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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

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La commission prend note des commentaires sur l’application de la convention présentés par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), la Confédération générale des travailleurs (CGT) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) en date du 13 juin 2008; par la CGT, dans une communication du 19 août 2008; par la CTC, dans une communication du 22 août 2008; par la CUT, dans des communications des 28 janvier, 13 juin et 27 août; par la CUT et la CTC, conjointement, dans une communication du 31 août. Ces communications portent sur les questions que la commission examine, et en particulier les actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, actes qui comprennent: des assassinats, des enlèvements, des atteintes à la vie et des disparitions; la grave impunité qui entoure ces faits; l’utilisation des coopératives de travail associé, ou d’autres formes contractuelles, qui empêchent les travailleurs de constituer des syndicats ou de s’y affilier; le refus des autorités d’enregistrer de nouvelles organisations syndicales, ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale de manière arbitraire, ainsi que l’interdiction de l’exercice du droit de grève dans certains services qui ne sont pas des services essentiels. Par ailleurs, la commission prend note des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 29 août 2008, lesquels sont en cours de traduction. La commission prend note de la réponse du gouvernement au sujet de la communication de la CUT du 28 janvier 2008. Elle demande au gouvernement d’adresser ses commentaires sur l’ensemble des commentaires adressés par les organisations syndicales.

La commission prend note des débats qui ont eu lieu à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2008. Elle prend note aussi des rapports du Comité de la liberté syndicale sur les différents cas en instance qui ont trait à la Colombie; ces rapports ont été adoptés aux sessions de mars, juin et novembre 2008 du Comité de la liberté syndicale.

Droits syndicaux et libertés civiles et politiques

La commission note que les commentaires de la CUT, de la CGT et de la CTC font état de l’augmentation du taux d’assassinats de dirigeants et de membres d’organisations syndicales en 2008, nombre qui s’élève à 10 dirigeants syndicaux et à 30 syndicalistes. Ces commentaires font état aussi d’un nombre accru de menaces de mort. Les centrales syndicales reconnaissent les efforts réalisés par le gouvernement pour garantir la sécurité des dirigeants et des membres de syndicats, mais estiment qu’ils ne sont pas suffisants. Les organisations syndicales soulignent de nouveau que le fait que le mouvement syndical est stigmatisé et considéré comme sympathisant des guérillas ou des mouvements d’extrême-gauche le rend gravement vulnérable.

A ce sujet, la commission note que, selon le gouvernement, en 2007, dans le cadre de son programme de protection de personnes menacées, il a pris des mesures représentant un montant de 13 millions de dollars sur un total de 40 millions. Ces mesures visaient à protéger les membres du mouvement syndical, lequel représente 20 pour cent des bénéficiaires. Pour 2008, le budget d’investissement est estimé à 45 millions de dollars et, en juin 2008, 1 466 syndicalistes en avaient bénéficié, soit 18 pour cent des bénéficiaires.

Le gouvernement ajoute ce qui suit: 1) les centrales syndicales ont été informées du fait que les commandants départementaux de la police sont tenus de présenter chaque mois des rapports au Département administratif de la sécurité, aux services du Procureur général de la Nation et aux dirigeants syndicaux sur la situation des risques et sur la protection des syndicalistes dans leurs juridictions; et 2) un mécanisme de «réseau virtuel» sera créé pour faire face en temps réel aux alertes de risques; il fonctionnera comme le mécanisme en place pour les maires et les conseillers municipaux.

A ce sujet, tout en se félicitant des mesures prises par le gouvernement et, en particulier, de l’augmentation des ressources destinées à la protection des dirigeants syndicaux et de leurs affiliés, la commission note avec une profonde préoccupation que le nombre d’assassinats de dirigeants syndicaux et de membres de syndicats s’est accru. La commission insiste fermement sur la nécessité d’éliminer la violence afin que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer librement leurs activités. La commission prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à la vie et à la sécurité des dirigeants syndicaux et des affiliés, afin de permettre l’exercice des droits garantis par la convention.

En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, la CUT, la CGT et la CTC reconnaissent les efforts déployés par les services du Procureur général de la Nation en vue de faire avancer les enquêtes relatives aux cas de violations graves des droits fondamentaux des syndicalistes mais elles insistent sur le fait que le pourcentage des cas dans lesquels les enquêtes ont abouti à une action en justice ou à une condamnation des responsables est infime. Les organisations syndicales soulignent aussi que l’on manque d’information sur l’état d’avancement des procès en ce qui concerne un grand nombre de plaintes ayant trait à des actes de violence à l’encontre de syndicats, et que les enquêtes ne sont pas menées systématiquement. Par ailleurs, les organisations syndicales déplorent que les juges de «décongestion» ne soient pas permanents.

