Visualizar en: Inglés - Español
- 420. Dans une communication datée du 30 septembre 1993, le Département des métiers du bâtiment et de la construction (AFL-CIO) a soumis une plainte pour violations de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Ontario). Dans une communication du 31 janvier 1994, la Fédération canadienne du travail (FCT) a exprimé son soutien à la plainte.
- 421. Le gouvernement fédéral, dans une communication du 15 février 1993, a transmis les observations et les informations du gouvernement de l'Ontario, datées du 9 février 1994.
- 422. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 423. Dans sa communication du 30 septembre 1993, l'organisation plaignante allègue que le gouvernement de l'Ontario a violé les dispositions de la convention no 87 en promulguant le projet de loi 80, loi modifiant la loi sur les relations de travail (ci-après dénommée "la Loi", qui a reçu la sanction royale le 14 décembre 1993. Selon l'organisation plaignante, la Loi, qui s'applique aux syndicats de l'industrie de la construction et spécifiquement à ses organisations affiliées, a été adoptée sans consultation préalable avec les organisations concernées. Elle modifie radicalement la relation entre les organisations qui lui sont affiliées et leurs sections locales en Ontario, en annulant les actes constitutifs des syndicats et en remplaçant la volonté des membres par la politique du gouvernement. Au lieu que les syndicats traitent des affaires syndicales intérieures régies par leurs actes constitutifs, c'est la Commission des relations de travail de l'Ontario, un bras du gouvernement, qui règle maintenant ces questions sans recourir aux actes constitutifs des syndicats.
- 424. L'un des principes les plus importants établis par la convention no 87, que le Canada a ratifiée, est que les travailleurs ont le droit de créer et, sous réserve des règlements de l'organisation concernée, d'adhérer à des organisations de leur choix sans autorisation préalable. Les organes de contrôle de l'OIT ont estimé que la seule restriction possible à ce droit devrait viser uniquement à assurer le respect des droits démocratiques au sein du mouvement syndical. (Voir 202e rapport, cas no 947, paragr. 240.) La Loi soulève des questions d'ordre aussi bien général que spécifique.
- 425. En ce qui concerne les premières, l'organisation plaignante déclare d'abord que, bien qu'il ait été dit que la Loi visait à améliorer la démocratie au sein des syndicats dans le secteur de la construction, aucune indication n'a été donnée quant aux problèmes qu'elle vise à corriger. En règle générale, les sections locales des syndicats du bâtiment sont des institutions démocratiques où les dirigeants locaux sont élus par les membres. Pour des raisons historiques, le pouvoir au sein de ces syndicats appartient en grande partie aux sections locales: ainsi, le président international d'un syndicat du bâtiment ne peut prendre la parole lors d'une réunion d'une section locale sans le consentement de cette dernière. Cette indépendance des sections locales n'existe dans aucun des syndicats industriels, qui exercent un contrôle beaucoup plus serré sur leurs sections locales que les syndicats de la construction. Si une protection est nécessaire pour les sections locales, c'est surtout à l'égard des syndicats industriels. La deuxième question d'ordre général est que cette législation ne touche que les syndicats de la construction, bien qu'il n'existe aucune raison pour les traiter différemment des autres syndicats. Troisièmement, les dispositions de la Loi, notamment celles qui ont trait aux fiduciaires, violent les garanties de la liberté syndicale prévues par la Charte canadienne des droits et des libertés. Quatrièmement, la Loi donne de nouveaux pouvoirs élargis à la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO) dans des domaines qui étaient auparavant de la compétence des comités exécutifs des syndicats de la construction.
- 426. Sur des questions plus spécifiques, la position du gouvernement est que l'article 138.2 donne aux sections locales des syndicats de l'industrie du bâtiment les mêmes droits de négociation que dans le secteur industriel, commercial et institutionnel ("ICI"). Dans le secteur ICI, l'agent négociateur désigné est d'ordinaire le syndicat international et un conseil de syndicats locaux qui négocient au nom de l'ensemble de ce syndicat dans le secteur ICI. Cela a entraîné la disparition d'accords nationaux séparés sur les projets industriels. La difficulté avec cette disposition est qu'il est difficile de déterminer quel pourcentage de l'industrie de la construction elle affecte. Les deux seuls secteurs qui ont des conventions collectives internationales sont les oléoducs et les systèmes d'énergie électrique. Très vraisemblablement, cet article vise notamment la convention applicable au personnel de maintenance, mais il n'est pas du tout clair que ces conventions soient affectées. Ces conventions, par exemple les conventions générales négociées par les présidents, ne sont pas des conventions de l'industrie de la construction, et se trouvent donc hors du champ d'application du paragraphe 1.
- 427. L'organisation plaignante déclare que si les principaux secteurs affectés par cette disposition sont les oléoducs et l'énergie électrique, il semblerait qu'elle risque d'avoir un effet très perturbateur dans des secteurs qui ont traditionnellement déployé beaucoup d'efforts pour organiser leurs relations de travail. Il s'agit souvent de grands projets de longue durée, et c'est la capacité des syndicats locaux à les traiter qui a donné en premier lieu naissance aux conventions internationales. Le fait de mettre ces projets hors du contrôle international ne sera pas vu par les promoteurs des ouvrages en question comme un développement rationnel. Dans d'autres secteurs de l'industrie, tels que les routes, les égouts, la construction résidentielle et les grands travaux, la majeure partie de ces relations de négociation n'implique pas du tout le syndicat international: il semble que, dans ces secteurs, l'article aura peu ou pas d'incidence.
- 428. En outre, le fait qu'il peut y avoir un conseil formé du syndicat parent et d'un syndicat local affilié ou d'un conseil de syndicats locaux ne veut pas dire grand-chose. Le pouvoir du ministre de modifier l'acte constitutif du syndicat international soulève une curieuse question: si, en vertu de son acte constitutif, le syndicat international est obligé d'en appliquer les dispositions, mais que le ministre établit des règles qui font du syndicat local et du syndicat international des partenaires égaux dans le nouveau conseil, lequel des deux partenaires aura le devoir d'appliquer les nouvelles règles au bénéfice des membres si le syndicat local et le syndicat international conspirent pour les enfreindre? Lorsque le ministre intervient dans les questions relatives aux statuts constitutifs des syndicats, il ne s'agit pas simplement de répartir les pouvoirs, il doit aussi se charger de contrôler et d'appliquer les nouvelles règles.
- 429. L'organisation plaignante souligne ensuite que, pour comprendre la signification de l'article 138.3, il convient de noter que l'article 138.1 définit le mot "juridiction" comme incluant "notamment la juridiction sur les plans géographique, sectoriel et sur le plan du travail". Chacun de ces trois aspects soulève ses propres problèmes. La question de la juridiction géographique des syndicats locaux est une question complexe. Tout d'abord, il faut se rappeler que les syndicats types du bâtiment ont été formés à l'origine en regroupant les syndicats locaux existants. Il est donc normal que les syndicats locaux soient protégés par le syndicat parent contre la création de nouveaux syndicats locaux. En général, un acte constitutif énoncera les règles selon lesquelles de nouveaux syndicats locaux peuvent être créés. Un autre problème, plus difficile, vient du fait qu'un syndicat local est une entité économique: pour avoir un personnel à plein temps, il doit donc avoir suffisamment de membres pour être financièrement viable. Etant donné que les techniques de construction changent, certains syndicats locaux se développent alors que d'autres déclinent. Au cours des dernières années, l'une des fonctions des syndicats parents a été de rationaliser les juridictions locales afin que les syndicats locaux restent des entités viables, ce qui a souvent provoqué des résistances de la part du syndicat local affecté (des personnes perdent leur position et leur emploi). Quoi qu'il en soit, le syndicat parent doit agir pour le plus grand bénéfice des membres. Si de telles décisions sont soumises à la Commission des relations de travail de l'Ontario, comment pourra-t-elle parvenir à une décision rationnelle? Elle devra faire les mêmes investigations et tenir compte des mêmes considérations que le syndicat parent, et elle sera sans doute confrontée aux mêmes plaintes que le syndicat parent traite normalement.
