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- 285. Le Comité a déjà examiné ce cas à sa 32- session (octobre 1962), au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire, qui figure aux paragraphes 472 à 495 de son soixante-sixième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 153ème session (novembre 1962); le Comité a réexaminé ce cas à sa 33ème session (février 1963), au cours de laquelle il a présenté un autre rapport intérimaire, qui figure aux paragraphes 126 à 152 de son soixante-huitième rapport. Ce dernier rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 154- session (mars 1963), contient les conclusions définitives du Comité sur certaines allégations et prie le gouvernement de fournir certaines informations complémentaires.
- 286. Les conclusions et recommandations du Comité figurent au paragraphe 152 du soixante-huitième rapport, précité, et sont libellées comme suit
- 152. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité, étant donné le fait qu'il a toujours été guidé par le principe selon lequel les allégations relatives à l'exercice du droit de grève ne sortent pas du champ de sa compétence dans la mesure - mais seulement dans la mesure - où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, recommande au Conseil d'administration:
- a) de constater que, bien que le décret no 2354/62 sur les procédures de réglementation, conciliation et arbitrage en matière de relations collectives de travail apporte certaines garanties en vue de la protection des droits des travailleurs en cas de conflit collectif, destinées à donner effet à la recommandation du Comité selon laquelle les restrictions apportées à l'exercice du droit de grève devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, il subsiste que la situation reste inchangée en ce qui concerne le fait que la législation actuellement en vigueur en matière de grève - Code pénal, Charte du travail, loi sur la sécurité de l'Etat, examinés aux paragraphes 81-88 du quarante et unième rapport du Comité - peut être interprétée comme impliquant une interdiction générale de la grève appliquée à tous les travailleurs et pas seulement à ceux des services essentiels, et, en conséquence, d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement, comme il l'a fait au paragraphe 495 b) du soixante-sixième rapport du Comité, sur le principe énoncé au paragraphe 481 dudit rapport, principe selon lequel le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels;
- b) de prier le gouvernement, étant donné l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au principe selon lequel, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun que le gouvernement considère comme étant étrangers à leurs activités syndicales, ces personnes soient jugées promptement et équitablement par un tribunal impartial et indépendant, de bien vouloir indiquer le résultat des procédures engagées devant les tribunaux nationaux contre les quarante-sept personnes qui sont toujours détenues, en fournissant le texte des jugements prononcés ainsi que celui de leurs considérants et, dans l'attente de ces informations, d'ajourner l'examen de cet aspect du cas.
- 287. Le soixante-huitième rapport du Comité tel qu'il a été approuvé par le Conseil d'administration a été transmis au gouvernement espagnol par communication du Directeur général en date du 13 mars 1963.
- 288. La Fédération syndicale mondiale (F.S.M.), par communication en date du 27 mars 1963, a présenté une plainte relative au cas considéré.
- 289. Dans sa plainte en date du 27 mars 1963, la F.S.M déclare en premier lieu qu'ayant la certitude que le gouvernement espagnol désignera une fois encore le délégué des travailleurs et ses conseillers techniques à la 47ème session de la Conférence en violation des dispositions de la Constitution de l'O.I.T, elle se réserve le droit de protester contre ces désignations. La F.S.M déclare que la désignation du délégué des travailleurs ne saurait se faire avec l'accord des organisations professionnelles les plus représentatives, puisque aussi bien de telles organisations n'existent plus en Espagne depuis la promulgation de la Charte du travail et de la loi du 6 décembre 1940 « portant formation d'une soi-disant organisation syndicale nationale ». D'après la F.S.M, les délégués désignés avec l'accord des organisations verticales ne sauraient être considérés comme des représentants authentiques des travailleurs, ces organisations n'étant que « des instruments au service de l'Etat fasciste » qui les domine par l'intermédiaire de dirigeants nommés par la Phalange elle-même. La F.S.M affirme que les récents événements d'Espagne ont démontré clairement « le caractère non représentatif, fasciste, des