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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 381, March 2017

Case No 3172 (Venezuela (Bolivarian Republic of)) - Complaint date: 11-NOV-15 - Follow-up

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Allégations: Ingérence des autorités publiques dans la négociation collective volontaire, qui favorise des organisations syndicales proches du gouvernement et constitue une discrimination à l’encontre de l’organisation plaignante (non reconnaissance de sa plus grande représentativité, refus de toute option de défense, entraves à la négociation collective de l’organisation plaignante et imposition de l’extension forcée d’une sentence arbitrale), et actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre d’un arrêt d’activités

  1. 583. La plainte figure dans les communications en date des 11 novembre 2015 et 2 mars 2016 du Syndicat unique professionnel des travailleurs de la production de bières, de sodas et de boissons alimentaires de l’Etat de Carabobo (SUTRABA-CARABOBO).
  2. 584. Le gouvernement a adressé ses observations par une communication en date du 2 septembre 2016.
  3. 585. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 586. Dans ses communications des 11 novembre 2015 et 2 mars 2016, le Syndicat unique professionnel des travailleurs de la production de bières, de sodas et de boissons alimentaires de l’Etat de Carabobo (SUTRABA-CARABOBO) fait état de l’ingérence des autorités publiques dans les processus de négociation collective volontaire avec l’employeur Cervecería Polar C.A. (qui fabrique et distribue de la bière et du malt). Les autorités publiques exerceraient une discrimination systématique à l’encontre du SUTRABA-CARABOBO et favoriseraient des organisations syndicales proches du gouvernement en ne reconnaissant pas la plus grande représentativité de l’organisation plaignante, en lui refusant toute option de défense, en faisant obstacle à la négociation collective de l’organisation plaignante et en imposant un arbitrage obligatoire et l’extension forcée de la sentence qui a découlé de l’arbitrage.
  2. 587. Dans sa communication du 11 novembre 2015, l’organisation plaignante affirme que, le 7 octobre 2013, ledit Syndicat unique régional des travailleurs et des travailleuses du Territorio Centro Polar (SINTRATERRICENTROPOLAR), organisation qui n’avait jamais participé à un processus de négociation collective, a présenté un projet de convention collective du travail dans les Etats de Carabobo, d’Amazonas, d’Apure, d’Aragua, de Bolívar, de Cojedes, de Falcón et de Guárico (Etats dans lesquels le SUTRABA-CARABOBO représente la majorité des travailleurs et a accumulé le plus d’expérience). Le 9 décembre 2013, l’employeur a soumis un document contenant des allégations et des éléments de défense contre le projet susmentionné de convention collective. Dans ce document, l’employeur indiquait que le SUTRABA-CARABOBO était l’organisation syndicale la plus représentative sur le territoire des Etats concernés. Néanmoins, l’autorité administrative, en vertu d’une décision du 11 mars 2014, en se fondant sur l’argument de pure forme selon lequel l’organisation plaignante ne pouvait déployer ses activités que dans l’Etat de Carabobo puisqu’elle n’était pas enregistrée en tant que syndicat régional (en ne prenant pas en compte la réalité qui s’imposait, à savoir qu’elle était la plus représentative, et sans analyser la question de sa représentativité), a tout simplement exclu l’Etat de Carabobo du champ de la négociation au motif qu’une convention y était en vigueur.
  3. 588. L’organisation plaignante affirme que, à la suite de cette décision administrative, le ministère du Pouvoir populaire pour le processus social du travail (MPPPST) a indûment légitimé le SINTRATERRICENTROPOLAR pour négocier collectivement dans les centres de travail des Etats d’Amazonas, d’Apure, d’Aragua, de Bolívar, de Cojedes, de Falcón et de Guárico, alors qu’il n’y était pas l’organisation syndicale la plus représentative. Sur les 351 travailleurs intéressés qui sont occupés dans les succursales de l’employeur dans ces Etats (c’est-à-dire à l’exception de l’Etat de Carabobo), le SUTRABA-CARABOBO affirme en représenter 224 (64 pour cent) contre 127 pour le SINTRATERRICENTROPOLAR (36 pour cent). L’organisation plaignante fournit des données comparatives détaillées sur les proportions respectives des travailleurs affiliés à ces organisations dans chaque Etat. Elles démontrent que, sur 14 des 15 succursales dans les Etats concernés, le SUTRABA-CARABOBO représente plus de 50 pour cent des travailleurs syndiqués, alors que le SINTRATERRICENTROPOLAR en représente moins de 20 pour cent dans 9 de ses 15 succursales et aucun dans 4 succursales.