- 430. La question de la juridiction sectorielle est également compliquée. A l'origine, les secteurs étaient le reflet de conventions spéciales adoptées pour traiter les problèmes spéciaux. La question se pose uniquement parce qu'il y a des entrepreneurs qui veulent ces arrangements particuliers ou qui en ont besoin (puisqu'il y a des arrangements spéciaux, on comprend tout de suite qu'ils prêtent aux abus). La notion de secteur n'est pas universellement acceptée par les syndicats du bâtiment; toutefois, elle leur a été imposée par la structure de la loi sur les relations de travail en Ontario. La Loi régit uniquement le secteur ICI, mais cette structure donne aux autres secteurs une certaine forme de légitimité qui est souvent absurde (par exemple les chaudronniers dans le secteur de la construction routière). La question de la juridiction sectorielle touche les employeurs concernés et ne constitue pas une simple affaire syndicale interne. En vertu de ces dispositions, les deux syndicats locaux peuvent s'entendre pour renvoyer l'affaire au syndicat international, et les employeurs n'ont pas voix au chapitre; toutefois, si l'affaire est transmise à la CRTO (et un employeur peut le faire), la commission devra faire des allocations sectorielles, alors qu'il lui est presque impossible maintenant de faire des déterminations sectorielles.
- 431. Le problème le plus difficile que soulève cet article concerne la juridiction sur le plan des métiers. En général, la juridiction du travail pour les syndicats des métiers du bâtiment est définie dans les divers actes constitutifs des syndicats parents, ainsi que dans l'acte constitutif des syndicats locaux. Pour certains métiers, la description est cohérente en ce qu'elle a trait à une catégorie spécifique de travaux. Pour d'autres syndicats, la description des métiers peut couvrir un certain nombre de métiers ou de classifications distincts mais apparentés. Etant donné que les juridictions des divers syndicats parents se chevauchent dans les métiers du bâtiment, cela a conduit à des conflits juridictionnels entre les divers métiers. Une bonne partie du travail du Département des métiers du bâtiment et de la construction a consisté, au cours des années, à traiter ces conflits intersyndicaux. Il convient de noter que ces conflits concernent en général des employeurs qui sont tenus par des conventions avec l'un ou l'autre des syndicats concurrents. En général, la juridiction du syndicat a été traitée par le syndicat parent (ou le conseil exécutif du syndicat parent). Ce contrôle de dernier ressort sur les plaintes juridictionnelles est motivé par le fait que la conduite d'un syndicat local peut affecter négativement d'autres sections locales du même syndicat.
- 432. Certains problèmes potentiels soulevés par l'article 138.3 dépendent de l'interprétation donnée au paragraphe 1. Si la disposition est interprétée comme signifiant que nul (c'est-à-dire ni un syndicat international ni un syndicat local) ne peut modifier la juridiction telle qu'elle existait au 1er mai, un syndicat international ne pourra pas régler un conflit juridictionnel sans le consentement du syndicat local, quelles que soient les conséquences sur d'autres syndicats locaux du même métier. En revanche, si l'article est interprété comme concernant uniquement les modifications de juridiction proposées par le syndicat international, un syndicat local pourra modifier sa juridiction après le 1er mai. Dans ces circonstances, un syndicat local pourra réclamer une juridiction appartenant normalement à un autre métier, et le syndicat international ne pourra rien faire à ce sujet, même si la plainte risque de déclencher un conflit entre deux syndicats internationaux. Un syndicat local sans scrupules pourrait donc réclamer la juridiction sur un autre métier, déclenchant ainsi un conflit dans lequel les autres syndicats locaux de la province perdraient du travail, sans que personne, et notamment le syndicat international, puisse intervenir. Cette disposition soulève un autre problème: l'effet rétroactif du paragraphe 1. Quel motif concevable peut-il y avoir pour fixer un effet rétroactif au 1er mai 1992?
- 433. L'objet de l'article 138.4 est d'empêcher l'utilisation des deux dispositions précédentes pour démanteler les schémas de négociation existants. Cette protection est accordée aux arrangements de négociation à l'échelle de la province. Selon l'organisation plaignante, l'article 138.4 peut être utilisé pour atténuer certains problèmes mentionnés plus haut dans les secteurs des oléoducs et de l'énergie électrique, en ce qu'il empêche les syndicats locaux de démanteler complètement le schéma de négociation. Cette disposition protège également la législation provinciale sur la négociation en vigueur dans le secteur ICI contre les conséquences inattendues de l'article 138.3.
- 434. L'article 138.5 interdit aux syndicats parents (ou à un conseil de syndicats) d'intervenir dans les affaires d'un syndicat local ou d'imposer une peine à un dirigeant d'un syndicat local sans motif valable. Cette disposition soulève deux problèmes d'interprétation très spécifiques et extrêmement délicats. Qu'est-ce qui constitue une "entrave à l'autonomie locale" et selon quelles normes apprécie-t-on un "motif valable"? L'affaire se complique davantage du fait du pouvoir donné à la Commission des relations de travail de l'Ontario au paragraphe 3, qui suggère que la commission le droit d'ignorer (n'est pas liée par) "toute disposition de l'acte constitutif du syndicat". Cet article implique une conception des syndicats qui n'est correcte ni sur le plan légal ni sur le plan pratique. Un syndicat n'est pas une entité juridique, sauf pour divers objets en vertu de divers textes législatifs. Il y a à cela une bonne raison pratique: il convient de rappeler que, pendant des années, les employeurs ont voulu que les syndicats deviennent des entités juridiques afin qu'ils puissent être poursuivis de la même manière que les sociétés. Peu de gens comprirent pourquoi cela n'était pas possible. Le problème qui doit être résolu avant qu'un syndicat puisse devenir une entité juridique est de décider ce qui constitue un acte du syndicat. En clair, si le syndicat adopte une motion lors d'une réunion valablement convoquée et agit ensuite conformément à ladite motion, cet acte peut alors être défini comme étant un acte du syndicat. Toutefois, si un membre du syndicat, lors d'une manifestation "syndicale", tel qu'un piquet de grève, taillade un pneu sur la voiture d'un ouvrier de remplacement, peut-on appeler cela un acte du syndicat? Les autres membres du syndicat peuvent tout à fait dire qu'aucun membre n'était autorisé à agir illégalement et qu'ils ne doivent pas être liés (ou pénalisés, ou pâtir autrement) par suite de la conduite illégale d'un individu. Manifestement, les personnes appartenant à une association d'individus sont en droit de s'attendre à ce que les autres agissent conformément à la loi. Il n'y a pas de définition claire des conditions dans lesquelles les actes individuels engagent le syndicat, comme dans le cas d'une entité légale telle qu'une société commerciale, où le droit régissant la représentation peut permettre de déterminer si la conduite d'un individu engage l'entité légale. L'idée que les "actes" d'un syndicat local (tels que les expressions "d'autonomie locale") et les "actes" du syndicat parent (tels que "l'entrave") puissent être facilement déterminés est tout à fait incorrecte. En réalité, tous ces actes sont ceux d'individus, de dirigeants ou de commissions et entrent ou non dans le cadre de leurs attributions constitutionnelles.
- 435. Selon une théorie du fonctionnement des actes constitutifs des associations privées, l'acte constitutif est dans un certain sens un contrat entre chacun des membres. La relation entre un syndicat local et un syndicat parent est établie dans l'acte constitutif du syndicat parent et du syndicat local. Dans ce cadre, chaque individu membre a le droit de s'attendre à ce que l'acte constitutif soit appliqué pour son compte en conséquence de sa qualité de membre. La Loi annule toute action accomplie en vertu de l'acte constitutif et remplace ce dernier par la notion de motif valable. Si la Commission des relations de travail de l'Ontario le veut, elle peut dire qu'un acte a été accompli avec un motif valable parce que la personne appliquait l'acte constitutif mais, si la disposition de l'acte constitutif n'a pas l'heur de plaire à la commission, celle-ci peut l'ignorer et lui substituer sa propre notion de ce qui est convenable.
- 436. L'article 138.5 se réfère à l'autonomie d'un syndicat local, mais dans quel sens le syndicat peut-il avoir plus d'autonomie qu'en vertu de l'acte constitutif en vigueur? Il y a lieu de supposer que le syndicat local a un acte constitutif quelconque; qu'adviendrait-il si le syndicat parent se contente de mettre en vigueur l'acte constitutif propre du syndicat local? Comment peut-on dire qu'il y ait là une entrave à l'autonomie du syndicat local? L'autonomie locale inclut-elle les actions du syndicat local qui dépassent sa compétence? Mais il est certain que le droit des membres de voir tout abus de pouvoir stoppé est un droit qui doit être protégé. La réaction des tribunaux dans ces cas a été généralement de déférer l'affaire aux solutions syndicales internes, c'est-à-dire à l'action par le syndicat parent.
