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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 374, Marzo 2015

Caso núm. 3084 (Türkiye) - Fecha de presentación de la queja:: 15-JUL-14 - Cerrado

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que l’article 63 de la loi no 6356 qui permet au gouvernement de suspendre une grève par décret et d’imposer un arbitrage obligatoire, en général, et le décret no 2014/6524 du 27 juin 2014 au moyen duquel a été suspendue une grève dans l’industrie du verre pour une période de soixante jours pour des raisons de santé publique et de sécurité nationale, en particulier, ne sont pas conformes aux conventions nos 87 et 98

  1. 855. La plainte figure dans une communication de Kristal-Is (Syndicat des travailleurs dans les industries du verre, du ciment et des sols de Turquie) en date du 15 juillet 2014. L’IndustriALL Global Union a appuyé cette plainte dans une communication en date du 21 juillet 2014.
  2. 856. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication en date du 28 octobre 2014.
  3. 857. La Turquie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 858. Dans sa communication en date du 15 juillet 2014, l’organisation plaignante allègue que, par l’intermédiaire du décret no 2014/6524 émis le 27 juin 2014, le gouvernement de la Turquie a suspendu, pour une période de soixante jours, une importante grève qui avait débuté le 20 juin 2014 et à laquelle participait l’ensemble de l’industrie du verre, pour des raisons de santé publique et de sécurité nationale.
  2. 859. Kristal-Is indique que le décret a été émis en vertu de l’article 63 de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, selon lequel:
    • (1) Une grève ou un lock-out légal ayant été déclaré ou ayant débuté peut être suspendu par décret du Conseil des ministres pour une période de soixante jours si la santé publique ou la sécurité nationale sont menacées. La suspension prend effet le jour de la publication du décret.
    • (2) Une fois un décret de suspension entré en vigueur, un médiateur, nommé en vertu de l’article 50, paragraphe 7, doit tout mettre en œuvre pour que le différend soit réglé pendant la période de suspension. Au cours de la période de suspension, les parties peuvent également convenir de confier le règlement du différend à un arbitre privé.
    • (3) Si aucun accord n’est conclu avant la date d’échéance de la période de suspension, le Haut Conseil de l’arbitrage règle le différend, sur demande de l’une des parties, dans un délai de six jours ouvrables. Dans les autres cas, la compétence du syndicat des travailleurs est déclarée nulle.
  3. 860. L’organisation plaignante estime que le gouvernement se sert abusivement du mécanisme de suspension de grève pour éliminer le droit de grève. Kristal-Is indique que le mécanisme de suspension prévu par l’article 63 de la loi, qui devrait être appliqué aux services essentiels uniquement, dont l’interruption pourrait menacer la vie, la sécurité ou la santé d’une partie ou de l’ensemble de la population, comme l’indiquent clairement les décisions rendues par les organes de contrôle de l’OIT, est étendu par le gouvernement à toute grève dans quelque service ou secteur que ce soit. Selon Kristal-Is, il est déraisonnable, illégal et injuste de prétendre que toute grève dans l’industrie du verre menace la sécurité nationale.
  4. 861. Kristal-Is ajoute que le recours à l’article 63 de la loi no 6356 est une stratégie que le gouvernement utilise régulièrement pour suspendre des grèves dans des secteurs qui n’ont pas de lien direct avec la sécurité nationale ou la santé publique, et qui constitue, selon l’organisation plaignante, une violation sérieuse et systématique du droit de grève en Turquie. A cet égard, Kristal-Is précise que, entre mai 2000 et juin 2014, quatre importantes grèves ont été suspendues dans l’industrie du verre, quatre dans celle du caoutchouc et une dans celle des mines, toutes pour des raisons de sécurité nationale et de santé publique. L’organisation plaignante ajoute que, dans tous les décrets émis en vertu de l’article 63, le gouvernement n’a jamais expliqué de quelle manière une grève dans l’industrie du verre pouvait menacer la santé publique ou la sécurité nationale. Kristal-Is estime qu’il n’y a pas de lien raisonnable entre l’industrie du verre et la sécurité nationale de la Turquie.
  5. 862. En outre, l’organisation plaignante indique que la suspension de la grève en vertu de l’actuelle législation turque du travail revient généralement à interdire cette grève pour une période indéfinie, étant donné que la loi impose un mécanisme d’arbitrage obligatoire à la fin de la période de suspension, à moins que les parties n’aient trouvé un arrangement ou n’aient demandé elles-mêmes un arbitrage. Selon Kristal-Is, cette disposition rend extrêmement difficile l’exercice du droit de grève en Turquie.
