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- 79. La plainte du Syndicat unitaire des travailleurs de la Société de prévoyance de Lima figure dans une communication du 9 mars 1988. Ce syndicat a présenté des informations complémentaires à l'appui de sa plainte ainsi que de nouvelles allégations dans une communication du 22 avril 1988. Le gouvernement a répondu par communication en date du 24 octobre 1988.
- 80. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 81. Le Syndicat unitaire des travailleurs de la Société de prévoyance de Lima fait état d'actes d'ingérence et de discrimination antisyndicale de la part de ladite société, qui auraient eu pour objet de démanteler le syndicat et de conduire à la création d'un syndicat parallèle proche de la société, à savoir:
- - Décision prise en septembre 1986 par le gérant de la société de suspendre l'exercice des fonctions syndicales (avec levée des privilèges syndicaux) de M. Víctor Otoya, secrétaire général, et de trois autres dirigeants syndicaux sous prétexte qu'on n'avait pas procédé à l'élection d'un nouveau comité directeur. A deux reprises, l'autorité judiciaire a enjoint au gérant de s'abstenir d'intervenir dans les activités et dans le fonctionnement du syndicat; actuellement, depuis la formation d'un nouveau recours, l'affaire est soumise à la Cour suprême du Pérou.
- - Ouverture d'une procédure administrative disciplinaire contre M. Víctor Otoya, secrétaire général, en novembre 1986, à la suite de laquelle l'intéressé a été licencié le 25 mai 1987, sous prétexte d'avoir formulé des accusations publiques et réitérées contre des fonctionnaires de l'institution. Selon l'organisation plaignante, le licenciement susmentionné avait été motivé par la dénonciation, par le syndicat, d'irrégularités financières commises par le gérant de la Société de prévoyance, lequel fut ultérieurement poursuivi pénalement pour délits de prévarication, d'atteinte au patrimoine, de fraudes, etc. Selon l'organisation plaignante, le dirigeant syndical, M. Otoya, ne peut intenter de recours judiciaire contre son licenciement car la société doit au préalable se prononcer sur un recours pour reconsidération de sa décision de licenciement, ce qu'elle n'a pas fait sous prétexte que le dossier administratif en question aurait été "perdu".
- - Actions du gérant de la Société de prévoyance tendant à constituer un syndicat favorable à celle-ci. A cet égard, l'organisation plaignante signale que, le 25 novembre 1986, le directeur général de la Société de prévoyance a adressé une note aux travailleurs les informant de la tenue d'une assemblée destinée à faire le point sur la situation du syndicat, réunion à laquelle il était obligatoire d'assister, et désignant à cet effet MM. Dikey Fernández et Augusto Medina. Ces deux travailleurs avaient signé en mai 1987, avec la société et en tant que représentants des travailleurs, un document sur les conditions économiques et professionnelles dans lequel le syndicat était ignoré. Par la suite, en novembre 1987, un syndicat bénéficiant de la protection de la Société de prévoyance a demandé à être enregistré mais la documentation pertinente lui a été retournée pour qu'il réponde à certaines observations formulées par la Direction nationale du personnel.
- - Par une note du 5 février 1988, le gérant de la société a demandé à la direction de l'Institut national de l'administration publique que, étant donné qu'il s'était écoulé deux ans sans que le premier comité directeur (non provisoire) du syndicat plaignant ait été élu, ce cas soit soumis à la Cour suprême de justice en vue d'appliquer les règles relatives à la dissolution des organisations syndicales. Dans la même note, il était dit qu'un autre syndicat était en voie de constitution "avec le large appui des travailleurs" et il était demandé à la direction de l'INAP d'indiquer avec quel groupement syndical la Société de prévoyance devait traiter à l'avenir. A cet égard, la direction de l'INAP a indiqué ultérieurement que les décisions du syndicat en cours de formation seraient nulles et non avenues et que le renouvellement du comité directeur du syndicat existant devait intervenir "dans les plus brefs délais, dès l'achèvement de la procédure judiciaire devant la Cour suprême" (suspension du dirigeant syndical, M. Otoya, de ses fonctions syndicales).
- - En avril 1988, le syndicat proche de la Société de prévoyance a invité tous les travailleurs à un déjeuner où tous les frais (orchestre, repas, boissons et autres) étaient payés par la Société de prévoyance; le programme de la journée comprenait "un salut de la direction générale aux travailleurs".
