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- 100. Le comité a examiné ce cas à sa session de mai 1988,
- où il a présenté
- un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 256e
- rapport,
- paragr. 383 à 400.) Depuis lors, le gouvernement a envoyé
- des communications
- datées des 25 mai, 30 mai, 3 juin, 2 août et 13 septembre
- 1988.
- 101. En outre, le comité a été informé que le Directeur
- général, accompagné
- de M. Gernigon, chef du Service de la liberté syndicale, s'est
- rendu en Côte
- d'Ivoire du 27 au 29 juillet 1988 afin d'examiner avec les
- autorités
- gouvernementales les questions soulevées dans le présent
- cas.
- 102. La Côte d'Ivoire a ratifié la convention (no 87) sur la
- liberté
- syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la
- convention
- (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective,
- 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 103. La FISE avait allégué que les travaux du congrès du
- Syndicat national
- des enseignants du second degré de Côte d'Ivoire (SYNESCI)
- avaient été
- suspendus et que certains éléments qui n'auraient jamais
- acquitté de
- cotisations syndicales auraient illégalement constitué un
- bureau. Il aurait
- occupé le siège du syndicat avec l'aide de la police nationale,
- et les comptes
- bancaires du syndicat auraient été bloqués sur ordre du
- ministre de
- l'Education nationale au profit du bureau illégal.
- 104. L'organisation avait également allégué que trois
- dirigeants du SYNESCI,
- dont M. Laurent Akoun, secrétaire général, avaient été arrêtés
- puis condamnés
- à des peines de quatre à six mois d'emprisonnement pour
- "détournement de biens
- sociaux". En outre, la FISE déclarait que 13 autres
- syndicalistes étaient
- détenus au camp militaire de Séguéla, 18 avaient vu leur
- salaire suspendu et
- six étaient sans poste.
- 105. Au vu des informations dont il disposait à sa session de
- mai 1988, le
- comité avait soumis au Conseil d'administration les conclusions
- intérimaires
- suivantes:
- - Etant donné la gravité des nombreuses allégations
- formulées dans le
- présent cas, le comité veut espérer que le gouvernement
- s'efforcera de veiller
- à ce que le respect des droits syndicaux des enseignants soit
- garanti en Côte
- d'Ivoire.
- - Le comité demande que les tribunaux examinent, à brève
- échíance, le
- recours introduit par le Syndicat national des enseignants du
- second degré de
- Côte d'Ivoire (SYNESCI) qui a contesté la légalité de la
- direction syndicale
- qui prétend représenter les enseignants du secondaire et
- demande au
- gouvernement de le tenir informé de l'issue de ce procès.
- - Le comité demande au gouvernement de transmettre la
- copie du jugement de
- décembre 1987 par lequel trois dirigeants du SYNESCI ont été
- condamnés à des
- peines d'emprisonnement pour détournement de biens
- sociaux, avec ses attendus,
- et demande instamment au gouvernement de libérer les treize
- dirigeants
- syndicaux qui ont, semble-t-il, été détenus sans inculpation ni
- jugement dans
- le camp militaire de Séguéla depuis le 31 octobre 1987, ou de
- l'informer des
- inculpations retenues contre eux et de lui faire connaître leur
- situation
- actuelle.
- - En ce qui concerne les actes de discrimination
- antisyndicale exercés par
- les autorités contre des militants du SYNESCI au cours des six
- derniers mois,
- le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la
- situation actuelle
- des enseignants qui ont été suspendus de leurs fonctions ou
- qui ont été mutés,
- ou dont les salaires ont été suspendus en raison de leurs
- activités ou de
- leurs fonctions syndicales.
- B. Réponses du gouvernement
- 106. Dans sa communication du 25 mai 1988, le
- gouvernement explique qu'à la
- veille de son congrès le SYNESCI faisait face à des difficultés
- internes. La
- démobilisation des militants était quasi générale, à l'exception
- d'un noyau,
- lui-même profondément divisé. Les adhérents ne s'acquittaient
- plus guère
- volontairement des cotisations. L'inefficacité du bureau
- national était
- voyante et sa gestion jugée désastreuse. L'enjeu du congrès
- était clair: il
- s'agissait, pour la direction en place, de se maintenir par tous
- les moyens
- et, pour la grande majorité des enseignants du second degré,
- d'opérer un
- changement de direction si l'on voulait redynamiser le
- SYNESCI. Deux groupes
- se sont opposés dès le premier jour du congrès, et le groupe
- favorable au
- bureau sortant s'est retiré de la salle. L'autre groupe a élu un
- bureau de
- séance et a continué les travaux. L'ancienne direction a été
- sommée de venir
- rendre compte de sa gestion pour le mandat écoulé. Devant le
- refus de cette
- dernière, une motion de blâme a été votée à son encontre.
