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Interim Report - Report No 391, October 2019

Case No 3076 (Maldives) - Complaint date: 08-APR-14 - Follow-up

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Allégations: Usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève; arrestation arbitraire de membres et de dirigeants de la TEAM; licenciement abusif de neuf travailleurs dont des dirigeants de la TEAM ayant participé à une grève comme meneurs. Les organisations plaignantes indiquent que, malgré un jugement définitif rendu en leur faveur, les travailleurs licenciés ne sont pas encore réintégrés à leur poste plus de dix ans après leur licenciement

  1. 385. Le comité a examiné ce cas (présenté en avril 2014) pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2018 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 387e rapport, paragr. 523 à 531, approuvé par le Conseil d’administration à sa 334e session (octobre-novembre 2018).]
  2. 386. L’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) s’est associée à la plainte et a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 7 août 2019.
  3. 387. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû ajourner l’examen du cas à plusieurs reprises depuis la présentation de la plainte. A sa réunion de juin 2019 [voir 389e rapport, paragr. 6], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration (1972), il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. Tout en prenant note de la demande du gouvernement en date du 2 octobre 2019 de prolonger de quelques jours la date limite pour soumettre ses observations en attendant l’assistance technique du BIT, le comité note que, à ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information additionnelle et a donc décidé de procéder à l’examen de ce cas.
  4. 388. La République des Maldives a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 389. Lors de son précédent examen du cas, en octobre 2018, le comité a formulé les recommandations suivantes sur les questions encore en suspens [voir 387e rapport, paragr. 531]:
    • a) Le comité regrette profondément que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte en avril 2014 et la tenue en novembre 2017 d’une réunion avec un délégué gouvernemental afin d’obtenir une meilleure coopération concernant les procédures du comité, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à le faire à plusieurs reprises, y compris par plusieurs appels pressants. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir ses observations sur les allégations de l’organisation plaignante sans délai supplémentaire et de faire preuve de plus de coopération à l’avenir. Le comité rappelle à nouveau au gouvernement qu’il a la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
    • b) Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de diligenter une enquête indépendante concernant les motifs de l’arrestation et de la détention de membres de la TEAM dans les trois occasions précitées (décembre 2008, avril 2009 et mai 2013) et, s’il s’avérait qu’ils aient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales, d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les autorités compétentes reçoivent les instructions requises pour s’abstenir de recourir à l’avenir à l’arrestation et à la détention de syndicalistes pour des raisons liées à leurs activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour l’exécution immédiate de l’ordonnance exigeant la réintégration des dirigeants de la TEAM et le versement des arriérés de salaires restants, et de le tenir informé des actions menées à cet égard.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations d’usage excessif de la force par la police dans le présent cas, et de veiller à ce que les mesures appropriées soient prises pour que de telles situations ne se reproduisent plus à l’avenir. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
    • e) Le comité prie le gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle de l’entreprise en cause sur les questions en instance.

B. Informations complémentaires des organisations plaignantes

B. Informations complémentaires des organisations plaignantes
  1. 390. Dans une communication en date du 7 août 2019, les organisations plaignantes fournissent des informations complémentaires, alléguant que le gouvernement n’a ni enquêté sur les motifs de la détention des dirigeants de la TEAM en 2008, 2009 et 2013 ni pris aucune mesure pour faire appliquer la décision finale que le tribunal du travail a rendue en 2009, dans laquelle il a déclaré illégaux les licenciements des dirigeants de la TEAM et a ordonné leur réintégration sans perte de salaire. En outre, l’employeur a contesté l’ordonnance de réintégration en engageant une série de procédures judiciaires, en instance jusqu’à ce jour, de sorte que les travailleurs licenciés n’ont pas encore été réintégrés dans leurs fonctions. En 2014, la TEAM a intenté une procédure civile pour faire appliquer l’ordonnance de réintégration, et le tribunal a décidé que, dans la mesure où l’ordonnance n’avait pas été mise en œuvre correctement, l’hôtel One & Only Reethi Rah Resort (ci-après l’hôtel A) devait réintégrer les travailleurs à leur poste conformément à la décision du tribunal du travail. Toutefois, l’employeur a fait appel de cette décision et, en novembre 2016, la Haute Cour a décidé que les dirigeants et les membres du syndicat victimes ne devaient pas forcément être réintégrés sur le même lieu de travail et qu’il n’était pas nécessaire d’appliquer la décision initiale et les décisions ultérieures dans leurs moindres détails puisque la réintégration n’était définie ni dans le droit national ni dans la jurisprudence. La Haute Cour estimait ainsi que les employeurs avaient une très grande latitude s’agissant de déterminer le sens et les modalités de la réintégration. La TEAM a fait appel de cette décision devant la Cour suprême et cet appel est en instance. Les organisations plaignantes soulignent que l’absence de procédures judiciaires et d’exécution appropriées dans le pays a permis de reporter indéfiniment l’exécution de l’ordonnance et que, dix ans après les faits allégués, les travailleurs concernés restent privés de leur droit à la liberté syndicale.
