobre 2009, le SRUT a publié des communiqués de presse réclamant le lancement de l’initiative sur la santé et la sécurité au travail, et soulignant avec la plus grande insistance qu’une locomotive défectueuse et mal réparée devrait être retirée du service aux termes de la convention collective. En réponse à l’appel à l’action du SRUT, environ 1 200 membres du syndicat (soit 600 équipes composées d’un conducteur et d’un technicien) ont refusé de conduire des trains dont le disjoncteur de sûreté ou le dispositif de veille automatique était défectueux.
  10. 587. Selon les organisations plaignantes, la SRT a réagi aux communiqués de presse en émettant une directive énonçant les procédures à suivre dans l’éventualité où les travailleurs constataient que les locomotives n’étaient pas en état de marche et prévoyant l’affichage d’avis sur les deux côtés du poste de conduite invitant le conducteur à redoubler de prudence au cas où le disjoncteur de sûreté ou le dispositif de veille automatique ne fonctionnerait pas correctement. Le 16 octobre 2009, le SRUT a condamné la directive de la SRT dans un communiqué de presse, en affirmant que le disjoncteur de sûreté et le dispositif de veille automatique étaient d’une importance cruciale pour la sécurité des passagers, vitale pour la prévention des accidents, et qu’ils étaient jugés essentiels dans la plupart des autres pays, et en rappelant qu’une directive précédente de la SRT interdisait aux travailleurs de toucher auxdits dispositifs sous peine de lourdes sanctions disciplinaires. Entre le 22 et le 26 octobre 2009, la police a été appelée à la gare et au dépôt de Hat Yai pour maintenir le calme et l’ordre.
  11. 588. Les organisations plaignantes ajoutent que, le 28 octobre 2009, un accord prévoyant la formation d’un comité chargé d’enquêter sur les conditions de sécurité à bord des trains de la SRT a été signé entre le SRUT, la SRT, des hauts fonctionnaires et des représentants de la police et de l’armée. Contrairement à ce que la SRT a affirmé au départ, il a été reconnu que le SRUT n’a pas empêché le bon fonctionnement du système ferroviaire thaïlandais dans le cadre de l’initiative sur la santé et la sécurité au travail, mais a simplement demandé à ses membres d’attendre qu’un équipement défectueux à bord d’un train soit réparé avant de conduire ledit train.
  12. 589. Les organisations plaignantes allèguent que, néanmoins, la SRT a licencié les six membres suivants de la section de Hat Yai du SRUT pour avoir participé à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail (ordres de licenciement du 27 octobre 2009): i) M. Wirun Sagaekhum, conducteur de locomotive de niveau 6 et président de la section de Hat Yai du SRUT; ii) M. Prachaniwat Buasri, conducteur de locomotive de niveau 6 et vice-président de la section de Hat Yai du SRUT; iii) M. Sorawut Porthongkham, technicien de niveau 5 et agent d’inscription de la section de Hat Yai du SRUT; iv) M. Thawatchai Bunwisut, technicien de niveau 5 et agent des relations du travail de la section de Hat Yai du SRUT; v) M. Saroj Rakchan, technicien de niveau 5 et agent des relations du travail de la section de Hat Yai du SRUT; vi) M. Nittinai Chaiphum, chef de gare et agent de formation de la section de Hat Yai du SRUT.
  13. 590. Les organisations plaignantes ajoutent que, le 15 janvier 2010, la Commission nationale tripartite des relations professionnelles (SELRC) a ordonné à la SRT de réintégrer les six travailleurs. La SRT a fait appel de cette ordonnance de réintégration devant le Tribunal du travail thaïlandais. Le 17 décembre 2010, la Commission nationale des droits de l’homme de Thaïlande (NHRC) a jugé que la SRT avait enfreint les principes de la liberté syndicale et les droits des travailleurs concernant le traitement réservé aux six membres de la section de Hat Yai (rapport de la NHRC joint par l’organisation plaignante). La NHRC a vivement recommandé que la SRT se conforme à l’ordonnance de réintégration du comité tripartite. Le 16 mars 2012, le Tribunal du travail thaïlandais a annulé l’ordre de réintégration, jugeant que la SRT n’avait pas agi illégalement en licenciant les six travailleurs, ces derniers ayant incité les employés de la SRT au désordre, porté préjudice à l’employeur et organisé une action revendicative illégale. Le SRUT a fait appel de cette décision auprès du Tribunal supérieur du travail.
