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- 420. Dans un premier temps, la Fédération syndicale mondiale (FSM) a adressé au BIT une demande d'intervention à propos d'une violation alléguée des droits syndicaux dans le secteur de l'électricité en République dominicaine par une communication du 31 août 1990. Par la suite, le Syndicat des travailleurs de la Société dominicaine d'électricité (SITRACODE) a présenté une plainte formelle à propos de cette affaire dans une communication du 28 septembre 1990, et la Confédération des travailleurs indépendants a envoyé certains documents à l'appui de la plainte en question, le 19 octobre 1990. Enfin, plus récemment, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et le SITRACODE ont adressé des allégations supplémentaires dans des communications des 17 et 18 janvier 1991.
- 421. Le gouvernement a envoyé ses commentaires et observations dans des communications des 27 septembre, 9, 14, 15 et 16 novembre 1990 et 28 janvier 1991.
- 422. La République dominicaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 423. Selon les plaignants, le 24 août 1990 le gouvernement de la République dominicaine a ordonné l'occupation par l'armée du siège central du Syndicat des travailleurs de la Société dominicaine d'électricité (SITRACODE) et a fait procéder à l'arrestation de nombreux syndicalistes sous prétexte qu'ils étaient responsables de plusieurs coupures récentes d'électricité. De plus, la direction de l'entreprise a menacé les intéressés de licencier 4.000 des 6.000 travailleurs de la société du fait qu'ils s'étaient mis en grève. Cette action fait suite aux mesures économiques draconiennes imposées par le Fonds monétaire international et par la Banque mondiale, et à la grève générale de quarante-huit heures déclenchée par plusieurs organisations syndicales, les 13 et 14 août 1990.
- 424. Plus spécifiquement, les plaigants expliquent que le 19 août 1990 le gouvernement a nommé un nouvel administrateur à la tête de la Société dominicaine d'électricité, lequel dès qu'il est arrivé dans l'entreprise a renvoyé tous les dirigeants et les délégués syndicaux du SITRACODE ainsi que 2.000 travailleurs qui y sont affiliés. L'administrateur a en effet prétendu que l'enregistrement du syndicat était annulé et que le pacte collectif signé entre l'entreprise et le syndicat n'était plus en vigueur, dès lors que, selon lui, le syndicat n'existait plus. Le gouvernement a alors fait encercler le siège du syndicat à Santiago les 24 et 25 août et il a fait arrêter 18 personnes dont les principaux dirigeants de Santiago du SITRACODE.
- 425. Plusieurs coupures de presse envoyées par la Confédération des travailleurs indépendants viennent corroborer les dires des plaignants qui estiment que ces actes arbitraires des autorités publiques constituent des violations des articles 3 de la convention no 87, 4 de la convention no 98 et 5 de la convention no 154.
- 426. Ultérieurement la CISL, dans une communication du 17 janvier 1991, a manifesté son inquiétude de ce que le 20 novembre 1990 le secrétaire d'Etat au Travail a déposé devant le procureur du district de Saint-Domingue une demande d'annulation de la personnalité juridique des centrales syndicales suivantes: la Confédération générale des travailleurs (CGT), la Confédération des travailleurs indépendants (CTI), la Confédération des travailleurs de classes (CTC), la Confédération des travailleurs progressistes (CTP), la Confédération des travailleurs majoritaires (CTM) et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT). Selon la CISL, le secrétaire d'Etat, pour justifier cette mesure, fait valoir que ces organisations se seraient adonnées à des activités subversives en vue d'obtenir la démission du gouvernement lors de la grève générale déclenchée au mois de novembre 1990. La CISL explique que le 19 novembre les centrales syndicales dominicaines ont appelé à un arrêt de travail pour protester contre la hausse des prix des produits de première nécessité et réclamé une politique économique moins préjudiciable aux travailleurs et aux secteurs populaires, que la grève s'est poursuivie jusqu'au 21 novembre, mais que son affiliée lui a assuré qu'au cours de la grève en question aucun acte de subversion n'a été commis par les organisations syndicales. La CISL demande au comité d'exhorter le gouvernement à rendre la personnalité juridique aux organisations syndicales susmentionnées.
