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Interim Report - Report No 376, October 2015

Case No 3067 (Democratic Republic of the Congo) - Complaint date: 15-APR-14 - Active

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  1. 928. La plainte émanant de 16 syndicats, nommément la Centrale congolaise du travail (CCT), le Syndicat Espoir (ESPOIR), le Syndicat national des enseignants des écoles catholiques conventionnées (SYNECAT), le Syndicat des agents et fonctionnaires de l’Etat (SYAPE), le Syndicat national pour la mobilisation des agents et fonctionnaires de l’Etat (SYNAMAFEC), l’Union des travailleurs – Agents et fonctionnaires de l’Etat (UTAFE), le Syndicat national des agents et fonctionnaires du secteur public congolaise (SYNAFAR), le Syndicat général administratif de l’Etat des finances, para-étatiques et banques (SYGEMIFIN), le Syndicat des travailleurs du Congo (SYNTRACO), le Syndicat des fonctionnaires et agents publics de l’Etat (SYFAP) et le Directoire national des agents et fonctionnaires de l’Etat (DINAFET), figure dans des communications en date du 15 avril 2014 et du 6 février 2015.
  2. 929. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de juin 2015 [voir 375e rapport, paragr. 8], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 930. La République démocratique du Congo a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 931. Dans des communications en date du 15 avril 2014 et du 6 février 2015, les organisations plaignantes dénoncent l’ingérence, dans l’impunité, du gouvernement en tant qu’employeur dans les activités des organisations syndicales, en particulier des mesures d’intimidation et des mesures disciplinaires à l’encontre de dirigeants syndicaux, et l’adoption d’une réglementation contestée concernant l’organisation d’élections syndicales dans l’administration publique visant à mettre en place une intersyndicale sous contrôle comme interlocuteur unique du gouvernement.
  2. 932. Les organisations plaignantes indiquent que les syndicats actifs dans l’administration publique sont regroupés dans deux intersyndicales, nommément l’Intersyndicale nationale du secteur public (INSP) et les Syndicats indépendants de l’administration publique (SIAP). Le gouvernement et les deux groupements syndicaux en question ont signé un protocole d’accord le 2 février 2011 relatif aux résolutions et recommandations de la Commission paritaire gouvernement-banc syndical avec pour objectif la réforme de l’administration publique. Cependant, en 2013, les négociations ont été bloquées sur de nombreux points de désaccord (conditions de travail des agents et fonctionnaires, réajustement des primes spécifiques des agents et fonctionnaires du ministère, uniformisation des primes des fonctions spéciales et spécifiques et défaveur des agents du ministère, etc.) dans un climat d’intimidation des syndicats en place et d’interdiction des réunions syndicales. Les organisations plaignantes dénoncent en effet le fait que le ministère de la Fonction publique avait émis plusieurs communiqués destinés aux agents et fonctionnaires ainsi qu’aux syndicats interdisant les réunions syndicales devant le ministère sous peine de sanctions alors que des élections syndicales étaient prévues prochainement.
  3. 933. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement a voulu tirer profit des élections dans l’administration publique pour limiter la liberté syndicale des agents et fonctionnaires de l’Etat et museler l’action de l’INSP et des SIAP en soutenant clairement des syndicats sous son contrôle. Pour ce faire, le ministère de la Fonction publique a adopté sans consultation au cours de l’année 2013 une série de textes réglementaires sur les activités syndicales dans l’administration publique limitant l’action syndicale. Il s’agit notamment de l’arrêté du 8 mars 2013 portant avis favorable et enregistrement des différents syndicats du secteur public, de l’arrêté du 19 avril 2013 portant réglementation provisoire des activités syndicales au sein de l’administration publique, de l’arrêté du 1er juillet 2013 complétant l’arrêté du 19 avril 2013, et de l’arrêté du 1er juillet 2013 portant code électoral des élections syndicales au sein de l’administration publique.