  2. 391. En outre, les membres de la TEAM s’étaient vu interdire par le tribunal de participer à une quelconque action collective, sous quelque forme que ce soit, en faveur de la réintégration (comme cela avait déjà été dénoncé dans la plainte initiale), et les manifestations de travailleurs sur les îles touristiques sont en pratique impossibles à organiser puisque l’article 24(B)7 de la loi sur la liberté de réunion publique déclare illégales les manifestations publiques dans une station touristique qui n’ont pas été autorisées au préalable par la police et les forces de défense nationales. Selon les organisations plaignantes, les travailleurs sont effectivement privés de leur droit à la liberté de réunion, qui est un élément essentiel de la liberté syndicale, et cette privation est imposée par la force par la police, ce qui fait que les droits ne sont pas respectés dans les hôtels et îles touristiques.
  3. 392. A cet égard, l’UITA dénonce également une discrimination antisyndicale dans deux autres établissements hôteliers. En particulier, elle allègue que, au Conrad Maldives Rangali Island Resort (ci-après l’hôtel B), 22 membres de la TEAM ont été licenciés injustement en juin 2011 à la suite d’un arrêt de travail pacifique de quelque 350 travailleurs qui, pendant deux ans, avaient tenté sans succès d’ouvrir avec la direction un dialogue sur la distribution des pourboires, qui constituent une part essentielle de leur rémunération. Lorsque la direction a donné l’assurance qu’elle était prête à discuter des problèmes avec le syndicat, les travailleurs sont retournés au travail, mais la direction a ensuite, en représailles, licencié des membres de la TEAM, dont certains avaient dix ans ou plus d’expérience. Les travailleurs ont contesté les licenciements devant le tribunal du travail, qui a jugé que ces licenciements étaient sans fondement et injustes et a ordonné la réintégration des travailleurs avec rémunération rétroactive. La Haute Cour a annulé la décision initiale, mais, en février 2015, la Cour suprême a annulé la décision de la Haute Cour et ordonné l’ouverture d’une enquête sur toute l’affaire. En décembre 2017, la Haute Cour a confirmé la décision initiale du tribunal du travail, concluant que les licenciements sans préavis étaient abusifs et contraires à la loi sur l’emploi et considérant que les travailleurs devaient être réintégrés et obtenir pleine réparation. En mars 2018, la direction a fait appel de cette décision devant la Cour suprême, mais aucune audience n’a encore été fixée. Les organisations plaignantes allèguent que, de nouveau, malgré une décision claire ordonnant la réintégration, plus de sept ans se sont écoulés sans que cette décision soit mise en œuvre, en raison de l’absence d’un cadre efficace pour assurer une protection contre les licenciements abusifs, notamment une protection explicite des responsables syndicaux, de la négociation collective et du droit des travailleurs à des actions collectives.
