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- 1222. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mars 2007 et il a soumis à cette occasion au Conseil d’administration un rapport intérimaire. [Voir 344e rapport, approuvé par le Conseil d’administration lors de sa 298e session (mars 2007), paragr. 1159 à 1215.]
- 1223. Le gouvernement a fait parvenir ses observations complémentaires dans des communications datées des 26 juin et 24 septembre 2007.
- 1224. La Roumanie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 1225. A sa réunion de mars 2007, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 344e rapport, paragr. 1215]:
- a) Vu les divergences entre les allégations du plaignant et la réponse du gouvernement, le comité prie le gouvernement de soumettre davantage d’informations concernant l’inculpation de 1999 afin de lui permettre d’établir les faits en toute connaissance de cause. En particulier, le comité prie le gouvernement de lui fournir copie de tout jugement rendu concernant l’affaire en instance ainsi que de lui fournir, lorsqu’ils seront rendus, les jugements concernant la suspension d’exécution de la peine de Constantin Cretan pour raisons médicales ainsi que ceux concernant toute demande de libération conditionnelle.
- b) Concernant les allégations d’irrégularité dans les procédures judiciaires, le comité prie le gouvernement d’ouvrir une enquête indépendante afin de déterminer si une procédure régulière a bien été respectée en ce qui concerne tous les inculpés et de revoir les interdictions imposées à Miron Cozma. Si l’enquête conclut qu’il y a eu discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures afin d’assurer leur libération immédiate. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Concernant l’allégation quant aux propos du procureur envers Ionel Ciontu, le comité prie le gouvernement d’ouvrir une enquête afin de vérifier l’exactitude de cette allégation et de le tenir informé.
- d) Le comité prie le gouvernement de s’assurer que les principes concernant le respect de l’obligation de négociation de bonne foi sont respectés dans l’avenir.
- e) Concernant l’allégation de complot d’assassinat contre Miron Cozma, le comité demande au gouvernement d’ouvrir une enquête quant à la véracité de cette allégation et de le tenir informé des résultats à cet égard.
- f) Concernant le décès de Ionel Ciontu à l’hôpital de la prison de Jilava à Bucarest, le comité prie le gouvernement de lui communiquer les résultats de l’autopsie dès que possible.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1226. Le gouvernement a envoyé les observations ci-après dans ses communications des 26 juin et 24 septembre 2007.
- 1227. Alinéa a) des recommandations du 344e rapport.?Le gouvernement produit un extrait de la sentence pénale (prononcée par la Cour d’appel de Bucarest le 12 décembre 2003) à l’encontre de Miron Cozma, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu, Ionel Ciontu et Constantin Cretan, pour des faits qui se sont déroulés du 18 au 22 janvier 1999, à l’occasion du déplacement des mineurs vers Bucarest suite à une grève dans le secteur minier.
- 1228. Aux termes de cette sentence:
- – Les confrontations violentes entre les groupes de civils, les mineurs et les unités de gendarmes, policiers et autres forces de l’ordre du ministère des Affaires internes ont provoqué des dommages matériels qui ont mis en danger la sûreté nationale de la Roumanie, telle que définie dans la loi no 51/1991.
- – Tous les mineurs de la vallée du Jiu n’ont pas participé aux mouvements protestataires de janvier 1999. Seulement 46,9 pour cent des employés avaient approuvé le déplacement à Bucarest tandis que 25 pour cent étaient en désaccord avec la grève. Des éléments de preuve montrent que certaines adhésions à la grève ont été obtenues parce que Miron Cozma menaça de licencier ou d’évacuer de leurs foyers ceux qui n’étaient pas en accord.
- – Le choix de Miron Cozma comme président de la Ligue des syndicats des mineurs de la vallée du Jiu (LSMVJ) était illégal puisque, aux termes de l’article 2, alinéa 1, de la loi no 54/1991, seules les personnes qui ont la qualité de salarié ont le droit de s’organiser dans un syndicat. Le contrat de travail de Miron Cozma avait été annulé le 11 mars 1997 conformément à l’article 130 j) du Code du travail.