- 82. De plus, l'organisation plaignante allègue qu'elle a demandé en novembre 1987 le versement de la prime de fin d'année prévue dans les conventions collectives, à la suite de quoi le gérant de la société a formulé une contre-proposition d'un montant inférieur, prime qui a été versée ultérieurement sans qu'intervienne aucune négociation. De même, la direction générale a octroyé unilatéralement en mars 1988 des allocations de scolarité et d'habillement prévues par les conventions collectives.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 83. Dans sa communication du 24 octobre 1988, le gouvernement déclare que la destitution de M. Víctor Otoya Petit, sur décision du 25 mai 1987 prise par la direction générale, est une conséquence des fautes que l'intéressé a commises, ce qui fut constaté à la suite de l'enquête administrative à laquelle il fut procédé et au cours de laquelle l'intéressé a eu la possibilité de se défendre; dans cette procédure, aucune règle de droit n'a été enfreinte. De plus, il n'a toujours pas été statué sur le recours intenté par cet ancien travailleur contre la décision de la direction générale.
- 84. Le gouvernement ajoute qu'il est inexact de dire que la Société de prévoyance encourage et soutient économiquement un syndicat (dit Syndicat unifié des travailleurs de cette société) et que, de la note du 25 novembre 1986, on peut seulement déduire que des mesures ont été prises pour tenir une réunion afin d'exposer aux travailleurs la situation du syndicat de la société, ce qui prouve au surplus que les facilités nécessaires ont été accordées aux activités syndicales et qu'il n'y avait pas eu d'interférence. En ce qui concerne la note du gérant de la société, en date du 5 février 1988, le gouvernement signale qu'il n'y a eu aucune interférence car, si ladite société s'est adressée à l'Institut national de l'administration publique (INAP), ce fut pour que, aux fins de maintenir la paix sociale, l'INAP lui indique avec quel groupement syndical elle devait traiter à l'avenir, étant donné que le syndicat unitaire des travailleurs de la société ne disposait pas de représentant légitimement élu par le comité provisoire, et qu'il existait par ailleurs un groupement, le Syndicat unifié des travailleurs de la Société de prévoyance de Lima, qui avait présenté une demande d'agrément en bonne et due forme. En ce qui concerne la dissolution du syndicat conformément aux dispositions légales en vigueur (article 21 du décret suprême no 003-82-PCM), il a été demandé que l'INAP intervienne dans cette affaire conformément aux procédures légales et à seule fin que ledit syndicat régularise sa situation de sorte que les travailleurs soient légitimement représentés dans l'exercice de leurs droits auprès de la société.
- 85. Le gouvernement indique en outre qu'il est exact qu'à l'occasion de la célébration de la Journée du travailleur du secteur public un repas réunissant les travailleurs a été organisé, mais que l'organisation de ce repas et les dépenses y afférentes ont incombé à la société, d'où il ressort qu'il est erroné d'affirmer que le Syndicat unifié de la société avait patronné cette activité, comme le prétend l'organisation plaignante.
- 86. Enfin, le gouvernement déclare que le montant des primes de fin d'année et des allocations de scolarité et d'habillement, prévues dans les conventions collectives, ne pouvait être supérieur en raison de la situation financière critique de la Société de prévoyance.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 87. Le comité constate que, dans le présent cas, l'organisation plaignante a formulé essentiellement des allégations relatives à la suspension de l'exercice des fonctions syndicales de divers dirigeants par décision du gérant de la Société de prévoyance, au licenciement du secrétaire général du syndicat, M. Otoya, et à une série de mesures prises par la société tendant à détruire le syndicat et à constituer une autre association favorable à ladite société.
- 88. En ce qui concerne la suspension du droit de quatre dirigeants syndicaux d'exercer leurs fonctions à partir de septembre 1986, le comité observe que le gouvernement n'a pas envoyé d'observations spécifiques sur ce sujet, étant donné que l'affaire a fait l'objet d'un nouveau recours judiciaire, après deux jugements favorables au secrétaire général du syndicat enjoignant au gérant de la Société de prévoyance de s'abstenir d'intervenir dans les activités et le fonctionnement du syndicat. Dans ces conditions, ces suspensions ne résultant pas d'une décision du syndicat ou de l'autorité judiciaire mais étant imputable au gérant de la Société de prévoyance, le comité se doit de déplorer que, depuis plus de deux ans, les dirigeants en cause aient été suspendus de leurs fonctions syndicales et demande que les mesures de suspension en question soient annulées, comme l'ont ordonné les deux décisions judiciaires.
