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- 30. La plainte figure dans une communication datée du 1er novembre 1971 et adressée directement au Directeur général du BIT par le Conseil général des syndicats du Japon (SOHYO), le Syndicat national des cheminots (KOKURO) et le Syndicat des mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux (DORYOKUSHA). Par une communication en date du 26 novembre 1971, la Fédération internationale des ouvriers du transport s'est associée à la plainte.
- 31. Par une nouvelle communication du 15 décembre 1971, le Conseil général des syndicats du Japon a fait parvenir des informations complémentaires à l'appui de la plainte.
- 32. La plainte et les informations complémentaires ont été transmises au gouvernement, qui a fait parvenir ses observations dans quatre communications datées respectivement des 9, 21 et 22 février, du 20 mars et du 24 mai 1972.
- 33. Par une autre communication, datée du 20 avril 1972, le Conseil général des syndicats du Japon a fait tenir au comité des informations complémentaires relatives à la plainte. Ces informations complémentaires ont été portées le 26 avril 1972 à la connaissance du gouvernement, dont le comité attend maintenant les observations.
- 34. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 35. Dans leur communication datée du 1er novembre 1971, les plaignants déclarent que le KOKURO (Syndicat du personnel des chemins de fer nationaux, 240 000 membres) et le DORYOKUSHA (Syndicat des mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux, 50 000 membres) sont des organisations qui groupent les agents des chemins de fer nationaux du Japon (société de droit public) et qui sont régies par la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales a.
- 36. Le rapport Dreyer, poursuivent les plaignants, a exercé une forte influence sur la garantie du droit des travailleurs d'entrer en conflit avec l'employeur. Par deux arrêts rendus le 26 octobre 1966 et le 2 avril 1969, la Cour suprême du Japon a bien précisé que si des sanctions devaient être appliquées aux travailleurs ayant participé aux deux grèves organisées par le ZENTEI (Syndicat des postiers du Japon) et par le NIKKYOSO (Syndicat du personnel enseignant du Japon), ce ne pouvait être que s'il s'agissait d'une grève politique, s'il y avait recours à la violence ou si la grève avait de graves répercussions sur la vie de la population. La Cour a donc refusé le principe d'appliquer les dispositions pénales de la loi sur le service postal aux postiers qui avaient participé à la grève et de frapper de sanctions, aux termes de la loi sur les administrations locales, les enseignants grévistes. La Cour suprême du Japon a tenu compte des recommandations répétées de MIT et du rapport de la Commission Dreyer et, sous l'influence de ces décisions, le nombre des arrestations et des condamnations à la suite de grèves déclenchées par les syndicats plaignants a diminué.
- 37. Néanmoins, déclarent les plaignants, la direction des chemins de fer nationaux a pris, depuis 1969, des mesures de discrimination - qu'il s'agisse d'augmentation de traitement, promotion, etc. - contre les membres des deux syndicats sous prétexte de nationalisation et d'accroissement de la productivité. La direction des chemins de fer nationaux a également, par l'intermédiaire de ses cadres supérieurs, incité les syndiqués appartenant à ces deux organisations à les quitter. Les plaignants donnent en exemple des cas concrets dans lesquels des membres des cadres supérieurs ont essayé d'influencer des affiliés au KOKURO quant à leur participation à une grève.
- 38. Les plaignants ajoutent que, devant le recours des syndicats à l'action directe pour protester contre ces traitements discriminatoires, et notamment à la suite de la grève du 20 mai 1971, près de 25 430 membres du KOKURO et du DORYOKUSHA ont fait l'objet de mesures disciplinaires telles que renvois, suspensions, réductions de salaire et réprimandes. Les syndicats versant une compensation pour la perte de salaire à ceux de leurs membres frappés de telles mesures disciplinaires, il en a résulté pour eux de lourdes pertes financières.
