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- 133. Dans une communication du 9 février 1988, la
- Fédération mondiale des
- travailleurs de l'industrie (FMTI) a présenté une plainte en
- violation de la
- liberté syndicale contre le gouvernement de l'Espagne. Par la
- suite, dans une
- communication du 26 février 1988, cette fédération a envoyé
- des informations
- complémentaires à l'appui de sa plainte signées des quatre
- sections syndicales
- représentant les travailleurs au sein de l'entreprise Alumina
- Aluminio, à
- savoir les sections de l'Intersyndicale nationale des travailleurs
- galiciens,
- des commissions ouvrières, de l'Union générale des travailleurs
- et de l'Union
- syndicale ouvrière. Le gouvernement a envoyé une réponse
- aux allégations des
- organisations plaignantes dans une lettre du 8 juillet 1988.
- 134. L'Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et
- la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention
- (no 98) sur le
- droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 135. La Fédération mondiale des travailleurs de l'industrie
- (FMTI),
- elle-même affiliée à la Confédération mondiale du travail (CMT),
- a expliqué,
- dans une lettre du 9 février 1988, qu'à la demande de son
- affiliée, l'Union
- syndicale ouvrière (USO), elle présentait des allégations de
- persécutions
- syndicales et de graves atteintes à la liberté syndicale contre
- le
- gouvernement de l'Espagne.
- 136. D'après la FMTI, les faits sont les suivants: à la suite de
- l'accident
- d'un bateau panaméen dénommé "CASON" qui s'était échoué
- sur les côtes de
- Galice provoquant la mort de 25 marins, alors qu'il transportait
- des fûts de
- produits toxiques et dangereux, une vague de panique s'est
- emparée de la
- région. Les habitants de villages entiers ont fui et des milliers
- de
- personnes, sous la conduite des autorités locales, se sont
- vigoureusement
- opposées au transport des fûts (qui continuaient à faire
- surface près des
- côtes de Galice) pour être réembarqués. C'est dans ce climat
- de terreur que
- les fûts qui contenaient des substances radioactives ont
- abouti à
- l'embarcadère de l'usine Alumina Aluminio sise à San Ciprian
- près de Lugo en
- Galice. Les travailleurs de cette usine, effrayés par la présence
- de tels
- fûts, ont alors abandonné leurs postes de travail, provoquant
- la paralysie de
- l'usine par une attitude parfaitement compréhensible, si l'on
- tient compte de
- la peur et de la confusion qui régnaient alors.
- 137. La FMTI admet dans sa communication que la remise
- en marche des hauts
- fourneaux de cette usine d'aluminium a coûté des milliards de
- pesetas. Elle
- explique par ailleurs que l'usine métallurgique Alumina Aluminio
- est une
- entité paraétatique qui dépend de l'Institut national de
- l'industrie ainsi que
- des ministères de l'Industrie et de l'Economie et des Finances
- et elle dénonce
- le fait que l'ensemble des membres du comité d'entreprise, soit
- 23 personnes,
- ont été licenciés, sans attendre la décision des autorités du
- travail alors
- qu'il s'agissait de syndicalistes qui auraient dû être protégés
- par l'immunité
- syndicale. En outre, toujours d'après la FMTI, 109 travailleurs
- ont été
- licenciés et des mesures de restructuration menacent près de
- 600 postes de
- travail. Les travailleurs injustement sanctionnés ont été traités
- de saboteurs
- et considérés comme seuls responsables des événements qui
- se sont produits
- dans cette usine. Or, d'après la FMTI, les responsables du
- sinistre sont de
- l'autre côté et il est inadmissible que cette série de représailles
- s'abattent
- sur les travailleurs, sur l'organisation syndicale et sur ses
- représentants
- légitimes.
- 138. Dans une lettre ultérieure du 26 février 1988, signée des
- quatre
- sections syndicales représentant les travailleurs dans
- l'entreprise, la FMTI
- fournit des renseignements complémentaires à propos de sa
- plainte d'où il
- ressort que les fûts débarqués du bâtiment sinistré à Finisterre
- ont été
- acheminés par voie terrestre sur plus de 200 km pour être
- réembarqués au
- complexe Alumina Aluminio alors que d'autres ports, plus
- proches, auraient pu
- servir à leur embarquement, tels que Corcubion, Cee ou
- Muros.