syndicats phalangistes » et que dans les luttes revendicatives menées par les travailleurs espagnols, ces « syndicats » ont freiné « ces grands mouvements de masse en soutenant ouvertement la politique et les mesures de répression et de terreur du patronat et du gouvernement fasciste ». Toujours selon la F.S.M, au cours des luttes revendicatives, les travailleurs n'ont pas pu s'appuyer sur ces « pseudo-syndicats », mais ont lutté seuls ou ont discuté directement avec les patrons. La F.S.M poursuit en indiquant qu'elle a pris la décision de constituer un large comité international de solidarité avec les travailleurs et le peuple espagnols et a appelé les travailleurs et les syndicats du monde à organiser un journée internationale de solidarité durant la semaine du 7 au 15 juin 1963. La F.S.M, qui déclare avoir insisté dans ses nombreuses plaintes et interventions devant l'O.I.T pour que celle-ci entreprenne des mesures « qui puissent contribuer efficacement au rétablissement des droits et libertés syndicaux en Espagne, à la cessation du règne de l'arbitraire, du mépris de la vie de l'être humain, caractéristiques du régime fasciste de Franco », estime que l'O.I.T devrait intervenir énergiquement auprès du gouvernement espagnol: a) pour l'abrogation de la loi phalangiste sur les syndicats; b) pour la restauration des libertés démocratiques et syndicales et pour le droit de grève; c) pour la satisfaction des revendications économiques; d) pour la mise en liberté des détenus emprisonnés pour fait de grève; e) pour le retour et la réadmission au travail des ouvriers déportés pour fait de grève; f) pour l'amnistie générale des prisonniers politiques; g) pour mettre un terme aux tortures, à la répression et au recours aux conseils de guerre pour délits d'opinion ou de grève. Enfin, la F.S.M estime que l'O.I.T devrait constituer une commission d'enquête sur la situation des droits syndicaux en Espagne, à laquelle la F.S.M serait prête à participer.
- 290. Le texte de la communication de la F.S.M a été transmis au gouvernement de l'Espagne, pour que celui-ci puisse formuler ses observations éventuelles, par une lettre du Directeur général en date du 10 avril 1963.
- 291. Par communication en date du 3 mai 1963, le gouvernement espagnol a fourni certaines informations complémentaires relatives à la demande formulée au paragraphe 152 b) du cinquante-huitième rapport du Comité, transmise au gouvernement par communication du Directeur général en date du 13 mars 1963.
- 292. Par communication en date du 30 avril 1963, reçue à Genève le 14 mai 1963, le gouvernement a retourné au Directeur général du B.I.T la communication de la F.S.M, en indiquant qu'« outre le fait qu'elle ne contient aucune accusation concrète, elle est rédigée en des termes inadmissibles dans une communication officielle », ajoutant que « dans ces conditions, le gouvernement espagnol ne peut tenir pour reçue la note susmentionnée ».
- 293. L'Espagne n'a pas ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (no 87), ni la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (no 98).
- 294. Le Comité n'accepte pas la position du gouvernement espagnol, qui déclare considérer n'avoir jamais reçu la communication de la F. S. M. En effet, cette communication n'était pas une plainte adressée directement par la F.S.M au gouvernement espagnol, et la question de savoir si ce gouvernement peut avoir le droit de retourner à l'expéditeur une communication dont les termes lui paraissent discourtois ou inappropriés ne se pose par conséquent pas. Cette communication est une communication reçue par l'Organisation internationale du Travail, conformément à la procédure établie par le Conseil d'administration du B.I.T pour l'examen des allégations ou des violations des droits syndicaux; cette communication a été adressée au gouvernement, pour observations, par le Directeur général du B.I.T, qui était tenu de le faire conformément à cette procédure. Le Comité a signalé, au paragraphe 31 de son premier rapport, que:
- ... le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect de la liberté syndicale en droit comme en fait,
- et il a exprimé sa conviction que:
- ... si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître, à leur tour, l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses, bien détaillées et portant sur des faits précis, aux accusations qui pourraient être dirigées contre eux.
- En répondant à une demande d'observations sur une plainte donnée, le gouvernement ne reconnaît pas, de ce fait, l'exactitude et encore moins la validité de la plainte, mais il collabore simplement avec le Comité et le Conseil d'administration en rendant possible un examen impartial de la question.
