Visualizar en: Inglés - Español
- 1062. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) en date du 17 septembre 2007.
- 1063. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date du 16 octobre 2007 et du 3 mars 2008.
- 1064. Le Myanmar a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais il n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1065. Dans sa communication du 17 septembre 2007, la CSI allègue que six militants syndicaux ont été arrêtés, traduits en justice pour sédition et association avec la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) et se sont vu infliger des peines de prison extrêmement sévères après avoir tenté d’organiser des cérémonies et un séminaire sur des questions syndicales pour la Journée internationale du travail le 1er mai 2007.
- 1066. Selon la CSI, Thurein Aung, Kyaw Kyaw, Shwe Joe, Wai Lin, Aung Naing Tun et Nyi Nyi Zaw faisaient partie des quelque 33 personnes qui auraient été placées en détention à la suite de la réunion organisée le 1er mai 2007 à l’«American Center» de Rangoon à l’occasion de la Journée du travail. Après avoir été retenues dans un centre d’interrogatoire spécial, ces six personnes ont été transférées à la prison centrale, où elles ont été maintenues dans des bâtiments séparés et soumises à de mauvais traitements, sans avoir droit aux visites. Deux d’entre elles, Shwe Joe et Aung Naing Tun, ont été relâchées le 4 mai mais, le 10 mai, deux autres personnes, Kyaw Win et Myo Min, ont été arrêtées alors qu’elles se rendaient à la frontière thaïlando-birmane pour informer le monde extérieur des arrestations.
- 1067. Le 16 juillet 2007, le procès de Thurein Aung, Kyaw Kyaw, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Win et Myo Min s’est ouvert à l’intérieur de la prison d’Insein de Rangoon. Les proches n’ont pas été admis à assister à la première audience mais ils ont pu assister aux audiences suivantes qui ont commencé le 20 juillet dans un tribunal extérieur à la prison. Mais les audiences ont ensuite été de nouveau transférées dans les locaux de la prison, auxquels les personnes extérieures n’ont pas pu obtenir l’accès. Le 2 août, les deux avocats de la défense ont tenté d’obtenir que l’affaire soit de nouveau transférée à un tribunal siégeant en audience publique, en conformité avec l’article 2(E) de la loi judiciaire de 2000 qui dispose que «la justice [devrait être] rendue dans un tribunal siégeant en audience publique, à moins que la loi ne l’interdise». Toutefois, du fait du harcèlement incessant auquel ils étaient soumis lorsqu’ils entraient et sortaient des locaux du tribunal, les deux avocats se sont désistés du cas le 4 août. Les défendeurs n’ont donc plus eu d’avocats pendant le reste du procès.
- 1068. Le 7 septembre, les six hommes ont été déclarés coupables de sédition en vertu de l’article 124(A) du Code pénal et condamnés à 20 ans de prison et à une amende de 1 000 kyats. De plus, Thurein Aung, Wai Lin, Myo Min et Kyaw Win ont été déclarés coupables, en vertu de l’article 17(1) de la loi sur les associations illicites, pour s’être associés avec une organisation illicite et avoir illégalement franchi la frontière. Chacun d’eux s’est vu condamné à cinq ans d’emprisonnement supplémentaires sous l’inculpation d’association illicite, et à trois ans de plus pour avoir passé la frontière illégalement – ce dernier chef d’accusation relevant des dispositions de la loi sur l’immigration.
- 1069. Au cours des interrogatoires des six militants inculpés, les forces de sécurité ont avant tout cherché à trouver des liens avec la FTUB, que la junte birmane a en fait toujours présentée comme une organisation criminelle, voire terroriste. Mais la CSI et ses prédécesseurs, la CISL et la CMT, ont toujours rejeté ces allégations et reconnu la FTUB comme une organisation légitime, qui tente simplement de défendre les droits des travailleurs en Birmanie dans des conditions extrêmement difficiles. La FTUB jouit auprès de la CSI d’un statut d’organisation syndicale associée.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1070. Dans sa communication du 16 octobre 2007, le gouvernement indique que les six personnes ne travaillent dans aucune usine ni aucun lieu de travail, et qu’il doute dès lors de leur capacité de représenter les intérêts des travailleurs. Leur arrestation n’était pas liée à l’organisation de la manifestation du 1er mai. De nombreuses manifestations ont été organisées ce jour-là dans tout le pays par différentes organisations, sans pour autant que quiconque soit arrêté.