- 139. Tout au long du trajet terrestre de ces fûts, prétend la
- FMTI,
- l'administration a fait évacuer la population civile (en indiquant
- il est vrai
- qu'il n'y avait pas de danger). Il faut souligner qu'aucune
- information
- publique n'avait été fournie aux populations sur les substances
- contenues dans
- lesdits fûts. Leur arrivée au complexe Alumina Aluminio a donc
- provoqué
- l'inquiétude naturelle et l'émoi qui frappaient tous les endroits
- où les fûts
- stationnaient ou circulaient. Elle n'avait été précédée
- d'aucune communication
- préalable (même pas à l'adresse des représentants des
- travailleurs. Aussi la
- mauvaise foi avec laquelle l'administration a fait ce cadeau
- aux ouvriers du
- complexe en question est considérée par la FMTI comme très
- grave compte tenu
- de ce que, pour ces mêmes fûts, ladite administration avait
- ordonné et avait
- fait procéder à l'évacuation de toute la population sur le lieu où
- le bateau
- qui les transportait s'était échoué (puisqu'il y avait eu 25 morts
- parmi les
- membres de l'équipage).
- 140. Toujours selon la communication de la FMTI,
- l'administration s'est mise
- en tort dans cette affaire, au travers de l'autorité du travail qui
- ne s'est
- même pas déplacée sur les lieux et ne s'est opposée à aucun
- moment à la
- décision des représentants des travailleurs de recommander
- l'évacuation du
- personnel. Cette recommandation, d'après la FMTI, a été prise
- en pleine
- responsabilité et connaissance des faits face à une situation
- exceptionnelle.
- La FMTI s'insurge contre le représentant de l'administration
- espagnole qui
- maintenant qualifie les représentants des travailleurs (alors que
- l'affaire
- est encore sub judice) de révolutionnaires et d'irresponsables,
- alors que
- c'est pleinement conscients de leurs responsabilités qu'ils ont
- estimé qu'il
- leur revenait de recommander l'évacuation de l'usine de la
- même manière que
- l'administration elle-même avait fait procéder à l'évacuation des
- lieux où les
- fûts dangereux circulaient.
- 141. Les conséquences de cette affaire ont été le
- licenciement massif de 110
- ouvriers et de 24 représentants des travailleurs, précise la
- FMTI, qui ajoute
- que ces mesures ne sont pas conformes aux principes qui
- inspirent
- l'Organisation internationale du Travail dont l'Espagne est l'un
- des Etats
- Membres.
- B. Réponse du gouvernement
- 142. Dans sa lettre du 8 juillet 1988, le gouvernement
- explique qu'il
- convient de distinguer entre a) les mesures disciplinaires
- adoptées par
- l'entreprise Alumina Aluminio contre 111 travailleurs et 23
- membres du comité
- d'entreprise, et b) la suspension du contrat de travail de 574
- travailleurs
- dans le cadre de la restructuration de l'emploi autorisée par
- l'administration
- du travail.
- 143. Sur le premier point, le gouvernement déclare n'avoir
- rien à voir avec
- les décisions prises alors que, sur le second, les organes
- compétents du
- ministère du Travail et de la Sécurité sociale sont intervenus
- pour autoriser
- la suspension des contrats, demandée conformément à la
- procédure.
- 144. S'agissant du premier point relatif aux mesures
- disciplinaires, le
- gouvernement précise qu'elles ont été adoptées par les
- organes de direction de
- l'entreprise Aluminio Espagnol - Alumina Espagnole SA à
- laquelle appartient
- ledit complexe dans le cadre de la relation de travail qui lie
- cette personne
- juridique avec ses travailleurs. D'après le gouvernement, la
- personnalité
- juridique de cette entreprise se distingue complètement de
- celle de l'Institut
- national de l'industrie et donc de celle du gouvernement.