- 427. Parallèlement, le SITRACODE, dans une communication du 18 janvier 1991, réitère les allégations qu'il a soumises précédemment et ajoute des allégations supplémentaires de violations des libertés syndicales et de négociation collective ainsi que des droits de l'homme commises par le gouvernement: 1) détention et agression physique du secrétaire général et du secrétaire aux conflits du SITRACODE le 15 novembre 1990; 2) détention et présentation à la presse du militant syndical Félix Santana le 7 novembre 1990; 3) persécution et menace de mort à l'encontre du secrétaire général de la zone sud du pays; 4) mise en place par l'administration de la Société dominicaine d'électricité d'un comité exécutif du syndicat parallèle le 19 janvier 1991; 5) détention des militants syndicaux Pascual Diaz, Juan Serrá Pantaleon Silva et Ramon Paulino le 4 janvier 1991 dans la ville de Bani; 6) extension unilatérale de la durée du travail portée à dix heures par jour et obligation de travailler le samedi jusqu'à midi; 7) interdiction du paiement des heures supplémentaires, quelle qu'en soit la durée; 8) interdiction du paiement des per diem; 9) retenue illégale des chèques de la plupart des travailleurs de la société correspondant aux quinzaines du 31 août 1990 au 15 janvier 1991; 10) suspension unilatérale et arbitraire des conquêtes sociales obtenues dans la convention collective telles que l'assurance médicale, le plan de pension et de retraite, les allocations lors de décès, les primes à la naissance et les allocations familiales, etc, les primes, les congés payés et les étrennes. Le SITRACODE, après avoir regretté l'attitude rétrograde du nouvel administrateur de la société, explique que le 8 septembre 1990 le mouvement syndical et le gouvernement étaient parvenus à un accord en 20 points prévoyant que les travailleurs licenciés par la société seraient considérés comme suspendus et que, dans les quinze jours, le conflit serait réglé. Or il regrette que ceci ne se soit toujours pas produit. Le SITRACODE joint à l'appui de ces allégations des coupures de presse faisant état de l'encerclement politico-militaire de son local, de l'agression dont ont été l'objet le secrétaire général Ignacio Soto, le secrétaire à l'Education Eliaser Batista Matos, de l'arrestation et du licenciement massif de dirigeants et de militants syndicaux ainsi qu'une copie de l'accord du 8 septembre 1990 signé avec le Président de la République.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 428. Dans une première réponse du 27 septembre 1990, le gouvernement rétorque, au sujet de ce qu'il appelle le conflit qui a éclaté entre certains travailleurs et la direction de la Société dominicaine d'électricité, que les travailleurs en question se sont opposés de manière coercitive à la nomination du nouvel administrateur général. Il ajoute cependant qu'avec le concours d'un représentant de l'Eglise catholique un pacte social a été signé le 8 septembre 1990 entre le gouvernement et les principales organisations de travailleurs afin de créer une commission composée d'un représentant de la Société, d'un fonctionnaire du gouvernement, d'un représentant des organisations syndicales, d'un représentant du SITRACODE, et d'un délégué de l'Eglise catholique pour étudier la situation et faire rapport au Président de la République.
- 429. Dans une seconde communication du 9 novembre 1990, le gouvernement ajoute au sujet de ce conflit, de l'annulation de l'organe directeur du SITRACODE et du licenciement de plusieurs ouvriers et employés de cette société, que le secrétariat d'Etat au Travail a reçu plusieurs plaintes en provenance des deux parties alléguant différents types de violation des conditions de travail contenues dans le pacte collectif et qu'il est intervenu comme médiateur et conciliateur entre les parties mais qu'il n'a pas encore, à l'époque de l'envoi de sa communication au BIT, terminé les investigations étant donné que les dirigeants du SITRACODE n'ont pas daigné recevoir le groupe d'inspecteurs du travail que le secrétaire d'Etat a désigné à cet effet. Le gouvernement demande au BIT d'user de son influence auprès des syndicalistes pour qu'ils collaborent ouvertement à l'enquête afin qu'elle puisse être menée à terme.
- 430. Ultérieurement, le secrétaire d'Etat au Travail dans une lettre du 14 novembre 1990 explique que la Société dominicaine d'électricité, seule entreprise génératrice d'électricité du pays, appartenant entièrement au peuple et donc entreprise de service public a porté plainte devant son secrétariat d'Etat, en dénonçant la violation du pacte collectif signé avec l'entreprise par la direction du syndicat du SITRACODE, notamment la séquestration par la direction syndicale de véhicules appartenant au peuple dominicain, le refus d'accepter le nouvel administrateur général, la menace d'interrompre totalement la production d'énergie électrique si le gouvernement ne destitue pas immédiatement l'administrateur général. De plus, indique le secrétaire d'Etat au Travail, la direction syndicale a lancé un appel aux usagers pour qu'ils s'abstiennent de payer leur consommation d'électricité, ce qui a occasionné la perte de millions pour la Société dominicaine d'électricité.