  4. 934. Les organisations plaignantes dénoncent particulièrement l’arrêté du 1er juillet 2013 dont l’article 44 prévoit à l’issue des élections syndicales la constitution d’une «Intersyndicale nationale de l’administration publique» (INAP) dont les membres sont désignés par les présidents des délégations des services centraux et provinciaux. Les organisations plaignantes allèguent que dans les faits les textes adoptés par le ministère de la Fonction publique ont visé à enregistrer des syndicats sous contrôle du ministère pour peser dans la désignation des membres de l’INAP. L’objectif final était d’imposer l’INAP comme seul interlocuteur de l’administration dans la négociation collective et de supprimer la voix des intersyndicales déjà en place (note du 22 mars 2014 du secrétaire général chargé des actifs aux secrétaires généraux de l’administration publique et directeurs généraux des services publics).
  5. 935. Les élections syndicales dans l’administration publique ont eu lieu entre août et septembre 2013, mais uniquement au niveau des services centraux et malgré les plaintes pour irrégularité déposées par les organisations plaignantes les 2 et 19 août 2013 devant l’Inspection générale du travail. Les résultats des élections ont été proclamés par arrêté du 24 octobre 2013. La désignation des membres de l’INAP a donc été faite par des élus des services centraux qui constituent une minorité dans l’administration publique, cela en violation même du code électoral. De plus, sur une liste de 64 syndicats ayant obtenu des sièges lors des élections, 23 seulement composent la nouvelle intersyndicale, qui n’est donc pas représentative ni en qualité et encore moins en effectifs de l’ensemble du personnel de l’Etat.
  6. 936. De plus, selon les organisations plaignantes, les dirigeants placés à la tête de l’INAP ne sont ni des agents ni des fonctionnaires de l’Etat mais des membres du parti politique de la majorité au pouvoir. Les organisations plaignantes se déclarent surprises par le fait que ces dirigeants se sont vu remettre lors de la mise en place de l’INAP des cartes spéciales par le ministre de la Fonction publique portant sa signature en tant qu’employeur. Cela signifie que le ministère considère que ces délégués élus ne sont pas sous l’autorité de leurs syndicats respectifs. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que le ministère de la Fonction publique n’a pas fourni le procès-verbal de constitution de l’INAP et signalent également l’absence de procès-verbal de remise et reprise entre l’ancienne intersyndicale (INSP) et celle qu’il met en place.
  7. 937. Les organisations plaignantes dénoncent comme conséquence de la limitation de l’action syndicale le fait que les dirigeants syndicaux M. Nkugi Masewu, M. Ghislain Embusa Endole Yalele, président du Syndicat Espoir et rapporteur général de l’INSP, et M. Joseph Zagabe Muhimanyi, secrétaire général du syndicat UTAFE et rapporteur général adjoint des SIAP, ont fait l’objet d’actions disciplinaires et de suspensions abusives de la part du ministre de la Fonction publique au motif, entre autres, d’exercice irrégulier d’activités syndicales au sein de l’INSP en violation des arrêtés pris en 2013. Les organisations indiquent que le vrai motif de ces suspensions est d’avoir dénoncé auprès de la Primature les atteintes à la liberté syndicale perpétrées par le ministère de la Fonction publique. M. Muhimanyi et M. Endole Yalele, après avoir écopé de trois mois de suspension sans salaire en action disciplinaire, ont porté plainte devant la cour d’appel pour violation du délai légal de clôture de dossier disciplinaire.
  8. 938. Par ailleurs, les organisations plaignantes dénoncent les mesures d’intimidation et de harcèlement des syndicats au cours de l’année 2013, notamment l’enlèvement et la détention de quatre dirigeants syndicaux au camp de la Police nationale Lufungula aux motifs d’incitation à la rébellion et trouble de l’ordre public (12 et 13 juillet 2013). Il s’agit des dirigeants suivants: M. Modeste Kayombo-Rashidi, secrétaire général de la CCT, porte-parole des SIAP et rapporteur du comité permanent de suivi des résolutions et recommandations de la Commission paritaire gouvernement-banc syndical; M. Jean Bosco Puna Nsasa, secrétaire général du SYNECAT et porte-parole adjoint des SIAP; M. Pierre Patrice Mwembo Lumumba, délégué principal du SYNTRACO, et M. Sébastien Dagobert Nkungi Masewu, secrétaire général du SYAPE et rapporteur des SIAP.