- – Pour résoudre le conflit, le ministre et le Premier ministre ont rencontré les leaders du syndicat des mineurs LSMVJ, parmi lesquels Miron Cozma. Toutefois, à l’occasion de chaque réunion, les leaders dirigés par Cozma formulaient d’autres revendications, dont des revendications politiques qui se situaient en dehors de l’activité syndicale.
- – Le 16 décembre 1998, le ministre a annoncé à la télévision qu’on préconisait la fermeture des mines de Dalja et Barbateni, dans le cadre de la restructuration de l’activité minière. Le lendemain, environ 1 000 mineurs des deux unités se sont rencontrés. A ce moment-là, Miron Cozma se trouvait à Bucarest en tant que chef d’une délégation pour négocier avec le ministre qui refusa de le recevoir parce qu’il ne voulait pas discuter avec un infracteur.
- – Le 28 décembre 1998, une réunion s’est tenue dans la localité de Sacelu (Gorj) entre les leaders de la Centrale nationale confédérative des syndicats miniers de Roumanie (CNCSMR) dirigés par Marin Condescu et ceux de la vallée du Jiu dirigés par Victor Badarca. A cette occasion, ils décidèrent de s’adresser au gouvernement pour demander une réunion avec le Premier ministre. Il a aussi été décidé que, si les revendications syndicales n’étaient pas acceptées, une grève générale serait déclenchée le 11 janvier 1999.
- – Toujours le 28 décembre 1998, pendant que les principaux leaders étaient à Sacelu, Miron Cozma présidait une séance avec d’autres leaders. Lors de cette séance, ils adoptèrent la décision de soutenir et résoudre les demandes des organisations syndicales et d’organiser des marches et meetings pour protester à Bucarest entre les 5 et 10 janvier 1999. De plus, ils adoptèrent un document signé par Miron Cozma contenant 30 demandes parmi lesquelles: la démission du ministre Radu Berceanu; une compensation de 10 000 dollars E.-U. pour chaque salarié licencié; des crédits avec intérêt subventionné et 2 hectares de terrain; un salaire pour les mineurs équivalant à 500 dollars E.-U.
- – Le 30 décembre 1998, l’IGP et le commandement de la gendarmerie adoptèrent un plan de mesures afin de prévenir et combattre, lors de protestations de groupes sociaux des bassins miniers, les effets négatifs des manifestations. Entre-temps, considérant que les manifestations des mineurs à Bucarest en 1990-91 s’étaient transformées en actions violentes, la mairie de la capitale transmettait un communiqué affirmant que la marche-meeting organisée par Miron Cozma au nom de la LSMVJ était interdite, car elle ne présentait pas les garanties nécessaires et légales d’un déroulement dans des conditions de paix et de civilité.
- – La grève générale dans la vallée du Jiu fut déclenchée le 4 janvier 1999 et a duré jusqu’au 18 janvier 1999, date à laquelle les mineurs ont commencé le déplacement vers Bucarest. Suite aux discours de Miron Cozma, de Romeo Beja et des autres leaders syndicaux, les instigations sont devenues de plus en plus politiques et ont dégénéré vers des slogans antigouvernementaux et antiprésidentiels.
- – Le 4 janvier 1999, le gouvernement a déclaré par communiqué que de telles conditions n’étaient pas favorables pour réaliser le dialogue. Il souligna aussi que la responsabilité pour le fait que les mineurs ne recevront pas leurs salaires pour les jours de grève revenait aux leaders des syndicats. Les demandes salariales peuvent être analysées du point de vue technique par une commission habilitée, au siège du ministère de l’Industrie et du Commerce, dans les conditions prévues par la loi des conflits de travail.
- – Certains leaders syndicaux, comme Vasile Lupu et Romeo Beja, ont désinformé les directeurs des unités minières en leur disant que la grève était légale et que la présence des mineurs était nécessaire. Ils ont conséquemment engendré la présence de beaucoup de personnes qui ne désiraient pas participer à la grève et qui ont été transportées par autobus à Petrosani.
- – Le 14 janvier, avant la séance du Conseil de coordination, Miron Cozma a présenté les «instructions» concernant les modalités d’utilisation des grenades irritantes lacrymogènes et les modalités de protection pour l’utilisation des gaz lacrymogènes. Ce type de grenade avait déjà été utilisé à Costesti contre les forces de l’ordre.