  14. 591. En outre, les organisations plaignantes allèguent que la SRT a demandé au Tribunal central du travail l’autorisation de licencier sept dirigeants nationaux du SRUT qui ne pouvaient faire l’objet d’un licenciement sans préavis à titre de membres de la commission bipartite des relations professionnelles de la SRT, au motif, entre autres, que les dirigeants syndicaux avaient enfreint la disposition de la loi thaïlandaise sur le travail interdisant les grèves dans le secteur public. Le 28 juillet 2011, le Tribunal central du travail a autorisé la SRT à licencier les sept dirigeants du SRUT suivants pour leur contribution à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail après la catastrophe ferroviaire de Hua Hin: i) M. Sawit Kaewvarn, président du SRUT; ii) M. Pinyo Rueanpetch, vice-président du SRUT; iii) M. Banjong Boonnet, vice-président du SRUT; iv) M. Thara Sawangtham, vice président du SRUT; v) M. Liem Morkngan, vice-président du SRUT; vi) M. Supichet Suwanchatree, secrétaire général du SRUT; vii) M. Arun Deerakchat, agent de formation du SRUT. Le tribunal a également ordonné aux sept prévenus de payer 15 millions de baht thaïlandais (environ 500 000 dollars des Etats-Unis) plus 7,5 pour cent d’intérêts annuels courant à compter de la date de dépôt. Le SRUT a fait appel de la décision auprès du Tribunal supérieur du travail. Le 10 août 2011, la SRT a notifié leur licenciement aux sept dirigeants syndicaux et a mis fin à leur contrat le 25 septembre 2011.
  15. 592. Les organisations plaignantes indiquent également que la SRT a réclamé au SRUT, dans une procédure distincte, 87 millions de baht thaïlandais (environ 3 millions de dollars E. U.) en dommages-intérêts. Le 26 mars 2012, le Tribunal central du travail a rejeté la requête au motif que les sept dirigeants syndicaux étaient personnellement responsables de l’action revendicative et que les dommages-intérêts payables par les dirigeants syndicaux étaient suffisants, rendant cette procédure superflue.
  16. 593. Les organisations plaignantes précisent qu’en 2012 M. Kaewvarn et d’autres dirigeants du SRUT ont rencontré à plusieurs reprises le sous-ministre des Transports, qui aurait manifesté son appui au SRUT, mais rien n’a été fait pour la réintégration des 13 dirigeants syndicaux licenciés. Le 19 octobre 2011, les sept dirigeants du SRUT licenciés ont demandé leur réintégration au conseil indépendant de la SRT, qui a répondu par la négative, arguant qu’une telle demande était infondée. Depuis la fin de 2011, le SRUT a également demandé le rétablissement de la commission bipartite des relations professionnelles de la SRT, mais le gouverneur de la SRT de l’époque n’a montré guère d’empressement à s’exécuter. A la fin de 2012, un nouveau ministre et un sous-ministre des Transports ont été nommés, de même qu’un nouveau gouverneur de la SRT. Le 15 février 2013, les dirigeants du SRUT ont rencontré les nouveaux ministres et gouverneur, ont soulevé la question de la réintégration et se sont fait dire d’en discuter directement avec le gouverneur. Le 28 mars 2013, la commission bipartite des relations professionnelles a été réunie sous la tutelle du nouveau gouverneur. Des questions d’ordre général en matière de relations du travail ont été discutées, mais la question de la réintégration des 13 dirigeants syndicaux n’a pas été abordée.
  17. 594. Sur le chapitre de la mobilisation internationale à l’appui de l’initiative du SRUT sur la santé et la sécurité au travail, les organisations plaignantes indiquent qu’une mission de sécurité de l’ITF, composée du président de la section des cheminots de l’ITF, de six délégués de divers pays et de représentants de l’ITF, se sont rendus en Thaïlande du 12 au 15 janvier 2010 pour enquêter sur les licenciements et étudier les normes de sécurité dans les chemins de fer thaïlandais. Des réunions ont eu lieu avec le SRUT, d’autres membres thaïlandais de l’ITF, le sous-gouverneur de la SRT, des fonctionnaires en poste au bureau de Bangkok de l’OIT, le ministre du Travail et le centre national du travail de la SERC. La délégation s’est rendue dans des chantiers de la SRT à Bangsue, Makkasan et Hat Yai.
  18. 595. Selon les organisations plaignantes, la mission de l’ITF a conclu que les licenciements de Hat Yai visaient à empêcher le syndicat de poursuivre son action et que la justification de ces licenciements a été imaginée après coup. La mission de l’ITF a fait observer que les travailleurs ont été licenciés au motif qu’un rapport de la SRT citait un cadre supérieur qui aurait été témoin de leur tentative d’interrompre le fonctionnement du chemin de fer, mais ni le nom de ce témoin ni les détails d’une telle action ne figurent dans le rapport. Après étude des normes de sécurité dans les lieux de travail où ils se sont rendus, la délégation a estimé également que le gouvernement et la direction négligeaient depuis de nombreuses années d’investir dans les chemins de fer. Il a été noté que le mauvais état général des locomotives était dû au manque d’entretien et que les conducteurs des locomotives interrogés lors de la visite avaient confirmé que le dispositif de sécurité – le disjoncteur de sûreté – ne fonctionnait pas à bord de plusieurs locomotives. Un tel dispositif est pourtant vital pour éviter l’erreur humaine et obligatoire dans la plupart des régions du monde; de lourdes sanctions sont prévues pour conduite sans dispositif de sûreté en état de marche. Un membre de la mission de sécurité de l’ITF a déclaré que ce fut un choc de constater que, dans un pays industrialisé, des locomotives fonctionnaient sans dispositifs de vigilance en état de marche, sans parler d’autres défaillances mécaniques comme des fenêtres condamnées; qu’une locomotive dans un tel état serait retirée du service dans son pays; et qu’il était tout aussi inquiétant de constater que des travailleurs avaient été licenciés pour avoir exprimé leur préoccupation et pour avoir refusé ensuite d’utiliser des locomotives en service commercial par souci de la sécurité publique.