  9. 939. Les organisations plaignantes ajoutent que M. Jean Bosco Puna Nsasa a une nouvelle fois été arrêté le 26 novembre 2014 en compagnie de Sylvain Kabuya Mwamba, membre du syndicat UTAFE et agent de l’Etat à l’occasion de l’organisation de l’assemblée générale des SIAP à la place Golgotha devant le bâtiment de la fonction publique (lieu de réunion syndicale habituel), réunion interdite par le ministre de la Fonction publique.
  10. 940. Enfin, selon les organisations plaignantes, M. Modeste Kayombo Rashidi, secrétaire général de la CCT a fait l’objet de menaces de mort de la part du secrétaire de l’INAP, nommément M. Constant Lueteta. M. Kayombo Rashidi a porté plainte auprès du parquet de grande instance de Kinshasa/Gombe; cependant, la plainte est demeurée sans suite.
  11. 941. Les organisations plaignantes affirment que les recours administratifs et judiciaires qu’elles ont entrepris pour dénoncer et remédier aux violations massives des droits syndicaux sont restés sans suite. Ces recours incluaient: i) le recours hiérarchique auprès du Premier ministre contre les arrêtés de réglementation provisoire des activités syndicales et autres textes connexes émis par le ministre de la Fonction publique (14 juillet 2013); ii) la plainte auprès du Procureur général de la République contre le ministre de la Fonction publique, notamment pour enlèvement de syndicalistes et violation des articles 56, 62, 64, 66 et 122 de la Constitution (14 juillet 2013, 14 février et 3 mars 2014); iii) la plainte contre les élections syndicales à la fonction publique auprès de l’Inspecteur général du travail (2 et 19 août 2013); iv) la requête en annulation auprès de la Cour suprême de justice des arrêtés de réglementation provisoire des activités syndicales et autres textes connexes émis par le ministre de la Fonction publique (25 février 2014); et v) le recours administratif auprès du Premier ministre en rapport avec la limitation de la liberté syndicale et du droit syndical (13 avril 2014).
  12. 942. De manière générale, les organisations plaignantes dénoncent le refus du gouvernement d’engager un dialogue social durable sur la réforme de l’administration publique prévue dans le protocole d’accord du 2 février 2011 librement signé par le gouvernement et les syndicats de l’administration publique.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 943. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
  2. 944. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 945. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 946. Le comité note que le présent cas porte sur l’ingérence, dans l’impunité, du gouvernement en tant qu’employeur dans les activités des organisations syndicales, en particulier des mesures d’intimidation et des mesures disciplinaires à l’encontre de dirigeants syndicaux, et l’adoption d’une réglementation contestée concernant l’organisation d’élections syndicales dans l’administration publique visant à mettre en place une intersyndicale sous contrôle comme interlocuteur unique du gouvernement.

    i) Ingérence des autorités dans les activités syndicales

  1. 947. Le comité note l’indication selon laquelle les syndicats actifs dans l’administration publique sont regroupés dans deux intersyndicales, nommément l’Intersyndicale nationale du secteur public (INSP) et les Syndicats indépendants de l’administration publique (SIAP). Le gouvernement et les deux groupements syndicaux en question ont signé un protocole d’accord le 2 février 2011 relatif aux résolutions et recommandations de la Commission paritaire gouvernement-banc syndical avec pour objectif la réforme de l’administration publique. Cependant, en 2013, les négociations ont été bloquées sur de nombreux points de désaccord. Selon les organisations plaignantes, le climat était également tendu à cause de mesures de harcèlement à l’encontre des syndicats et de l’interdiction de réunions syndicales ordonnée par le ministère de la Fonction publique (communiqués du ministère fournis dans la plainte).
