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74. La présente plainte figure dans une communication envoyée le 17 mai 1995 par la Centrale unique des travailleurs. Le gouvernement a transmis ses observations par une communication du 4 septembre 1995.
- 74. La présente plainte figure dans une communication envoyée le 17 mai 1995 par la Centrale unique des travailleurs. Le gouvernement a transmis ses observations par une communication du 4 septembre 1995.
- 75. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante
- 76. Dans sa communication du 17 mai 1995, la Centrale unique des travailleurs (CUT) indique que, au Brésil, les activités d'extraction, de raffinage et de distillation du pétrole sont effectuées par Petrobrás, la plus grande entreprise publique brésilienne détentrice d'un monopole d'Etat. Petrobrás emploie environ 50 000 salariés répartis en 20 syndicats et une fédération nationale, la Fédération unique des travailleurs du pétrole (FUP), affiliée à la CUT. Les négociations collectives entre les salariés représentés par la CUT et la direction de Petrobrás ont normalement lieu le 1er septembre de chaque année.
- 77. La confédération plaignante ajoute que les négociations de 1994 se sont ouvertes en août et se sont prolongées jusqu'en septembre, l'entreprise s'obstinant à refuser les principales revendications syndicales (à savoir des ajustements salariaux indexés sur l'inflation, une prime de productivité de 10 pour cent, un réajustement mensuel des salaires, le paiement des créances du travail, le renouvellement du personnel par concours, etc.). Face à cette impasse, les syndicats ont déclenché une grève d'une durée indéterminée à partir du 27 septembre. Le 30 septembre, le Tribunal supérieur du travail a jugé cette grève abusive (illégale) et a supprimé certaines des garanties traditionnelles de la catégorie professionnelle visée, notamment la protection contre le licenciement des dirigeants syndicaux et les congés syndicaux. Lors d'une assemblée, les syndicats du pétrole ont décidé de maintenir la grève. A la demande de la FUP et du président de la CUT, une négociation a eu lieu le 5 octobre avec le Président de la République et les ministres du Logement, du Travail, et des Mines et de l'Energie, qui a abouti à la signature d'un accord par lequel Petrobrás s'engageait à reprendre les négociations, à examiner la question des pertes salariales, à ne procéder à aucun licenciement et à ne prendre aucune sanction à l'encontre des grévistes, à créer une commission chargée d'étudier la question des sommes dues aux travailleurs, à payer des heures supplémentaires et à négocier les clauses sociales de la convention collective. La grève a été suspendue.
- 78. La confédération plaignante indique que, en octobre et novembre, la direction de Petrobrás a refusé de respecter l'accord et a intenté des poursuites administratives contre les grévistes de Minas Gerais, Bahía et Feara. Le 10 novembre, devant la menace de reprise de la grève, de nouvelles négociations ont été rouvertes qui ont conduit à un accord (que le plaignant joint en annexe à sa plainte) entre la FUP et les ministres des Mines et du Travail. Cet accord prévoit le paiement d'un complément de salaire aux travailleurs, l'amnistie des dirigeants syndicaux qui avaient été sanctionnés à la suite des actions revendicatives, le droit de défendre tous les travailleurs du pétrole menacés de sanctions et, enfin, le maintien de la protection contre le licenciement des dirigeants syndicaux et des autres clauses sociales de la convention collective.
- 79. Le 25 novembre, le gouvernement a dénoncé l'accord signé, ce qui a provoqué la reprise de la grève. Le même jour une nouvelle audience s'est ouverte au Tribunal supérieur du travail, au cours de laquelle Petrobrás a présenté une proposition de conciliation comportant une augmentation de 12 à 18 pour cent des salaires. Les travailleurs du pétrole ont accepté cette proposition (dont la confédération plaignante a envoyé le texte) et ont suspendu la grève. En décembre, cependant, Petrobrás a refusé d'appliquer l'accord signé au motif que le gouvernement ne l'y autorisait pas.