  4. 589. L’organisation plaignante affirme également que pendant ce processus de négociation la plupart des travailleurs ont exprimé de multiples façons leur refus d’être représentés par le SINTRATERRICENTROPOLAR, au motif que cette organisation allait à l’encontre de leurs intérêts professionnels et de leur intégrité, étant donné que ses dirigeants agissent comme de simples instruments du parti du gouvernement (Parti socialiste uni du Venezuela-PSUV) et commettent des actes de violence à l’encontre des travailleurs dissidents. A l’appui de ces allégations, l’organisation plaignante adresse des éléments pour démontrer que c’est dans la salle de presse du PSUV que se tiennent les conférences de presse du SINTRATERRICENTROPOLAR. L’organisation plaignante ajoute que le refus du SINTRATERRICENTROPOLAR et par conséquent le soutien en faveur du SUTRABA-CARABOBO se sont accentués à la suite des actes violents qu’a commis le SINTRATERRICENTROPOLAR après avoir présenté le 1er décembre 2014 un cahier de revendications controversé. A ce sujet, l’organisation plaignante affirme que, du 9 au 17 avril 2015, un groupe de personnes étrangères à l’entreprise qui portaient des armes à feu et accompagnaient le président du SINTRATERRICENTROPOLAR pour lui manifester leur soutien, se sont rendues à proximité de la succursale de Turmero. Recourant à la violence, ces personnes ont empêché les travailleurs de s’acquitter de leurs tâches et, sous la menace, leur ont ordonné d’abandonner leur poste de travail et d’appuyer l’arrêt des activités. La majorité des travailleurs a refusé, et des représentants du SUTRABA-CARABOBO ont porté plainte au pénal le 28 avril 2015. L’organisation plaignante ajoute que, s’immisçant clairement dans les affaires syndicales, le maire de la municipalité de Santiago Mariño de l’Etat d’Aragua, membre du parti du gouvernement (PSUV), s’est rendu dans la succursale de Turmero pour dire qu’il était favorable à l’arrêt des activités promu par le SINTRATERRICENTROPOLAR, la majorité des travailleurs y étant pourtant opposée.
  5. 590. L’organisation plaignante affirme que le MPPPST, qui n’a pas tenu compte de la plus grande représentativité du SUTRABA-CARABOBO et a reconnu indûment la légitimité du SINTRATERRICENTROPOLAR, a continué d’exercer une ingérence en imposant, au terme de la procédure de présentation d’un cahier de revendications controversé, une procédure d’arbitrage en vertu de la résolution no 9273 du 14 juillet 2015, laquelle constitue un nouvel acte discriminatoire à l’encontre du SUTRABA-CARABOBO puisqu’elle restreint son champ d’action à l’Etat de Carabobo, alors que le SUTRABA-CARABOBO représente la majorité des travailleurs dans les autres Etats concernés.
  6. 591. L’organisation plaignante ajoute que, au cours de la négociation collective et de l’arbitrage qui a suivi, les travailleurs mais aussi l’employeur ont contesté la représentation du SINTRATERRICENTROPOLAR. Outre la diffusion de multiples communiqués visant à sensibiliser l’opinion publique, des représentants de l’organisation plaignante ont rencontré le Vice-président de la République et le président de la Commission du développement social intégral de l’Assemblée nationale pour leur fournir des informations détaillées et des éléments démontrant que le SINTRATERRICENTROPOLAR n’était pas représentatif et qu’il avait perdu le soutien des travailleurs, et que le SUTRABA-CARABOBO était parvenu à représenter l’immense majorité des travailleurs. Ces informations et ces éléments ont également été présentés au défenseur du peuple, mais il n’en a pas été tenu compte.
  7. 592. De leur côté, les travailleurs des Etats concernés ont demandé à l’employeur de bénéficier des avantages contenus dans la convention collective conclue avec le SUTRABA-CARABOBO, laquelle avait déjà été homologuée le 23 décembre 2014 pour l’Etat de Carabobo, les travailleurs ayant considéré cette convention plus conforme à leurs intérêts. C’est ce qui ressort des procès-verbaux d’assemblées de travailleurs organisées par l’organisation plaignante dans chacune des succursales. L’organisation plaignante a joint ces procès-verbaux à sa plainte. Ils montrent qu’au moins 2 travailleurs sur 3 des 15 succursales ont demandé de bénéficier des avantages de la convention signée avec le SUTRABA-CARABOBO, et l’employeur a accepté que la convention s’applique à eux à compter de février 2015.
  8. 593. De plus, l’organisation plaignante indique que, au cours de l’arbitrage (qui a été décidé alors qu’il avait été convenu de faire bénéficier les travailleurs de l’ensemble des Etats concernés des avantages de la convention collective conclue par le SUTRABA-CARABOBO), les travailleurs se sont adressés à plusieurs reprises au conseil d’arbitrage désigné par le MPPPST pour exprimer leur refus du SINTRATERRICENTROPOLAR, mais on n’a pas reconnu leur droit d’y participer, eux-mêmes ou par le biais de leur organisation syndicale (SUTRABA-CARABOBO), pour défendre leurs intérêts. Les 226 travailleurs syndiqués ont exprimé ce refus par écrit les 3 septembre et 15 octobre 2015. L’organisation plaignante dénonce le fait que le conseil d’arbitrage désigné par le MPPPST n’a tenu compte d’aucun des nombreux témoins de travailleurs qui étaient opposés au SINTRATERRICENTROPOLAR, au motif insolite qu’ils s’étaient opposés à ce que le SINTRATERRICENTROPOLAR administre l’éventuelle sentence arbitrale. Le conseil d’arbitrage s’est appuyé sur le critère du Code de procédure civile en vertu duquel «l’adversaire ne peut pas faire de déposition contre son adversaire» pour rejeter les témoins au motif qu’ils étaient des parties intéressées alors que, manifestement, dans le cadre de l’exercice de leur droit à la liberté syndicale, les travailleurs avaient pour intérêt légitime d’être représentés par l’organisation syndicale à laquelle la plupart d’entre eux étaient affiliés. L’organisation plaignante ajoute que, ni le MPPPST ni le conseil d’arbitrage n’ayant pris en compte leurs arguments, chacun de ces 226 travailleurs se sont présentés personnellement au ministère (beaucoup d’entre eux avaient dû voyager plus de douze heures pour s’y rendre) pour indiquer par écrit qu’ils avaient résilié leur affiliation au SINTRATERRICENTROPOLAR (l’organisation plaignante souligne que l’autorité compétente avait exigé que chacun d’entre eux se présente personnellement).
