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- 39. La plainte de la Centrale latino-américaine de travailleurs est contenue dans une communication en date du 7 juillet 1972 adressée directement à l'OIT. Cette plainte a été appuyée par la Confédération mondiale du travail dans une communication du 17 juillet 1972. La plainte ayant été transmise au gouvernement, celui-ci a présenté sur elle ses observations par une communication en date du 31 août 1972.
- 40. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 41. Les plaignants déclarent qu'à l'occasion de la tenue, à Quito, du 26 juin au 1er juillet 1972, de la première Conférence latino-américaine agricole de la réforme agraire, convoquée et organisée par la Fédération rurale latino-américaine, M. Eduardo Garcia Moure, secrétaire général adjoint de la Centrale latino-américaine de travailleurs, a, prenant la parole pour ouvrir la conférence, analysé la situation du paysan en Amérique latine ainsi que le processus de réforme agraire, et en a conclu que la situation du paysan n'avait qu'empiré du fait que la réforme agraire restait aux mains de minorités qui ne souhaitaient pas que la situation change et que les paysans n'y participaient pas.
- 42. D'après les plaignants, le colonel Hernan Torres Bonilla, directeur exécutif de l'Institut équatorien de réforme agraire et de colonisation, qui assistait à la séance, aurait interprété ces paroles comme un manque de respect à son égard et à celui des forces armées de son pays, "interprétation" - ajoutent les plaignants - "que nous ne pouvons que rejeter car il ne fut question à aucun moment d'une situation particulière quelconque et moins que toute autre de la situation de l'Equateur ou des forces armées de ces pays".
- 43. Les plaignants allèguent qu'à la fin de la séance, le colonel Torres Bonilla aurait proféré des menaces à l'encontre de M. Eduardo Garcia Moure et de tous les participants à la conférence. Trois jours plus tard, poursuivent les plaignants, M. Eduardo Garcia Moure a été arrêté par trois agents qui le conduisirent à la Direction nationale de la police politique où ils l'interrogèrent, après quoi il fut emprisonné, mis au secret puis expulsé du pays sans qu'il ait eu la possibilité de parler avec ses camarades de la conférence ou avec un juge, "et sans qu'il ait pu reprendre ses papiers et ses bagages, après avoir été dépouillé en outre de tout l'argent qu'il avait sur lui".
- 44. Dans ses observations, le gouvernement se borne à déclarer que la raison pour laquelle il a pris la mesure incriminée réside dans le fait qu'en vertu de la législation en vigueur, il est inter dit aux étrangers de s'immiscer dans les questions de politique intérieure, délit dont s'est rendu coupable l'intéressé en critiquant la politique de réforme agraire de l'Equateur.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 45. Le comité constate que le gouvernement s'abstient de donner aucune indication quant à la nature des propos qu'aurait tenus M. Eduardo Garcia Moure et qui auraient justifié à ses yeux la mesure d'expulsion dont l'intéressé a été l'objet. Le comité note que, de leur côté, les plaignants affirment que, dans son intervention, M. Eduardo Garcia Moure s'en est tenu à des généralités et n'a à aucun moment mis en cause l'Equateur ou sa politique.
- 46. Tout en admettant qu'une législation interdisant l'immixtion des étrangers dans les affaires intérieures d'un pays puisse avoir sa justification, le comité estime qu'il importe qu'une telle législation soit appliquée aux seules fins pour lesquelles elle a été promulguée et ne puisse être utilisée de manière à porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux. C'est du reste ce que prévoit l'article 8, paragraphe 2, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention.
- 47. Or la Conférence internationale du Travail a signalé que le droit de réunion, la liberté d'opinion et d'expression, et en particulier le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux.
- 48. Dans le cas présent, le comité observe que, selon les plaignants, M. Eduardo Garcia Moure s'est limité à traiter en termes généraux de la question qui faisait l'objet d'une conférence qui se tenait légalement, alors que le gouvernement, tout en soutenant qu'il se serait immiscé dans la politique intérieure du pays, ne fournit aucune précision à ce sujet et ne conteste pas expressément l'exposition des faits des plaignants.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 49. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations qui figurent aux paragraphes 46 et 47 ci-dessus.
- Genève, 9 novembre 1972. (Signé) Roberto AGO, Président.