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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 374, Marzo 2015

Caso núm. 3057 (Canadá) - Fecha de presentación de la queja:: 04-FEB-14 - Cerrado

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que le gouvernement de l’Alberta a adopté la loi sur la continuité des services publics (projet de loi 45) avec l’intention de restreindre davantage les droits collectifs des travailleurs du secteur public dans la province

  1. 184. La plainte figure dans une communication, en date du 13 février 2014, présentée par le Syndicat national des employées et employés généraux et du secteur public (SNEGSP) au nom de sa branche dans l’Alberta – l’Association des sciences de la santé de l’Alberta (HSAA/SNEGSP). L’Internationale des services publics (ISP), le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Fédération du travail de l’Alberta (AFL) se sont associés à la plainte par l’intermédiaire de communications datées du 20 février et du 9 avril 2014.
  2. 185. Le gouvernement du Canada a transmis les observations du gouvernement de l’Alberta dans une communication reçue par le Bureau le 22 janvier 2015.
  3. 186. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 187. Dans sa communication datée du 13 février 2014, le SNEGSP se présente comme l’un des plus grands syndicats du Canada avec plus de 340 000 membres et explique que la HSAA, sa branche dans l’Alberta, représente 25 000 techniciens paramédicaux, spécialistes paramédicaux et travailleurs des services d’appui généraux dans plus de 240 disciplines. Ces travailleurs sont employés dans les secteurs public et privé des soins de santé de l’Alberta. Presque tous appartiennent à une unité de négociation présente à l’échelle de la province, sont couverts par une même convention collective et assujettis au Code des relations du travail (LRC) qui, comme la loi sur les relations du travail dans la fonction publique (PSERA), interdit aux travailleurs du secteur de la santé de faire grève.
  2. 188. Le SNEGSP explique que sa plainte porte sur la loi relative à la continuité des services publics (projet de loi 45). L’organisation plaignante souhaite de plus que le comité réexamine les restrictions en matière de grève dont font l’objet environ 200 000 travailleurs du secteur public en Alberta.
  3. 189. Selon le SNEGSP, le projet de loi a été présenté par le gouvernement à l’Assemblée législative de l’Alberta le 27 novembre 2013 avec un préavis de moins d’une journée et sans consultation préalable ni de la HSAA ni d’aucun autre syndicat concerné par ce texte de loi. Le seul préavis à ce projet de loi date du 26 novembre 2013 et a pris la forme d’une motion du ministère des Ressources humaines visant à restreindre le débat et à procéder à une clôture de l’assemblée, avant même que le projet de loi n’ait été déposé et consulté par les membres de l’assemblée. La loi a été adoptée à toute vitesse le 4 décembre 2013 à l’issue d’un bref débat.
  4. 190. Selon le SNEGSP, la loi sur la continuité des services publics (projet de loi 45) impose des restrictions supplémentaires à quelque 200 000 travailleurs syndiqués du secteur public de l’Alberta qui étaient déjà privés du droit de grève, et élargit la définition de la grève à «tout ralentissement ou toute activité qui a pour effet de limiter ou de perturber la production ou la prestation de services». Le syndicat ajoute que la loi modifie la définition de «grève» en retirant l’élément selon lequel tout mouvement de grève a pour objectif d’obtenir une amélioration des conditions d’emploi au moyen d’une cessation du travail ou des services assurés. Selon l’organisation plaignante, la loi porte également atteinte au droit fondamental des personnes à la liberté d’expression, en instituant pour la première fois au Canada une vague notion juridique de «menace de grève», qui interdit de solliciter l’opinion des «travailleurs en vue de déterminer s’ils souhaitent ou non faire grève», et empêche toute personne d’appeler publiquement à la grève ou de soutenir un mouvement de grève. Le syndicat affirme que même les personnes qui ne sont pas directement liées au syndicat, notamment des universitaires ou des observateurs de l’action des pouvoirs publics, pourraient être poursuivies si elles déclaraient que la grève était le seul moyen de protéger l’intérêt public ou attiraient l’attention sur des conditions de travail dangereuses qui mettent en péril les travailleurs du secteur de la santé et la population en général.