  19. 596. Les organisations plaignantes indiquent que, depuis 2009, l’ITF a également demandé à ses membres d’appuyer les cheminots thaïlandais et leur syndicat, le SRUT. Diverses activités ont été organisées: délégations venues en Thaïlande pour exprimer leur solidarité avec le syndicat; réunions avec des fonctionnaires d’ambassade thaïlandais pour discuter du cas; motion présentée au Parlement compétent; manifestation devant l’ambassade de Thaïlande; lettres de protestation envoyées à l’Ambassade de Thaïlande; et messages de solidarité au SRUT. L’ITF a également exprimé lors de réunions son inquiétude au sujet de la situation en Thaïlande en adoptant des motions d’urgence pour manifester son soutien au SRUT. Le 20 juin 2012, un séminaire OIT-SERC sur la situation réelle des droits à la santé et à la sécurité des travailleurs thaïlandais a eu lieu à Bangkok pour tenter de mieux faire connaître la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs (SST), 1981, et pour engager une coopération entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs en vue de l’amélioration des normes de SST dans les chemins de fer. Avant et après la mission de sécurité de l’ITF, en 2010, l’ITF a écrit à maintes reprises au gouvernement thaïlandais et à la société de chemins de fer. En mars 2012, l’ITF a écrit au nouveau ministre des Transports, qui a répondu en août 2012, confirmant qu’il avait chargé la SRT d’examiner la question en profondeur et de rendre compte de ses conclusions au ministère.
  20. 597. Selon les organisations plaignantes, malgré le licenciement de 13 dirigeants syndicaux, l’initiative sur la santé et la sécurité au travail a porté ses fruits puisque le gouvernement a accepté de recruter 171 diplômés de l’Ecole technique du chemin de fer du pays en novembre 2009 et d’affecter près de 200 milliards de baht thaïlandais (environ 6,5 milliards de dollars E.-U.) à l’amélioration des infrastructures ferroviaires (176 milliards de baht thaïlandais ont été injectés jusqu’ici); le gouvernement a également approuvé le plan de la SRT visant à embaucher 2 438 nouveaux employés le 17 avril 2012, dont le recrutement est en cours.
  21. 598. Les organisations plaignantes indiquent que la Constitution thaïlandaise garantit expressément la liberté d’association (pour tous les travailleurs), même si des exceptions sont prévues pour protéger certains intérêts nationaux. Elle prévoit qu’une telle liberté ne peut être restreinte, sauf en vertu de la loi adoptée précisément pour protéger les intérêts communs du public, maintenir l’ordre public ou les bonnes mœurs, ou prévenir un monopole économique. La Constitution ne garantit pas le droit de grève.
  22. 599. Les organisations plaignantes ajoutent que les relations professionnelles dans le secteur public thaïlandais sont régies par la loi B.E. 2543 sur les relations professionnelles dans les entreprises d’Etat (2000) (SELRA), dont la préface stipule expressément l’intention du gouvernement de favoriser à la fois des politiques et des pratiques saines en matière de travail et le travail décent tel que défini par l’OIT. A l’article 51 de la SELRA, les employés des entreprises d’Etat, à l’exception du personnel de direction, ont le droit de constituer des syndicats et des fédérations, d’y adhérer et de négocier collectivement. L’article 33 prévoit une interdiction générale des grèves dans le secteur public. L’article 77 impose des sanctions pour fait de grève: jusqu’à un an d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour participation à une grève; et jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour appel à la grève. La SELRA contient des dispositions concernant la discrimination antisyndicale (art. 35 et 58), dont voici la teneur:
    • Il est interdit à un employeur de licencier un employé ou de commettre un acte qui pourrait empêcher ce dernier de travailler parce qu’il a entrepris d’établir un syndicat, une fédération ouvrière ou qu’il est membre d’un syndicat, d’une fédération ouvrière, de la Commission des affaires syndicales, du comité ou d’un sous-comité des relations professionnelles d’une entreprise d’Etat, partie à des poursuites judiciaires ou témoin devant les responsables compétents, le greffier, le comité ou le tribunal du travail contre l’employeur;
    • Lorsque le syndicat agit dans l’intérêt de ses membres, l’employé membre du syndicat, le membre du comité du syndicat, le membre du sous-comité et le personnel du syndicat sont exemptés de toute accusation ou action en justice, au pénal ou au civil, à l’occasion de leur participation à la négociation du règlement de la revendication relative aux conditions d’emploi avec l’employeur et de l’explication ou de la publication des faits concernant la revendication ou les conflits du travail ou le fonctionnement du syndicat, sauf si les activités constituent des infractions criminelles à l’endroit de la sécurité publique, des atteintes à la vie et à l’intégrité physique, à la liberté et à la réputation, à la propriété ou des infractions civiles résultant des infractions criminelles précitées.