- 295. Bien que le Comité, qui ne saurait assumer aucune responsabilité quant aux termes dans lesquels des plaintes lui sont présentées, estime que le respect qui lui est dû et qui est dû au caractère judiciaire des tâches qui lui sont confiées appelle, tant de la part des plaignants que de celle des gouvernements, l'observation de la correction qui s'attache normalement au déroulement des procédures judiciaires et que l'usage d'un langage destiné à envenimer plutôt qu'à élucider une controverse devrait être évité, il ne saurait se voir empêché d'examiner une plainte quant au fond parce qu'un gouvernement s'élève contre la manière dont la plainte a été formulée.
- 296. Ces diverses considérations n'empêchent donc pas le Comité d'examiner la présente plainte quant au fond. Ainsi qu'il a été indiqué au paragraphe 25 du premier rapport du Comité, le Conseil d'administration, lorsqu'il a défini le mandat du Comité, a précisé entre autres choses que:
- ... le Comité... (après un examen préliminaire et compte tenu de toutes observations présentées par les gouvernements intéressés sous réserve qu'elles soient reçues dans un délai raisonnable) porterait à la connaissance de la prochaine session du Conseil d'administration...
- les cas dont il pourrait être saisi. Comme on doit déduire de l'attitude du gouvernement en la matière que ses observations, non seulement ne seront pas reçues dans un délai raisonnable, mais qu'elles ne seront pas du tout reçues, le Comité estime qu'il doit aller de l'avant et procéder à l'examen de la plainte de la F.S.M, quant à sa substance.
- 297. Ce faisant, le Comité constate que la plainte de la F.S.M, tout en soulevant un certain nombre de questions de caractère politique qui ne sont pas de la compétence du Comité, contient certaines allégations relatives à la manière dont la F.S.M croit, par anticipation, que les délégués travailleurs de l'Espagne et leurs conseillers seront désignés à la 47ème session de la Conférence internationale du Travail (juin 1963). Ainsi que le Comité l'a fait remarquer pour des cas précédents, il n'a pas compétence pour examiner des questions relatives aux pouvoirs des délégués, ni de leurs conseillers, à la Conférence internationale du Travail. De même il n'est pas compétent pour examiner des allégations selon lesquelles un gouvernement n'aurait pas traité une organisation professionnelle, en conformité avec la Constitution de l'O.I.T, lors de la désignation des délégués à la Conférence. Ces questions sont uniquement de la compétence de la Commission de vérification des pouvoirs de la Conférence.
- 298. La plainte se réfère également à une manifestation publique que les plaignants se proposent d'organiser en vue de soutenir leurs vues. Le Comité, qui est appelé à examiner de manière impartiale le fond des questions dont il est saisi, ne peut être influencé d'aucune façon que ce soit par une telle manifestation.
- 299. Le Comité propose par conséquent de limiter l'examen de la plainte de la F.S.M aux allégations déterminées qui y figurent et qui portent sur des questions qui demeurent en suspens, notamment sur les allégations relatives aux arrestations et déportations ayant résulté des grèves de 1962. En ce qui concerne ces allégations, le Comité a fait usage des observations formulées par le gouvernement espagnol au sujet d'allégations similaires présentées par la C.I.S.L et la C.I.S.C.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Allégations relatives aux détentions et déportations motivées par les grèves de 1962
- 300 La C.I.S.L et la C.I.S.C signalent, dans leur plainte commune, que le gouvernement a arrêté et déporté environ un millier de travailleurs et qu'il a également infligé des amendes aux grévistes et pris d'autres mesures d'intimidation et de violence contre ces derniers. Le gouvernement a démenti que des travailleurs se soient vu infliger des amendes ou aient été arrêtés pour le seul fait d'avoir participé aux grèves; il ajoute que les quelques personnes qui ont été arrêtées et qui n'ont pas été reconnues coupables d'un délit ont été remises en liberté immédiatement, et que les quatre-vingt-quatorze personnes inculpées et les six personnes mises en résidence surveillée l'ont été pour activités au sein du Parti communiste ou du Front de libération populaire.