  5. 191. Le SNEGSP fait état d’amendes «draconiennes» prévues par la loi à l’encontre des syndicats, de leurs membres et même de citoyens sans lien avec les syndicats qui encouragent ou soutiennent une «grève illégale» ou une «menace de grève». A cet égard, selon le syndicat:
    • – l’article 6(1) et (2) prévoit une suspension automatique d’au moins trois mois des cotisations syndicales pour l’ensemble de l’unité de négociation pour la première journée – complète ou partielle – au cours de laquelle une grève ou une menace de grève se produit, ainsi qu’un mois supplémentaire de suspension des cotisations pour chaque «journée – complète ou partielle –» de grève ou de menace de grève;
    • – l’article 9(8) prévoit le versement à la justice, dans le cadre d’une ordonnance de cessation (abatement order), d’une somme de 1 million de dollars canadiens (CAD) pour chaque jour de grève ou de menace de grève, sans fixer de montant maximal; et
    • – l’article 18(1)(a)(i) et (ii) prévoit pour chaque jour de grève une amende de 250 000 CAD auxquels s’ajoutent 50 CAD par jour de grève multiplié par le nombre de grévistes.
  6. 192. Selon l’organisation plaignante, ces amendes seront imposées sans prendre en considération le fait que le syndicat ait réellement eu connaissance de la grève ou de la menace de grève, ou qu’il l’ait véritablement déclenchée, favorisée ou acceptée. Il ne sera pas non plus tenu compte ni de l’autorité exercée ou non par le syndicat sur les travailleurs participant à la grève ou à la menace de grève ni du nombre de ces travailleurs. Le SNEGSP ajoute que la loi prévoit une inversion de la charge de la preuve en cas de contestation des sanctions par la HSAA ou tout autre syndicat. Un syndicat doit d’abord convaincre le Conseil des relations de travail (CRT) qu’il s’est expressément prononcé contre une grève ou une menace de grève avant que celle-ci ne se produise (art. 6(3)(a)), ce qui signifie que le syndicat doit prouver qu’il a émis un avis d’opposition à l’action de grève ou à la menace de grève, qu’il en ait eu ou non connaissance et qu’il l’ait ou non déclenchée, favorisée ou acceptée. Selon le SNEGSP, cette disposition annule dans les faits la possibilité pour le syndicat d’éviter la suspension des cotisations syndicales de trois mois en cas de grève illégale ou d’autres types de grève ou de menace de grève non autorisés. Elle rend en outre un syndicat responsable des actes commis par des travailleurs non membres de l’organisation qui participent à une grève ou à une menace de grève non autorisée, et confisque de fait les fonds du syndicat en les retenant dans un «fonds d’assurance professionnelle» pour une période pouvant aller jusqu’à deux ans, avant que les employeurs ne soient tenus de saisir un tribunal pour demander la condamnation d’un syndicat au motif qu’une grève ou une menace de grève a eu lieu, que ce dernier en ait eu ou non connaissance, qu’il l’ait ou non déclenchée, favorisée ou acceptée, ou qu’il en ait été ou non informé à l’avance (art. 11(3)). Le SNEGSP ajoute que la loi prévoit que des amendes personnelles soient automatiquement infligées aux travailleurs de l’unité de négociation et aux dirigeants ou représentants des syndicats, même si ces derniers ont demandé aux membres de l’unité de négociation de ne pas refuser ou cesser le travail. Si le CRT constate qu’une grève a eu lieu, les dirigeants et représentants syndicaux peuvent se voir infliger des amendes même si le refus ou la cessation de travail sont assumés par les membres de l’unité de négociation en vue de se conformer aux obligations juridiques prévues par la loi sur la santé et la sécurité au travail ou la loi sur les sciences de la santé.
  7. 193. L’organisation plaignante indique également que, le 8 janvier 2014, elle a déposé auprès de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta un recours en inconstitutionnalité contre cette loi, au motif qu’elle portait atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés en privant les membres de l’organisation plaignante de leurs droits à la liberté d’expression, à la liberté syndicale, à la liberté et aux principes fondamentaux de la justice.
  8. 194. Le SNEGSP signale que, même avant la présentation du projet de loi 45, les relations du travail dans le secteur public en Alberta étaient régies par deux des lois sur les conventions collectives les plus restrictives du Canada: la PSERA (1977), qui réglemente la procédure de négociation collective pour environ 60 000 travailleurs syndiqués des autorités provinciales, et le LRC (2000), qui porte sur cette même procédure pour les quelque 100 000 autres travailleurs syndiqués du secteur public auxquels la PSERA ne s’applique pas. L’organisation plaignante rappelle que le LRC s’applique à presque tous les membres de la HSAA.