  9. 594. L’organisation plaignante indique que l’employeur aussi, tout au long de ces procédures, a contesté la représentativité du SINTRATERRICENTROPOLAR et argué que le SUTRABA-CARABOBO était l’organisation la plus représentative. Toutefois, le gouvernement a nié au SUTRABA-CARABOBO et à ses affiliés le droit à la négociation collective volontaire, en particulier le droit d’agir en dehors de l’Etat de Carabobo, et le droit de ses affiliés (beaucoup se trouvant dans d’autres Etats) d’être représentés par l’organisation à laquelle ils s’étaient affiliés librement. L’organisation plaignante affirme que, ainsi, ni le ministère ni le conseil d’arbitrage n’ont vérifié la représentativité du SUTRABA-CARABOBO et du SINTRATERRICENTROPOLAR dans les autres Etats concernés, car ils savaient que le SUTRABA-CARABOBO est l’organisation la plus représentative et que, par conséquent, elle aurait dû négocier collectivement au nom de la catégorie professionnelle intéressée.
  10. 595. Dans sa communication du 2 mars 2016, l’organisation plaignante dénonce le fait d’avoir été l’objet de discrimination de la part des autorités qui ont dressé d’autres obstacles à sa négociation collective avec l’employeur et étendu illégalement la sentence arbitrale qui avait été prononcée à la suite de l’arbitrage susmentionné.
  11. 596. L’organisation plaignante affirme d’une manière générale que plusieurs dispositions de la loi organique du travail, des travailleurs et des travailleuses (LOTTT), ainsi que son application dans la pratique, violent le principe de la négociation collective volontaire prévue à l’article 4 de la convention no 98. L’organisation plaignante se réfère aux articles 448 à 451 de la LOTTT, qui portent sur l’intervention des autorités publiques dans les négociations collectives et qui disposent ce qui suit: les demandes de négociation collective doivent être présentées pour admission aux services de l’inspection du travail du MPPPST; la présence pendant les négociations de fonctionnaires de ces services est obligatoire; et les conventions conclues doivent être soumises à l’inspection du travail en vue de leur homologation. L’organisation plaignante rappelle que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) formule depuis un certain temps des commentaires à ce sujet et a demandé en particulier la modification de l’article 449 de la LOTTT.
  12. 597. En ce qui concerne l’application de ces dispositions au présent cas, l’organisation plaignante affirme que, alors que le SUTRABA-CARABOBO y satisfait dans ses négociations, les autorités entravent le processus de négociation collective que ce syndicat a engagé en septembre 2015. L’organisation plaignante indique avoir présenté aux autorités compétentes, le 11 septembre 2015, un projet de convention collective en vue de sa négociation avec l’employeur et, le 8 octobre 2015 (soit vingt-sept jours après la fin du délai imparti par la loi à l’administration pour répondre à ce sujet), l’inspection du travail a pris une résolution ordonnant la rectification d’aspects de pure forme et non pertinents du procès-verbal de l’assemblée syndicale au cours de laquelle le projet de convention avait été approuvé (dans la résolution, l’inspection du travail a constaté des incohérences en ce qui concerne les heures mentionnées dans la convocation, le procès-verbal de l’assemblée et la liste des travailleurs). Le 13 octobre 2015, ces aspects formels ont été rectifiés et, le 14, les négociations ont commencé avec l’employeur. La convention collective a été conclue le 18 novembre 2015 puis déposée le 2 décembre 2015. L’organisation plaignante dénonce le fait que, malgré ce qui précède et dans le cadre d’un harcèlement antisyndical, l’inspection du travail a fait état le 4 décembre 2015 (soit deux jours après le dépôt de la convention) d’un prétendu acte en date du 30 novembre 2015 selon lequel la rectification, le 16 septembre 2015, de la présentation du projet de convention aux autorités n’avait pas été suffisante. L’organisation plaignante considère que l’argument, infondé, selon lequel la rectification était insuffisante visait clairement à entraver la négociation collective volontaire du SUTRABA-CARABOBO. L’organisation plaignante affirme avoir présenté, malgré ces actes arbitraires, un nouveau projet de convention collective à la même inspection du travail le 15 décembre 2015, mais, à la date de la présentation de sa dernière communication, le projet n’avait pas été admis par cette autorité.