  23. 600. Les organisations plaignantes rappellent que, de concert avec les autres fédérations syndicales mondiales au nom de leurs membres thaïlandais respectifs, elles ont déjà présenté, le 14 mai 1991 (cas no 1581), des allégations de violation des droits syndicaux contre la Thaïlande. Cette plainte concernait deux lois votées par l’Assemblée législative thaïlandaise désignée par le pouvoir militaire, qui visaient à dissoudre les quelque 120 syndicats implantés dans près de 65 entreprises d’Etat, en les excluant du champ d’application de la loi sur les relations professionnelles. Les travailleurs du secteur public se voyaient interdire de négocier collectivement et de faire grève, ainsi que d’exercer des activités syndicales dans ces entreprises sous peine de lourdes sanctions. Le comité a conclu en 1991 que la législation posait de graves problèmes de compatibilité avec les principes de l’OIT en matière de liberté syndicale du point de vue tant du droit des travailleurs des entreprises d’Etat de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier que du droit de négocier collectivement et de celui de promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs par le recours à la grève. Pour donner suite aux nombreuses recommandations formulées par le comité à propos du cas no 1581, le gouvernement a introduit la SELRA en 2000. Tout en prenant note du fait que la SELRA permettait aux employés des entreprises d’Etat de s’organiser et de négocier collectivement, le Comité de la liberté syndicale a reconnu en 2002 l’existence de graves incompatibilités avec les principes de la liberté syndicale, qui concernent l’objet de la présente plainte, soit l’interdiction générale des grèves prévue à l’article 33 de la loi et les sanctions extrêmement lourdes imposées pour participation ou appel à une grève, même pacifique (notamment une ou deux années d’emprisonnement). Tout en priant le gouvernement thaïlandais de faire le nécessaire pour modifier la SELRA pour qu’elle soit pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale, le comité lui proposait également son assistance technique à cette fin. Le cas a été clos en 2004. Tout en saluant la proposition du gouvernement d’entreprendre une étude sur les conventions nos 87 et 98 en vue de faire avancer le droit syndical des travailleurs dans tous les secteurs, le comité a exprimé le ferme espoir que toutes les questions qu’il avait soulevées soient résolues de manière satisfaisante dans les meilleurs délais possibles. Les organisations plaignantes soulignent également que la Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et recommandations et la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail ont formulé un certain nombre de commentaires sur le fait que la Thaïlande a omis de rendre compte de l’application des conventions ratifiées et des conventions non ratifiées au cours des vingt-deux années écoulées.
  24. 601. En conséquence, en ce qui concerne le licenciement des 13 dirigeants du SRUT pour avoir organisé l’initiative sur la santé et la sécurité au travail, les organisations plaignantes concluent à une violation des principes de la liberté syndicale tels qu’ils sont énoncés dans la convention no 87 de l’OIT. Les organisations plaignantes affirment que l’initiative sur la santé et la sécurité au travail entreprise par le SRUT ne constituait pas une action revendicative et n’était donc pas illégale. En conséquence, le licenciement des 13 dirigeants syndicaux n’aurait pu être étayé par la législation nationale. En outre, selon les organisations plaignantes, même si l’initiative sur la santé et la sécurité au travail ne constituait pas une action revendicative interdite par la législation nationale, il est clair que celle-ci n’est pas en conformité avec les principes de la liberté syndicale. En conséquence, les dirigeants licenciés devraient être réintégrés, et la loi devrait être révisée.
  25. 602. Les organisations plaignantes indiquent que, même si le gouvernement semble reconnaître le droit de grève aux travailleurs du secteur privé, ce n’est certainement pas le cas pour les travailleurs du secteur public. Toutefois, le Comité de la liberté syndicale a considéré que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: i) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ii) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; iii) dans une situation de crise nationale aiguë et pour une durée limitée. Les organisations plaignantes estiment que les employés des chemins de fer publics ne sont pas considérés comme des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, et les services ferroviaires ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. Il en va de même pour les services de transport et les services de transport public en général. Il est évident qu’une situation de crise nationale aiguë s’entend d’une véritable situation de crise, comme celles qui résultent d’un conflit grave, d’une insurrection ou encore d’une catastrophe naturelle, sanitaire ou humanitaire, où les conditions normales de fonctionnement de la société civile ne sont plus réunies.
  26. 603. Les organisations plaignantes considèrent que non seulement l’interdiction des grèves dans le secteur public thaïlandais ne peut se justifier au nom de l’une ou l’autre des raisons citées plus haut, mais les travailleurs privés de ce droit n’ont pas non plus reçu de garanties compensatoires. Le comité a jugé que cette protection devrait comprendre, par exemple, des procédures de conciliation et, éventuellement, d’arbitrage impartiales recueillant la confiance des intéressés, auxquelles les travailleurs et leurs organisations pourraient être associés. A cet égard, les organisations plaignantes souhaitent souligner que le SRUT n’a aucune confiance dans la Commission nationale tripartite (SELRC) ni dans la commission bipartite des relations professionnelles de l’entreprise. Le SRUT a indiqué que, jusqu’à la nomination récente d’un nouveau gouverneur, la SRT a refusé de reconnaître que les sept dirigeants syndicaux licenciés avaient été remplacés à la commission bipartite. Ce mécanisme de consultation est donc complètement obsolète bien qu’il constitue une garantie prévue par la loi. Les organisations plaignantes rappellent que le comité a jugé que l’intervention du gouvernement (n’imposant pas d’interdiction générale) en cas de grève dans les services ferroviaires ne se justifie que dans certaines situations extrêmes, par exemple par l’établissement d’un service minimum.