- 1071. Les six personnes ont été inculpées d’actes délictueux, en vertu de l’article 124(A) du Code pénal, pour incitation à la haine ou au mépris du gouvernement; de l’article 17(1) de la loi de 1908 sur les associations illicites, pour être membres de ou en contact avec une association illicite; et de l’article 13(1) sur la loi de 1947 sur les dispositions (d’urgence) en matière d’immigration, pour avoir illégalement quitté puis regagné le pays. Les lois susmentionnées n’affaiblissent pas l’obligation au titre de la convention no 87.
- 1072. Le Myanmar a adhéré à un certain nombre de conventions internationales pour la suppression du terrorisme, notamment à la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. En juin 2004, le Myanmar a découvert des attentats à la bombe et des actes de terrorisme commis par la FTUB, qui avait apporté son soutien financier et pris part à de tels actes et avait fourni des matériels explosifs pour créer une situation d’instabilité dans le pays. Tous ces actes terroristes sont interdits en vertu des conventions susmentionnées. Le 12 avril 2006, le ministère de l’Intérieur a publié la déclaration no 1/2006 accusant la FTUB d’être un groupe terroriste. La FTUB ne représente aucun secteur de la population active au Myanmar; bien qu’elle ait pris le nom de la Birmanie, il s’agit d’un groupe terroriste déguisé en organisation de travailleurs. Les six personnes ont été arrêtées et condamnées pour avoir rallié ce groupe terroriste et coopéré avec lui.
- 1073. Le gouvernement rejette l’allégation selon laquelle, après avoir été retenues dans un centre d’interrogatoire spécial, les six personnes auraient été transférées à la prison centrale, où elles auraient été maintenues dans des bâtiments séparés et soumises à de mauvais traitements, sans avoir droit aux visites. Au contraire, les détenus pouvaient rencontrer leurs invités et leurs proches. Pour des raisons de sécurité, le procès s’est déroulé dans le tribunal proche de la prison d’Insein, le tribunal du district ouest de Rangoon. Chacun avait la possibilité d’être entendu, y compris les accusés, les avocats et les personnes concernées par cette affaire. A l’origine, deux avocats de la défense représentaient les militants syndicaux accusés; mais, à la suite d’une demande déposée par eux de leur propre initiative, le tribunal les a autorisés à se désister du cas. Le tribunal a également demandé aux accusés s’ils souhaitaient ou non faire appel à un avocat, mais ils ont déclaré vouloir assurer eux-mêmes la défense de leur cas. Le procès s’est donc poursuivi conformément à la procédure régulière.
- 1074. Dans sa communication du 3 mars 2008, le gouvernement indique que les six personnes ont fait appel des décisions du tribunal du district ouest de Rangoon devant la Cour d’appel de Rangoon. Lorsque les appels interjetés ont été rejetés par la Cour d’appel, la Cour suprême a été saisie et les trois cas sont en instance depuis le 20 février 2008.
- 1075. Le gouvernement rejette l’allégation selon laquelle l’armée birmane n’était pas disposée à tenir compte des demandes des travailleurs et de la population de la Birmanie de garantir le respect des droits des travailleurs, et selon laquelle elle réprimait toutes les tentatives de travailleurs birmans d’organiser et de conduire des activités collectives légitimes pour la défense de leurs intérêts socioéconomiques. Le gouvernement déclare que, au contraire, les travailleurs du Myanmar jouissaient des droits conférés par la législation du travail existante. En accord avec les normes internationales du travail ratifiées par le Myanmar et en vertu de la législation du travail existante, les travailleurs et leurs organisations peuvent négocier individuellement ou collectivement sur les conditions de travail, les rémunérations, les salaires et les heures supplémentaires. Tous les différends entre travailleurs et employeurs liés à des négociations (80 différends en 2006 et 140 jusqu’en septembre 2007) ont été réglés par les représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs dans le cadre d’un processus de conciliation et de négociation. La paix dans les relations industrielles a ainsi été maintenue entre employeurs et travailleurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1076. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue que six militants syndicaux ont été arrêtés, traduits en justice pour sédition et association avec la FTUB déclarée être une organisation illicite au Myanmar, et qu’ils ont été condamnés à des peines allant de 20 à 28 ans de prison après avoir tenté d’organiser des cérémonies et un séminaire sur des questions syndicales le 1er mai 2007 pour la Journée internationale du travail.
