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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2023, Publication : 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Philippines (Ratification: 1953)

Autre commentaire sur C087

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2023-PHL-087-Fr

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Le gouvernement a communiqué les informations écrites ci-après et copie du décret-loi no 23. Il a présenté la structure organisationnelle et une première liste des personnes de contact et des bureaux de chaque institution concernée, ainsi que le cadre du projet évolutif de feuille de route.

Les présentes informations, soumises par le Département du travail et de l’emploi (DOLE) pour le compte du gouvernement, sont tirées du rapport de la mission tripartite de haut niveau qui s’est rendue aux Philippines du 23 au 26 janvier 2023 pour enquêter sur les allégations et les informations relatives à la mise en œuvre de la convention.

Le rapport de la mission tripartite de haut niveau réitère les conclusions et les recommandations des rapports précédents des mécanismes de contrôle de l’OIT, particulièrement de la Commission de la Conférence, du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts, ainsi que les fondements sur lesquels le Conseil d’administration du BIT et la Conférence internationale du Travail ont créé la mission tripartite de haut niveau. Les questions soulevées renvoient à celles qui ont fait l’objet d’un examen lors de la première mission de haut niveau de l’OIT aux Philippines en 2009, de la mission de contacts directs en 2017 et de la réunion virtuelle tripartite de haut niveau en 2021.

Dans son rapport, la mission tripartite de haut niveau se dit préoccupée par la lenteur avec laquelle le gouvernement semble mettre en œuvre les recommandations précédentes de l’OIT. Il semble qu’une grande confiance y est accordée aux opinions qu’un groupe de syndicats a exprimées dans un rapport soumis à la mission.

Même avant cette mission, le gouvernement avait pris plusieurs mesures pour répondre aux questions en suspens, dans certains cas en collaboration avec les partenaires sociaux. Ces mesures découlent des précédents rapports et missions de l’OIT et ont déjà été communiquées à l’OIT et à ses organes de contrôle.

Pour rappel, le gouvernement réitère certaines de ces principales mesures: i) la création de mécanismes nationaux et régionaux pour le suivi du respect des conventions nos 87 et 98; ii) la publication des directives opérationnelles des organes de suivi tripartites; iii) la désignation de personnes de contact pour simplifier le signalement et l’intervention immédiate en cas de violation; iv) l’adoption de deux directives sur les règles que les parties prenantes doivent observer en ce qui concerne l’exercice des droits et des activités des travailleurs; v) des textes de loi renforçant d’autres mécanismes de règlement des conflits et institutionnalisant davantage le tripartisme; vi) la participation du DOLE en tant qu’observateur au sein du comité interinstitutionnel créé en vertu de l’ordonnance administrative no 135 de 2012; et vii) le dialogue avec la Cour suprême ayant abouti à la question administrative n° 21-06-08-SC qui a mis fin à l’émission «massive» présumée de mandats de perquisition et de mandats d’arrêt transfrontaliers ayant conduit à la plupart des arrestations de syndicalistes signalées. Après un échange tripartite de haut niveau tenu en ligne en septembre 2021 et avant la mission tripartite de haut niveau en janvier 2023, le gouvernement a également: i) entamé des consultations avec les représentants des travailleurs et des employeurs sur l’élaboration d’une feuille de route et d’un plan d’action tripartites assortis de délais; ii) entamé la révision des deux directives sur les règles que les parties prenantes doivent observer en ce qui concerne l’exercice des droits et des activités concertées des travailleurs; iii) mené des activités de renforcement des capacités à l’intention des organes régionaux tripartites de contrôle et des institutions partenaires.

Le gouvernement estime que le rapport de la mission tripartite de haut niveau aurait dû prendre dûment en considération ces actions afin de disposer d’un tableau plus complet et plus objectif lui permettant d’évaluer les efforts déployés pour mettre en œuvre les recommandations. Cela aurait permis à la mission tripartite de haut niveau de mieux apprécier l’importance du point de vue exprimé par le gouvernement lors de la réunion-bilan du 26 janvier 2023: tourner la page des difficultés soulevées passe par des engagements non seulement du gouvernement, mais aussi des partenaires sociaux. Quoi qu’il en soit, le gouvernement se félicite de ce rapport. Dans le cadre de la Constitution et de la législation philippines, et en tant que membre souverain et égal de la communauté des nations, il a examiné avec sérieux toutes les recommandations dans l’optique de s’en servir comme orientations constructives permettant de garantir que le pays continuera à poursuivre sur la voie de la promotion de la liberté syndicale et du droit de négociation collective en tant qu’instruments de la justice sociale.

Mesures prises comme suite aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau

Le rapport de la mission tripartite de haut niveau comporte six recommandations:

i) une meilleure coordination et une plus grande cohérence parmi les différentes branches du gouvernement afin de mieux se prémunir contre les menaces graves pour la liberté syndicale;

ii) un engagement avec les partenaires sociaux pour réaliser de véritables progrès s’agissant des préoccupations soulevées par la commission d’experts et la Commission de la Conférence, afin de prévenir de futures violations de la liberté syndicale, y compris en finalisant, avant la Conférence de juin 2023, une feuille de route sur la marche à suivre pour répondre aux préoccupations exprimées, selon un calendrier convenu;

iii) la création d’un organe unique, mandaté par le Président, chargé de répertorier et d’examiner sans rien négliger tous les cas d’exécutions extrajudiciaires et d’enlèvements présumés liés au travail en cours, en mettant l’accent en priorité sur les enquêtes criminelles, l’ouverture rapide de poursuites et l’obligation de rendre des comptes;

iv) la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas renvoyés par la commission présidentielle en vue de recevoir et de documenter les témoignages et de formuler des propositions d’indemnisation;

v) le renforcement du rôle de l’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale (NTIPC-MB) et l’intégration des améliorations recommandées par l’organe présidentiel, afin de définir des mesures de protection et d’en garantir la mise en œuvre rapide et efficace en cas de menace imminente ou perceptible pour la vie, la sécurité ou la sûreté des syndicalistes;

vi) la mise en œuvre complète de toutes les recommandations précédentes.

Renforcement de la coordination et de la cohérence entre les différentes branches du gouvernement et mise en place d’un organe mandaté par le Président

Aux Philippines, comme dans toute structure gouvernementale moderne, l’administration et l’application des lois, ainsi que les enquêtes et les poursuites, sont confiées à différents agents d’exécution dotés de mandats juridiques spécifiques. Il est indispensable d’assurer une coordination interinstitutionnelle efficace et effective entre eux pour que la structure fonctionne. Pour assurer cette coordination au sein du système de gouvernement présidentiel national, ces agents sont tous placés sous le contrôle et la supervision du Président de la République.

Compte tenu de leur mandat, le gouvernement a agi avec rapidité et fermeté sur le terrain de la recommandation relative au renforcement de la coordination interinstitutionnelle et à la mise en place d’un organe dirigé par le Président qui surveillera l’état d’avancement des cas liés à l’exercice de la liberté syndicale. Le 30 avril 2023, le Président a signé le décret-loi portant création d’un comité interinstitutionnel (EO 23-IAC), dont une copie figure à l’annexe A, dans le but de renforcer la coordination, d’élaborer une feuille de route, d’assurer le suivi des actions entreprises, ainsi que d’accélérer les enquêtes menées, les poursuites engagées et la résolution des cas de violation de la liberté syndicale et du droit syndical. Ses principales caractéristiques sont les suivantes:

- Le comité interinstitutionnel est présidé par le secrétaire exécutif; le DOLE en assure la vice-présidence et ses membres sont les suivants: le Département de la Justice (DOJ), le Département de l’Intérieur et des Collectivités locales (DILG), le Département de la Défense nationale (DND), le Département du Commerce et de l’Industrie (DTI), le Conseil de sécurité nationale (NSC) et la Police nationale philippine (PNP). La Commission de la fonction publique (CSC) et la Commission des droits de l’homme (CHR) peuvent être invitées si nécessaire.

- Il incombe au comité: i) de consolider et d’analyser les rapports des agents concernés et de soumettre au Président un rapport complet sur les conclusions et recommandations; ii) d’élaborer une feuille de route conforme aux recommandations de la mission tripartie de haut niveau; et iii) de suivre les progrès de la mise en œuvre des plans d’action et l’étroite coordination entre les agents concernés.

- Les membres sont tenus de soumettre au comité: i) une liste complète des cas et incidents relevant de leur compétence et concernant les syndicalistes dont les droits à la liberté syndicale, d’organisation et de négociation collective auraient été violés; ii) une liste complète des programmes communautaires ayant une répercussion sur les syndicats, les employeurs et les travailleurs; iii) une liste complète des cas liés à la liberté syndicale concernant le personnel des agents d’exécution et les agents de l’État dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions officielles; iv) les mesures prises ou les propositions visant à renforcer les programmes des agents d’exécution pour traiter les questions en suspens et promouvoir et protéger la liberté syndicale; et v) un programme complet d’éducation et de renforcement des capacités, ainsi qu’un plan de communication pour promouvoir une compréhension commune, au sein des agents d’exécution et entre eux, des principes, des politiques, des lois et des règlements relatifs à la liberté syndicale.

Directement sous l’autorité du Bureau du Président, toutes les tâches fonctionnelles du comité sont liées à l’exercice de la puissance publique incombant à des organismes précis et qui ne peuvent être déléguées à des organisations non gouvernementales ou accomplies en collaboration avec celles-ci. Compte tenu qu’il utilise les structures, l’expertise et les ressources existantes, le comité est immédiatement opérationnel. Il a convoqué sa première réunion d’organisation le 22 mai 2023, au cours de laquelle il a été convenu que priorité serait donnée à la liste complète et à la facilitation de l’action concernant les affaires en instance, ainsi qu’à l’adoption d’une feuille de route conforme aux recommandations du rapport de la mission tripartite de haut niveau. La structure et les modalités de travail du comité ont également été convenues, avec notamment la mise en place d’un secrétariat et l’adoption de formulaires de communication d’informations.

Grâce à la création de ce comité, le gouvernement dispose désormais d’un mécanisme fonctionnel pour traiter toutes les difficultés soulevées et mettre en œuvre les recommandations pertinentes du rapport de la mission tripartite de haut niveau.

Élaboration d’une feuille de route tripartite

L’objectif principal de la feuille de route est de créer ou d’offrir un environnement propice à l’exercice libre et responsable de la liberté syndicale et du droit syndical. Sous sa forme actuelle, la feuille de route s’articule autour des quatre domaines d’action définis à la Conférence en 2019, à savoir:

- la prévention de la violence dans l’exercice des activités légitimes des organisations de travailleurs et d’employeurs;

- une enquête immédiate et efficace sur les allégations d’actes de violence à l’encontre de membres d’organisations de travailleurs;

- la mise en place d’organes de contrôle, notamment en mettant à leur disposition les ressources suffisantes;

- la garantie que tous les travailleurs peuvent constituer les organisations de leur choix et s’y affilier.

Avant la venue de la mission tripartite de haut niveau, le DOLE a organisé trois réunions tripartites et deux réunions bilatérales avec les travailleurs et les employeurs à l’échelle nationale. En février 2023, après la mission tripartite de haut niveau, le DOLE a principalement fait appel au Forum des dirigeants pour élaborer la feuille de route. Avec le soutien du Bureau de l’OIT à Manille, le DOLE a également mené trois consultations régionales à Luzon, Visayas et Mindanao auxquelles ont participé les Conseils régionaux tripartites pour la paix sociale et les organes régionaux tripartites de contrôle. Le 20 avril 2023, le Forum des dirigeants a convenu de créer un groupe de travail technique qui s’efforcera d’intégrer de nouvelles contributions spécifiques des partenaires sociaux à la feuille de route évolutive.

Parallèlement, dans le cadre du décret-loi no 23, le gouvernement procède à la mise en œuvre d’activités qui feront à terme partie de la feuille de route, notamment:

- l’établissement de la liste complète des cas et des programmes des institutions concernant la liberté syndicale;

- l’institutionnalisation des modalités d’échange d’informations;

- la mise en œuvre du protocole d’accord entre le DOLE, le Département du commerce et de l’industrie et l’Autorité philippine des zones économiques, signé le 30 avril 2023, afin d’ouvrir la voie à la création de comités tripartites dans les zones économiques spéciales;

- l’achèvement de la révision des directives conjointes du DOLE, des Départements de l’intérieur et des collectivités locales, du de la défense nationale et de la justice, et de la Police nationale philippine, et des directives conjointes du DOLE, de l’Autorité philippine des zones économiques et de la Police nationale philippine sur les modalités » de collaboration entre le personnel en uniforme et les travailleurs engagés dans des activités syndicales, telles que les grèves;

- l’adoption de mécanismes de mise en œuvre: le DOLE doit délivrer une autorisation avant que les procureurs du Département de la justice ne puissent engager des poursuites pour des actes découlant de l’exercice des droits syndicaux;

- la mise en place d’homologues régionaux du comité créé en vertu du décret-loi no 23;

- l’organisation de formations d’auxiliaires juridiques et de formations connexes, et la fourniture d’autres formes d’assistance pour les syndicalistes et les travailleurs, notamment en ce qui concerne les voies de recours juridiques, la constitution de dossiers et la collecte de preuves;

- l’organisation de séances d’échanges entre le personnel civil et le personnel en uniforme, à l’échelle nationale et régionale, afin de promouvoir une compréhension commune de la liberté syndicale;

- l’intégration de la feuille de route dans le Plan pour le travail et l’emploi 2023-2028 que le DOLE entend lancer d’ici juillet 2023.

Autres questions découlant des recommandations

Concernant la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas, le gouvernement a sérieusement étudié cette recommandation. Cependant, compte tenu de la publication du décret-loi no 23 et de l’existence d’institutions déjà mandatées pour remplir les mêmes fonctions, un tel organe risque d’être tout simplement superflu.

Concernant la création d’un fonds d’indemnisation des victimes, il existe déjà une commission des réclamations sous l’égide du Département de la justice pour les victimes d’emprisonnement ou de détention injustifiés. Cette commission a été créée par la loi de la République no 7309, promulguée en 1992. En outre, les recours et les demandes d’indemnisation fondés sur des violations avérées des droits de l’homme relèvent déjà de la compétence de la Commission des droits de l’homme.

Discussion par la commission

Président – Nous allons maintenant passer au deuxième cas figurant à notre ordre du jour qui concerne l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, par les Philippines. Je souhaite informer les membres et délégués de la commission que plus de 17 personnes se sont inscrites sur la liste des orateurs. Nous appliquerons donc la réduction du temps de parole de cinq à trois minutes. J’invite le représentant gouvernemental à s’exprimer.

