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Informe provisional - Informe núm. 391, Octubre 2019

Caso núm. 3148 (Ecuador) - Fecha de presentación de la queja:: 18-MAY-15 - Activo

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent, d’une part, le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale de travailleurs des bananeraies regroupant les travailleurs de plusieurs entreprises du secteur et, d’autre part, la perpétration d’actes antisyndicaux visant à empêcher la constitution d’un syndicat d’entreprise dans le même secteur

  1. 225. Le comité a examiné ce cas (présenté en mai 2015) pour la dernière fois à sa réunion de mars 2017 et, à cette occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 381e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 329e session (mars 2017), paragr. 420 à 442.]
  2. 226. L’Association syndicale des travailleurs agricoles, bananiers et paysans (ASTAC) a présenté des allégations supplémentaires dans des communications en date des 30 mars et 14 décembre 2017, des 5 janvier, 7 mars, 21 mai, 18 septembre et 1er décembre 2018, et du 16 juin 2019.
  3. 227. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse dans des communications en date des 14 mars, 25 juillet, 22 octobre et 3 août 2018, et des 18 février et 8 juillet 2019.
  4. 228. L’Equateur a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 229. Lors de son examen antérieur du cas en mars 2017, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 381e rapport, paragr. 442]:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la législation nationale est conforme aux principes de la liberté syndicale, s’agissant du nombre minimum de 30 membres requis par la législation pour la constitution d’un syndicat d’entreprise ainsi que de la possibilité de former des organisations de premier niveau qui regroupent des travailleurs de plusieurs entreprises. Le comité renvoie le suivi de ces aspects législatifs à la CEACR.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre sans délai l’enregistrement de l’ASTAC et pour que, dans l’intervalle, ses membres bénéficient des garanties et protections nécessaires.
    • c) Le comité prie le gouvernement de veiller à la réalisation, dans les plus brefs délais, d’une enquête indépendante sur les différents actes antisyndicaux qui auraient accompagné la création du syndicat d’entreprise et de l’informer des résultats de cette enquête ainsi que des éventuelles mesures prises par les autorités publiques à la suite de cette enquête, y compris en ce qui concerne l’enregistrement du syndicat.
    • d) Le comité veut croire que la plainte pénale déposée par le secrétaire général du syndicat d’entreprise susmentionné aboutira sans délai à des enquêtes et des décisions pertinentes de la part des autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de faire en sorte que, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, l’entreprise susmentionnée ait la possibilité d’exprimer, si elle le souhaite, son point de vue sur les allégations relatives à la constitution d’un syndicat en son sein.

B. Allégations supplémentaires des organisations plaignantes

B. Allégations supplémentaires des organisations plaignantes
  1. 230. Dans ses communications, l’ASTAC présente des allégations supplémentaires relatives à des pratiques agressives et discriminatoires dans le secteur bananier contre toute tentative de syndicalisation, des actes de discrimination antisyndicale (dont des licenciements antisyndicaux), des actes de représailles à l’encontre de ses dirigeants et membres, et des menaces de mort.