  4. 393. Les organisations plaignantes indiquent en outre que, en 2011, la TEAM a commencé à recruter des membres au Sheraton Maldives Full Moon Resorts & Spa (ci-après l’hôtel C). En 2013, des responsables syndicaux ont été élus dans ce complexe et, en 2014, la TEAM représentait la majorité des salariés de cet hôtel. Toutefois, la direction a répondu négativement aux demandes de reconnaissance officielle, a refusé de rencontrer le comité du syndicat et, en avril 2014, a lancé une procédure disciplinaire contre le secrétaire du syndicat sur le fondement d’allégations contestées par le syndicat. Quelques jours plus tard, dans une lettre adressée au directeur général, le syndicat réitérait sa demande de reconnaissance et d’ouverture de négociations de bonne foi en vue de trouver des solutions à la détérioration de la situation sociale découlant de l’hostilité de la direction à son égard. Le même jour, des membres du syndicat se sont rassemblés dans les locaux réservés au personnel pour protester contre la procédure disciplinaire, mais ils n’ont toujours pas reçu de réponse à la demande écrite de rencontre avec la direction. Celle-ci a aussi rejeté la demande écrite du syndicat qui visait à ce que ses membres puissent se réunir pour célébrer le 1er mai, un jour férié national. Les organisations plaignantes indiquent que, le 14 mai 2014, des membres du syndicat qui n’étaient pas de service se sont rendus au bureau du directeur général pour demander une entrevue et que, lorsqu’ils ont trouvé le bureau vide, ils ont attendu son retour de façon pacifique. Cependant, la police est arrivée, a commencé à interroger les dirigeants syndicaux et a donné l’ordre de vider les lieux. Le lendemain, le président du syndicat, le secrétaire et un membre exécutif ont reçu des courriers disciplinaires dans lesquels ils étaient accusés de réunion illégale et de déploiement illégal de banderoles syndicales dans les locaux du personnel en avril, et ils ont également reçu des lettres de licenciement en présence de la police. Depuis, dix dirigeants et membres du syndicat ont été licenciés (ou les contrats de certains employés contractuels n’ont pas été renouvelés) et plus de 100 membres ont reçu le même courrier disciplinaire. Selon les organisations plaignantes, ces licenciements sélectifs et les procédures disciplinaires de masse visaient clairement à intimider les membres du syndicat et à empêcher celui-ci de fonctionner. En outre, la direction a informé le personnel que toute violation de la loi sur les rassemblements serait sanctionnée par un licenciement immédiat, la police a commencé à patrouiller régulièrement dans la zone réservée au personnel, et les dirigeants syndicaux licenciés exclus de l’île n’ont pas d’accès à leurs membres sans enfreindre la loi, ce qui est contraire à la liberté syndicale.
  5. 394. Les organisations plaignantes indiquent que, en août 2014, la TEAM a porté plainte devant le tribunal du travail pour licenciement abusif de sept dirigeants et membres du syndicat à l’hôtel C. En juillet 2015, le tribunal a estimé que, même si l’employeur ne pouvait donner de motifs raisonnables pour le licenciement des responsables syndicaux Ahmed Shiyaz, Hussain Ali Didi et Moosa Mohamed en référence à la loi sur le travail, ces personnes ne devaient pas être réintégrées mais seulement indemnisées, car leur participation à un rassemblement illégal constituait une forme de «négligence» qui avait contribué à leur licenciement. En octobre 2015, la TEAM a fait appel de cette décision devant la Haute Cour, qui a décidé en novembre 2017 que la «négligence» des trois responsables, y compris leur participation à un rassemblement non autorisé, constituait un motif suffisant de renvoi et qu’ils ne devaient être ni réintégrés ni indemnisés. En février 2018, la TEAM a fait appel de cette décision devant la Cour suprême, qui a déclaré l’appel recevable, mais aucune audience n’a encore eu lieu.
  6. 395. En ce qui concerne les allégations ci-dessus, l’UITA et la TEAM demandent instamment au comité de rappeler au gouvernement ses responsabilités et que l’on prenne rapidement des mesures pour assurer la réintégration avec paiement de tous les arriérés de tous les travailleurs qui souhaitent toujours reprendre leur emploi.
  7. 396. D’une manière plus générale, les organisations plaignantes allèguent qu’il n’existe dans le pays aucun cadre juridique qui permette d’assurer le respect de la liberté syndicale et la négociation collective, et que l’absence d’une jurisprudence claire ouvre la porte à des décisions judiciaires contradictoires et arbitraires. Elles dénoncent en outre l’incapacité systématique du gouvernement à assurer la protection effective des droits énoncés dans les conventions nos 87 et 98, tant en droit que dans la pratique, et estiment que le gouvernement devrait prendre de façon prioritaire des mesures législatives et d’application exhaustives en vue de mettre en place un système solide garantissant la pleine protection juridique de ces droits.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 397. Le comité regrette profondément que, en dépit du temps écoulé depuis la présentation de la plainte en avril 2014, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations des organisations plaignantes bien qu’il ait été prié à plusieurs reprises, y compris par plusieurs appels pressants [voir 375e rapport, paragr. 8, 380e rapport, paragr. 8, 382e rapport, paragr. 8, 386e rapport, paragr. 7, et 389e rapport, paragr. 6], de présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Observant que le gouvernement a exprimé son intérêt de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau, le comité veut croire que le gouvernement sera en mesure de présenter ses observations sur les allégations des organisations plaignantes sans délai supplémentaire.