- 80. De janvier à avril, la FUP a continué à exiger de l'entreprise le respect de l'accord signé et, devant son refus, les syndicats ont approuvé le déclenchement d'une nouvelle grève. Le 3 mai, les travailleurs du pétrole de tout le pays se sont mis en grève pour exiger le respect de l'accord du 25 novembre 1994, la compensation salariale de 26 pour cent, la réintégration des travailleurs licenciés durant la période Collor, le renouvellement du personnel de l'entreprise et le paiement des sommes dues aux travailleurs. Le 9 mai, le Tribunal supérieur du travail a jugé que la grève était abusive au motif que, l'accord de novembre-décembre 1994 étant dépourvu de valeur juridique, elle était elle-même dépourvue de motif. Le 11 mai, par décision de la présidence de la République, Petrobrás a commencé à licencier des agents de l'entreprise pour juste motif, parmi lesquels plusieurs dirigeants syndicaux. Le 15 mai, 59 personnes ont été licenciées, parmi lesquelles des dirigeants des syndicats et de la fédération. La grève s'est poursuivie et les syndicats ont assuré l'entretien des installations ainsi que 30 pour cent de la production de gaz pour l'approvisionnement des hôpitaux, des installations industrielles et des ménages.
- 81. Selon la direction de la CUT, les mesures prises par le gouvernement brésilien constituent une violation flagrante de la Constitution du pays et de la convention no 98 de l'OIT, ratifiée par le Brésil. En effet, la Constitution nationale prévoit que le licenciement des dirigeants syndicaux ne peut avoir lieu qu'en cas de délit ou pour faute grave. Par ailleurs, la confédération plaignante rappelle que le Tribunal supérieur du travail a annulé la convention collective du 10 novembre 1994 au motif qu'elle avait été conclue en dehors des dates des négociations et qu'elle n'avait pas été signée par l'entreprise. Cependant, comme on l'a indiqué, elle l'a été par deux ministres, c'est-à-dire par les autorités de tutelle de la direction de Petrobrás, qui leur est subordonnée. De son côté, le pouvoir exécutif a refusé de reconnaître la validité du document négocié et signé par l'administration précédente, dont pourtant le Président de la République actuel faisait partie.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 82. Dans sa communication du 4 septembre 1995, le gouvernement confirme que l'entreprise Petrobrás S.A. est la plus grande entreprise publique brésilienne et qu'elle détient le monopole d'Etat de l'extraction, du raffinage, de la distillation et de la distribution du pétrole et de ses dérivés; elle emploie environ 50 000 salariés répartis en 20 syndicats et une fédération nationale, la Fédération unique des travailleurs du pétrole (FUP), affiliée à la Centrale unique des travailleurs (CUT).
- 83. Le gouvernement ajoute que les négociations menées entre l'entreprise et les travailleurs se sont déroulées selon le calendrier suivant:
- - août 1994. Début des négociations pour le renouvellement de la convention collective, sans que les parties ne parviennent à un accord;
- - 24 septembre 1994. Les syndicats approuvent le déclenchement d'une grève de durée indéterminée;
- - 30 septembre 1994. A la suite de la grève, le conflit est tranché par le Tribunal supérieur du travail, conformément à l'article 114 de la Constitution, qui prévoit ce qui suit:
- Il appartient à la juridiction du travail de régler, par voie de conciliation ou de jugement, les différends individuels et collectifs entre travailleurs et employeurs, lesquels comprennent les personnes morales de droit public et l'administration directe des municipalités, du district fédéral, des Etats et de l'Union, ainsi que, selon les formes prévues par la loi, les autres conflits relatifs à la durée du travail et les litiges qui résultent de l'application de ses propres décisions, y compris celles qui ont un caractère collectif.
- 1. Si les négociations collectives échouent, les parties pourront recourir à l'arbitrage.
- 2. Si l'une quelconque des parties refuse la négociation ou l'arbitrage, les syndicats pourront soumettre le conflit collectif à la justice, qui pourra prendre les mesures nécessaires à condition qu'elles respectent les dispositions conventionnelles et légales minimales de la protection du travail.