  2. 231. L’organisation plaignante allègue en particulier que:
    • a) en mars 2017, 21 membres de l’ASTAC ont été licenciés par mesure de représailles pour s’être oralement plaints lors de la visite du Défenseur du peuple à la plantation de Sitio Nuevo du groupe Manobal. Le 28 mars 2018, l’ASTAC a déposé une plainte contre l’entreprise relative à ces actes de représailles;
    • b) le 24 mars 2017, une autre exploitation agricole du secteur appartenant au même groupe a refusé l’accès au Défenseur du peuple et à l’organisation plaignante;
    • c) des dirigeants et des membres de l’ASTAC craignent pour leur intégrité physique, compte tenu des pratiques agressives qui ont cours dans le secteur bananier, y compris l’engagement de tueurs à gages;
    • d) le 4 octobre 2017, l’exploitation agricole Orodelti a procédé au licenciement antisyndical de sept membres de l’ASTAC et a fait circuler une liste noire aux autres plantations du secteur. L’organisation plaignante fait spécifiquement référence à la situation d’un membre qui, à la suite de son licenciement, n’a pas pu se rendre à son domicile situé sur une autre exploitation. Une plainte a été déposée en lien avec ces éléments;
    • e) le 29 novembre 2017, dix dirigeants syndicaux de l’organisation plaignante ont été licenciés de l’exploitation agricole Álamos du groupe Noboa; des pressions ont été exercées sur 200 travailleurs pour qu’ils se désaffilient du syndicat, et six d’entre eux ayant refusé ont été renvoyés;
    • f) le 23 février 2018, le secrétaire général de l’ASTAC, M. Jorge Washington Acosta Orellana, a déposé une plainte auprès des services du procureur général pour des menaces de mort. L’organisation plaignante affirme également que ses dirigeants sont suivis par des inconnus;
    • g) le 27 février 2018, le bureau du Défenseur du peuple a déclaré recevable une nouvelle requête de l’organisation plaignante dans laquelle elle dénonçait notamment des entraves à la création d’un syndicat sectoriel capable de représenter les travailleurs des bananeraies;
    • h) en 2018, un total de 150 membres de l’ASTAC ont été licenciés de cinq exploitations agricoles différentes (Álamos, ACMAD-OTISGRAFT, María Isabel, La Julia et Agrilechos/REYBANPAC) à la suite de tentatives de création d’un syndicat d’entreprise ou par mesure de représailles pour avoir dénoncé les conditions de travail dans leur plantation. Le 8 novembre 2018, l’organisation plaignante a déposé une plainte pour discrimination antisyndicale contre la dernière plantation susmentionnée.
  3. 232. Quant à son enregistrement, l’ASTAC signale que, bien que le gouvernement ait indiqué que le ministère du Travail s’en occuperait directement, pour l’heure, aucun représentant de l’organisation n’est parvenu à rencontrer le ministre pour discuter de l’enregistrement de l’association et de la situation des travailleurs des bananeraies en Equateur. Soulignant que le ministère du Travail a reconnu deux syndicats sectoriels, dans l’horticulture et pour le travail domestique, l’ASTAC estime que les motifs que le ministère invoque pour refuser l’enregistrement du syndicat sont d’ordre politique et personnel, car le père du ministre du Travail de l’époque occupait le poste de directeur exécutif de l’organisation patronale la plus importante de l’industrie bananière, et les entreprises bananières pèsent fortement sur les décisions politiques du pays du fait de la place prépondérante du secteur dans l’économie de l’Equateur.
  4. 233. Enfin, l’ASTAC estime que la publication, d’avril 2017 à mai 2018, de trois accords ministériels par le ministère du Travail (MDT-2017-0029 qui régit spécifiquement les relations de travail dans le secteur agricole, agro-industriel et de l’élevage, MDT-2018-0096 qui met en place un contrat de travail spécial pour les activités à temps partiel dans le secteur agricole et MDT-2018-0074 qui met en place un contrat de travail spécial pour les activités à temps partiel dans le secteur bananier) constitue un grave recul en matière de liberté syndicale, de droit à la négociation collective, de droit à une rémunération équitable et à un salaire minimum. L’organisation plaignante estime que ces accords: i) excluent la négociation collective des sources de réglementation des modalités contractuelles; ii) individualisent les relations de travail et délaissent le rôle des organisations syndicales et de la négociation collective en prévoyant que certains éléments du salaire et de la journée de travail peuvent faire l’objet d’accord entre les parties; et iii) que le contrat de travail spécial irrégulier à temps partiel prévu pour le secteur bananier, en cautionnant la signature de contrats temporaires pour des activités permanentes et en autorisant l’employeur à mettre fin unilatéralement au contrat de travail, peut être employé à des fins antisyndicales par les employeurs et expose les travailleurs à une instabilité professionnelle.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 234. Le gouvernement a présenté ses observations relatives aux recommandations du comité et aux allégations supplémentaires de l’ASTAC dans des communications en date des 14 mars, 25 juillet, 22 octobre et 3 août 2018, et des 18 février et 8 juillet 2019.
