National Legislation on Labour and Social Rights
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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail de détenus au profit d’entreprises privées. Dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années au sujet de la législation et de la pratique en Allemagne, la commission s’est référée à la situation de détenus travaillant au profit d’entreprises privées. Elle avait noté en particulier que, parmi ces détenus, on distingue deux catégories: a) ceux qui travaillent sur la base d’une relation d’emploi libre hors de l’institution pénitentiaire; b) ceux qui sont tenus de travailler, sans leur consentement, dans des ateliers gérés par des entreprises privées à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, et ce dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre. La commission avait souligné que cette dernière situation est incompatible avec l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, qui interdit expressément que les détenus soient concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Elle avait aussi noté avec regret que la condition du consentement formel du prisonnier avant d’être employé dans un atelier géré par une entreprise privée, prévue à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, est restée lettre morte puisque l’entrée en vigueur de celle-ci a été suspendue par effet de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire du 22 décembre 1981.
La commission note que, d’après l’indication du gouvernement dans ses rapports reçus en 2006 et 2008, lorsque le travail est effectué au profit de compagnies privées dans les prisons, seul le matériel de travail est amené dans la prison par les compagnies considérées alors qu’il appartient au seul personnel pénitentiaire de surveiller les détenus concernés. La commission rappelle à ce propos que le travail ou le service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont réunies: à savoir que ce travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Le fait que les détenus demeurent en permanence sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire n’enlève rien au fait qu’ils sont «concédés» à une entreprise privée, pratique désignée à l’article 2, paragraphe 2 c), comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de l’homme.
Se référant aux explications présentées aux paragraphes 59-60 et 114-120 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, la commission souligne à nouveau que le travail de détenus pour des compagnies privées ne peut être considéré comme compatible avec l’interdiction explicite de la convention que si les garanties nécessaires existent pour s’assurer que les prisonniers acceptent de travailler volontairement, sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme l’exige l’article 2, paragraphe 1, de la convention. Dans ces circonstances, le travail des prisonniers pour des entreprises privées ne relève pas du champ d’application de la convention, dans la mesure où aucune contrainte n’est exercée. La commission a considéré que, compte tenu du caractère captif de cette main-d’œuvre, le consentement formel des détenus à travailler pour le compte d’entreprises privées, à l’intérieur ou à l’extérieur des prisons, est nécessaire. De plus, dans la mesure où ce consentement est exprimé dans un contexte de privation de liberté et sans véritable alternative, certains facteurs sont nécessaires pour authentifier l’expression d’un consentement libre et éclairé. La commission rappelle que l’indicateur le plus fiable du caractère volontaire du travail est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, tant sur le plan de la rémunération (avec retenues et cessions éventuelles) que sur celui de la sécurité sociale et de la sécurité et santé au travail. Par ailleurs, pour déterminer si le consentement est donné de manière libre et éclairée, d’autres facteurs peuvent également être pris en considération comme des éléments objectifs et des avantages quantifiables dont le prisonnier bénéficie en réalisant le travail (ces avantages peuvent comprendre l’acquisition de nouvelles compétences que le prisonnier pourra utiliser une fois libéré; la possibilité de continuer le travail du même type après sa libération; ou la possibilité de travailler en groupe dans un environnement contrôlé permettant au prisonnier de développer sa capacité de travailler en équipe).
La commission note avec regret que le gouvernement déclare dans ses rapports reçus en 2006 et 2008, que, compte tenu de la situation économique générale en Allemagne, le gouvernement fédéral n’a pas encore pris de mesures pour appliquer la disposition relative au consentement des prisonniers pour travailler dans des ateliers privés, comme prévu à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, ni toute autre mesure pour relever la rémunération des prisonniers ou inclure ces derniers dans le régime des pensions.
La commission note, d’après l’indication du gouvernement dans son dernier rapport, qu’à l’échelle de l’ensemble du territoire fédéral une moyenne de 11,61 pour cent des détenus ont travaillé pour des entreprises privées en 2006, les chiffres s’échelonnant dans les Länder entre 2 et 20 pour cent. Le gouvernement indique que la situation du travail dans les prisons se caractérise par une pénurie d’emplois et que les autorités pénitentiaires s’efforcent en conséquence d’augmenter la présence des compagnies privées dans les prisons afin de réduire le nombre de prisonniers sans activité. Pour ce qui est des salaires touchés par les prisonniers qui travaillent dans des ateliers privés, la commission avait précédemment noté le point de vue du gouvernement selon lequel le niveau actuel de rémunération des détenus est toujours insuffisant et que, en dépit d’une décision de la Cour constitutionnelle fédérale du 24 mars 2002, qui actuellement empêche toute initiative visant à relever les rémunérations des détenus, le gouvernement reste résolu à faire prévaloir son point de vue et maintient un contrôle étroit sur la situation budgétaire des Länder. Le gouvernement avait également exprimé son intention de poursuivre ses efforts en vue d’étendre aux prisonniers l’application du régime public des pensions. En ce qui concerne les conditions de travail des prisonniers au profit d’entreprises privées, la commission avait noté, d’après les rapports du gouvernement, que la durée de leur travail correspondait en règle générale à la semaine de travail en vigueur dans le secteur public et que les dispositions légales relatives à la sécurité et à la santé ainsi qu’à la prévention des accidents étaient pleinement appliquées.
Tout en prenant dûment note de ces informations, la commission réitère sa préoccupation au sujet du fait que, plus de cinquante ans après la ratification de cette convention fondamentale touchant aux droits de l’homme, il y a toujours en Allemagne une proportion importante de détenus travaillant au profit d’entreprises privées et qui se trouvent concédés, sans leur consentement, à ceux qui utilisent leur travail, et ce dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre. Tout en notant que le gouvernement réitère dans son dernier rapport que la Cour constitutionnelle fédérale a décidé que le travail obligatoire des prisonniers au profit de compagnies privées est compatible avec la loi fondamentale, la commission souligne à nouveau, comme expliqué ci-dessus, que la situation tant en droit qu’en pratique n’est toujours pas conforme à la convention.
Notant que le gouvernement considère dans ses rapports que le travail réalisé par les prisonniers au profit de compagnies privées devrait se rapprocher le plus possible des conditions normales de travail – de manière à faciliter la réinsertion des prisonniers dans la vie active –, la commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires seront enfin prises tant au niveau fédéral qu’au niveau des Länder pour s’assurer qu’un consentement libre et éclairé est exigé des détenus pour travailler dans des ateliers privés à l’intérieur de la prison et que ce consentement est exempt de menace d’une peine quelconque et authentifié par des conditions de travail se rapprochant de celles d’une relation de travail libre ainsi que par les autres facteurs objectifs et quantifiables susmentionnés. La commission espère, en particulier, que la disposition exigeant le consentement des prisonniers pour travailler dans des ateliers privés, contenue à l’article 41(3) de la loi de 1976 susvisée, sera enfin mise en œuvre, de même que les dispositions concernant la participation des détenus au régime de pension de vieillesse, prévues à l’article 191 et suivants de la même loi, et que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer les progrès réalisés à cet égard.