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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Jersey

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La commission prend note de la loi de 2007 sur les relations professionnelles, qui est entrée en vigueur le 21 janvier 2008, ainsi que des recueils de directives pratiques qui l’accompagnent et qui, quand ils seront adoptés, seront «admissibles en preuve et pourront être pris en considération afin de déterminer toute question soulevée dans le cadre d’une procédure engagée devant le Tribunal du travail de Jersey ou une cour» (introduction aux projets de recueils de directives pratiques). La commission prend note également des commentaires formulés sur cette question par le syndicat Unite, dans une communication du 20 novembre 2007. Enfin, la commission rappelle les conclusions et recommandations que le Comité de la liberté syndicale a tirées au sujet de la loi sur les relations professionnelles et des recueils de directives pratiques s’y rapportant, dans le cas no 2473 (voir 349e rapport, paragr. 261-278).

Article 3 de la convention. Droits des organisations d’organiser leur activité et de formuler leurs programmes d’action.  La commission note que la loi sur les relations professionnelles ne confère aucun droit positif à la grève, mais plutôt, dans son article 19, une immunité spécifique à un acte (rupture de contrat) qui serait délictuel, à moins qu’il soit accompli par un syndicat enregistré en prévision d’un conflit du travail ou dans le cadre de celui-ci. Cependant, lorsqu’un travailleur participe à une grève autorisée par la loi, la loi sur les relations professionnelles ne prévoit pas le droit à ce travailleur de retourner au travail après la grève, mais plutôt, conformément à l’article 77 de cette loi, d’obtenir une compensation en cas de licenciement injuste. La commission observe donc qu’en vertu de la loi sur les relations professionnelles le droit de grève n’est pas effectivement garanti étant donné qu’il se peut que le travailleur ne soit pas autorisé à retourner au travail après avoir exercé légalement ce droit à la grève.

En outre, la commission note avec intérêt que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi sur l’emploi (amendement no 4) (Jersey), adopté le 22 octobre 2008 et actuellement soumis à l’approbation devant le Conseil privé, modifiera la loi sur les relations professionnelles de sorte que, en vertu des articles 77G et 77C, un tribunal peut délivrer une ordonnance de réinsertion ou de réembauche (c’est-à-dire la remise au travail dans des conditions qui, dans la mesure du possible, sont aussi favorables que celles auxquelles le salarié aurait droit dans le cadre d’une réinsertion, sauf si celui-ci est en partie responsable de son licenciement). La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les progrès dans l’adoption de cette loi.

La commission note que, en vertu de l’article 19 de la loi sur les relations professionnelles, l’immunité d’une grève ne sera assurée que si elle est organisée dans le cadre d’un conflit du travail; conformément à l’article 20(3) de la loi sur les relations professionnelles, cette immunité disparaît si la conduite d’un syndicat n’est pas conforme à la définition d’une «conduite raisonnable» dans le cas où un conflit est prévu ou a lieu. La définition d’une «conduite raisonnable» se trouve dans le code 2 selon lequel un syndicat appelant les salariés à prendre part à une action de solidarité aurait une conduite non raisonnable. La commission rappelle qu’une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d’être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir exercer de telles actions pour autant que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 168). La commission note également que le droit de grève ne devrait pas être limité aux seuls conflits du travail qui ont bien des chances d’être résolus par la signature d’une convention collective, et que les organisations des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les membres et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie. En conséquence, la commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour garantir que l’action de solidarité et l’action de protestation socioéconomique soient protégées par la loi.

La commission note, en outre, que le code 2 ne prévoit aucune immunité contre des actes de piquet de grève ou lorsque des salariés sont appelés à organiser un piquet de grève sur un lieu de travail autre que le leur, ou en cas d’interférence (par exemple, suite au bruit ou aux rassemblements de foule) avec les droits des propriétés voisines (nuisance privée), ou de violation d’une propriété privée. De l’avis de la commission, le piquet de grève en soutien à une action de solidarité devrait être possible et les restrictions aux piquets de grève devraient être limitées aux cas où les actions perdent leur caractère pacifique (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 174). En conséquence, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour garantir que les piquets de grève en soutien d’une action de solidarité sont possibles et que leurs limitations ne s’appliquent qu’aux cas où les actions perdent leur caractère pacifique.