- 39. Les plaignants expliquent que l'article 7 de la loi sur les syndicats protège le travailleur contre le congédiement motivé par l'exercice de responsabilités syndicales et contre les ingérences dans la constitution ou la gestion d'un syndicat. Il peut être fait appel à la Commission des relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales (KOROI) en cas d'infraction à cette disposition. Le recours au KOROI est toutefois une procédure lente car les membres de cette commission n'y siègent qu'à temps partiel et le nombre des recours est élevé. Le fait que les membres du KOROI ne siègent qu'à temps partiel et ont des occupations principales d'un autre ordre implique que la commission n'est pas en mesure de régler promptement les cas de pratiques inéquitables du travail. Cet état de choses, déclarent les plaignants, n'est pas conforme aux recommandations de la Commission Dreyer selon lesquelles la commission pourrait être composée de membres à plein temps pour éviter des lenteurs indues. Le KOROI, ajoutent les plaignants, s'est certes prononcé sur certains cas de pratiques déloyales constatés dans le ressort du bureau de contrôle des chemins de fer nationaux de Shizuoka, mais il est d'autres cas qui n'ont pas été examinés; il est également vrai que le KOROI a enjoint à la direction des chemins de fer nationaux d'envoyer une lettre d'excuses aux syndicats à la suite de la violation du droit d'organisation. Il n'y a pas d'exemple de fonctionnaires supérieurs qui auraient été punis pour s'être livrés à des pratiques déloyales en matière de travail.
- 40. D'après les plaignants, l'article 17 de la loi sur les relations professionnelles dans les sociétés publiques et les entreprises nationales (loi RPSPEN) prévoit des sanctions disciplinaires pour tout acte dit de conflit. L'appel aux tribunaux contre l'application de cet article exige du temps et de l'argent et il est évidemment difficile d'examiner des mesures disciplinaires ayant touché plus de vingt mille personnes. Des actions en justice ont bien été intentées en ce qui concerne les renvois, mais on ne sait pas quand ces cas seront examinés. Quoi qu'il en soit, déclarent les plaignants, on ne peut pas dire que la grève en question soit moins importante que les grèves menées dans les entreprises privées. Elle n'entre donc pas dans la catégorie des conflits interdits par l'article 17.
- 41. Les grèves sont interdites dans les sociétés publiques, et le nombre des renvois et mesures disciplinaires frappant ceux qui ont enfreint cette interdiction allait croissant ces deux dernières années. Le nombre des mesures prises du fait de la grève des 19 et 20 mai 1971 est sans exemple dans l'histoire. Cette grève, font remarquer les plaignants, a été déclenchée pour protester contre les pratiques déloyales en matière de travail appliquées par les chemins de fer nationaux, contre l'attitude hypocrite de la direction lors de la négociation sur les augmentations de salaire, et contre la campagne de productivité, qui tendait à affaiblir le KOKURO.
- 42. Des mesures disciplinaires d'une pareille ampleur ont bouleversé les activités syndicales, ce qui, joint aux effets de la structure des salaires qui prévaut au Japon, a entraîné de gros désavantages pour les travailleurs tout au long de leur emploi; en effet, les travail leurs qui ont perdu leurs droits à augmentation par suite des mesures disciplinaires prises contre eux constatent que la différence totale entre leur salaire et celui des travailleurs qui n'ont pas été l'objet de telles mesures finit par représenter un montant important. D'après les plaignants, ce désavantage est une source d'inquiétude et une menace pour les moyens d'existence des membres des syndicats, dont certains sont en conséquence devenus indifférents aux questions syndicales et se sont retirés des organisations.
- 43. Les plaignants allèguent de plus que la politique menée par la direction des chemins de fer nationaux sous prétexte d'améliorer la productivité vise en fait à désintégrer les deux syndicats en persuadant leurs membres de les quitter. Les syndicats s'opposent au programme de contraction du personnel, qui entraînerait le licenciement de 165 000 salariés.
- 44. La direction des chemins de fer, déclarent les plaignants, a menacé les travailleurs prenant part à la grève déclenchée par le KOKURO et le DORYOKUSHA de subir de lourdes pertes financières et les a amenés à s'affilier au syndicat rival (« Club pour la reconstruction des chemins de fer »), qui appuie sa politique. Au total, depuis le début de 1970, 40 000 membres des deux syndicats les ont quittés à la suite de menaces d'ordre financier ou disciplinaire.
- 45. Les plaignants ajoutent qu'ils ont intenté des « actions en invalidation » et en « préservation de statut » pour 50 travailleurs renvoyés (35 membres du KOKURO et 15 membres du DORYOKUSHA).