  27. 604. Les organisations plaignantes estiment que les sanctions excessives imposées par la législation nationale pour fait de grève – jusqu’à un an d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour participation à une grève dans le cas des travailleurs; et jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour appel à la grève dans le cas des syndicats – constituent une violation des principes de la liberté syndicale. En outre, elles croient que les dommages-intérêts accordés à la SRT par le Tribunal central du travail autorisant en l’occurrence le licenciement de sept dirigeants du SRUT pourraient mener ces derniers à la faillite et entraîner la dissolution du SRUT. Les dirigeants syndicaux licenciés n’ont pas été condamnés à l’emprisonnement, mais la menace d’une telle privation de liberté a lourdement affecté leur moral et celui de leurs membres. Les organisations plaignantes considèrent que les sanctions imposées à l’endroit des dirigeants du SRUT sont contraires aux principes défendus par le comité.
  28. 605. Les organisations plaignantes allèguent également que la Thaïlande a omis de protéger les travailleurs contre des actes de discrimination antisyndicale, comme il est énoncé dans la convention no 98, dans la mesure où, indépendamment des questions relatives à la légalité de l’initiative du SRUT sur la santé et la sécurité au travail qui a conduit au licenciement de 13 dirigeants syndicaux, la législation thaïlandaise permettait, et permet toujours, les licenciements de cette nature.
  29. 606. En conclusion, les organisations plaignantes sont d’avis que la conduite de la SRT, et d’autres institutions officielles, n’est pas conforme aux exigences des conventions nos 87 et 98 et que la législation thaïlandaise, qui permet une telle conduite, n’est pas non plus conforme aux exigences de ces conventions. Les organisations plaignantes estiment que les exigences de ces deux conventions ne sont pas remplies du fait de l’interdiction des grèves dans le secteur public, des amendes et sanctions pénales excessives imposées aux travailleurs et aux syndicats pour avoir mené une action revendicative malgré une interdiction de grève (qui n’est pas non plus en conformité avec les normes de l’OIT) et d’une tolérance face au licenciement de travailleurs et de dirigeants syndicaux pour fait de grève. Les organisations plaignantes pensent que les divers gouvernements qui se sont succédé en Thaïlande n’ont pas appliqué fidèlement les recommandations des organes de contrôle de l’OIT. Selon les organisations plaignantes, on s’attendait à ce que la promulgation de la SLRA en 2000 marque un tournant dans l’histoire des relations professionnelles du secteur public, mais le texte définitif de la loi était bien loin d’être pleinement conforme aux conventions nos 87 et 98. Vu la gravité des violations des droits syndicaux énoncées dans le présent document, les organisations plaignantes demandent au comité de déclarer que le gouvernement de la Thaïlande a manqué à ses obligations en vertu des conventions nos 87 et 98, afin de rétablir le plein exercice de la liberté syndicale, et de prier le gouvernement de faire le nécessaire pour la réintégration immédiate des 13 dirigeants syndicaux licenciés, ainsi que le versement rétroactif de l’intégralité de leurs salaires et leur indemnisation adéquate, et de faire de son mieux pour rejeter toutes les plaintes déposées contre le SRUT concernant l’initiative sur la santé et la sécurité au travail.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 607. Dans sa communication en date du 11 mars 2014, le gouvernement indique que les cas des 13 dirigeants du SRUT faisaient l’objet d’un litige de travail. La SRT, l’employeur et les 13 dirigeants du SRUT licenciés ont exercé leur droit d’intenter des recours judiciaires. En outre, ils ont exercé leur droit de recours contre le jugement du Tribunal central du travail en vertu de la loi B.E. 2522 concernant l’établissement du tribunal du travail et ses procédures (1979). Selon le gouvernement, que l’ordre donné par la SRT de licencier les 13 travailleurs soit légitime ou non, il fait d’ores et déjà l’objet d’une procédure judiciaire; une telle procédure doit suivre son cours jusqu’au jugement définitif du Tribunal supérieur.
  2. 608. Le gouvernement indique que, dans la première affaire en instance devant le Tribunal supérieur, la SRT a fait appel devant le Tribunal central du travail de l’ordonnance émise par la SELRC nationale tripartite de réintégrer les six travailleurs (M. Wirun Sagaekhum et ses collègues). Le tribunal a annulé l’ordonnance de réintégration en déclarant que les travailleurs étaient coupables de négligence, de désobéissance à un ordre légitime de leurs supérieurs et d’une infraction grave au règlement de la SRT. En conséquence, le tribunal a révoqué la décision de la Commission nationale tripartite. Dans ce cas, le ministère du Travail, au nom de la Commission nationale tripartite, a autorisé le procureur à intenter un recours devant le Tribunal supérieur.