Représentant gouvernemental – La commission est saisie du cas no 3185 sur l’application et la mise en œuvre de la convention par les Philippines. Il porte sur plusieurs incidents signalés d’actes présumés de harcèlement, d’ingérence, d’étiquetage, d’intimidation, de coercition et d’exécution extrajudiciaire dont sont victimes des syndicalistes, prétendument en raison de, en lien avec ou découlant de l’exercice légitime de la liberté syndicale et du droit syndical. La plainte porte essentiellement sur l’inaction ou le manque d’efficacité présumé du gouvernement en ce qui concerne les enquêtes sur ces incidents et les poursuites judiciaires et la traduction en justice de leurs auteurs présumés.

Les incidents signalés ont eu lieu pendant une période au cours de laquelle plusieurs administrations politiques se sont succédé. La Conférence a déjà envoyé trois missions aux Philippines: une mission de haut niveau a eu lieu en 2009, une mission de contacts directs s’y est rendue en 2016 et une mission tripartite de haut niveau a été convenue en 2019 et a finalement eu lieu à Manille en janvier 2023.

Chacune de ces missions a donné lieu à des rapports et des recommandations pour remédier aux préoccupations soulevées. Le gouvernement a entrepris certaines actions sur la base de ces recommandations qui ont toutes été dûment rapportées aux organes de contrôle de l’OIT, y compris à la commission. À cet égard, le gouvernement remercie le BIT pour l’assistance et les orientations qu’il a constamment fournies pour répondre aux préoccupations soulevées.

Toutefois, il apparaît que ces actions n’ont pas entièrement répondu aux attentes de la commission. L’image présentée non seulement à la commission, mais aussi injustement au reste du monde, est que le gouvernement, par l’intermédiaire de ses politiques et de ses services, perpétue une culture de répression, de violence et d’impunité visant spécifiquement les syndicalistes. Il régnerait dans le pays un climat de peur décourageant l’exercice effectif et véritable de la liberté syndicale et du droit syndical.

Cela fait soixante-quinze ans cette année que les Philippines ont adhéré en bonne et due forme à l’OIT. Le gouvernement regrette profondément que l’image peu flatteuse de la situation dans le pays en ce qui concerne la mise en œuvre de la convention ait conduit les Philippines à figurer cette année à l’ordre du jour de la commission, avec de possibles répercussions plus vastes sur la réputation du pays sur la scène internationale. Cependant, respectant entièrement le mécanisme de contrôle de l’OIT et faisant sien le principe du multipartisme qu’il incarne, le gouvernement se présente aujourd’hui devant la commission avec la conviction qu’une discussion ouverte, raisonnable et constructive permettra d’apprécier pleinement les faits et la situation réelle de la liberté syndicale et du droit syndical aux Philippines.

Comme je l’ai déjà dit, les incidents signalés dans le cas aujourd’hui soumis à la commission ont eu lieu pendant une période au cours de laquelle plusieurs administrations politiques se sont succédé. L’actuelle administration du Président Ferdinand Romualdez Marcos Jr, en fonction depuis le 30 juin 2022, s’est fermement engagée à agir à l’égard de ces incidents et à rendre justice à toutes les parties concernées. Elle continuera de s’appuyer sur les précédentes mesures adoptées par le gouvernement pour ce qui est des précédentes recommandations de l’OIT, et à les renforcer. Il s’agit notamment des actions suivantes: i) le renforcement continu des mécanismes nationaux et régionaux de suivi; ii) la poursuite de la mise en œuvre des deux directives conjointes sur les modalités de collaboration entre le personnel en uniforme et les travailleurs exerçant leurs droits collectifs légitimes; iii) la poursuite de la mise en œuvre de la loi institutionnalisant et renforçant le tripartisme; iv) la poursuite de l’amélioration de la mise en service du comité interinstitutions sur les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, tortures et autres graves violations du droit des personnes à la vie, à la liberté et à la sécurité; et v) le respect effectif de la décision de la Cour suprême de mettre fin à l’émission massive présumée de mandats de perquisition et de mandats d’arrêt transfrontaliers ayant conduit à la plupart des arrestations de syndicalistes signalées dans le passé.

Je vais maintenant aborder les mesures adoptées et les faits nouveaux survenus depuis juin 2022. Lorsque l’administration du Président Marcos a pris ses fonctions le 30 juin 2022, le gouvernement a rapidement fait part de sa volonté d’accueillir la mission tripartite de haut niveau que la Conférence de 2019 avait décidé d’envoyer. Dans l’attente de sa venue, les autorités ont adopté les mesures suivantes: i) elles ont repris les consultations avec les représentants des travailleurs et des employeurs sur l’élaboration d’une feuille de route et d’un plan d’action tripartites assortis de délais conformes aux recommandations de la Conférence de 2019; ii) comme déjà mentionné, elles ont entamé la révision, en vue d’une éventuelle intégration, des deux directives régissant la conduite à adopter en ce qui concerne l’exercice du droit des travailleurs de s’organiser et de mener d’autres activités concertées; iii) elles ont mené des activités de renforcement des capacités à l’intention des agences et des organes tripartites de suivi nationaux et régionaux avec l’assistance du BIT; iv) elles ont mené des consultations qui ont donné lieu à l’élaboration d’un Plan pour le travail et l’emploi, dont l’un des principaux résultats porte sur la protection et la promotion des principes et droits fondamentaux au travail, y compris la liberté syndicale et le droit syndical; et v) elles ont reconstitué plusieurs instances tripartites, dont le Conseil national tripartite pour la paix sociale et les conseils salariaux tripartites, pour garantir une véritable représentation des partenaires sociaux. Depuis août 2022, le Président des Philippines a nommé 42 représentants des travailleurs et 37 représentants des employeurs dans différentes instances tripartites, et tous avaient été présentés par leur secteur respectif. Des dialogues ont également été organisés avec les travailleurs et les employeurs sur leurs sujets de préoccupations prioritaires, notamment, mais pas exclusivement, sur des préoccupations liées à l’exercice de la liberté syndicale, la sécurité au travail, les formations et le recyclage.

La mission tripartite de haut niveau s’est rendue aux Philippines du 23 au 26 janvier 2023. Ses membres peuvent confirmer que les services gouvernementaux qui avaient été invités à participer étaient représentés par des directeurs ou de hauts fonctionnaires, ce qui témoigne de l’importance que le gouvernement conférait aux objectifs de la mission. Ce dernier a reçu le rapport de la mission tripartite de haut niveau le 30 mars 2023. Il contient six recommandations aux autorités philippines. Dans le respect de la Constitution, des structures administratives et des institutions en place, du droit et de la jurisprudence, le gouvernement y a répondu en adoptant des actions concrètes et précises.

Le 30 avril 2023, le Président Marcos a signé le décret-loi no 23 portant création d’un comité interinstitutions dont la mission est de protéger et de promouvoir la liberté syndicale des travailleurs et leur droit syndical. Le décret entend renforcer la coordination entre les agences concernées, élaborer une feuille de route en consultation avec les partenaires sociaux, suivre les mesures prises et accélérer les enquêtes, les poursuites et la résolution des cas de violation de la liberté syndicale et du droit syndical. Le comité interinstitutions est placé sous l’autorité du bureau du Président et présidé par le secrétaire exécutif, le DOLE, en assurant la vice-présidence. Y participent d’autres services concernés, dont les Départements de la justice, de l’intérieur et des collectivités locales, de la défense nationale et du commerce et de l’industrie, le Conseil de sécurité nationale et la Police nationale philippine. La Commission de la fonction publique et la Commission des droits de l’homme peuvent être invitées chaque fois que nécessaire. Il incombe au comité interinstitutions de consolider et d’analyser les rapports des agences concernées et de soumettre au Président un rapport complet sur ses conclusions et recommandations et d’élaborer une feuille de route conforme aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau. Les membres sont tenus de soumettre au comité une liste des cas et incidents, une liste des programmes communautaires, une liste de cas liés à la liberté syndicale concernant le personnel des agences d’exécution et les services de l’État, les mesures prises ou les propositions visant à renforcer les programmes des services pour traiter les questions en suspens et promouvoir la liberté syndicale, un programme complet d’éducation et de renforcement des capacités, et un plan de communication pour promouvoir une compréhension commune, au sein des agences d’exécution et entre elles, des principes, des politiques, des lois et des règlements relatifs à la liberté syndicale.

Désormais, le comité interinstitutions créé en application du décret-loi no 23 est entièrement opérationnel. Il a tenu sa première réunion le 22 mai 2022 au cours de laquelle les personnes de contacts dans les services concernés ont été désignées, et il a été décidé que le DOLE en assurerait le secrétariat. Le comité espère tenir sa deuxième réunion dans le courant de ce mois et compte inviter et y faire participer des travailleurs et des employeurs pour qu’ils contribuent à faire progresser ses travaux.

En adoptant le décret-loi no 23, le gouvernement met non seulement pleinement en œuvre la première recommandation de la mission tripartite de haut niveau qui est d’améliorer la coordination entre les différentes branches du gouvernement sur des thèmes liés à la protection et la promotion de la liberté syndicale et du droit syndical, mais également la troisième recommandation qui porte sur la mise en place d’un organe mandaté par le Président pour surveiller l’état d’avancement des cas liés à l’exercice de la liberté syndicale.

Plus important encore, le décret-loi no 23 établit les fondements et crée des mécanismes permettant au gouvernement de mener à bien les trois autres recommandations de la mission tripartite de haut niveau, à savoir collaborer avec les partenaires sociaux pour réaliser de véritables progrès s’agissant des préoccupations soulevées par la commission d’experts et la commission (2e recommandation); renforcer le rôle des Conseils nationaux tripartites de suivi et intégrer les améliorations recommandées par le comité interinstitutions (5e recommandation); et mettre complètement en œuvre toutes les recommandations précédentes (6e recommandation).

En ce qui concerne la feuille de route, un groupe de travail technique tripartite est occupé à la rédiger. Lors de son allocation en séance plénière de la Conférence, le 6 juin 2023, le secrétaire du Travail, Bienvenido Laguesma, a souligné que, s’il incombe au premier chef au gouvernement d’apporter des solutions aux préoccupations soulevées, les partenaires sociaux ont également leur part de responsabilité en aidant à résoudre ces préoccupations, et ce non seulement au travers des mots qu’ils prononcent, mais surtout des actes concrets qu’ils posent. Les difficultés résident maintenant dans les actions concrètes assorties de délais pour lesquelles chaque secteur est prêt à s’engager et à endosser la responsabilité dans le cadre de la feuille de route.

Alors que les partenaires sociaux rédigent la feuille de route, le gouvernement a une idée claire de ses engagements. Lors de la réunion du comité interinstitutions du 22 mai 2023, ce dernier a convenu de poursuivre les objectifs suivants: i) renforcer continuellement la mise en œuvre des directives conjointes sur les modalités de collaboration en cas de grève et autres actions collectives de travailleurs et de leurs syndicats, et les revoir et les modifier si nécessaire; ii) souligner qu’il n’existe aucune politique gouvernementale prônant des exécutions extrajudiciaires ou l’étiquetage en tant que terroristes ou communistes; iii) rendre effectivement opérationnelle la délivrance d’une autorisation du DOLE avant que les procureurs du Département de la justice ne puissent engager des poursuites pour des cas découlant d’activités syndicales afin de traduire en termes opérationnels le protocole d’accord entre le DOLE, le Département du commerce et de l’industrie, et l’Autorité philippine des zones économiques visant à promouvoir la paix sociale dans les zones économiques; iv) mettre en place des homologues régionaux du comité interinstitutions pour organiser des formations d’auxiliaires juridiques et de formations connexes, et fournir d’autres formes d’assistance aux syndicalistes et aux travailleurs, notamment en ce qui concerne les voies de recours juridiques, la constitution de dossiers et la collecte de preuves; v) organiser des séances d’échanges entre le personnel civil et le personnel en uniforme, à l’échelle nationale et régionale, afin de promouvoir une compréhension commune de la liberté syndicale; et vi) intégrer la feuille de route dans le Plan pour le travail et l’emploi 2023-2028 que le DOLE entend lancer d’ici à juillet 2023.

Il reste une recommandation de la mission tripartite de haut niveau, à savoir la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas renvoyés par la commission présidentielle en vue de recevoir et de documenter les témoignages et de formuler des propositions d’indemnisation. Le gouvernement demande instamment à la commission et à la mission tripartite de haut niveau de repenser à cette recommandation pour les raisons suivantes. Tout d’abord, elle sera superflue compte tenu de la création du comité en vertu du décret-loi no 23. Deuxièmement, il existe des lois et des institutions où les demandes d’indemnisation peuvent être déposées et déterminées. La loi de la République no 7309 a mis en place une commission des réclamations sous l’égide du Département de la justice. La loi de la République no 9851 définit et sanctionne les délits relevant du droit humanitaire et prévoit des règles de réparation pour les victimes. Les voies de recours et les demandes d’indemnisation fondées sur des violations avérées des droits de l’homme relèvent également de la compétence de la Commission des droits de l’homme, qui est un organe créé en vertu de la Constitution. Troisièmement, la création d’un tel organe indépendant doit tenir compte de la jurisprudence existante qui interprète la Constitution philippine. La commission ignore peut-être qu’un décret-loi de 2010 a prévu la mise en place d’un organe similaire, bien que dans un but différent, mais la Cour suprême l’a déclaré inconstitutionnel, car il enfreignait la disposition de la Constitution concernant l’égalité de protection. Enfin, le concept d’organe indépendant tel que le propose la mission tripartite de haut niveau semble s’inspirer d’une recommandation de certains syndicats philippins en faveur de la création d’une commission de vérité. D’après l’expérience internationale, de telles commissions ont vu le jour dans des pays où avaient sévi des conflits internes généralisés et systémiques ayant gravement endommagé les institutions politiques et sociales au point de les rendre inopérantes. Les Philippines sont actuellement loin d’une telle situation.

Le gouvernement suit une approche qui mobilise l’ensemble des pouvoirs publics et intègre les valeurs du dialogue social et de la consultation démocratique dans l’amélioration continue d’un environnement favorable à la promotion et à l’exercice de la liberté syndicale et du droit syndical des travailleurs. Le gouvernement assure à la commission qu’il déploiera tous les efforts possibles et utilisera tous les mécanismes juridiques à sa disposition dans les limites de sa Constitution et de sa législation, ainsi que dans les limites des lois internationales, pour veiller à ce que les questions qui ont été soulevées devant la commission soient résolues rapidement et raisonnablement, et rendent justice à tous. Le gouvernement estime qu’il s’agit non seulement d’une obligation en tant que Membre de l’OIT, mais surtout d’une obligation à l’égard de tous les Philippins.

Membres employeurs – Les membres employeurs souhaitent remercier le gouvernement pour sa déclaration très complète et les informations qu’il a fournies.