- 46. La politique de nationalisation des chemins de fer nationaux, qui implique la mutation d'un grand nombre de travailleurs, a été mise en oeuvre sans consultation ni accord avec les syndicats. La direction des chemins de fer nationaux, ayant réuni les cadres moyens pour un séminaire, a critiqué l'opposition des syndicats à cette politique. A la suite de ce séminaire, la politique antisyndicale de la direction s'est clairement manifestée et il y a eu de nombreux cas de pratiques déloyales du travail, dont les plaignants donnent plusieurs exemples.
- 47. Les plaignants allèguent aussi que les membres du KOKURO et du DORYOKUSHA ont été victimes de discrimination en matière d'emploi et de promotion et citent plusieurs cas concrets. En conséquence, des travailleurs se sont retirés de ces organisations ou ont cessé de participer à leurs activités, perturbant ainsi gravement leur administration.
- 48. Les plaignants ajoutent que le total des cas de pratiques déloyales du travail portés devant le KOROI était de 86 pour le KOKURO et de 67 pour le DORYOKUSHA. En outre, 246 cas concernant ces syndicats sont en préparation: il s'agit d'infractions au droit d'organisation et de discrimination en matière d'augmentation salariale. Devant un si grand nombre de cas, il est impossible d'espérer des décisions rapides.
- 49. Dans leur communication en date du 15 décembre 1971, les plaignants donnent des détails sur les circonstances de la grève de mai 1971, imputant aux autorités ferroviaires d'autres pratiques inéquitables du travail, dont ils donnent des exemples.
- 50. Comme il est dit au paragraphe 33 ci-dessus, les plaignants ont fait parvenir une autre communication, datée du 20 avril 1972, et le comité attend maintenant les observations du gouvernement à cet égard.
- 51. Dans sa communication datée du 9 février 1972 le gouvernement déclare que, en ce qui concerne les renvois et les mesures disciplinaires prononcés par les chemins de fer nationaux à la suite des activités du KOKURO et du DORYOKUSHA en mai 1971, il a demandé aux autorités ferroviaires japonaises leurs observations qui, une fois reçues, seraient communiquées à l'OIT.
- 52. En ce qui concerne la plainte selon laquelle l'examen des pratiques déloyales du travail est indûment retardé, le gouvernement explique que le KOROI est composé de membres à temps partiel, parce que cette commission, à la différence des organismes administratifs ordinaires, requiert de ses membres des connaissances et une expérience en des domaines extérieurs à l'administration. Ce trait distinctif rend parfaitement logiques, estime le gouvernement, les modalités de participation aux travaux du KOROI. Les membres de cette commission veillent toujours à porter remède aux pratiques déloyales du travail de la façon appropriée et dans les plus brefs délais. Le gouvernement, s'appuyant sur le temps moyen pris par le KOROI pour émettre des sentences sur les cas qui lui ont été soumis en 1970 et 1971, déclare injustifié le point de vue selon lequel le fait que les commissaires publics siègent à temps partiel serait la cause des retards. A la fin de 1971, poursuit le gouvernement, quinze cas de pratiques déloyales du travail étaient en instance devant le KOROI, et de ce nombre douze concernaient les chemins de fer nationaux. L'accord s'est fait dans la plupart de ces douze cas, et il y avait lieu de penser que ces plaintes seraient prochainement retirées.
- 53. En ce qui concerne la plainte selon laquelle il n'y a pas de remède efficace aux pratiques déloyales du travail, du fait que la partie fautive n'est pas frappée de sanctions, le gouvernement fait valoir que le système actuellement en vigueur pour remédier à ces pratiques est fondé sur le principe du rétablissement de l'état de choses existant avant qu'elles aient été commises. Compte tenu de la nature présente des relations professionnelles, le système actuel conviendrait mieux que le système, maintenant périmé, de sanctions pénales contre les employeurs coupables de pratiques déloyales. La question de savoir s'il y a lieu de prendre des mesures disciplinaires contre les personnes responsables de telles pratiques est l'affaire de l'employeur, et on peut douter du droit qu'aurait le KOROI d'ordonner de telles mesures.