  9. 195. En ce qui concerne la PSERA, l’organisation plaignante estime que les dispositions ci après sont restrictives pour les motifs suivants:
    • – l’article 70, car il interdit aux travailleurs du secteur public (dont la majorité, selon le syndicat, n’assurent pas de services essentiels) de participer à une grève ou de déclencher une grève;
    • – la partie 6, division 2, qui prévoit que, en cas d’absence d’accord sur les conditions d’emploi à l’issue d’une procédure de négociation collective, les travailleurs syndiqués du secteur public ne peuvent recourir qu’à un seul mécanisme de règlement de différend: l’arbitrage obligatoire;
    • – l’article 69, car il permet aux employeurs de suspendre pour une période pouvant aller jusqu’à six mois le prélèvement et le versement des cotisations syndicales, des contributions et d’autres sommes perçues par le syndicat, si les membres de ce dernier participent à une grève illégale; et
    • – l’article 71, qui prévoit que des amendes (pouvant atteindre 10 000 CAD) puissent être infligées à tout dirigeant ou représentant syndical, ou à toute autre personne, à l’origine d’une grève (jusqu’à 1 000 CAD par jour pour chaque jour au cours duquel la grève se poursuit).
  10. 196. En ce qui concerne le LRC, le SNEGSP estime que les dispositions ci-après sont restrictives pour les motifs suivants:
    • – la partie 2, division 16, car elle empêche les travailleurs du secteur de la santé auxquels ne s’applique pas la PSERA (dont la majorité, selon le syndicat, n’assurent pas de services essentiels) de participer à une grève ou d’en déclencher une;
    • – l’article 97, qui fait de l’arbitrage obligatoire le seul mécanisme de règlement des différends auquel peuvent recourir les travailleurs syndiqués du secteur public;
    • – l’article 114, car il donne au CRT le pouvoir de contraindre un employeur à suspendre, pour une période pouvant atteindre six mois, le prélèvement et le versement des cotisations syndicales des travailleurs visés par l’article 96 qui ont participé à une grève;
    • – l’article 116, car il donne au gouvernement le pouvoir de contraindre le CRT à annuler l’accréditation d’un syndicat qui déclenche une grève ou y participe; et
    • – l’article 160, car il prévoit, de la même manière que l’article 70 de la PSERA, l’imposition d’amendes pour tout dirigeant ou représentant syndical, ou toute autre personne, qui déclenche une grève ou tente de le faire.
  11. 197. Pour les deux textes de loi, le SNEGSP renvoie aux cas nos 893 (examiné par le comité dans son rapport no 187, novembre 1978), et 1234 et 1247 (examinés par le comité dans son rapport no 241, novembre 1985), qui traitent de la PSERA et de la loi sur les relations du travail (qui a été supplantée par le LRC). L’organisation plaignante demande au comité de traiter la présente plainte en prenant en considération lesdits cas et en tenant compte de l’incapacité des gouvernements successifs à suivre les recommandations du Conseil d’administration du BIT.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 198. Dans une communication reçue par le Bureau le 22 janvier 2015, le gouvernement du Canada présente une réponse intérimaire au nom du gouvernement de l’Alberta. Le gouvernement de l’Alberta indique que le projet de loi 45 n’est pas encore entré en vigueur étant donné qu’il fait actuellement l’objet de procédures judiciaires devant les tribunaux de la province.
  2. 199. Le gouvernement de l’Alberta explique que le LRC et la PSERA contiennent des dispositions visant à rendre les syndicats et les personnes qui enfreignent la loi comptables de leurs actes. Cependant, au vu des expériences passées du gouvernement de l’Alberta concernant les grèves illégales dans le secteur public, il est apparu nécessaire de prendre davantage de mesures pour prévenir et empêcher les mouvements de grève illégaux. Le projet de loi 45 devrait s’appliquer aux travailleurs syndiqués du secteur public de l’Alberta dont le statut interdit déjà de faire grève en vertu du LRC et de la PSERA. Le texte de loi a été déposé en vue de contribuer à la continuité des services publics au moyen d’une meilleure prévention des grèves illégales susceptibles d’avoir de sérieuses incidences sur la santé et la sécurité des Albertains.