- Le gouvernement ajoute que, dans son arrêt du 30 septembre 1994, le tribunal supérieur a fixé les conditions de travail auxquelles les parties devaient se conformer jusqu'à la nouvelle date limite, à savoir août 1995. Cette décision imposait à la catégorie de travailleurs visée la reprise immédiate du travail en vertu de la loi no 7783/89 sur la grève. Les travailleurs du pétrole ont cependant maintenu la grève sans qu'aucun accord n'ait été conclu;
- - 5 octobre 1994. Les travailleurs du pétrole ont repris le travail et ont continué à chercher à conclure un accord avec l'entreprise et le gouvernement, mais sans succès;
- - 25 novembre 1994. La grève a repris quand l'entreprise a saisi le Tribunal supérieur du travail. Avant même qu'une décision n'ait été prise, Petrobrás a conclu un accord d'intentions qui a mis fin à l'action en justice et à la grève;
- - 3 mai 1995. Les travailleurs du pétrole ont déclenché une nouvelle grève pour faire appliquer l'accord d'intentions qui avait été signé le 25 novembre 1994;
- - 9 mai 1995. L'entreprise a soumis conformément à la procédure le conflit collectif au Tribunal supérieur du travail en lui demandant de déclarer la grève illégale au motif qu'il avait fixé des règles applicables à tous et que, par conséquent, en vertu de la loi no 7783/89, la grève était abusive. Après avoir analysé les arguments de l'entreprise, le tribunal supérieur a jugé que la grève était effectivement abusive, il n'a pas reconnu la validité juridique de l'accord d'intentions et il a ordonné la reprise du travail.
- 84. L'action en justice intentée pour faire admettre le caractère abusif de la grève était conforme aux dispositions de la Constitution nationale et de la loi no 7783/89. La catégorie professionnelle visée a pu assurer démocratiquement sa défense. La décision tendant à déclarer la grève abusive a permis à l'entreprise, conformément à la loi, de licencier des travailleurs et de remplacer les grévistes, tant pour assurer l'application de la décision de justice qui avait été prise que pour faire respecter l'état de droit. Il appartenait aussi à l'entreprise d'assurer l'approvisionnement de la collectivité en produits essentiels comme les combustibles et le gaz de ville, dont la pénurie aurait atteint toute la population et compromis la sécurité nationale. Pour assurer cet approvisionnement, il a été nécessaire de procéder à des licenciements et de remplacer les travailleurs qui s'obstinaient à poursuivre la grève après qu'elle eût été déclarée illégale. Le gouvernement a transmis le texte des décisions judiciaires datées des 9 et 26 mai 1995.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 85. Le comité observe que, dans la présente plainte, l'organisation plaignante allègue: 1) la violation du principe de la négociation collective, consacré par la convention no 98, lors du conflit collectif dans l'industrie pétrolière brésilienne de septembre 1994 à mai 1995 à l'occasion des négociations portant sur l'accord entre les travailleurs du pétrole et l'entreprise Petrobrás S.A., détentrice d'un monopole d'Etat; 2) le licenciement de 59 militants et dirigeants syndicaux grévistes, lors des grèves déclenchées dans le cadre de ce conflit collectif.
