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- 33. La plainte du Secrétariat professionnel international de l'enseignement (SPIE) figure dans une lettre du 23 avril 1976. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication du 18 octobre 1976.
- 34. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 35. Le plaignant proteste contre l'adoption par l'Assemblée nationale québécoise d'un projet de loi no 23 concernant le maintien des services dans le domaine de l'éducation. Ce projet - dont il joint le texte - a eu pour but d'interdire les grèves, les ralentissements du travail, ainsi que les lock-out pour une période de 80 jours (à partir du 11 avril 1976) dans le secteur de l'enseignement (collèges d'enseignement général et professionnel; commissions scolaires).
- 36. Trois commissaires aux différends scolaires doivent, selon le projet, être nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Ces derniers sont chargés d'enquêter sur les différends en cours, d'entendre les parties, de s'enquérir de l'état des négociations, d'examiner les dernières demandes syndicales et les dernières offres patronales, ainsi que d'étudier l'influence éventuelle de ces demandes et de ces offres sur les services, les effectifs, le rendement et les coûts. Leur rapport est remis aux parties dans les soixante jours de leur nomination et rendu public immédiatement. Le projet prévoit également des sanctions pénales draconiennes en cas d'infraction à ses dispositions.
- 37. Le gouvernement précise, dans sa réponse, que la loi québécoise no 23 a été sanctionnée le 9 avril 1976. Il remarque que la plainte ne se réfère à aucun instrument international spécifique et ne précise pas en quoi la loi précitée irait à l'encontre des droits syndicaux. Il souligne la difficulté de formuler, dans ces conditions, des commentaires circonstanciés sur cette plainte.
- 38. Le gouvernement déclare que la loi no 23 a été adoptée en raison de la situation désastreuse qui prévalait dans l'enseignement québécois; elle répondait à deux grands objectifs: conserver une valeur à l'année scolaire pour les élèves et les étudiants; continuer à rechercher un règlement négocié du conflit. Le gouvernement cite les chiffres des journées de travail perdues dans les établissements scolaires de niveaux élémentaire et secondaire, ainsi que dans les "collèges" (établissements pré-universitaires) et précise que la situation allait encore se détériorant. Il mentionne également d'autres aspects de cette situation comme les cours écourtés ou non donnés, les examens imposés en dehors de l'horaire prévu, le fait de ne pas donner de travaux aux étudiants, l'annulation ou le boycottage des activités éducatives ou parascolaires, les sorties avant l'heure prévue, le refus d'assurer la sécurité des élèves et d'assumer les suppléances, l'abandon de projets pédagogiques. Comme l'année scolaire devait se terminer moins de onze semaines après et que, dans certains collèges, la fin de la session était fixée pour la première quinzaine de mai (environ cinq semaines après), le gouvernement se devait, ajoute-t-il, de sauver l'année scolaire de plus d'un million d'élèves et d'étudiants et de prendre des mesures urgentes dans l'intérêt public, répondant d'ailleurs aux appels des parents et de l'opinion publique.
- 39. Le gouvernement se voyait donc, poursuit-il, dans l'obligation d'interdire toute forme de lock-out, de grève, de ralentissement ou de diminution du travail dans ce secteur. Or, si l'article 99 du Code du travail permet au Procureur général de demander à un juge de la Cour supérieure d'émettre une injonction pour empêcher ou mettre fin à une grève pendant une période pouvant aller jusqu'à 80 jours, aucune disposition ne prévoyait une mesure semblable dans le cas de lock-out. Dans la loi qui a donc été adoptée, précise le gouvernement, les suspensions de la grève et du lock-out sont liées et de caractère temporaire, la suspension du second constituant d'ailleurs une garantie pour le respect des droits syndicaux.
- 40. La loi, ajoute le gouvernement, a été conçue d'une manière assez souple pour qu'il soit possible d'arriver à un règlement négocié du conflit au profit de tous les syndiqués. Si, en effet, elle a ordonné la reprise normale des cours, elle n'a pas mis fin aux négociations, mais a, au contraire, laissé aux parties intéressées toute liberté pour poursuivre ces négociations, arriver à un règlement honorable et à la conclusion d'une convention collective; il n'est prévu aucune mesure semblable à un décret qui aurait imposé aux parties les conditions de travail, comme on avait dû y recourir depuis quelque temps dans le secteur de l'éducation. La suspension temporaire du droit de grève s'est également accompagnée, poursuit le gouvernement, de l'établissement d'une commission d'enquête instituée en vue d'éclaircir la situation confuse où se trouvaient les négociations. Cette commission, présidée par un juge de la Cour provinciale du Québec et comprenant deux autres membres, avait pour mission d'enquêter sur les questions qui opposaient les parties. Les tâches confiées à ces "commissaires aux différends scolaires", continue le gouvernement, prouvaient le souci d'impartialité du législateur. La commission avait l'obligation d'entendre les parties afin que celles-ci puissent exprimer librement leurs opinions. Les commissaires, ajoute le gouvernement, ont fait connaître publiquement leur interprétation du mandat qui leur était confié: ils estimaient devoir jouer un rôle de conciliation et pouvoir formuler les suggestions et les recommandations nécessaires; ils considéraient la commission comme un organe indépendant des parties. Le gouvernement déclare qu'ils ont rempli leur mandat avec impartialité en vue de rapprocher les parties et de les aider à aboutir à un accord dans les meilleurs délais. Il précise que les négociations entre les autorités québécoises et les enseignants se sont poursuivies et qu'elles déboucheront prochainement sur la signature d'un accord.
- 41. Le gouvernement souligne que le législateur, en intervenant dans un conflit du travail parce que l'intérêt public était en jeu, n'a jamais voulu supprimer les libertés syndicales ni échapper aux règles du Code du travail. Il cite à cet égard l'article 25 de la loi no 23 selon lequel celle-ci "n'a pas pour effet de soustraire les collèges et commissions scolaires ni leur personnel à l'application du Code du travail". Il déclare, enfin, que l'année scolaire a pu être menée à bonne fin, tant aux niveaux élémentaire et secondaire qu'à celui des collèges.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 42. Le comité a déjà fait observer qu'une interdiction générale des grèves limite considérablement les possibilités qu'ont les syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts professionnels de leurs membres et le droit qu'ont ces organisations d'organiser leur activité. La situation s'avère toutefois différente lorsque la loi soumet les grèves à une interdiction temporaire, par exemple pendant le déroulement d'une procédure de conciliation et d'arbitrage, pendant une période de réflexion, pendant la durée d'un préavis de grève ou durant la période de validité d'une convention collective. Des limitations de ce genre ont généralement été admises par le comité, étant entendu que les conditions posées pour la licéité de la grève doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être de nature à limiter considérablement les moyens d'action des organisations syndicales.
- 43. En l'espèce, la loi no 23 a imposé, dans le secteur de l'enseignement, une suspension temporaire du droit de grève pour une période de 80 jours, comptés à partir du 11 avril 1976, et a établi en même temps une commission d'enquête en vue de faciliter le règlement du conflit; ce dernier est d'ailleurs, selon les déclarations du gouvernement, en voie d'être résolu. Le comité estime qu'une telle limitation du droit de grève ne va pas au-delà de celles qu'il a considérées, dans d'autres cas, comme admissibles.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 44. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que ce cas n'appelle pas, de sa part, un examen plus approfondi.