- Quatre commissions
- furent constituées et les travaux furent conduits jusqu'à leur
- terme. M.
- Djanwet Kouakou a été élu secrétaire général à la majorité
- absolue. Le 24
- juillet, le nouveau secrétaire général prenait possession des
- locaux du
- SYNESCI en présence d'un huissier.
- 107. Le 4 août 1987, le nouveau secrétaire général a saisi le
- Procureur de
- la République d'Abidjan d'une plainte contre MM. Laurent
- Akoun, Traoré Yaya et
- Adoukou, membres du bureau sortant du SYNESCI, pour abus
- de confiance et recel
- portant sur des numéraires (14.700.000 francs CFA) et du
- matériel technique
- appartenant au syndicat. L'information ouverte à la suite de
- cette plainte a
- établi que, pendant les assises du congrès, le matériel
- technique a été
- emporté par M. Laurent Akoun. Par ailleurs, entre le 21 et le 23
- juillet 1987,
- la somme de 14.700.000 francs CFA a été retirée de trois
- banques différentes
- au moyen de chèques signés par le secrétaire général sortant
- et contresignés
- par le trésorier et le trésorier adjoint sortants.
- 108. Interrogés sur les faits, les prévenus en ont reconnu la
- matérialité,
- mais ils ont expliqué que les sommes retirées des banques ont
- servi au
- paiement des salaires du personnel du bureau de M. Akoun et
- des divers frais
- occasionnés par la tenue du congrès et le fonctionnement du
- syndicat.
- S'agissant du matériel, ils l'auraient mis en lieu sûr pour ensuite
- le
- restituer à qui de droit après la tenue du congrès qu'ils
- envisageaient de
- réunir. Le 19 septembre 1987, M. Laurent Akoun déclarait
- devant le juge
- d'instruction être prêt et en mesure de présenter, devant la
- justice, le
- matériel technique du SYNESCI et les numéraires, déduction
- faite des dépenses,
- d'un montant de 3.850.000 francs CFA (7.700 FF environ),
- occasionnées par le
- fonctionnement du syndicat. Les deux autres prévenus
- marquaient leur accord
- avec les nouvelles déclarations de M. Laurent Akoun. C'est
- ainsi que, le 1er
- octobre 1987, les avocats des prévenus remettaient au juge
- d'instruction les
- fonds et le matériel technique de bureau détournés par leurs
- clients.
- 109. Ecroués le 5 septembre 1987 pour ce qui concerne M.
- 11 septembre 1987 pour les deux autres, les prévenus ont été
- renvoyés devant
- le tribunal correctionnel d'Abidjan pour abus de confiance et
- recel. Devant le
- tribunal correctionnel d'Abidjan puis devant la Cour d'appel,
- qu'ils ont
- saisie en même temps que le ministère public, les prévenus ont
- soutenu que la
- restitution qu'ils ont faite faisait échec à la prévention retenue
- contre eux
- et que le congrès avait été annulé le 21 juillet 1987 à la suite
- de troubles,
- de sorte que M. Djanwet Kouakou n'avait pas été
- régulièrement élu et n'a donc
- pas qualité pour représenter le SYNESCI.
- 110. Le tribunal correctionnel d'Abidjan et la Cour d'appel
- d'Abidjan ont
- estimé que le contentieux électoral qu'allèguent les prévenus
- n'était
- qu'imaginaire, faute de preuve, et que la restitution forcée
- opérée par les
- intéressés n'était qu'un repentir actif qui n'effaUait pas
- l'intention
- frauduleuse mais constituait, au plus, des circonstances
- atténuantes. C'est
- pourquoi ces deux juridictions ont condamné M. Akoun et M.
- Traore Yaya à six
- mois d'emprisonnement ferme et à 100.000 francs CFA
- d'amende, et M. Adoukou
- Vanga à quatre mois d'emprisonnement ferme et à 50.000
- francs CFA d'amende.
