Visualizar en: Inglés - Español
- 482. Le cas en instance a déjà été examiné par le comité à sa réunion de novembre 1981 où il a formulé des conclusions intérimaires. Depuis lors, le gouvernement a fourni des informations complémentaires dans des communications des 11 mai et 31 juillet 1982.
- 483. Le Bahreïn n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 484. Les allégations encore en instance après le dernier examen du cas par le comité avaient trait au fait que, selon les plaignants, la législation nationale ne reconnaîtrait pas aux travailleurs le droit de constituer des syndicats de leur choix, à l'échec allégué des commissions paritaires que le gouvernement essaierait de substituer aux syndicats de travailleurs, aux difficultés rencontrées par la commission intérimaire des travailleurs, ainsi qu'à l'arrestation sans jugement de 17 personnes pour avoir voulu s'affilier à une organisation syndicale, et aux mauvais traitements qui seraient infligés en prison à des syndicalistes et qui auraient conduit à la mort de l'un d'entre eux dénommé Jameel Ali.
- 485. A sa session de novembre 1981, le Conseil d'administration, sur proposition du Comité de la liberté syndicale, avait adopté des conclusions intérimaires et avait prié le gouvernement d'envoyer ses observations sur les allégations sur lesquelles il n'avait pas répondu, à savoir la détention sans jugement de 17 syndicalistes nommément désignés par les plaignants, les mauvais traitements et les tortures d'autres syndicalistes détenus, compris la mort de Jameel Ali, les divergences entre la loi de 1976 sur le travail dans le secteur privé et la convention no 87 de l'OIT, et les difficultés qu'aurait rencontrées la Commission intérimaire des travailleurs.
B. Allégations relatives à la législation nationale
B. Allégations relatives à la législation nationale
- 486. Les plaignants ont dénoncé les divergences qui, selon eux, existeraient entre la loi de 1976 sur le travail dans le secteur privé et la convention no 87 de POST. En particulier, ils considèrent que cette loi n'accorde pas aux travailleurs le droit de constituer des syndicats de leur choix, qu'elle ne leur reconnaît pas le droit de grève, qu'elle exclut de son champ d'application les travailleurs agricoles et les travailleurs occasionnels, qu'elle impose le recours à l'arbitrage pour le règlement des différends du travail et qu'elle autorise le ministre à décider des méthodes de désignation des représentants des travailleurs dans les commissions paritaires. En outre, le gouvernement n'aurait pas encore mis en oeuvre l'article 142 de la loi de 1976 sur les commissions paritaires dans sa teneur modifiée de 1981 (décret no 8).
- 487. Dans sa réponse du 6 mai 1982, arrivée trop tardivement pour être examinée par le comité à sa réunion précédente, le gouvernement rappelle que la convention no 87 n'a pas été ratifiée par le Bahreïn. Il estime cependant que les nouvelles dispositions législatives concernant la création de commissions mixtes paritaires composées de travailleurs et d'employeurs dans chaque établissement et la Commission générale des travailleurs du Bahreïn donnent effet à sa politique qui vise à promouvoir et renforcer le développement progressif de la négociation collective. Il considère qu'il faut tenir compte du besoin de surmonter les obstacles existants, dont le plus important est la faiblesse des organisations d'employeurs et de travailleurs, d'où la nécessité d'y faire face par une formation dans le domaine des relations professionnelles et des programmes d'éducation ouvrière pour lesquels le BIT a été invité à participer.
- 488. En conséquence, le gouvernement déclare nécessaire l'établissement de la Commission générale des travailleurs du Bahreïn composée de représentants des intérêts des travailleurs librement élus, ayant un statut autonome et chargée de la réglementation des relations entre travailleurs et employeurs.