  3. 200. Le gouvernement de l’Alberta estime que l’analyse de ce que le projet de loi 45 contient et prévoit, faite par le SNEGSP, est erronée. Si le gouvernement de l’Alberta entend que le Comité de la liberté syndicale est libre de déterminer par lui-même si le projet de loi 45 est contraire à la convention no 87, il estime que le raisonnement du comité doit tenir compte de la manière dont ce projet de loi est interprété dans le cadre de la législation locale. Il convient notamment d’avoir à l’esprit que le projet de loi 45, contrairement au LRC, mais comme la PSERA et de nombreux autres textes de loi relatifs aux relations du travail au Canada, ne définit pas une «grève» comme un mouvement visant tout particulièrement à obtenir de meilleures conditions d’emploi, mais étend la définition du terme à tout arrêt de travail concerté dont les objectifs ne sont pas liés à la négociation collective, notamment les grèves politiques. Contrairement à ce qu’affirme le SNEGSP, cette définition élargie n’empêche pas les travailleurs de respecter certaines dispositions statutaires ou juridiques, y compris le droit de refuser de réaliser leur travail dans des conditions dangereuses, conformément à la loi albertaine sur la santé et la sécurité au travail, ou d’éviter des actions ou des inactions qui pourraient constituer un comportement non professionnel au regard de la loi albertaine sur les professions de santé. Si un refus de travail ou une réduction des services assurés peuvent caractériser un comportement non professionnel, le fait d’agir ou de se garder de le faire dans un réel souci de conformité avec ses responsabilités professionnelles ne constitue pas une action de grève. Il en est de même pour un refus sincère d’accomplir un travail dangereux. Compte tenu de ces éléments, le gouvernement de l’Alberta conteste l’interprétation du SNEGSP.
  4. 201. Le gouvernement de l’Alberta estime par ailleurs que la définition de «menace de grève» donnée par le projet de loi 45 n’a rien de vague ou de nouveau. Dans le secteur de la santé en particulier, les incidences d’une menace de grève crédible peuvent être tout aussi importantes que celles d’une véritable grève; des dispositions doivent être prises pour continuer à assurer les soins, et le déplacement de certains patients dans d’autres provinces peut s’avérer nécessaire. En outre, il n’est pas permis aux agents négociateurs du Canada de «conseiller», «assister», «soutenir», «autoriser» ou «encourager» une grève illégale dans leur unité de négociation, et ces derniers s’exposent à des sanctions s’ils ne prennent pas toutes les mesures en leur pouvoir pour mettre fin à une grève. De plus, le gouvernement de l’Alberta conteste l’allégation selon laquelle le projet de loi 45 tiendrait un syndicat pour responsable d’une grève ou d’une menace de grève, «qu’il en ait eu ou non connaissance et qu’il l’ait ou non déclenchée, favorisée ou acceptée» ou quelle que soit «l’autorité exercée ou non par le syndicat sur les travailleurs participant à la grève ou à la menace de grève». Tout syndicat peut éviter des sanctions s’il s’oppose explicitement et invariablement à toute grève ou menace de grève utilisée par les travailleurs de l’unité de négociation pour atteindre des objectifs relatifs ou non à leur emploi, et s’il s’abstient d’encourager quelque grève ou menace de grève que ce soit. Le projet de loi 45 prévoit un régime de responsabilité stricte (et non absolue) pour les agents négociateurs en cas de grève ou de menace de grève dans leur unité de négociation.
  5. 202. Le gouvernement de l’Alberta souligne qu’il poursuit son processus d’examen du projet de loi 45, étant donné que celui-ci n’est pas encore en vigueur et qu’il fait l’objet de procédures devant les juridictions locales. Il entend fournir davantage d’informations au comité dans un délai raisonnable.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 203. Le comité constate que les allégations dans le présent cas, présentées par le SNEGSP dans une communication datée du 13 février 2014, se rapportent à l’adoption en décembre 2013 de la loi relative à la continuité des services publics (loi 45). Il note que, selon l’organisation plaignante, le texte de loi en question a été adopté sans consultation préalable des organisations de travailleurs. Il semble que ce fait soit étayé par les éléments de preuve fournis par l’organisation plaignante et n’ait pas été contesté par le gouvernement. A cet égard, le comité a souligné à de multiples reprises l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts. Il considère notamment qu’il est essentiel que l’introduction d’un projet de loi affectant la négociation collective ou les conditions d’emploi soit précédée de consultations approfondies et franches avec les organisations intéressées de travailleurs et d’employeurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1072 et 1075.] A l’avenir, le comité attend du gouvernement qu’il engage, au tout début du processus, des consultations approfondies et franches avec les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées au sujet de toute question ou de tout projet de législation ayant une incidence sur les droits syndicaux, de façon à trouver des solutions mutuellement acceptables.