- 1077. En particulier, selon la CSI, Thurein Aung, Kyaw Kyaw, Shwe Joe, Wai Lin, Aung Naing Tun et Nyi Nyi Zaw faisaient partie des quelque 33 personnes détenues après la réunion du 1er mai à l’«American Center» de Rangoon. Après avoir été retenues dans un centre d’interrogatoire spécial, ces six personnes ont été transférées à la prison centrale, où elles ont été maintenues dans des bâtiments séparés et soumises à de mauvais traitements, sans avoir droit à des visites. Deux d’entre elles, Shwe Joe et Aung Naing Tun, ont été relâchées le 4 mai mais, le 10 mai, deux autres personnes, Kyaw Win et Myo Min, ont été arrêtées pour s’être rendues à la frontière thaïlando-birmane pour informer le monde extérieur des arrestations.
- 1078. Selon l’organisation plaignante, la plus grande partie du procès des six détenus, ouvert le 16 juillet 2007, s’est déroulée à l’intérieur de la prison d’Insein de Rangoon, où les personnes extérieures n’ont pas pu accéder. Les avocats des accusés ont tenté de faire transférer le cas à un tribunal siégeant en audience publique mais, du fait du harcèlement incessant auquel ils étaient soumis lorsqu’ils entraient et sortaient des locaux du tribunal, les avocats se sont désistés du cas le 4 août. Les défendeurs n’ont donc plus eu d’avocats pendant le reste du procès. Le 7 septembre, tous les six ont été déclarés coupables de sédition en vertu de l’article 124(A) du Code pénal et condamnés à 20 ans de prison et à une amende de 1 000 kyats. De plus, Thurein Aung, Wai Lin, Myo Min et Kyaw Win ont été déclarés coupables, en vertu de l’article 17(1) de la loi sur les associations illicites, pour s’être associés avec une organisation illicite et avoir illégalement franchi la frontière. Chacun d’eux s’est vu condamné à cinq ans d’emprisonnement supplémentaires sous l’inculpation d’association illicite et à trois ans de plus pour avoir passé la frontière illégalement, ce dernier chef d’accusation relevant des dispositions de la loi sur l’immigration.
- 1079. Le comité note que le gouvernement ne conteste pas le fait de l’arrestation et de la condamnation des six personnes mais qu’il doute qu’elles aient pu représenter les travailleurs dans la mesure où elles ne travaillaient dans aucune usine ni aucun lieu de travail. Elles n’ont pas été arrêtées et condamnées pour des activités liées à la fête du 1er mai, mais plutôt pour des actes illégaux commis aux termes de la législation nationale, c’est-à-dire pour incitation à la haine ou au mépris du gouvernement, association avec la FTUB, une organisation illicite, et pour avoir franchi illégalement la frontière. Le gouvernement conteste par ailleurs l’allégation de l’organisation plaignante portant sur les conditions de détention et affirme que des raisons de sécurité étaient à l’origine de la décision de tenir les audiences du tribunal à proximité de la prison d’Insein. Toutefois, toutes les personnes concernées avaient eu la possibilité d’être entendues et les accusés auraient pu se faire représenter par de nouveaux avocats s’ils avaient opté pour cette solution après le désistement de leurs avocats de leur propre initiative. Pour finir, le gouvernement déclare que, au Myanmar, les travailleurs jouissent de droits du travail en vertu de la législation nationale.
- 1080. Tout d’abord, le comité ne peut que constater la gravité des allégations et doit rappeler le contexte particulier entourant la liberté syndicale contre lequel elles sont présentées. Cela fait plusieurs années que les organes de contrôle de l’OIT suivent de près la question de l’application de la convention no 87 par le Myanmar. Ce comité, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail ont à maintes reprises attiré l’attention du gouvernement sur son échec permanent à appliquer la convention. La Commission de la Conférence a régulièrement fait mention, dans un paragraphe spécial de son rapport général (la dernière fois lors de la 93e session (juin 2005) de la Conférence internationale du Travail), de l’application de la convention par le Myanmar, soulignant par là même la gravité du problème. Ces observations touchent à l’essence même de la convention et font ressortir l’absence totale d’un cadre et d’un climat législatifs suffisants pour permettre l’existence de syndicats au Myanmar.