  3. 609. Le gouvernement ajoute que, dans la deuxième affaire en instance devant le Tribunal supérieur, la SRT a exercé son droit de demander au Tribunal central du travail la permission de licencier les membres de la RAC en vertu de la SELRA. Le tribunal a estimé que les sept prévenus ont incité et poussé les conducteurs de locomotive, techniciens et autres travailleurs de la SRT (le plaignant) à cesser le travail à bord des trains afin d’empêcher le plaignant d’exploiter des locomotives diesel pour le transport de passagers et de marchandises, comme il le fait normalement. Il a jugé que la conduite des sept prévenus avait porté préjudice au plaignant et enfreignait les dispositions des articles 23 et 40 de la SELRA, vu qu’ils avaient délibérément désobéi au plaignant et négligé leurs fonctions, contrairement au règlement de la SRT (vol. 35) concernant la discipline et les sanctions imposées aux travailleurs (révisées). Le jugement du tribunal a permis à la SRT (le plaignant) de licencier M. Sawit Kaewvarn et ses six collègues (les prévenus) qui étaient des responsables du SRUT aux termes de l’article 24 de la SELRA, et le tribunal a condamné les sept prévenus à 15 millions de bath thaïlandais en dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi par le plaignant. Dans ce cas, M. Sawit Kaewvarn et ses six collègues ont exercé leur droit de recours contre la décision du Tribunal central du travail, conformément à la loi concernant l’établissement du tribunal du travail et ses procédures, le 6 novembre 2011. L’affaire est actuellement en instance devant le Tribunal supérieur.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 610. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent le licenciement antisyndical de six membres du comité de la section Hat Yai du Syndicat des chemins de fer d’Etat de Thaïlande (SRUT) et de sept dirigeants du SRUT pour leur participation à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail lancée après la catastrophe ferroviaire qui s’est produite à Hua Hin, et l’imposition de sanctions pour action revendicative. Elles ajoutent que la conduite de la Société publique des chemins de fer de Thaïlande (SRT) et d’autres institutions officielles révèle un certain nombre de failles dans la législation thaïlandaise régissant la protection des droits des travailleurs et des syndicats, qui va à l’encontre des dispositions des conventions nos 87 et 98.
  2. 611. Le comité note en particulier que:
    • i) considérant que la catastrophe ferroviaire du 5 octobre 2009 à Hua Hin était due à des normes de sécurité insuffisantes, le SRUT a lancé l’initiative sur la santé et la sécurité au travail en demandant à la SRT de s’acquitter de ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail, en vertu des conventions collectives applicables, et à ses membres de ne pas travailler à bord des trains dont les dispositifs de sécurité étaient jugés défectueux;
    • ii) les 14 et 15 octobre 2009, en réponse à l’appel du SRUT, environ 1 200 membres du syndicat (soit 600 équipes composées d’un conducteur et d’un technicien) ont refusé de conduire des trains dont le disjoncteur de sûreté ou le dispositif de veille automatique était défectueux;
    • iii) le 27 octobre 2009, la SRT a licencié les six membres du comité suivants de la section de Hat Yai du SRUT travaillant comme conducteurs de locomotive, techniciens, etc., pour leur participation à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail: M. Wirun Sagaekhum, président de la section de Hat Yai du SRUT; M. Prachaniwat Buasri, vice-président; M. Sorawut Porthongkham, agent d’inscription; M. Thawatchai Bunwisut, agent des relations du travail; M. Saroj Rakchan, agent des relations du travail; M. Nittinai Chaiphum, agent de formation;
    • iv) le 15 janvier 2010, la Commission nationale tripartite SELRC a ordonné à la SRT de réintégrer les six travailleurs; pour sa part, la NHRC a jugé que la SRT avait enfreint les principes de la liberté syndicale et les droits des travailleurs et a recommandé que la SRT se conforme à l’ordonnance de réintégration;
    • v) par suite du recours intenté par la SRT, le tribunal du travail thaïlandais a, le 16 mars 2012, annulé l’ordonnance de réintégration, jugeant que la SRT n’avait pas agi illégalement en licenciant les six travailleurs, ces derniers ayant incité les employés de la SRT au désordre, porté préjudice à l’employeur et organisé une action revendicative illégale; le SRUT a fait appel de cette décision auprès du Tribunal supérieur du travail;
    • vi) par ailleurs, la SRT a demandé au Tribunal central du travail l’autorisation de licencier sept dirigeants nationaux du SRUT qui ne pouvaient faire l’objet d’un licenciement sans préavis en tant que membres de la RAC bipartite de la SRT, pour violation de la législation nationale interdisant les grèves dans le secteur public;