  2. 204. Le comité note que, selon le SNEGSP, le projet de loi 45 impose davantage de restrictions aux travailleurs syndiqués du secteur public de l’Alberta, qui étaient déjà privés du droit de grève en vertu de la PSERA ou du LRC.
  3. 205. Le comité constate que, selon l’article 1(1)(f) de la loi 45, celle-ci s’applique aux travailleurs concernés par la division 16 de la partie 2 du LRC et à ceux visés par la PSERA. Si cette dernière loi porte sur la fonction publique, les organismes publics et les corporations de la Couronne de l’Alberta (à l’exception de certains organismes répertoriés dans une liste annexée à la PSERA), le LRC s’applique aux pompiers, à tous les travailleurs d’hôpitaux agréés au regard de la loi sur les hôpitaux, ainsi qu’aux travailleurs des régies régionales de la santé et aux ambulanciers tels que les définit la loi sur les services de santé d’urgence (art. 96(1) du LRC).
  4. 206. Selon l’article 96(2) du LRC, aucun travailleur ou syndicat visé par la division 16 de la partie 2 ne doit faire grève, déclencher une grève ou menacer de déclencher une grève. L’article 70 de la PSERA interdit les grèves (leur déclenchement, tentative de déclenchement ou approbation) dans la fonction publique et prévoit le règlement des différends liés à une négociation collective par un arbitrage obligatoire contraignant (partie 6, division 2).
  5. 207. Le comité note que, dans l’article 4 du projet de loi 45, il est énoncé que: 1) aucun travailleur, syndicat ou dirigeant ou représentant syndical ne doit déclencher une grève ou y consentir; 2) aucun travailleur ou dirigeant ou représentant syndical ne doit se livrer ou continuer de se livrer à un comportement qui constitue une menace ou un mouvement de grève; et 3) aucun syndicat ne doit se livrer ou continuer de se livrer à un comportement qui constitue une menace de grève.
  6. 208. En ce qui concerne les diverses sanctions pour faits de grève que prévoit la loi 45, le comité relève que, selon l’article 6, en cas de grève ou de menace de grève, le prélèvement sur les salaires des cotisations syndicales, contributions et autres frais normalement réglés par les travailleurs de l’unité de négociation ainsi que le versement de ces sommes au syndicat concerné sont suspendus par l’employeur pour une période de trois mois pour la première journée – complète ou partielle – au cours de laquelle la grève ou menace de grève a lieu, à laquelle s’ajoute un mois supplémentaire pour chaque journée – complète ou partielle – pendant laquelle la grève ou menace de grève se poursuit, à moins que le syndicat prouve au CRT que la grève ou menace de grève a eu lieu en dépit des instructions expresses données par le syndicat avant le début de celle-ci; que tous les actes du syndicat ainsi que ceux de ses dirigeants et de ses représentants ont été conformes à ces instructions expresses dès que celles-ci ont été données; et que ni le syndicat ni aucun de ses dirigeants ou représentants n’a enfreint les dispositions de l’article 4 de la loi 45 en ce qui concerne la grève ou la menace de grève.
  7. 209. En outre, selon l’article 9 de la loi 45, si sur demande du ministère, de l’employeur ou de toute personne habilitée un tribunal constate qu’une grève ou menace de grève a eu lieu ou a lieu, le tribunal émet une déclaration à cet effet et rend une ordonnance de cessation obligeant le syndicat à verser à la justice une somme de 1 000 000 CAD pour chaque journée – complète ou partielle – de grève ou de menace de grève, à moins que le syndicat prouve au tribunal que la grève ou menace de grève a eu lieu en dépit des instructions expresses données par le syndicat avant le début de celle-ci; que tous les actes du syndicat ainsi que ceux de ses dirigeants et de ses représentants ont été conformes à ces instructions expresses dès que celles-ci ont été données; et que ni le syndicat ni aucun de ses dirigeants ou représentants n’a enfreint les dispositions de l’article 4 de la loi 45 en ce qui concerne la grève ou la menace de grève. Une ordonnance de cessation:
      • (b) doit comprendre les injonctions suivantes, selon le cas:
        • (i) si une menace de grève se présente, une mise en demeure, pour les travailleurs, le syndicat, ainsi que ses dirigeants et représentants, de mettre immédiatement fin à tout comportement constituant une menace de grève;
        • (ii) si une grève a lieu,
      • (A) une injonction selon laquelle le syndicat doit immédiatement demander aux travailleurs en grève de mettre fin à leur mouvement,
      • (B) une injonction selon laquelle le syndicat doit immédiatement demander aux travailleurs de l’unité de négociation de poursuivre ou de reprendre, selon le cas, leur travail, sans ralentissement ni diminution des services assurés, et
      • (C) une injonction selon laquelle les travailleurs de l’unité de négociation doivent immédiatement poursuivre ou reprendre, selon le cas, leur travail, sans ralentissement ni diminution des services assurés,
        • et
      • (c) peut comprendre toute autre injonction ou indication que le tribunal estime nécessaire ou appropriée selon les circonstances.