- – Le 15 janvier 1999, le tribunal civil de Petrosani considéra la grève générale illégale.
- – Le 18 janvier 1999, Miron Cozma décida l’itinéraire de la marche vers Bucarest et les mineurs furent coordonnés à l’entrée du défilé du Jiu par Romeo Beja, Ionel Ciontu et Vasile Lupu, ainsi que par le leader Luka Gheiza.
- – Pendant la grève et au jour de départ vers Bucarest, le gouvernement a communiqué sa disponibilité au dialogue en vue de désamorcer la situation, mais les conditions imposées par Miron Cozma étaient inacceptables.
- – Le matin du 19 janvier 1999, après 7 heures, les mineurs ont attaqué le dispositif militaire à Bumbesti, lançant vers les militaires et les gendarmes des pierres et des roches ayant parfois de grandes dimensions. Les militaires se sont retirés en répondant avec des gaz irritants lacrymogènes et les mineurs ont pu passer pour se déplacer vers Targu Jiu. Les actions violentes des mineurs ont engendré neuf militaires blessés et d’importants dommages matériaux comme la détérioration des véhicules de la gendarmerie et de la police.
- – Le matin du 20 janvier 1999, une autre confrontation a eu lieu à Costesti. Quinze mille manifestants se trouvaient sur la place devant la préfecture de Targu Jiu et environ 4 500 se sont dirigés vers Rm. Vâlcea à pied ou en autobus, accompagnés d’approximativement 150 voitures. Un dispositif de 2 137 cadres et militaires, 400 agents de police et 1 700 gendarmes ont été déployés. Les habitants et les autres citoyens qui étaient dans la zone de contact ont hué et injurié les policiers, craché et lancé des pierres vers eux. Dans ces conditions, l’attaque déclenchée à l’arrière du dispositif commandée par Miron Cozma, en même temps que celle déclenchée sur les deux autres flancs, a été dévastatrice. Les forces de l’ordre ont été attaquées par des milliers de gens armés de casse-tête, de pilotis, de pierres, de chaînes, de fourches, de haches et autres instruments durs ainsi que par des grenades lacrymogènes et matériaux propres au ministère de l’Intérieur.
- – Des témoins et 87 victimes déclarent qu’aux environs de 15 heures un groupe de presque 30 mineurs, tous armés et commandés par Miron Cozma, est apparu sur la colline près de la commune de Nefulesti. Les militaires ont été harcelés d’une manière féroce, battus sur la tête, les pieds et les mains, certains ont été jetés dans les ravins de Mzeul Tronantilor et beaucoup ont été brutalement dépossédés de tous leurs armements. C’est Romeo Beja qui ordonna que les militaires soient désarmés, proféra des menaces de mort et utilisa les otages comme bouclier humain devant la colonne de mineurs. Les personnes au barrage ainsi que celles aux flancs ont été obligées de se replier et elles ont été amassées dans une bergerie où, complètement désarmées, on leur a dit qu’elles étaient des prisonniers. Les agents de police ont été battus et ils ont été obligés de monter dans des autobus. Ils ont été séquestrés pendant plusieurs heures jusqu’au moment où le chemin a été désaffecté et la colonne de mineurs est passée vers Rm. Vâlcea. Lors de cette confrontation, un grand nombre de cadres et de militaires ont souffert de lésions corporelles. Des fenêtres ont été brisées avec des pierres à la préfecture et quelques gardiens publics ont été agressés. Vers 19 heures, l’électricité a été coupée à deux reprises dans toute la ville et, pendant ces moments, l’agressivité des manifestants s’est accrue.
- – Vingt-trois mineurs ont été blessés soit en se blessant eux-mêmes, par intoxication avec du gaz lacrymogène ou par des éléments autres que la riposte des forces de l’ordre (engelures, atrocités, etc.). Pendant leurs interrogatoires, tous ont déclaré n’avoir ni prétention ni preuve démontrant qu’ils avaient été agressés par les forces de l’ordre.