  6. 863. De plus, l’organisation plaignante estime que le gouvernement n’a pas respecté la primauté du droit. Selon Kristal-Is, le Conseil d’Etat, une haute juridiction, a rendu à plusieurs reprises des décisions qui annulaient les décrets du gouvernement visant à suspendre des grèves, mais qui n’ont pas été respectées par ce dernier. L’organisation plaignante cite en exemple le décret gouvernemental no 2003/6479 qui suspendait une grève dans le secteur du verre et qui a été ensuite annulé par la dixième chambre du Conseil d’Etat à la suite d’une plainte déposée par Kristal-Is. Malgré la décision du Conseil d’Etat, le gouvernement avait alors publié un nouveau décret (no 2004/6782) le 11 février 2004 pour suspendre cette même grève.
  7. 864. L’organisation plaignante indique que, malgré les recommandations du comité concernant le cas no 2303 portant sur la suspension d’une grève en vertu de l’article 33 de la loi no 2822 (qui a été supplantée par la loi no 6356) et les nombreuses promesses du gouvernement, il n’y a pas eu de réel progrès en ce qui concerne la modification de la législation: la loi 6356, adoptée en 2012, prévoit dans son article 63 le même mécanisme de suspension de grève.
  8. 865. En conclusion, l’organisation plaignante réaffirme que l’article 63 de la loi no 6356, qui permet au gouvernement de suspendre une grève au moyen d’un décret, n’est conforme ni aux conventions nos 87 et 98 ni aux décisions des organes de contrôle de l’OIT, et considère que cette loi devrait être mise en conformité avec les précédentes recommandations du comité et de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 866. Dans une communication en date du 28 octobre 2014, le gouvernement indique que, le 15 janvier 2014, Kristal-Is et l’Union turque des employeurs des industries du verre, du ciment et des sols avaient entamé un cycle de négociation collective en vue de conclure un accord qui concernerait plusieurs entreprises. Selon le gouvernement, en l’absence d’accord entre les parties, un médiateur a été nommé le 21 mars 2014. A la suite de l’échec de la médiation, le 28 mai 2014, Kristal-Is a décidé d’appeler à la grève. Le Conseil des ministres, au moyen de la décision no 2014/6524 datée du 25 juin 2014, a reporté de soixante jours la grève, qui avait commencé le 20 juin 2014 et qui comptait 5 508 participants, jugeant qu’elle menaçait la santé publique et la sécurité nationale, conformément à l’article 63 de la loi no 6356.
  2. 867. Le gouvernement indique que, conformément à l’article 63 de la loi, le sous-secrétaire du ministère du Travail a ensuite été nommé médiateur au cours du processus de médiation qui a suivi. En l’absence d’accord entre les parties à l’issue de la médiation, le différend a été soumis au Haut Conseil d’arbitrage, un organe créé en vertu de l’article 54 de la Constitution et chargé de régler les conflits collectifs du travail. Selon le gouvernement, le Haut Conseil d’arbitrage dispose d’une structure tripartite comprenant des représentants de l’Etat, des employeurs et des travailleurs, et constitue un important mécanisme de dialogue social; du fait de son impartialité et de son indépendance, les décisions qu’il rend sont définitives et ont la valeur juridique d’une convention collective qui s’impose à toutes les parties concernées. Il s’agit d’un organe de recours obligatoire qu’il est possible de saisir, y compris dans les situations où le Conseil des ministres suspend une grève car il juge qu’elle menace la sécurité nationale ou la santé publique. Le gouvernement indique que, dans l’affaire en question, le Haut Conseil d’arbitrage s’est prononcé en faveur de l’établissement d’une convention collective applicable du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.
  3. 868. En ce qui concerne les suspensions de grève qui ont eu lieu entre 2000 et 2005, le gouvernement signale que:
    • – pour ce qui est du décret visant à reporter la grève au sein de l’entreprise Turkish Bottle and Glass Factories Company (Şişecam), qui a été annulé par la dixième chambre du Conseil d’Etat et suivi d’un autre décret de suspension, les décisions de recourir à la grève et au lock-out ont été annulées après que les parties sont parvenues à un accord le 14 mars 2004;
    • – concernant le report de la grève dans l’industrie du caoutchouc, les décisions relatives à un mouvement de grève et de lock-out ont également été abandonnées après la conclusion d’un accord entre les parties le 12 mai 2004; et
    • – pour ce qui est de la grève au sein de l’entreprise Erdemir Mining Industry Trade Inc., le gouvernement l’a suspendue le 21 mars 2004 estimant que ce mouvement constituait une menace pour la sécurité nationale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 869. Le comité note que l’organisation plaignante, Kristal-Is, allègue que l’article 63 de la loi no 6356, qui permet au gouvernement de suspendre une grève par décret et d’imposer un arbitrage obligatoire, en général, et le décret gouvernemental no 2014/6524 du 27 juin 2014 au moyen duquel a été suspendue une grève dans l’industrie du verre pour une période de soixante jours pour des raisons de santé publique et de sécurité nationale, en particulier, ne sont pas conformes aux conventions nos 87 et 98.