  2. 235. En ce qui concerne le nombre minimum de membres requis pour la constitution d’un syndicat d’entreprise et la possibilité de former des organisations de premier niveau regroupant des travailleurs de plusieurs entreprises, le gouvernement indique que: i) le décret exécutif no 193 a été promulgué le 23 octobre 2017 et régit l’octroi de la personnalité juridique aux organisations sociales afin de réduire au maximum les exigences administratives superflues incombant aux organisations sociales citoyennes, d’en faciliter leur gestion et leur développement; ii) une proposition a été émise le 13 mars 2018 pour modifier l’accord ministériel no 0130 de 2013, dont le deuxième paragraphe de l’article 2 prévoit qu’il faut au moins 30 membres pour constituer un syndicat, afin de supprimer ce nombre minimum et préciser qu’il sera déterminé par le Code du travail; iii) il reviendra au Conseil national du travail et des salaires, un organe consultatif tripartite, d’établir le nombre minimum de membres ainsi que ses critères de définition; et iv) le projet de Code organique intégral du travail et de promotion de l’emploi est actuellement en cours de rédaction.
  3. 236. En ce qui concerne l’enregistrement de l’ASTAC en tant qu’organisation syndicale, le gouvernement réitère que la demande d’approbation et d’enregistrement de ses statuts a été refusée en 2014 car les 31 membres fondateurs étaient des travailleurs dépendant de plusieurs entreprises; de même, la demande d’approbation des statuts et d’octroi de la personnalité juridique pour reconnaître l’ASTAC a été refusée en 2016 parce qu’elle contenait des vices de forme et de fond. Le gouvernement ajoute que: i) le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage a accordé une personnalité juridique à l’ASTAC en tant qu’organisation de production agricole le 9 février 2017; ii) pour l’heure, le gouvernement ne dispose pas d’informations lui permettant d’affirmer que l’organisation susmentionnée a introduit une nouvelle demande de constitution d’organisation syndicale ou entamé des recours administratifs ou juridiques pour poursuivre les démarches officielles de reconnaissance administrative; et iii) le gouvernement invite l’ASTAC à renouveler les démarches conformément aux exigences légales. En ce qui concerne les allégations de l’ASTAC relatives au refus du ministère du Travail de dialoguer avec les représentants de l’organisation, le gouvernement affirme que le ministère du Travail n’a pas refusé de rencontrer les représentants de l’organisation, qu’il a participé à toutes les réunions qui ont eu lieu avec différentes autorités et a même offert ses conseils à propos du cadre juridique du travail régissant les organisations syndicales, dissipant des doutes quant au contenu normatif des accords ministériels récemment publiés.
  4. 237. En ce qui concerne les allégations de menaces de mort à l’encontre du coordonnateur général de l’ASTAC, M. Jorge Acosta, le gouvernement indique que: i) conformément à l’article 75 de la Constitution, toute personne a accès gratuitement à la justice et à la protection effective, impartiale et immédiate de ses droits; ii) si le gouvernement de l’Equateur a l’obligation de veiller au bien-être de ses citoyens, ceux-ci doivent s’adresser aux instances légales concernées qui leur accorderont l’attention voulue; et iii) il n’y a aucune trace d’une plainte pénale déposée par le coordonnateur général de l’ASTAC dans le système électronique de consultation des procédures du Conseil de la magistrature, seule y figure une demande de protection qui a été archivée.
  5. 238. En ce qui concerne la réalisation d’une enquête indépendante sur les différents actes antisyndicaux qui auraient été menés au moment de la création de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, le gouvernement indique que la demande d’ouverture d’une enquête relative à des actes antisyndicaux doit être motivée par le dépôt d’une plainte préalable par la partie intéressée pour établir les faits attentatoires aux droits constitutionnels allégués et que le ministère du Travail n’a enregistré aucune plainte relative à des actions menées contre la création de l’association.