- – Dans l’après-midi du 21 janvier 1999, après que les forces de l’ordre ont été vaincues à Costesti, Constantin Dudu Ionescu a été nommé ministre du ministère de l’Intérieur. Pendant la soirée, une rencontre a eu lieu avec les chefs des partis parlementaires au Palais Cotroceni et une déclaration commune a été adoptée en vue de défendre les institutions de l’Etat de droit et d’assurer la paix publique. Cette même soirée, à la demande du Conseil suprême pour la défense du PAS, le gouvernement a adopté une ordonnance d’urgence relative à l’établissement de l’état d’urgence et de l’état de siège. La décision a été mise en œuvre pendant la nuit, plusieurs chars et casques bleus ont été envoyés dans la région.
- – Le 22 janvier 1999, le parlement a été convoqué en séance extraordinaire. La même journée, au monastère de Cozia, se réunissait l’équipe gouvernementale conduite par le Premier ministre et les leaders syndicaux conduits par Miron Cozma. Lors de cette réunion, les demandes syndicales ont été négociées et trois protocoles furent conclus. Selon le point commun de ces trois protocoles, le gouvernement n’initierait pas de mesure contre les participants et les dirigeants syndicaux présents aux manifestations pendant la période du 4 au 22 janvier 1999.
- – Conséquemment aux actions violentes des mineurs des 18 au 22 janvier 1999, le ministère des Affaires intérieures a enregistré des pertes de 21 943 737 000 lei auxquelles s’ajoutent des pertes de 99 290 000 lei pour l’assistance médicale des blessés. Des 321 cadres et militaires en poste, 68 ont formulé des revendications civiles tandis que les autres sollicitent un jugement pénal.
- – Les actions des mineurs et celles des autres participants à l’action des mineurs du mois de janvier 1999, conduites par les inculpés Miron Cozma, Romeo Beja, Dorin Lois, Ionel Ciontu, Vasile Lupu et Constantin Cretan, doivent être appréciées ensemble et non pas comme des faits distincts ou comme des infractions indépendantes, parce qu’elles sont des éléments de l’infraction complexe de la subversion du pouvoir d’Etat, prévue par l’article 31, alinéa 2, rapporté à l’article 162, alinéa 2, du Code pénal.
- – La grève a été déclenchée, même si les conditions préalables imposées par la loi sur la résolution des conflits collectifs de travail et par le contrat de travail couvrant la période 1998-99, aux termes desquelles la grève devait être déclenchée à l’intérieur de l’unité et seulement après avoir recueilli la signature d’au moins la moitié des membres après que toutes tentatives de résolution du conflit par conciliation ont été effectuées, n’étaient pas accomplies.
- – L’action des mineurs a mis en danger l’Etat comme organe politique et aussi dans le cadre de son rôle de relations sociales. Les actions violentes des mineurs conduites par Miron Cozma et les cinq autres syndicalistes inculpés ont affecté les forces de l’ordre en les faisant prisonnières à Costesti, et elles ont affecté aussi le pouvoir de l’Etat par les slogans utilisés pour éloigner le gouvernement, forcer le Président à démissionner et proposer des élections anticipées. Dans de telles circonstances, la Convention pour la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Rome, 1950) ratifiée par la Roumanie en 1993 prévoit à l’article 2 la possibilité de recourir à la force pour réprimer une révolte ou une insurrection.
- – Pour ces raisons, Miron Cozma est condamné: conformément à l’article 31, paragraphe 2, ainsi qu’à l’article 162 du Code pénal, à dix ans de prison pour instigation dans les conditions de la participation impropre à l’infraction de saper les pouvoirs de l’Etat; conformément à l’article 65 du Code pénal, les droits prévus par l’article 64, lettres a, b et c, sont interdits à Miron Cozma pour une période de cinq ans; la peine accessoire prévue par les articles 71 et 64 du Code pénal est appliquée; conformément à l’article 67 du Code pénal, la peine supplémentaire de la dégradation militaire est appliquée; conformément à l’article 116 du Code pénal, par mesure de sécurité, sa présence est interdite à Bucarest pour une période de cinq ans après l’exécution de la peine principale.