- 437. L'article 138.5 suggère que l'autonomie d'un syndicat local peut être entravée même si une telle action est requise par l'acte constitutif. Les actions requises par un acte constitutif sont faciles à déterminer, mais qu'est-ce que "l'entrave à l'autonomie locale"? A supposer, par exemple, que les membres de la commission exécutive d'un syndicat local décident qu'ils recruteront à temps partiel à des conditions autres que celles établies dans la convention collective, il est probable que, dans ce cas, ils agiraient contrairement à leurs propres règlements qui disposent que tous les membres doivent travailler à des conditions non moins favorables que celles stipulées dans la convention locale. Le syndicat parent, agissant pour appliquer le règlement, agirait clairement dans le cadre de ses droits et au mieux des intérêts des membres du syndicat local. Si le syndicat parent s'emploie à faire appliquer le règlement, estimera-t-on qu'il entrave alors l'autonomie locale? Comment l'application des règlements peut-elle être considérée comme une entrave à l'autonomie? Suggérer qu'il s'agit là d'une entrave revient à dire que les syndicats locaux ne sont rien d'autre qu'un groupe d'individus dont la conduite n'est régie par aucune règle, et qui ont le droit d'établir les règles qu'ils veulent à mesure qu'ils le souhaitent. Toutefois, l'article implique que les personnes agissant dans le cadre de l'acte constitutif du syndicat peuvent ne pas être en train d'agir avec motif valable. Comment peut-il en être ainsi lorsque, virtuellement, chaque membre, lorsqu'il devient membre, accepte de se conformer à l'acte constitutif de l'organisation et de le faire respecter? En vertu de cet article, faire respecter un acte constitutif peut constituer une infraction, alors qu'il s'agit souvent d'un devoir imposé par l'acte constitutif à un dirigeant du syndicat parent. Le problème est qu'aucun dirigeant d'un syndicat parent ne pourra savoir s'il est en train d'agir légalement ou non en Ontario jusqu'à ce que quelqu'un d'autre (CRTO) conclue qu'il avait un motif valable.
- 438. Il y a également un problème très spécifique en ce qui concerne le libellé du paragraphe 138.5 (4). Jusqu'à ce que la commission décide si une mesure décrite au paragraphe 2 a été prise sans motif valable, la personne affectée a le droit de recevoir son salaire et ses autres avantages sociaux comme si la mesure n'avait pas été prise, à moins que la commission n'en décide autrement. L'exemple le plus courant d'une mesure prise par un syndicat international par rapport à un syndicat local est peut-être la destitution d'un dirigeant du syndicat local pour vol des biens de ce dernier. Selon cette disposition, un dirigeant syndical, en pareil cas, contrairement au reste de la population, sera suspendu avec salaire jusqu'à ce que la CRTO décide s'il doit rembourser les salaires ou non. Dans ces circonstances, ne serait-il pas préférable de soumettre les salaires à une décision préliminaire de la CRTO?
- 439. En résumé, l'organisation plaignante allègue, en ce qui concerne l'article 138.5, que les actes constitutifs des syndicats ne doivent pas être ignorés ou traités aussi légèrement que ledit article l'implique. En fait, cet article constitue clairement une violation de la liberté syndicale assurée à chaque citoyen. Les syndicalistes ont le droit de fixer dans un acte constitutif les pouvoirs que les syndicats locaux et les syndicats parents doivent avoir. Il peut y avoir des exemples de mauvaise conduite de la part des syndicats parents, mais la véritable question est de savoir si cette conduite est si répandue que tous les actes constitutifs des syndicats dans les métiers du bâtiment doivent être assujettis au contrôle de la CRTO.
- 440. En ce qui concerne l'article 138.6, l'organisation plaignante déclare que cette disposition donne aux syndicats locaux le droit de désigner au moins la majorité des fiduciaires chargés d'administrer les régimes d'avantages rattachés à l'emploi, à l'exclusion des fiduciaires désignés par les employeurs. L'organisation plaignante craint que ces régimes soient en définitive appliqués par le système judiciaire. Il peut se faire que les votes requis soient très coûteux à tenir. On peut se demander si la CRTO est l'instance appropriée pour ce type de réglementation des documents fiduciaires.
- 441. En résumé, l'organisation plaignante déclare que ses organisations affiliées ont un siècle d'histoire au service des travailleurs de la construction et que leurs actes constitutifs ont été établis en congrès par leurs membres. Ces organisations n'ont pas enfreint les dispositions de leurs actes constitutifs, et il n'y a aucune raison de donner à la CRTO le pouvoir de contrôler leurs activités. En outre, il n'y a aucune raison de traiter les syndicats de la construction séparément et selon des normes différentes des autres syndicats de l'Ontario. L'organisation plaignante présente enfin une documentation abondante, y compris plusieurs rapports du comité législatif qui a tenu des auditions concernant le projet de loi no 80.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 442. Dans sa communication du 9 février 1994, le gouvernement de l'Ontario déclare que la Loi est conçue pour renforcer la démocratie et le contrôle local dans les relations entre les syndicats locaux de la construction de l'Ontario et leurs syndicats parents internationaux basés aux Etats-Unis (tous les principaux syndicats de la construction de l'Ontario sont affiliés à l'un des quatorze syndicats internationaux de la construction, eux-mêmes affiliés au Département des métiers du bâtiment et de la construction de la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO), à Washington DC). La Loi accorde aux syndicats locaux de la construction de l'Ontario: une protection contre les entraves injustifiées de la part de leurs syndicats parents; une protection de la juridiction locale contre une modification injuste par leur syndicat parent; un contrôle proportionnel sur leurs régimes de pensions et d'avantages; et des droits de négociation partagés avec leur syndicat parent dans les cas où celui-ci détient des droits de négociation exclusive au nom de ses syndicats locaux.
- 443. Les conventions et les principes de l'OIT reconnaissent que les gouvernements peuvent légitimement promulguer des règlements concernant les affaires syndicales en vue d'assurer le respect des droits démocratiques au sein du mouvement syndical. L'objet de la Loi est de protéger les droits démocratiques des syndicats locaux de la construction de l'Ontario dans leurs relations avec leurs syndicats parents internationaux. La Loi a été adoptée pour répondre à des plaintes que les syndicats locaux de la construction ont présentées depuis longtemps déjà au sujet des pouvoirs des syndicats parents internationaux d'entraver leur autonomie lorsque ceux-ci sont en désaccord avec les décisions locales reflétant des intérêts locaux. Depuis plusieurs années, les syndicats locaux de construction se sont plaints également de ce que leurs syndicats parents prenaient des mesures punitives arbitraires et injustifiées contre les syndicats locaux et leurs membres.
- 444. Des consultations très larges ont eu lieu depuis le dépôt du projet de loi 80 en juin 1992 jusqu'au stade des auditions publiques. Des réunions ont eu lieu tant avec les syndicats locaux qu'avec les représentants de syndicats internationaux de la construction, y compris le Département des métiers du bâtiment et de la construction de l'AFL-CIO, qui a présenté cette plainte, et le Conseil provincial des métiers du bâtiment et de la construction, qui représente tous les métiers syndiqués de la construction. Le projet de loi a fait l'objet, durant trois semaines, d'auditions publiques par un comité législatif qui a entendu ou reçu des soumissions de 42 syndicats et individus. Alors que tous les syndicats internationaux se sont opposés au projet de loi, un grand nombre de leurs syndicats locaux en Ontario ont déclaré qu'ils appuyaient le projet de loi.
- 445. Les actes constitutifs des syndicats internationaux de la construction donnent aux commissions exécutives et, dans certains cas, au président international seul une autorité extraordinaire sur les syndicats locaux de l'Ontario et sur leurs membres. Bien entendu, ces pouvoirs ne visent pas tous exclusivement le secteur de la construction. La différence principale est qu'un système de contrôle plus élaboré existe en dehors de l'industrie de la construction pour protéger la démocratie interne dans les relations entre les syndicats parents et les syndicats locaux. En dehors de l'industrie de la construction, les membres d'un syndicat local ont clairement le choix de quitter leur syndicat parent s'ils estiment qu'il les traite de manière inéquitable et non démocratique. La nature spéciale de l'industrie de la construction et les règles qui la régissent en vertu de la loi sur les relations de travail de l'Ontario rendent extrêmement difficile aux travailleurs de la construction d'exercer le même choix sans payer un prix nettement plus lourd que les travailleurs d'autres industries.