  2. 948. Selon les organisations plaignantes, le gouvernement aurait voulu tirer profit des élections dans l’administration publique pour limiter la liberté syndicale des agents et fonctionnaires de l’Etat et museler l’action de l’INSP et des SIAP en soutenant clairement des syndicats sous son contrôle. Pour ce faire, le ministère de la Fonction publique aurait adopté sans consultation au cours de l’année 2013 une série de textes réglementaires sur les activités syndicales dans l’administration publique afin de limiter l’action des syndicats en place. Il s’agit notamment de l’arrêté du 8 mars 2013 portant avis favorable et enregistrement des différents syndicats du secteur public – selon les allégations, ces syndicats seraient en réalité sous contrôle du gouvernement (copie de l’arrêté non fournie dans la plainte), de l’arrêté du 19 avril 2013 portant réglementation provisoire des activités syndicales au sein de l’administration publique, de l’arrêté du 1er juillet 2013 complétant l’arrêté du 19 avril 2013 et de l’arrêté du 1er juillet 2013 portant code électoral des élections syndicales au sein de l’administration publique. Le comité reconnaît que les relations professionnelles dans le secteur public comportent des particularités, notamment parce que l’Etat assume autant la fonction d’employeur que celle de législateur, ce qui peut susciter des difficultés. Il est d’autant plus important pour l’Etat d’être attentif aux critiques pouvant remettre en question sa partialité. Un des moyens d’éviter de telles critiques est d’assurer la consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts. Le comité a aussi souligné que des consultations franches et complètes doivent avoir lieu sur toute question ou tout projet de dispositions législatives ayant une incidence sur les droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1079.] Dans la mesure où il est allégué que les arrêtés successifs précités du ministère de la Fonction publique ont été adoptés sans consultation des organisations de travailleurs concernées alors qu’ils ont un impact fondamental sur l’activité syndicale et l’exercice de la négociation collective dans la fonction publique, et en l’absence de réponse de la part du gouvernement, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les dispositions nécessaires pour que les textes en question soient revus en consultation avec les organisations de travailleurs concernées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  3. 949. Le comité observe que les organisations plaignantes dénoncent particulièrement l’arrêté du 1er juillet 2013 portant code électoral des élections syndicales au sein de l’administration publique, dont l’article 44 prévoit à l’issue des élections syndicales la constitution d’une «Intersyndicale nationale de l’administration publique» (INAP) dont «les membres sont désignés par les présidents des délégations des services centraux et provinciaux». Les organisations plaignantes allèguent que dans les faits le ministère de la Fonction publique a enregistré des syndicats sous son contrôle via l’arrêté du 8 mars 2013 afin que leurs élus puissent peser dans la désignation des membres de l’INAP prévue par le code électoral. L’objectif final était d’imposer l’INAP comme seul interlocuteur de l’administration dans la négociation collective et de supprimer la voix des intersyndicales déjà en place, ce qui s’est concrétisé par une note du 22 mars 2014 du secrétaire général chargé des actifs aux secrétaires généraux de l’administration publique et directeurs généraux des services publics (copie de la note fournie dans la plainte).
  4. 950. Le comité rappelle que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent, et les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. Aussi, les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu’employeurs, devraient reconnaître, aux fins de la négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu’ils occupent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 881 et 952.] Le comité est d’avis que le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles dans le secteur public suppose le respect des principes de la non-ingérence, de la reconnaissance des organisations les plus représentatives et de l’autonomie des parties dans la négociation. Ainsi, le comité ne peut qu’exprimer sa préoccupation qu’une disposition, adoptée sans consultation des organisations concernées, impose une structure unique de représentation des intérêts des travailleurs pour échanger et négocier avec l’administration. Une telle situation n’est pas de nature à assurer des relations professionnelles apaisées. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement, en même temps que de revoir les arrêtés de 2013, d’entreprendre sans délai des consultations avec toutes les organisations représentatives de travailleurs concernées, en particulier l’INSP et les SIAP, sur les modalités de la représentation des intérêts des travailleurs en vue de la négociation collective dans l’administration publique. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  5. 951. Par ailleurs, notant les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles le ministère de la Fonction publique n’a pas fourni le procès-verbal de constitution de l’INAP ainsi que le procès-verbal de remise et reprise entre l’ancienne intersyndicale (INSP) et celle qu’il met en place, le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations à cet égard et de communiquer lesdits documents.