- 89. En ce qui concerne le licenciement de M. Víctor Otoya, secrétaire général du syndicat, le comité prend note de ce que, selon le gouvernement, celui-ci a été destitué en mai 1987 à la suite de fautes commises par lui et dûment prouvées au cours de la procédure administrative qui a suivi, et de ce que l'appel intenté par l'intéressé devant la direction de la société est toujours en instance. A cet égard, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas précisé les fautes imputées à M. Víctor Otoya, étant donné que l'organisation plaignante, se référant à la procédure administrative de destitution au cours de laquelle furent invoquées des accusations publiques et réitérées formulées contre des fonctionnaires de la société, avait signalé en particulier que ladite destitution découlait de la dénonciation, par le syndicat, d'irrégularités financières du gérant de la société ayant donné lieu à des poursuites intentées contre ledit gérant pour divers délits. Le gouvernement n'ayant pas expressément nié ces déclarations de l'organisation plaignante, le comité en conclut qu'il existe des indices fondés pour considérer que la destitution de M. Otoya est liée à l'exercice de ses fonctions de dirigeant syndical. Par ailleurs, le comité déplore que, un an et demi après la destitution de M. Otoya, la direction n'ait pas donné suite au recours interjeté par l'intéressé, en raison, d'après l'organisation plaignante, de la "perte" du dossier, ce qui empêche du même coup M. Otoya d'intenter un recours judiciaire. Par conséquent et en considération de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que M. Otoya puisse réintégrer son poste de travail, et souligne le principe contenu à l'article 1 de la convention no 98 et à l'article 4 de la convention no 151 selon lequel les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tout acte ayant pour objet de renvoyer un travailleur ou de lui causer un préjudice quelconque en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales.
- 90. Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations d'ingérence de la Société de prévoyance dans la constitution d'un nouveau syndicat qui lui serait favorable, le comité prend note des observations fournies par le gouvernement. Il note en particulier que le gouvernement déclare que, contrairement à ce qui est allégué par l'organisation plaignante, le repas réunissant tous les travailleurs en avril 1988 ne fut pas organisé par le syndicat rival mais par la Société de prévoyance et financé par elle. Le comité désire souligner cependant que certaines explications du gouvernement sur d'autres allégations liées à la constitution du syndicat rival ne paraissent pas satisfaisantes et qu'elles sont parfois incomplètes. En particulier, le comité ne comprend pas la raison pour laquelle la société a organisé une réunion pour exposer aux travailleurs la situation du syndicat, ni l'établissement, en marge du syndicat, d'un document sur les conditions de travail signé par "des représentants des travailleurs" qui semblent précisément avoir été ceux qui ont entamé les démarches en vue de constituer le syndicat rival. Si l'on ajoute à cela que le gérant de la Société de prévoyance a sollicité de l'autorité administrative supérieure la dissolution du syndicat et si l'on tient compte des conclusions du comité exposées dans les paragraphes antérieurs et regrettant la suspension de dirigeants syndicaux par le gérant de l'entreprise, ainsi que le licenciement de l'un d'eux, le comité doit conclure qu'en violation de l'article 2 de la convention no 98 et de l'article 5 de la convention no 151 les autorités de la Société de prévoyance ont pris une série de mesures au préjudice du syndicat et tendant à favoriser la constitution d'une autre organisation syndicale. Par conséquent, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que se produisent de nouveaux actes d'ingérence antisyndicale de la Société de prévoyance au préjudice du syndicat.
- 91. Enfin, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les montants des primes de fin d'année et des allocations de scolarité et d'habillement prévues dans les conventions collectives ne pouvaient être supérieurs à ceux qui avaient été octroyés, et ce en raison de la situation financière critique de la Société de prévoyance.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 92. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que le dirigeant syndical Víctor Otoya, licencié par la Société de prévoyance, a été empêché d'intenter un recours devant les tribunaux, en raison de la perte du dossier par l'entreprise. En conséquence, le comité demande que M. Otoya, qui n'a pu bénéficier de toutes les garanties judiciaires nécessaires, soit réintégré dans son poste de travail.
- b) Le comité demande que les mesures de suspension ayant affecté plusieurs dirigeants syndicaux soient annulées, comme l'ont ordonné deux décisions judiciaires.
- c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher que ne se produisent de nouveaux actes d'ingérence antisyndicale de la part des autorités de la Société de prévoyance.