Pour rappel, la convention est une convention fondamentale; les Philippines l’ont ratifiée en 1953. Ce cas a également été soumis précédemment au Comité de la liberté syndicale à plusieurs reprises. Il a été examiné par cette commission à six reprises, dont la dernière fois en 2019, date à laquelle la mission tripartite de haut niveau a été recommandée. Il a fait l’objet de 18 observations de la commission d’experts depuis 2000, il ne s’agit donc pas d’une situation neuve, mais d’un cas ancien qui présente de multiples caractéristiques. Il s’agit également d’un cas impliquant la convention pour laquelle, comme nous le savons tous, le groupe des employeurs ne cesse d’exprimer des préoccupations depuis des années.

À première vue, il s’agit d’un cas de discrimination systémique de la part de l’État à l’égard des organisations de travailleurs et de leurs membres. Je dis «à première vue» à dessein, car un examen plus approfondi suggère que le cas des Philippines ne comporte pas une, mais deux réalités. La première concerne les spécificités des plaintes des travailleurs et des syndicats, et la seconde concerne les réponses du gouvernement et le contexte dans lequel ces réponses ont été formulées. Si vous le permettez, j’aborderai ces deux réalités l’une après l’autre.

Mais avant de commencer, je voudrais évoquer l’évolution récente de la situation depuis notre dernier examen en 2019.

Tout d’abord, nous notons que le nouveau gouvernement est au pouvoir depuis juin 2022.

Ensuite, le gouvernement a accepté et reçu une mission tripartite de haut niveau, comme l’avait recommandé la commission en 2019.

Cette mission a eu lieu en janvier de cette année, en raison d’un retard causé par la pandémie de COVID-19. Nous avons été informés que la mission tripartite de haut niveau a été extrêmement fructueuse et que six recommandations ont été formulées dans son rapport, à savoir:

- une meilleure coordination et une plus grande cohérence parmi les différentes branches du gouvernement afin de mieux se prémunir contre les menaces sérieuses envers la liberté syndicale;

- une collaboration avec les partenaires sociaux pour réaliser de véritables progrès s’agissant des préoccupations soulevées par la commission d’experts et la Commission de la Conférence, afin de prévenir de futures violations de la liberté syndicale, y compris par la finalisation avant la Conférence de juin 2023 d’une feuille de route sur la marche à suivre pour répondre aux préoccupations identifiées, selon un calendrier convenu;

- la création d’un organe unique mandaté par le Président, chargé de répertorier et d’examiner sans rien négliger tous les cas et les enlèvements présumés liés au travail, en mettant l’accent en priorité sur les enquêtes criminelles, les poursuites judiciaires rapides et l’obligation de rendre des comptes;

- la création d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant chargé d’examiner les cas renvoyés par la commission présidentielle en vue de recevoir et de documenter les témoignages et de formuler des propositions d’indemnisation;

- le renforcement du rôle de l’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale et l’intégration des améliorations recommandées par l’organe présidentiel, afin de définir des mesures de protection et d’en garantir la mise en œuvre rapide et efficace en cas de menace imminente ou perceptible pour la vie, la sécurité ou la sûreté des syndicalistes;

- la mise en œuvre complète de toutes les recommandations précédentes.

Depuis lors, nous avons assisté à des évolutions prometteuses dans le pays. En particulier, le 12 mai, le gouvernement a créé un conseil consultatif tripartite réunissant le Département du commerce et de l’industrie et l’Autorité philippine des zones économiques pour traiter les questions liées au travail.

En outre, le Président a signé un décret-loi visant à créer un comité interinstitutions chargé d’examiner les violations de la liberté syndicale et d’élaborer une feuille de route tripartite axée sur les quatre domaines identifiés.

Nous accueillons favorablement ces progrès et les efforts déployés par le nouveau gouvernement. Nous considérons également que cette feuille de route devrait être revue régulièrement afin de prendre en compte les recommandations des agences concernées et les contributions d’autres parties prenantes, y compris les organisations les plus représentatives. Cependant, nous notons que le comité interinstitutions ne prévoit pas une représentation des travailleurs et des employeurs. Nous considérons qu’il s’agit là d’une lacune, car le partenariat social et la liberté syndicale témoignent de la nécessité d’un dialogue pleinement coopératif entre ces groupes. Or la mise en place d’un comité composé uniquement de services gouvernementaux ne répond pas à cet objectif. À cet égard, nous demandons instamment que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent participer pleinement à ce processus.

Depuis de nombreuses années, la commission reçoit des plaintes concernant des violations des droits syndicaux, et pire encore, notamment le meurtre présumé de dirigeants syndicaux, des arrestations et de fausses accusations criminelles portées contre des dirigeants syndicaux et des agressions physiques contre des travailleurs en grève. Ces plaintes sont bien trop nombreuses pour être détaillées, compte tenu de l’histoire, et pour être discutées ici aujourd’hui.

Une fois de plus, les observations portent sur de graves allégations de violations des droits de l’homme, notamment:

- les meurtres et tentatives de meurtre de responsables syndicaux;

- la répression violente des grèves et autres actions collectives par la police et les forces armées;

- le harcèlement des syndicalistes et l’interdiction d’adhérer à des syndicats dans les zones franches d’exportation.

Permettez-moi de préciser: les membres employeurs ne dénigrent aucunement la gravité des questions portées à l’attention de la commission. Toutefois, il est important de noter qu’il ne s’agit pas seulement de questions relatives à la liberté syndicale, qui est l’objet de ce cas, mais aussi de questions relatives aux droits de l’homme. Par définition, il s’agit aussi de questions d’ordre public.

De tels cas ne peuvent rester sans réponse, mais nous devons veiller à les examiner dans le contexte de la liberté syndicale. Au sein de cette commission, nous ne sommes pas compétents en matière d’ordre public en particulier, ni même en matière de droits de l’homme, bien qu’il y ait des recoupements inévitables.

Malheureusement, la plupart des détails de ce cas sont les mêmes que ceux que nous avons entendus par le passé. Les meurtres mentionnés ont eu lieu en 2016 et ont déjà fait l’objet d’une discussion, nous devons donc examiner non seulement les détails, mais aussi si la situation s’améliore ou empire, et quelles parties s’améliorent ou empirent. Cette année, il semble qu’il y ait autant de problèmes mais, en même temps, le gouvernement a pris encore plus de retard pour les résoudre. Nous prions instamment le gouvernement d’intensifier et de renforcer ses efforts. Malgré ce que nous avons entendu sur les progrès qu’il accomplit, nous souhaitons voir des progrès «visibles».

Nous sommes au regret de constater les nouvelles allégations de violence et d’intimidation à l’encontre des travailleurs et de leurs représentants dans le cadre de deux incidents particuliers. Si les enquêtes sur les allégations d’actes commis à l’encontre de membres et de responsables syndicaux sont des questions sérieuses, le contexte dans lequel le gouvernement doit enquêter sur ces allégations l’est tout autant. C’est pourquoi la loi philippine sur la sécurité des personnes est peut-être au cœur de cette deuxième réalité. Cette loi reflète l’engagement du gouvernement à préserver la sécurité de ses citoyens dans une longue période d’instabilité politique et civile, y compris d’insurrection armée. C’est ce contexte qui, selon les membres employeurs, n’a pas été suffisamment pris en compte dans l’examen de ce cas, tant aujourd’hui que par le passé.

Ce point est important car les directives opérationnelles du comité interinstitutions définissent les exécutions extrajudiciaires comme incluant les cas où la victime était membre d’une organisation syndicale ou en était adhérente, ou était erronément considérée ou identifiée comme telle, et où la victime était ciblée et assassinée en raison de son appartenance réelle ou supposée à une organisation syndicale.

Toute violation des droits de l’homme n’est pas forcément une violation des droits des travailleurs; cela est particulièrement vrai si la personne contre laquelle la violation a été commise commettait un acte illégal ou criminel au moment des faits. Il est donc essentiel, pour l’examen des cas, de déterminer clairement si la loi a été transgressée et de quelle manière, et si cette loi est conforme aux normes internationales. Ce n’est pas toujours évident et tout manque de clarté ne pourrait qu’empêcher un examen équitable du cas. Dans le contexte de la liberté syndicale, il est important de faire la distinction entre les cas où les membres d’un syndicat étaient des cibles spécifiques en raison de leur appartenance à un syndicat ou de leurs activités, et ceux où ils étaient simplement victimes, aux côtés d’autres citoyens, d’une violence plus générale. Nous avons un mandat dans le premier cas, mais pas dans le second.

Les syndicats ont exprimé leur inquiétude quant à l’utilisation abusive de la loi sur la sécurité des personnes. Pour sa part, le gouvernement a déclaré que cette loi ne peut être utilisée contre l’exercice des droits syndicaux et qu’il existe des directives garantissant que les forces armées et la police ne peuvent intervenir dans les activités syndicales que sur demande expresse des autorités.

En ce qui concerne le suivi et les enquêtes, les employeurs se sont félicités de la création du comité interinstitutions. Le problème est que, bien qu’actif au départ, il semble être tombé en désuétude. Nous espérons que les assurances du gouvernement ont été renouvelées et qu’elles se concrétisent. Nous demandons instamment au gouvernement de se pencher sur ces questions dès que possible.

Comme indiqué précédemment, le gouvernement s’est engagé avec le bureau de l’OIT à Manille dans un programme de coopération technique. Nous soutenons cet engagement avec tout le respect qui lui est dû. À ce sujet, nous prions le gouvernement de fournir une mise à jour sur l’état d’avancement.

En ce qui concerne les modifications du Code du travail, nous prenons note des propositions du gouvernement. Elles sont appréciées mais, une fois de plus, elles doivent être entièrement mises en œuvre et les employeurs demandent instamment au gouvernement de le faire.

Je voudrais conclure en observant que le rapport de la mission de haut niveau a confirmé, pour l’essentiel, la réalité de tout ce dont nous avons discuté dans le passé. Cela renforce la nécessité, comme nous le disons en Nouvelle-Zélande, de passer à l’action. Nous admettons que le gouvernement est relativement nouveau, mais nous sommes en juin 2023 et la lune de miel est terminée.

En conclusion, du point de vue des employeurs, nous souhaitons que le gouvernement prenne les mesures suivantes:

- mettre en œuvre toutes les recommandations du rapport de la mission de haut niveau;

- modifier le Code du travail pour qu’il soit pleinement conforme à la convention, notamment en ce qui concerne le droit de tous les travailleurs et employeurs, sans distinction, de constituer et de faire fonctionner des organisations de leur choix;

- garantir que les travailleurs ne soient pas sanctionnés pour avoir exercé des droits légitimes, fournir des informations sur toute évolution des questions en suspens avant la prochaine réunion de la commission d’experts, ce qui implique de fournir ces informations d’ici au 1er septembre de cette année;

- garantir que le comité interinstitutions est établi de manière à faire pleinement participer les partenaires sociaux.

Membres travailleurs – Au cours des quinze dernières années, les Philippines ont fait l’objet d’une surveillance régulière de la commission, et son non-respect de la convention a déjà été mentionné par les membres employeurs. De fait, en janvier cette année, une mission tripartite de haut niveau, longtemps retardée, s’est rendue aux Philippines, à la demande de la commission en 2019, pour faire le point sur les informations faisant état d’atteintes extrêmement graves à la liberté syndicale et aux libertés civiles dans le pays – entre autres, menaces et harcèlement, surveillance, arrestations et détentions arbitraires, et exécutions extrajudiciaires de membres de syndicats en raison de leurs activités syndicales légitimes. La mission a rencontré des représentants du gouvernement, des syndicats et des employeurs et a formulé six recommandations; elle a demandé notamment au gouvernement de se conformer effectivement aux recommandations précédentes de la commission.

L’une de ces recommandations était de finaliser, avant la session de la Conférence, une feuille de route assortie de délais sur la marche à suivre pour répondre aux préoccupations exprimées. Je crois comprendre que cette feuille de route est en cours de finalisation, ce qui est positif, mais nous craignons que, comme par le passé, le gouvernement ne mette pas pleinement en œuvre les recommandations formulées, comme cela a été le cas pour les conclusions de 2019 de la commission. Nos préoccupations liées aux violations qui se poursuivent sont fondées. En effet, peu de temps après la fin de la mission tripartite de haut niveau, cette année donc, Alex Dolorosa, un agent parajuridique du Réseau des travailleurs du secteur de l’externalisation des fonctions d’entreprise (BIEN) à Bacolod a été assassiné. Son nom vient donc s’ajouter à la longue liste des syndicalistes tués.

J’évoquerai maintenant brièvement les principaux problèmes qui préoccupent le groupe des travailleurs, problèmes que mes collègues travailleurs aborderont ensuite plus en détail. Depuis la dernière discussion de la commission en 2019 sur les Philippines, nos collègues syndicalistes philippins ont fait état des actes suivants: 16 cas de meurtres de syndicalistes, 2 cas de disparitions forcées, 68 cas d’arrestation et de détention, 90 cas de désaffiliation forcée, d’ingérence de l’État dans le droit à l’auto-organisation par le recours aux menaces, au harcèlement et à l’intimidation, 58 cas d’étiquetage en tant que communiste ou terroriste, 127 cas d’intimidation, de menaces et de harcèlement à l’encontre de dirigeants et de membres de syndicats, et 19 cas d’autres activités antisyndicales. Ces chiffres sont choquants et mettent en évidence la culture antisyndicale qui prévaut dans le pays. Peu de cas font l’objet d’une enquête et moins encore aboutissent à des inculpations pour ces actes criminels. L’étiquetage en tant que communiste se poursuit. Il résulte d’accusations sans fondement de la part des services de l’État et jette l’opprobre sur les syndicats et leurs militants en les qualifiant d’organisations soi-disant communistes ou terroristes. Ces accusations suffisent pour que des personnes soient détenues et interrogées par l’armée et la police. L’étiquetage en tant que communistes sert à décourager les travailleurs de soutenir des syndicats légitimes ou à les inciter à s’en désaffilier par crainte de représailles. Ainsi, des employeurs disposent d’une arme puissante pour éliminer sur le lieu de travail les syndicats qu’ils réprouvent. Cet étiquetage est également pratiqué par de hauts fonctionnaires, ce qui a des conséquences désastreuses. Cela ne peut plus durer. Les mécanismes mis en place pour lutter contre ces graves violations, tels que l’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale et les organes régionaux tripartites de contrôle, ont également failli. L’organe de contrôle du Conseil tripartite national de la paix sociale est censé superviser les activités de ciblage et de suivi des organes régionaux tripartites de contrôle, et le Bureau des relations du travail est chargé de suivre les cas de violation de la liberté syndicale et des droits syndicaux. Mais le manque de financement indépendant ou d’allocation de ressources humaines, l’absence de représentants des employeurs et des travailleurs à plein temps et de personnel technique régional chargé des activités de suivi et de promotion des droits de l’homme et des droits syndicaux, ainsi que l’absence de programmes entièrement financés pour promouvoir ces droits, ont entravé l’action de suivi des organes régionaux tripartites de contrôle. Le Conseil tripartite national de la paix sociale ne se réunit plus régulièrement depuis 2016. Le comité interinstitutions sur les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, tortures et autres graves violations du droit des personnes à la vie, à la liberté et à la sécurité, institué en vertu de l’ordonnance administrative no 35, était censé traiter les cas de graves violations des droits de l’homme, en particulier les cas de meurtres liés à l’activité syndicale. Mais les syndicats en comprennent mal le fonctionnement et, malgré les ressources disponibles, peu de cas ont progressé ou ont été résolus, et les neuf cas résolus sur les 65 cas d’exécutions extrajudiciaires l’avaient été avant la création du comité. L’examen des mécanismes qu’a demandé l’OIT a montré que la caractérisation des cas était l’un des principaux obstacles aux poursuites.