- 446. Le gouvernement explique pourquoi il a estimé que des protections spéciales étaient nécessaires dans le secteur de la construction, ce qui a abouti à l'adoption de la Loi. Les relations d'emploi dans l'industrie de la construction sont à maints égards différentes de ce qu'elles sont dans d'autres lieux de travail. Les travaux de construction sont généralement temporaires, à court terme et géographiquement disséminés. Les travailleurs passent d'un chantier à un autre et d'un employeur à un autre. En outre, le travail est très saisonnier, et les employeurs peuvent engager un grand nombre de salariés l'été et pratiquement fermer leurs chantiers l'hiver. L'industrie est organisée par métiers avec des syndicats séparés représentant des métiers et des activités spécifiques. Etant donné la nature hautement cyclique des travaux de construction et le besoin constamment changeant de qualifications différentes, les entrepreneurs de la construction ne gardent pas en général une main-d'oeuvre régulière. Ils comptent principalement sur les bureaux d'embauche des syndicats de métiers (hiring halls) pour leur fournir les travailleurs qualifiés dont ils ont besoin pour un projet spécifique. Les conventions collectives dans le secteur de la construction contiennent en général des clauses relatives à l'embauche, faisant obligation aux entrepreneurs syndiqués d'engager des travailleurs en provenance du bureau d'embauche du syndicat local. Eu égard aux particularités uniques de l'industrie de la construction, la loi sur les relations de travail de l'Ontario contient tout un ensemble de règles spéciales qui s'appliquent uniquement à l'industrie de la construction. Celles-ci sont énoncées dans une partie spéciale de la nouvelle Loi et couvrent un large éventail de questions, dont la négociation au niveau de la province, la négociation en présence de plusieurs employeurs, l'accréditation et les plaintes.
- 447. La combinaison du système du bureau d'embauche et des règles spéciales de négociation rend extrêmement difficile aux travailleurs de la construction de changer tout simplement de syndicat s'ils ne sont pas satisfaits du syndicat en place. En ce qui concerne les bureaux d'embauche, étant donné que le recrutement de la main-d'oeuvre est assuré par l'intermédiaire de ce système, il est très difficile pour un syndicat local de la construction de se séparer de son syndicat parent. En dehors de l'industrie de la construction, beaucoup de salariés étant liés à un seul employeur et ayant un lieu de travail fixe, la situation est beaucoup plus facile: les travailleurs peuvent tout simplement remplacer un syndicat par un autre qui entrerait en scène et continuerait à représenter les travailleurs de l'établissement; les travailleurs auraient tous encore leur emploi le lendemain. Dans la construction, la situation est entièrement différente. En raison de la nature de l'emploi, il ne suffit pas d'obtenir la désaccréditation à l'égard d'un seul employeur. Pour gagner leur vie, les travailleurs de la construction comptent principalement sur la possibilité d'obtenir des emplois à court terme avec divers employeurs par l'intermédiaire du bureau d'embauche. L'efficacité du bureau d'embauche syndical est fonction du nombre d'employeurs pour lesquels le syndicat local a obtenu une accréditation, étant donné que ce sont les seuls employeurs auxquels le bureau peut adresser les travailleurs. Un syndicat local qui remplacerait son syndicat parent perdrait son droit de travailler sur des projets de construction couverts par la convention collective internationale. Etant donné qu'un syndicat local couvre normalement un grand nombre d'employeurs dans une zone géographique donnée, un nouveau syndicat devrait essayer de désaccréditer le syndicat parent auprès du plus grand nombre possible de ces employeurs, afin que la désaffiliation soit rentable. Le nouveau syndicat devrait alors essayer de les réaccréditer tous et de négocier de nouvelles conventions collectives. La désaccréditation de quelques employeurs seulement ne servirait pas à grand-chose étant donné que les travailleurs n'auraient pas de bureau d'embauche efficace lorsque ces quelques employeurs n'auraient pas de travail.
- 448. Même si un nouveau syndicat local pouvait s'organiser, il subsisterait un obstacle supplémentaire. Les membres de ce nouveau syndicat perdraient les droits de mobilité géographique dont ils jouissaient sous le régime du syndicat international. Les syndicats internationaux ont un système de mobilité d'emploi qui permet aux membres de s'inscrire auprès du bureau d'embauche d'un syndicat local frère dans une autre partie de la province, au Canada, ou même aux Etats-Unis, s'il y a du travail là-bas. Cela représente une source importante de sécurité d'emploi pour de nombreux travailleurs de la construction. Les membres du nouveau syndicat local risqueraient également d'affronter des conflits longs et coûteux sur les pensions et les avantages, qui sont gérés par le syndicat (international) plutôt que par l'employeur. Dans l'industrie de la construction, où l'emploi et les avantages de l'emploi sont liés au syndicat plutôt qu'à un employeur, il est extrêmement difficile et coûteux pour les travailleurs d'exercer leurs droits démocratiques de quitter leur syndicat parent s'ils n'en sont pas satisfaits.
- 449. Le gouvernement souligne ensuite que l'une des conditions législatives particulières applicables à l'industrie de la construction de l'Ontario est le système de négociation obligatoire à l'échelle de la province dans le secteur ICI de l'industrie de la construction, système qui a renforcé le rôle des syndicats internationaux de la construction. Dans aucune autre industrie, le contrôle législatif de la négociation n'est aussi large et spécifique que dans le secteur ICI. Les règles spéciales pour la négociation ICI ont été conçues pour traiter les problèmes de négociation exceptionnels dans une industrie où il n'existe ni relations d'emploi stables, ni lieux de travail stables. Pour la plupart des syndicats et pour l'industrie en général, le secteur ICI est le plus important du point de vue du nombre de salariés qui y travaillent, des taux de salaires et de la stabilité dans le temps.
- 450. La loi sur les relations de travail prévoit des négociations uniques au niveau de la province dans le secteur ICI. La négociation ne peut se dérouler qu'entre les agents négociateurs désignés pour les employeurs et pour les salariés. Les nouvelles dispositions donnent au ministre du Travail le pouvoir de désigner "des agents négociateurs" pour les employeurs syndiqués et les salariés syndiqués dans chaque métier du secteur ICI. Les agents négociateurs désignés ont le droit exclusif de représenter leur association professionnelle ou association d'employeurs dans ce secteur. La négociation pour chaque métier a lieu entre un seul agent négociateur des salariés et un seul agent négociateur des employeurs. Les agents négociateurs des salariés qui ont été créés à la fin des années soixante-dix reflètent le schéma d'organisation des syndicats internationaux au Canada qui existait alors. Les syndicats internationaux et les syndicats locaux qui leur sont affiliés ont été désignés officiellement en tant qu'agents négociateurs syndicaux. En conséquence, les syndicats internationaux partagent le pouvoir légal de négociation au nom de tous les syndicats locaux de l'Ontario dans leur métier dans le secteur ICI.
- 451. Un nouveau syndicat qui essaierait d'évincer un syndicat parent international devrait affronter un défi pratiquement insurmontable, soit d'essayer d'obtenir simultanément la désaccréditation à l'égard de centaines d'employeurs durant le laps de temps limité où cela est possible en vertu de la loi sur les relations de travail (les deux derniers mois d'une convention collective). Le syndicat successeur n'aurait pas accès au système de négociation à l'échelle de la province. Il perdrait ainsi l'un des principaux avantages d'organisation dont disposent les syndicats officiellement désignés - chaque fois qu'un syndicat local désigné obtient l'accréditation pour (ou est volontairement reconnu par) un employeur ICI, celui-ci devient automatiquement lié par la convention collective provinciale de l'ICI. Il n'y a donc pas besoin de négocier une première convention collective. Un nouveau syndicat devrait procéder employeur par employeur et devrait essayer de négocier une première convention collective avec chacun d'eux. Il est donc extrêmement difficile de concurrencer le syndicat international désigné.