- Donc, l'imputation
- de persécutions syndicales et de graves atteintes à la liberté
- d'association
- présentée par les plaignants contre le gouvernement manque
- de base légale et
- est inexacte et erronée. Le gouvernement estime qu'il n'a rien
- à voir avec ces
- mesures de sorte que toute plainte ou réclamation qui
- pourraient être
- présentées devraient l'être contre l'entreprise qui a décidé
- d'imposer de
- telles sanctions disciplinaires. L'appréciation de l'opportunité
- de ces
- mesures relève, indique le gouvernement, des instances
- judiciaires du travail
- (art. 55 et suiv. de la Charte des Espagnols et art. 97 et suiv.
- de la loi sur
- la procédure en matière de travail). Le Tribunal du travail a
- d'ailleurs déjà
- rendu deux décisions au sujet des recours introduits par les
- 111 travailleurs
- et par les membres du comité d'entreprise qui ont été
- congédiés. Le
- gouvernement communique copie de ces décisions.
- 145. Au sujet du grief selon lequel les membres du comité
- d'entreprise ont
- été licenciés sans attendre la décision des autorités du travail,
- alors qu'il
- s'agissait de syndicalistes qui auraient dû être protégés par
- l'immunité
- syndicale, le gouvernement réfute cette allégation étant donné
- qu'il estime
- qu'en aucun cas il n'est prévu par la loi que l'administration
- jouit d'un
- pouvoir d'intervention à l'égard des agissements sanctionnés,
- même s'il est
- vrai que la procédure de licenciement des représentants des
- travailleurs est
- particulière en ce sens qu'elle garantit aux intéressés
- l'ouverture d'une voie
- de recours contradictoire en cas de sanction disciplinaire et
- une priorité à
- demeurer dans l'entreprise s'il s'agit d'un licenciement qui est
- considéré
- comme non fondé. Dans le présent cas, selon le
- gouvernement, les mesures
- disciplinaires ont été prises par l'employeur et elles ont fait
- l'objet d'une
- procédure judiciaire ce qui confère aux deux parties un
- système complet de
- possibilité de recours afin que la défense de leurs intérêts soit
- complètement
- garantie.
- 146. S'agissant du second point relatif à la suspension
- autorisée par
- l'administration du travail des contrats de 574 travailleurs, le
- gouvernement
- explique qu'en vertu de l'article 45, alinéa 1, de la Charte des
- travailleurs
- les cas de force majeure provisoire et les motifs économiques
- et
- technologiques empêchant l'exécution du travail sont des
- causes de suspension
- de contrats de travail. Or, sur cette base, d'après le
- gouvernement, personne
- n'a contesté le fait qu'à la suite des événements survenus les
- 14 et 15
- décembre 1987 les deux séries d'électrolyses de l'usine ont été
- paralysées
- pour un certain temps, en principe pour plusieurs mois, ce qui
- a provoqué
- l'impossibilité pour les travailleurs qui travaillent dans ce
- secteur de
- l'entreprise d'exécuter leur travail. Le gouvernement joint à sa
- communication
- la copie des résolutions édictées par la Direction provinciale
- du travail et
- de la sécurité sociale de Lugo et par la Direction générale du
- travail, y
- relatives. La paralysie de ces séries d'électrolyses est, d'après
- le
- gouvernement, un fait incontestable qui d'ailleurs a été
- constaté par le
- Tribunal du travail de Lugo dans sa décision judiciaire
- susmentionnée.
- 147. La suspension desdits contrats de travail était donc une
- conséquence
- inévitable que l'autorité du travail a sanctionnée par une
- autorisation, et le
- comité d'entreprise dans son recours, s'il a discuté du sort des
- travailleurs
- qui ont été licenciés ou de la manière dont devait s'organiser le
- travail
- pendant la période de suspension des contrats de travail, n'a à
- aucun moment
- discuté du bien-fondé de l'adoption de la mesure de
- suspension des contrats,
- qui est l'élément central en la matière. L'autorité du travail s'est
- donc
- contentée de faire droit aux requêtes en application de l'article
- 47 de la
- Charte en autorisant l'adoption de la mesure de suspension
- des contrats,
- mesure que, sur le fond, aucune des deux parties ne discutait.