- 301 A sa 32ème session (octobre 1962), le Comité a rappelé que lorsque, dans des cas précédents, les gouvernements ont répondu à des allégations (selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés ou détenus pour activités syndicales ou que l'arrestation ou la détention avait porté des restrictions à l'exercice du droit syndical) en déclarant que les personnes en cause avaient, en fait, été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations et les déportations, et il a ajouté que si, dans certains cas, il est convenu que des allégations relatives aux arrestations ou aux détentions de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations établissant de façon suffisamment évidente et précise que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec des activités syndicales mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, qui nuisaient à l'ordre public ou étaient d'ordre politique.
- 302 A sa session d'octobre 1962, le Comité a fait observer que, dans le cas présent, le gouvernement se bornait à déclarer que les intéressés avaient été arrêtés ou mis en résidence surveillée parce que leurs activités communistes ou procommunistes constituaient un délit de subversion politique.
- 303 A sa session d'octobre 1962, le Comité a estimé que, pour pouvoir se faire une opinion en pleine connaissance de cause et déterminer si les allégations formulées étaient justifiées ou non, il était nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations plus précises sur les motifs de l'arrestation de quatre-vingt-quatorze personnes et de la déportation de six autres, notamment des renseignements sur les agissements particuliers ou les activités exactes dont ces personnes auraient été responsables; en conséquence, il a recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de fournir ces informations et, en attendant, il a décidé l'examen de cet aspect du cas.
- 304 Dans sa communication du 14 janvier 1963, le gouvernement déclare que, les derniers différends du travail n'étant pas réglés lorsqu'il avait envoyé sa communication du 23 mai 1962, les chiffres cités de quatre-vingt-quatorze personnes détenues et de six autres mises en résidence surveillée doivent être rectifiés, car les détentions opérées se sont élevées au total à cent dix-neuf. Le gouvernement ajoute que, sur les cent dix-neuf détenus, soixante-douze ont été mis en liberté, ce qui en laisse quarante-sept faisant l'objet de poursuites judiciaires, et que les six personnes assignées à résidence ont été mises en liberté. D'après le gouvernement, sur les cent dix-neuf personnes détenues, soixante-huit l'ont été dans les Asturies, quinze en Biscaye, quinze en Guipúzcoa et vingt et une à Barcelone. Le gouvernement affirme de nouveau dans cette communication que pas une seule personne n'a été détenue pour des motifs ayant trait à des questions de travail; il ajoute que les raisons pour lesquelles furent effectuées les détentions ont été entièrement indépendantes des différends du travail, dont des agitateurs extrémistes ont prétendu profiter à des fins de subversion et de perturbation de l'ordre public, dans un but exclusivement politique attaquer le gouvernement. Le gouvernement précise que les membres de ces groupes d'agitation subversive ont été arrêtés et poursuivis sous l'accusation, établie d'après des preuves concrètes, de délits prévus et sanctionnés par la législation espagnole en vigueur, et que tous les détenus ont été, dans les délais légaux, mis à la disposition de l'autorité judiciaire compétente. Pour prouver que les autorités n'étaient aucunement animées d'un désir de représailles, le gouvernement signale que trois des inculpés dans les Asturies, à savoir Bernardo Arranz Ramos et Ernesto Losa Fernández, du bassin de Mieres, ainsi que Florentino Lafuente Cuesta, de Giján, ont demandé et obtenu un passeport pour l'étranger; les deux premiers sont partis pour la France, et le troisième à destination de la Belgique. Le gouvernement ajoute que les quarante-sept détenus qui restent à la disposition de l'autorité judiciaire seront jugés, conformément à la procédure habituelle établie par la législation espagnole pertinente et bénéficieront des garanties et des moyens de défense que celle-ci leur accorde.
- 305 A sa session de février 1963, le Comité a rappelé que, dans les cas précédents lorsqu'une affaire faisait l'objet d'une action devant une instance judiciaire nationale, et lorsque la décision à intervenir était susceptible de fournir des informations pouvant l'aider à apprécier le bien-fondé des allégations formulées, il avait décidé de ne pas procéder à l'examen du cas en question.