  6. 952. Enfin, le comité prend note avec préoccupation des allégations concernant les actions disciplinaires qui ont visé les dirigeants syndicaux M. Nkugi Masewu, M. Ghislain Embusa Endole Yalele, président du Syndicat Espoir et rapporteur général de l’INSP, et M. Joseph Zagabe Muhimanyi, secrétaire général du syndicat UTAFE et rapporteur général adjoint des SIAP, au motif d’exercice irrégulier d’activités syndicales au sein de l’INSP en violation des arrêtés pris en 2013. A cet égard, le comité rappelle fermement qu’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799.] En dehors d’autres considérations qui peuvent motiver l’imposition de sanctions disciplinaires, le comité est préoccupé par le fait qu’il ressort des documents du ministère transmis dans la plainte qu’un des motifs avancés pour expliquer les actions disciplinaires contre M. Ghislain Embusa Endole Yalele et M. Joseph Zagabe Muhimanyi était simplement l’exercice de leurs mandats syndicaux. Le comité s’attend à ce que le gouvernement donne des instructions urgentes pour que les syndicalistes exerçant leurs fonctions syndicales légitimes dans l’administration publique ne puissent plus subir de préjudice dans l’emploi et pour que les responsables de tels actes soient punis. Aussi, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter des enquêtes sur les cas d’actions disciplinaires à l’encontre des dirigeants syndicaux susmentionnés afin de déterminer si ces actions ont sanctionné l’exercice légitime d’activités syndicales et, le cas échéant, de prévoir le versement d’une indemnisation suffisamment dissuasive. Par ailleurs, notant que M. Muhimanyi et M. Endole Yalele ont porté plainte devant la cour d’appel pour violation du délai légal de clôture de dossier disciplinaire, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des plaintes.

    ii) Mesures d’intimidation et de harcèlement des dirigeants syndicaux

  1. 953. Le comité note avec une profonde préoccupation les allégations relatives aux mesures d’intimidation et de harcèlement à l’encontre de plusieurs dirigeants syndicaux en 2013, notamment l’enlèvement et la détention de M. Modeste Kayombo-Rashidi, secrétaire général de la CCT, porte-parole des SIAP et rapporteur du comité permanent de suivi des résolutions et recommandations de la Commission paritaire gouvernement-banc syndical; M. Jean Bosco Puna Nsasa, secrétaire général du SYNECAT et porte-parole adjoint des SIAP; M. Pierre Patrice Mwembo Lumumba, délégué principal du SYNTRACO, et de M. Sébastien Dagobert Nkungi Masewu, secrétaire général du SYAPE et rapporteur des SIAP, au camp de la Police nationale Lufungula aux motifs d’incitation à la rébellion et trouble de l’ordre public les 12 et 13 juillet 2013. Le comité note avec préoccupation l’indication selon laquelle M. Jean Bosco Puna Nsasa a une nouvelle fois été arrêté le 26 novembre 2014 en compagnie de Sylvain Kabuya Mwamba, membre du syndicat UTAFE et agent de l’Etat à l’occasion de l’organisation de l’assemblée générale des SIAP à la place Golgotha devant le bâtiment de la fonction publique (lieu de réunion syndicale habituel), réunion interdite par le ministre de la Fonction publique. Le comité, rappelant que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe [voir Recueil, op. cit., paragr. 44], prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête sur ces graves allégations afin de déterminer les circonstances de l’arrestation et de la détention des dirigeants syndicaux en juillet 2013 et novembre 2014 et de le tenir informé des résultats et des suites données.