- 148. Enfin, s'agissant de la non-intervention des autorités du
- travail aux
- fins de faire cesser la paralysie des activités déclenchée par le
- comité
- d'entreprise, le gouvernement précise que cet aspect du cas a
- fait l'objet des
- considérants 12 et 13 de la décision du Tribunal du travail no
- 2 de Lugo, du
- 23 mars 1988, concernant le licenciement des membres du
- comité d'entreprise
- qu'il a joints à sa réponse.
- 149. Dans les considérants de la décision judiciaire en
- question, le juge
- indique que les deux parties soutiennent des versions
- diamétralement opposées
- dans cette affaire à propos de l'article 19, alinéa 5, de la
- Charte qui
- prévoit qu'en cas de risque imminent d'accident la cessation
- des activités
- d'une entreprise peut être décidée par les organes compétents
- de l'industrie
- en matière de sécurité ou par la totalité des représentants des
- travailleurs
- dans les entreprises dont le processus est continu, et qui
- prévoit aussi que
- la décision doit être communiquée immédiatement à l'entreprise
- ou à l'autorité
- du travail laquelle, dans les vingt-quatre heures, l'annule ou la
- ratifie. Le
- juge, à cet égard, estime que les conditions exigées par le
- texte n'étaient
- pas réunies puisque si les demandeurs et les défendeurs
- avaient, dans un
- premier temps, accepté de concert la paralysie des
- installations, que le
- délégué au travail de la junte de Galice assistait à la réunion
- entre les
- parties et qu'en conséquence l'exigence de communication à
- l'autorité du
- travail avait été remplie, l'autorité du travail ayant
- connaissance des
- événements puiqu'elle était présente dans l'usine et qu'elle
- avait tenu des
- réunions avec les intéressés, cependant, d'après le juge, il ne
- faut pas
- oublier que le législateur exige en premier lieu, pour la mise en
- oeuvre de la
- norme, que le risque d'accident soit imminent, ce qui était,
- d'après lui,
- peut-être le cas, dans un premier temps, étant donné
- l'inquiétude sociale qui
- avait été provoquée par ce chargement, mais qui ne l'était plus
- lorsque
- l'entreprise, par la suite, avait demandé aux membres du
- comité d'entreprise,
- alors que les fûts avaient été transportés à bord du bateau
- Galerno, à une
- distance suffisante de l'usine, soit environ 1.000 ou 2.000
- milles marins,
- d'assurer un service minimum car la situation des cuves
- d'électrolyse était
- grave et que, si elle empirait, elle risquait de conduire à la
- paralysie du
- complexe. Le comité d'entreprise n'en avait pas tenu compte
- alors que
- l'entreprise voulait seulement éviter que soient rendues
- inutilisables (et par
- la suite, c'est ce qui s'est produit) les 256 cuves du processus
- d'électrolyse. Pour le juge, il n'était plus possible d'estimer qu'il
- y avait
- risque imminent d'accident et, cependant, le comité
- d'entreprise a insisté sur
- sa position de ne pas tenir compte des demandes de
- l'entreprise pour une
- reprise des activités.