- 306 S'inspirant de ces précédents, le Comité a recommandé au Conseil d'administration, à sa session de février 1963, de prier le gouvernement de bien vouloir lui communiquer le résultat des procédures engagées devant les tribunaux nationaux contre les quarante-sept personnes qui étaient toujours détenues et, en particulier, le texte complet des jugements prononcés et celui des considérants. Dans l'attente de ces informations, le Comité a recommandé au Conseil d'administration d'ajourner l'examen de ce cas.
- 307 Dans sa communication du 3 mai 1963, le gouvernement déclare que le principe selon lequel tout citoyen accusé en justice doit être jugé équitablement et promptement par un tribunal indépendant et impartial, cela, dans tous les cas, est un principe traditionnel dans la législation espagnole, qui continue à le maintenir pleinement en vigueur, et qu'en conséquence, les syndicalistes, comme n'importe quels autres citoyens, en vertu de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, sont jugés, s'ils commettent des délits prévus par la législation en vigueur, par la juridiction compétente et par des tribunaux indépendants, selon une procédure rapide. Le gouvernement ajoute qu'il a soumis récemment aux Cortès un projet de loi qui abroge d'abord certaines dispositions pénales et qui confie ensuite à la juridiction ordinaire le soin de connaître de certains actes délictueux dont connaissait jusqu'ici la juridiction spéciale.
- 308 Dans cette même communication, le gouvernement déclare encore qu'ainsi qu'il l'avait déjà précisé dans les informations précédemment soumises, il n'y a eu ni inculpation ni action en justice d'aucune sorte contre des syndicalistes, en tant que tels, du fait qu'ils auraient pris part aux conflits du travail et que les seules mesures qui aient été prises visaient des personnes qui avaient commis des actes de caractère subversif prévus et punis par la législation en vigueur. Le gouvernement déclare pour conclure que, dans ces conditions et compte tenu du fait qu'aucun des jugements rendus en l'occurrence n'intéresse des syndicalistes, « il n'y a pas lieu de communiquer le texte desdits jugements, car ceux-ci ne visent pas des syndicalistes ni des travailleurs en tant que tels du fait qu'ils auraient participé aux conflits du travail ni n'ont aucun rapport avec une telle éventualité »; selon le gouvernement, « c'est uniquement dans une telle éventualité que la demande du Comité de la liberté syndicale pourrait être pertinente ».
- 309 Le Comité a noté la déclaration du gouvernement espagnol selon laquelle les Cortès ont été saisies récemment d'un projet de loi qui abroge d'abord certaines dispositions pénales et qui confie ensuite à la juridiction ordinaire le soin de connaître de certains actes délictueux dont connaissait jusqu'ici la juridiction spéciale.
- 310 Dans une série de cas antérieurs, le Comité a relevé que l'application de mesures de nature politique, même si ces mesures ne visent pas à restreindre les droits syndicaux comme tels, peut néanmoins affecter l'exercice de ces droits. En outre, ainsi que le Comité l'a signalé en d'autres occasions, la question de savoir si ces mesures sont motivées par des activités n'ayant rien de commun avec l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé.
- 311 Pour les raisons exposées au paragraphe précédent, le Comité, dans son soixante-huitième rapport, a prié le gouvernement espagnol de bien vouloir lui communiquer le texte des jugements énoncés à la suite des procédures engagées devant les tribunaux nationaux contre les quarante-sept personnes qui se trouvaient encore détenues, ainsi que l'indique le gouvernement dans sa communication du 14 janvier 1963. Le Comité ne peut pas accepter la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'y a pas de raison pour qu'il envoie le texte des jugements en question parce qu'à son avis, ils n'affectent pas des syndicalistes ou des travailleurs en tant que tels ou en raison de leur participation à des conflits du travail et n'ont aucun rapport avec eux. Le principe selon lequel personne ne peut être juge de sa propre cause est d'une importance fondamentale, aussi bien pour les travaux du Comité que pour toute autre procédure de caractère judiciaire; par conséquent, le Comité ne peut, sur la base d'une simple déclaration du gouvernement, indiquer au Conseil d'administration que les condamnations en question ne se réfèrent pas à des activités syndicales, à moins qu'il ait au préalable l'occasion d'examiner le texte des décisions judiciaires et de se convaincre, à sa lecture, qu'il n'existe pas une telle relation.