Le 1er mai 2023, le décret-loi no 23 a été pris dans le but manifeste de répondre à l’une des recommandations de la mission tripartite de haut niveau, à savoir créer un organe mandaté par le Président pour traiter les violations de la convention. Mais le décret n’a pas été à la hauteur de plusieurs aspects fondamentaux. Le comité interinstitutions ainsi créé ne compte pas de représentants des partenaires sociaux, et ceux-ci n’ont pas été consultés lors de sa conception. Les syndicats pouvaient légitimement s’attendre à être consultés, et l’avaient d’ailleurs demandé et soumis des propositions bien à l’avance. Le décret-loi n’établit pas non plus de lien entre l’action ou les résultats du comité et ceux d’un organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant ni ne prévoit de financement spécifique. Nous sommes entièrement d’accord avec la commission d’experts et nous espérons nous aussi que le gouvernement prendra des mesures pour garantir que toutes les allégations de meurtres, d’étiquetage en tant que communistes, de harcèlement et d’autres formes graves de violence à l’encontre de syndicalistes qui ont été rapportées précédemment feront l’objet d’une instruction appropriée et aboutiront à des résultats concrets afin d’établir les faits, y compris tout lien entre la violence et les activités syndicales, d’établir les culpabilités, de punir les auteurs et de continuer à prévenir et à combattre l’impunité.

Outre les actes de violence commis dans un climat d’impunité, nous devons souligner que la liberté syndicale, qui est protégée par la convention, est également compromise par plusieurs dispositions qui précarisent l’emploi, nuisent à la stabilité et permettent aux employeurs de licencier facilement des travailleurs en raison de leurs activités syndicales.

Enfin, je note que la commission d’experts a soulevé un certain nombre de questions législatives au fil des ans. Des gouvernements précédents avaient introduit une législation, mais aucune modification n’y a été apportée pour répondre à ces préoccupations de longue date. En Belgique aussi, comme en Nouvelle-Zélande, nous avons un proverbe qui invite à passer à l’action. Les membres travailleurs attendent du gouvernement qu’il prenne des mesures concrètes pour réviser le Code du travail et le mettre enfin en conformité avec la convention.

Membre employeur, Philippines – Permettez-moi de préciser que, au sein notre assemblée législative, environ 20 pour cent des représentants sont des représentants de groupes d’intérêts spécifiques, dont environ 24 membres sont considérés comme appartenant au secteur du travail ou sympathisants de ce secteur. Nous implorons donc ces membres de la Chambre des représentants d’accélérer la procédure judiciaire dans la mesure de leurs possibilités. En réalité, ils en ont le mandat. Nous pensons que le tripartisme et le bipartisme aux niveaux national, sectoriel et de l’entreprise sont solides. Des mécanismes de dialogue avec les partenaires sociaux existent dans la pratique. Des relations industrielles stables sont fonctionnelles et, plus important encore, le nouveau gouvernement s’est détourné de la politique de l’administration précédente. Elle a en effet été tenue responsable des exécutions extrajudiciaires – essentiellement liés à la drogue – auxquels certaines des plaintes relatives à l’exercice de la liberté syndicale ont été associées. Nous sommes ici aujourd’hui pour exprimer notre satisfaction quant aux efforts déployés pour la protection et la promotion de la liberté syndicale dans notre pays. Le gouvernement, par l’intermédiaire du DOLE, est conscient des défis auxquels sont confrontés les travailleurs et s’efforce activement de résoudre les problèmes au mieux de ses capacités.

Du côté des employeurs, la Confédération des employeurs des Philippines (ECOP) prend des mesures concrètes depuis 2018 pour institutionnaliser la mise en place d’un mécanisme de dialogue de type tampon, appelé Forum des dirigeants, où sont représentées les plus grandes organisations patronales et syndicales du pays, afin que toute question relative aux relations sociales et professionnelles puisse être abordée. Nous réaffirmons notre engagement à l’égard de la déclaration conjointe émise par le Forum des dirigeants lors de la visite de la mission de haut niveau relative à la convention, au début de cette année. Cette déclaration aborde deux questions principales: le respect des droits des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective; et la nécessité de poursuivre sans délai les enquêtes, les poursuites et le traitement de tous les cas avérés liés au travail et ayant une incidence sur la liberté syndicale et la négociation collective.

Dans l’intérêt de la justice, les employeurs et leurs organisations et secteurs adhérents ne tolèrent aucune tentative de porter atteinte à l’exercice de la liberté syndicale et de négociation collective. Le gouvernement a pris des mesures décisives depuis la réception du rapport officiel de la mission de haut niveau, le 30 mars 2023. Les organes tripartites ont été mis en place dans les zones économiques, offrant une plateforme pour un dialogue et une collaboration significatifs entre le gouvernement, les employeurs et les travailleurs. Cependant, nous espérons que les secteurs des travailleurs et des employeurs seront au moins invités en tant qu’observateurs dans cette commission récemment créée. En outre, dans ce domaine, le gouvernement a reconnu l’importance de renforcer les enquêtes en donnant aux organisations syndicales les moyens d’agir grâce à une formation d’auxiliaire juridique, comme l’a mentionné le sous-secrétaire. Cette initiative de renforcement des capacités améliorera sans aucun doute la capacité des organisations syndicales à défendre efficacement les droits et les intérêts des travailleurs. Le gouvernement devrait avoir la possibilité d’achever le processus de consultation avec les partenaires sociaux. Dans cette optique, le Conseil tripartite national de la paix sociale et d’autres organes tripartites ont été reconstitués en vue d’une véritable représentation avec des membres sectoriels directement désignés par les partenaires sociaux. Cette approche collaborative permet à toutes les parties prenantes de répondre collectivement aux observations faites par la mission de haut niveau.

Toutes ces mesures récentes prises par le gouvernement démontrent sa volonté d’œuvrer à la création d’un environnement qui permet aux travailleurs d’exercer leur liberté syndicale et leur droit de négociation collective. Un tel environnement est essentiel pour la protection des droits des travailleurs et la promotion de leurs intérêts. Nous, employeurs, resterons vigilants et veillerons à ce que nos mandants dans le secteur des entreprises respectent ces droits fondamentaux des travailleurs sur la base des conventions de l’OIT, de la Constitution philippine et, plus importante et plus récente, de notre législation nationale liée au Code du travail.

En conclusion, je soutiens sans réserve les efforts déployés par les Philippines pour protéger et promouvoir la liberté syndicale. L’approche proactive du gouvernement, illustrée par la création d’organes tripartites, le renforcement des enquêtes et le processus de consultation en cours, mérite d’être reconnue et de recevoir votre encouragement et votre soutien actif.

Reconnaissons les progrès réalisés jusqu’à présent et fournissons l’espace et le soutien nécessaires au gouvernement et aux partenaires sociaux pour qu’ils collaborent à l’application des recommandations de la mission tripartite de haut niveau et élaborent une feuille de route tripartite sur la liberté syndicale – en cours de préparation – et qu’ils rédigent le programme pour le travail et l’emploi pour la période 2023-2028. Il s’agit là de pas dans la bonne direction. Ensemble, nous pouvons assurer un avenir meilleur aux travailleurs philippins, en nous appuyant sur les principes de liberté, d’équité et de justice, qui sont essentiels aux entreprises, à leur viabilité et à leur pérennité.

Membre travailleuse, Philippines – La position du groupe des travailleurs des Philippines sur la question qui nous occupe est la même que celle de tous les syndicats philippins, dont les organisations affiliées à la Confédération syndicale internationale (CSI) aux Philippines: la Fédération des travailleurs libres (FFW), le Kilusang Mayo Uno (KMU), le Sentro ng mga Nagkakaisa at Progresibong Manggagawa (SENTRO) et le Congrès des syndicats des Philippines (TUCP). Notre pays fait l’objet d’un examen de la commission au sujet de l’application de la convention. En janvier 2023, les Philippines ont reçu une mission tripartite de haut niveau de l’OIT. Elle a soumis des recommandations et notre dévoué sous-secrétaire en a accusé réception le 30 mars 2023. Nous prenons note des mesures prises par le gouvernement pour remédier aux violations de la liberté syndicale. Nous sommes prêts à entamer une discussion constructive, comme l’a proposé le sous-secrétaire. Toutefois, nous estimons, avec tout le respect qu’il mérite, que le gouvernement choisit ce qui lui convient parmi les récentes recommandations. Il n’a pas encore adopté de stratégie de mise en œuvre conjointe avec les partenaires sociaux, ne respectant ainsi pas les recommandations. La commission ne peut donc pas examiner le rapport conjoint de mise en œuvre de la feuille de route à cette 111e session de la Conférence.

Nous prenons note de la récente promulgation du décret-loi n° 23, qui vise à renforcer et à protéger la liberté syndicale et le droit syndical des travailleurs et met en place à cette fin un comité interinstitutions de l’exécutif, chargé de coordonner et d’accélérer les enquêtes et les poursuites en cas de violations de la convention. À première vue, ce décret-loi semble répondre à la recommandation de la mission tripartite de haut niveau d’établir un organe mandaté par le Président pour traiter les violations de la convention. Une lecture plus attentive révèle toutefois qu’il ne prend pas en compte plusieurs aspects fondamentaux.

Le comité interinstitutions ne compte pas de représentants des syndicats ni même des organisations d’employeurs. Ni les organisations de travailleurs ni les organisations d’employeurs n’ont été consultées au sujet de sa constitution. Rien n’indique qu’il est prévu de relier l’action du comité à celle de l’organe non judiciaire spécialisé, éminent et indépendant qui doit être institué pour examiner les cas que le comité lui soumettra afin de documenter les témoignages et de prévoir d’éventuelles indemnisations. Nous ne partageons pas l’avis du sous-secrétaire du gouvernement selon lequel la création de ces organes est inconstitutionnelle puisque plusieurs organes créés par le Président des Philippines ont été jugés inconstitutionnels, comme la Commission présidentielle anticorruption et la Commission du syndicat des employés philippins, entre autres.

Rien n’est dit ni prévu plus spécifiquement pour mettre en place des mécanismes ou une feuille de route afin de résoudre définitivement les 68 cas en suspens d’exécutions extrajudiciaires liées à des activités syndicales qui ont été soumis depuis aux autorités et qui sont mentionnés dans le rapport. Aucun budget de fonctionnement spécifique n’est prévu pour le comité et son secrétariat; leurs ressources dépendent du budget du DOLE, ce qui crée une situation potentielle d’échec. Le régime d’indemnisation qui existe en vertu de la loi que le gouvernement a mentionné est très insuffisant: les personnes incarcérées à tort ne reçoivent que 1 000 pesos philippins par mois, soit l’équivalent de 19 dollars des États-Unis d’Amérique. Les indemnisations prévues dans le cas de personnes assassinées ne dépassent pas 10 000 pesos philippins, soit 181 dollars des États-Unis. Est-ce là la valeur d’une vie? Examinons maintenant la réalité sur le terrain: les activités syndicales de plusieurs d’entre nous ont été considérées comme des activités délictueuses, insurrectionnelles ou terroristes. À la veille de la visite de la mission tripartite de haut niveau, le Département de la justice a rejeté une plainte déposée contre 17 agents de police impliqués dans l’assassinat du dirigeant syndical M. Manuel Asunción au motif que l’épouse de M. Asunción n’avait pas identifié directement les assassins et que l’opération de police était légitime. M. Asunción a été tué dans son bureau au Centre d’assistance aux travailleurs lors d’une opération de police à Cavite.

Le même mois, l’enlèvement des syndicalistes Armand Dayoha et Dyan Gumanao à Cebu a été filmé. M. Dayoha est l’un des responsables de l’Alliance des travailleurs de la santé (AHW), et M. Gumanao l’un des coordinateurs de l’Alliance des enseignants concernés (ACT). Ces deux personnes ont surmonté cette situation éprouvante mais, aujourd’hui, alors qu’ils ont intenté une action pour que les coupables soient traduits en justice, la procédure traîne en longueur.

La criminalisation des activités syndicales dans la pratique est contraire à la convention. En ce qui concerne les 68 assassinats signalés, nous sommes en désaccord avec les employeurs des Philippines. Ces assassinats ne sont pas liés à la drogue. L’assassinat de responsables syndicaux ainsi que quelque 400 cas de violations des droits syndicaux depuis la prise de fonction du Président Rodrigo Duterte en 2016 ont été signalés à la mission de l’OIT.

Ce schéma de violence se poursuit alors que le Président Marcos a été élu il y a près d’un an, et l’assassinat récent du syndicaliste Alex Dolorosa s’ajoute aux 68 cas précédents. Sur les 69 cas d’assassinats survenus depuis 2016, personne n’a été poursuivi ni sanctionné par la justice.

Bien que le gouvernement philippin brosse le portrait d’une nation respectueuse des droits de l’homme et des syndicats, qui défend la liberté syndicale et le tripartisme, la réalité que nous vivons le contredit. Les enlèvements, les meurtres et la présence policière intimidante lors des manifestations syndicales, entre autres, au cours de la première année de la présidence de Marcos mettent en évidence une culture d’impunité persistante qui met en péril toutes les organisations syndicales. Par conséquent, la violence persistante se traduit par un taux de syndicalisation d’environ 7 pour cent, et le nombre de travailleurs couverts par des conventions collectives a baissé. Les licenciements collectifs et la suppression d’emplois réguliers dans de nombreuses entreprises entraînent une réduction considérable du nombre de personnes syndiquées. Ces pratiques, particulièrement courantes dans des organisations ou entreprises telles que le centre médical De Los Santos, Wyeth-Nestlé et Duty-Free Philippines, touchent des centaines de salariés réguliers à cause de leur appartenance à un syndicat.