La commission note que, à cet égard, le gouvernement indique que le budget général de la Nation de 2008 a autorisé le ministère public à accroître ses effectifs de 2 166 fonctionnaires, ce qui permettra à la sous-unité spéciale chargée des cas des syndicalistes de compter 19 magistrats (contre 13 auparavant). Le gouvernement ajoute qu’il continuera d’offrir des récompenses d’un montant allant jusqu’à 250 000 dollars des Etats-Unis pour les informations permettant d’arrêter les auteurs de crimes contre des syndicalistes. Par ailleurs, le gouvernement indique que la loi no 599 de 2000 dispose que l’assassinat de dirigeants syndicaux est un homicide aggravé, mais non celui de membres du mouvement syndical. Par conséquent, le gouvernement a présenté en juin 2008 à la législature le projet de loi no 308 qui vise à faire passer de 17 à 30 ans les peines d’emprisonnement pour homicide de membres de syndicats, et à infliger des amendes dont le montant peut atteindre 300 salaires minimums aux employeurs qui entravent la liberté syndicale. De plus, à la demande du gouvernement national, le Conseil supérieur de la magistrature, en vertu de l’accord du 25 juin 2008, a donné un caractère permanent aux trois juridictions de décongestion créées en juillet 2007. Ces instances ont eu pour tâche exclusive de se prononcer sur les cas de violation des droits des syndicalistes – en 2007, 44 sentences ont été prononcées et, en juillet 2008, on en comptait 24.

La commission prend note aussi de l’indication du gouvernement selon laquelle, au sein de la Commission interinstitutionnelle des droits fondamentaux des travailleurs, qui s’est réunie le 29 juillet 2008 et à laquelle ont participé des représentants des travailleurs, des employeurs, le gouvernement et le représentant du BIT en Colombie, un rapport mensuel a été présenté sur la protection des dirigeants syndicaux et des affiliés, et sur les cas d’impunité. Selon les services du Procureur général, sur un total de 117 jugements ayant abouti à une condamnation, il a été établi dans 21 jugements que le motif des actes de violence était l’activité syndicale de la victime. En vertu de ces 117 jugements, 192 personnes ont été condamnées et 128 privées de leur liberté. Sur ces 117 jugements, 115 ont été prononcés pendant le mandat du gouvernement actuel; 68 autres jugements ont été prononcés ces treize derniers mois grâce à la mise en place des tribunaux de décongestion. Sur les 192 condamnations, la responsabilité de l’autorité publique a été établie dans 15 cas, celle des Autodéfenses unies de Colombie dans 93 cas, celle de la guérilla dans 24 cas, celle d’un groupe hors-la-loi dans un cas et celle d’un syndicaliste dans un autre cas. Dans 56 cas, les faits étaient dus à des délits de droit commun et, dans deux, aux Aigles noirs, à savoir une bande récemment formée.

La commission note que, dans ses conclusions de 2008, la Commission de l’application des normes a pris note des efforts déployés par les services du Procureur général de la Nation pour progresser dans les enquêtes sur les graves violations des droits de l’homme perpétrées contre des syndicalistes, et de la désignation de trois juges chargés spécifiquement d’examiner les cas de violence contre les syndicalistes (juges «de décongestion»). Néanmoins, la Commission de l’application des normes s’est dite préoccupée par l’accroissement des actes de violence commis contre des syndicalistes pendant le premier semestre de 2008, et a demandé instamment au gouvernement de prendre de nouvelles mesures pour renforcer les mesures de protection en place, et améliorer et accélérer les enquêtes sur les assassinats de syndicalistes.

La commission prend note des mesures prises par le gouvernement et des efforts qu’il déploie, efforts que les organisations syndicales reconnaissent, pour enquêter sur les violations des droits fondamentaux des syndicalistes. Toutefois, elle déplore que le nombre de condamnations prononcées continue de baisser et qu’un grand nombre d’enquêtes en est seulement au stade préliminaire. Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement de continuer de faire tout ce qui est en son pouvoir pour diligenter et faciliter toutes les enquêtes relatives aux actes de violence commis contre le mouvement syndical. Elle exprime le ferme espoir que les mesures récemment prises, à savoir la nomination de nouveaux magistrats et juges, permettront de faire reculer l’impunité, de faire la lumière sur les actes de violence commis contre les dirigeants syndicaux et les affiliés, et d’arrêter les responsables de ces actes. La commission relève la tâche effectuée par les juges de décongestion et exprime l’espoir qu’ils continueront d’exercer leurs fonctions.