- 452. Le gouvernement conclut que les nouvelles dispositions sont nécessaires parce que les membres des syndicats locaux de la construction de l'Ontario n'ont pas facilement accès aux mêmes mécanismes que les autres travailleurs s'ils estiment qu'un syndicat parent les traite de manière injuste et non démocratique. Si un syndicat parent industriel traitait l'un de ses syndicats locaux d'une manière que les membres locaux estiment injuste et non démocratique, il risquerait d'être désaccrédité ou de voir les travailleurs s'affilier à un autre syndicat: la menace de perdre des milliers de membres et leurs cotisations constitue donc une puissante incitation à un comportement responsable. Toutefois, ce n'est pas une option viable pour les travailleurs de la construction. La nature du travail dans le secteur de la construction et les règles législatives qui le régissent rendent virtuellement impossible pour un groupe de salariés ou un syndicat local de quitter leur syndicat parent sans payer un prix très lourd. Le prix est en fait tellement élevé que la possibilité de quitter le syndicat parent ne leur est pas réellement ouverte. La relation entre les membres et le syndicat parent est donc très différente de ce qu'elle est dans tout autre contexte.
- 453. La Loi est conçue pour garantir aux travailleurs de la construction un accès à un système de contrôle adéquat pour sauvegarder l'autonomie locale, et elle y parvient avec le minimum possible d'intervention dans les affaires intérieures des syndicats. Elle établit des normes légales minimales qui interfèrent le moins possible avec la légitime liberté d'action des syndicats parents. La réglementation minimum qu'elle assure est justifiée pour protéger les droits des syndicats locaux d'organiser leur gestion et leurs activités conformément aux intérêts de leurs membres, sans crainte de représailles injustifiées de la part d'un syndicat parent. La nouvelle loi de l'Ontario implique beaucoup moins d'ingérence que la loi Landrum-Griffin aux Etats-Unis à laquelle sont assujettis les syndicats internationaux de la construction, et en fait tous les syndicats américains. Cette dernière non seulement réglemente la gestion des syndicats mais elle établit aussi un code global pour réglementer les affaires intérieures des syndicats, y compris les règles électorales.
- 454. Contrairement à l'allégation de l'organisation plaignante, selon laquelle la Loi "modifiera radicalement les relations entre les organisations affiliées et leurs syndicats locaux en Ontario", son seul effet est de garantir que ces relations soient fondées sur des règles minimales de démocratie et d'équité. La Loi ne remplace pas les actes constitutifs des syndicats par une politique gouvernementale, ainsi que l'allègue l'organisation plaignante. Elle donne simplement aux syndicats locaux de l'Ontario la possibilité de faire appel à un organisme externe, objectif et neutre, s'ils estiment que leur syndicat parent se conduit d'une manière arbitraire et injuste. Cet organe est la Commission des relations de travail de l'Ontario, qui est un tribunal indépendant composé de représentants des travailleurs et des employeurs et de représentants neutres. Dans l'exercice de ses pouvoirs en vertu de la Loi, la CRTO n'a pas d'autre souci que de s'assurer qu'un syndicat parent exerce ses droits conformément aux principes démocratiques fondamentaux. La Loi reconnaît explicitement que les syndicats parents ont des motifs légitimes pour prendre des mesures qui peuvent affecter l'autonomie locale. Elle ne concerne que les mesures qui sont prises sans motif valable.
- 455. La Loi n'ignore pas les actes constitutifs des syndicats. Elle dispose clairement que la Commission des relations de travail de l'Ontario doit prendre en considération les actes constitutifs des syndicats. Elle ne permet toutefois pas à un syndicat parent de se référer uniquement à l'acte constitutif pour affirmer que ses mesures ont été prises avec un motif valable. La plupart des actes constitutifs laissent à la discrétion des syndicats parents la possibilité de prendre des mesures contre les syndicats et les dirigeants syndicaux locaux. Dans certains cas, ces mesures peuvent fort bien être nécessaires pour protéger les intérêts des membres locaux. La Loi n'empêche pas ces types de mesures justifiées. Toutefois, si le syndicat parent utilise ses pouvoirs de manière injuste, par exemple pour punir un syndicat local dissident ou pour empêcher une liste rivale de gagner des élections locales, la commission aura le pouvoir d'enquêter sur l'affaire si un syndicat local ou un membre affecté dépose une plainte. Les protections énoncées dans la Loi sont quelque peu analogues à celles qui existent déjà dans la Loi sur les relations de travail, qui ont été reconnues comme étant les normes minimales nécessaires. Par exemple, les syndicats qui exploitent des bureaux d'embauche sont assujettis à une obligation d'équité dans les offres d'emploi. Ils peuvent établir leurs propres règles internes pour aiguiller leurs membres vers tel ou tel emploi, mais ils doivent s'assurer que ces règlements ne sont pas conçus ou appliqués d'une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.
- 456. Le gouvernement décrit ensuite les dispositions les plus importantes de la Loi. Premièrement, elle protège l'autonomie des syndicats locaux en garantissant qu'un syndicat parent ne pourra pas prendre la place d'un syndicat local ou intervenir dans ses affaires, à moins qu'il n'ait un motif valable. Elle empêche aussi un syndicat parent de pénaliser un responsable ou un membre local sans motif valable. Un syndicat ou un membre local lésé peut se plaindre à la CRTO s'il considère que le syndicat parent a agi sans motif valable (ces protections sont prévues à l'article 138.5). Un exemple d'ingérence autre que la tutelle ou la supervision formelles serait la nomination par le syndicat international de son agent auprès du personnel d'un syndicat local. Un autre exemple serait de demander au syndicat local de soumettre au contrôle international ses fonds provenant des contributions locales.
- 457. La loi reconnaît qu'un syndicat parent peut avoir des raisons légitimes de prendre des mesures contre un syndicat ou un responsable local pour protéger les intérêts des membres du syndicat. La commission n'a d'autorité que dans les cas où ces mesures seraient prises sans motif valable, par exemple pour punir un syndicat local d'avoir été favorable à l'autonomie canadienne. La Loi établit un mécanisme qui permet à un syndicat local de se plaindre de ce qu'un syndicat parent a agi sans motif valable. Le syndicat parent n'a pas à avancer un motif valable avant d'agir. La Loi précise que la commission doit prendre en considération l'acte constitutif du syndicat pour déterminer si une mesure a été prise sans motif valable. Toutefois, la commission n'est pas complètement liée par l'acte constitutif. De nombreux actes constitutifs contiennent des dispositions générales qui permettent à un syndicat parent d'imposer une tutelle ou une supervision à un syndicat local lorsqu'il estime que cette mesure est "au mieux des intérêts" du syndicat. Certains actes constitutifs permettent au syndicat parent de suspendre des dirigeants locaux pour refus de se conformer aux ordres du syndicat international. De telles dispositions peuvent fournir un motif indiscutable aux mesures prises par le syndicat parent. La Loi donne aux plaignants l'occasion de se plaindre des abus de pouvoir et éviter que leurs plaintes soient sommairement rejetées. La Loi ne réécrit pas les actes constitutifs des syndicats. Elle établit simplement une norme minimale d'équité qui permet à un syndicat ou à un membre local de se plaindre d'un syndicat parent qui aurait exercé ses pouvoirs d'une manière injuste ou arbitraire.
- 458. Deuxièmement, l'article 138.3 de la Loi empêche un syndicat parent de modifier sans motif valable la juridiction d'un syndicat local sur les plans géographique et sectoriel ou sur le plan du travail. Contrairement à ce qui se passe dans les lieux de travail industriels, les travailleurs de la construction obtiennent généralement leur travail par le biais d'un bureau d'embauche. La juridiction d'un syndicat local détermine les projets vers lesquels le bureau d'embauche local peut aiguiller ses membres. Par exemple, un syndicat local ne peut aiguiller ses membres que vers des projets situés à l'intérieur de la juridiction géographique qui lui est assignée; il en résulte que le contrôle d'une juridiction locale a un effet profond sur la vie des membres. Le syndicat parent international détermine et contrôle la juridiction de chaque syndicat local. Les actes constitutifs des syndicats internationaux leur donnent d'ordinaire le pouvoir général de modifier la juridiction d'un syndicat local, de transférer le travail à un syndicat local différent et de fusionner les syndicats locaux. Si la juridiction d'un syndicat local est limitée ou supprimée, ses membres perdent l'accès aux possibilités d'emploi. La Loi reconnaît que les syndicats parents peuvent avoir un rôle légitime dans le règlement des conflits entre leurs syndicats locaux ou dans les discussions avec les syndicats locaux qui n'ont pas rempli leurs devoirs en vertu de la loi sur les relations de travail. C'est pourquoi la Loi interdit uniquement aux syndicats parents de procéder à des modifications sans motif valable. Cela signifie, par exemple, qu'un syndicat parent ne pourra pas essayer de punir un syndicat local en lui ôtant sa juridiction.