    • vii) le 28 juillet 2011, le Tribunal central du travail a autorisé la SRT à licencier sept dirigeants du SRUT pour leur participation à l’initiative sur la santé et la sécurité au travail après la catastrophe ferroviaire de Hua Hin (M. Sawit Kaewvarn, président; M. Pinyo Rueanpetch, vice-président; M. Banjong Boonnet, vice-président; M. Thara Sawangtham, vice-président; M. Liem Morkngan, vice-président; M. Supichet Suwanchatree, secrétaire général; M. Arun Deerakchat, agent de formation) et a ordonné aux sept prévenus de payer 15 millions de baht thaïlandais (environ 500 000 dollars E.-U.) à la SRT en dommages-intérêts; le SRUT a fait appel de la décision auprès du Tribunal supérieur du travail;
    • viii) le 10 août 2011, la SRT a notifié leur licenciement aux sept dirigeants syndicaux et a mis fin à leur contrat le 25 septembre 2011;
    • ix) la SRT a réclamé 87 millions de baht thaïlandais (environ 3 millions de dollars E.-U.) en dommages-intérêts au SRUT mais, le 26 mars 2012, le Tribunal central du travail a rejeté cette requête, jugeant que les dommages-intérêts payables par les sept dirigeants syndicaux étaient suffisants car ils étaient personnellement responsables de l’action revendicative;
    • x) l’initiative sur la santé et la sécurité au travail a porté ses fruits puisque le gouvernement a accepté, en novembre 2009, de recruter 171 diplômés de l’Ecole technique du chemin de fer du pays, d’affecter près de 200 milliards de baht thaïlandais (environ 6,5 milliards de dollars E.-U.) à l’amélioration des infrastructures ferroviaires et d’approuver le plan de la SRT visant à embaucher 2 438 nouveaux employés le 17 avril 2012.
  3. 612. Le comité regrette le fait que le gouvernement se limite à de brèves observations factuelles concernant les deux affaires en instance devant le Tribunal supérieur et note la position du gouvernement selon laquelle, peu importe la légitimité de la décision de la SRT de licencier les 13 travailleurs, elle fait d’ores et déjà l’objet d’une procédure judiciaire, laquelle doit suivre son cours jusqu’au jugement définitif du Tribunal supérieur.
  4. 613. Le comité constate que le licenciement des six travailleurs et membres du comité de section, le 27 octobre 2009, était fondé, entièrement ou en partie, sur l’article 33 de la SELRA (interdiction de grèves dans le secteur public). En ce qui concerne les sept dirigeants du SRUT et membres de la RAC, le comité constate que le Tribunal central du travail a autorisé leur licenciement en vertu de l’article 24 de la SELRA pour violation des articles 23 (fonctions de la RAC, y compris prévention des conflits de travail dans les entreprises d’Etat) et 40 (objectifs des syndicats, dont la protection des intérêts de l’entreprise d’Etat et promotion des bonnes relations entre employeurs et salariés), qui semblent avoir été lus conjointement avec l’article 33 de la SELRA.
  5. 614. Le comité rappelle que, dans un précédent cas examiné concernant la Thaïlande, il a déjà noté avec regret que l’article 33 prévoit une interdiction générale des grèves. [Cas no 1581, 327e rapport, paragr. 111.] Le comité a toujours reconnu que le droit de grève est l’un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Le comité réitère que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique, uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Il rappelle que les «employés publics» des entreprises commerciales ou industrielles de l’Etat devraient pouvoir négocier des conventions collectives, bénéficier d’une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, et même jouir du droit de grève dans la mesure où l’interruption des services qu’ils fournissent ne met pas en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le comité a considéré que les services ferroviaires ne constituent pas, de manière générale, des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 522, 576, 577 et 587.] Considérant que l’article 33 de la SELRA n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour abroger cette disposition et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard. Rappelant qu’un service minimum pourrait être approprié comme solution de rechange possible dans les situations où une limitation importante ou une interdiction totale de la grève n’apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé d’assurer la satisfaction des besoins de base des usagers ou encore la sécurité ou le fonctionnement continu des installations [voir Recueil, op. cit., paragr. 607], le comité invite le gouvernement à examiner la possibilité de recourir aux principes concernant les services minima lorsque la portée ou la durée d’une action collective peut entraîner un préjudice irréversible. Par exemple, le comité souhaite souligner qu’il est légitime d’établir un service minimum en cas de grève dans les chemins de fer. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 619.]