- 54. En ce qui concerne la campagne de productivité, le gouvernement indique que, entre autres mesures destinées à assainir les finances des chemins de fer nationaux, les autorités ferroviaires menaient, depuis l'automne de 1969, une campagne de productivité aux niveaux central et local. Dans le même temps, le KOKURO et le DORYOKUSHA perdaient continuellement des membres, et ces deux organisations, alléguant que les autorités ferroviaires faisaient de la campagne de productivité un instrument pour diviser les syndicats, en saisissaient le KOROI et le tribunal compétent. Elles ont aussi agi vigoureusement contre la campagne de productivité, aggravant ainsi, au dire du gouvernement, l'antagonisme entre la direction et les travailleurs.
- 55. Des consultations ont eu lieu entre le ministre des Transports et le ministre du Travail, et ce dernier, laissant aux organismes compétents le soin d'enquêter sur les cas de pratiques déloyales, s'est fait exposer le cas les 8 et 9 octobre 1971 par le président des chemins de fer nationaux et par les dirigeants des syndicats concernés. Le 22 octobre 1971, poursuit le gouvernement, le ministre du Travail priait les présidents du KOKURO et du DORYOKUSHA, ainsi que le président des chemins de fer nationaux, de tenir des pourparlers volontaires en vue du règlement du conflit. Les deux parties ont déféré à cette requête et ont montré par leur attitude leur désir de parvenir à un accord.
- 56. D'autre part, ajoute le gouvernement, le KOROI, statuant sur les cas qui impliquaient le service d'exploitation ferroviaire de Shizuoka et celui d'Osaka, a jugé qu'il y avait effectivement eu pratiques déloyales du travail de la part des chemins de fer nationaux et a rendu une décision enjoignant aux autorités ferroviaires de présenter des excuses aux syndicats intéressés. Les chemins de fer nationaux se sont exécutés, prenant des mesures disciplinaires contre les responsables de ces pratiques.
- 57. Le gouvernement déclare que les pourparlers volontaires entre les syndicats et la direction ont eu lieu et que l'accord s'est fait sur la plupart des cas de pratiques déloyales du travail portés devant le KOROI. D'ailleurs, ajoute le gouvernement, les chemins de fer nationaux ont suspendu les séminaires de productivité à partir du 29 octobre 1971.
- 58. Le gouvernement fait état des dispositions légales suivantes concernant le droit d'organisation et de négociation collective:
- i) l'article 7 de la loi sur les syndicats, qui, en vertu des dispositions de l'article 3, paragraphe 1, de la loi RPSPEN, s'applique mutatis mutandis aux relations professionnelles dans les chemins de fer nationaux, interdit certaines pratiques - dont la discrimination antisyndicale dans l'emploi et le refus de conduire des négociations collectives - considérées comme déloyales;
- ii) l'article 27 de la loi sur les syndicats, applicable aux enquêtes sur les pratiques déloyales, s'applique aussi, en vertu des dispositions de l'article 25.5, alinéa 2, de la loi RPSPEN, aux enquêtes menées par le KOROI;
- iii) l'article 28 de la Constitution du Japon, qui garantit aux travailleurs le droit d'organisation, et aux termes duquel, comme de ceux de l'article 7 de la loi sur les syndicats, serait illégal et nul tout acte enfreignant le droit d'organisation.
- 59. Le gouvernement se réfère aussi aux renvois et mesures disciplinaires frappant les employés de la fonction publique qui ont commis des actes de conflit en violation des dispositions de la loi. Il déclare que le congédiement ou la sanction à imposer à un employé qui a violé la loi doit être décidé par des organismes compétents, comme les tribunaux, qui peuvent interpréter et appliquer les lois.
- 60. A cet égard, le gouvernement mentionne les textes suivants applicables aux employés des chemins de fer nationaux:
- i) l'article 17 de la loi RPSPEN, qui interdit au personnel et aux syndicats de se livrer à une grève, à une grève perlée ou à tout acte litigieux entravant le cours normal de la société publique, toute incitation à de tels actes étant également interdite;
- ii) l'article 18, qui prévoit le congédiement en cas de violation de la disposition qui précède;
- iii) l'article 31 de la loi sur les chemins de fer, qui prévoit le congédiement, la suspension de fonctions, la réduction de paie ou la réprimande dans les cas où un employé a violé cette loi ou les règlements d'exploitation, ou s'est rendu coupable d'un défaut d'accomplissement de sa tâche ou d'une négligence dans son service.