Les syndicats du secteur public ne sont pas épargnés. Un problème essentiel dans le secteur public est la désaffiliation forcée de membres de syndicats en raison de la pression constante qu’exercent leurs employeurs publics. Un exemple significatif est celui du syndicat du personnel en civil affilié à la Confédération indépendante des travailleurs de la fonction publique (PSLINK), dans l’unité de négociation de la Police nationale philippine, ce qui affaiblit le syndicat et porte atteinte aux droits des membres de notre syndicat. Afin de mieux démontrer l’ampleur des atteintes à la liberté syndicale, on donnera les exemples suivants: la surveillance d’un dirigeant du SENTRO à Davao, de février à mai 2023; l’étiquetage de l’ACT en tant qu’organisation communiste par la secrétaire du Département de l’éducation; l’étiquetage en tant que communistes de travailleurs migrants à l’étranger; le harcèlement d’une secrétaire syndicale de la FFW, accusée d’une infraction pénale depuis qu’elle a eu gain de cause dans le procès qu’elle avait intenté pour licenciement illégal et qu’elle a été réintégrée dans une usine de vêtements dans les Ecozones de Clark; et, plus récemment, dans le cadre d’une campagne de certification menée à l’encontre d’un syndicat créé dans une entreprise multinationale, l’étiquetage en tant que communiste d’un dirigeant des Syndicats associés (ALU). Le nouveau chef des services de la défense a déclaré qu’il n’y avait rien de grave à être étiqueté de la sorte, pourtant, lorsque c’est le cas, cette personne devient la cible d’assassinats ou d’enlèvements, ou des menaces graves pèsent sur sa vie et sa famille. Rien de grave en effet!

Nous réitérons qu’il est urgent que le gouvernement consulte les partenaires sociaux pour: i) réviser le décret-loi n° 23, car il n’est pas conforme à la recommandation de l’OIT d’inclure des représentants des travailleurs et des employeurs; ii) créer un organe indépendant et non judiciaire pour documenter les témoignages, examiner les cas et proposer des mesures d’indemnisation aux parties affectées; iii) renforcer le Conseil national tripartite de suivi en établissant des équipes tripartites de certification qui examineront avec célérité les cas signalés d’assassinats de syndicalistes et d’autres violations flagrantes de la liberté syndicale; et iv) adopter le décret présidentiel qui énoncera les directives conjointes sur la conduite des forces de sécurité de l’État afin de garantir le respect qui s’impose des droits syndicaux. Telles sont les recommandations des syndicats. Enfin, nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement et le groupe des employeurs de façon à améliorer la liberté syndicale et la situation en ce qui concerne les assassinats et l’impunité. Organiser un syndicat n’est pas un crime. Il est temps d’agir, nous insistons sur ce point.

Membre gouvernementale, Suède – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, la République de Moldova, le Monténégro, pays candidats, l’Islande et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE), membres de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration. Nous encourageons activement la ratification des conventions fondamentales de l’OIT. Nous appelons tous les pays à protéger, promouvoir et respecter tous les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs. Nous accordons une grande importance à la liberté syndicale et au droit syndical. Les Philippines sont un partenaire important, notamment en ce qui concerne le soutien au multilatéralisme et à l’ordre international fondé sur des règles. Dans le cadre du Système de préférences généralisées et de l’accord-cadre de partenariat et de coopération avec l’UE, les Philippines se sont engagées à ratifier et à mettre effectivement en œuvre les conventions internationales sur les droits de l’homme, y compris les droits des travailleurs. Le cas abordé aujourd’hui est un cas ancien et grave. Lors de sa 29e session, la commission avait noté avec inquiétude les nombreuses allégations de meurtres de syndicalistes et de violences antisyndicales, ainsi que l’absence d’enquête sur ces allégations. La Commission de la Conférence avait également demandé au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau avant la Conférence de 2020 et d’élaborer, en consultation avec les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, un rapport sur les progrès accomplis à l’intention de la commission d’experts d’ici au 29 septembre de la même année. En septembre 2021, un échange avec l’OIT, le gouvernement et les partenaires sociaux a été tenu virtuellement à cause de la pandémie de COVID-19 et a donné lieu à des recommandations, dont l’une était que le gouvernement adopte un plan d’action assorti de délais, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le soutien de la CSI et de l’Organisation internationale des employeurs. Ce plan abordait les quatre domaines de préoccupation.

Nous nous félicitons que les Philippines aient accueilli la mission tripartite de haut niveau en janvier 2023. La mission a formulé un certain nombre de recommandations et, bien qu’elle ait observé certains progrès, ceux-ci restent largement insuffisants compte tenu de la gravité des problèmes. Nous regrettons vivement que le gouvernement n’ait pas mis à la disposition de l’OIT un rapport conjoint de mise en œuvre des partenaires tripartites avant la commission de 2023 pour montrer que des mesures tangibles visant à mettre en œuvre ces recommandations ont été adoptées. Nous tenons à souligner que les mesures tripartites sont essentielles pour réaliser des progrès. Nous saluons néanmoins la déclaration conjointe du Forum des dirigeants, qui pourrait servir de base solide et positive pour poursuivre les discussions sur la feuille de route tripartite.

Sous la nouvelle administration, nous constatons une amélioration dans le domaine des droits de l’homme. Nous espérons que cette tendance se poursuivra. Le dialogue avec l’UE est ouvert, y compris sur les questions les plus sensibles. Toutefois, des sujets de préoccupation subsistent, notamment l’allégation de graves actes de violence et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes; de graves violations des libertés civiles et de la liberté syndicale à l’encontre des travailleurs et de leurs représentants, où dans certains cas, les autorités empêchent les activités légales des syndicats. Nous sommes également préoccupés par les cas en instance de meurtres présumés de dirigeants et de membres de syndicats où, malgré les efforts du gouvernement, aucun progrès apparent n’a été réalisé. Nous souhaitons souligner la nécessité de mener des enquêtes sur les meurtres de syndicalistes afin de faire toute la lumière sur les faits et les circonstances qui entourent ces actes. Nous souhaitons établir les responsabilités, punir les auteurs et empêcher que des événements similaires se répètent, afin de lutter contre l’impunité.

Nous sommes préoccupés par la pratique de l’étiquetage en tant que communistes des représentants et des membres des syndicats, ainsi que par les allégations de liens avec des organisations terroristes par les forces de sécurité afin de créer un climat de peur qui empêche les travailleurs d’exercer leurs droits. Nous saluons les intentions du gouvernement de lutter contre l’impunité et de garantir l’application de la convention. Toutefois, nous regrettons que très peu de mesures politiques ou législatives aient été prises pour répondre efficacement aux préoccupations importantes et de longue date de la commission d’experts et de la commission. Nous sommes préoccupés par l’absence de progrès concernant l’adoption de plusieurs propositions législatives visant à mettre la législation nationale en conformité avec les engagements pris et les assurances données ces dernières années. Il est particulièrement inquiétant de constater l’absence de mesures efficaces pour répondre aux préoccupations en raison du manque de ressources et de coordination dans différents domaines, comme le fonctionnement efficace des mécanismes de suivi et de l’ordonnance administrative nº 35, et ce malgré l’assistance technique du BIT financée par l’UE depuis 2016, qui vise le renforcement institutionnel des partenaires tripartites.

Bien que nous saluions le décret-loi visant à créer un comité interinstitutions pour examiner les cas de violation de la liberté syndicale et élaborer une feuille de route, nous regrettons que ce décret-loi ne soit pas à la hauteur de la recommandation de la mission tripartite de haut niveau et que les partenaires sociaux n’aient, semble-t-il, pas été consultés. En ce qui concerne les zones économiques, nous comprenons que les programmes du Bureau de coordination conjoint pour la paix sociale et du Bureau de l’alliance pour le programme en faveur de la paix sociale ont été suspendus et nous nous en félicitons. Nous avons toutefois prié instamment le gouvernement de garantir les droits des syndicats en continuant à promouvoir des activités de formation complètes sur la liberté syndicale et la négociation collective, et en révisant les directives sur la conduite des parties prenantes en ce qui concerne l’exercice des droits syndicaux. Nous insistons en outre sur nos commentaires des années précédentes dans lesquels nous priions instamment le gouvernement d’adopter des amendements législatifs afin de poursuivre sans délai la révision du Code du travail. Nous souscrivons au rapport de la mission tripartite de haut niveau selon lequel les préoccupations sérieuses et urgentes ne peuvent être abordées que par un véritable dialogue social. Nous encourageons le gouvernement à faire participer les partenaires sociaux de manière constructive, afin de finaliser une feuille de route tripartite avec des échéances et des résultats clairs, et de l’incorporer dans le Plan pour le travail et l’emploi 2023-2028, comme l’a indiqué le gouvernement. Nous espérons que la mise en œuvre effective de la feuille de route se reflétera dans un rapport conjoint sur l’emploi. Nous encourageons le gouvernement à continuer à collaborer avec le BIT sur cette question.

Membre gouvernemental, Brunéi Darussalam, s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). L’ASEAN prend note des nombreuses initiatives entreprises par les Philippines pour se conformer à la convention. Nous saluons les efforts constants et les mesures concrètes prises par le gouvernement depuis juillet dernier pour aborder les questions soulevées d’une manière proactive et globale.

Le gouvernement a fait preuve de réactivité face aux préoccupations soulevées par différentes parties prenantes, y compris les travailleurs, en prenant des mesures importantes visant la mise en œuvre des recommandations formulées par la mission tripartite de haut niveau en janvier 2023. Nous avons conscience des efforts remarquables accomplis jusqu’à présent dans la mise en œuvre de ces recommandations. La publication du décret-loi nº 23, prévoyant la création d’un comité interinstitutions pour protéger la liberté syndicale, témoigne clairement de la volonté du gouvernement de s’acquitter de ses obligations.

Nous sommes intimement convaincus de l’importance de donner au gouvernement une chance de mener à bien le processus de consultation en collaboration avec les partenaires sociaux. Cette approche inclusive garantit que toutes les parties prenantes concernées, y compris les représentants gouvernementaux, des travailleurs et des employeurs, répondent conjointement aux observations mises en évidence par la mission tripartite de haut niveau. En s’engageant dans un dialogue global et collaboratif, le gouvernement peut instaurer la confiance et rechercher des solutions qui seraient mutuellement bénéfiques et qui défendent les intérêts de toutes les parties prenantes.

Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ses efforts pour faire respecter les principes de la liberté syndicale et garantir que les voix des travailleurs et de leurs représentants sont entendues et respectées. La protection des droits syndicaux est non négociable. Il est essentiel de comprendre que les affaires relatives à des actes de nature exclusivement criminelle doivent être confiées à des organismes chargés de faire respecter les lois et au système judiciaire. La caractérisation de ces cas devrait être déterminée par une évaluation approfondie des actes présumés, en tenant compte à la fois des droits des individus et de la nécessité d’assurer l’ordre et la sécurité de la société. Cette approche garantit que seules les questions véritablement liées à l’exercice de la liberté syndicale et du droit syndical sont soumises à l’examen de la commission.

L’ASEAN reconnaît que les Philippines, tout comme les autres États de l’ASEAN, devraient continuer à bénéficier de l’assistance technique du BIT. À cet égard, nous exprimons notre soutien indéfectible à l’assistance technique continue fournie aux Philippines afin de résoudre ces problèmes de longue date.

En conclusion, nous réaffirmons notre ferme soutien à l’engagement des Philippines en faveur de la protection et de la promotion de la liberté syndicale. Nous croyons en la détermination du gouvernement à relever les défis liés aux travailleurs et en ses efforts sincères pour se conformer aux recommandations de la mission de haut niveau. Nous prions instamment toutes les parties prenantes de s’engager dans un dialogue constructif, en adoptant les principes d’inclusivité, de coopération et de respect, afin de répondre collectivement aux observations formulées et d’assurer la protection effective des droits des travailleurs.

Membre employeuse, Thaïlande – La Confédération des employeurs de Thaïlande fait cette déclaration au nom de la Confédération des employeurs de l’ASEAN. Elle souscrit à la position de l’ECOP en ce qui concerne le cas des Philippines devant la commission. Cela s’inscrit dans sa volonté de promouvoir des relations professionnelles stables, harmonieuses et productives, ainsi que la création d’emplois dans le cadre du développement national dans tous les pays qu’elle représente. Elle a reconnu que l’engagement de l’ECOP en faveur du développement social par le biais du tripartisme et du bipartisme dans la résolution des problèmes et des défis des relations professionnelles et de travail est en accord avec son désir de promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective aux Philippines. Le principe sous-jacent aux activités de sensibilisation et aux services de l’ECOP repose sur le respect des droits des travailleurs et la protection de leur bien-être. Elle souhaite que les gouvernements, les employeurs et les travailleurs continuent à travailler ensemble pour répondre aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau.

Membre travailleur, Guatemala – Je m’exprime au nom des travailleurs du Guatemala et de l’Union nationale des travailleurs (UNT) du Mexique.

La violation des libertés civiles et des droits syndicaux a cours depuis longtemps aux Philippines. Depuis 2006, les syndicats philippins font état de meurtres et de menaces graves, les cas les plus récents étant l’assassinat de M. Alex Dolorosa, ainsi que de M. Marlon et de sa femme Fe Ornido, au sujet desquels les enquêtes n’ont pas progressé. Ainsi, on compte désormais 69 cas de meurtres de syndicalistes, événements déplorables qui se produisent aussi dans mon pays, le Guatemala.

Ce climat de violence qui conduit au meurtre et à la disparition de dirigeants syndicaux, et à des actes d’agression à l’encontre d’organisations de travailleurs, compromet gravement l’exercice des droits syndicaux; ces actes exigent des mesures radicales des autorités.

Le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement des Philippines de garantir que des enquêtes seront menées sur les assassinats de syndicalistes, et a noté avec regret que, «malgré les enquêtes et le suivi constants dont le gouvernement fait état, aucun progrès substantiel ne semble avoir été réalisé pour traduire les auteurs en justice ou éclaircir les circonstances de ces incidents».

Le climat actuel de pression, de peur et de violence physique extrême nuit à la capacité des travailleurs d’exercer les droits protégés par la convention. Alors que les Philippines ont ratifié la convention il y a soixante-dix ans, le gouvernement a des difficultés pour la faire respecter.

Diverses initiatives ont été prises pour surmonter ces obstacles graves à l’exercice des libertés syndicales – mission de haut niveau, mission de contacts directs, réunion tripartite virtuelle de haut niveau. Une mission tripartite de haut niveau chargée d’enquêter sur les allégations des syndicats et aussi sur les informations du gouvernement qui portent sur l’application de la convention s’est rendue dans le pays en janvier de cette année.

Dans son rapport, la mission tripartite de haut niveau s’est dite préoccupée par la lenteur manifeste de la mise en œuvre des recommandations de l’OIT par le gouvernement des Philippines; la mission a réitéré les conclusions et recommandations contenues dans les rapports précédents des organes de contrôle de l’application des normes.

Le gouvernement des Philippines a également fait état de la création de mécanismes nationaux et régionaux aux fins du respect des conventions nos 87 et 98, ainsi que d’autres initiatives; toutefois, dans tous les cas, on constate un comportement dilatoire et, si l’on assure avec persistance qu’il y a des progrès, ces progrès n’existent que dans le discours officiel.