  6. 239. Le gouvernement transmet également les observations de l’entreprise Frutas Selectas S.A. (FRUTSESA) (ci-après «l’entreprise de fruits») qui indique que, à la suite d’une enquête approfondie sur les faits incriminés, elle a établi que: il n’existait pas d’associations syndicales auxquelles le comité fait référence; la plainte est illégitime et prête à confusion; elle ne connaît pas l’identité de leurs représentants et membres; il s’agit d’une violation du principe constitutionnel de respect de la sécurité juridique; et, face à l’impossibilité d’identifier un plaignant légitime, l’entreprise estime qu’elle n’a pas à fournir de commentaires supplémentaires. Elle indique également que la décision de refuser la constitution d’un syndicat d’entreprise compte tenu du nombre insuffisant de membres émane du ministère du Travail. En ce qui concerne la plainte pour intimidation qui aurait été déposée par M. Luis Ochoa, secrétaire général de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, contre M. Tito Gentillini, l’entreprise indique que ce dernier ne représente pas l’entreprise et qu’il y a seulement travaillé en tant que consultant externe.
  7. 240. En ce qui concerne la publication des trois accords ministériels, le gouvernement signale que la législation équatorienne garantit pleinement la liberté syndicale, le droit d’organisation et le droit à un salaire équitable. Le gouvernement indique que, si les législateurs équatoriens ont bien tenté de garantir une stabilité indéfinie de l’emploi aux travailleurs, ils ont laissé la possibilité aux employeurs de recourir à d’autres modalités contractuelles, comme les contrats occasionnels, temporaires ou saisonniers (article 11 du Code du travail) pour s’adapter aux besoins spécifiques des secteurs de production. En outre, conformément à l’article 23.1 du Code du travail, le ministère du Travail est habilité à réglementer les relations de travail spéciales non régies par le Code du travail, y compris dans le secteur agricole. Par conséquent, compte tenu du niveau élevé d’informalité dans le secteur agricole et des besoins spécifiques de ce secteur, suivant des périodes précises de semis et de récolte qui ne correspondent pas aux heures réglementaires de travail établies dans le Code du travail, le ministère du Travail a décidé de s’adapter aux réalités économiques, sociales et juridiques des secteurs agricole et bananier et d’adopter lesdits accords ministériels.
  8. 241. Le gouvernement affirme que ces accords ministériels n’incluent aucune interdiction ni limitation de la liberté syndicale et visent à réglementer les relations professionnelles existantes et à éviter la précarisation des droits au travail. En ce qui concerne le droit à une rémunération équitable, le gouvernement indique que le salaire minimum est établi dans la grille salariale sectorielle que le ministère du Travail publie tous les ans et qui est déterminée par un dialogue social entre les organisations de travailleurs légalement établies à l’échelle nationale, les employeurs et le ministère du Travail. Toutefois, le gouvernement estime que le salaire minimum établi dans la grille salariale sectorielle peut être amélioré moyennant un accord entre les parties et rappelle que les organisations professionnelles ont un rôle essentiel à jouer dans l’amélioration continue des rémunérations en Equateur. Le gouvernement indique également que ces accords ministériels ont laissé la possibilité de préserver une stabilité irrégulière pour les travailleurs, à l’instar du contrat saisonnier prévu dans le Code du travail en vigueur, puisque l’employeur peut faire appel à ses travailleurs à chaque cycle ou phase de productivité. En ce qui concerne spécifiquement les allégations de restriction du droit à la liberté syndicale, le gouvernement affirme que ce droit est garanti par la Constitution. Enfin, le gouvernement fait référence à un recours en inconstitutionnalité que l’ASTAC a intenté le 22 août 2018 contre les accords susmentionnés et signale que, le 2 mai 2019, la Cour constitutionnelle a rejeté le recours aux motifs que la partie requérante n’a pas présenté d’arguments pour étayer la façon dont les accords en question transgresseraient la Constitution et les conventions internationales ratifiées par l’Equateur.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 242. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes dénoncent, d’une part, le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale de travailleurs des bananeraies regroupant les travailleurs de plusieurs entreprises du secteur et la perpétration d’actes antisyndicaux à l’encontre des dirigeants et des membres de cette organisation; et, d’autre part, la perpétration d’actes antisyndicaux visant à empêcher la constitution d’un syndicat d’entreprise dans le même secteur.