  8. 210. Le comité croit comprendre que la somme déterminée par le tribunal est conservée dans un fonds d’assurance professionnelle, établi en vertu de l’article 10 de la loi 45, et qu’un employeur victime de «pertes indemnisables» peut saisir le tribunal dans un délai de deux ans à partir du jour où la grève ou menace de grève prend fin, conformément à l’article 11 de la loi 45. Cette indemnisation dont peut bénéficier l’employeur s’ajoute à tout autre dédommagement des pertes subies que la législation lui permet de réclamer au syndicat en cas de grève ou de menace de grève (art. 12). Lorsque le tribunal estime qu’un employeur a été victime de pertes indemnisables, il rend un jugement en faveur de l’employeur ordonnant le paiement, à être tiré sur le fonds d’assurance professionnelle, du montant correspondant aux pertes indemnisables, tel qu’il a été déterminé par le tribunal, à moins que le syndicat ne prouve au tribunal que la grève ou menace de grève a eu lieu en dépit des instructions expresses données par le syndicat avant le début de celle-ci; que tous les actes du syndicat ainsi que ceux de ses dirigeants et de ses représentants ont été conformes à ces instructions expresses dès que celles-ci ont été données; et que ni le syndicat ni aucun de ses dirigeants ou représentants n’a enfreint les dispositions de l’article 4 de la loi 45 en ce qui concerne la grève ou la menace de grève. Une fois la période de deux ans terminée, toute somme restante dans le fonds d’assurance professionnelle est rendue au syndicat.
  9. 211. Le comité note que, selon l’article 16 de la loi 45, le ministère ou toute personne habilitée à cette fin peuvent prononcer à l’encontre d’un travailleur ayant enfreint les dispositions de l’article 4 des sanctions administratives d’un montant ne pouvant pas excéder le produit du nombre de journées – complètes ou partielles – au cours desquelles l’infraction a eu lieu par l’équivalent du salaire journalier du travailleur en question. Le comité croit comprendre qu’en vertu du sous-article 8 une personne qui se voit imposer une sanction administrative et qui s’acquitte du montant dû ne doit pas être poursuivie pour la même infraction en application de cette loi, conformément à l’article 18 (énoncé ci-dessous).
  10. 212. Le comité prend note des sanctions prévues par l’article 18(1) de la loi 45 pour toute personne, syndicat ou autre organisation qui contrevient ou omet de se conformer aux dispositions ci-après des articles 4, 6 et 9:
    • (a) pour un employeur ou un syndicat, une amende d’un montant de
      • (i) 250 000 CAD, et
      • (ii) le montant obtenu en multipliant 50 CAD par le nombre de travailleurs que compte l’unité de négociation le jour de l’infraction ou, si celle-ci s’étend sur plusieurs jours, la dernière journée – complète ou partielle – au cours de laquelle l’infraction est commise, et par le nombre de journées – complètes ou partielles – au cours desquelles l’infraction est commise,
    • (b) pour un dirigeant ou représentant syndical, y compris s’il s’agit d’un travailleur de l’unité de négociation concernée par l’infraction, une amende de 10 000 CAD pour chaque journée – complète ou partielle – au cours de laquelle l’infraction est commise,
    • (c) pour un travailleur auquel le paragraphe (b) ne s’applique pas, une amende ne dépassant pas le montant correspondant au produit du nombre de journées – complètes ou partielles – au cours desquelles l’infraction est commise par l’équivalent du salaire journalier du travailleur en question, ou
    • (d) pour une personne ou une organisation à laquelle aucun des paragraphes (a), (b) ou (c) ne s’applique, une amende de 500 CAD pour chaque journée – complète ou partielle – au cours de laquelle l’infraction est commise.