  13. 598. Par ailleurs, l’organisation plaignante dénonce le fait que, en vertu de la résolution no 9551 du 29 décembre 2015, le MPPPST a décidé d’étendre à tous les travailleurs de l’employeur la sentence arbitrale (qui avait été prononcée au sujet de la négociation engagée à l’initiative du SINTRATERRICENTROPOLAR pour certains Etats). L’organisation plaignante affirme aussi que la résolution aurait été émise à la demande du Syndicat national des travailleurs d’entreprises produisant des aliments, de la bière, des sodas et des boissons alcoolisées et du secteur vinicole (SINTRACERLIV). L’organisation plaignante soutient que ce syndicat ne représente pas la majorité des travailleurs de l’employeur sur le territoire national, contrairement à ce qui est affirmé dans la résolution, qu’il n’avait pas de légitimité pour demander l’extension de la sentence arbitrale et qu’il se caractérise par son assujettissement aux orientations politiques du gouvernement et du PSUV. A ce sujet, l’organisation plaignante précise que le SINTRACERLIV représente seulement 18,65 pour cent de l’ensemble des travailleurs syndiqués dans le centre de travail et que même le SUTRABA-CARABOBO est plus représentatif, puisque 24 pour cent des travailleurs y sont affiliés. L’organisation plaignante ajoute que l’extension de la sentence arbitrale a été effectuée sans fondement juridique: i) le MPPPST n’a pas compétence pour étendre de manière obligatoire la sentence arbitrale à tous les établissements et centres de travail de l’employeur; ii) on n’a pas appliqué la procédure qui est en vigueur pour les réunions portant sur les normes du travail et qui garantit le droit de défense du SUTRABA-CARABOBO et des autres organisations syndicales (il n’y a pas eu de procédure pour leur permettre de participer et de se défendre); iii) l’extension obligatoire de la sentence arbitrale ne peut pas être appliquée pour une entreprise qui n’assure pas de services essentiels au sens strict du terme (et qui sont les seuls pour lesquels une sentence arbitrale obligatoire serait admissible), ni même des services d’utilité publique ou primordiaux; iv) il n’y avait pas de conflit collectif du travail mettant en péril le déroulement normal des activités productives et justifiant cette extension; et v) l’extension obligatoire d’une sentence arbitrale va à l’encontre de la négociation collective libre et volontaire.
  14. 599. L’organisation plaignante dénonce le fait que cette résolution empêche le SUTRABA-CARABOBO et les autres syndicats affectés de négocier collectivement et de conclure des conventions collectives en imposant de manière antidémocratique l’application de la sentence arbitrale sur tout le territoire du pays et en en confiant l’administration à un seul syndicat qui est assujetti au gouvernement et au PSUV. A ce sujet, l’organisation plaignante adresse une résolution administrative du 11 février 2016 dans laquelle l’inspection du travail, en vertu de l’extension de la sentence arbitrale, a ordonné la suspension pendant la durée de la sentence arbitrale des négociations relatives à un projet de convention collective entre un autre syndicat (le Syndicat des travailleurs de l’industrie des boissons de l’Etat de Zulia – SITIBEB-ZULIA) et l’employeur. Avec cette résolution, selon l’organisation plaignante, le gouvernement pratique une discrimination à l’encontre du SUTRABA-CARABOBO et lui porte atteinte, et favorise le SINTRACERLIV, l’affiliation à ce syndicat et sa prétention d’assumer l’administration de la sentence syndicale ainsi que la négociation à l’avenir de conventions à l’échelle nationale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 600. Dans sa communication du 2 septembre 2016, le gouvernement adresse ses observations (qui sont présentées en détail ci-après) au sujet des allégations de l’organisation plaignante. D’une manière générale, le gouvernement affirme garantir les droits de liberté syndicale ainsi que son exercice, et qu’en aucun cas les mesures du MPPPST n’ont été contraires à la liberté syndicale, eu un caractère discriminatoire ou constitué une ingérence à l’encontre de l’organisation plaignante.
  2. 601. Le gouvernement nie que le MPPPST ait désigné le conseil d’arbitrage. Il précise que l’un de ses membres a été désigné par l’employeur, un autre par des représentants du SINTRATERRICENTROPOLAR, et que, ces membres n’étant pas parvenus à un accord sur la désignation du troisième membre, ils ont demandé au MPPPST de le faire. En ce qui concerne les décisions du conseil d’arbitrage, le gouvernement déclare ne pas avoir exercé d’ingérence dans ces décisions, les membres du conseil d’arbitrage étant des tiers sans lien avec les parties et le gouvernement.