- 150. Le juge indique aussi dans ses considérants que le
- comportement des
- demandeurs, à partir du moment où le bateau Galerno était
- sorti de
- l'embouchure du port de San Ciprian et au moins à partir du
- moment où le
- bateau était à l'ancre dans la zone appelée "Las Farralones",
- manque
- absolument de fondements juridiques étant donné que le
- prétendu danger ou
- risque pour l'intégrité physique des travailleurs avait disparu
- dès lors que
- le chef de la protection civile avait délivré un certificat de
- le complexe. D'autre part, s'agissant des conditions imposées
- par le comité
- d'entreprise, le 15 décembre, au sujet du paiement des heures
- non travaillées,
- et s'agissant de l'exigence du comité d'entreprise d'obtenir un
- engagement
- signé de la direction pour que le bateau ne retourne pas dans
- le port, le juge
- estime que ces questions auraient pu être discutées après que
- les travailleurs
- aient rejoint leur poste de travail, ce qui aurait permis d'éviter
- les
- dommages qui, par la suite, sont survenus aux cuves. Le juge
- considère donc
- qu'étant donné que par la suite l'employeur a insisté auprès du
- comité
- d'entreprise pour que les travailleurs reprennent immédiatement
- le travail
- afin de sauver la série B ainsi que le reste du complexe, sans
- que cette
- demande ait été satisfaite et qu'étant donné que les causes
- qui pourraient
- avoir justifié au moins partiellement l'attitude du comité
- d'entreprise
- avaient disparu, il est, selon lui, difficile de comprendre le
- comportement
- dudit comité d'entreprise de maintenir l'arrêt de travail puisque,
- à ce
- moment-là, l'arrêt de travail semblait avoir comme unique
- fondement le
- paiement par l'entreprise des heures non travaillées.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 151. Le comité observe dans cette affaire que les allégations
- ont trait à
- des mesures de licenciement considérées par les plaignants
- comme
- discriminatoires. Ces mesures ont frappé 23 représentants des
- travailleurs
- d'un comité d'entreprise ainsi que 111 travailleurs qui ont
- participé à un
- arrêt de travail, puis 574 travailleurs qui, par la suite, ont vu
- leurs
- contrats suspendus à cause de la paralysie des installations
- d'une entreprise
- résultant d'un arrêt de travail dans une usine d'aluminium en
- décembre 1987.
- 152. Selon les plaignants, ces licenciements constituent des
- mesures de
- persécution syndicale et de graves atteintes à la liberté
- syndicale imputables
- au gouvernement. En revanche, pour le gouvernement, il faut
- distinguer entre
- 1) les mesures disciplinaires prises contre les représentants des
- travailleurs
- et les travailleurs en grève, qui l'ont été par l'employeur et non
- par le
- gouvernement, et le fait que les intéressés disposent du droit
- de recourir en
- justice contre la décision de l'employeur et qu'ils l'ont exercé,
- et 2) les
- mesures de suspension de contrats de travail que les autorités
- publiques ont
- autorisées du fait de la force majeure provisoire et des motifs
- économiques et
- technologiques empêchant l'exécution du travail, à savoir qu'à
- la suite de la
- paralysie initiale du travail deux séries d'électrolyse de l'usine
- ont été
- arrêtées pour un certain temps, en principe pour plusieurs
- mois.
- 153. Les plaignants ne contestent pas cet arrêt des séries
- d'électrolyse,
- mais ils estiment que la responsabilité de l'arrêt ne devrait pas
- leur être
- imputable et qu'elle devrait l'être à l'autre partie.
- 154. Le comité a pris connaissance de la vaste
- documentation envoyée tant
- par le gouvernement que par les plaignants, et en particulier
- du texte des
- décisions de justice confirmant les licenciements des membres
- du comité
- d'entreprise, mais infirmant ceux des 111 travailleurs accusés
- d'avoir refusé
- de déférer aux réquisitions de service minimun, et le texte d'un
- acte notarial
- communiqué par les plaignants.
- 155. Il ressort du jugement confirmant les licenciements des
- 23 membres du
- comité d'entreprise rendu le 23 mars 1988, sans indemnité ni
- salaire, et
- acquittant l'employeur que les faits sont les suivants: le matin
- du 5 décembre
- 1987, le bateau battant pavillon panaméen dénommé Cason
- s'étant échoué près du
- port de pêche de Finisterre, plusieurs membres de l'équipage
- ont trouvé la
- mort et plusieurs explosions se sont produites à bord. Par la
- suite, le 11
- décembre à 21 h 15, le Secrétaire général du gouvernement
- civil de Lugo a
- indiqué au directeur du complexe Alumina Aluminio SA de San
- Ciprian qu'un
- convoi réservé s'acheminait par camions au port du complexe
- afin d'être chargé
- sur un bateau qui devait arriver à minuit. Les camions ne sont
- pas arrivés à
- l'heure convenue. Cependant, le jour suivant, à 8 h 45, un
- convoi de trois
- camions qui transportaient les containers et les fûts provenant
- du bateau
- Cason est arrivé à la porte principale du complexe et s'est
- arrêté près de la
- plage de Aro, près du lieu-dit Portiño de Moras, où se trouve le
- port
- auxiliaire qui avait été utilisé pendant la construction du
- complexe. Ce port
- est éloigné du port récent qui est actuellement utilisé. Une
- vingtaine de
- policiers entouraient les camions afin de les protéger.
