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- 272. Dans une communication datée du 8 mars 1994, la Chambre tchéco-morave des syndicats (CMKOS) a déposé une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la République tchèque. L'internationale des services publics a exprimé le souhait d'être associée à cette plainte dans une communication datée du 19 avril 1994.
- 273. Le comité a reçu une communication du gouvernement datée du 6 mars 1995 qui ne traite pas des questions de fond soulevées par la plainte.
- 274. La République tchèque a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; elle n'a toutefois ratifié ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 275. Dans sa plainte du 8 mars 1994, la CMKOS allègue que le projet de loi sur les conditions de service de certaines catégories d'agents publics (loi sur la fonction publique), qui a été soumis à la Chambre des députés du Parlement de la République tchèque, porte atteinte aux droits syndicaux fondamentaux.
- 276. Le principe no 51 du projet de loi dispose que les agents de l'Etat n'ont pas le droit de faire grève et, d'après le plaignant, il s'applique sans distinction de catégorie à tous les agents de l'Etat visés par le texte. Par ailleurs, le principe no 52 prohibe l'activité syndicale dans les services publics. Le plaignant affirme que le droit de constituer des syndicats et de s'y affilier perd tout son sens si ces derniers ne peuvent pas agir pour la défense des intérêts économiques et sociaux de leurs adhérents. Au surplus, cette interdiction reviendrait à empêcher totalement les syndicats de déterminer les conditions de travail par la négociation collective. Le projet de loi a un champ d'application très vaste et concernerait environ 60 000 personnes.
- 277. Enfin, le plaignant observe que, même à l'état de projet, cette loi empiète déjà sur les droits syndicaux: l'insécurité de l'emploi des fonctionnaires, auxquels le nouveau texte va imposer un changement de statut, a créé un climat qui, ajouté à l'intention du gouvernement d'interdire l'activité syndicale, pousse les adhérents à démissionner et les syndicats à se dissoudre.
B. Commentaires du gouvernement
B. Commentaires du gouvernement
- 278. Dans une communication du 6 mars 1995, le Premier ministre de la République tchèque déclare que les droits syndicaux ne sont l'objet d'aucune restriction ou violation dans la fonction publique ou dans l'administration de l'Etat. Il ajoute que le projet de loi sur les conditions de travail des employés de l'Etat vient tout juste d'être préparé et est, à l'heure actuelle, soumis aux organes législatif et exécutif pour fins de discussion. La question de savoir si le projet de loi est en conformité avec les engagements internationaux qui lient la République tchèque sera également discutée. Suivant le Premier ministre, il est inacceptable de discuter à un niveau international d'un projet de loi interne qui n'a pas encore été adopté à titre de loi. Le gouvernement conclut que l'OIT n'a pas été mandatée par ses Etats Membres pour discuter de questions hypothétiques, sans le consentement du gouvernement concerné.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 279. Le comité prend note des commentaires du Premier ministre et de la préoccupation qu'il a manifestée. A cet égard, le comité voudrait rappeler que, lorsqu'il est saisi d'allégations précises et détaillées concernant un projet de loi, le fait que ces allégations se rapportent à un texte n'ayant pas force de loi ne devrait pas, à lui seul, l'empêcher de se prononcer sur le fond des allégations présentées. Le comité a été d'avis qu'il y a en effet intérêt à ce que, en de tels cas, le gouvernement et le plaignant aient connaissance du point de vue du comité à l'égard d'un projet de loi avant l'adoption de celui-ci, étant donné que le gouvernement, à qui revient l'initiative en la matière, a la faculté de lui apporter certaines modifications. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 30.) Un exemple récent de révision d'un projet de loi figure dans le 294e rapport du comité (cas no 1704 (Liban)). Le comité estime par conséquent que l'examen de ce cas est justifié et est conforme à sa pratique.