  2. 954. Le comité note que M. Modeste Kayombo-Rashidi, secrétaire général de la CCT, aurait fait l’objet de menaces de mort de la part de M. Constant Lueteta, secrétaire de l’INAP, et que la plainte qu’il a déposée auprès du parquet de grande instance de Kinshasa/Gombe à cet égard serait demeurée sans suite. Le comité ne peut comprendre l’inaction des autorités devant ces dénonciations particulièrement graves et prie instamment le gouvernement de le tenir informé de l’état de la plainte.
  3. 955. Notant en outre avec préoccupation que les organisations plaignantes dénoncent le fait que les recours administratifs et judiciaires qu’elles ont entrepris pour dénoncer et remédier aux violations massives des droits syndicaux sont restés sans suite, le comité souligne que des procédures administratives excessivement longues peuvent créer un climat d’insécurité et influer sur l’exercice des droits syndicaux. Le comité prie le gouvernement d’indiquer les suites données aux recours suivants: i) le recours hiérarchique auprès du Premier ministre contre les arrêtés de réglementation provisoire des activités syndicales et autres textes connexes émis par le ministre de la Fonction publique (14 juillet 2013); ii) la plainte auprès du Procureur général de la République contre le ministre de la Fonction publique, notamment pour enlèvement de syndicalistes et violation des articles 56, 62, 64, 66 et 122 de la Constitution (14 juillet 2013, 14 février et 3 mars 2014); iii) la plainte contre les élections syndicales à la fonction publique auprès de l’Inspecteur général du travail (2 et 19 août 2013); iv) la requête en annulation auprès de la Cour suprême de justice des arrêtés de réglementation provisoire des activités syndicales et autres textes connexes émis par le ministre de la Fonction publique (25 février 2014); et v) le recours administratif auprès du Premier ministre en rapport avec la limitation de la liberté syndicale et du droit syndical (13 avril 2014).

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 956. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment le gouvernement de faire preuve de plus de coopération à l’avenir.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les dispositions nécessaires pour que les arrêtés contestés de 2013 pris par le ministère de la Fonction publique soient revus en consultation avec les organisations de travailleurs concernées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement, en même temps que de réviser les arrêtés de 2013, d’entreprendre sans délai des consultations avec toutes les organisations représentatives de travailleurs concernées, en particulier l’INSP et les SIAP, sur les modalités de la représentation des intérêts des travailleurs en vue de la négociation collective dans l’administration publique. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Le comité prie le gouvernement de communiquer le procès-verbal de constitution de l’INAP ainsi que le procès-verbal de remise et reprise entre l’ancienne intersyndicale (INSP) et l’INAP et de transmettre ses observations à cet égard.
    • e) Le comité s’attend à ce que le gouvernement donne des instructions urgentes pour que des syndicalistes exerçant leurs fonctions syndicales légitimes dans l’administration publique ne puissent plus subir de préjudice dans l’emploi et pour que les responsables de tels actes soient punis. Aussi, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter des enquêtes sur les cas cités d’actions disciplinaires à l’encontre de dirigeants syndicaux afin de déterminer si ces actions ont sanctionné l’exercice légitime d’activités syndicales et, le cas échéant, de prévoir le versement d’une indemnisation suffisamment dissuasive.
    • f) Notant que M. Muhimanyi et M. Endole Yalele ont porté plainte devant la cour d’appel pour violation du délai légal de clôture de dossier disciplinaire, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des plaintes.
    • g) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête sur les circonstances de l’arrestation et de la détention de dirigeants syndicaux en juillet 2013 et novembre 2014 et de le tenir informé des résultats et des suites données.
    • h) Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la plainte de M. Modeste Kayombo-Rashidi auprès du parquet de grande instance de Kinshasa/Gombe contre M. Constant Lueteta, secrétaire de l’INAP, pour avoir proféré des menaces de mort.
    • i) Le comité prie le gouvernement d’indiquer les suites données aux recours administratifs et judicaires formés par les organisations plaignantes.
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