- 156. Le 12 décembre, vers 10 h 50, une réunion entre le
- directeur de l'usine
- et le comité d'entreprise s'est tenue afin, pour ce dernier, de
- s'enquérir de
- ce que le directeur savait au sujet du chargement. Le directeur
- a seulement
- indiqué que, la veille, il avait eu un entretien avec le Secrétaire
- général du
- gouvernement civil de Lugo. Le comité d'entreprise a regretté
- la décision du
- gouverneur civil et a indiqué qu'il considérait qu'elle était
- préjudiciable
- aux travailleurs de l'usine. Il proposait de faire sortir les fûts, ce
- que le
- directeur a fait savoir par téléphone au gouvernement de
- Lugo. Le gouvernement
- a alors indiqué qu'il envoyait à l'usine le chef provincial de la
- protection
- civile afin d'expliquer ce que contenait le chargement. Ce
- fonctionnaire,
- s'étant réuni à l'usine avec le directeur, le comité d'entreprise
- et les
- autorités locales, a expliqué que ce chargement devait être
- évacué par San
- Ciprian et qu'il contenait des substances organiques
- complexes de type
- aromatique, comme de l'aniline (dérivé du benzène, matière
- employée dans
- l'industrie des colorants synthétiques) et de l'orthocresol (extrait
- de
- goudron de houille). Il a affirmé que ces matières, bien que
- inflammables,
- pouvaient être manipulées sans danger. Après diverses
- interventions de
- personnes présentes, le comité d'entreprise a annoncé qu'à 16
- heures tous les
- travailleurs et leur famille tiendraient une réunion dans les
- locaux de
- l'usine. Le directeur et les autorités ont reçu en outre un télex
- indiquant
- que la décision d'évacuer le chargement des restes du Cason
- par le port de San
- Ciprian avait provoqué, parmi le personnel, une réaction
- particulièrement vive
- qui risquait de conduire à un arrêt des installations et que,
- compte tenu des
- caractéristiques de ces installations, l'arrêt pouvait avoir des
- conséquences
- graves et irréversibles. Le télex demandait en conséquence
- que la décision
- prise soit reconsidérée et assurait de la collaboration de ses
- auteurs pour
- s'efforcer de trouver des solutions afin d'éviter les risques.
- 157. Une nouvelle réunion entre le directeur et le comité eu
- lieu ce même 12
- décembre, au cours de laquelle le directeur a indiqué que le
- Gouverneur en
- personne était disposé à se rendre à l'usine pour fournir des
- explications. Le
- comité a maintenu son opposition à ce que les fûts soient
- chargés dans le port
- de San Ciprian tout en ne s'opposant pas à la venue du
- Gouverneur, mais il a
- ajouté que, si celui-ci persistait dans son ordre de charger les
- fûts par ce
- port ou de faire entrer le bateau qui devait prendre ces fûts
- dans le port,
- les travailleurs abandonneraient l'usine et qu'ils édifieraient des
- barricades
- à l'entrée de l'usine pour en empêcher l'entrée, étant donné la
- crainte causée
- par le fait qu'ils ignoraient le contenu des fûts qui avait donné
- lieu à
- l'évacuation du port de Finisterre et à divers incidents et
- scènes de panique.
- Le directeur de l'usine a accepté les barricades et autorisé
- l'usage de
- camions de l'usine pour le transport de matériels afin de
- bloquer les issues.
- Vers 21 h 30, le Gouverneur est arrivé à l'usine, il a expliqué
- au directeur
- et au comité d'entreprise les raisons de sa décision. Le comité
- a répliqué en
- lui opposant ses arguments à l'égard du chargement. La
- réunion n'a pas abouti
- à un accord. Le 13, le directeur a de nouveau rencontré le
- comité pour lui
- expliquer que le chargement ne contenait pas de risques. Le
- comité a répondu
- qu'aucun travailleur ne collaborerait au chargement des fûts.