  3. 602. Le gouvernement réfute aussi l’allégation selon laquelle le SUTRABA-CARABOBO aurait été l’objet de discrimination, et plus encore le fait que cette discrimination aurait obéi à des raisons politiques. Le gouvernement précise que cette organisation syndicale n’a pas participé à la négociation collective en raison de son champ d’action territorial et que, comme l’indique son nom même, elle est en place dans l’Etat de Carabobo. Par conséquent, sa présence ne se justifiait pas puisque la négociation collective ne couvrait pas les travailleurs de cet Etat (en effet, à la date de la présentation de la convention par le SINTRATERRICENTROPOLAR, une convention était déjà en vigueur pour les travailleurs de l’Etat de Carabobo). A ce sujet, le gouvernement indique que, en réponse aux objections du centre de travail à propos de la représentativité du SINTRATERRICENTROPOLAR qui serait inférieure à celle du SUTRABA-CARABOBO, l’autorité compétente, après avoir exclu du domaine de négociation l’Etat de Carabobo au motif qu’une convention y était en vigueur, a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner ce prétendu manque de représentativité, puisqu’il s’agissait de celle d’un syndicat dont le champ d’action était l’Etat de Carabobo. Le gouvernement rappelle que l’article 372 de la LOTTT dispose que le champ d’action des organisations syndicales peut se situer à l’échelle locale, d’un Etat, régionale ou nationale. Le gouvernement indique aussi que, au moment de se constituer, et comme l’indiquent ses statuts internes, le SUTRABA-CARABOBO a limité son champ d’action à l’Etat de Carabobo et que, en affiliant des travailleurs qui assurent des services dans d’autres Etats sans avoir modifié son domaine d’action, il enfreint les dispositions de ses propres statuts. Le gouvernement souligne que c’est l’organisation qui délimite son domaine territorial d’action au moment de sa création et que ce domaine d’action ne change que si l’organisation elle-même décide de l’étendre en modifiant ses statuts internes. Le gouvernement rappelle à ce sujet que, en vertu de l’article 391 de la LOTTT, l’assemblée ou le conseil d’une organisation ne peut pas prendre de décisions allant à l’encontre de ses statuts, disposition que l’autorité administrative ne pouvait pas ne pas prendre en compte. En revanche, en tant qu’organisation régionale, le SINTRATERRICENTROPOLAR pouvait représenter les travailleurs de plusieurs Etats. Le gouvernement précise que le fait que le SINTRATERRICENTROPOLAR est une organisation récente sans antécédent dans la négociation ne l’empêche pas d’exercer le droit de négociation si elle répond aux exigences établies dans la loi, ce qu’a vérifié en octobre 2013 l’inspection du travail avant de se prononcer favorablement, dans la décision no 2013-0580, sur la convention collective que cette organisation avait présentée.
  4. 603. Quant à l’allégation selon laquelle les dirigeants du SINTRATERRICENTROPOLAR seraient des instruments du PSUV, le gouvernement indique qu’il n’exprime pas d’opinion à ce sujet, car il s’agit d’un fait subjectif qui, clairement, a un caractère politique et qui dépasse le domaine syndical pour s’inscrire dans l’opposition directe au gouvernement. Par conséquent, le gouvernement considère que le comité ne doit pas se prononcer sur ces aspects qui s’éloignent de sa raison d’être.
  5. 604. En ce qui concerne les actions violentes qui sont alléguées, le gouvernement indique avoir demandé des informations au ministère public et que, dès qu’il les aura obtenues, elles seront transmises au comité.
  6. 605. Quant à la décision prise par l’employeur d’appliquer à tous les travailleurs à partir de février 2015 les avantages de la convention conclue avec le SUTRABA-CARABOBO et homologuée en décembre 2014, le gouvernement se félicite de la décision de garantir ainsi l’égalité de traitement.
  7. 606. A propos de l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle les autorités publiques auraient exigé que chacun des travailleurs souhaitant faire connaître leur désaffiliation du SINTRATERRICENTROPOLAR le fasse en personne, le gouvernement indique que le Registre national des organisations syndicales ne peut pas accepter une désaffiliation si elle est présentée par un tiers qui n’y serait pas dûment autorisé en vertu d’une procuration. Le gouvernement souligne que les désaffiliations sont effectuées normalement devant les conseils de direction et qu’elles ne sont pas directement consignées sur les registres où figurent les actes de chaque organisation syndicale.
  8. 607. Au sujet de la prétendue absence dans l’ordre juridique d’une norme permettant au MPPPST d’étendre une sentence arbitrale ou une convention collective, le gouvernement conteste cette allégation et rappelle les dispositions suivantes de la LOTTT: i) l’article 468 dispose que le ministère compétent en matière de travail peut déclarer qu’une convention collective de travail conclue au cours d’une réunion de travail, ou la sentence arbitrale qui en découle, s’étend obligatoirement aux autres employeurs et travailleurs de la même branche d’activité; et ii) l’article 432 dispose que, lorsqu’une entité de travail compte des départements ou des succursales dans des localités situées dans des juridictions différentes, la convention collective qu’elle aura conclue avec l’organisation syndicale représentant la majorité de ses travailleurs s’appliquera à ces départements ou succursales.
  9. 608. En ce qui concerne les allégations remettant en cause la légitimité du SINTRACERLIV pour demander l’extension de la sentence arbitrale, le gouvernement indique que la requête du SINTRACERLIV visant à étendre la sentence arbitrale a été prise en considération parce que cette organisation avait exercé le droit de requête prévu à l’article 51 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, lequel consacre le droit de quiconque à adresser des requêtes à quelque autorité publique que ce soit. Le gouvernement ajoute que c’est le conseil d’arbitrage qui avait demandé initialement cette extension au MPPPST.
  10. 609. Quant à l’allégation selon laquelle on aurait empêché le SUTRABA-CARABOBO et les autres syndicats affectés de négocier collectivement à la suite de l’application et de l’extension de la sentence arbitrale, le gouvernement indique que la LOTTT reconnaît le droit de négociation collective aux syndicats représentatifs (lesquels doivent démontrer leur représentativité) s’il n’y a pas d’éléments péremptoires, parmi lesquels le fait qu’une convention collective est en vigueur et l’absence de discussion avec un autre syndicat. Dans ce cas, il faut faire valoir la représentativité des autres organisations concernées. De plus, le gouvernement signale les conséquences juridiques et pratiques d’un accroissement des situations de conflit sur les relations collectives du travail au détriment de la sécurité juridique de ces relations lorsque, dans le cas où une convention collective serait encore en vigueur, une entité syndicale exigerait la négociation et la conclusion d’une autre convention collective.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 610. Le comité observe que la plainte porte sur des allégations d’ingérence des autorités publiques dans la négociation collective volontaire – ingérence qui favoriserait des organisations syndicales proches du gouvernement et constituerait une discrimination à l’encontre de l’organisation plaignante (en ne reconnaissant pas sa plus grande représentativité, en lui niant toute option de défense, en entravant la négociation collective de l’organisation plaignante et en imposant l’extension forcée d’une sentence arbitrale) – et sur des actes de violence qui empêcheraient l’accès au lieu de travail dans le cadre d’un arrêt d’activités.