- 111. Pour leur part, M. Laurent Akoun et ses partisans ont
- entrepris une
- action judiciaire le 21 septembre 1987 devant le tribunal du
- travail qui,
- manifestement incompétent, a rejeté leur requête par décision
- du 5 novembre
- 1987. Les intéressés ont alors saisi le tribunal de première
- instance
- d'Abidjan aux fins d'annulation des élections de juillet 1987. Ce
- tribunal a
- estimé, par jugement rendu le 6 avril 1988 (dont le
- gouvernement a fourni une
- copie), que l'ouverture du congrès avait eu pour effet de
- dessaisir tous les
- organes dirigeants du syndicat dont les mandats ont ainsi pris
- fin et que M.
- Akoun ne pouvait agir en qualité de secrétaire général du
- SYNESCI alors qu'il
- avait perdu cette qualité et qu'il n'aurait pu la retrouver que par
- sa
- réélection au cours du congrès. En conséquence, sa
- demande a été déclarée
- irrecevable.
- 112. Le gouvernement déclare en outre qu'après l'arrestation
- de M. Akoun une
- vaste campagne de désinformation et d'intoxication a été mise
- en oeuvre par
- ses partisans. C'est ainsi qu'ont été diffusés des tracts
- séditieux,
- diffamatoires, tendancieux et injurieux, d'une rare violence à
- l'égard de
- certaines personnalités politiques, de la justice et de
- l'administration de
- l'enseignement et, surtout, du Président de la République.
- 113. Nonobstant l'extrême gravité de ces faits et de ces
- comportements
- contraires au statut de la fonction publique ivoirienne, leurs
- auteurs, agents
- de l'Etat interpellés et ayant reconnu leurs agissements, n'ont
- encouru que
- des mesures d'affectation dans d'autres postes en Côte
- d'Ivoire. Certains ont
- vu leur sursis à la conscription levé pour, comme tout Ivoirien,
- être envoyés
- sous les drapeaux, y faire tout simplement leur temps légal,
- notamment au camp
- de Séguéla. Enfin, ceux qui, par solidarité avec leurs
- camarades traduits en
- justice, ont abandonné leur poste se sont vus, tout
- naturellement, privés des
- salaires correspondant au temps de travail non effectué, et
- d'autres, qui ont
- refusé de rejoindre leur nouveau poste d'affectation, ont vu,
- eux aussi, et
- très légitimement, leur salaire suspendu.
- 114. Revenant sur le congrès du SYNESCI, le gouvernement
- estime que le
- changement intervenu à la tête du syndicat n'est pas le fait du
- gouvernement.
- Il est, selon le gouvernement, la résultante de la division des
- militants et
- de leur opposition avérée avant et pendant le congrès,
- attendue par tous pour
- changer une direction nationale inefficace au plan syndical,
- inutilement
- rigide et aux orientations plutôt floues. C'est la raison pour
- laquelle M.
- Akoun avait modifié, avant le congrès, l'article 24, devenu
- l'article 26 du
- règlement intérieur, et surtout l'article 3, nouveau, qui
- changeaient
- précisément le mode de scrutin pour l'élection du secrétaire
- général. Seules
- 82 personnes auraient eu le droit légal au choix du secrétaire
- général, 82
- partisans sûrs puisque tous responsables des sous-sections
- installées par le
- bureau en place. Par ailleurs, profitant de la démobilisation
- générale et du
- refus de la quasi-totalité des enseignants de payer leurs
- cotisations
- syndicales (ils étaient 150 à être en règle sur un effectif de
- 7. 000 membres),
- M. Akoun s'opposa, par calcul, au désir de régularisation de
- leur situation,
- certes voulue au dernier moment, de tous ceux qu'il savait
- décidés à les
- évincer, lui et son équipe, de la direction du syndicat.
- Enseignants à part
- entière, mécontents du fonctionnement de leur organisation
- syndicale, écoeurés
- par l'impossibilité de faire entendre leur voix au cours de leur
- propre
- congrès et après avoir épuisé tous les moyens d'un dialogue
- pacifique mais
- stérile depuis plusieurs années, la majorité a fini par imposer la
- loi du
- nombre.