- 459. Troisièmement, l'article 138.2 de la Loi garantit que les syndicats locaux auront leur mot à dire dans le processus de négociation collective et les conventions collectives qui les touchent. Dans certains secteurs de l'industrie de la construction, les droits de négociation pour les syndicats locaux de l'Ontario sont détenus uniquement au nom du syndicat parent. Cela signifie que le syndicat parent a le droit de négocier et de signer des conventions collectives au nom de ses syndicats locaux sans aucune obligation légale de les faire asseoir à la table de négociation ou participer à la ratification. Quelquefois, le syndicat parent délègue ses droits de négociation à ses syndicats locaux, mais il n'a aucune obligation légale de le faire et il peut les reprendre à tout moment. En vertu de la Loi, les syndicats locaux détiendront des droits partagés de négociation là où ces droits sont actuellement détenus au nom du syndicat parent. Cela signifie que les syndicats locaux auront un droit garanti de s'asseoir à la table de négociation et de ratifier les conventions collectives qui touchent leurs membres. Dans les cas où les syndicats internationaux donnent déjà ce droit à leurs syndicats locaux, la Loi ne les affectera pas du tout. La nouvelle loi garantit que tous les syndicats locaux auront ce droit s'ils ne l'ont pas déjà.
- 460. Si les droits de négociation ne sont pas déjà partagés, la Loi fait obligation au syndicat parent et à ses syndicats locaux d'élaborer un partenariat pour la négociation. En vue de garantir que cette nouvelle règle ne trouble pas la négociation collective, elle prévoit un mécanisme pour résoudre les conflits au cas où un syndicat parent et ses syndicats locaux ne parviendraient pas à se mettre d'accord sur l'établissement de ce partenariat. Le ministre peut demander la formation d'un conseil de syndicats, mais ce pouvoir est toutefois limité: le ministre ne peut l'utiliser que si une partie affectée le demande et si les parties ne peuvent pas établir un arrangement par elles-mêmes. Ce mécanisme prend modèle sur un système existant déjà dans le secteur ICI de l'Ontario, qui garantit des droits partagés de négociation par l'intermédiaire d'agents négociateurs désignés par le ministère et qui comprennent les syndicats internationaux et leurs syndicats locaux. Dans le secteur ICI, les syndicats de la construction doivent négocier à l'échelle de la province par le biais "d'agents négociateurs des salariés" désignés par le ministre du Travail. Il y a un seul agent par métier et chaque agent est formé du syndicat parent international et de ses syndicats locaux affilés. Ces agents établissent leurs propres règles de négociation, de ratification et de vote. Ce système est en place depuis 1978 et il n'a donné lieu à aucune plainte pour violation des conventions de l'OIT.
- 461. Quatrièmement, l'article 138.6 de la Loi donne aux membres locaux le droit de nommer la majorité des fiduciaires du syndicat chargés de gérer les plans de pensions ou d'avantages qui couvrent leurs membres. Sur un lieu de travail ne relevant pas de la construction, les plans d'avantages afférents à l'emploi sont presque toujours liés directement à l'employeur concerné. Toutefois, étant donné que les travailleurs de la construction passent d'un emploi à un autre et d'un employeur à un autre, les syndicats de la construction ont conçu des arrangements spéciaux pour les plans de retraite et les autres plans d'avantages afférents à l'emploi. En général, tous les employeurs d'un métier sont liés par une convention collective semblable à un syndicat ayant juridiction sur la province ou sur une zone géographique donnée. Les conventions font obligation aux employeurs de verser une cotisation fixe par heure de travail aux caisses de pensions, de santé, de bien-être et autres et aux fonds de formation. Les cotisations par heure de travail sont portées au crédit du compte de chaque salarié dans les plans de pension et d'avantages. Malgré la variété des employeurs et des emplois, les cotisations versées pour un salarié le sont sur le même plan. Les plans sont gérés par le syndicat ou les conseils de fiduciaires formés d'un nombre égal de représentants des employeurs et des salariés. Certains types de fonds de bien-être sont gérés localement mais, dans les autres cas, le syndicat parent international a le pouvoir de nommer la plupart des fiduciaires du syndicat, sinon tous. Etant donné l'importance des divers fonds de bien-être pour les membres, le fait que les syndicats locaux devraient avoir une voix garantie dans le choix des fiduciaires qui gèrent les fonds suscite quelque préoccupation. Avec l'introduction de procédures de sélection démocratiques, les fiduciaires refléteront les intérêts à long terme des membres locaux.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 462. Le comité note que les allégations dans ce cas ont trait à des modifications que le gouvernement de l'Ontario (Canada) a apportées à la législation en vue de modifier quelques-uns des mécanismes actuels de relations professionnelles qui régissent le secteur du bâtiment et de la construction dans la province. Les modifications ainsi promulguées sont reproduites à l'annexe I avec d'autres dispositions pertinentes de la loi sur les relations de travail de l'Ontario (LRTO).
- 463. Le gouvernement fait valoir que la Loi est conçue pour renforcer la démocratie et le contrôle local dans les relations entre les syndicats locaux de la construction de l'Ontario et leurs syndicats parents internationaux, basés aux Etats-Unis. Les organisations plaignantes, tout en mettant en cause l'opportunité de ces modifications et le fait qu'elles visent particulièrement certains syndicats de la construction, affirment que cette mesure constitue une ingérence injustifiée dans les affaires des syndicats, contraire à la convention no 87.
- 464. Etant donné la nature hautement technique de ce cas, le comité a résumé toutes les informations et tous les arguments soumis par les deux parties, afin que l'impact d'ensemble des modifications puisse être apprécié et leur contexte global bien compris. Il désire toutefois circonscrire les questions qu'il est appelé à examiner.
- 465. Il n'y a pas de doute qu'une partie des modifications introduites par le projet de loi 80 interfère avec les actes constitutifs de certains syndicats; ce point est en fait admis par le gouvernement lorsqu'il déclare qu'il désirait garantir un système adéquat de contrôles et d'équilibres pour sauvegarder l'autonomie locale des organisations de travailleurs de la construction "... avec le minimum possible d'ingérence dans les affaires intérieures des syndicats". Il est également clair que la Loi telle que modifiée changera d'une manière significative les relations entre les syndicats internationaux et les syndicats locaux dans la partie de l'industrie du bâtiment et de la construction de l'Ontario visée par le projet de loi 80, et qu'elle affectera profondément les relations professionnelles et la structure de négociation collective régissant cette partie de l'industrie. Bien que les organisations plaignantes et le gouvernement aient des vues différentes sur la nécessité de ces modifications et sur leur impact éventuel, la fonction du comité dans ce cas n'est pas d'évaluer si le gouvernement avait raison ou tort de décider de modifier le système de relations professionnelles ou une partie de ce système, en réponse à un besoin perçu d'une plus grande démocratie syndicale: il s'agit là d'une question qui relève du jugement du gouvernement, tout comme les autorités peuvent décider que des dispositions spéciales sont nécessaires dans un secteur donné en raison de circonstances spéciales. Le comité rappelle cependant l'importance qu'il convient d'attacher au principe de la consultation et de la collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations d'employeurs et de travailleurs aux échelons industriel et national, particulièrement quand les autorités envisagent d'adopter des amendements législatifs susceptibles de modifier profondément et durablement le rôle de ces organisations. Il attire l'attention du gouvernement sur les dispositions de la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960. (Voir également Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, 1985, troisième édition, paragr. 650.)
- 466. Bien qu'il soit inapproprié pour le comité de commenter la décision du gouvernement de modifier la loi, il doit toutefois examiner si, ce faisant, le gouvernement a promulgué une législation du travail incompatible avec les conventions et les principes de l'OIT sur la liberté syndicale, en particulier ceux ayant trait à l'ingérence dans les activités et la gestion des syndicats.