  2. 243. Premièrement, le comité rappelle que, lors de son examen antérieur du cas, il avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la législation nationale est conforme aux principes de la liberté syndicale, s’agissant du nombre minimum de 30 membres légalement requis pour la constitution d’un syndicat d’entreprise ainsi que de la possibilité de former des organisations de premier niveau qui regroupent des travailleurs de plusieurs entreprises et avait renvoyé le suivi de ces aspects législatifs à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR). Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement relatives à la réglementation de l’octroi de la personnalité juridique aux organisations sociales et au projet de réforme de l’accord ministériel no 0130 de 2013 et du Code du travail destiné à charger le Conseil national du travail et des salaires, un organe consultatif tripartite, d’établir le nombre minimum de membres ainsi que ses critères de définition. Le comité porte ces informations à l’attention de la CEACR à qui il a transmis les aspects législatifs du présent cas.
  3. 244. Deuxièmement, le comité rappelle que, lors de son examen antérieur du cas, il avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre l’enregistrement de l’ASTAC. Le comité prend note des indications de l’ASTAC selon lesquelles, malgré les recommandations du comité, le ministère du Travail n’aurait toujours pas rencontré le syndicat, ledit ministère a reconnu deux syndicats sectoriels (dans l’horticulture et pour le travail domestique) et certains motifs d’ordre politique et social empêcheraient la constitution de l’organisation syndicale en question. Le comité prend note que le gouvernement réitère pour sa part que la demande d’approbation et d’enregistrement des statuts de l’ASTAC a été refusée, car les 31 membres fondateurs étaient des travailleurs dépendant de plusieurs entreprises, et la demande d’approbation des statuts et d’octroi de la personnalité juridique pour reconnaître l’ASTAC en tant qu’organisation sociale a été refusée en 2016 parce qu’elle contenait des vices de forme et de fond. Le gouvernement ajoute que: i) le ministère de l’Agriculture et de l’Elevage a accordé une personnalité juridique à l’ASTAC en tant qu’organisation de production agricole le 9 février 2017; ii) il ne dispose pas d’informations lui permettant d’affirmer que l’ASTAC a entamé des recours administratifs ou juridiques pour poursuivre les démarches officielles de reconnaissance administrative ou présenter une nouvelle demande de constitution d’organisation syndicale; et iii) il dément que le ministère du Travail a refusé de rencontrer les dirigeants de l’ASTAC et affirme qu’il a même prodigué des conseils relatifs aux récents changements législatifs ayant une incidence sur le secteur bananier.
  4. 245. Le comité regrette de devoir noter une fois encore que, au motif que ses membres ne travaillent pas pour le même employeur, l’ASTAC n’a toujours pas été reconnue comme une organisation syndicale. Tout en soulignant à nouveau que des syndicats sectoriels ont été reconnus dans d’autres secteurs d’activité du pays, le comité rappelle que, lors de son examen antérieur du cas, il avait noté avec préoccupation qu’un grand nombre de travailleurs du secteur de l’agriculture en Equateur sont non seulement dans l’impossibilité réelle de créer des syndicats d’entreprise en raison de l’exigence d’un nombre minimum de membres qui n’est pas adapté à la structure du secteur où prédominent de petites unités de production, mais font aussi face à d’importantes difficultés pour dépasser cet obstacle moyennant le regroupement de travailleurs en organisations sectorielles. Le comité observe que, d’une part, l’ASTAC indique qu’aucun représentant de son organisation n’est parvenu à rencontrer le ministère du Travail pour discuter de l’enregistrement du syndicat et de la situation des travailleurs des bananeraies en Equateur alors que, d’autre part, le gouvernement signale que le ministère du Travail n’a pas refusé de dialoguer avec les représentants de l’organisation syndicale en question et a même prodigué des conseils. En outre, tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’ASTAC n’a pas fait appel de la décision lui refusant son enregistrement, le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait que l’un des principaux motifs de la présente plainte fait référence à l’enregistrement de l’ASTAC et à l’impossibilité législative de constituer des syndicats sectoriels. Rappelant que la reconnaissance de l’ASTAC en tant qu’organisation de production agricole ne lui garantit pas la protection de ses droits syndicaux, le comité prie une fois encore le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’enregistrement de l’ASTAC en tant qu’organisation syndicale si cette dernière réitère sa demande d’enregistrement et pour que, dans l’intervalle, ses membres bénéficient des garanties et protections nécessaires.