  2. 398. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session (1972)], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 399. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent, à leur tour, reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, 1952, paragr. 31.]
  4. 400. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des faits survenus à l’hôtel A entre novembre 2008 et mai 2013 et concerne des allégations d’usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève, d’arrestation et détention répétées de dirigeants de la TEAM, de licenciement de ces derniers et de non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de salaire.
  5. 401. Le comité prend dûment note des informations actualisées fournies par les organisations plaignantes, qui détaillent les obstacles qui entravent, en droit et en pratique, l’exercice de la liberté syndicale. En ce qui concerne les motifs de l’arrestation et de la détention de membres de la TEAM (recommandation b)), le comité note que, selon les organisations plaignantes, le gouvernement n’a pris aucune mesure visant à enquêter sur ces allégations. Déplorant l’absence apparente de progrès sur ce point, le comité exhorte à nouveau le gouvernement à diligenter une enquête indépendante concernant les motifs de l’arrestation et de la détention de membres de la TEAM dans les trois occasions précitées (décembre 2008, avril 2009 et mai 2013) et, s’il s’avérait qu’ils aient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales, d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les autorités compétentes reçoivent les instructions requises pour s’abstenir de recourir à l’avenir à l’arrestation et à la détention de syndicalistes pour des raisons liées à leurs activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
  6. 402. En ce qui concerne la situation des dirigeants de la TEAM licenciés (recommandation c)), le comité prend note de l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle le gouvernement n’a pris aucune mesure pour assurer l’application de l’ordonnance de réintégration de 2009 et que, après un refus prolongé de la direction de réintégrer les travailleurs et sa contestation des décisions judiciaires pertinentes, le syndicat a engagé en 2014 une procédure civile pour faire appliquer l’ordonnance initiale, qui est en instance devant la Cour suprême. Le comité ne peut que déplorer que, malgré une première décision de justice ordonnant la réintégration et de longues procédures judiciaires visant à faire appliquer cette décision, les dirigeants de la TEAM licenciés n’aient pas encore été réintégrés dans leurs fonctions plus de dix ans après leur licenciement. Le comité rappelle à cet égard que le retard pris pour mener à bien les recours judiciaires qui donnent accès à la réparation réduit par lui-même l’efficacité de ces recours, étant donné que la situation ayant fait l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible, de sorte qu’il devient impossible d’ordonner une réparation appropriée ou de revenir à la situation antérieure. L’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1144 et 170.] Dans ces circonstances, le comité s’attend à ce que la procédure civile en cours se termine sans délai et veut croire que la Cour suprême prendra en considération, dans sa décision, les principes de la liberté syndicale et les conclusions antérieures du comité concernant le cas d’espèce. Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis que le tribunal du travail a déclaré pour la première fois leurs licenciements illégaux, le comité s’attend à ce que, entre-temps, les travailleurs licenciés soient réintégrés et reçoivent des arriérés de salaires et prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour réunir la direction et les travailleurs concernés afin de résoudre les problèmes qui se posent depuis longtemps dans le cas d’espèce. Le comité prie le gouvernement de lui fournir une copie de la décision de la Cour suprême une fois qu’elle aura été rendue et de le tenir informé de tout fait nouveau.