L’assassinat de syndicalistes exige des enquêtes judiciaires menées en toute indépendance afin de faire toute la lumière, dans les plus brefs délais, sur les faits et les circonstances dans lesquels ces assassinats ont été commis, d’établir les responsabilités, de punir les coupables et d’empêcher que ces actes ne se reproduisent.

La commission devrait exhorter le gouvernement à prendre les mesures nécessaires et à mettre fin aux pratiques portant atteinte à la liberté syndicale qui ont cours aux Philippines depuis des années.

Membre gouvernemental, États-Unis d’Amérique – Nous remercions le gouvernement d’avoir fourni un complément d’information à la commission en réponse au rapport de la mission de haut niveau qui s’est rendue aux Philippines en janvier de cette année.

Le gouvernement fait état des diverses mesures qu’il a prises pour répondre aux préoccupations que les organes de contrôle de l’OIT expriment depuis longtemps au sujet de son application de la convention, ainsi que des mesures qu’il prend actuellement en tenant compte les recommandations formulées dans ce rapport. Nous faisons bon accueil à ces mesures, qui constituent des étapes initiales et intermédiaires. Nous restons toutefois préoccupés par la réponse du gouvernement au sujet des allégations de violations constantes des libertés civiles des travailleurs et de leur droit à la liberté syndicale.

Par conséquent, les États-Unis exhortent le gouvernement à accepter immédiatement le rapport de la mission tripartite de haut niveau dans son intégralité et à donner suite à toutes ses recommandations, en particulier la création d’un organe mandaté par le Président pour traiter tous les cas d’allégations d’exécutions extrajudiciaires et d’enlèvements liés à des activités syndicales, ainsi que l’application de mesures de protection rapides et efficaces pour faire face aux menaces immédiates et/ou imminentes contre la vie, la sécurité ou la sûreté de syndicalistes.

La commission d’experts a pris note avec préoccupation de nouvelles allégations de violence et d’intimidation à l’encontre de travailleurs et de leurs représentants. Elle a observé avec regret qu’aucun progrès substantiel ne semble avoir été réalisé pour traduire les auteurs en justice.

Les États-Unis restent mobilisés en ce qui concerne le meurtre, en avril, de M. Alex Dolorosa, dirigeant syndical et militant LGBTQI+ au sein de BIEN, une organisation qui aide les travailleurs des centres d’appel à exercer leurs droits et à s’organiser pour améliorer leurs conditions de travail. Nous saluons le fait que le gouvernement a condamné ce meurtre et s’est engagé à mener une enquête approfondie et à traduire les auteurs en justice.

Nous prenons note de l’appel lancé par la mission tripartite de haut niveau pour que tout cas présumé d’acte criminel et/ou de liens illégaux avec l’insurrection communiste soit porté devant les tribunaux compétents, en assurant une procédure régulière et le respect de la présomption d’innocence.

Nous réaffirmons l’importance de la recommandation qu’a formulée la mission tripartite de haut niveau d’agir en collaboration avec les partenaires sociaux afin de progresser véritablement pour répondre aux préoccupations soulevées par la commission d’experts et la commission et prévenir ainsi d’autres violations de la liberté syndicale. Les États-Unis soulignent que des syndicats démocratiques et indépendants sont essentiels à des démocraties saines et inclusives et à des économies prospères.

Les États-Unis restent déterminés à œuvrer avec le gouvernement pour faire progresser les droits des travailleurs aux Philippines.

Membre employeur, États-Unis – Nous notons qu’en juin 2019 la commission a demandé l’envoi d’une mission tripartite de haut niveau dans le pays, qui a eu lieu au début de 2023. Cette mission ainsi qu’un échange virtuel entre-temps ont été les étapes qui ont annoncé un plan d’action visant à indiquer en détail – ce qui est utile ici – comment les Philippines peuvent mettre en œuvre effectivement la convention.

Dans cet esprit, nous considérons que ce cas progresse et que, par conséquent, il est porteur d’espoirs. C’est l’occasion de revenir sur le contenu essentiel de la convention et sur la notion globale de liberté syndicale au regard du droit international. Notons que la liberté syndicale est l’un des plus importants principes fondamentaux du droit international du travail. L’article 2 de la convention dispose ce qui suit: «Les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières.» Les termes employés ont toute leur importante: la convention s’applique dans la même mesure aux «travailleurs» et aux «employeurs» – «sans distinction d’aucune sorte» –, lesquels ont le droit de s’organiser et, donc, ne pas s’organiser ou de se désaffilier d’une organisation, selon leur volonté. Nous rappelons que les travailleurs et les employeurs, ainsi que leurs choix en toute connaissance de cause, sont au cœur même de la convention, et que les gouvernements sont tenus d’adopter une législation et d’encourager des pratiques qui aident les travailleurs et les employeurs à faire des choix libres et éclairés sur leur vie professionnelle.

Les gouvernements ne doivent ni permettre ni autoriser – ce point ne doit pas être sous-estimé – tout comportement qui empiète sur ces droits. Bien sûr, cette question renvoie notamment à certaines des préoccupations légitimes qu’a exprimées la commission dans ce cas. En l’occurrence, nous rappelons qu’il est de la plus haute importance de déterminer les faits et le contexte des actes allégués et des préoccupations exprimées. Nous espérons sincèrement que le gouvernement prendra des mesures, avec le BIT et les partenaires sociaux, pour mener de la manière la plus approfondie toutes les enquêtes nécessaires et appropriées. On ne peut pas élaborer de politique ni se prononcer sur la conformité ou non de mesures avec la convention, tant que des enquêtes dignes de ce nom n’ont pas été menées à bien. Si des obstacles existent ou surgissent, le gouvernement, avec les partenaires sociaux, devrait faire preuve de patience et persister.

Nous rappelons également que les gouvernements ne doivent adopter ni une position ni des mesures tendant à favoriser un groupe en particulier, et qu’il s’agit là aussi d’un concept fondamental du droit international du travail.

On attend des gouvernements, dès le niveau le plus élémentaire, qu’ils restent impartiaux et soient un partenaire qui contribuera à ce que les travailleurs et les employeurs fassent des choix libres et informés sur leur vie professionnelle. Nous souhaitons que le gouvernement, au fur et à mesure qu’il avancera dans son plan d’action, gardera ces préceptes à l’esprit.

Membre travailleuse, Norvège – Les syndicats des pays nordiques, de l’Allemagne, de la France, d’Espagne, d’Italie, des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ainsi que la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) déplorent les interventions de la police et des forces armées philippines sur les lieux de travail. Nous n’avons constaté aucun signe positif indiquant que les membres des forces de sécurité des Philippines n’interviennent plus dans les relations professionnelles.

Le 2 juin, la police a pénétré sur le lieu de travail d’une entreprise de conteneurs à Meycauyan, dans la province de Bulacan, le jour où le service régional du DOLE procédait à la certification des élections syndicales. Les travailleurs ont été contraints de voter en présence de l’armée.

Jusqu’à ce jour, la police philippine et les forces armées de la localité Govenor Generoso, dans la province de Davao, poursuivent leur campagne de diffamation et d’étiquetage visant le syndicat créé il y a un an pour faire connaître les droits au travail et organiser les travailleurs d’une plantation. Les officiers de l’armée qualifient le syndicat d’«organisation communiste et terroriste liée au parti communiste et à l’État islamique». L’entreprise est connue pour pratiquer l’exploitation salariale, la discrimination et les licenciements abusifs.

Ce sont là deux exemples d’ingérence militaire signalés au cours des derniers mois, depuis la visite de la mission tripartite de haut niveau aux Philippines, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg de la militarisation des relations professionnelles dans le pays. Pendant une décennie, elle s’est justifiée sous la bannière du Groupe de travail national visant à mettre fin au conflit armé communiste local.

Ces mêmes forces de sécurité composent la majeure partie des membres du comité interinstitutions qui a vu le jour sous l’égide du bureau présidentiel. Il est censé veiller à la protection de la liberté syndicale et du droit syndical des travailleurs, mais les syndicats n’ont même pas été informés de la formation de ce comité.

Nous ne parvenons pas à nous convaincre que ces mêmes services qui ont activement étiqueté, ciblé et intimidé des syndicalistes et prétendu qu’il y avait des infiltrations communistes sur les lieux de travail vont maintenant respecter leur indépendance et protéger le droit à la liberté syndicale. Ce n’est en aucun cas une réponse adéquate pour mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau visant à mettre fin à la culture de l’impunité.

La constitution de syndicats ne constitue pas une menace directe pour la sécurité nationale. Le gouvernement doit collaborer avec les syndicats et les partenaires sociaux pour adopter une feuille de route conjointe pour mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau

Membre travailleur, États-Unis – Les délégués travailleurs de l’Australie, de la République de Corée et du Japon, ainsi que la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s’associent à cette déclaration. Une fois de plus, la commission examine le cas du non-respect de la convention par les Philippines.

Nous accueillons favorablement les conclusions de la mission tripartite de haut niveau de janvier 2023 qui a constaté que le gouvernement n’a pas fait grand-chose pour mettre en œuvre les recommandations de la commission et de la commission d’experts de 2009, 2017 et 2019 en ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires de syndicalistes et d’autres violations de la liberté syndicale dans le pays. Malheureusement, malgré l’attention de la mission, les menaces, les attaques et même les meurtres de militants syndicaux se poursuivent aux Philippines.

Nous sommes attristés et indignés par le meurtre cruel et violent d’Alex Dolorosa, un organisateur syndical et un agent parajuridique du BIEN qui a travaillé sans relâche à l’amélioration des conditions de travail dans l’industrie des centres d’appel. Malheureusement, son assassinat ne fait que renforcer la raison pour laquelle les Philippines sont régulièrement classées parmi les pays les plus meurtriers au monde pour les syndicalistes. Le meurtre tragique d’Alex fait suite à des années de surveillance et d’étiquetage en tant que communiste par le gouvernement philippin. Il est devenu courant aux Philippines que l’armée et le gouvernement s’en prennent aux syndicats, aux dirigeants syndicaux et aux travailleurs qui tentent de s’organiser en les étiquetant à tort comme des insurgés communistes et des ennemis de l’État, pratiques qui mènent à une surveillance agressive, à des emprisonnements, voire à des meurtres.

Nous regrettons vivement que le gouvernement n’ait pas transmis à la commission un rapport conjoint de mise en œuvre des partenaires tripartites des recommandations de la mission tripartite de haut niveau.

Nous demandons instamment au gouvernement philippin de consulter les partenaires sociaux sans plus tarder pour:

- réviser le décret-loi no 23 et y inclure les points de vue des représentants des travailleurs et des employeurs;

- mettre en place un organisme indépendant et non judiciaire chargé de documenter les témoignages, d’examiner les cas et de proposer des mesures de compensation pour les parties concernées;

- adopter une feuille de route assortie d’un calendrier, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de mettre entièrement en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau.

Une fois de plus, nous demandons au Président Marcos et à son administration de prendre des mesures immédiates, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, pour mettre un terme à la pratique de l’étiquetage et à la culture plus large de l’impunité dans les cas de menaces et de violence à l’encontre des syndicalistes aux Philippines.

Membre gouvernemental, République islamique d’Iran – Ma délégation soutient les efforts louables que le gouvernement déploie pour donner suite aux recommandations formulées par la mission tripartite de haut niveau qu’il a reçue en janvier de cette année. Nous devons reconnaître les résultats concrets qu’a déjà obtenus le gouvernement. Dans l’esprit du tripartisme, des consultations approfondies ont été menées en vue de l’élaboration d’un plan tripartite réaliste et réalisable.

Compte tenu de la complexité des questions en jeu, le gouvernement devrait se voir accorder la possibilité équitable de mener à bien le processus de consultation avec les partenaires sociaux.

Nous estimons que, pour résoudre les cas à l’examen, il est de la plus haute importance de prendre acte des résultats obtenus. Nous reconnaissons donc la nécessité de soutenir le renforcement des organes régionaux tripartites de contrôle, le cas échéant avec l’assistance technique du BIT.

En conclusion, nous prenons note des efforts du gouvernement et estimons qu’il lui faut du temps pour mener à bien son plan d’action destiné à résoudre les problèmes liés à la liberté syndicale.

Membre travailleuse, Indonésie – Je m’exprime au nom des travailleurs indonésiens. Ma déclaration est soutenue par les travailleurs du Cambodge, de la Malaisie et de Singapour, ainsi que par l’Internationale de l’éducation (IE). Nous sommes solidaires des travailleurs et des enseignants aux Philippines. Les enseignants ne devraient pas être qualifiés d’insurgés ni faire l’objet de violences et de discriminations au motif de leur appartenance à un syndicat. Or c’est encore le cas aux Philippines. En mars, la vice-présidente Sara Duterte, qui est également secrétaire de l’Éducation, a publiquement qualifié l’ACT d’organisation terroriste communiste au motif de son soutien à une grève des travailleurs du secteur des transports. L’ACT demandait au gouvernement d’investir davantage dans la construction de 50 000 salles de classe supplémentaires et de recruter davantage d’enseignants. Des membres de la sécurité nationale, sous l’égide du Groupe de travail national pour mettre fin au conflit armé communiste local, ciblent les écoles où des enseignants sont syndiqués et affiliés à l’ACT et y interviennent. Ils organisent de prétendus forums pour la paix et l’ordre dans ces écoles pour identifier les enseignants syndiqués et les membres de l’ACT.

Dans les régions où les syndicats régionaux de l’ACT sont accrédités, le Département de l’éducation a recours à des procédés dilatoires pour empêcher la conclusion d’une convention collective. Dans la région 11, par exemple, le directeur régional du Département de l’éducation a clairement indiqué que les négociations d’une convention collective pourraient reprendre si le syndicat communique la liste complète de ses membres.

Dans la région 5, où des syndicats ont pu conclure une convention collective avec un retard de deux ans, les photos des membres du syndicat ont été affichées devant les écoles et ils ont été accusés à tort d’appartenir à la Nouvelle armée populaire. Dans la province de Camarines Sur, la police s’est même rendue dans des écoles et a fait pression sur les enseignants pour qu’ils retirent leur signature en faveur de la convention collective.

Aux Philippines, des enseignants ne peuvent pas choisir librement les syndicats auxquels ils souhaitent s’affilier pour défendre leurs intérêts professionnels. Qui plus est, ils sont contraints par des agents de la sécurité nationale de se désaffilier et de se retirer de la convention collective négociée par leur syndicat. Cette situation est inacceptable et doit cesser. Nous demandons instamment au gouvernement d’élaborer, avec les partenaires sociaux, une feuille de route conjointe pour donner suite au rapport de la mission tripartite de haut niveau, sous la supervision d’une commission présidentielle, avec la participation des syndicats.

