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Informe provisional - Informe núm. 321, Junio 2000

Caso núm. 2052 (Haití) - Fecha de presentación de la queja:: 23-SEP-99 - Cerrado

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  1. 237. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 23 septembre 1999.
  2. 238. En l'absence de réponse de la part du gouvernement, le comité a dû reporter à deux reprises l'examen du présent cas. A sa réunion de mars 2000 (voir 320e rapport, paragr. 9), le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en attirant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration, il pourrait présenter à sa réunion suivante un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si les informations et observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps.
  3. 239. Haïti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 240. Dans sa communication du 23 septembre 1999, la CISL dénonce des atteintes aux libertés syndicales et au libre exercice du droit syndical au sein de l'entreprise "Electricité d'Haïti" (EDH) contre des syndicalistes et dirigeants de la Fédération des travailleurs d'Electricité d'Haïti (FESTRED'H). Elle fait état en particulier du licenciement massif, en novembre 1996, de 30 dirigeants syndicaux et de plus de 400 syndicalistes de la FESTRED'H, de la fermeture des bureaux syndicaux par des individus armés, de l'interdiction de toute réunion des syndiqués dans l'entreprise, de tentatives de meurtre contre deux dirigeants syndicaux, ainsi que d'arrestations et de voies de faits contre d'autres responsables syndicaux.
  2. 241. L'organisation plaignante souligne que ces différents événements trouvent leur source dans un conflit remontant à une dizaine d'années entre les autorités du pays et l'entreprise, d'une part, et la FESTRED'H de l'autre. Dès 1987-88, le syndicat en place s'était engagé dans une campagne d'assainissement de l'entreprise (lutte contre le gaspillage; factures non payées par des couches aisées de la population proches du pouvoir, ainsi que par certaines entreprises, etc., pratiques regroupées sous le vocable de "pertes non techniques") et d'amélioration des conditions de travail. Durant toutes ces années, le syndicat a constamment été en butte à des difficultés de fonctionnement, plusieurs de ses membres ayant été harcelés, incarcérés arbitrairement, et d'autres assassinés, notamment lors du coup d'Etat de septembre 1991. Plusieurs membres du syndicat ont alors dû s'exiler pour garder la vie sauve. Le retour du président Aristide en 1994 a coïncidé avec la mise en oeuvre d'une politique économique néolibérale comportant la privatisation des entreprises d'Etat, l'EDH figurant en tête de liste des sociétés privatisables. La FESTRED'H s'est opposée dès le début à cette politique et a proposé des solutions de rechange. La situation n'a fait que se détériorer par la suite, la présence d'un syndicat mobilisateur et combatif devenant intolérable tant pour l'entreprise que pour les autorités politiques.
  3. 242. C'est dans ce contexte que l'entreprise a procédé à l'annulation de tous les accords conclus avec le syndicat, par exemple ceux sur l'augmentation des salaires et la mise en place d'une commission bipartite chargée de travailler à la réduction des "pertes non techniques". La direction a également déclenché une campagne de dénigrement contre plusieurs responsables syndicaux et porté plusieurs accusations contre le syndicat, dont aucune n'a cependant été retenue. Une altercation, en octobre 1996, entre deux salariés de l'EDH a abouti en novembre 1996 au licenciement de 30 dirigeants syndicaux et de plus de 400 syndiqués, sous le couvert de prétendues raisons administratives et d'allégations de sabotage; toutefois, aucune accusation n'a été portée contre qui que ce soit à cet égard. Devant l'impossibilité d'engager un dialogue avec la direction, la FESTRED'H a épuisé les divers recours existant au niveau national (Direction du travail; ministère des Affaires sociales; Commission tripartite de consultation et d'arbitrage; ministère des Travaux publics; ministère des Transports et Communications) mais sans succès. Le 18 octobre 1996, des individus armés ont fermé les bureaux du syndicat, et tout rassemblement des travailleurs syndiqués a été interdit à l'intérieur de l'entreprise. En décembre 1996, un représentant de la Fédération des travailleurs et travailleurs du Québec, mandaté par la CISL pour une mission de bons offices, a tenu plusieurs rencontres avec divers représentants des autorités pour tenter de régler le différend, toujours sans succès, bien qu'un représentant des autorités eût reconnu que la situation devait être corrigée et que des mesures seraient prises en ce sens. Depuis, toutes les démarches du syndicat en vue de relancer le dialogue se sont heurtées à une fin de non-recevoir.
  4. 243. Par ailleurs, plusieurs syndicalistes et dirigeants ont été victimes d'atteintes à leur intégrité physique. Le 15 octobre 1996, lors d'une tentative de négociation, des individus armés ont tiré des coups de feu sur le président du syndicat, M. Vilbrun Laguerre; ce dernier a finalement été mis d'autorité à la retraite, au mépris des procédures administratives et du règlement interne de la compagnie. Le 11 novembre, deux individus armés ont attenté à la vie du délégué syndical de l'entreprise, M. Ronald Léveillé. Enfin, quatre membres de l'exécutif national du syndicat (MM. Paulin Elladin, Buffon Sambourg, Félix P. Michel et Jean-René Martineau) ont été arbitrairement incarcérés et brutalisés, pour être relâchés deux jours plus tard sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre eux.