  7. 403. Quant aux allégations d’usage excessif de la force par la police (recommandation d)), le comité rappelle qu’il est question de l’utilisation de matraques et de gaz poivré pour disperser les grévistes de l’hôtel A en décembre 2008 et fait observer que le gouvernement n’a fourni aucune nouvelle information à cet égard. Par conséquent, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur ces allégations graves et de veiller à ce que les instructions appropriées soient données pour que de telles situations ne se reproduisent plus à l’avenir. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
  8. 404. Le comité constate à partir des informations supplémentaires fournies que les organisations plaignantes dénoncent une discrimination antisyndicale de longue date aux hôtels B et C. En particulier, il note que 22 membres de la TEAM auraient été licenciés abusivement à l’hôtel B en raison de leur participation à un arrêt de travail pacifique et que, malgré de longues procédures judiciaires, les travailleurs licenciés n’ont pas encore été réintégrés, la décision rendue en 2017 par la Haute Cour concernant leur réintégration faisant l’objet d’un appel devant la Cour suprême. Le comité prend note en outre des allégations formulées au sujet de l’hôtel C concernant des procédures disciplinaires de masse qui auraient touché une centaine de travailleurs syndiqués et des licenciements (ou non-renouvellements de contrats) antisyndicaux ciblés de dix membres de la TEAM. La Haute Cour a estimé que le licenciement de trois dirigeants syndicaux était justifié, mais cette affaire est également en instance devant la Cour suprême.
  9. 405. Le comité prend note des multiples exemples donnés par les organisations plaignantes de représailles alléguées pour des activités syndicales dans les trois complexes hôteliers et des préoccupations plus générales concernant l’absence de cadre juridique et de mécanismes d’application qui permettraient de protéger l’exercice de la liberté syndicale. A cet égard, le comité rappelle que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. La protection contre les actes de discrimination antisyndicale doit couvrir non seulement l’embauchage et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d’emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations et autres actes préjudiciables. Nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1072, 1075, 1087 et 953.]
  10. 406. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de licenciements abusifs dans les hôtels B et C soient rapidement menées à bien, afin d’éviter des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et pleinement appliquées par les parties concernées. Le comité veut croire que, malgré le temps qui s’est écoulé depuis que ces allégations ont été formulées, les tribunaux seront en mesure d’ordonner des réparations adéquates, la réintégration étant le moyen privilégié; si, pour des raisons objectives et impérieuses, la réintégration n’est pas possible, les travailleurs devraient être dûment indemnisés.
  11. 407. Le comité relève également, à partir des informations complémentaires fournies, que les organisations plaignantes dénoncent un certain nombre d’autres violations des principes de la liberté syndicale à l’hôtel C, notamment le fait que la direction a refusé aux membres du syndicat le droit de se réunir le 1er mai, des accusations de rassemblement illégal et de déploiement illégal de banderoles syndicales, le refus de la direction de reconnaître le syndicat et d’entamer des négociations et l’interdiction faite aux membres du syndicat licenciés de pénétrer dans l’île et dans les locaux du syndicat. Faisant observer que les faits allégués, s’ils sont avérés, pourraient entraver l’exercice d’activités syndicales légitimes, le comité tient à rappeler que le droit d’organiser des réunions publiques et des cortèges à l’occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux [voir Compilation, op. cit., paragr. 212] et que les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1591.] En ce qui concerne la question de la négociation collective, le comité tient à souligner que les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de travailleurs dans une branche particulière aux fins de la négociation collective [voir Compilation, op. cit., paragr. 1356] et que la question de savoir si une partie a adopté une attitude raisonnable ou intransigeante vis-à-vis de l’autre relève de la négociation entre les parties, mais les employeurs et les syndicats doivent néanmoins négocier de bonne foi et n’épargner aucun effort pour aboutir à un accord. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1333.] Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
  12. 408. Prenant note, en outre, des allégations d’interrogatoires de syndicalistes par la police et de surveillance des locaux réservés au personnel à l’hôtel C, le comité rappelle que les interpellations et les interrogatoires systématiques ou arbitraires par la police des dirigeants et des militants syndicaux contiennent un risque d’abus et peuvent constituer une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 128.] Le comité prie donc le gouvernement de donner toutes les instructions requises pour faire en sorte que la police ne soit pas utilisée comme un instrument d’intimidation ou de surveillance des membres de syndicats et de le tenir informé des mesures prises ou envisagées à cet égard.
  13. 409. S’agissant des allégations spécifiques susmentionnées, le comité prie le gouvernement de demander des informations aux organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle des entreprises en cause sur les questions en instance.