- 280. S'agissant tout d'abord de la portée du projet de loi, le comité observe que, selon le principe no 1, la loi vise certains fonctionnaires des ministères et d'autres administrations en rapport avec le fonctionnement du service public. Le principe no 4 exclut du champ d'application de la loi certaines catégories de travailleurs, notamment les agents de la Banque nationale tchèque et les personnes qui travaillent dans certains services publics (ministères ou administrations visés par la loi) mais qui ne sont pas commises à l'administration de l'Etat ou à la gestion des affaires publiques. D'après les explications fournies dans l'exposé des motifs des principes nos 1 à 4, cette loi ne vise pas non plus les enseignants, les travailleurs de la compagnie nationale de chemins de fer ou les agents des administrations des collectivités publiques, bien qu'en vertu de certains règlements ils accomplissent des tâches d'administration publique qui leur ont été déléguées. Elle ne s'applique pas non plus aux travailleurs auxiliaires ni au personnel de service des ministères et d'autres administrations, tels que chauffeurs, dactylographes, agents de maintenance, nettoyeurs, etc.
- 281. En ce qui concerne le principe no 51, qui interdit de faire grève aux fonctionnaires visés par la loi, le comité, tout en notant que cette interdiction vise les personnes commises à l'administration de l'Etat ou à la gestion des affaires publiques, observe que, selon les plaignants, elle touchera 60 000 personnes. A cet égard, le comité a admis que le droit de grève peut être restreint, voire interdit dans la fonction publique. Cependant, de même que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, le comité estime qu'une définition trop extensive de la notion de fonctionnaires est susceptible d'aboutir à une limitation très large, voire à une interdiction, du droit de grève de ces travailleurs. L'interdiction du droit de grève dans la fonction publique devrait se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat. (Voir Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 158.)
- 282. En ce qui concerne le principe no 52 qui prohibe l'activité syndicale dans les services publics visés par la loi, le comité rappelle que la liberté syndicale n'implique pas seulement le droit, pour les travailleurs et les employeurs, de constituer librement des associations de leur choix, mais encore celui, pour les associations professionnelles elles-mêmes, de se livrer à une activité licite de défense de leurs intérêts professionnels. (Recueil, op. cit., paragr. 345.) Etant donné que les fonctionnaires devraient, à l'instar des travailleurs du secteur privé, pouvoir constituer des organisations de leur choix destinées à promouvoir et à défendre les intérêts de leurs membres, et que ces organisations devraient avoir le droit d'organiser leurs activités (voir Recueil, op. cit., paragr. 214), le comité considère que le principe no 52 n'est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. Le gouvernement est, par conséquent, prié de prendre les mesures qui s'imposent pour supprimer le principe no 52 du projet de loi et d'informer le comité des mesures prises en ce sens.
- 283. S'agissant de l'allégation du plaignant selon laquelle le principe no 52 viole le droit de négociation collective garanti par la convention no 98 (ratifiée par la République tchèque), le comité rappelle que si cette convention, et notamment son article 4 relatif à l'encouragement et à la promotion de la négociation collective, est applicable au secteur privé comme aux entreprises nationalisées et aux organismes publics, il est possible d'exclure de son champ d'application les fonctionnaires commis à l'administration de l'Etat. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 597.) Le champ d'application de la loi semble compatible avec ce principe.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 284. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité suggère au gouvernement de ne pas maintenir les dispositions du projet de loi sur la fonction publique qui ne sont pas conformes aux principes de la liberté syndicale.
- b) Rappelant en particulier que les fonctionnaires devraient pouvoir, à l'instar des travailleurs du secteur privé, constituer des organisations de leur choix, et que ces organisations devraient avoir le droit d'organiser leurs activités liées à la promotion et à la défense des intérêts de leurs membres, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures pour supprimer l'interdiction du droit syndical aux fonctionnaires contenue dans le projet de loi et de le tenir informé à cet égard.
- c) Rappelant qu'une définition trop extensive de la notion de fonctionnaires est susceptible d'aboutir à une limitation très large, voire à une interdiction du droit de grève de ces travailleurs, le comité invite le gouvernement à ne pas dénier le droit de recourir à la grève aux fonctionnaires qui n'exercent pas de fonctions d'autorité au nom de l'Etat.