  2. 611. Le comité observe que plusieurs des allégations relatives à une ingérence des autorités dans la négociation volontaire coïncident avec celles formulées dans le cas no 3178 (plainte présentée contre le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Fédération vénézuélienne des chambres et associations du commerce et de la production (FEDECAMARAS)).
  3. 612. En ce qui concerne les allégations de discrimination à l’encontre de l’organisation plaignante qui l’exclurait du processus de négociation entamé par le SINTRATERRICENTROPOLAR sans qu’il ne soit tenu compte de la plus grande représentativité de l’organisation plaignante, le comité observe d’une part que le gouvernement indique que l’organisation plaignante ne pouvait pas participer à ce processus parce qu’il dépassait son champ d’action. Le gouvernement souligne que l’organisation plaignante, comme l’établissent ses propres statuts, agit au niveau d’un Etat (celui de Carabobo), mais que le SINTRATERRICENTROPOLAR agit à l’échelle régionale, si bien que son champ d’action peut recouvrir plusieurs Etats. Le gouvernement affirme que les autorités ne pouvaient pas prendre de décisions contraires aux statuts de l’organisation plaignante. A ce sujet, le comité invite l’organisation plaignante, si elle le souhaite, à envisager de modifier ses statuts pour, le cas échéant, adapter le champ d’action couvert par ses activités. Le comité note que le gouvernement indique en outre que, une convention collective étant en vigueur dans l’Etat de Carabobo, cet Etat a été exclu du champ de négociation et que, par conséquent, il n’a pas été nécessaire d’examiner la question de savoir quelle était l’organisation la plus représentative.
  4. 613. Par ailleurs, le comité observe que, selon l’allégation de l’organisation plaignante que le gouvernement ne réfute pas, le SUTRABA-CARABOBO compte de nombreux affiliés dans d’autres Etats (outre celui de Carabobo) et que l’application de conventions collectives conclues par le SUTRABA-CARABOBO aurait été étendue à des travailleurs d’autres Etats. De plus, le comité observe que le gouvernement ne remet pas en question les données d’affiliation fournies par l’organisation plaignante, lesquelles démontreraient que cette organisation est la plus représentative au vu du nombre de ses affiliés (critère qu’énonce l’article 438 de la LOTTT en tant qu’élément primordial pour déterminer la représentativité d’une organisation dans la négociation collective), tant par rapport au SINTRATERRICENTROPOLAR qu’au SINTRACERLIV. Le comité observe que, selon l’allégation de l’organisation plaignante que le gouvernement ne conteste pas non plus, un grand nombre des travailleurs concernés par le projet de négociation collective, ainsi que l’employeur lui-même, se seraient opposés à la négociation avec le SINTRATERRICENTROPOLAR en formulant des déclarations et en fournissant des éléments à maintes reprises démontrant que l’organisation plaignante était la plus représentative.
  5. 614. De plus, après examen du déroulement du processus dans son ensemble, force est au comité d’observer, en ce qui concerne les arguments concernant le domaine territorial qui, selon le gouvernement, ont fondé les décisions des autorités compétentes, que: i) dans un premier temps, les autorités ont restreint le domaine territorial de la négociation en excluant l’Etat de Carabobo (ce qui leur a permis de justifier la non-participation de l’organisation plaignante et de reconnaître l’exclusivité de la négociation à l’organisation qui serait proche du parti du gouvernement, à savoir le SINTRATERRICENTROPOLAR); ii) toutefois, une fois prononcée la sentence arbitrale, les autorités n’ont pas pris en compte la restriction territoriale qui avait été décidée initialement (en vertu de laquelle il n’avait plus été considéré nécessaire d’examiner quelle était l’organisation la plus représentative) et ont imposé l’extension de cette sentence arbitrale à tous les travailleurs de tous les Etats (à nouveau sans prendre en compte objectivement la représentativité des organisations concernées par cette décision, et en faveur d’une organisation (le SINTRACERLIV) qui, selon le plaignant, est proche du parti du gouvernement)).
  6. 615. Le comité regrette que, malgré le fait qu’à de multiples reprises tant l’organisation plaignante que l’employeur, ainsi que les travailleurs concernés, ont fait valoir la nécessité de vérifier la représentativité des organisations syndicales concernées, sur la base de données et d’éléments de preuve concrets portant sur l’affiliation, les autorités n’ont pas pris en considération les questions de représentativité qui étaient soulevées. Renvoyant à ses conclusions précédentes sur la question du champ d’action du SUTRABA-CARABOBO, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit respectée, sans ingérence aucune, la volonté de la majorité des travailleurs de l’employeur d’être représentés dans la négociation collective et, à cette fin, par l’organisation syndicale la plus représentative, en en vérifiant objectivement la représentativité. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  7. 616. En ce qui concerne les allégations d’actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre de l’arrêt d’activités promu par le SINTRATERRICENTROPOLAR, le comité note que l’organisation plaignante a porté plainte au pénal et que le gouvernement indique que, une fois qu’il aura reçu les informations du ministère public, il les transmettra au comité. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la suite donnée à la plainte pénale, ainsi que de toute procédure et de toute décision concernant ces allégations.