La commission note que, selon l’article 1(1) de la loi sur les relations professionnelles, un conflit du travail peut être soit individuel, soit collectif; un conflit du travail collectif est défini à l’article 5 de la loi sur les relations professionnelles comme un conflit qui a lieu lorsqu’il existe déjà une convention collective. Selon le Syndicat Unite, cette disposition autorise l’employeur à refuser l’immunité du syndicat en cas d’action collective en mettant tout simplement un terme à la convention collective; en outre, en cas de conflit en matière de reconnaissance pour lequel il n’existe aucune convention collective, les conditions autorisant l’organisation de grève ne sont remplies, en vertu de l’article 5 de la loi sur les relations professionnelles, que lorsque l’employeur occupe plus de 21 salariés; en conséquence, selon les commentaires formulés par le syndicat Unite, l’immunité d’une action collective visant à donner suite à une demande de reconnaissance dans des petites entreprises n’est pas assurée contre une action en responsabilité civile. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires sur les observations formulées par le syndicat Unite et d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour garantir que les conditions visant à protéger une action collective ne sont pas telles qu’elles rendent cette action virtuellement impossible, en particulier en cas de conflits de reconnaissance dans les petites entreprises.

La commission observe que les articles 22 et 24 de la loi sur les relations professionnelles prévoient que, en l’absence d’un accord des parties sur les termes d’une sentence ayant force obligatoire, le Tribunal du travail de Jersey peut prononcer une déclaration qui est de facto et de jure intégrée dans des contrats de travail individuels et qui équivaut en conséquence à un arbitrage obligatoire. Le code 3 contient des dispositions similaires. La commission rappelle que l’arbitrage obligatoire limite considérablement les moyens dont disposent les syndicats pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres, ainsi que leur droit d’organiser leur activité et leur programme d’action, et n’est pas compatible avec l’article 3 de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 153). La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour faire en sorte que l’arbitrage obligatoire ne soit possible que dans le cas de services essentiels au sens strict du terme, de fonctionnaires exerçant l’autorité au nom de l’Etat ou lorsque les deux parties en conviennent.

La commission note que le code 2 prévoit qu’une communauté d’une petite île telle que Jersey peut avoir des services considérés comme essentiels pour la société qui soient différents de ceux du Royaume-Uni. Par exemple, l’arrêt des services de liaison de transport entraînerait des difficultés et des problèmes plus importants, préjudiciables pour la population. La commission rappelle que les transports constituent un service essentiel au sens strict du terme et que les grèves peuvent donc y être interdites. Toutefois, afin d’éviter des dommages irréversibles ou exagérément disproportionnés par rapport aux intérêts professionnels des parties au différend, les autorités pourraient établir un régime de service minimum dans les autres services d’utilité publique plutôt que d’interdire purement et simplement la grève (étude d’ensemble, op. cit., paragr. 160). La commission prie donc le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier le code 2 de façon à garantir que les transports ne soient pas inclus dans les services essentiels, en tenant compte de la possibilité d’introduire un service minimum négocié.

La commission note que l’article 3 de la loi sur les relations professionnelles et le code 2 contiennent une prescription de préavis avant d’entreprendre une action collective; celui-ci devrait contenir des informations destinées à aider l’employeur à faire ses plans de façon à l’aider à prévenir ses clients de l’éventualité d’une interruption de fournitures, afin qu’ils puissent prendre d’autres dispositions, ou à prendre des mesures visant à assurer la sécurité et la santé des salariés, ou du public, ou à protéger les équipements susceptibles de subir des dommages en raison de leur arrêt ou du fait qu’ils sont laissés sans surveillance. Tout en notant que l’obligation d’émettre un préavis de grève est conforme à la convention, la commission prend note également des commentaires du syndicat Unite selon lesquels, dans un cas anglais, le tribunal a ordonné l’arrêt d’une action collective au motif que le syndicat avait omis d’indiquer le lieu où chaque professeur en grève avait son bureau, alors qu’il avait spécifié le nombre exact de professeurs, le grade de chacun d’eux, ainsi que le département ou le sous-département dans lequel ils enseignaient: le syndicat Unite insiste sur le fait que la loi ne contient pas de disposition expresse garantissant qu’il n’y a pas d’obligation à nommer les salariés participant à une grève et à limiter l’information à fournir à la seule information dont le syndicat dispose. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires sur les observations formulées par le syndicat Unite et d’indiquer toute décision judiciaire concernant l’application par les tribunaux des articles 3 et 20(2) de la loi sur les relations professionnelles, ainsi que du code 3.

Enfin, la commission note, d’après le rapport du gouvernement, que d’autres consultations d’ordre législatif et des faits nouveaux sont à attendre lorsque le nouveau ministre de la Sécurité sociale sera nommé suite aux élections actuellement en cours à Jersey. Selon les prévisions, un examen approfondi ou un programme de consultation aura lieu à la suite de la nomination officielle du ministre en décembre 2008. La commission espère que le gouvernement sera en mesure d’indiquer dans son prochain rapport les progrès accomplis en ce qui concerne l’examen des dispositions de la loi sur les relations professionnelles, des projets de recueils de directives pratiques qui l’accompagnent, ainsi que du projet de loi sur l’emploi (amendement no 4) (Jersey), de sorte que les syndicats puissent bénéficier de l’entière garantie des droits qui leur sont accordés en vertu de la convention.

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