  11. 213. Tout d’abord, le comité estime qu’il convient d’établir une distinction entre les cas où une grève, en tant que droit fondamental des travailleurs et de leurs organisations, reste légale et ceux où l’exercice de ce droit peut faire l’objet de restrictions, voire d’interdictions. Le comité rappelle qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 521.] Il considère cependant que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 576.]
  12. 214. Le comité rappelle qu’il a examiné les dispositions de la PSERA qui interdisent les grèves dans la fonction publique dans les cas nos 893 (voir rapports nos 187, 194, 202 et 204) et 1247 (voir rapport no 241). Dans le cas no 1247, qui renvoie au cas no 893, le comité a estimé que le droit de grève constituait un moyen essentiel par lequel les travailleurs pouvaient défendre leurs intérêts professionnels. Il a également rappelé que, si un texte de loi prévoit des restrictions au droit de grève, une distinction doit être faite entre les entreprises d’Etat qui sont vraiment essentielles, c’est-à-dire qui assurent des services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et celles qui ne sont pas essentielles au sens strict du terme, et prie le gouvernement d’envisager la possibilité d’amender la PSERA en vue de restreindre l’interdiction des grèves aux services considérés comme essentiels au sens strict du terme.
  13. 215. En ce qui concerne l’interdiction du droit de grève pour certaines catégories de travailleurs visés par le LRC, le comité rappelle que, si les services de lutte contre l’incendie, d’ambulance ou du secteur hospitalier peuvent être considérés comme essentiels, certaines catégories de travailleurs dans ces services essentiels, par exemple les ouvriers et les jardiniers des hôpitaux, ne devraient pas être privées du droit de grève. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 593.]
  14. 216. Pour ce qui est des diverses sanctions prévues par la loi 45, le comité estime que, si l’exercice illégal du droit de grève peut donner lieu à certaines sanctions, les dispositions juridiques nationales selon lesquelles une grève est illégale doivent néanmoins être conformes aux principes de liberté d’association, ce qui, comme indiqué ci-dessus, n’est pas le cas de certaines dispositions de la PSERA, du LRC et par conséquent du nouveau projet de loi 45, qui interdisent le droit de grève pour des travailleurs qui n’entrent ni dans la catégorie des fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ni dans celle des travailleurs qui assurent des services essentiels au sens strict du terme. Le comité regrette donc que le gouvernement, en adoptant le projet de loi 45, continue à interdire l’action collective, y compris pour des travailleurs qui devraient bénéficier du droit de grève en vertu des principes de liberté syndicale énoncés plus haut.
  15. 217. Le comité fait part de son inquiétude quant au niveau des sanctions prévues par la loi 45 en cas de grève ou même en cas de menace de grève, qui pourrait non seulement avoir des conséquences très dommageables sur les ressources financières du syndicat, mais aussi affaiblir la capacité de ce dernier à lancer un mouvement de grève légal du fait de l’incertitude liée à l’interprétation de la loi 45. Le comité rappelle que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 475.] Le comité rappelle en outre qu’aucun travailleur participant à une grève de façon pacifique ne devrait être passible de sanctions pénales. Par ailleurs, le comité souligne que des dispositions législatives qui imposent des sanctions en rapport avec une menace de grève sont contraires à la liberté d’expression et aux principes de la liberté syndicale.
  16. 218. Notant l’indication du gouvernement de l’Alberta selon laquelle la loi 45 n’est pas encore entrée en vigueur et fait l’objet de procédures devant des juridictions locales, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en question et s’attend à ce que les conclusions qu’il a formulées ci-dessus soient prises en considération dans le cadre du réexamen de la loi 45.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 219. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) A l’avenir, le comité attend du gouvernement qu’il engage, au tout début du processus, des consultations approfondies et franches avec les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées au sujet de toute question ou de tout projet de législation ayant une incidence sur les droits syndicaux, de façon à trouver des solutions mutuellement acceptables.
    • b) Notant que la loi sur la continuité des services publics (loi 45) n’est pas encore entrée en vigueur et fait l’objet de procédures devant des juridictions locales, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en question et s’attend à ce que les conclusions qu’il a formulées ci-dessus soient prises en considération dans le cadre du réexamen de la loi.
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