- De longues
- tractations entre la direction et les autorités locales ont suivi.
- Cependant,
- le 14 à 12 h 30 le Directeur a communiqué par écrit au comité
- qu'il
- considérait la grève comme illégale et lui a demandé
- formellement de désigner
- le personnel destiné à accomplir le service minimum. Le comité
- réplique par
- écrit à 17 heures qu'il demande l'évacuation immédiate du
- complexe par tous
- les travailleurs. Le 15, alors qu'une entreprise extérieure avait
- chargé les
- fûts sur le bateau Galerno le 14 à 21 h 30 et que ce bateau
- était sorti de
- l'embouchure du port et avait atteint la zone appelée "Las
- Farralones", à
- environ 2.000 milles marins du port à 22 h 10, le directeur de
- l'entreprise a
- demandé à nouveau aux membres du comité d'entreprise
- d'assurer un service
- minimum pour empêcher la paralysie du complexe, étant donné
- que la situation
- des cuves était grave. Le comité a refusé, arguant du fait que
- la situation
- des cuves d'électrolyse n'était pas si dramatique, que les
- travailleurs s'en
- occupaient et indiquant que la direction devait seulement
- mettre en place des
- tours de repos pour le personnel de direction qui avait prêté
- volontairement
- ses services pour le maintien des installations. A 1 h 45, la
- direction a
- envoyé au comité d'entreprise un ordre écrit de reprise du
- travail que le
- comité a refusé de recevoir car la direction ne répondait pas,
- selon lui, aux
- points qu'il avait soulevés. A 6 h 30, puis à 8 heures, le comité
- d'entreprise
- a, à nouveau, été requis d'effectuer un service minimum, et
- des appels par la
- radio ont été adressés dès 9 heures aux travailleurs. A 10
- heures, l'arrêt
- automatique de la série A a eu lieu, le mécanisme de
- protection de la série
- s'étant déclenché, supprimant l'aspiration des gaz riches afin
- de ralentir le
- refroidissement des cuves. Cet arrêt a été communiqué par
- écrit au comité
- d'entreprise ainsi qu'aux autorités publiques. A 12 h 45, sur les
- personnes qui travaillaient sur la série, quatorze ont été priées
- de prendre
- du repos pour raisons médicales, seules quatre personnes
- pouvant continuer de
- travailler au maximum pendant une heure ou deux. A 15
- heures, l'évacuation de
- la série B a, elle aussi, été ordonnée et le mécanisme
- automatique a été
- déclenché, ce qui a été communiqué au comité d'entreprise et
- aux autorités
- publiques susmentionnées. De 15 heures à 17 h 30, le
- délégué au travail est
- arrivé dans l'entreprise pour servir de médiateur entre le comité
- et la
- direction, laquelle a indiqué au délégué qu'il était nécessaire
- que l'équipe
- reprenne le travail immédiatement afin de tenter de sauver la
- série B, étant
- donné que la série A était irrémédiablement perdue. La
- direction proposait: 1)
- un retour immédiat au travail; 2) de qualifier de fautes graves et
- non de
- fautes très graves les agissements du comité d'entreprise; 3)
- que les
- sanctions les concernant soient soumises à la décision
- arbitrale du délégué du
- travail; 4) la soumission du différend sur le paiement des
- heures non
- travaillées à l'arbitrage du directeur général de la junte de
- Galice. Le
- comité a répondu, par l'entremise du délégué au travail, qu'il
- était d'accord
- avec deux des quatre propositions mais qu'il n'acceptait pas
- de pertes de
- salaires pour les heures non travaillées et qu'il exigeait un
- engagement écrit
- selon lequel le bateau ne reviendrait pas dans le port.