  8. 617. Au sujet des allégations de discrimination exercée à l’encontre de l’organisation plaignante par l’extension de la sentence arbitrale résultant de l’arbitrage obligatoire (l’organisation plaignante affirme que le MPPPST n’avait pas les compétences nécessaires et que cette extension favorisait un syndicat moins représentatif proche du gouvernement, le SINTRACERLIV), le comité observe que le gouvernement indique ce qui suit: i) la LOTTT donne au MTTTP la faculté de déclarer l’extension obligatoire d’une convention collective conclue lors d’une réunion de travail ou de la sentence arbitrale qui en découle; et ii) dans le cadre de l’extension de la sentence arbitrale, la requête du SINTRACERLIV a été prise en considération, cette organisation ayant exercé le droit de requête prévu à l’article 51 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, lequel consacre le droit de quiconque à adresser des requêtes à quelque autorité publique que ce soit. En ce qui concerne l’imposition de la procédure d’arbitrage, le comité se réfère à ses conclusions dans le cadre du cas no 3178. Quant à la décision d’étendre la sentence arbitrale qui en découlait, le comité considère que l’extension d’une convention, qui a été adoptée alors qu’étaient contestées la supériorité de la représentation de l’organisation ayant promu la convention ainsi que la légitimité et la procédure de l’arbitrage ayant donné lieu à la sentence arbitrale, aurait dû faire l’objet d’une consultation tripartite une fois établie objectivement la représentativité des organisations de travailleurs concernées. De plus, le comité observe que, selon ce qui ressort de l’examen du cas no 3178, tant l’organisation plaignante que l’employeur remettent en question le déroulement des procédures de l’arbitrage et de l’extension de la sentence arbitrale, en faisant état de discrimination et d’irrégularités, en particulier de la partialité et de l’ingérence des autorités. Le comité doit rappeler à ce sujet que, même en cas de médiation et d’arbitrage de conflits collectifs, l’essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs, afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties et dont dépend le succès de l’action, même s’il s’agit d’arbitrage obligatoire, soit maintenue. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 598.] Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le plein respect de la négociation collective volontaire, conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, en particulier en garantissant que la volonté des parties à la négociation collective soit respectée et, s’il y a lieu de recourir à l’arbitrage, que ses procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  9. 618. A propos des allégations d’entraves à la négociation collective au moyen d’interventions dilatoires des autorités et de l’extension de la sentence arbitrale, le comité observe que le gouvernement se borne à indiquer que la LOTTT reconnaît le droit à la négociation collective à condition que l’organisation justifie sa représentativité et qu’il n’y ait pas d’éléments péremptoires, parmi lesquels, ce qu’indique le gouvernement, le fait qu’une convention collective était en vigueur. Le comité regrette que, alors que dans le cadre du cas no 3178 le gouvernement affirme que la résolution qui porte extension de la sentence arbitrale ne fait mention d’aucun empêchement pour conclure de nouvelles conventions collectives, il n’indique pas expressément si la sentence arbitrale et son extension ont limité dans la pratique les possibilités pour l’organisation plaignante et d’autres syndicats de négocier collectivement, et ne communique aucune observation à propos de la résolution administrative dont fait mention l’organisation plaignante à ce sujet (résolution en vertu de laquelle l’inspection du travail aurait suspendu la négociation collective entre un autre syndicat et l’employeur pendant la durée de la sentence arbitrale qui avait été étendue par une décision du MPPPST). Le comité observe avec préoccupation que l’extension de la sentence arbitrale semble avoir empêché l’exercice du droit de négociation collective des différentes organisations syndicales représentatives concernées. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que l’organisation plaignante et les autres organisations représentatives peuvent négocier librement avec l’employeur, au-delà des dispositions résultant de l’application de la sentence arbitrale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  10. 619. Quant aux allégations selon lesquelles certaines dispositions de la LOTTT (art. 448 à 451) permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas répondu au sujet de ces allégations. Le comité rappelle, comme le fait l’organisation plaignante, que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) examine ces questions depuis un certain temps et a prié le gouvernement de: i) modifier l’article 449 de la LOTTT (qui dispose que l’examen d’un projet de négociation collective se fera en présence d’un fonctionnaire du travail qui présidera les réunions) afin de le rendre conforme aux principes de la négociation libre et volontaire et de l’autonomie des parties; et ii) en vue de parvenir à des solutions au sujet des questions soulevées, d’engager un dialogue tripartite sur la question de l’application dans la pratique des articles 450 (relatif au dépôt de la convention collective, qui dispose que l’inspection du travail s’assurera qu’elle est conforme aux normes de l’ordre public afin de l’homologuer) et 451 (relatif à l’obtention de l’homologation, qui dispose que, si l’inspection du travail l’estime nécessaire, au lieu d’homologuer la convention, elle pourra indiquer aux parties les observations et recommandations utiles, auxquelles il devra être donné suite). Etant donné que la République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention no 98, le comité porte à l’attention de la CEACR les aspects législatifs du présent cas et prie le gouvernement de communiquer à cette dernière les informations complémentaires utiles à cet égard.