- 489. L'organisation plaignante avait estimé que les difficultés rencontrées par la Commission intérimaire des travailleurs tenaient á l'échec des commissions paritaires que le gouvernement essaierait de substituer aux syndicats de travailleurs. Le syndicat des travailleurs du Bahreïn exilé en Syrie avait envoyé copie d'une lettre de décembre 1980 adressée par le président de la Commission provisoire des travailleurs au ministre dans laquelle il se plaignait que les travaux de la commission étaient gênés par l'absence de fonds, de locaux et l'insuffisance de la participation des intéressés (les quatre employeurs siégeant à la commission n'occupant que 5 pour cent de la main-d'oeuvre bahreinite). Le Président déclarait aussi que la commission serait contrainte de démissionner si ces difficultés ne pouvaient être aplanies. Sur ces questions, le gouvernement assure que les problèmes sont résolus. En effet, l'amendement à la loi (décret no 8 de 1981) confère au ministre du Travail et des Affaires sociales le pouvoir d'étendre les dispositions de l'article 142 dans les différents établissements assurant ainsi à la commission le droit d'exercer ses prérogatives de direction, tel que prescrit par la loi.
C. Allégations relatives à la détention, aux mauvais traitements et à la mort de syndicalistes
C. Allégations relatives à la détention, aux mauvais traitements et à la mort de syndicalistes
- 490. Les plaignants avaient allégué l'arrestation sans jugement de 17 syndicalistes dont les noms suivent: Youness Abdel Rida Kassir, Youssef Ali Zaïed, Abdel Rasoul Ali Galoum, Ahmed El Saïed Mohamed El-Moussaoui, Khaled Abdel Azir El Kassir, Abdel Mohamed Galoum, Moussa Jaafar Alaoui, Mohamed Houssein Rached, Ali Mouhsen Abdallah, Jalal Mohamed Halouaji, Sami Ali Maki Maukeich, Abdel Sunad Housein Fathi, Mohamed Iskander Mohamed, Ahmed Ali Houssein Zeinal, Mohamed Ali Galoum Wadi, Nasser Hassen El Hadad et Mirza Mohamed Ali El Fardan.
- 491. Dans sa réponse du 31 juillet 1982, le gouvernement déclare que Youness Abdel Rida Kassir, Youssef Ahmed Ali Zaïed, Abdel Rasoul Ali Galoum, Ahmed El Saïed Mohamed El-Moussaoui, Khaled Abdel Azir El Kassir et Abdel Mohamed Galoum ont été condamnés, les quatre premiers à quatre ans de prison, le cinquième et le sixième à un an, le 30 avril 1981, pour incitation à rejoindre une organisation politique visant à changer le régime politique de l'Etat par la force, contrairement aux articles 159 (2) et 160 du code pénal, incitation à la haine contre le régime et utilisation de la force contre les agents de police en leur lançant des cocktails Molotov. Le dernier des inculpés a été libéré après avoir purgé sa peine, explique le gouvernement.
- 492. Il indique également que Mohamed Houssein Rached, Nasser Hassen Mohammed Nasser El Hadad et Mirza Mohamed Ali El Fardan ont été condamnés, le 27 avril 1981, à des peines de quatre à sept ans de prison pour appartenance à une organisation visant à renverser le régime par la force, participation à des rassemblements et réunions, diffusion de tracts appelant au renversement du régime, en application des articles 159 (1) et 3, 160, 161, 165 et 178 du code pénal; Moussa Jaafar Alaoui a été acquitté et relâché; Ali Mouhsen Abdallah, Jalal Mohamed Halouaji et Sami Ali Maki Maukeich ont été condamnés à des peines de un an à un an et demi de prison le 11 mai 1981 pour incitation à la haine contre le régime et participation à une manifestation.
- 493. Quant à Abdel Sunad Housein Fathi, Mohamed Iskander Mohamed Baker, Ahmed Ali Houssein Zeinal et Mohamed Ali Galoum Ali Mouradi, ils ont été condamnés, le 25 juin 1981, à deux ans de prison pour avoir employé des haut-parleurs dans des réunions publiques afin d'inciter la population à se soulever contre le régime et pour avoir participé à des manifestations et à des heurts avec la police.