- 115. Le gouvernement ajoute que, forts de leur qualité et de
- leur nombre,
- les congressistes ont jugé ne point être concernés par un
- ajournement sine die
- du XVe congrès par une minorité qui avait tout intérêt à ce que
- les choses
- demeurassent en l'état. Dans cette affaire, le gouvernement
- s'est borné à
- éviter le désordre. Le reste, l'appréciation de la légalité ou de
- l'illégalité
- du déroulement du congrès, est, dans ce pays qui respecte la
- séparation des
- pouvoirs, l'affaire du pouvoir judiciaire et, de fait, les tribunaux
- ont été
- saisis aux fins d'annulation des actes du XVe congrès. Si le
- gouvernement
- avait agi autrement, non seulement on aurait crié à
- l'inadmissible ingérence,
- mais encore l'exécutif se serait précisément substitué au
- judiciaire. C'est
- aussi pourquoi, lorsque le bureau mis en place a demandé
- audience au Chef de
- l'Etat, celui-ci le reçut, comme il l'a toujours fait pour l'ancienne
- direction.
- 116. S'agissant de l'action pénale dirigée contre les anciens
- dirigeants du
- SYNESCI, le gouvernement déclare qu'elle n'a revêtu ni le
- caractère d'un
- procès d'intention ni celui d'un procès politique. Affaire de droit
- commun,
- traitée comme telle, dans le respect scrupuleux des textes en
- vigueur, avec
- l'assistance constante de trois représentants des barreaux de
- Paris et
- d'Abidjan, la plainte émane de M. Djanwet Kouakou, nouveau
- secrétaire général,
- d'autant plus admis à défendre les intérêts du SYNESCI
- qu'aucune décision de
- justice n'est venue annuler son élection. Au demeurant, tout
- citoyen a le
- droit de dénoncer des faits délictueux, et le Procureur de la
- République a
- donné suite à sa plainte. En tout état de cause, et pour
- conclure sur ce
- point, le gouvernement déclare que les condamnations
- intervenues ne sont pas
- son fait et que, s'il peut donner des ordres à un représentant
- du ministère
- public, il ne saurait en aucun cas influencer la sentence d'un
- tribunal.
- 117. Enfin, le gouvernement estime que les décisions
- administratives de
- conscription, d'affectation, de suspension de salaires sont
- dérisoires par
- rapport aux fautes commises, fautes qui sont toutes liées à des
- violations
- caractérisées du statut de la fonction publique. En effet,
- l'article 14 du
- statut dispose que le fonctionnaire est libre de ses opinions
- philosophiques,
- politiques et religieuses. Toutefois, l'expression de ses opinions
- ne peut
- mettre en cause les principes affirmés par la Constitution de
- l'Etat. Elle ne
- peut être faite qu'en dehors du service et avec la réserve
- appropriée aux
- fonctions qu'exerce l'intéressé. Elle ne peut faire l'objet d'une
- diffusion
- écrite qu'avec l'autorisation du ministre dont il relève. Les
- offenses et
- outrages au Chef de l'Etat lui-même, toutes les atteintes à sa
- vie publique et
- privée, les outrages envers les autorités publiques, qui tombent
- sous le coup
- des articles 174, 243 et suivants du Code pénal, n'ont
- cependant pas été
- retenus, ni même simplement relevés, contre les mis en cause.
- 118. Selon le gouvernement, les dispositions pertinentes des
- 87, 98 et 151 n'ont donc fait l'objet d'aucune transgression de
- sa part,
- contrairement aux allégations des plaignants.
- 119. Dans sa communication du 3 juin 1988, le
- gouvernement précise que les
- trois dirigeants du SYNESCI condamnés pour abus de
- confiance et recel ont
- purgé leur peine. Libérés de prison, ils ont rejoint le camp de
- Séguéla pour
- accomplir leur temps légal sous les drapeaux. Par conséquent,
- selon le
- gouvernement, leur présence à Séguéla n'est nullement liée à
- l'exercice légal
- de leurs activités syndicales mais à des actes répréhensibles
- commis en
- violation de l'article 14 du statut général de la fonction
- publique
- ivoirienne.
- 120. Dans une communication du 2 août 1988 adressée au
- BIT, après le retour
- de la mission effectuée par le Directeur général, le
- gouvernement souligne que
- les incidents qui se sont produits lors du dernier congrès du
- SYNESCI ont été
- le résultat d'un conflit interne à l'organisation entre les diverses
- tendances
- syndicales. Ces tendances ont eu la possibilité de s'exprimer
- au sein de
- l'organisation, et le gouvernement ne s'est ingéré d'aucune
- manière dans cette
- affaire interne du SYNESCI. Seul le pouvoir judiciaire a dû
- intervenir dans le
- cadre d'un procès civil et d'un procès pénal à la demande
- d'une tendance comme
- de l'autre. Ainsi, saisie par les intéressés, la justice s'est
- prononcée,
- d'une part, sur la validité des élections qui se sont déroulées
- au cours dudit
- congrès et, d'autre part, sur les charges pénales retenues
- contre les trois
- (3) anciens dirigeants du SYNESCI.