- 431. Dans sa lettre, le secrétaire d'Etat indique aussi que du 19 au 25 août 1990 les dirigeants du SITRACODE ont provoqué une grande agitation et qu'ils ont entraîné avec eux d'autres syndicalistes en violation de l'article 8, paragraphe 11 d), de la Constitution qui reconnaît aux travailleurs des entreprises privées le droit de grève dans le cadre de la loi, mais qui interdit la grève à l'Administration, aux services publics et aux services d'utilité publique. Cependant, d'après cette lettre, le 22 octobre 1990, la direction générale du travail de la République dominicaine a tout de même envoyé quatre inspecteurs du travail pour recueillir des informations auprès des dirigeants du syndicat en question. Bien que ces inspecteurs aient insisté pour rencontrer le secrétaire général de ce syndicat M. Ignacio Soto, ils n'y sont pas parvenus, ledit secrétaire général se contentant de répondre "Je ne vois pas pourquoi je devrais rencontrer ces messieurs".
- 432. Le secrétaire d'Etat au Travail ajoute dans sa lettre que pour le moment la République dominicaine traverse des difficultés économiques et que l'heure est au travail et non aux grèves, et il regrette la campagne de discrédit internationale orchestrée par les dirigeants syndicaux dominicains qui frappe son pays.
- 433. Dans une autre lettre du 15 novembre 1990, le secrétaire d'Etat au Travail indique que le 26 octobre 1990 le secrétaire général du SITRACODE, M. Soto, s'est rendu devant son ministère accompagné de 200 personnes, que le groupe a causé de grands désordres et qu'il a terrorisé les travailleuses du ministère. Le secrétaire général du SITRACODE a exigé de lui qu'il accompagne le groupe devant le Congrès national. Devant son refus, il l'a mis au défi d'appeler la police pour faire dégager les travailleurs.
- 434. Le secrétaire général du SITRACODE était accompagné d'un député du Congrès national, la vice-présidente du Parti des travailleurs dominicains, ainsi que du secrétaire général de la Centrale des travailleurs indépendants. Les deux dirigeants syndicaux se sont emparés de meubles qui appartiennent à l'Etat pour s'en faire une estrade et, pendant plus d'une heure, ils ont insulté le secrétaire d'Etat au Travail et le Président de la République.
- 435. Enfin, dans une troisième lettre du 16 novembre 1990, le secrétaire d'Etat au Travail dénonce devant l'OIT l'appel à la grève générale que la Centrale générale des travailleurs (CGT), la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Centrale des travailleurs majoritaires (CTM) et la Centrale des travailleurs indépendants (CTI) ont lancée du 19 au 23 novembre 1990 pour demander la démission du gouvernement. Le secrétaire d'Etat affirme qu'il s'agit d'une grève de solidarité avec le SITRACODE. Il précise qu'aucune de ces centrales ne s'est conformée à la procédure légale pour déclencher la grève et qu'en conséquence il ne s'agit que d'un appel à une manifestation politique qui risque de se convertir en association de malfaiteurs.
- 436. Compte tenu de ce que lesdites centrales ne se sont pas conformées aux articles 373 et 374 du Code du travail elles s'exposent, précise-t-il à être jugées pour violation de la loi no 5915 et encourent les sanctions prévues par l'article 356 du Code du travail qui dispose que "L'enregisgrement des syndicats, fédérations et confédérations peut être annulé par décision des tribunaux de première instance: a) si le syndicat se livre à des activités étrangères à ses fins légales; b) si ses représentants légaux, ses dirigeants ou ses propres affiliés provoquent, incitent, parrainent, appuient ou, de toute autre manière, déclenchent une grève sans avoir observé antérieurement les conditions exigées par le Code du travail. L'annulation de l'enregistrement des syndicats, fédérations et confédérations entraîne de plein droit leur dissolution."
- 437. Le secrétaire d'Etat au Travail conclut qu'avec cet appel à la grève les syndicats dominicains se sont placés au-dessus des lois.