  14. 410. Enfin, prenant note avec une profonde préoccupation des allégations générales des organisations plaignantes selon lesquelles l’incapacité systématique du gouvernement à assurer la protection effective des droits syndicaux, tant en droit que dans la pratique, entraîne le déni du droit à la liberté syndicale des travailleurs en République des Maldives, y compris le déni du droit à la liberté de réunion, avec l’aide de la police, et des situations prolongées de discrimination antisyndicale, le comité rappelle que la responsabilité d’appliquer les principes de la liberté syndicale incombe en dernier ressort au gouvernement [voir Compilation, op. cit., paragr. 46] et que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1140.] En outre, le comité rappelle qu’il ne faut pas que l’autorisation de tenir des réunions et des manifestations publiques, ce qui constitue un droit syndical important, soit arbitrairement refusée [voir Compilation, op. cit., paragr. 219] et que la participation à des rassemblements et manifestations pacifiques ne devrait pas conduire à une discrimination antisyndicale, comme cela a été allégué à plusieurs reprises dans le présent cas. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures législatives et d’application nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, afin de répondre à ces allégations générales et de garantir que la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de réunion, et la protection contre la discrimination antisyndicale sont pleinement garanties tant en droit que dans la pratique. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
  15. 411. Observant que le gouvernement a exprimé le besoin d’obtenir l’assistance technique du Bureau, le comité veut croire qu’il sera en mesure de s’en prévaloir dans un avenir proche.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 412. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette profondément que, en dépit du temps écoulé depuis la présentation de la plainte en avril 2014, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations des organisations plaignantes bien qu’il ait été prié à plusieurs reprises de présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de présenter ses observations sur les allégations des organisations plaignantes sans délai supplémentaire et de faire preuve de plus de coopération à l’avenir. Le comité rappelle à nouveau au gouvernement qu’il a la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
    • b) Le comité exhorte à nouveau le gouvernement à diligenter une enquête indépendante concernant les motifs de l’arrestation et de la détention de membres de la TEAM dans les trois occasions précitées (décembre 2008, avril 2009 et mai 2013) et, s’il s’avérait qu’ils aient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales, d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les autorités compétentes reçoivent les instructions requises pour s’abstenir de recourir à l’avenir à l’arrestation et à la détention de syndicalistes pour des raisons liées à leurs activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité s’attend à ce que la procédure civile en cours concernant les licenciements de responsables de la TEAM à l’hôtel A se termine sans délai et veut croire que la Cour suprême prendra en considération, dans sa décision, les principes de la liberté syndicale et les conclusions antérieures du comité concernant le cas d’espèce. Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis que le tribunal du travail a déclaré pour la première fois leurs licenciements illégaux, le comité s’attend à ce que, entre-temps, les travailleurs licenciés soient réintégrés et reçoivent des arriérés de salaires et prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour réunir la direction et les travailleurs concernés afin de résoudre les problèmes qui se posent depuis longtemps dans le cas d’espèce. Le comité prie le gouvernement de lui fournir une copie de la décision de la Cour suprême une fois qu’elle aura été rendue et de le tenir informé de tout fait nouveau.
    • d) Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations d’usage excessif de la force par la police contre les travailleurs de l’hôtel A et de veiller à ce que les instructions appropriées soient données pour que de telles situations ne se reproduisent plus à l’avenir. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de licenciements abusifs dans les hôtels B et C soient rapidement menées à bien, afin d’éviter des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et pleinement appliquées par les parties concernées. Le comité veut croire que, malgré le temps qui s’est écoulé depuis que ces allégations ont été formulées, les tribunaux seront en mesure d’ordonner des réparations adéquates, la réintégration étant le moyen privilégié; si, pour des raisons objectives et impérieuses, la réintégration n’est pas possible, les travailleurs devraient être dûment indemnisés.
    • f) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail. Le comité prie également le gouvernement de donner toutes les instructions requises pour faire en sorte que la police ne soit pas utilisée comme un instrument d’intimidation ou de surveillance des membres de syndicats et de le tenir informé des mesures prises ou envisagées à cet égard.
    • g) S’agissant des allégations spécifiques de ce cas d’espèce, le comité prie le gouvernement de demander des informations aux organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle des entreprises en cause sur les questions en instance.
    • h) Enfin, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures législatives et d’application nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, afin de garantir que la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de réunion, et la protection contre la discrimination antisyndicale sont pleinement garanties tant en droit que dans la pratique. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • i) Observant que le gouvernement a exprimé le besoin d’obtenir l’assistance technique du Bureau, le comité veut croire qu’il sera en mesure de s’en prévaloir dans un avenir proche.
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