- 121. S'agissant de la situation des personnes qui avaient été
- appelées sous
- les drapeaux dans les camps militaires, le gouvernement
- déclare que ces
- personnes ont recouvré leurs activités civiles d'enseignement,
- dans le cadre
- de leur temps légal de service militaire. En outre, des mesures
- sont
- actuellement à l'étude pour que les traitements suspendus
- soient pleinement
- rétablis aux enseignants concernés. Le gouvernement assure
- enfin le Comité de
- la liberté syndicale que les personnes concernées n'ont jamais
- été exclues de
- la vie ivoirienne, puisque leur situation a fait l'objet de contacts
- directs
- avec des membres du gouvernement.
- 122. Dans une communication ultérieure du 13 septembre
- 1988, le gouvernement
- indique que la présente affaire vient de connaître son
- dénouement en ce sens
- que M. Akoun et ses camarades ont retrouvé, sans la moindre
- réserve, la
- situation, au plan administratif, qui était la leur, avant les
- incidents ayant
- motivé la saisine du comité, leurs salaires ont été rétablis à
- compter du mois
- de juillet 1988, et des rappels de salaires remontant à la date
- de leur
- suspension leur seront versés. Le gouvernement ajoute que
- seuls les résultats
- du XVe congrès du SYNESCI demeurent acquis, puisqu'il
- s'agissait d'un problème
- purement syndical dans lequel le gouvernement n'a pas eu à
- s'immiscer.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 123. Le comité note que, dans la présente affaire,
- l'organisation plaignante
- a formulé des allégations sur l'ingérence du gouvernement
- dans les affaires
- internes du Syndicat national des enseignants du second
- degré de Côte d'Ivoire
- (SYNESCI), la condamnation à des peines de prison de trois
- dirigeants de cette
- organisation, l'internement dans des camps militaires d'autres
- syndicalistes
- et des mesures discriminatoires prises à l'encontre
- d'enseignants, telles que
- transferts ou suspensions de paiements.
- 124. Sur le premier point, le comité note que l'affaire trouve
- son origine
- dans les conflits qui se sont manifestés entre tendances
- opposées lors du
- congrès du SYNESCI. Après que le bureau sortant en eut
- quitté les travaux, le
- congrès a élu une nouvelle direction syndicale qui a pris
- possession des
- locaux et des biens de l'organisation. Ces élections ont été
- contestées par
- l'ancienne direction devant la justice, mais celle-ci a débouté
- les
- plaignants.
- 125. Le comité a toujours considéré qu'il ne lui appartient pas
- de se
- prononcer sur des conflits internes à une organisation
- syndicale, sauf si le
- gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter
- l'exercice des
- droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une
- organisation. (Voir, par
- exemple, 217e rapport, cas no 1086 (Grèce), paragr. 93.)
- Dans de tels cas de
- conflits internes, le comité a également signalé que
- l'intervention de la
- justice permettrait de clarifier la situation du point de vue légal
- et de
- normaliser la gestion et la représentation de l'organisation en
- cause. Le
- gouvernement devrait reconnaître les dirigeants qui
- apparaîtraient comme les
- représentants légitimes de l'organisation. (Voir, par exemple,
- 172e rapport,
- cas no 865 (Equateur), paragr. 75.)
- 126. Dans le cas d'espèce, le comité observe que le groupe
- favorable à
- l'ancienne direction syndicale a quitté volontairement les
- travaux du congrès
- et n'a pas participé ainsi aux élections des instances
- dirigeantes de
- l'organisation. Il n'apparaît à aucun moment dans les
- allégations que les
- autorités publiques se seraient ingérées dans la procédure
- électorale. En
- outre, la justice saisie par l'ancienne direction n'a pas donné
- suite à cette
- requête. Le comité considère donc que cet aspect du cas
- n'appelle pas un
- examen plus approfondi.