- 438. Dans une communication ultérieure parvenue au BIT le 28 janvier 1991, le secrétaire d'Etat au Travail explique à nouveau les raisons pour lesquelles il a engagé des recours en justice contre les centrales syndicales qui, avec les partis politiques, ont déclenché la grève générale des 19 au 21 novembre 1990 en dehors de la légalité constitutionnelle. Selon lui, en droit du travail comparé le droit de grève n'est, dans le cas d'espèce, absolument pas pertinent puisqu'il s'agit d'employés publics et de service essentiel d'utilité publique et que le conflit a été soumis sans succès aux procédures de conciliation avec l'autorisation de 60 pour cent des travailleurs de l'entreprise. Le secrétaire d'Etat ajoute qu'aux termes de l'article premier de la loi no 5915 les grèves peuvent être déclarées illégales quand elles ont pour objet des motifs politiques, ce qui fut le cas puisque les centrales contre lesquelles le gouvernement a engagé des recours demandaient publiquement la démission du gouvernement et qu'en outre elles se sont solidarisées avec la lutte désordonnée du SITRACODE. Aux termes de l'article 2 de la loi no 5915, les peines encourues sont de quinze jours à six mois de prison et de 30.000 à 50.000 pesos d'amende, ou les deux, et elles pourront être infligées aux organismes syndicaux en ce qui concerne les amendes et à leurs représentants légaux en ce qui concerne les peines de prison. En outre, en application de la loi no 680 du 31 mars 1965 amendant la loi no 5915, la personnalité juridique des syndicats, fédérations et confédérations pourra être annulée. Le secrétaire d'Etat conclut qu'aucune convention de l'OIT ne réglemente le droit de grève. La convention no 87 garantit la liberté syndicale, mais elle ne contient aucune disposition sur la grève. Il en déduit que le droit de grève ne peut être au-dessus de l'intérêt public, lequel a servi de base au recours en justice qu'il a introduit contre certaines centrales syndicales telles que la CTM, la CUT, la CTC, la CTI et d'autres organisations pour activités délictuelles et soutien à une grève aux motifs politiques et de solidarité syndicale. L'affaire sera jugée par la première chambre pénale du tribunal de première instance du district national lors d'un jugement public, oral et contradictoire.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 439. D'après les informations disponibles et en particulier les coupures de presse envoyées par les plaignants relatant les événements du mois d'août 1990 et les observations du gouvernement, le comité observe que la plainte a trait à un conflit du travail d'une grande ampleur qui se déroule depuis la mi-année dans le secteur de l'électricité et qui touche maintenant les quatre centrales syndicales. Ce conflit du travail, a été marqué par des grèves, l'occupation du local du Syndicat des travailleurs de la Société dominicaine d'électricité (SITRACODE), l'encerclement par les forces de l'ordre dudit local, l'arrestation parfois violente de quelque 18 militants et dirigeants syndicaux, leur détention pendant cinq jours, l'annulation de la direction syndicale et le licenciement massif de quelque 2.000 travailleurs. Une tentative de conciliation a été menée sous les auspices de l'Eglise catholique par la signature d'un pacte social au début du mois de septembre pour étudier la situation et faire rapport au Président de la République. Parallèlement des plaintes, à la fois des dirigeants du SITRACODE et de la direction de l'entreprise, ont été portées devant le secrétariat d'Etat au Travail pour violation de la convention collective. Une enquête a été diligentée par le gouvernement, mais elle n'aurait pu aboutir à cause du refus des dirigeants syndicaux de recevoir les inspecteurs du travail chargés de l'enquête. De nouvelles manifestations et une grève de solidarité ont été déclenchées du 19 au 21 novembre par plusieurs centrales syndicales du pays pour soutenir les revendications du SITRACODE.
- 440. Le comité note que le gouvernement se borne à indiquer avoir signé un pacte social pour étudier la situation, mais qu'il déclare également que l'heure est au travail et non aux grèves et que les grèves sont interdites dans l'Administration, les services publics et les services d'utilité publique. Le gouvernement a également introduit des recours en annulation par voie judiciaire des quatre centrales syndicales qui ont, sans se conformer à la procédure légale, déclenché une grève de solidarité avec le SITRACODE.
- 441. Le comité a toujours considéré le droit de recourir à la grève comme un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations et l'un des moyens essentiels dont il dispose pour faire valoir leurs revendications économiques et sociales. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 364.) Par ailleurs, le comité a souligné à maintes reprises que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail, ou revendications collectives d'ordre professionnel, mais qu'ils englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l'entreprise et qui intéressent directement les travailleurs (op. cit., paragr. 368).
- 442. Dans le cas d'espèce, cependant, à l'origine la grève a eu lieu dans le secteur de l'électricité et le gouvernement a fait valoir qu'en République dominicaine la grève est interdite dans les services d'utilité publique, laissant entendre qu'elle est interdite dans le secteur de l'électricité.
- 443. Le comité a admis que le droit de grève pourrait faire l'objet de restriction, voire d'interdiction dans la fonction publique ou les services essentiels à savoir ceux dont l'interruption risque de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité des personnes, dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires, pour protéger les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels (op. cit., paragr. 393.).