- 467. L'article 3 de la convention no 87 dispose que les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action; l'article 6 étend ces droits aux organisations de niveau supérieur; l'article 3.2 précise que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice. Sur la question de la non-intervention des autorités publiques, le comité a exprimé l'opinion que les seules restrictions aux droits énoncés à l'article 3 de la convention no 87 qui pourraient être éventuellement admissibles devraient n'avoir pour objet que d'assurer le respect des règles démocratiques au sein du mouvement syndical. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 453.) C'est précisément le motif que le gouvernement a invoqué pour justifier les modifications législatives. Les plaignants, de leur côté, nient qu'il y ait eu de tels problèmes et font valoir que le système précédent fonctionnait convenablement. A ce sujet, le comité note dans certains documents soumis par les organisations plaignantes (Bulletin officiel des débats; Comité permanent du développement des ressources; numéros des 15, 17, 22, 24 et 29 novembre et 1er décembre 1993) que, même au sein du mouvement syndical, les opinions sont nettement partagées sur la nature, satisfaisante ou non, des relations entre les syndicats internationaux et les syndicats locaux. Comme indiqué précédemment, il n'appartient pas au comité de décider si, en fait, les problèmes sont assez sérieux pour justifier une intervention législative. Toutefois, le comité doit examiner les articles mis en cause par les organisations plaignantes à la lumière du principe mentionné ci-dessus.
- 468. Le comité ne saurait trop souligner la nécessité d'observer une extrême prudence face à des dispositions de ce genre, qu'elles concernent les organisations de travailleurs ou d'employeurs. En règle générale, l'autonomie des syndicats et des organisations de niveau supérieur, y compris en ce qui concerne leurs diverses relations, devrait être respectée par les autorités publiques. Les dispositions juridiques empiétant sur cette autonomie devraient donc rester l'exception et, lorsqu'elles sont jugées nécessaires en raison de circonstances exceptionnelles, elles devraient s'accompagner de toutes les garanties possibles contre une ingérence injustifiée.
- 469. Pour ce qui est des dispositions spécifiques qui peuvent soulever des problèmes dans le présent cas en ce qui concerne les principes de la liberté syndicale, le comité observe que deux articles habilitent la CRTO à ignorer l'acte constitutif d'un syndicat lorsqu'elle décide:
- - si un syndicat parent avait "un motif valable" pour modifier la juridiction d'un syndicat local (article 138 (4));
- - si un syndicat parent ou un conseil de syndicats avait un motif valable pour "assumer (...) la supervision ou le contrôle d'un syndicat local (ou) entraver autrement celui-ci" (article 138.5 (1)), ou pour "destituer un dirigeant élu ou désigné d'un syndicat local (ou) modifier ses fonctions, (ou) imposer une peine à un tel dirigeant ou à un membre d'un syndicat local" (article 138.5 (2)).
- 470. Le comité considère que, si ces dispositions permettent au gouvernement d'interférer dans les affaires intérieures des syndicats, plusieurs facteurs doivent être pris en considération vu les circonstances particulières du cas présent.
- 471. Premièrement, le comité estime que la Loi est conçue pour prévenir des abus possibles de la part des syndicats parents contre des syndicats locaux et leurs membres qui, pour des raisons très pratiques et immédiates - à savoir obtenir du travail et préserver leurs fonds de retraite -, sont liés aux syndicats parents. C'est pourquoi les mesures prises par les syndicats parents qui respectent la volonté démocratique et les intérêts des syndicats locaux ne devraient pas soulever de problèmes ni inciter ces derniers à porter plainte auprès de la CRTO.
- 472. Deuxièmement, le contrôle d'abus éventuels n'est pas un contrôle systématique exercé par les autorités d'une manière discrétionnaire, mais il est fondé sur la notion de motif valable et ne peut être déclenché que sur requête d'une partie intéressée (articles 138.3 (3) et 138.5 (3)), ce qui, dans un système régi par le droit, implique le respect de la procédure établie.
- 473. Troisièmement, ce contrôle extérieur est exercé par la Commission des relations de travail de l'Ontario, organe indépendant comprenant une représentation tripartite (article 104 de la loi sur les relations de travail de l'Ontario), ayant une compétence et une juridiction spéciales dans les affaires de travail (article 105 de la LRTO). Cela signifie que toutes les parties peuvent comparaître aux audiences et présenter des preuves et des arguments (article 104 (13)), que les allégations doivent être établies et que les règles de justice naturelle doivent être observées.
- 474. En outre, l'article 138.3 (3) dispose, par exemple, que la CRTO, lorsqu'elle examine un conflit en matière de juridiction, doit prendre en considération l'acte constitutif du syndicat (bien qu'elle ne soit pas liée par lui), la capacité du syndicat local de remplir les obligations que lui confère la Loi, les désirs des membres du syndicat local et la question de savoir si la modification faciliterait une négociation collective viable et stable. De même, lorsqu'elle examine une requête présentée en vertu de l'article 138.5 (3) concernant une ingérence alléguée d'un syndicat parent dans l'autonomie d'un syndicat local, la CRTO doit prendre en considération l'acte constitutif du syndicat (bien qu'elle ne soit pas liée par lui), et les autres facteurs qu'elle estime appropriés.
- 475. Prenant en considération toutes les circonstances du présent cas, et insistant une fois encore sur le fait qu'aucun principe général ne peut ni ne doit être déduit de la présente décision, le comité estime que les modifications législatives en question ne semblent pas constituer une violation des conventions et principes de la liberté syndicale. Considérant toutefois l'ingérence éventuelle dans les affaires syndicales que ces modifications pourraient entraîner, et en vue d'évaluer pleinement l'impact final de cette législation, le comité estime que des informations complémentaires sont nécessaires sur le fonctionnement, dans la pratique, du cadre modifié des relations professionnelles dans cette partie du secteur de la construction, et prie le gouvernement de fournir ces informations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 476. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Compte tenu de toutes les circonstances particulières du présent cas, le comité estime que les modifications que le gouvernement de l'Ontario a apportées à la législation par l'intermédiaire du projet de loi 80 en vue de modifier le cadre des relations professionnelles dans une partie de l'industrie de la construction ne semblent pas constituer une violation des conventions et principes de la liberté syndicale. Il rappelle toutefois l'importance qu'il convient d'attacher au principe de la consultation et de la coopération entre les pouvoirs publics et les organisations de travailleurs et d'employeurs aux échelons industriel et national, en particulier quand les autorités envisagent d'adopter des amendements législatifs susceptibles de modifier profondément et durablement le rôle de ces organisations.
- b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du fonctionnement, dans la pratique, de ce cadre modifié.
Annexe I
Annexe I- 1993
- Projet de loi 80
- Loi modifiant la loi sur les relations de travail
- 1. La loi sur les relations de travail est modifiée par adjonction
- des
- articles suivants:
- 138.1 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent aux articles
- 138.2 à 138.6.
- - "Acte constitutif" - Document organisationnel régissant
- l'établissement ou
- le fonctionnement d'un syndicat. S'entend en outre d'une
- charte ainsi que des
- règlements administratifs et des règles adoptés aux termes d'un
- acte
- constitutif. ("Constitution").
- - "Juridiction" - S'entend notamment de la juridiction sur les
- plans
- géographique et sectoriel et sur le plan du travail.
- ("Juridiction").
- - "Syndicat local" - Par rapport à un syndicat parent, syndicat
- en Ontario qui
- est affilié, subordonné ou directement apparenté à un syndicat
- parent.
- S'entend en outre d'un conseil de syndicats. ("Local trade
- union").
- - "Syndicat parent" - Syndicat provincial, national ou
- international qui
- compte au moins un syndicat local affilié en Ontario qui lui est
- subordonné ou
- directement apparenté. ("Parent trade union").
- (2) Les dispositions des articles 138.2 à 138.6 prévalent sur les
- autres
- dispositions incompatibles de la présente loi.
- (3) Les dispositions des articles 138.2 à 138.6 prévalent sur les
- autres
- dispositions incompatibles de l'acte constitutif d'un syndicat.
- 138.2 (1) Le présent article s'applique à l'égard d'employés
- compris dans une
- unité de négociation au sein de l'industrie de la construction,
- ailleurs que
- dans le secteur industriel, commercial et institutionnel visé à la
- définition
- de "secteur" à l'article 119.
- (2) Si un syndicat parent est l'agent négociateur d'employés
- visés au
- paragraphe (1), chacun de ses syndicats locaux est réputé
- être l'agent
- négociateur, avec le syndicat parent, d'employés compris dans
- l'unité de
- négociation relevant de la juridiction du syndicat local.