Interprétation de l’arabe: Membre gouvernemental, Maroc – Tout d’abord, j’aimerais remercier le gouvernement pour les informations et les clarifications fournies. Nous saluons également les efforts visant à faire face aux défis et à répondre aux différentes observations de la commission d’experts, que nous tenons à saluer pour les efforts fournis visant à mettre en œuvre les normes internationales du travail et contrôler la mise en œuvre.

Nous saluons également la feuille de route tripartite visant à mettre en œuvre les conclusions de 2019 de la commission et parvenir à une pleine conformité avec la convention, par le biais de la mission tripartite de haut niveau.

Nous avons pris note des réponses apportées par le gouvernement concernant les différentes observations. Nous saluons également toutes les mesures qui ont été prises en tenant compte des recommandations de la commission, dont la feuille de route tripartite visant à promouvoir la liberté syndicale, les libertés civiles et la révision des principes directeurs concernant l’action syndicale.

Nous saluons également fortement le gouvernement pour la consultation avec les partenaires sociaux visant à promouvoir le dialogue social tripartite afin de trouver des solutions aux droits fondamentaux au travail d’une façon inclusive pour les travailleurs dans les zones économiques.

Enfin, nous aimerions recommander au gouvernement de poursuivre les efforts visant à trouver les bonnes solutions nationales pour la mise en œuvre des normes internationales du travail et mener à bien la vision nationale concernant la réforme globale dans les plus brefs délais pour inclure les observations de la commission d’experts.

Interprétation du chinois: Membre gouvernemental, Chine – La Chine remercie les Philippines pour les informations fournies. Nous avons lu attentivement le rapport de la commission d’experts ainsi que les informations actualisées communiquées par le gouvernement. Ce dernier travaille en étroite collaboration avec le BIT pour soumettre les informations dans les délais, promouvoir activement le dialogue tripartite et mener un dialogue constructif. La Chine apprécie cet effort. Nous notons que le gouvernement, qui œuvre à la promotion et à la protection de la liberté syndicale, tient compte des préoccupations des partenaires sociaux et s’efforce de trouver des solutions durables aux problèmes liés au travail. Le gouvernement prend des mesures efficaces pour mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau qui a eu lieu en janvier de cette année, établir des mécanismes de suivi nationaux et régionaux des conventions nos 87 et 98, publier des directives pour les organes de suivi tripartites et résoudre les problèmes par le biais de cadres législatifs. Nous estimons que la commission devrait apprécier ces éléments. Nous pensons que ce n’est que grâce à une collaboration et un dialogue approfondis que nous pourrons aider le gouvernement à améliorer ses capacités de mettre en œuvre la convention et à inspirer confiance. Nous encourageons le gouvernement à continuer à mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau et à se prévaloir de l’assistance technique du BIT, ainsi qu’à poursuivre le règlement des différends et des problèmes. Nous espérons que les parties prenantes pourront parvenir à un consensus et prendre des décisions constructives dans un esprit pragmatique et coopératif afin de protéger conjointement les droits des travailleurs.

Interprétation de l’arabe: Membre gouvernemental, Arabie saoudite – Ma délégation a pris note du rapport de la commission et nous saluons les efforts entrepris par les Philippines pour renforcer leur législation, la mettre en conformité avec les normes internationales du travail et garantir les droits des travailleurs. Nous apprécions également les mesures prises par le pays pour entamer un dialogue avec les partenaires sociaux. Il ne fait aucun doute que tout dialogue nécessite une approche constructive avec le pays concerné afin de renforcer ses capacités. C’est pourquoi nous réaffirmons l’importance de continuer de soutenir les efforts des Philippines dans le renforcement des dispositions relatives à la convention et à la protection des droits, et à poursuivre le dialogue.

Observateur, Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) – La Fédération syndicale internationale IndustriALL soutient la présente déclaration. Je voudrais souligner aujourd’hui les énormes difficultés que rencontrent les travailleurs philippins pour exercer leurs droits à l’organisation et à la négociation collective et, en particulier, la façon dont la contractualisation du travail porte atteinte au droit d’organisation et à la négociation collective.

La législation du travail philippine exige explicitement une relation employeur-employé pour que les travailleurs puissent constituer des syndicats. L’article 243 du Code du travail philippin limite son application aux personnes employées dans des entreprises commerciales, industrielles et agricoles, ainsi que dans des établissements religieux, caritatifs, médicaux ou éducatifs, qu’ils soient ou non à but lucratif.

En outre, il existe plusieurs causes institutionnelles aux violations systémiques de la liberté syndicale. Outre la répression syndicale, l’un des principaux obstacles à l’exercice de la liberté syndicale est la précarisation du travail. Elle empêche la grande majorité des travailleurs d’accéder à leurs droits constitutionnels d’organisation, de négociation collective et de grève. À ce problème vient s’ajouter le manque de données officielles sur le nombre de travailleurs contractuels dans le secteur privé dont les estimations vont de 6,7 millions à 20 millions.

La législation du travail philippine prévoit explicitement que tous les travailleurs ont le droit d’adhérer à un syndicat après avoir travaillé une journée. Toutefois, si vous êtes un ouvrier ou un employé contractuel, vous n’oserez pas exercer ce droit, craignant que votre contrat soit résilié ou ne soit pas renouvelé. C’est la raison pour laquelle des millions de personnes qui travaillent depuis plusieurs années dans la même entreprise ne sont toujours pas considérées comme des employés réguliers et ne peuvent donc pas se syndiquer. Cependant, le plus grand coupable est le gouvernement lui-même qui est le plus grand employeur de travailleurs non réguliers: en juin 2022, il y avait 642 000 travailleurs gouvernementaux non permanents sur un total de 2,5 millions de personnes.

En 2019, malgré l’adoption par les deux chambres du Congrès d’un projet de loi sur la sécurité de l’emploi abordant la question de la contractualisation, l’ancien Président Duterte a mis son veto. Ce problème de contractualisation doit cesser. Nous appelons le gouvernement philippin à s’attaquer sérieusement à la question de la contractualisation et de la précarisation du travail. Nous demandons instamment au Président Ferdinand Marcos Jr de considérer comme urgente l’adoption du projet de loi sur la sécurité de l’emploi, qui comblerait enfin les lacunes du Code du travail à l’origine de ces problèmes.

Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je m’exprime au nom de l’ISP et des neuf organisations affiliées à l’ISP aux Philippines. L’ISP se fait l’écho des très graves préoccupations soulevées par la mission tripartite de haut niveau, les mécanismes de contrôle de l’OIT et d’autres, concernant les exécutions extrajudiciaires de syndicalistes, ainsi que l’incapacité à traduire en justice les auteurs de ces actes ou à offrir d’autres voies de recours aux victimes et à leurs familles.

Le gouvernement continue de nier que la police et l’armée se livrent à l’étiquetage des travailleurs en tant que communistes, malgré les conclusions de la mission de haut niveau et de la Commission nationale des droits de l’homme. Cette dernière a constaté que cette pratique a été normalisée et se poursuit en toute impunité. L’expérience des organisations affiliées à l’ISP montre que ce climat constant d’intimidation et de peur empêche les travailleurs en général de jouir des droits garantis par la convention. Les travailleurs craignent d’adhérer à des syndicats et de devenir des délégués qui s’expriment en faveur d’autres syndicats. Les employeurs sont encouragés à s’en prendre aux syndicats et peuvent facilement dissuader les travailleurs d’adhérer à des organisations en insinuant qu’elles sont liées au communisme. C’est particulièrement évident dans les services publics, où les travailleurs risquent leur carrière s’ils sont étiquetés en tant que communistes. En outre, comme l’a déjà noté la commission, le gouvernement s’est engagé à maintes reprises à adopter et à modifier la législation du travail pour améliorer le respect des normes du travail. Pourtant, les projets de loi proposés n’ont pas été transposés dans la législation. C’est le cas, par exemple, du projet de loi sur les relations de travail dans le secteur public, qui concerne les droits au travail dans la prestation de services publics et qui en est à son deuxième examen après avoir été abandonné sous l’administration précédente. Ce projet de loi comble plusieurs lacunes de lois existantes concernant les travailleurs du secteur public, comme la formation d’une commission des relations de travail pour le secteur public, la liberté syndicale, la négociation collective, le règlement des conflits et le droit de grève. Sans ces amendements, de nombreux travailleurs philippins continuent d’être privés de leurs droits fondamentaux.

Par conséquent, nous demandons instamment au gouvernement de consulter les partenaires sociaux afin de réviser le décret-loi no 23 et d’y faire participer les représentants des travailleurs et des employeurs, d’établir un organe non judiciaire indépendant chargé de documenter les témoignages, d’examiner les cas et de proposer des mesures de compensation aux parties concernées, d’adopter une feuille de route assortie d’un calendrier en consultation avec les partenaires sociaux, de mettre pleinement en œuvre toutes les recommandations de la mission tripartite de haut niveau et de veiller à ce que le projet de loi sur les relations de travail dans le secteur public soit adopté sans plus tarder.

Représentant gouvernemental – Tout d’abord, je remercie tous les orateurs – gouvernementaux, employeurs ou travailleurs – pour leurs commentaires sur les informations à jour communiquées par les Philippines aujourd’hui ou soumises aux organes de contrôle de l’OIT au cours des mois précédents.

Je voudrais aborder cinq points en réponse aux différentes questions soulevées. Le premier porte sur le décret-loi no 23; le deuxième concerne la feuille de route; le troisième a trait à la distinction, ou disons au besoin de caractériser correctement une violation ou un acte criminel lié à l’exercice du droit à s’organiser; le quatrième concerne le renforcement des organes de suivi; et le cinquième concerne les mesures législatives qu’ont proposées plusieurs orateurs. Je pense que ces cinq éléments résument les différents commentaires de fond qui ont été formulés.

En ce qui concerne le décret-loi no 23, les principales préoccupations qu’ont formulées les travailleurs sont les suivantes: i) un manque de consultation avant la publication du décret; et ii) un manque de représentation sectorielle, en particulier des employeurs et des travailleurs, au sein du comité institué par le décret-loi.

Pour ce qui est de la première remarque, permettez-moi d’indiquer que, tout de suite après la venue de la mission tripartite de haut niveau, nous avons convoqué le Forum des dirigeants, comme l’ont mentionné précédemment les employeurs et les travailleurs des Philippines, pour discuter des manières possibles de progresser. L’une des propositions des travailleurs était un projet de directive présidentielle visant à mettre en œuvre la recommandation de la mission tripartite de haut niveau de constituer un organe unique mandaté par le Président. Nous notons que la recommandation ne prévoit pas la participation de représentants sectoriels. Cet organe serait composé de membres des autorités chargées des poursuites, des autorités de police et des autorités chargées des enquêtes, qui sont des fonctions qui relèvent purement du gouvernement. Nous serions très intéressés de savoir s’il existe quelque part dans le monde un modèle d’organe chargé des poursuites ou des enquêtes au sein duquel les partenaires sociaux sont représentés; nous pourrions alors nous en inspirer.

En ce qui concerne le manque de consultation, il n’est pas nécessaire que toutes les consultations aient lieu en présentiel. Le DOLE a tenu une réunion avec le Forum des dirigeants. Comme je l’ai déjà dit, nous avons pris contact juste après la venue de la mission tripartite de haut niveau pour recueillir des orientations sur la façon d’aller de l’avant. Et, comme cela a déjà été mentionné, les travailleurs, dois-je le reconnaître, ont présenté un projet de directive présidentielle visant à mettre en place une commission présidentielle. Il en a été tenu compte lors du processus d’élaboration du décret-loi no 23. En réalité, comparé au projet présenté par les travailleurs, le décret est nettement plus détaillé et prévoit des fonctions et des domaines d’action spécifiques que le projet initial des travailleurs ne contenait pas.

C’est l’un des éléments dont il faut tenir compte pour bien comprendre le contexte dans lequel le décret-loi a été publié. Nous sommes disposés à rechercher des moyens d’améliorer le comité institué par le décret-loi no 23. Et nous acceptons les conseils de la communauté internationale s’il existe en effet un comité de ce type dans le monde, mandaté pour mener des enquêtes et engager des poursuites et prévoyant une représentation des partenaires sociaux. En ce qui concerne le comité interinstitutions, une deuxième réunion est planifiée, et il est prévu d’inviter des représentants d’employeurs et de travailleurs à participer à un dialogue pour obtenir davantage de suggestions, notamment sur la façon d’améliorer les poursuites et de progresser dans la formulation d’une feuille de route tripartite assortie d’un calendrier.

En ce qui concerne la feuille de route tripartite que la Conférence et la commission ont recommandé aux Philippines de formuler, nous prenons note de la recommandation des employeurs et des travailleurs, ainsi que des gouvernements, concernant la formulation d’un plan conjoint de mise en œuvre, mais nous avons d’abord besoin de la feuille de route. Comme déjà mentionné, un groupe de travail technique composé de représentants tripartites est occupé à formuler la feuille de route en ce moment même. La difficulté à laquelle le groupe de travail tripartite est confronté consiste à identifier les engagements assortis de délais que chaque secteur pourrait inclure dans la feuille de route. L’autre difficulté concerne le champ d’application: si, d’une part, il serait bon que la feuille de route ait un champ d’application très large, de l’autre, il pourrait être tout aussi positif qu’il soit plus ciblé pour assurer un meilleur suivi et une mise en œuvre plus efficace à la feuille de route tripartite. Ce sont là des questions que le groupe de travail technique devra résoudre.

En ce qui concerne le Conseil tripartite national de la paix sociale, le projet de feuille de route devra lui être soumis pour approbation ou pour adoption. À cet égard, je voudrais demander à la commission de faire preuve de patience, notamment en accordant aux mandants tripartites plus de temps pour élaborer une feuille de route réellement précise et réalisable qui convienne à tout le monde. Soit dit en passant, ce sont les travailleurs qui ont demandé une prolongation du délai pour examiner les suggestions détaillées relatives à la feuille de route, ce qui nous semble être une demande tout à fait raisonnable. Néanmoins, nous sommes conscients de l’importance de disposer d’une feuille de route le plus rapidement possible. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de disposer d’un autre mécanisme pour suivre la mise en œuvre conjointe de cette feuille de route, puisque nous avons déjà le Conseil tripartite national de la paix sociale qui est spécifiquement mandaté pour le faire.