- 444. De l'avis du comité, si le secteur de l'électricité peut être considéré comme un service essentiel où le droit de grève peut être limité, de toute évidence, d'après les informations communiquées tant par les plaignants que par le gouvernement, les travailleurs de ce secteur, depuis le début du conflit en août 1990, n'ont pas bénéficié pour le règlement de ce différend de procédures compensatoires de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés auraient dû pouvoir participer et dans lesquelles les sentences rendues auraient dû être appliquées entièrement et rapidement comme l'a suggéré le comité à plusieurs reprises (op. cit., paragr. 397). En effet, la référence faite par le gouvernement à une enquête menée à la suite des plaintes tant de la direction de l'entreprise que des dirigeants syndicaux ne saurait équivaloir à la procédure compensatoire de conciliation et d'arbitrage à laquelle il est fait référence ci-dessus.
- 445. Le comité relève avec préoccupation que le gouvernement a introduit des actions en justice pour obtenir l'annulation de la personnalité juridique de plusieurs centrales syndicales du pays pour avoir déclenché une grève qu'il qualifie de politique et de solidarité avec le SITRACODE. Cette grève a duré deux jours, du 19 au 21 novembre, et elle n'a pas été accompagnée d'actes de violence. Selon le gouvernement, les dirigeants des centrales encourent cependant des peines d'amende et de prison, ou les deux. A cet égard, le comité se rallie à l'opinion exprimée par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans son Etude d'ensemble de 1983 sur la liberté syndicale et la négociation collective lorsqu'elle estime que "les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue d'exercer une critique à l'égard de la politique économique et sociale des gouvernements. Cependant, les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale". La commission d'experts indique aussi qu'en ce qui concerne des grèves de solidarité, se greffant sur une grève déjà engagée par d'autres travailleurs, certains pays en reconnaissent la légitimité, et elle estime qu'une interdiction générale des grèves de solidarité risque d'être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir avoir recours à de tels mouvements, pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légitime. Enfin, la commission d'experts conclut que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grèves que dans les cas d'infraction à des interdictions de la grève conforme aux principes de la liberté syndicale. En outre, dans ces cas, les sanctions devraient être proportionnées aux délits commis et on ne devrait pas avoir recours aux mesures d'emprisonnement en cas de grève pacifique, l'application de sanctions pénales disproportionnées n'étant pas propre à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses (voir étude d'ensemble, paragr. 216, 217 et 223). Le comité rappelle au gouvernement qu'en devenant Membre de l'OIT il s'est engagé à respecter la liberté syndicale en droit comme en fait et il demande au gouvernement de ne pas poursuivre les procédures judiciaires qu'il a engagées contre les centrales et leurs dirigeants.
- 446. Le comité observe par ailleurs que le gouvernement n'a pas fourni de réponse aux allégations des plaignants relatives aux questions de licenciements des travailleurs grévistes, d'attaques des locaux syndicaux, d'arrestations de militants et de dirigeants syndicaux, d'annulation de l'organe directeur du syndicat et du fait que, selon l'entreprise, le pacte collectif est devenu caduc.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 447. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement de respecter le principe selon lequel le droit de grève est un moyen essentiel dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour faire valoir leurs revendications économiques et sociales.
- b) Le comité demande au gouvernement de garantir que, en cas de restriction ou d'interdiction du droit de grève dans les services essentiels, tels que notamment les services de l'électricité, les travailleurs bénéficient de procédures compensatoires de règlement des différends pour faire valoir leurs revendications.
- c) Le comité invite en conséquence instamment le gouvernement à assurer que des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés doivent pouvoir participer, soient mises en oeuvre pour résoudre ce conflit et que les sentences rendues soient appliquées entièrement et rapidement, et il demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le comité observe, en outre que, depuis plusieurs années, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a adressé au gouvernement des commentaires en ce sens et il attire l'attention de cette commission sur l'aspect législatif de ce cas.
- e) Le comité demande au gouvernement de répondre aux allégations auxquelles il n'a pas encore répondu et qui concernent les questions de licenciements de travailleurs grévistes, d'attaques des locaux syndicaux, d'arrestations de militants et de dirigeants syndicaux, d'annulation de l'organe directeur du syndicat et du fait que, selon l'entreprise, le pacte collectif est devenu caduc.
- f) En outre, le comité note avec préoccupation que le gouvernement a introduit des recours en justice afin d'obtenir l'annulation de la personnalité juridique de plusieurs centrales syndicales du pays et la condamnation des dirigeants syndicaux de ces centrales pour avoir déclenché une grève de deux jours. Le comité demande au gouvernement de ne pas poursuivre les procédures judiciaires qu'il a engagées contre les centrales et leurs dirigeants.