- 312 Dans ces conditions, le Comité a décidé d'ajourner, à sa prochaine session, l'examen de l'affirmation du gouvernement espagnol selon laquelle les sentences émises - qui semblent se référer à des personnes qui, selon les allégations du gouvernement, ont commis des délits de droit commun à l'occasion de conflits du travail - ne sont pas en fait fondées sur la participation de ces personnes à ces conflits, afin de donner au gouvernement espagnol une nouvelle occasion de communiquer les décisions de l'autorité judiciaire intéressée, ce qui serait nécessaire en vue d'établir la véracité de cette affirmation: en communiquant ces décisions, le gouvernement devrait déclarer clairement si l'autorité judiciaire qui a rendu ces jugements est l'autorité judiciaire spéciale, de la juridiction de laquelle le gouvernement espagnol a maintenant l'intention, ainsi qu'il l'a annoncé, de retirer certains cas délictueux et, dans l'affirmative, indiquer quelles mesures sont maintenant envisagées pour permettre la révision des condamnations prononcées par des autorités judiciaires spéciales du ressort desquelles cesseront d'être certains délits ou pour permettre la libération des personnes intéressées.
- 313 En conséquence, le Comité recommande au Conseil d'administration de réaffirmer - dans les cas où la question essentielle enjeu est de savoir si les délits dont on allègue qu'ils auraient été commis ont un rapport avec l'exercice des droits syndicaux - l'importance qu'il y a à ce que ce point soit tranché par une autorité judiciaire impartiale et indépendante offrant toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière et d'un jugement équitable; de noter que la déclaration du gouvernement espagnol, selon laquelle un projet de loi portant tout d'abord abrogation de certaines dispositions pénales et prévoyant ensuite que la juridiction ordinaire connaisse de certains des faits délictueux qui relevaient jusqu'ici de la juridiction spéciale, a été soumis récemment aux Cortès; de noter que le Comité a ajourné, à sa prochaine session, l'examen des allégations relatives aux arrestations et déportations motivées par les grèves de 1962, en vue de donner au gouvernement espagnol une nouvelle occasion de fournir le texte des jugements résultant de l'action intentée contre les quarante-sept personnes auxquelles se réfère la communication du gouvernement espagnol en date du 14 janvier 1963, en déclarant clairement si l'autorité judiciaire qui a rendu le jugement est l'autorité judiciaire spéciale, de la juridiction de laquelle le gouvernement espagnol a maintenant l'intention, ainsi qu'il l'a annoncé, de retirer certains cas délictueux, et dans l'affirmative, indiquer quelles mesures sont maintenant envisagées pour permettre la révision des condamnations prononcées par des autorités judiciaires spéciales du ressort desquelles cesseront d'être certains délits ou pour permettre la libération des personnes intéressées; de prier le gouvernement espagnol de présenter d'urgence de nouvelles observations à ce sujet.
- 314 Par une communication commune en date du 27 février 1963, la C.I.S.L et la C.I.S.C ont fourni des informations complémentaires au sujet de cette allégation.
- 315 La C.I.S.L et la C.I.S.C allèguent, dans leur communication du 27 février 1963, que plusieurs des nombreux travailleurs qui ont été détenus ou déportés dans des régions économiquement les moins développées de l'Espagne, pendant ou après les grèves d'avril-mai 1962, sont encore emprisonnés ou assignés à résidence forcée, tandis que d'autres ont pu, après un certain temps, regagner leur domicile, et que de nombreux travailleurs ont été alors avisés qu'ils étaient renvoyés de leur emploi pour avoir participé aux grèves ou pour s'être solidarisés avec les grévistes. La C.I.S.L et la C.I.S.C affirment, en outre, que d'autres travailleurs, s'ils n'ont pas été emprisonnés ni assignés à résidence forcée, ont été également congédiés, en raison de leurs activités syndicales et que d'autres, enfin, ont été congédiés pour avoir protesté contre certaines dispositions des conventions collectives récemment entrées en vigueur. Les plaignants ajoutent que la majeure partie des travailleurs congédiés ont interjeté recours devant les juridictions du travail, qui, à une seule exception près, se sont déclarées incompétentes en la matière en faisant valoir qu'il s'agissait de conflits collectifs. L'unique exception concerne le cas de deux travailleurs de l'entreprise Echevarria, S.A., dans la province de Biscaye, dont le recours a été rejeté par les magistrats, qui se sont déclarés solidaires de la direction de l'entreprise. La C.I.S.L et la C.I.S.C ajoutent à leur communication le texte du jugement, ainsi qu'une liste sur laquelle figurent les noms de quatre-vingts travailleurs congédiés après avoir été assignés à résidence ou emprisonnés, une liste de trente-cinq travailleurs qui, sans avoir été déportés ou emprisonnés, ont été congédiés à cause de leurs activités syndicales et une liste de trois travailleurs congédiés pour avoir protesté contre les conséquences de l'application de diverses conventions collectives.