- – Ionel Ciontu et Constantin Cretan sont condamnés à cinq ans de prison pour instigation dans les conditions de la participation impropre à l’infraction de saper le pouvoir de l’Etat.
- – L’action civile est admissible. Les inculpés Miron Cozma, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu sont solidairement responsables avec la Ligue des syndicats des mineurs de payer les dommages suivants: 3 432 277 697,8 lei plus l’intérêt général pour la période s’étant écoulée entre la décision et l’acquittement du débit à la part civile du ministère de l’Intérieur; 4 080 056 lei plus l’intérêt légal pour la période écoulée entre la mise au point de la décision et l’acquittement du débit à la part civile de l’hôpital villageois Horezu dans le comté de Vâlcea; et 27 749 701 lei plus l’intérêt pour la période écoulée entre la décision et l’acquittement du débit de l’hôpital du département de Vâlcea.
- 1229. Alinéas b) et c) des recommandations.?Dans une communication du 24 septembre 2007, le gouvernement fait siennes les conclusions du Conseil supérieur de la magistrature qui, par l’intermédiaire de l’Inspection judiciaire, a effectué les investigations demandées par le comité.
- 1230. A cet égard, les dispositions inscrites dans le Code roumain de procédure pénale instituent un contrôle de l’instance judiciaire sur tous les actes et mesures effectués par le procureur dans le déroulement du procès pénal. Le contrôle consiste en la vérification du respect des garanties d’un procès équitable au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que des principes fondamentaux du procès pénal, tels l’égalité, le dévoilement de la vérité, la présomption d’innocence, la garantie de la liberté de l’individu, le respect de la dignité humaine, la garantie du droit à la défense pleine et entière, et l’égalité des armes des parties devant le juge.
- 1231. Le gouvernement indique que, suite aux vérifications du dossier en cause, aucune violation procédurale ou des garanties procédurales prévues par la loi n’ont été constatées. Les parties impliquées n’ont pas invoqué de violation des garanties procédurales prévues par la loi, ni dans l’étape des poursuites pénales ni au moment du jugement. Pendant leurs déclarations devant l’instance, les inculpés n’ont pas invoqué l’exception concernant le non-respect des règles de procédure. Leurs allégations ont seulement visé la manière dont les enquêteurs et l’instance ont interprété les documents administrés en preuve dans cette cause et l’encadrement juridique des faits, ces points ayant par ailleurs fait l’objet de recours.
- 1232. Quant aux propos du procureur Viorel Siserman envers Ionel Ciontu au cours des poursuites judiciaires, selon le gouvernement, Ionel Ciontu a été soumis à un interrogatoire par le procureur seulement en présence de son défendeur. Pendant les poursuites pénales, l’accusé n’a formulé aucune plainte concernant les faits et les mesures disposées par le procureur. Devant l’instance, ni Ionel Ciontu ni les autres coïnculpés n’ont invoqué le fait que le procureur Viorel Siserman aurait dépassé, pendant l’enquête, le cadre procédural imposé par la loi. Les dispositions comprises à l’article 266 du Code pénal incriminent l’attitude de l’enquêteur qui tente d’obtenir des déclarations par l’intermédiaire de promissions, menaces ou violences exercées sur une personne qui se trouve en cours d’enquête. Aucune des parties impliquées en cause n’a formulé de plainte pénale à l’encontre du procureur Viorel Siserman pour l’infraction d’enquête abusive.
- 1233. Ainsi, toutes les garanties procédurales imposées pour être en présence d’un procès équitable au sens des stipulations prévues à l’article 21, alinéa 3, de la Constitution de la Roumanie, aux articles 10 et 11, alinéa 2, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ont été respectées.