  11. 620. En ce qui concerne les allégations d’ingérence des autorités au détriment de l’organisation plaignante et au bénéfice d’autres organisations qui seraient proches du parti du gouvernement (PSUV), le comité observe que le gouvernement indique qu’il n’exprime pas d’opinion au sujet du lien qui existerait entre le SINTRATERRICENTROPOLAR et le PSUV, car il s’agit d’un fait subjectif qui, clairement, a un caractère politique et qui dépasse le domaine syndical pour s’inscrire dans l’opposition directe au gouvernement. Par conséquent, le gouvernement considère que le comité ne doit pas se prononcer sur ces aspects qui s’éloignent de sa raison d’être. A ce sujet, le comité doit rappeler l’importance que tant les autorités que le parti politique du gouvernement ne s’immiscent pas dans des activités syndicales, et réaffirme que ces questions relèvent de son mandat. A ce propos, le comité rappelle que, dans l’intérêt du développement normal du mouvement syndical, il serait désirable que les parties intéressées s’inspirent des principes énoncés dans la résolution sur l’indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35e session (1952), qui prévoit notamment que l’objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs, et que, lorsque les syndicats, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, décident d’établir des relations avec les partis politiques ou d’entreprendre une action politique conformément à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le pays. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 498.]
  12. 621. A ce sujet, le comité observe que le gouvernement ne réfute pas les assertions et les informations que l’organisation plaignante a communiquées pour fonder ses allégations selon lesquelles le gouvernement, par le biais de son parti, appuie le SINTRATERRICENTROPOLAR au détriment de l’organisation plaignante (par exemple, au moyen de l’utilisation de médias du PSUV pour les communiqués de presse du SINTRATERRICENTROPOLAR, ou de l’appui d’autorités publiques aux actions de ce syndicat). De plus, en ce qui concerne les décisions des autorités dont la partialité est dénoncée, et sur la base des informations fournies par l’organisation plaignante, informations que le gouvernement ne conteste pas, force est au comité de comparer: i) d’un côté, la non-inclusion de l’organisation plaignante dans le processus de la décision d’étendre la sentence arbitrale – laquelle a affecté également l’Etat de Carabobo – ou le recours par le conseil d’arbitrage aux règles de la procédure civile pour exclure la partie adverse dans le but de ne pas prendre en considération dans la procédure les allégations de ses affiliés, le conseil d’arbitrage les ayant considérés comme des parties intéressées; et ii) de l’autre, l’application des normes aux organisations qui seraient proches du parti du gouvernement pour tenir compte des prétentions de ces organisations – par exemple, pour imposer l’arbitrage obligatoire (dans sa réponse au cas no 3178, le gouvernement indique que cette procédure s’est fondée sur le fait que, en raison de la portée et de la durée (plus de quatre-vingt-dix jours) de la grève, l’emploi productif, qui permet à chaque travailleur de vivre dignement, était en péril; pourtant, comme le reconnaît le gouvernement lui-même, les services essentiels n’étaient pas affectés – ou pour étendre la sentence arbitrale (en fondant l’homologation active visant à appuyer l’extension sur le droit général de formuler des requêtes).
  13. 622. Observant avec préoccupation les allégations nombreuses et détaillées de partialité et d’ingérence du parti du gouvernement et des autorités publiques dans le conflit du travail qui est évoqué, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éviter tout type d’ingérence dans les relations professionnelles entre l’organisation plaignante et l’employeur. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 623. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite l’organisation plaignante, si elle le souhaite, à envisager de modifier ses statuts pour, le cas échéant, adapter le champ d’action couvert par ses activités.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour, conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective: i) garantir le plein respect de la négociation collective volontaire, en particulier en veillant à ce que la volonté des parties à la négociation collective soit respectée et, s’il y a lieu de recourir à l’arbitrage, que ses procédures soient impartiales et jouissent de la confiance des parties; ii) respecter la volonté de la majorité des travailleurs de l’employeur quant à leur représentation dans la négociation collective et, à cette fin, par l’organisation syndicale la plus représentative, en en vérifiant objectivement la représentativité; iii) s’assurer que l’organisation plaignante et les autres organisations représentatives peuvent négocier librement avec l’employeur, au-delà des dispositions résultant de l’application de la sentence arbitrale; et iv) éviter tout type d’ingérence dans les relations professionnelles entre l’organisation plaignante et l’employeur. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute procédure et de toute décision concernant les allégations d’actes de violence ayant empêché l’accès au lieu de travail dans le cadre d’un arrêt d’activités, et de la suite donnée à la plainte pénale évoquée par l’organisation plaignante.
    • d) Etant donné que la République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention no 98, le comité porte à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations les aspects législatifs du présent cas et prie le gouvernement de communiquer à la commission d’experts les informations complémentaires utiles au sujet des allégations selon lesquelles certaines dispositions de la LOTTT (art. 448 à 451) permettraient l’ingérence des autorités dans la négociation collective.
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