  5. 244. L'organisation plaignante soutient que les travailleurs et leurs organisations devraient pouvoir exprimer leur mécontentement à l'égard des questions économiques et sociales qui affectent les intérêts de leurs membres. Le refus systématique de dialogue et la répression brutale exercée en l'espèce contre les travailleurs constituent une violation des principes les plus fondamentaux de la liberté syndicale.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 245. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte et compte tenu de la gravité des faits allégués, le gouvernement n'ait répondu à aucune des allégations formulées par l'organisation plaignante, alors qu'il a été à plusieurs reprises invité à présenter ses commentaires et observations sur le cas, notamment par un appel pressant. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable dans ce cas (voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de l'affaire, même en l'absence des informations qu'il avait espéré recevoir du gouvernement.
  2. 246. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée par l'Organisation internationale du Travail en vue d'examiner des allégations relatives à des violations de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux accusations qui pourraient être dirigées contre eux. (Voir 1er rapport du comité, paragr. 31.)
  3. 247. Le comité observe que les allégations portent notamment sur diverses atteintes à l'intégrité physique de dirigeants et militants syndicaux, certaines allant jusqu'à des tentatives de meurtre. Le comité rappelle que les droits des organisations de travailleurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ces principes. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 47.) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures voulues pour faire respecter ce principe à l'avenir, notamment en diligentant des enquêtes judiciaires indépendantes, pour établir les faits, sanctionner les coupables et empêcher la répétition de tels faits. Il le prie notamment d'engager de telles enquêtes au sujet des tentatives de meurtre perpétrées à l'encontre de MM. Laguerre et Léveillé et de le tenir informé du résultat de ces enquêtes.
  4. 248. S'agissant des arrestations et détentions survenues en l'espèce, le comité déplore la détention de quatre dirigeants syndicaux nationaux pendant deux jours sans qu'aucune charge n'ait été finalement retenue contre eux. Il rappelle que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général, et des libertés syndicales en particulier. (Recueil, op. cit., paragr. 71.) Le comité insiste pour que le gouvernement prenne toutes les mesures voulues pour éviter la répétition de tels incidents dans le futur.
  5. 249. Le comité souligne par ailleurs que l'occupation et la fermeture de locaux syndicaux constituent une sérieuse violation de la liberté syndicale et une grave ingérence dans les activités syndicales. (Recueil, op. cit., paragr. 174-185.) Le comité prie le gouvernement de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour que la FESTRED'H puisse à nouveau obtenir la libre jouissance de ses locaux et exercer ses activités syndicales légitimes, notamment le droit de réunion, en toute liberté. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures en ce sens.
  6. 250. Le comité souligne l'importance qu'il attache à ce que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés. (Recueil, op. cit., paragr. 937.) Rappelant qu'il est habilité à se prononcer sur les mesures de restructuration ou de rationalisation économique dans la mesure où celles-ci donnent lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux (Recueil, op. cit., paragr. 935), le comité prie instamment le gouvernement de lui transmettre toute information pertinente en ce qui concerne la vague de licenciements intervenue dans cette affaire à l'encontre d'un nombre important de dirigeants et membres de l'organisation plaignante.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 251. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas fourni de réponse aux allégations bien qu'il ait été invité à plusieurs reprises à le faire, notamment par un appel pressant, et il compte sur une réponse rapide de sa part.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte qu'à l'avenir les travailleurs et leurs organisations puissent exercer leurs droits dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes, notamment en diligentant des enquêtes judiciaires indépendantes pour établir les faits, sanctionner les coupables et empêcher la répétition de tels faits.
    • c) Le comité prie le gouvernement d'engager des enquêtes judiciaires indépendantes au sujet des tentatives de meurtre perpétrées à l'encontre de MM. Laguerre et Léveillé et de le tenir informé du résultat de ces enquêtes.
    • d) Le comité insiste pour que le gouvernement prenne toutes les mesures voulues pour éviter qu'à l'avenir des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes ne soient arrêtés ou détenus pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour que la FESTRED'H puisse à nouveau obtenir la libre jouissance de ses locaux et exercer en toute liberté ses activités syndicales légitimes, notamment le droit de réunion, et lui demande de le tenir informé des mesures prises en ce sens.
    • f) Le comité prie le gouvernement de lui transmettre rapidement toute information pertinente en ce qui concerne la vague de licenciements intervenue au sein de l'entreprise "Electricité d'Haïti" à l'encontre d'un nombre important de dirigeants et membres de l'organisation plaignante.
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