- 1081. Concernant l’allégation de l’organisation plaignante relative au mauvais traitement des détenus, le comité insiste sur le fait que les syndicalistes détenus, comme toute autre personne, devraient bénéficier des garanties prévues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lesquels toute personne privée de liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine. De plus, dans les cas allégués de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient enquêter sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu’aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 54 et 56.] Le comité demande donc au gouvernement de diligenter sans retard une enquête indépendante sur cette allégation et, s’il s’avère que les détenus ont subi de mauvais traitements, de prendre les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, en donnant des instructions précises et en infligeant des sanctions efficaces pour veiller à ce qu’aucun détenu ne subisse à l’avenir ce genre de traitement. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 1082. Le comité prend note des jugements rendus par le tribunal dans les trois cas suivants.
- 1083. Le comité note que le procès no 82 a été intenté contre Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win et Myo Min aux motifs d’instigation préméditée de travailleurs d’organiser une discussion sur la protection des droits des travailleurs, à 14 heures le 1er mai 2007 à Dagon Township (poursuivie en vertu de l’article 124 du Code pénal). Le comité note que, selon les conclusions du tribunal, «les défendeurs ont reçu un soutien financier d’associations illégales telles que la NLD(LA) et la FTUB, ont organisé et facilité la diffusion d’information sur ces associations auprès de travailleurs au Myanmar et se sont servi de ces activités pour diffamer le gouvernement». En particulier, une allocution publique a été organisée le 1er mai 2007 par les défendeurs pour discuter des «problèmes rencontrés par les travailleurs sur leurs lieux de travail respectifs, ce qui a eu pour effet de les agiter». Un discours préparé par Thurein Aung (dont le brouillon a été confisqué lors d’une perquisition et présenté comme preuve au tribunal par le ministère public) portait sur les questions suivantes: «les salaires, les prix exorbitants des marchandises, le droit de prendre des congés, la retraite et l’échec du gouvernement à régler ces questions». Dès lors, ce discours «visait sciemment à diffamer le gouvernement». Un discours sur la protection juridique des droits des travailleurs a été prononcé par le défendeur Kyaw Kyaw. Le principal objectif de son exposé était de souligner que «le gouvernement actuel n’accordait aux travailleurs aucune voie de recours». Il a par ailleurs déclaré que «les travailleurs pouvaient exercer leurs droits en déposant des plaintes auprès des autorités concernées». Toutefois, Kyaw Kyaw est un «citoyen ordinaire et n’avait aucun droit de faire de telles déclarations». Nyi Nyi Zaw a également pris part à l’activité et a «diffamé indirectement le gouvernement en clarifiant les droits des travailleurs». D’autres défendeurs, Wai Lin, Kyaw Win et Myo Min ont également été impliqués dans l’organisation et la participation aux activités du 1er mai. Tous les six ont été «déclarés coupables d’avoir commis un crime en vertu de l’article 124 du Code pénal», qui stipule: «quiconque provoque ou tente de provoquer la haine ou le mépris, ou exacerbe ou tente d’exacerber le mécontentement à l’égard du gouvernement, que ce soit par des paroles ou par des mots écrits ou par des symboles, des représentations visuelles ou par tout autre moyen… sera puni de relégation à vie ou pour une durée inférieure, éventuellement assortie d’une amende, ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans, assortie ou non d’une amende». Les défendeurs ont été «condamnés à la prison à vie et à une amende de 1 000 kyats chacun, le non-paiement de l’amende donnant lieu à six mois de prison supplémentaires».