- 61. Le gouvernement ajoute que, d'après un jugement rendu par la Cour suprême le 26 octobre 1966 (dans le cas du Syndicat des travailleurs de la poste centrale de Tokyo), les dispositions de l'article 17, paragraphe 1, de la loi RPSPEN ne sont pas contraires à l'article 28 de la Constitution japonaise, qui garantit aux travailleurs le droit d'organisation et de négociation collective, et les employés qui ont violé ces dispositions ne peuvent pas être dégagés de la responsabilité civile ni donc être exemptés des renvois prévus à l'article 18 de ladite loi. La Cour suprême a suivi le même principe dans le cas des enseignants.
- 62. Dans sa communication datée du 21 février 1972, le gouvernement se réfère aux allégations contenues dans la plainte de la Fédération internationale des ouvriers du transport. En ce qui concerne les plaintes présentées par le SOHYO, le KOKURO et le DORYOKUSHA à propos du conflit que la campagne de productivité des chemins de fer nationaux a entraîné entre syndicats et direction, le gouvernement déclare qu'il y a eu accord entre les parties et le conflit est en voie de règlement quant au fond. Quant aux autres allégations concernant les licenciements et les mesures disciplinaires prononcés par les chemins de fer nationaux à la suite des actes de conflit commis par les syndicats en mai 1971, le gouvernement fait remarquer qu'il s'agit de sanctions pouvant être imposées en vertu du Code civil, et explique la procédure qui s'offre à un employé frappé de sanctions disciplinaires.
- 63. Dans sa communication datée du 22 février 1972, le gouvernement déclare que, sur les douze cas mentionnés dans ses observations du 9 février 1972, sept avaient été soulevés par le KOKURO et cinq par le DORYOKUSHA, que le KOKURO a retiré ses sept plaintes le 29 janvier 1972 et le DORYOKUSHA trois des siennes les 27 janvier, 5 février et 18 février 1972 respectivement, de sorte qu'il ne restait plus que deux cas en instance devant le KOROI.
- 64. Dans sa communication datée du 20 mars 1972, le gouvernement fait savoir qu'un autre cas a été retiré le 2 mars 1972. Dans sa communication du 24 mai 1972, le gouvernement signale que le dernier cas en instance devant le KOROI en relation avec le conflit qui s'était produit a été retiré à son tour. Le gouvernement annexe à sa communication du 20 mars 1972 une copie des observations que les chemins de fer nationaux ont formulées le 31 janvier 1972 sur les allégations.
- 65. Dans leurs observations, les chemins de fer nationaux expliquent qu'en mai 1971 le KOKURO et le DORYOKUSHA ont eu recours à des actes de conflit comportant des grèves, dans le cadre d'une offensive de printemps dont l'objectif principal était d'obtenir des augmentations de salaire.
- 66. Lors de leurs congrès respectifs, tous deux tenus en juillet 1970, ces deux syndicats avaient déjà décidé, pour leur offensive de printemps de 1971, d'obtenir des augmentations de salaire par la grève, sans avoir recours à l'arbitrage du KOROI, et ils ont commis, en mai 1971, des actes de conflit conformes à cette tactique.
- 67. Les deux syndicats avaient pour buts déclarés - outre l'objectif principal qui était d'obtenir une augmentation moyenne de salaire de 19 000 yen par travailleur - de s'opposer à la modernisation et à la nationalisation du service, de faire réviser l'accord régissant la sécurité de l'emploi et de mettre fin à l'ingérence des autorités dans leurs organisations; ils ont à cet effet déclenché, les 13 et 14 mai 1971, des grèves perlées et des grèves du zèle aux dépôts de locomotives et de tramways et dans les gares et autres unités d'exploitation. En outre, pendant les trois journées du 18 au 20 mai, ils ont procédé à des arrêts de travail, grèves perlées, etc., dans un grand nombre d'unités d'exploitation du pays entier.
- 68. Au cours de la série d'actes de conflit illégaux qui s'est déroulée du 13 au 20 mai, le nombre des employés qui ont commis de tels actes a été très élevé (22 429 personnes ont abandonné leur poste); 5 554 trains ont été annulés et 3 473 retardés. Ainsi, l'exploitation de chemins de fer nationaux a été sérieusement entravée et la vie du pays a été profondément touchée par les vastes embouteillages et le désordre causé dans la circulation.