- Quelques tractations
- nouvelles s'en sont suivies, puis la direction a annoncé que la
- série B
- s'était déconnectée automatiquement à 17 heures et que la
- seule offre qu'elle
- pouvait encore faire était que le personnel reprenne
- immédiatement le travail
- pour sauver ce qui pouvait encore être sauvé. Le comité a
- accepté que les
- travailleurs entrent dans l'usine et connectent les séries pour
- remettre de
- nouveau les machines en marche, mais alors, c'est la direction
- qui s'y est
- opposée, indiquant qu'il était impossible de connecter une
- série sans mettre
- en danger la sous-station électrique, et donc qu'il n'était plus
- possible de
- remettre les séries en marche de manière normale. A 22
- heures, les services
- d'électrolyse étaient irrécupérables par les moyens normaux.
- 158. Les plaignants contestent cette version des faits et ils
- dès 19 h 30 le 15 décembre, les membres du comité
- d'entreprise ont proposé aux
- représentants de la direction de reprendre le travail et de
- négocier après,
- mais que la direction leur a refusé l'entrée de l'entreprise alors
- que, selon
- eux, le 16, quand la direction a laissé certains travailleurs
- entrer, ils ont
- constaté que les cuves d'électrolyse étaient encore en bon
- état et que
- l'aluminium, au lieu d'être solidifié, était liquide (ce qui est
- normal) et à
- une température de 735o Celsius pour la série A et à 760oC
- pour la série B
- (alors que, normalement, elle aurait dû être à 960oC). Ils
- joignent à cet
- égard un acte notarial du 17 décembre 1987 faisant état des
- constatations d'un
- notaire qui confirme leur dire à propos des températures, en
- ajoutant
- toutefois que, devant lui, les travailleurs ont introduit une
- baguette
- métallique dans les cuves pour lui faire observer que ladite
- baguette
- s'enfonçait de 30 ou 40 centimètres dans le liquide sans,
- cependant, qu'il
- puisse voir dans quelle direction elle s'enfonçait.
- 159. Compte tenu du jugement du tribunal du travail de Lugo,
- le comité
- estime que, dans les circonstances particulières du cas, le
- licenciement des
- membres du comité d'entreprise ne porte pas atteinte à la
- liberté syndicale.
- 160. S'agissant des 111 travailleurs licenciés, le comité
- observe que, par
- décision judiciaire du 9 mars 1988, le tribunal a estimé que leur
- licenciement
- était nul et qu'il a condamné l'unité de travail Aluminio
- espagnol aluminia
- espagnola à la réintégration immédiate des intéressés dans
- leur poste de
- travail ainsi qu'au paiement des salaires qu'ils n'avaient pas
- perçus depuis
- leur licenciement jusqu'à la date de leur réintégration au motif
- que les
- démarches préalables au licenciement n'avaient pas été
- effectuées et que
- l'entreprise n'avait pas spécifié individuellement à tel ou tel
- travailleur
- qu'il serait licencié. Le juge a donc considéré que l'entreprise
- avait eu une
- attitude arbitraire lorsque aucun travailleur n'ayant accompli
- son travail,
- elle a décidé de licencier les uns plutôt que les autres, à savoir
- 111 des 240
- travailleurs de ce centre de travail.
- 161. Au sujet des licenciements de ces 111 travailleurs, le
- comité note avec
- intérêt que le tribunal les a donc annulés et qu'il a ordonné la
- réintégration
- des travailleurs licenciés au motif que l'entreprise a agi dans
- une attitude
- arbitraire licenciant certains travailleurs plutôt que certains
- autres et ne
- spécifiant pas individuellement à chaque travailleur qu'il serait
- licencié. En
- conséquence, le comité estime qu'il n'y a pas lieu de
- poursuivre l'examen de
- cette question.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 162. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration a approuvé les recommandations suivantes:
- a) Se référant au jugement du tribunal du travail de Lugo, le
- comité estime
- que, dans les circonstances particulières du cas, le
- licenciement des membres
- du comité d'entreprise ne porte pas atteinte à la liberté
- syndicale.
- b) Le comité note avec intérêt que le licenciement de 111
- travailleurs de
- l'usine a été annulé par une décision du tribunal et que les
- intéressés ont
- été réintégrés dans leur poste de travail.