- 1084. Le procès no 83 a été intenté contre Thurein Aung, Wai Lin, Kyaw Win et Myo Min aux «motifs d’avoir reçu un soutien financier de membres d’une association illicite, telle que la NLD(LA) et la FTUB», opérant en Thaïlande «pour organiser et faciliter les mouvements politiques intérieurs et constituer des syndicats de travailleurs» (poursuivis en vertu de l’article 17(1) de la loi de 1908 sur les associations illicites). Le tribunal a conclu que la contribution financière de ces organisations a permis de distribuer au public des chapeaux portant le mot d’ordre «Faites-le maintenant», que le tribunal a estimé être une initiative d’ordre politique. Le tribunal a considéré que les défendeurs avaient violé l’article 17(1) de la loi de 1908 sur les associations illicites, qui dispose que: «quiconque est membre d’une association illicite ou prend part à une réunion d’une telle association ou apporte ou reçoit ou sollicite toute contribution pour les besoins d’une telle association ou aide d’une façon quelconque le fonctionnement d’une telle association sera puni d’emprisonnement pour une durée qui ne pourra être inférieure à deux ans et supérieure à trois ans et sera également passible d’une amende». Thurein Aung, Wai Lin, Kyaw Win et Myo Min ont été condamnés à trois ans de prison ferme.
- 1085. Enfin, ces mêmes personnes ont été déclarées coupables en vertu de l’article 13(1) de la loi de 1947 sur l’immigration [promulgation d’exception] et condamnées à cinq ans de prison ferme pour avoir franchi la frontière entre le Myanmar et la Thaïlande, à environ quatre reprises entre 2004 et 2007, pour rencontrer le représentant de la NLD(LA) et la FTUB et recevoir un soutien financier (cas no 84). Aux termes de l’article 13(1) de la loi susmentionnée, «quiconque pénètre ou tente de pénétrer à l’intérieur de l’Union de Birmanie ou quiconque, après y être légalement entré, reste ou tente de rester dans l’Union de Birmanie est en infraction aux dispositions de la présente loi ou des règles établies au titre de ladite loi ou aux conditions fixées dans tout permis ou visa et sera puni d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à un maximum de cinq ans ou d’une amende de 1 500 kyats minimum, ou des deux.».
- 1086. Le comité commencera par examiner la question de procédure avant de passer à la question de fond.
- 1087. Tout d’abord, concernant la procédure, le comité note que la réponse du gouvernement au sujet du déroulement de la procédure est d’une extrême brièveté et semble éluder les principales questions. Bien que le comité n’ait pas suffisamment d’informations à sa disposition pour lui permettre de déterminer si la procédure judiciaire s’est déroulée à l’intérieur de la prison ou au tribunal proche de la prison, ou s’il s’agissait d’audiences publiques ou à huis clos, le comité observe que le gouvernement n’a pas répondu directement aux allégations selon lesquelles les avocats des défendeurs avaient à plusieurs reprises demandé que le procès ait lieu dans un tribunal siégeant en audience publique, et qu’ils ont été contraints de se désister du cas car ils faisaient l’objet d’un harcèlement permanent. Dans ces circonstances, bien que le comité ne dispose pas de suffisamment d’informations pour pouvoir établir si les défendeurs ont effectivement refusé une offre ultérieure du tribunal d’engager un nouveau conseil juridique, il est fermement convaincu que le droit à un conseil juridique de son propre choix aurait dû entraîner pour le gouvernement une obligation d’enquêter sur les allégations de harcèlement et de veiller à ce que les défendeurs puissent bénéficier d’un conseil juridique sans entraves. De plus, le comité rappelle le principe général selon lequel tout syndicaliste prévenu doit jouir d’une présomption d’innocence tant que sa culpabilité n’est pas prouvée légalement à l’issue d’un procès public au cours duquel il a toutes les garanties nécessaires à sa défense. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 117.] Une lecture des trois jugements conduit le comité à conclure qu’il semble effectivement que les garanties d’une procédure judiciaire régulière aient été absentes.
- 1088. Pour finir, le comité rappelle que l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose que toute personne inculpée de crime devra avoir le droit de pouvoir faire examiner par une juridiction supérieure sa déclaration de culpabilité et sa condamnation, conformément à la loi. Le comité est extrêmement préoccupé par l’indication, dans le jugement, que le tribunal a explicitement ordonné la destruction d’une bonne partie des preuves qui lui ont été présentées (cas no 82), rendant ainsi virtuellement impossible tout réexamen par une juridiction supérieure.