  5. 246. Troisièmement, le comité rappelle que, lors de son examen antérieur du cas, il avait prié le gouvernement de veiller à la réalisation, dans les plus brefs délais, d’une enquête indépendante sur les différents actes antisyndicaux, dont des licenciements et des menaces, qu’aurait subi l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero de l’entreprise de fruits et de l’informer des résultats de cette enquête. Le comité prend note que le gouvernement indique que l’ouverture d’une enquête doit être motivée par le dépôt d’une plainte par la partie intéressée, et le ministère du Travail signale ne pas avoir enregistré de plainte relative à des actes visant à s’opposer à la création du syndicat d’entreprise.
  6. 247. De plus, le comité prend note des nouvelles informations transmises par l’organisation plaignante dénonçant une série de licenciements antisyndicaux dans différentes exploitations agricoles du secteur, des actes d’intimidation et la diffusion d’une liste noire contenant les noms des membres de l’ASTAC et note que le gouvernement ne fournit aucune observation spécifique quant aux allégations d’actes antisyndicaux, dont des licenciements antisyndicaux, des actes de représailles et l’établissement de listes noires. Le comité observe que, sur la base des pièces communiquées par l’organisation plaignante, cette dernière a déposé deux plaintes, en 2010 et 2016, auprès des services du Défenseur du peuple; le Défenseur du peuple a effectué deux visites sur le terrain à la suite de plaintes de la part de membres de l’ASTAC; et l’ASTAC a déposé des plaintes auprès des services du procureur général, le 8 novembre 2017 et les 8 novembre et 28 mars 2018, relatives à des licenciements antisyndicaux, l’établissement de listes noires, des actes de persécution et de représailles. En ce qui concerne l’établissement de listes noires, le comité rappelle que la pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux, et, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1121.]
  7. 248. Au vu de ce qui précède et en ce qui concerne les plaintes que l’ASTAC a déposées le 8 novembre 2017 et les 8 novembre et 28 mars 2018 relatives à l’établissement de listes noires et à la perpétration d’actes antisyndicaux, le comité prie le gouvernement de réaliser les différentes enquêtes, de transmettre des copies de leurs résultats et, si les actes antisyndicaux étaient avérés, de prendre des mesures suffisamment dissuasives pour sanctionner les responsables. De plus, le comité prie instamment le gouvernement de rencontrer les représentants des deux organisations plaignantes pour examiner les allégations de discrimination antisyndicale dans le secteur bananier dont il est question dans la plainte.
  8. 249. Quatrièmement, le comité rappelle que, lors de son examen antérieur, il avait prié le gouvernement de mener une enquête à propos des allégations de menaces de mort contre M. Luis Ochoa, secrétaire général de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, qui auraient motivé le dépôt d’une plainte pénale pour intimidation. Tout en prenant note des indications de l’entreprise selon lesquelles l’auteur des menaces visant M. Luis Ochoa n’est pas un représentant de l’entreprise, le comité regrette de noter que le gouvernement ne communique aucune information spécifique quant à la situation de M. Luis Ochoa ni au statut de sa plainte pénale et rappelle à nouveau que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 84.] Par conséquent, le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans délai des informations précises sur les allégations de menaces de mort contre M. Luis Ochoa, secrétaire général de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, et de le tenir informé à cet égard.