- 316 Dans sa communication en date du 27 mars 1963, la F.S.M demande à l'O.I.T d'intervenir en vue d'obtenir, entre autres choses, la libération des personnes arrêtées à la suite des grèves, la cessation des répressions et du recours à des tribunaux militaires au sujet d'actes commis en rapport avec les grèves, ainsi que le retour des travailleurs qui ont été déportés et la réintégration dans leur emploi.
- 317 Dans sa communication du 3 mai 1963, le gouvernement déclare que la communication présentée conjointement par la C.I.S.L et la C.I.S.C en date du 27 février 1963 concerne des faits qui ont déjà été examinés à plusieurs reprises par le Comité de la liberté syndicale et par le Conseil d'administration, ce pourquoi il renvoie aux informations précédemment fournies, qu'il lui paraît oiseux de reproduire. Le gouvernement estime cependant opportun de préciser qu'il faut absolument faire une distinction nette entre les différends du travail, qui touchent exclusivement à des questions économiques ou à des questions du travail, et certains autres conflits qui, tant par leur origine que par leur déroulement et leurs buts, dissimulent une subversion politique ou une atteinte violente à l'ordre public et aux institutions de l'Etat, même s'ils s'abritent derrière des textes relevant du droit du travail; le gouvernement ajoute que les conflits qui ont le caractère de différends du travail, qu'ils soient individuels ou collectifs, suivent un cours juridique dans l'ordre légal espagnol et que leur examen et leur solution relèvent de diverses procédures de conciliation, de négociation et d'arbitrage, impartiales et rapides, appliquées par des organes judiciaires spécialisés et indépendants. Le gouvernement déclare en outre qu'il a jugé opportun - sur demande de l'Organisation syndicale - de rapporter les mesures adoptées en raison du fait que certains groupes subversifs auraient exploité les différends du travail qui se sont produits en Espagne au printemps 1962 et que cette décision est en voie d'exécution. Il ajoute également que les organismes compétents et l'Organisation syndicale ont effectué des démarches pressantes auprès des employeurs en faveur de la réintégration dans leur emploi des personnes qui avaient été touchées par ces mesures.
- 318 Le Comité a déjà examiné dans ses soixante-sixième et soixante-huitième rapports, à propos de ce cas, les allégations relatives au fait que les conventions collectives seraient imposées, ainsi qu'aux mesures destinées à réprimer les grèves et il a formulé des recommandations à l'adresse du Conseil d'administration en ce qui concerne les garanties dont devraient jouir, à son avis, les travailleurs intéressés. Si l'on acceptait d'examiner quant au fond les allégations relatives aux congédiements survenus du fait des grèves ou parce que des travailleurs auraient protesté contre les conséquences de l'application de conventions collectives, cela reviendrait à reprendre l'examen du problème du caractère imposé des conventions collectives, ainsi que celui des mesures destinées à réprimer les grèves. C'est pourquoi le Comité estime que des principes mis en question dans le présent contexte ont déjà été traités dans les recommandations formulées précédemment.