- 1234. Alinéa f) des recommandations.?Le gouvernement indique que, le 29 septembre 2005, Ionel Ciontu a été placé au pénitencier de Deva. Pendant sa détention, il a été traité au cabinet médical du pénitencier pour des affections cardiovasculaires, digestives et respiratoires. Il a été périodiquement hospitalisé dans les unités de santé de l’Administration nationale des pénitenciers ainsi que dans le réseau de santé publique pour des évaluations en cardiologie, pneumologie et en gastro-entérologie. Il a reçu les médicaments, le régime alimentaire hyposodique et la protection gastrique conformément aux prescriptions des médecins spécialistes. A la suite d’une pneumopathie aiguë diagnostiquée le 3 janvier 2007, l’état général de Ionel Ciontu s’est altéré. Cette situation imposa des examens spécialisés en cardiologie les 5 et 9 janvier 2007, en gastro-entérologie le 9 janvier 2007, et une échographie abdominale et des analyses de laboratoire le 8 janvier 2007. Le 9 janvier 2007, les médecins spécialistes en cardiologie et en gastro-entérologie ont établi le diagnostic de «cirrhose hépatique d’étiologie pas précisée, décompensée parenchymateux et vasculaire» et ont recommandé l’hospitalisation du patient à l’hôpital du pénitencier de Bucuresti Jilava. Le 10 janvier 2007, à cause d’une dyspnée sévère, une toux sèche et un état général altéré, des examens d’urgence ont eu lieu (échocardiographie, examen Doppler vasculaire). Le diagnostic établit un thromboembolisme, une thrombose veineuse profonde des membres inférieurs et une hypertension pulmonaire sévère. Un traitement anticoagulant est prescrit et il a été décidé de transporter le patient à la clinique d’urgence de Bagdasar Arseni pour monitoriser la thérapie anticoagulante. A cet hôpital, le diagnostic établi par l’hôpital du pénitencier de Bucuresti Jilava est confirmé. Le patient est hospitalisé à l’unité des soins intensifs où son état général s’est aggravé jusqu’à l’arrêt cardiorespiratoire. Les manœuvres de réanimation cardiopulmonaire sont restées sans effet. Le décès a été enregistré le 11 janvier 2007 à 2 h 40. Conformément au certificat médical de constatation du décès établi par la nécropsie du médecin légiste, le décès de Ionel Ciontu a été causé par une insuffisance cardiorespiratoire, un thromboembolisme pulmonaire et une thrombose veineuse fémorale droite.
- 1235. Conformément aux dispositions de l’article 80, alinéa 3, de la loi no 275/2006 sur l’exécution des peines et des mesures disposées par les organes judiciaires pendant le procès pénal, ainsi que conformément à l’article 219, alinéa 2, du règlement d’application de cette même loi, dans la situation du décès d’une personne privée de liberté, les membres de la famille (époux, épouse ou un parent jusqu’au quatrième degré y compris) ou une autre personne désignée par ceux-ci ont, sur demande, accès au dossier individuel ou à tout autre document concernant le décès.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 1236. Le comité rappelle les allégations de l’organisation plaignante à l’effet que, suite à l’annonce de la fermeture de deux mines dans la vallée du Jiu en 1998, Miron Cozma a été mandaté pour entreprendre les négociations avec le gouvernement. Le gouvernement refusant de négocier avec Miron Cozma, les syndicats des mineurs de la vallée du Jiu votent la grève le 4 janvier 1999 avec comme revendication principale l’augmentation du budget des mines. La grève durera quatorze jours, sans résultat. Le 18 janvier, les mineurs et leurs représentants syndicaux, parmi lesquels Miron Cozma, Constantin Cretan, Romeo Beja, Dorin Lois et Ionel Ciontu, se mettent en route vers Bucarest. Poursuivant leur marche, ils finissent par obtenir l’ouverture des négociations à Cozia, et un accord entre les représentants syndicaux et le gouvernement est conclu le 22 janvier 1999. L’organisation plaignante allègue que les garanties de l’accord n’ont pas été respectées, en particulier en ce qui concerne la décision de ne pas initier de mesures contre les dirigeants syndicaux présents aux manifestations. Elle soulève également les arrestations successives de Miron Cozma (en 1997, 1999, 2004 et 2005), l’amnistie dont il a fait l’objet pour les faits de 1991 et l’arrestation immédiatement après sa libération avec une décision de révocation de grâce, décision ultérieurement annulée par un tribunal. Lors de l’examen antérieur du cas, le comité a affirmé être particulièrement préoccupé par la sévérité des peines de dix et cinq ans de prison imposées aux syndicalistes en cause et par le fait que le gouvernement n’avait pas donné davantage d’explications quant aux évènements décrits dans la plainte. En outre, afin de mieux comprendre la nature des actes condamnés en 1999, le comité a prié le gouvernement de lui transmettre copie de tout jugement rendu concernant l’affaire en instance et ceux concernant la suspension d’exécution de la peine de Constantin Cretan pour raisons médicales ainsi que ses demandes de libération conditionnelle.