- 494. Les plaignants s'étaient référés aux mauvaises conditions dans lesquelles auraient vécu en prison les dirigeants syndicaux Abdellah Montejouch, Hassan Serhan et Abdel Karim Salman.
- 495. Sur cette allégation, le gouvernement déclare que Hassan Serhan a été inculpé d'appartenance à une organisation interdite visant à renverser le régime par la force, et libéré le 13 septembre 1981. Abdel Karim Salman Ahmad a été inculpé des mêmes charges mais, à l'époque de la réponse du gouvernement, le 31 juillet 1962, la séance du tribunal devant examiner l'affaire n'avait pas encore été fixée. Enfin, Abdallah Laghmich a été arrêté le 13 juin 1981 et inculpé de l'assassinat d'un agent de la force publique mais, les, faits n'ayant pas été établis, il a été relâché.
- 496. En ce qui concerne la mort alléguée de Jameel Ali, le gouvernement n'a pas communiqué ses observations.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité
- 497. Le comité prend note des informations et des explications fournies par le gouvernement dans cette affaire. Il souhaite revenir sur les différentes questions particulièrement préoccupantes soulevées par les plaignants.
- 498. Au sujet de l'allégation relative aux divergences entre la législation nationale et les principes consacrés par les conventions sur la liberté syndicale et ayant trait à la non-reconnaissance pour les travailleurs du droit de constituer les syndicats de leur choix et du droit de grève, à l'exclusion des travailleurs agricoles et occasionnels, du champ d'application du code, et à l'imposition du recours à l'arbitrage obligatoire pour le règlement des différends du travail, ainsi qu'à l'échec des commissions paritaires et aux difficultés rencontrées par la Commission intérimaire des travailleurs, le comité note que le gouvernement déclare qu'il n'a pas ratifié la convention no 87, mais que les nouvelles dispositions sur les commissions mixtes paritaires et la Commission générale des travailleurs visent à promouvoir et à développer la négociation collective. Selon le gouvernement, ces commissions sont composées de représentants librement élus, et le ministre du Travail a reçu de la loi le pouvoir d'étendre les dispositions de l'article 142 du code aux différentes entreprises. Le comité note aussi les explications du gouvernement sur la faiblesse des organisations d'employeurs et de travailleurs et les besoins de formation en matière de relations professionnelles et d'éducation ouvrière.
- 499. Le Bahreïn n'a effectivement pas ratifié les conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 11) sur le droit d'association dans l'agriculture, 1921, qui, par suite, n'ont pas de caractère obligatoire pour ce pays. Cependant, en adhérant à l'Organisation internationale du Travail, le Bahreïn s'est par là même engagé à respecter un certain nombre de principes, y compris les principes de la liberté syndicale devenus des règles coutumières au-dessus des conventions. Comme le comité l'a indiqué son premier rapport "en ce qui concerne les droits syndicaux, l'Organisation internationale du Travail a pour fonction de contribuer à l'application effective du principe général de la liberté d'association qui est l'une des principales sauvegardes de la paix et de la justice sociale". Le comité constate avec appréciation que le gouvernement du Bahreïn a d'ailleurs répondu sur le fond à divers aspects de la plainte.