- 127. S'agissant de la condamnation à des peines de prison
- de trois anciens
- dirigeants du SYNESCI, le comité note que les procédures
- judiciaires qui ont
- abouti à ces sentences ont été engagées à la suite d'une
- plainte déposée par
- le nouveau secrétaire général de l'organisation pour abus de
- confiance et
- recel. En outre, le comité ne peut que constater qu'il ressort
- des
- informations fournies par le gouvernement, et notamment du
- texte du jugement,
- que les intéressés ont bénéficié d'une procédure judiciaire
- régulière et, en
- particulier, du droit à la défense et du droit de recours devant
- les
- juridictions d'appel.
- 128. En ce qui concerne les internements d'enseignants
- dans des camps
- militaires - y compris les trois dirigeants condamnés après qu'ils
- eurent
- purgé leur peine -, le comité note les explications du
- gouvernement selon
- lesquelles les intéressés ont vu leur sursis d'incorporation levé
- et ont été
- envoyés dans ces camps pour y effectuer leur durée de
- service militaire légal.
- Ces mesures ont été prises, selon le gouvernement, à la suite
- d'une campagne
- diffamatoire et injurieuse qu'ils avaient menée contre des
- personnalités et
- surtout contre le Président de la République.
- 129. A cet égard, le comité doit rappeler que le droit
- d'exprimer
- publiquement des opinions constitue l'un des éléments
- fondamentaux des droits
- syndicaux. Toutefois, le fait d'exercer une activité syndicale ou
- de détenir
- un mandat syndical n'implique aucune immunité vis-à-vis du
- droit pénal
- ordinaire et le comité considère en particulier que, dans les
- prises de
- position publiques, les dirigeants syndicaux ne devraient pas
- dépasser les
- limites admissibles de la polémique et devraient s'abstenir
- d'outrances dans
- le langage. (Voir, à cet égard, 218e rapport, cas no 1102
- (Panama), paragr.
- 159. ) Dans le présent cas, il n'en demeure pas moins
- cependant que les mesures
- de suspension de sursis militaire prises par les autorités à
- l'encontre des
- syndicalistes ont constitué des sanctions qui ont été imposées
- sans que,
- semble-t-il, des procédures judiciaires ou disciplinaires
- régulières aient été
- suivies. Tout en notant que les intéressés ont maintenant
- quitté les camps
- militaires et ont réintégré l'enseignement, le comité se doit
- cependant de
- rappeler au gouvernement l'importance qu'il attache à ce que
- les
- syndicalistes, à l'instar des autres personnes, bénéficient de
- procédures
- présentant toutes garanties d'indépendance et d'impartialité
- lorsqu'ils sont
- accusés de délits de droit commun ou de nature politique.
- 130. Le comité prend note des dernières informations
- communiquées par le
- gouvernement selon lesquelles M. Akoun et ses camarades
- ont retrouvé la
- situation qui était la leur avant les incidents qui ont motivé la
- saisine du
- comité, et en particulier que leurs salaires ont été rétablis à
- compter du
- mois de juillet 1988, et que des rappels de salaire remontant à
- la date de
- leur suspension leur seront versés.
- 131. Enfin, le comité note que la situation des enseignants
- qui avaient vu
- leur traitement suspendu a fait l'objet d'un examen afin que
- leurs salaires
- leur soient restitués. Il exprime le ferme espoir que les
- enseignants
- concernés pourront ainsi voir leurs droits pleinement rétablis.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 132. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité, considérant que les plaignants n'ont pas
- apporté la preuve
- que les autorités publiques se seraient ingérées dans la
- procédure électorale
- lors du congrès du SYNESCI, estime que cet aspect du cas
- n'appelle pas un
- examen plus approfondi.
- b) Le comité note que les syndicalistes qui avaient été
- appelés sous les
- drapeaux dans des camps militaires ont maintenant recouvré
- leur liberté et
- qu'ils ont été réintégrés dans l'enseignement. Il rappelle
- cependant
- l'importance qu'il attache à ce que les syndicalistes, à l'instar
- des autres
- personnes, bénéficient de procédures présentant toutes
- garanties
- d'indépendance et d'impartialité lorsqu'ils sont accusés de
- délits de droit
- commun ou de nature politique.
- c) Le comité note que la situation des enseignants qui
- avaient vu leur
- traitement suspendu a fait l'objet d'un examen et que leurs
- arriérés de
- salaires vont leur être restitués. Il exprime l'espoir que les
- enseignants
- concernés pourront ainsi voir leurs droits pleinement rétablis.