- 1237. Le comité note la sentence pénale du 12 décembre 2003 transmise par le gouvernement. Le comité regrette que le gouvernement ne fournisse pas la décision du 28 septembre 2005 de la Haute Cour confirmant la condamnation en 2003 de Miron Cozma, Romeo Beja, Dorin Lois, Vasile Lupu, Ionel Ciontu et Constantin Cretan, ni de jugement concernant la suspension de la peine de ce dernier pour raisons médicales ni le jugement concernant la demande de libération conditionnelle de Miron Cozma. Il ressort de la sentence de 2003 que les inculpations auraient eu lieu, entre autres, en raison de l’exercice du droit de grève. En effet, selon la sentence pénale, les évènements du mois de janvier 1999 (la grève et la marche vers Bucarest) conduits par ces dirigeants syndicaux «doivent être appréciés ensemble et non pas comme des faits distincts ou comme des infractions indépendantes, parce qu’elles sont des éléments de l’infraction complexe de la subversion du pouvoir d’Etat, prévue par l’article 31, alinéa 2, rapporté à l’article 162, alinéa 2, du Code pénal». A cet égard, le comité rappelle que les principes de la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux.
- 1238. Le comité rappelle que la plainte soumise par l’organisation plaignante soulève également la question de l’obligation de négocier de bonne foi et le respect des engagements pris par le gouvernement. Le comité constate que le ministre a refusé de discuter avec Miron Cozma le 16 décembre 1998 parce qu’il le considérait comme un infracteur, alors qu’il avait été choisi par les mineurs pour entrer en négociation avec le ministère suite à l’annonce de la fermeture des deux mines dans la vallée du Jiu. Le 22 janvier 1999, un accord entre les représentants syndicaux et le gouvernement est conclu à Cozia. Cet accord inclut un engagement de la part du gouvernement de ne pas initier de mesures contre les participants et les dirigeants syndicaux présents aux manifestations pendant la période du 4 au 22 janvier 1999, et ceci est constaté par la sentence pénale. Le comité rappelle qu’employeurs et syndicats doivent négocier de bonne foi en s’efforçant d’arriver à un accord et que des relations professionnelles satisfaisantes dépendent essentiellement de l’attitude qu’adoptent les parties l’une à l’égard de l’autre et de leur confiance réciproque. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 936.] Reconnaissant la nature complexe du présent cas et le contexte général de violence faisant l’objet de la sentence pénale, le comité est préoccupé par les poursuites engagées par le gouvernement contre les dirigeants syndicaux qui sembleraient enfreindre les termes de l’accord de Cozia.
- 1239. Lors de l’examen précédent de ce cas, le comité rappelle que, ayant exprimé sa préoccupation quant aux arrestations successives de Miron Cozma (en 1997, 1999, 2004 et 2005), ainsi qu’aux arrestations des autres dirigeants syndicaux, il avait demandé au gouvernement d’ouvrir une enquête indépendante afin de déterminer si une procédure régulière a bien été respectée en ce qui concerne tous les inculpés et de revoir les interdictions imposées à Miron Cozma. Le comité note que le gouvernement fait siennes les conclusions du Conseil supérieur de la magistrature selon lesquelles aucune violation procédurale ou des garanties procédurales prévues par la loi n’ont été constatées. Le comité avait été également préoccupé par le fait que, ayant fait l’objet d’une amnistie le 15 décembre 2004, Miron Cozma s’est trouvé arrêté immédiatement après sa libération avec une décision de révocation de grâce, décision ultérieurement annulée par un tribunal. Pendant l’entrée en vigueur de la révocation de grâce, Miron Cozma a été de nouveau incarcéré. Par ailleurs, le comité avait été préoccupé par le retrait d’un certain nombre de ses droits fondamentaux. La perte de droits fondamentaux, comme l’interdiction de séjour et de passage à Bucarest et à Petrosani, la grande ville minière, pour une durée de dix-sept ans et l’interdiction de se présenter et d’être élu à n’importe quel poste de responsabilité syndicale (avec une mention spéciale concernant l’organisation syndicale dont il était membre), à tout poste de fonction politique et à toute dignité publique, ne pouvant être justifiée que sur une base pénale sans aucun lien avec des activités syndicales, est d’une importance à sévèrement mettre en question l’intégrité de la personne concernée. A cet égard, le comité rappelle que le fait de restreindre à une région limitée la liberté de mouvement d’une personne et de lui interdire l’accès de la région où le syndicat auquel elle appartient exerce son activité, et où elle remplit normalement ses fonctions syndicales, est incompatible avec la jouissance normale du droit d’association et avec l’exercice du droit de poursuivre une activité syndicale et de remplir des fonctions syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 129.]