Par ailleurs, la commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’application de la loi no 975 sur la justice et la paix, en particulier en ce qui concerne les cas relatifs aux dirigeants syndicaux et aux syndicalistes. La commission note que, selon les organisations syndicales, les paramilitaires qui se sont soumis au régime de la loi ont fourni très peu d’informations sur l’assassinat de syndicalistes et de dirigeants syndicaux. La commission prie de nouveau le gouvernement de communiquer les informations demandées.

Questions pratiques et législatives en suspens

La commission rappelle qu’elle formule des commentaires, certains depuis plusieurs années, sur les questions suivantes.

Article 2 de la convention. Droit des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations et de s’y affilier. La commission s’était référée à l’utilisation de diverses modalités contractuelles de travail telles que les coopératives de travail associé, les contrats de prestation de services et les contrats civils ou commerciaux, qui impliquent de véritables relations de travail et qui servent à effectuer des fonctions et des tâches s’inscrivant dans le cadre des activités normales de l’entité; en vertu de ces modalités de travail, les travailleurs ne sont pas autorisés à constituer des syndicats ou à y adhérer. A ce sujet, la commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de l’article 2 de la convention, afin que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, puissent bénéficier du droit de constituer des organisations ou de celui de s’y affilier. La commission prend note de l’information du gouvernement relative à la réglementation applicable aux entreprises de services temporaires et aux coopératives. En particulier, la commission note que le gouvernement fait état de l’approbation par le Congrès de la République, le 22 juillet 2008, de la loi no 1233 relative aux coopératives de travail associé, après des consultations approfondies des syndicats des coopératives de travail associé, des centrales ouvrières, des syndicats de la production et du monde universitaire. Cette loi réglemente les activités des coopératives de travail associé et du sous-traitant, et les compétences en matière de sanctions de la surintendance de l’économie solidaire et du ministère de la Protection sociale. Selon le gouvernement, les points essentiels de la loi sont, entre autres, les suivants: 1) la loi dispose que le salaire minimum est la base de la rémunération ordinaire et que les cotisations à la sécurité sociale, à la couverture des risques professionnels, à la pension et aux caisses d’indemnisation sont obligatoires; 2) les intermédiaires du travail sont interdits et, lorsque le cas se produit, la responsabilité patronale s’applique à la coopérative et au sous-traitant; 3) la loi établit un code d’autogouvernement pour les syndicats des coopératives et pour que les syndicats des coopératives s’engagent vis-à-vis des principes de l’OIT et de l’Association internationale des coopératives. La commission note qu’il ressort de la lecture de la loi que: 1) l’article 3 fixe la rémunération mensuelle ordinaire en fonction des tâches effectuées, du rendement et de la quantité de travail réalisé par le «travailleur associé»; 2) l’article 9 porte sur les travailleurs qui fournissent des services dans les coopératives ou précoopératives de travail associé; 3) en vertu de l’article 12, l’objet social des coopératives et précoopératives est de créer en autogestion des emplois et de les conserver pour les associés, dans des conditions d’autonomie, d’autodétermination et d’autogouvernement; 4) le second paragraphe de l’article 12 établit que les coopératives de travail associé dont l’activité est la prestation de services aux secteurs de la santé, des transports, de la surveillance, de la sécurité privée et de l’éducation doivent se spécialiser dans leurs branches d’activité respectives; et 5) les corporations des coopératives auxquelles la loi se réfère ne sont pas des entités syndicales. Notant que la loi mentionne les «travailleurs» des coopératives, la commission rappelle qu’en vertu de l’article 2 de la convention tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’y affilier. La commission rappelle aussi que le critère pour déterminer quelles personnes sont couvertes par ce droit ne se fonde par sur l’existence d’un lien de travail avec un employeur et que la notion de travailleur comprend non seulement les travailleurs dépendants mais aussi les travailleurs indépendants ou autonomes. En ce sens, la commission estime que les travailleurs associés en coopératives devraient pouvoir constituer les organisations syndicales de leur choix et s’y affilier. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir expressément que tous les travailleurs sans distinction, y compris les travailleurs des coopératives et les travailleurs relevant d’autres modalités contractuelles, indépendamment de l’existence ou non d’un lien de travail, bénéficient des garanties prévues dans la convention.