  6. 615. Dans le présent cas, le comité constate que l’initiative sur la santé et la sécurité au travail lancée par le SRUT au lendemain de la catastrophe ferroviaire du 5 octobre 2009 à Hua Hin visait à dénoncer des normes de sécurité insuffisantes à la SRT (une entreprise d’Etat), qui concernaient directement les membres du syndicat et les cheminots en général, le but étant d’améliorer la sécurité professionnelle et les conditions de travail. Selon le comité, cette action de protestation équivaut à une action revendicative tombant sous la protection des principes de la liberté syndicale, peu importe qu’elle se manifeste dans son organisation (les sept dirigeants du SRUT appelant les travailleurs à arrêter le travail en cas de matériel de sécurité défectueux) ou dans une participation active (les six travailleurs et membres du comité de section refusant de conduire des trains défectueux). Rappelant que le licenciement de syndicalistes ne peut être fondé sur l’interdiction de faire grève, le comité conclut que la décision de licencier les 13 dirigeants syndicaux découle de leurs activités syndicales légitimes et, plus précisément, de l’organisation de l’initiative sur la santé et la sécurité au travail d’octobre 2009 ou de la participation à cette initiative. Dans ces conditions, le comité rappelle une fois encore au gouvernement que le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d’abus et constituent une violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 666.] Le comité espère que les jugements attendus dans les deux recours intentés devant le Tribunal supérieur concernant le licenciement des six travailleurs et membres du comité de la section Hat Yai du SRUT et l’autorisation de licencier les sept dirigeants du SRUT assortie de l’imposition d’amendes excessives à leur endroit seront rendus prochainement, et prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les conclusions du comité soient portées sans délai à l’attention du Tribunal supérieur et de communiquer copie de sa décision dès qu’elle aura été rendue. Le comité prie le gouvernement de faire tout son possible pour que les 13 dirigeants syndicaux licenciés soient réintégrés sans délai dans leurs fonctions aux conditions en vigueur avant leur licenciement et indemnisés pour la perte de leurs salaires et avantages sociaux dans l’attente du jugement définitif. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  7. 616. Concernant les sanctions imposées aux sept dirigeants du SRUT, le comité note qu’elles sont apparemment fondées sur l’article 77 de la SELRA. Le comité rappelle que, dans un précédent cas examiné concernant la Thaïlande, il a déjà constaté avec regret que les sanctions dont sont passibles les grévistes, même en cas de manifestation pacifique, sont extrêmement lourdes. Elles peuvent en effet atteindre un an d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour les personnes ayant participé à une grève, et deux ans d’emprisonnement ou une amende, ou un cumul de ces deux peines, pour les instigateurs de mouvements de grève. [Cas no 1581, 327e rapport, paragr. 111.] Le comité rappelle que des sanctions pénales devraient pouvoir être infligées pour fait de grève seulement dans les cas d’infraction à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute sanction infligée en raison d’activités liées à des grèves illégitimes devrait être proportionnée au délit ou à la faute commis, et les autorités devraient exclure le recours à des mesures d’emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou y participent. Le comité souligne également que des amendes équivalant à un montant de 500 à 1000 salaires minima par jour de grève abusive risquent d’avoir un effet d’intimidation sur les syndicats et d’inhiber leurs légitimes actions de revendication syndicale, d’autant que l’annulation de l’amende est subordonnée au non-déclenchement d’une nouvelle grève qui serait considérée comme abusive. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 668 et 670.] Considérant que l’article 77 de la SELRA n’est pas conforme aux principes de la liberté syndicale, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour modifier cette disposition pour la rendre pleinement conforme à ces principes et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  8. 617. En outre, tout en se félicitant du fait que la réclamation en dommages-intérêts de l’entreprise contre le syndicat ait été rejetée, le comité note avec préoccupation l’indication des organisations plaignantes selon laquelle la décision judiciaire ordonnant aux sept dirigeants du SRUT de verser environ 500 000 dollars E.-U. en dommages-intérêts à l’entreprise pourrait mener ces derniers à la faillite et entraîner la dissolution du SRUT. Considérant que les amendes infligées aux dirigeants syndicaux étaient destinées à sanctionner des cas d’infraction à des interdictions de grève, qui sont elles mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, et que leur montant excessif est susceptible d’avoir sur le syndicat et ses dirigeants un effet d’intimidation qui risque de nuire à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes, le comité espère que le recours intenté par le SRUT aura un effet suspensif concernant le paiement de dommages-intérêts et que les conclusions du comité en la matière seront également portées à l’attention du Tribunal supérieur.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 618. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité demande au Conseil d’administration d’approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour abroger l’article 33 de la SELRA et l’invite à examiner la possibilité de recourir aux principes concernant les services minima énoncés dans ses conclusions lorsque la portée ou la durée d’une action collective peut entraîner un préjudice irréversible. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • b) Le comité espère que les jugements attendus dans les deux recours intentés devant le Tribunal supérieur seront rendus prochainement et prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les conclusions du comité soient portées à l’attention du Tribunal supérieur et de communiquer copie de sa décision dès qu’elle aura été rendue. Dans l’attente du jugement définitif, le comité prie le gouvernement de faire tout son possible pour que les 13 dirigeants syndicaux licenciés soient réintégrés sans délai dans leurs fonctions aux conditions en vigueur avant leur licenciement et indemnisés pour la perte de leurs salaires et avantages sociaux. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • c) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour modifier l’article 77 de la SELRA pour le rendre pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • d) Considérant que les amendes infligées aux dirigeants syndicaux étaient destinées à sanctionner des cas d’infraction à des interdictions de grève, qui sont elles-mêmes contraires aux principes de la liberté syndicale, et que leur montant excessif est susceptible d’avoir sur le syndicat et ses dirigeants un effet d’intimidation qui risque de nuire à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes, le comité espère que le recours intenté par le SRUT aura un effet suspensif concernant le paiement de dommages-intérêts et que les conclusions du comité en la matière seront également portées à l’attention du Tribunal supérieur.
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