- (3) Si un syndicat parent est partie à une convention collective
- qui
- s'applique à des employés visés au paragraphe (1), le syndicat
- local est
- réputé être partie, avec le syndicat parent, à la convention
- collective en ce
- qui concerne la juridiction du syndicat local.
- (4) Le ministre peut, aux conditions qu'il estime appropriées,
- exiger qu'un
- syndicat parent et ses syndicats locaux forment un conseil de
- syndicats pour
- qu'il procède à des négociations et qu'il conclue une
- convention collective
- si:
- a) d'une part, un syndicat local, syndicat parent ou employeur
- visé le lui
- demande;
- b) d'autre part, le ministre estime qu'il est nécessaire de ce faire
- pour
- résoudre un désaccord entre un syndicat parent et un syndicat
- local pour ce
- qui est de procéder à des négociations ou de conclure une
- convention
- collective.
- (5) Le ministre peut établir des règles régissant la formation ou
- le
- fonctionnement du conseil de syndicats, y compris la
- ratification de
- conventions collectives, si le syndicat parent et les syndicats
- locaux
- n'établissent pas leurs propres règles dans les soixante jours
- qui suivent la
- prise d'une décision par le ministre aux termes du paragraphe
- (4).
- (6) Le syndicat parent et les syndicats locaux doivent se
- conformer aux règles
- établies par le ministre.
- 138.3 (1) Un syndicat parent ne doit pas, sans motif valable,
- modifier la
- juridiction d'un syndicat local, telle qu'elle existait au 1er mai
- 1992,
- qu'elle ait été établie aux termes d'un acte constitutif ou
- autrement.
- (2) Le syndicat parent donne au syndicat local un avis écrit de
- la
- modification au moins quinze jours avant son entrée en
- vigueur.
- (3) Sur requête concernant le présent article, la commission
- prend en
- considération les éléments suivants lorsqu'elle décide si une
- modification est
- fondée sur un motif valable:
- 1. L'acte constitutif du syndicat.
- 2. La capacité du syndicat local de remplir les obligations que
- lui confère la
- présente loi.
- 3. Les désirs des membres du syndicat local.
- 4. La question de savoir si la modification faciliterait une
- négociation
- collective viable et stable sans causer de graves problèmes au
- niveau des
- relations de travail.
- (4) La commission n'est pas liée par l'acte constitutif du
- syndicat
- lorsqu'elle décide si une modification est fondée sur un motif
- valable.
- (5) Si un syndicat local présente une plainte à la commission
- au sujet de la
- modification de sa juridiction par un syndicat parent, la
- modification est
- réputée ne pas être entrée en vigueur tant que la commission
- n'a pas statué
- sur la question.
- 138.4 (1) Le présent article s'applique si, au 1er mai 1992,
- selon le cas:
- a) un syndicat parent était partie à une convention collective
- dont l'étendue
- géographique comprenait la province et qui s'appliquait aux
- employés visés au
- paragraphe 138.2 (1);
- b) un syndicat parent avait donné un avis d'intention de
- négocier en vue de
- renouveler une telle convention collective.
- (2) Les articles 138.2 et 138.3 n'ont pas pour effet d'autoriser
- un syndicat
- local à conclure une convention collective distincte, à
- renouveler séparément
- la convention collective ou à modifier l'étendue géographique
- de la convention
- collective.
- 138.5 (1) Un syndicat parent ou un conseil de syndicats ne
- doit pas, sans
- motif valable, assumer directement ou indirectement la
- supervision ou le
- contrôle d'un syndicat local, ni entraver autrement celui-ci
- d'une manière
- directe ou indirecte, de façon à porter atteinte à son
- autonomie.
- (2) Un syndicat parent ou un conseil de syndicats ne doit pas,
- sans motif
- valable, destituer un dirigeant élu ou désigné d'un syndicat
- local ni modifier
- ses fonctions, ni imposer une peine à un tel dirigeant ou à un
- membre d'un
- syndicat local.
- (3) Sur requête concernant le présent article, la commission,
- lorsqu'elle
- décide s'il y a un motif valable, prend en considération l'acte
- constitutif du
- syndicat, mais elle n'est pas liée par celui-ci et prend en
- considération les
- autres facteurs qu'elle estime appropriés.
- (4) Si la commission décide qu'une mesure visée au
- paragraphe (1) a été prise
- avec motif valable, elle peut rendre les ordonnances et donner
- les directives
- qu'elle estime appropriées, notamment des ordonnances
- relatives au maintien de
- la supervision ou du contrôle du syndicat local.
- 2. La Loi est modifiée par adjonction de l'article suivant:
- 138.6 (1) Si, aux termes d'un régime d'avantages rattachés à
- l'emploi, des
- avantages sont offerts principalement aux membres d'un
- syndicat local ou aux
- personnes à leur charge ou à leurs bénéficiaires, le syndicat
- local a le droit
- de désigner au moins la majorité des fiduciaires chargés
- d'administrer le
- régime, à l'exclusion des fiduciaires qui sont désignés par les
- employeurs.
- (2) Si des avantages sont offerts aux termes d'un tel régime
- principalement
- aux membres de plus d'un syndicat local ou aux personnes à
- leur charge ou à
- leurs bénéficiaires, ces syndicats locaux ont le droit ensemble
- de désigner au
- moins la majorité des fiduciaires chargés d'administrer le
- régime, à
- l'exclusion des fiduciaires qui sont désignés par les
- employeurs.
- 3) Si, dans les circonstances décrites au paragraphe (2), des
- avantages sont
- offerts aux membres de l'extérieur de l'Ontario ou aux
- personnes à leur charge
- ou à leurs bénéficiaires, les syndicats locaux ont le droit
- ensemble de
- désigner la proportion des fiduciaires (à l'exclusion des
- fiduciaires qui sont
- désignés par les employeurs) qui correspond au rapport entre
- le nombre de
- membres en Ontario des syndicats locaux et le nombre total de
- membres qui
- participent au régime.
- (4) Les paragraphes (1), (2) et (3) s'appliquent malgré toute
- disposition
- contraire d'une convention ou d'un autre document.
- (5) Sauf si les syndicats locaux intéressés en conviennent
- autrement, la
- désignation de fiduciaires prévue au paragraphe (2) ou (3) se
- fait à la
- majorité des voix des syndicats locaux intéressés qui votent,
- chacun d'eux
- n'ayant droit qu'à une voix.
- (6) Les désignations initiales des fiduciaires prévues au présent
- article ont
- lieu au plus tard six mois après le jour de l'entrée en vigueur du
- présent
- article.
- (7) Dans le présent article "régime d'avantages rattachés à
- l'emploi" s'entend
- d'un régime qui offre tous genres d'avantages à un particulier
- ou aux
- personnes à sa charge ou à ses bénéficiaires en raison de
- l'emploi du
- particulier ou de son adhésion à un syndicat. S'entend en
- outre d'un régime de
- retraite ou d'un autre arrangement selon lequel des sommes
- sont versées par le
- particulier ou pour son compte à des fins de retraite.
- ........
- Loi sur les relations de travail
- (Traduction non officielle du BIT.)
- Article 104. (1) La commission dénommée Commission des
- relations de travail de
- l'Ontario est maintenue sous le titre de Commission des
- relations de travail
- de l'Ontario en français et de "Ontario Labour Relations
- Board" en anglais.
- Composition et nominations
- (2) La commission se compose d'un président, d'un
- vice-président ou plus et
- d'autant de membres que le Lieutenant-Gouverneur en conseil
- le juge approprié,
- représentant, en nombre égal, les employeurs et les travailleurs
- respectivement et qui sont tous nommés par le
- Lieutenant-Gouverneur en
- conseil.
- (13) La commission fixe ses propres pratiques et procédures
- mais doit fournir
- à toutes les parties à une action la possibilité de présenter
- leurs éléments
- de preuve et de formuler leurs conclusions. Industrie de la
- construction
- Définitions
- Article 119. Dans le présent article et dans les articles 120 à
- 155,
- ...
- le terme "secteur" désigne une division de l'industrie de la
- construction
- déterminée par les caractéristiques du travail et inclut le
- secteur
- industriel, commercial et institutionnel, le secteur résidentiel, le
- secteur
- des égouts et des conduites d'eau, le secteur des routes, le
- secteur des gros
- travaux, le secteur des pipelines et le secteur des systèmes
- électriques.