Droit de constituer des organisations sans autorisation préalable. Dans ses commentaires précédents, la commission avait fait mention du refus, arbitraire et discrétionnaire, des autorités d’enregistrer de nouvelles organisations syndicales, ou les nouveaux statuts ou le comité directeur d’une organisation syndicale, pour des motifs qui vont au-delà de ceux prévus expressément dans la législation. La commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la disposition du décret no 1651 de 2007 qui établissait que l’un des motifs pouvant entrainer le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale était le cas dans lequel l’organisation syndicale n’a pas été formée dans le but de garantir le droit fondamental d’association mais dans celui d’assurer la stabilité de l’emploi. La commission avait aussi demandé au gouvernement de procéder sans retard injustifié à l’enregistrement de nouvelles organisations ou de comités exécutifs ainsi qu’à celui de modifications des statuts. La commission note que le gouvernement indique que, en vertu du Code du travail, les motifs de refus de l’enregistrement syndical sont stricts et que la décision du ministère de la Protection sociale de ne pas inscrire un syndicat lorsqu’il ne satisfait pas aux conditions juridiques requises n’est pas discrétionnaire. De plus, cette décision, dans le cas où elle est prise, doit figurer dans un document administratif, motivé et argumenté, qui permettra d’intenter les recours administratifs et judiciaires. La commission note néanmoins que, en vertu de la résolution no 626 de février 2008, la résolution susmentionnée no 1651 a été abrogée mais que l’article 2 établit, entre autres causes pour lesquelles le fonctionnaire compétent peut refuser l’inscription au registre syndical, que l’organisation syndicale a été constituée à des fins différentes de celles qui découlent du droit fondamental d’association. A ce sujet, la commission rappelle de nouveau que l’article 2 de la convention garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable des autorités publiques, et que les réglementations nationales concernant la constitution des organisations ne sont donc pas en elles-mêmes incompatibles avec les dispositions de la convention, à condition cependant qu’elles n’équivalent pas à une autorisation préalable, ou qu’elles constituent un obstacle tel qu’elles aboutissent en fait à une interdiction pure et simple (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 68 et 69). La commission estime que l’autorité administrative ne devrait pas pouvoir refuser l’inscription au registre d’une organisation au seul motif qu’elle estime que cette organisation pourrait déployer des activités qui, tout en étant conformes à la loi, pourraient dépasser le cadre des activités syndicales normales. Dans ces conditions, la commission demande de nouveau au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger la disposition de la résolution no 626 de février 2008 qui établit que l’un des motifs de refus de l’inscription au registre d’une organisation syndicale est le fait que l’organisation syndicale a été constituée à des fins différentes de celles qui découlent du droit fondamental d’association. La commission prie aussi le gouvernement de procéder sans délai injustifié à l’enregistrement de nouvelles organisations ou de comités exécutifs, ainsi qu’à celui de modifications des statuts.

Article 3. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action. La commission s’était aussi référée à l’interdiction de la grève non seulement dans les services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans toute une série de services publics qui ne sont pas nécessairement essentiels (art. 430 b), d), f), g) et h); art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail, loi fiscale no 633/00 et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967), et à la possibilité de licencier les travailleurs qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque l’illégalité résulte de prescriptions contraires aux principes de la liberté syndicale. La commission avait demandé au gouvernement de modifier ces dispositions, dans le cadre d’un projet de loi que le Congrès examinait et qui prévoyait certaines modifications au Code du travail. La commission avait aussi invité le gouvernement à solliciter l’assistance technique du Bureau. A ce sujet, la commission note que le gouvernement indique ce qui suit: 1) lorsqu’il examine les intérêts faisant l’objet d’un différend, afin de définir les services publics essentiels, le législateur doit partir de bases sérieuses, objectives et raisonnables, afin que la réglementation correspondante concilie le respect des droits fondamentaux des usagers et le droit de grève des travailleurs; 2) la Constitution reconnaît le droit de grève mais celui-ci n’est pas absolu; 3) en vertu de la loi no 1210 du 14 juillet 2008, la Commission tripartite permanente de concertation sur les politiques salariales et du travail doit présenter un rapport dans un délai de six mois sur les projets qu’elle a présentés et qui ont trait aux articles 55 (négociation collective) et 56 (grève et services essentiels) de la Constitution. La commission demande au gouvernement d’indiquer tout progrès réalisé en vue de modifier la législation en ce qui concerne la gamme très ample de services dans lesquels, parce qu’ils sont considérés comme essentiels, la grève est interdite, et l’article 450, paragraphe 2, en vertu duquel peuvent être licenciés les travailleurs qui ont participé à une grève dans ces services.