  9. 250. Le comité prend également note des allégations supplémentaires communiquées par l’organisation plaignante relatives aux menaces de mort dont aurait été victime le secrétaire général de l’ASTAC, M. Jorge Washington Acosta Orellana, et pour lesquelles il a déposé plainte auprès des services du procureur le 23 février 2018. A ce propos, le gouvernement indique que seule une demande de protection, archivée depuis, figure dans le système électronique de consultation des procédures du Conseil de la magistrature et que le dirigeant concerné peut, s’il souhaite bénéficier de mesures de protection, s’adresser aux instances pertinentes qui lui apporteront l’attention voulue. Notant que le 23 février 2018 l’ASTAC a porté plainte auprès des services du procureur général pour les menaces de mort dont aurait été victime son secrétaire général (dossier no 090101818024320), le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que la plainte que le secrétaire général de l’ASTAC, M. Jorge Washington Acosta Orellana, a déposée le 7 mars 2018 donne lieu à une enquête et à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir la répétition de tels actes et assurer sa sécurité; le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  10. 251. Enfin, en ce qui concerne les allégations relatives au caractère antisyndical des trois accords ministériels promulgués par le ministère du Travail (MDT-2017-0029, MDT 2018 0096 et MDT-2018-0074), le comité note que l’ASTAC estime que: i) leur publication constitue un grave recul en matière de liberté syndicale, de droit à la négociation collective, de droit à une rémunération équitable et à un salaire minimum; ii) ils individualisent les relations de travail et délaissent le rôle des organisations syndicales; iii) le gouvernement, en cautionnant le recours à des contrats de travail temporaires pour des activités permanentes et en autorisant l’employeur à mettre fin unilatéralement au contrat de travail, expose les travailleurs à une instabilité professionnelle; et iv) le recours à des contrats de travail temporaires dans le secteur bananier pourrait être employé à des fins antisyndicales. Pour sa part, le gouvernement affirme que les accords n’incluent aucune limitation de la liberté syndicale ni de la négociation collective garanties par la Constitution puisque, selon lui, leur objectif principal serait d’adapter la législation aux réalités et besoins propres au secteur bananier et de réglementer les relations professionnelles dans ce secteur. En outre, le gouvernement signale que ces accords laissent la possibilité aux employeurs de préserver une stabilité irrégulière pour les travailleurs, l’employeur pouvant faire appel à ses travailleurs à chaque cycle ou phase de productivité, et que la Cour constitutionnelle a rejeté le recours en inconstitutionnalité intenté par l’ASTAC. Tout en rappelant que le comité n’a pas pour mandat d’évaluer l’action législative et réglementaire menée par le gouvernement pour régler les conditions minima d’emploi et les conditions contractuelles dans un secteur particulier [voir Compilation, op. cit., paragr. 34], le comité rappelle que, dans certaines circonstances, le renouvellement de contrats à durée déterminée pendant plusieurs années pourrait avoir des incidences sur l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1094.] En l’absence d’éléments pour évaluer l’incidence de la publication de ces accords ministériels sur l’exercice de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective dans le secteur bananier, le comité invite le gouvernement à analyser les effets de la réforme sur l’exercice de la liberté syndicale conjointement aux organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 252. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie une fois de plus le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’enregistrement de l’Association syndicale des travailleurs agricoles, bananiers et paysans (ASTAC) en tant qu’organisation syndicale si cette dernière réitère sa demande d’enregistrement et pour que, dans l’intervalle, ses membres bénéficient des garanties et protections nécessaires.
    • b) En ce qui concerne les plaintes que l’ASTAC a déposées le 8 novembre 2017 et les 8 novembre et 28 mars 2018 relatives à l’établissement de listes noires et à la perpétration d’actes antisyndicaux, le comité prie le gouvernement de réaliser les différentes enquêtes, transmettre des copies de leurs résultats et, si les actes antisyndicaux étaient avérés, prendre des mesures suffisamment dissuasives pour sanctionner les responsables.
    • c) En ce qui concerne les allégations relatives à la perpétration d’actes antisyndicaux à l’encontre des dirigeants et des membres de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero et de l’ASTAC, le comité prie le gouvernement de rencontrer les représentants des deux organisations plaignantes pour examiner les allégations de discrimination antisyndicale dans le secteur bananier dont il est question dans la plainte.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans délai des informations précises sur les allégations de menaces de mort contre M. Luis Ochoa, secrétaire général de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero, et de le tenir informé à cet égard.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que la plainte que le secrétaire général de l’ASTAC, M. Jorge Washington Acosta Orellana, a déposée le 7 mars 2018 donne lieu à une enquête et à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir la répétition de tels actes et assurer sa sécurité; le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • f) En ce qui concerne les allégations relatives au caractère antisyndical des trois accords ministériels publiés par le ministère du Travail (MDT-2017-0029, MDT-2018-0096 et MDT-2018-0074), le comité invite le gouvernement à analyser les effets de la réforme sur l’exercice de la liberté syndicale conjointement aux organisations d’employeurs et de travailleurs concernées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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