- 69. Outre qu'ils étaient manifestement illégaux, ces actes de conflit portaient un coup sensible aux chemins de fer nationaux, qui étaient en cours de réorganisation pour surmonter un énorme déficit, et ont perturbé gravement la vie du pays. Les autorités ferroviaires, s'efforçant de régler le différend entre les syndicats et la direction - y compris la question du relèvement des salaires -, ont conseillé aux deux syndicats de renoncer à la grève et ont ordonné aux employés membres de ces deux organisations de rester à leur poste sans participer aux actes de conflit, en les avertissant que ces actes illégaux les exposeraient à des mesures disciplinaires. Les deux syndicats n'en ont pas moins persisté dans leur action.
- 70. Les autorités ferroviaires ajoutent que bon nombre d'employés étaient opposés à la politique des syndicats et à l'exécution des actes de conflit et que beaucoup d'entre eux se sont retirés des deux organisations. Ces démissions résultaient de la décision des membres et non d'une ingérence des autorités dans l'organisation syndicale. Bien que les autorités ferroviaires n'aient pas eu l'intention de porter atteinte au droit d'organisation des syndicats, il s'est tout de même produit en quelques endroits des pratiques déloyales du travail.
- 71. Les chemins de fer nationaux admettent qu'un grand nombre d'employés ont été renvoyés ou frappés de mesures disciplinaires à la suite des actes de conflit survenus en mai 1971, mais déclarent que cela était dû au fait que le nombre des actes de conflit et de leurs auteurs était sans précédent.
- 72. De même, en ce qui concerne le point soulevé par les syndicats, à savoir que le nombre de renvois et de mesures disciplinaires pour actes de conflit avait considérablement augmenté ces dernières années, les chemins de fer nationaux déclarent que la chose s'explique par l'ampleur des actes de conflit commis par les deux syndicats, mais que ces mesures ne sont pas dues à une politique des autorités ferroviaires qui consisterait à prendre des mesures disciplinaires plus rigoureuses qu'auparavant.
- 73. En ce qui concerne l'affirmation des syndicats selon laquelle la charge financière que représentent les secours aux victimes de congédiements et de mesures disciplinaires deviendrait plus lourde, les autorités ferroviaires déclarent qu'il s'agit là de questions intéressant le fonctionnement interne des syndicats, et qu'elles n'ont pas usé des renvois et mesures disciplinaires dans l'intention d'aggraver la situation financière des syndicats.
- 74. Les chemins de fer nationaux ajoutent que, selon le système salarial en vigueur au Japon, le salaire augmente d'un montant annuel fixé à proportion de l'ancienneté. L'augmentation est supérieure à la norme pour un travailleur qui a de bons états de service et inférieure dans le cas contraire. Dans les chemins de fer nationaux, ce système salarial a été consacré par une convention collective, aux termes de laquelle l'augmentation de salaire d'une personne frappée de mesures disciplinaires est inférieure à l'augmentation normale, quelles que soient les raisons desdites sanctions; cela ne signifie donc pas que les personnes ayant commis des actes de conflit soient seules défavorisées.
- 75. En ce qui concerne les renvois et les mesures disciplinaires prononcés contre les employés de sociétés publiques qui ont eu recours à des actes de conflit contrairement aux interdictions formulées par la loi, il s'agit là d'un problème d'interprétation et d'application de la législation nationale et c'est à des autorités compétentes telles que les tribunaux qu'il appartient de se prononcer sur la légalité de ces mesures.
- 76. Les autorités ferroviaires affirment qu'elles désiraient examiner la question des augmentations des salaires après avoir obtenu le concours des syndicats pour l'application de diverses mesures de modernisation et de nationalisation du service. La question de l'augmentation des salaires a été soumise à la médiation du KOROI le 17 mai; comme les perspectives de règlement de la question de la nationalisation semblaient favorables lors des négociations du 19 mai, les autorités ferroviaires ont fait savoir qu'elles désireraient étudier la situation avec les autres sociétés publiques en ce qui concerne l'augmentation des salaires; ce point a été réglé en fait le lendemain matin. Les syndicats ne sont donc pas fondés à soutenir que les autorités ferroviaires auraient retardé l'accord et prolongé ainsi de plusieurs heures les actes de conflit.