Le troisième point concerne la distinction entre les actes criminels, dont doivent être saisis les tribunaux ordinaires, et les actes criminels qui sont directement liés ou découlent de l’exercice du droit syndical et de la liberté syndicale. Ce point a été clairement abordé par plusieurs orateurs. Il convient d’affirmer qu’en aucune manière le gouvernement ne tolère un acte criminel. Les actes criminels ne méritent aucune indulgence et des actions doivent être aussitôt adoptées. Nous souhaitons, cependant, souligner qu’il convient d’établir une distinction nette entre les actes criminels qui sont directement liés ou découlent de l’exercice du droit syndical et de la liberté syndicale et ceux que nous appellerons des «crimes ordinaires». Le cas d’Alex Dolorosa mentionné précédemment en est un bon exemple: il a été dit dans les médias qu’il s’agissait d’un organisateur syndical, mais ce n’est qu’une facette de ce qu’il faisait lorsqu’il était en vie. L’enquête actuelle de la police semble indiquer que son meurtre n’est en rien lié à ses activités syndicales. Selon la police, un suspect a été identifié et des preuves ont été rassemblées quant au motif du meurtre, qui n’est pas lié au syndicalisme, mais plutôt à un vol. Bien que nous compatissions avec la famille d’Alex Dolorosa, nous souhaitons aussi indiquer que son cas ne devrait pas être cité à moins qu’il n’y ait des preuves claires et convaincantes que sa mort est liée à ses activités syndicales; il ne devrait pas être cité devant la commission ni ailleurs pour illustrer une impunité dont sont victimes des syndicalistes aux Philippines. Même s’il était effectivement un syndicaliste, d’après les éléments de l’enquête en cours, son assassinat ne serait pas lié à ses activités syndicales. Nous fournirons volontiers des informations à jour à ce sujet au fil de la procédure, mais nous insistons pour que, une fois encore, comme l’ont rappelé des orateurs, nous prenions garde de ne pas associer immédiatement les meurtres aux activités syndicales. L’élément important est ici le renforcement en cours des mécanismes tripartites régionaux, un processus qui offre aux Philippines et aux partenaires tripartites une bonne occasion de participer; le DOLE dispose actuellement d’un Programme d’organisation et de développement des travailleurs (WODP), dont le but est de soutenir le renforcement de ces mécanismes avec, bien sûr, l’assistance continue du BIT.

Enfin, en ce qui concerne les mesures législatives. Nous sommes conscients que des mesures législatives ont été présentées, retirées et représentées par le passé sans qu’aucun progrès ne soit accompli. Le DOLE et le pouvoir exécutif s’en remettent à la sagesse du Congrès pour l’adoption de mesures législatives, mais insisteront toujours sur l’obligation que toute législation contraignante soit conforme aux normes internationales du travail que les Philippines ont ratifiées. Nous savons que l’une des propositions actuellement examinées au Congrès a pour but de faciliter le développement des syndicats. Il s’agit d’un amendement qui permettra ou autorisera la constitution d’un syndicat sans tenir compte d’un nombre minimum de membres. C’est l’une des propositions actuellement à l’examen au Congrès. Vous pouvez évaluer cette proposition par vous-mêmes, il s’agit de pouvoir créer un syndicat sans aucune condition quant au nombre minimum de membres.

Ensuite, il existe également un projet de loi qui propose d’abolir toutes les formes d’emploi à court terme. Nous ne connaissons aucun pays au monde où il n’y ait pas d’emplois à court terme, même dans les économies les plus avancées. Par conséquent, nous devrions être réalistes quant à ce que nous pouvons attendre des projets de loi qui sont déposés. Par ailleurs, en ce qui concerne la limitation du droit syndical, nous avons déjà indiqué qu’il n’y a aucune limitation à la disposition du Code du travail selon laquelle tous les travailleurs, sans distinction aucune, qu’ils travaillent pour une organisation religieuse, caritative, à but non lucratif ou non, sont tous autorisés à se syndiquer. Il ne s’agit pas d’une disposition d’exclusion du Code du travail, mais bien d’une disposition d’inclusion. Il doit être bien clair qu’il n’existe aucune limitation.

En ce qui concerne le secteur public, les Philippines viennent de ratifier la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et nous savons qu’il y a eu de nombreuses suggestions ou propositions pour légiférer et mettre en œuvre, en droit et dans la pratique, les principes de cette convention. Nous disposons actuellement d’un décret-loi qui régit le droit des travailleurs du secteur public à adhérer à des associations. Nous reconnaissons que, en ce qui concerne les conditions économiques et d’emploi, il existe une limitation du droit de négocier, mais ici encore le cadre législatif doit être modifié pour étendre rapidement les droits syndicaux des syndicats du secteur public, et nous sommes disposés à participer aux débats du Congrès sur les mesures proposées.

Membres travailleurs – Je remercie le gouvernement pour les informations fournies, de même que toutes les personnes qui ont contribué à la discussion d’aujourd’hui. Ce qui reste clair, c’est qu’il continue d’y avoir aux Philippines des violations graves et systémiques du droit à la liberté syndicale. Nous devons attirer l’attention du gouvernement sur le fait que la mission tripartite de haut niveau est précisément tripartite et que, dans n’importe quel pays, une mission implique des consultations tripartites approfondies et prend en compte les recommandations des partenaires sociaux sur la meilleure façon de répondre aux préoccupations soulevées. Des violations extrêmement graves de la liberté syndicale ont été mises en relief aujourd’hui. Nous devons rappeler que les droits au travail sont des droits de l’homme, et que la commission a pour mandat d’examiner les cas d’actes criminels et de violences liés au travail. C’est à la justice de déterminer si ces actes y sont liés ou non. Le gouvernement est manifestement responsable, qu’il ait directement perpétré ces violations par l’intermédiaire des forces de sécurité de l’État, ou qu’il ait créé une situation d’impunité en ne prévenant pas la violence contre les syndicats, ou en n’enquêtant pas et en ne poursuivant pas les responsables ultimes lorsque des violences se produisent. De plus, nous devons aussi évoquer encore les graves conséquences qu’a la prolifération de formes d’emploi précaire qui sont utilisées sans limites alors que, à l’évidence, elles sont défavorables à l’exercice des droits protégés par la convention. À cela s’ajoutent, bien sûr, plusieurs aspects du Code du travail dont la commission d’experts, depuis des années, estime qu’ils doivent être modifiés pour être conformes à la convention. Toutefois, aucune mesure n’a été prise. C’est d’ailleurs cette inaction, après de nombreux examens de la situation, qui fait que nous sommes ici aujourd’hui. Comme je l’ai indiqué dans mes remarques liminaires, la mission tripartite de haut niveau a formulé six recommandations, notamment celle visant à prendre en compte toutes les recommandations précédentes des organes de contrôle, y compris les recommandations formulées par cette commission en 2019. Dans son rapport, la mission tripartite de haut niveau a recommandé aussi qu’un rapport conjoint de mise en œuvre des partenaires tripartites soit transmis à l’OIT avant la session de 2023 de la commission. Cela n’a pas été fait. Nous attendons du gouvernement qu’il se conforme à ces recommandations, en consultant pleinement les partenaires sociaux. Nous prenons note de la feuille de route proposée et prions instamment le gouvernement de la finaliser, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le soutien du BIT, afin qu’elle réponde pleinement aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau et qu’elle soit assortie de délais pour sa mise en œuvre. C’est la seule façon d’avancer.

Pour conclure, force nous est de souscrire à la conclusion de la mission tripartite de haut niveau selon laquelle, si des progrès ont été observés ces dernières années, ils restent largement insuffisants au regard des problèmes très graves qui ont été signalés aux organes de contrôle de l’OIT, ou qu’ils soulèvent depuis longtemps. Nous demandons instamment au gouvernement de ne plus perdre de temps et de finaliser et mettre pleinement en œuvre la feuille de route dans les domaines d’action prioritaires, conformément aux délais convenus, et d’accepter l’assistance technique du Bureau afin de mettre en œuvre les réformes juridiques et institutionnelles nécessaires pour donner pleinement effet à la feuille de route dans les délais impartis. C’est, à notre avis, le moyen le plus sûr d’éviter que le présent cas ne revienne devant la commission.

Membres employeurs – Je ne ferai que deux remarques. En ce qui concerne la recommandation de la mission de haut niveau relative à l’établissement d’un organe unique mandaté par le Président: ayant parlé aux membres de la mission, je peux dire qu’il n’y avait aucune attente, ni expresse ni implicite, que cet organe soit réservé au gouvernement. Il s’agissait simplement d’une demande, ou d’une recommandation, relative à un organe mandaté par la présidence et, à cette fin, je reprendrai les points de vue exprimés par beaucoup quant à la nécessité d’assurer une participation tripartite à ce processus, car c’est ce processus qui assurera effectivement la supervision de tous les autres aspects des progrès réalisés.

Ceci étant dit, j’en viens aux conclusions de base. Nous souhaitons, comme l’ont dit les membres travailleurs, que le gouvernement progresse rapidement sur toutes les recommandations de la mission tripartite, qu’il modifie le Code du travail pour le mettre en pleine conformité avec la convention, qu’il veille à ce que les travailleurs ne soient pas sanctionnés pour avoir exercé leurs droits légitimes de constituer des syndicats et de former des organisations, qu’il fournisse les informations demandées sur toute évolution des questions en suspens avant la prochaine session de la commission d’experts et, enfin, qu’il veille à ce que le comité interinstitutions soit effectivement tripartite par nature afin qu’un dialogue complet et ouvert puisse avoir lieu sur toutes ces questions.

Président – Je remercie le gouvernement pour sa participation aux travaux de la commission et pour le partage d’informations.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a noté l’ancienneté de ce cas et sa précédente discussion devant la commission, la dernière en 2019.

La commission a noté avec préoccupation les nombreuses allégations de meurtres dont auraient été victimes des syndicalistes et d’actes de violence antisyndicale, les allégations de violations graves et systématiques du droit à la liberté syndicale, ainsi que l’absence d’enquêtes sur ces allégations.

La commission a pris note des préoccupations soulevées par les partenaires sociaux concernant le défaut de soumission par le gouvernement d’un rapport conjoint de mise en œuvre, comme l’a recommandé la mission tripartite de haut niveau qui a eu lieu du 23 au 26 janvier 2023.

La commission a pris note de certaines mesures prises par le gouvernement afin de mettre en œuvre les recommandations de la mission tripartite de haut niveau, mais a regretté que de nombreuses recommandations restent sans effets.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de:

- faire immédiatement cesser tous les actes de violence et d’intimidation à l’encontre de syndicalistes pour l’exercice légitime de leurs droits au titre de la convention, ainsi que les violations de la liberté syndicale, conformément aux recommandations de la mission tripartite de haut niveau de l’OIT;

- mener immédiatement et efficacement des enquêtes sur les allégations d’actes de violence qui auraient visé des membres d’organisations de travailleurs afin d’établir les faits, d’identifier les coupables et de sanctionner les auteurs de ces faits;

- rendre opérationnels les organes de suivi, notamment en fournissant des ressources suffisantes, et donner régulièrement des informations sur ces mécanismes et sur les progrès des cas dont ils sont saisis; et

- garantir que tous les travailleurs sans distinction puissent constituer des organisations de leur choix et s’y affilier, conformément à l’article 2 de la convention.

La commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures décisives et efficaces pour promouvoir un climat de non-violence, ainsi qu’un dialogue social et des relations de travail constructifs à tous les niveaux dans le pays.

La commission prie le gouvernement de finaliser, avec l’assistance technique du BIT et en consultation avec les partenaires sociaux, la feuille de route visant à répondre efficacement à toutes les questions en suspens, et de transmettre à la commission d’experts un rapport sur les progrès réalisés d’ici au 1er septembre 2023.

Représentant gouvernemental – Le gouvernement apprécie l’occasion qui lui est offerte de faire une déclaration sur les conclusions proposées par la commission sur l’application et la mise en œuvre de la convention par les Philippines.

Le gouvernement attire l’attention sur l’affirmation figurant dans les conclusions selon laquelle le gouvernement a pris certaines mesures pour mettre en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport de la mission tripartite de haut niveau, mais que, malheureusement, de nombreuses recommandations restent sans effets.

Je souhaite replacer dans leur contexte les mesures prises par le gouvernement: la mission tripartite de haut niveau s’est rendue aux Philippines du 23 au 26 janvier 2023. Son rapport final et ses recommandations ont été mis à la disposition du gouvernement le 30 mars 2023. Dans ce court laps de temps, le gouvernement a pu mettre en place un comité interinstitutions, composé des principaux services du gouvernement qui participent directement aux enquêtes, aux poursuites et à la résolution des cas qui ont été signalés à la commission dans le but de promouvoir et protéger les principes de la convention. Comme l’a indiqué le gouvernement dans sa déclaration liminaire, le comité créé en vertu du décret-loi no 23 est un dispositif nécessaire propice à la résolution des cas en question.

Le gouvernement exprime sa profonde inquiétude quant au fait que la formulation des conclusions proposées tend à dévaloriser, plutôt qu’à encourager, le comité interinstitutions à faire son travail. Néanmoins, le gouvernement, par l’intermédiaire du comité interinstitutions et du Conseil tripartite national de la paix sociale, donne l’assurance à la commission qu’il reste déterminé à apporter une solution juste à toutes les questions pertinentes qui ont été soulevées. Les conclusions proposées prennent également acte des préoccupations exprimées par les partenaires sociaux concernant le fait que le gouvernement n’a pas présenté de rapport conjoint de mise en œuvre avec eux, comme l’avait recommandé la mission tripartite de haut niveau. Il est faux de dire qu’il s’agit d’un échec du gouvernement; cette affirmation ne repose sur aucun élément factuel. Le gouvernement a déjà fait part de son engagement à élaborer une feuille de route tripartite pour résoudre les problèmes soulevés. Elle contiendra nécessairement une stratégie conjointe de mise en œuvre d’un plan d’action conforme aux recommandations de la mission. Le groupe de travail tripartite, convenu par les partenaires tripartites eux-mêmes, met la dernière main à la feuille de route. Conscients des difficultés inhérentes à l’élaboration des détails de la feuille de route, les partenaires sociaux philippins, dont certains siègent au sein de la commission, ont eux-mêmes demandé plus de temps pour apporter leur contribution. Le gouvernement estime que cette demande est raisonnable. Accorder plus de temps pour parvenir à un consensus tripartite sur des questions aussi essentielles ne peut en aucun cas être qualifié d’échec. En ce qui concerne des cas spécifiques, en particulier les allégations de meurtre, de violence, etc., le gouvernement réaffirme qu’il ne tolère aucun meurtre ni aucune violence commis à l’encontre d’un individu. Nous réitérons la nécessité d’assurer une caractérisation appropriée de ces cas, et seuls les cas qui découlent des activités syndicales ou qui y sont directement liés doivent être soumis à l’examen de la commission.

Le gouvernement assure qu’il reste déterminé à promouvoir le respect des normes internationales du travail et qu’il continuera à travailler avec le BIT à cet égard.

Enfin, au nom du gouvernement et des partenaires sociaux des Philippines, ainsi qu’en mon nom propre, je saisis cette occasion pour vous remercier de la discipline, de la direction et de la sagesse politique dont vous avez fait preuve pour assurer la conclusion complète de ces travaux. Au moment de conclure cette séance, permettez-moi de souhaiter à tous les délégués de continuer de montrer la voie dans la poursuite individuelle et collective de la réalisation de la justice sociale. Je vous souhaite à tous un bon voyage de retour.

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