- 86. En ce qui concerne la violation du principe de la négociation collective, le comité observe que, selon la confédération plaignante, la grève a débuté le 27 septembre 1994 par suite du refus de l'entreprise d'accepter les principales revendications syndicales, et que, trois jours plus tard, le 30 septembre 1994, le Tribunal supérieur du travail a fixé, selon les dires du gouvernement, les conditions de travail que devaient respecter les parties (à la suite de quoi, en vertu de la législation en vigueur, les grévistes devaient reprendre immédiatement le travail). De même, le gouvernement a déclaré que, par la suite, le 9 mai 1995, l'entreprise a soumis le conflit collectif au Tribunal supérieur du travail. L'organisation plaignante a également indiqué au sujet de ce conflit que le gouvernement et l'entreprise Petrobrás n'avaient pas appliqué les accords - dont le texte figure en annexe - qu'ils avaient conclus respectivement avec la Fédération unique des travailleurs du pétrole les 10 et 25 novembre 1994 (le second ayant été ensuite qualifié par le Tribunal supérieur du travail d'"accord d'intentions" dépourvu de valeur juridique). Indépendamment de ces instruments, le comité doit souligner que, trois jours après le début de la grève et tandis qu'elle se déroulait, le Tribunal supérieur du travail a fixé les conditions de travail que devaient respecter les parties, rendant ainsi la grève illégale. A ce sujet, le comité doit rappeler le principe selon lequel "une disposition qui permet à l'une des parties au conflit de demander unilatéralement l'intervention de l'autorité du travail pour qu'elle s'occupe de régler ledit conflit présente un risque pour le droit des travailleurs de déclarer la grève et porte atteinte à la négociation collective". (Voir 265e rapport, cas nos 1478 et 1484 (Pérou), paragr. 547, et 295e rapport, cas no 1718 (Philippines), paragr. 296.) Dans ces conditions, le comité estime que le droit de grève a été violé. Il demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation de façon que les conflits collectifs d'intérêt ne puissent être soumis aux autorités judiciaires que si les deux parties en font la demande ou bien s'il s'agit de services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population.
- 87. Le comité demande en outre instamment au gouvernement de garantir que les accords collectifs entre entreprises et syndicats soient respectés. Il le prie également d'encourager les partenaires sociaux à résoudre les conflits collectifs par la négociation collective.
- 88. En ce qui concerne le licenciement des 59 militants et dirigeants syndicaux qui ont été remplacés, selon l'entreprise, pour assurer le maintien des services minimums, le comité observe que la législation brésilienne reconnaît aux travailleurs de l'industrie pétrolière le droit de recourir à la grève à la condition qu'ils assurent le maintien de services minimums. Le comité observe également que la version des faits de la confédération plaignante et du gouvernement diffère sur la question de savoir si les services minimums ont bien été maintenus durant la grève: la confédération plaignante affirme que l'approvisionnement des hôpitaux, des installations industrielles et des foyers a été assuré durant les différentes grèves, tandis que le gouvernement soutient de son côté que l'entreprise, pour garantir cet approvisionnement, a dû procéder à des licenciements et remplacer les grévistes. Etant donné la contradiction entre les allégations de la confédération plaignante et la réponse du gouvernement et que, dans les sentences judiciaires fournies par le gouvernement, il est fait référence de façon générale à de fortes preuves de non-accomplissement du maintien des services sans que soient spécifiés des centres de travail ou des travailleurs déterminés, le comité ne s'estime pas à même de formuler des conclusions sur cette question. Par ailleurs, le comité observe que, selon le gouvernement, la grève du secteur pétrolier a été jugée abusive par le Tribunal supérieur du travail à la demande de l'entreprise, au motif que le tribunal avait fixé des règles sur les conditions de travail que devaient respecter les parties.
- 89. Dans ces conditions, étant donné que, dans le présent cas, le comité a critiqué spécifiquement le renvoi unilatéral du conflit à l'arbitrage du tribunal supérieur, et étant donné en outre qu'il s'agit d'un conflit sérieux, complexe et prolongé et que la confédération plaignante a invoqué deux accords conclus respectivement avec le gouvernement et l'entreprise qui, selon elle, n'ont pas été respectés, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faciliter la réintégration des 59 militants et dirigeants syndicaux licenciés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 90. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation nationale de manière à assurer que les conflits collectifs d'intérêt ne puissent être soumis aux autorités judiciaires qu'à la demande des deux parties ou bien s'il s'agit de services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population.
- b) Le comité demande instamment au gouvernement de garantir que les accords collectifs entre entreprises et syndicats soient respectés. Il le prie également d'encourager les partenaires sociaux à résoudre les conflits collectifs par la négociation collective.
- c) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faciliter la réintégration des 59 militants et dirigeants syndicaux licenciés par l'entreprise Petrobrás.