- 1240. Le comité note que, le 2 décembre 2007, Miron Cozma a été libéré. Par contre, lors de sa libération, l’interdiction de séjour à Bucarest et à Petrosani n’a pas été levée. Le comité demande au gouvernement de lever l’interdiction de séjour à Bucarest et à Petrosani imposée à Miron Cozma. Notant également que Constantin Cretan, Dorin Lois et Vasile Lupu sont toujours emprisonnés, le comité demande au gouvernement d’examiner la situation de ces syndicalistes et de considérer leur libération immédiate, et de le tenir informé à cet égard.
- 1241. Concernant la demande du comité d’ouvrir une enquête afin de vérifier l’exactitude de l’allégation de l’organisation plaignante quant aux propos du procureur Viorel Siserman à l’encontre de Ionel Ciontu, le comité note la réponse du gouvernement à l’effet que l’inspection judiciaire a effectué une investigation nécessaire et n’a identifié aucune violation des normes procédurales, le Code pénal incriminant l’attitude de l’enquêteur qui tente d’obtenir des déclarations par l’intermédiaire de promissions, menaces ou violences exercées sur une personne qui se trouve en cours d’enquête. De plus, aucune des parties impliquées en cause n’a formulé de plainte pénale à l’encontre du procureur Viorel Siserman en raison de l’infraction d’enquête abusive, y compris sous l’article 266 du code.
- 1242. Concernant les allégations des plaignants faisant état de complot d’assassinat envers Miron Cozma, le comité rappelle que, lors de l’examen précédent du cas, il avait demandé au gouvernement de lui fournir des informations à ce sujet. Le comité note avec regret que le gouvernement n’a pas fourni d’information sur ce point. En se référant à l’examen précédent du cas, le comité rappelle le principe général selon lequel les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44.] Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de Miron Cozma.
- 1243. Concernant le décès de Ionel Ciontu, le comité note les informations transmises par le gouvernement à l’effet que le décès de Ionel Ciontu a été causé par une insuffisance cardiorespiratoire, un thromboembolisme pulmonaire et une thrombose veineuse fémorale droite.
- 1244. Le comité rappelle également qu’au moment de la plainte l’organisation plaignante a allégué que Miron Cozma, Constantin Cretan, Dorin Lois, Vasile Lupu et Ionel Ciontu sont emprisonnés dans des conditions parfois dangereuses pour leur santé et leur sécurité. Le comité constate que le gouvernement est silencieux sur ce point. Le comité est d’avis qu’au cours de leur détention les syndicalistes comme toute autre personne devraient bénéficier des garanties prévues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquelles toute personne privée de liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 54.] Le comité demande au gouvernement d’assurer le respect de ce principe.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1245. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) S’agissant de Miron Cozma, le comité demande au gouvernement de lever l’interdiction de séjour à Bucarest et à Petrosani qui lui est imposée.
- b) S’agissant des syndicalistes Constantin Cretan, Dorin Lois et Vasile Lupu qui sont toujours emprisonnés, le comité demande au gouvernement d’examiner la situation de ces syndicalistes et de considérer leur libération immédiate, et de le tenir informé à cet égard.
- c) Concernant les allégations des plaignants faisant état de complot d’assassinat envers Miron Cozma, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de Miron Cozma.