  2. 870. Le comité note qu’il a traité des allégations identiques dans le cas no 2303. [Voir les rapports nos 335 (novembre 2004), 338 (novembre 2005) et 342 (juin 2006).] Le comité rappelle que dans ce cas, les allégations portaient sur un décret par l’intermédiaire duquel le gouvernement avait suspendu une grève dans l’industrie du verre pour des raisons de sécurité nationale, conformément à l’article 33(1) de la loi no 2822 (loi sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out, maintenant abrogée). Dans ce cas, l’organisation plaignante avait en outre indiqué que le fait de suspendre une grève revenait à l’interdire pour une période indéfinie, le ministre du Travail ayant, aux termes de la loi, autorité pour imposer un arbitrage obligatoire en pareil cas. Le comité note que la formulation de l’article 63(1) de la loi no 6356 reprend celle de l’article 33(1) de la loi no 2822 et prévoit en outre un arbitrage dans son alinéa (3), sur demande de l’une des parties au différend, si aucun accord n’est trouvé dans les soixante jours. A cet égard, le comité note également que, selon l’article 54 de la Constitution turque, lorsqu’une grève est interdite ou reportée, le différend doit être réglé par le Haut Conseil d’arbitrage à l’issue de la période de report, ce qui revient, semble-t-il, à imposer un arbitrage obligatoire à l’issue de tous les cas de report de grève.
  3. 871. Le comité considère, comme pour l’article 33 de la loi no 2822 dans le cas no 2303, que l’article 63 de la loi no 6356, qui autorise le gouvernement à suspendre une grève et à imposer l’arbitrage obligatoire pour des motifs de sécurité nationale ou de santé publique, n’est pas en soi contraire aux principes de la liberté syndicale s’il est appliqué en toute bonne foi et conformément au sens ordinaire des termes «sécurité nationale» et «santé publique». Le comité constate cependant que le gouvernement n’avance aucun motif laissant entendre qu’une grève dans l’industrie du verre pourrait menacer la sécurité nationale et la santé publique. De plus, le comité note que l’article 63 de la loi no 6356 ne prévoit plus le droit de faire appel de la décision du Conseil des ministres auprès d’un organe indépendant, alors que l’article 33(2) de la loi no 2822 permettait auparavant de saisir le Conseil d’Etat (bien que les recommandations du Conseil d’Etat n’eussent apparemment pas toujours été prises en considération par le gouvernement). Le comité considère en outre que l’application répétée de cette disposition pour empêcher les grèves dans des secteurs tels que celui du verre, qui n’ont apparemment pas de lien direct avec la sécurité nationale ou la santé publique, pourrait constituer une violation systématique du droit de grève. Le comité rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève est acceptable s’il intervient à la demande des deux parties au conflit, ou dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, notamment dans les cas de conflit dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger, dans tout ou partie de la population, la vie, la santé ou la sécurité de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 564.] L’arbitrage obligatoire est également acceptable en cas de crise nationale aiguë. Le comité note avec regret que, une nouvelle fois, une grève a été suspendue et un arbitrage obligatoire imposé dans l’industrie du verre, et prie le gouvernement de veiller à l’avenir à ce que ces restrictions ne soient imposées que dans les cas des services essentiels au sens strict du terme, des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou de crise nationale aiguë.
  4. 872. Notant que la législation ne prévoit pas la possibilité de saisir un organe indépendant, ou de faire appel d’une décision du Conseil des ministres de suspendre une grève, le comité rappelle que la responsabilité de la suspension d’une grève ne devrait pas incomber au gouvernement mais à un organe indépendant qui ait la confiance de toutes les parties concernées. Le comité prie le gouvernement, comme il l’a précédemment fait en ce qui concerne l’article 33 de la loi no 2822, de prendre les mesures nécessaires afin de modifier l’article 63 de la loi no 6356 de façon à s’assurer que la décision finale de suspendre ou non une grève appartient à un organe indépendant et impartial. Il prie le gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 873. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note avec regret que, une nouvelle fois, une grève a été suspendue et un arbitrage obligatoire imposé dans l’industrie du verre, et prie le gouvernement de veiller à l’avenir à ce que ces restrictions ne soient imposées que dans les cas des services essentiels au sens strict du terme, des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou de crise nationale aiguë.
    • b) Notant que la législation ne prévoit pas la possibilité de saisir un organe indépendant, ou de faire appel d’une décision du Conseil des ministres de suspendre une grève, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier l’article 63 de la loi no 6356 de façon à s’assurer que la décision finale de suspendre ou non une grève appartient à un organe indépendant et impartial. Il prie le gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.
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