- 500. Tout en prenant note des explications du gouvernement sur la faiblesse du mouvement syndical naissant et sur l'aide qu'il apporte à la création des commissions mixtes paritaires dans les entreprises et à la Commission générale des travailleurs au plan national et de certains aspects positifs des amendements de 1981 à la loi du travail de 1976 dans le secteur privé, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait qu'une situation législative dans laquelle les travailleurs d'un pays seraient dans l'impossibilité de constituer les organisations syndicales de leur choix et d'y adhérer en vue de la protection de leurs intérêts serait contraire aux principes de la liberté syndicale. Il rappelle également que les personnes occupées dans l'agriculture devraient avoir les mêmes droits d'association et de coalition que les travailleurs de l'industrie, que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen de légitime défense de leurs intérêts professionnels et que l'arbitrage obligatoire ne devrait être utilisé que pour mettre un terme aux grèves dans les services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie ou les conditions d'existence de tout ou partie de la population. Le comité souligne en outre que, si la formation syndicale mérite d'être encouragée, il appartient aux syndicats eux-mêmes de s'en occuper, quitte à ce que ces derniers bénéficient à cette occasion de l'aide matérielle et morale que pourrait leur offrir le gouvernement. En conséquence, le comité exprime le ferme espoir que la législation soit modifiée dans un proche avenir pour consacrer clairement le droit de tous les travailleurs, y compris les travailleurs de l'agriculture et les travailleurs occasionnels, de constituer, s'ils le désirent, les organisations de leur choix, et reconnaître aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels.
- 501. sur les allégations relatives à des détentions sans jugement de syndicalistes nommément désignés, le comité note les explications du gouvernement selon lesquelles ces personnes ont été condamnées à l'emprisonnement par un tribunal pour incitation au renversement du régime, manifestations, heurts avec la police, troubles de l'ordre public, y compris parfois au moyen de haut parleurs et de diffusion de tracts. Le comité constate que les intéressés ont été frappés de lourdes peines de un à sept ans de prison.
- 502. Le comité a insisté à de nombreuses reprises sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou criminels que le gouvernement considère comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Le comité a signalé également que, dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés ou condamnés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter de semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, il a adopté la pratique de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les mesures incriminées. Le comité a agi ainsi en estimant qu'il appartenait au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'ont pas leur origine dans les activités syndicales des intéressés, dès lors notamment que le droit syndical en tant que tel n'est pas consacré dans la législation et que les allégations indiquent que des personnes auraient été condamnées pour avoir voulu s'affilier à une organisation syndicale.
- 503. Le comité espère que le gouvernement s'efforcera d'adopter à l'égard des syndicalistes condamnés une attitude de clémence afin d'instaurer un climat propice au développement de bonnes relations professionnelles.
- 504. Le comité prie en outre le gouvernement de transmettre ses informations à propos de la mort alléguée du syndicaliste Jameel Ali qui serait intervenue à la suite de mauvais traitements qui lui auraient été infligés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 505. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité observe que les informations ne répondent pas sur tous les points aux allégations détaillées des plaignants. En particulier, le comité note que, selon les plaignants, des personnes ont été condamnées à de lourdes peines pour avoir voulu s'affilier à une organisation syndicale et que le gouvernement s'est borné à affirmer que ces personnes avaient été condamnées pour incitation au renversement du régime, manifestations, heurts avec la police, troubles de l'ordre public, y compris au moyen de haut-parleurs et de diffusion de tracts. Le comité, tout en rappelant qu'il appartient au gouvernement de montrer que les mesures prises par lui n'ont pas leur origine dans les activités syndicales des intéressés, espère qu'il s'efforcera d'adopter à l'égard des syndicalistes condamnés une attitude de clémence afin d'instaurer un climat propice au développement de bonnes relations professionnelles.
- b) Pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité souligne que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique la possibilité de créer dans un climat de sécurité des organisations syndicales en toute indépendance.
- c) Au sujet de l'aspect législatif du cas, le comité, tout en notant certains aspects positifs des amendements de 1981 à la loi du travail de 1976 dans le secteur privé, exprime le ferme espoir que dans un proche avenir la législation soit modifiée pour consacrer clairement le droit de tous les travailleurs, y compris les travailleurs de l'agriculture et les travailleurs occasionnels, de constituer, s'ils le désirent, les organisations syndicales de leur choix et reconnaître aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels.
- d) Enfin, le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations à propos de la mort alléguée du syndicaliste Jameel Ali qui serait intervenue à la suite des mauvais traitements qui lui auraient été infligés.