- 1089. Passant ensuite à l’examen de la question de fond dans les trois cas, le comité comprend que Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win et Myo Min ont été en fait déclarés coupables et condamnés à de longues peines de prison pour avoir simplement organisé une activité du 1er mai portant sur les droits des travailleurs et avoir reçu une aide financière de la FTUB (une organisation syndicale associée à la CSI). Dès lors, il est indéniable que les six personnes ont été sanctionnées pour avoir exercé leur droit fondamental à la liberté syndicale et à la liberté d’expression. Le comité rappelle que la détention de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général et des libertés syndicales en particulier. Un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l’homme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 33 et 64.]
- 1090. Tout en notant l’indication du gouvernement selon laquelle des recours en appel ont été introduits et sont en instance devant la Cour suprême, au vu des paragraphes qui précèdent, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour libérer sur le champ les six militants et de le tenir informé à cet égard.
- 1091. Le comité rappelle que la tenue de réunions publiques et la présentation de revendications d’ordre social et économique à l’occasion du 1er mai sont des manifestations traditionnelles de l’action syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 135 et 137.] Qui plus est, le comité souligne avec insistance que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, de sorte que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d’opinion et d’expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 154.] Le comité attend du gouvernement qu’il prenne les mesures nécessaires pour veiller à ce que personne ne soit sanctionné pour avoir exercé ses droits à la liberté syndicale et aux libertés d’opinion et d’expression.
- 1092. Le comité note que le gouvernement considère que la FTUB est illicite. Il rappelle à cet égard qu’il a eu à examiner cette question dans le cas en cours no 2268, au sujet duquel il avait formulé à trois reprises des conclusions intérimaires. [Voir 333e, 337e et 340e rapports.] Le comité rappelle en particulier la recommandation suivante qui figure au paragraphe 1112 b) de son 337e rapport:
- Rappelant que le droit des travailleurs et des employeurs de constituer librement des organisations de leur choix et de s’y affilier ne peut exister que dans la mesure où il est effectivement reconnu et respecté en droit et dans la pratique, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de s’abstenir de tous actes empêchant le libre fonctionnement de toute forme d’organisation de la représentation collective des travailleurs, librement choisie par eux pour défendre et promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux, y compris […] les organisations qui opèrent en exil [telles que la FTUB] puisqu’elles ne peuvent pas être reconnues dans le contexte législatif actuel du Myanmar. Le comité demande par ailleurs au gouvernement de donner de toute urgence des instructions à cet effet à ses agents civils et militaires.
- Le comité réitère sa demande antérieure et demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1093. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement:
- i) de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation nationale de manière à permettre aux syndicats de mener des activités conformément aux conventions nos 87 et 98; et
- ii) de reconnaître la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUTB) comme une organisation syndicale légitime.
- Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- b) Le comité demande au gouvernement de diligenter sans retard une enquête indépendante sur l’allégation de mauvais traitements subis par les détenus et, si cette allégation s’avère fondée, de prendre les mesures qui s’imposent, y compris la réparation des préjudices subis, en donnant des instructions précises et en infligeant des sanctions efficaces pour veiller à ce qu’aucun détenu ne soit à l’avenir soumis à ce type de traitement. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de libérer sur le champ Thurein Aung, Wai Lin, Nyi Nyi Zaw, Kyaw Kyaw, Kyaw Win et Myo Min et de le tenir informé à cet égard.
- d) Rappelant que la tenue de réunions publiques et la présentation de revendications d’ordre social et économique à l’occasion du 1er mai sont des manifestations traditionnelles de l’action syndicale et que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, de sorte que les travailleurs et leurs employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d’opinion et d’expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales, le comité attend que personne ne soit sanctionné pour avoir exercé ses droits à la liberté syndicale et aux libertés d’opinion et d’expression.
- e) Rappelant à nouveau que le droit des travailleurs et des employeurs de constituer librement des organisations de leur choix et de s’y affilier ne peut exister que dans la mesure où il est effectivement reconnu et respecté en droit et dans la pratique, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de s’abstenir de tous actes empêchant le libre fonctionnement de toute forme d’organisation de la représentation collective des travailleurs, librement choisie par eux pour défendre et promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux, y compris les organisations qui opèrent en exil, comme la Fédération des syndicats de Birmanie, puisqu’elles ne peuvent pas être reconnues dans le contexte législatif actuel du Myanmar. Le comité demande par ailleurs au gouvernement de donner de toute urgence des instructions à cet effet à ses agents civils et militaires et de le tenir informé à cet égard.