- Envoi d'une commission d'enquête
- 319 Dans leur communication du 27 avril 1962, la C.I.S.L et la C.I.S.C demandaient l'envoi immédiat en Espagne d'une commission d'enquête pour vérifier les mesures de répression que le gouvernement espagnol aurait prises en raison de la grève. Cette demande a été réitérée dans la deuxième communication de la C.I.S.L et de la C.I.S.C, en date du 23 mai 1962. Dans sa réponse du 31 juillet 1962, le gouvernement déclare que cette prétention, « exprimée en des termes aussi absolus et vexatoires, est inadmissible »; il ajoute qu'il y a lieu à ce propos de rappeler le ton bien différent du projet de résolution soumis à la dernière Conférence internationale du Travail, qui suggérait au Conseil d'administration d'envisager l'opportunité d'une modification de la procédure actuelle du Comité de la liberté syndicale, lequel pourrait, dans certaines circonstances, être autorisé à « demander au gouvernement intéressé d'inviter des représentants du Comité à procéder sur place à une enquête ». Le gouvernement ajoute que « ce projet de résolution, sur lequel d'ailleurs la Conférence n'est pas parvenue à se prononcer, est rédigé dans une forme beaucoup plus respectueuse de la souveraineté nationale et offre un contraste frappant avec la recommandation formulée par les plaignants ».
- 320 A sa 32ème session (octobre 1962), le Comité a ajourné l'examen de la possibilité d'une forme quelconque d'enquête en attendant de recevoir les informations complémentaires qu'il avait recommandé au Conseil d'administration de solliciter du gouvernement.
- 321 A l'occasion de la discussion du soixante-sixième rapport du Comité lors de la 153ème session du Conseil d'administration (novembre 1962), il a été suggéré par le groupe des travailleurs, étant donné la déclaration du gouvernement espagnol mentionnée au paragraphe 319 ci-dessus, que ce gouvernement pourrait accepter l'envoi d'une mission d'enquête, non pas par le Comité de la liberté syndicale, mais par la Commission d'investigation et de conciliation, laquelle offrirait au gouvernement la garantie d'être constituée par des juristes dont l'impartialité ne saurait être mise en doute.
- 322 Le gouvernement a fourni certaines informations par sa communication du 14 janvier 1963.
- 323 Ayant recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de fournir de nouvelles informations complémentaires, le Comité a décidé, à sa 33ème session (février 1963), d'ajourner de nouveau l'examen de la question en attendant de recevoir les informations susmentionnées.
- 324 Dans sa communication du 27 mars 1963, la F.S.M a également demandé à l'O.I.T d'instituer une commission d'enquête et a déclaré qu'elle était prête à participer à cette commission.
- 325 Etant donné que le Comité a, une fois de plus, recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de fournir de nouvelles informations complémentaires, il a de nouveau ajourné l'examen de la question, en attendant de recevoir ces informations complémentaires.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 326. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de réaffirmer - dans les cas où la question essentielle en jeu est de savoir si les délits dont on allègue qu'ils auraient été commis ont un rapport avec l'exercice des droits syndicaux - l'importance qu'il y a à ce que ce point soit tranché par une autorité judiciaire impartiale et indépendante offrant toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière et d'un jugement équitable;
- b) de noter la déclaration du gouvernement espagnol selon laquelle les Cortès ont été saisies récemment d'un projet de loi qui, en premier lieu, abroge certaines dispositions pénales, et, en second lieu, confie à la juridiction ordinaire le soin de connaître de certains actes délictueux dont connaissait jusqu'ici la juridiction spéciale;
- c) de noter que le Comité a ajourné à sa prochaine session l'examen de l'allégation relative aux arrestations et aux déportations découlant des grèves de 1962, afin de fournir au gouvernement espagnol une nouvelle occasion de communiquer le texte des jugements résultant de l'action engagée contre les quarante-sept personnes dont il est question dans la communication du gouvernement espagnol en date du 14 janvier 1963, en indiquant clairement si l'autorité judiciaire qui a rendu ces jugements est l'autorité judiciaire spéciale, de la compétence de laquelle le gouvernement a maintenant annoncé son intention de soustraire certains actes délictueux, et, dans l'affirmative, indiquer quelles mesures sont maintenant envisagées qui permettraient la révision des condamnations prononcées par l'autorité judiciaire spéciale ou la libération des personnes intéressées;
- d) de prier le gouvernement espagnol de présenter d'urgence de nouvelles observations sur la question.