Déclaration d’illégalité de la grève. La commission avait pris note de l’élaboration d’un projet de loi en vertu duquel l’organe compétent pour déclarer l’illégalité de la grève ne serait plus le ministère de la Protection sociale mais l’autorité judiciaire. La commission note avec satisfaction que la loi no 1210 modifie l’article 451 du Code du travail et que, dorénavant, la légalité ou non d’une suspension ou d’un arrêt collectif du travail sera déclarée par l’autorité judiciaire en vertu d’une procédure préférentielle.

Arbitrage obligatoire. La commission s’était référée à la faculté du ministère du Travail de soumettre le différend à un arbitrage obligatoire lorsque la grève dépasse une certaine durée – 60 jours – (art. 448, paragr. 4 du Code du travail). La commission avait pris note d’un projet de loi qui modifiait cet article et qui établissait que, s’il est impossible de parvenir à une solution définitive, une des parties ou les deux peuvent demander au ministère de la Protection sociale de saisir un tribunal d’arbitrage. La commission note que la loi no 1210 modifie l’article 448, paragraphe 4, du Code du travail et établit ce qui suit: 1) l’employeur et les travailleurs peuvent, dans un délai de trois jours, convenir d’un mécanisme d’accord, de conciliation ou d’arbitrage; 2) si les parties ne parviennent pas à un accord, la Commission de concertation des politiques salariales et du travail, d’office ou à la demande d’une partie, intervient et exerce ses bons offices pendant cinq jours au plus; 3) si une solution définitive n’a pas été trouvée au terme de ce délai, les deux parties demandent au ministère de la Protection sociale de saisir un tribunal d’arbitrage; et 4) les travailleurs sont tenus de reprendre le travail dans un délai de trois jours. A ce sujet, la commission estime que, sauf dans les services essentiels au sens strict du terme, ou en ce qui concerne les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, saisir le tribunal d’arbitrage ne devrait être possible que si les deux parties le décident d’un commun accord et volontairement. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier dans ce sens l’article 448, paragraphe 4, du Code du travail.

Article 6. Restrictions imposées aux activités des fédérations et confédérations. La commission s’était référée à l’interdiction imposée aux fédérations et confédérations de déclarer une grève (art. 417, alinéa i), du Code du travail). La commission avait rappelé que les organisations de niveau supérieur doivent pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. La commission avait demandé au gouvernement de modifier cette disposition. La commission note que, selon le gouvernement, les fédérations et confédérations ne peuvent pas être assimilées aux organisations du premier degré étant donné que ceux qui ont un intérêt juridique dans la négociation collective sont les travailleurs affiliés à des organisations syndicales en place dans l’entreprise, l’industrie ou une branche d’activité économique, et les employeurs auxquels un cahier de revendications a été soumis. Le gouvernement précise que si les fédérations et les confédérations n’ont pas d’intérêt juridique dans la négociation collective, alors elles ont encore bien moins d’intérêt dans la grève. A cet égard, la commission rappelle qu’en vertu de l’article 6 de la convention les garanties reconnues aux organisations de base s’étendent également aux organisations de niveau supérieur. En effet, pour mieux défendre les intérêts de leurs mandants, les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent avoir le droit de constituer des fédérations et des confédérations de leur choix, qui devraient elles-mêmes jouir des divers droits reconnus aux organisations de base, notamment en ce qui concerne la liberté de fonctionnement, d’activités et de programmes d’action (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 195 et 198). La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 417, alinéa i), du Code du travail afin de ne pas interdire le droit de grève aux fédérations et confédérations.

Notant qu’elle formule des commentaires à ce sujet depuis de nombreuses années, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra sans délai les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives en question afin de les rendre conformes à la convention. La commission demande au gouvernement d’indiquer toute mesure prise à cet égard.

La commission adresse au gouvernement une demande directe sur un autre point.

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