- 77. Le gouvernement ajoute dans ses observations que les jugements rendus par la Cour suprême le 26 octobre 1966 et le 2 avril 1969 ne donnent aucun fondement à l'argument des plaignants selon lequel des grèves de protestation contre l'ingérence de la direction dans l'organisation d'un syndicat ne seraient pas contraires à l'article 17 de la loi RPSPEN.
- 78. En attendant les observations du gouvernement sur le complément d'information communiqué par les plaignants le 20 avril 1972, le comité juge à propos de formuler des remarques préliminaires sur les allégations des plaignants et sur les réponses du gouvernement.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 79. Des informations reçues il semble ressortir que les points essentiels dans le présent cas sont: a) les actes de discrimination antisyndicale commis par les chemins de fer nationaux contre des membres du KOKURO et du DORYOKUSHA au cours de la campagne de productivité lancée en 1969; b) les sanctions prises par les autorités ferroviaires contre les travailleurs ayant participé à des manifestations de protestation et à la grève déclenchée par leurs syndicats en mai 1971. Cette grève visait à soutenir des revendications salariales et à protester contre la campagne de productivité et contre de prétendus actes de discrimination antisyndicale.
- 80. Le comité note que les séminaires de productivité, qui sont à la base de certains des problèmes évoqués dans les plaintes, ont été suspendus. En ce qui concerne la campagne de productivité dans son ensemble, qui a été la cause de graves préoccupations pour les syndicats, le comité prend note des informations fournies par les autorités ferroviaires et selon lesquelles des négociations ont eu lieu en mai 1971 avec les syndicats sur la question de la nationalisation, et de ce que les perspectives de règlement des questions débattues avaient été favorables. Le comité a eu également connaissance d'une information postérieure, fournie par le gouvernement le 24 mai 1972 en réponse aux observations formulées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son rapport de 1972 et portant sur la même question. De cette information, il ressort qu'en mai 1972 plusieurs accords ont été conclus entre la Direction des chemins de fer et le Syndicat national des cheminots, accords relatifs à la consultation préalable de l'organisation syndicale, d'une part en matière de modernisation, de mécanisation et de nationalisation, d'autre part en ce qui concerne la sécurité dans l'emploi et le transfert de personnel. Des conventions similaires ont été conclues avec d'autres syndicats. Le comité prend note avec intérêt de cette évolution.
- 81. En ce qui concerne les allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale au cours de la campagne de productivité, le comité constate, d'après les informations communiquées, que de tels actes ont en fait été commis et que plusieurs plaintes ont été portées devant le KOROI. Le comité note aussi que toutes ces plaintes ont été ensuite retirées ou réglées. Tout en soulignant l'importance de mécanismes efficaces et rapides pour examiner les plaintes pour actes de discrimination antisyndicale dans l'emploi comme moyen de donner effet aux dispositions de la convention no 98, le comité estime que les autorités nationales ont de plus, lorsqu'il s'agit d'entreprises publiques nationales, la responsabilité de prévenir tous actes de cet ordre et de prendre les mesures voulues à cet effet, par exemple en formulant clairement une déclaration de principes accompagnée d'instructions précises à appliquer par tous les échelons de direction.
- 82. En ce qui concerne les sanctions prises contre les travailleurs, le comité considère qu'une attitude inflexible dans l'application des sanctions prévues par la loi n'est pas propre à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses. C'est notamment le cas lorsque les sanctions prises entraînent des différences permanentes dans la rémunération des travailleurs. A cet égard, il y a lieu de rappeler que le comité et la commission d'investigation ont déjà suggéré de prendre des mesures pour atténuer l'inflexibilité et la sévérité avec lesquelles sont appliquées les mesures disciplinaires dans le secteur publie.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 83. Dans ces conditions, le comité, tout en attirant l'attention sur les considérations émises aux paragraphes 81 et 82 ci-dessus, recommande au Conseil d'administration de surseoir à l'examen de ce cas jusqu'à ce qu'il dispose des observations du gouvernement sur les informations complémentaires communiquées par les plaignants.