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Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - République centrafricaine (Ratification: 2000)

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Article 3 a) de la convention. Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues. Recrutement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. Dans ses commentaires antérieurs la commission a constaté que, malgré l’adoption du Code du travail de 2009 qui interdit le recrutement forcé ou obligatoire des enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation dans des conflits armés, des enfants demeuraient associés aux rangs des différents groupes armés et des milices d’autodéfense locales. En effet, des enfants se trouvaient toujours dans les rangs et continuaient de se battre avec les différents groupes armés. La commission a noté que la situation des droits de l’homme n’a cessé de s’aggraver tout au long de 2013 en République centrafricaine, avec la multiplication des groupes armés et la valse des alliances: d’un côté, une multitude de groupes armés qui ont donné naissance à la coalition Séléka ou sont plus ou moins associés à l’ex-coalition Séléka; de l’autre, les anti-balaka, milice de défense locale apparue durant le second semestre en réponse aux attaques systématiques perpétrées par l’ex-coalition Séléka contre la population civile. Les anti-balaka aussi bien que la coalition Séléka ont systématiquement recruté et utilisé des enfants.
La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle la situation sécuritaire de la République centrafricaine demeure une préoccupation majeure du gouvernement. Le gouvernement indique que, dans le cadre du document de stratégie de Relèvement de la consolidation de la paix en Centrafrique 2017-2021 (RCPCA) en son premier pilier intitulé «Soutenir la paix, la sécurité et la réconciliation», le gouvernement a mis en œuvre le processus de désarmement, démobilisation, réinsertion et rapatriement, ainsi que la réforme du secteur de sécurité, en vue de pacifier le pays. Le gouvernement indique que cette sécurité permettra le redéploiement de l’administration sur l’ensemble du territoire ainsi que la restauration de l’autorité de l’Etat en vue de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de recrutement forcé des enfants.
En outre, la commission note que, selon le rapport du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé en République centrafricaine, du 12 février 2016, (rapport du Secrétaire-général), un accord de cessation des hostilités a été signé à Brazzaville le 23 juillet 2014, ce qui a permis de restaurer progressivement le calme à Bangui et de poser les conditions de l’achèvement du processus de transition, entre autres la tenue d’élections, le désarmement, la démobilisation et la réintégration, et la réconciliation nationale (S/2016/133, paragr. 12). Le Secrétaire général indique par ailleurs que le Forum de Bangui sur la réconciliation nationale, qui a eu lieu en mai 2015, et la consultation populaire qui avait été menée auparavant dans tout le pays ont débouché sur la signature d’un accord relatif aux principes régissant le désarmement, la démobilisation, la réintégration et le rapatriement, et à l’incorporation d’éléments armés dans les forces militaires centrafricaines. Le 5 mai 2015, dix groupes armés, dont des ex Séléka et des anti-balaka, ont signé un accord visant à faire cesser et à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants et les autres graves violations commises à leur encontre (paragr. 14). La commission note en outre que, selon le descriptif de programme de pays proposé par l’UNICEF et soumis au Conseil d’administration du Conseil économique et social des Nations Unies en date du 10 août 2017, la République centrafricaine sort progressivement de l’instabilité institutionnelle et sociopolitique, avec la promulgation d’une nouvelle Constitution en mars 2016 et l’organisation d’élections présidentielles démocratiques et transparentes au début de 2016 et d’élections législatives en avril 2016. Toutefois, des groupes armés conservent la mainmise sur les ressources naturelles du pays, menaçant la cohésion sociale et l’accès aux services de base (E/ICEF/2017/P/L.27, paragr. 1).
Cependant, la commission note que, selon le rapport du Secrétaire général, une étude de l’UNICEF de 2014 a établi que le nombre estimatif d’enfants associés à des groupes armés était compris entre 6 000 et 10 000, augmentation attribuée à une recrudescence d’activité des anti-balaka à partir de 2013 (S/2016/133, paragr. 17). Selon le rapport du Secrétaire général, les enfants ont été non seulement brutalisés en étant utilisés dans les combats et comme esclaves sexuels, mais ils ont également été forcés à remplir divers rôles d’appui, dont celui d’informateur. Depuis 2014, ils sont utilisés de plus en plus souvent pour commettre des violations contre des civils. Le Secrétaire général indique aussi que, en 2015, 39 enfants (28 garçons et 11 filles) ont été identifiés comme de nouvelles recrues, pour la plupart de l’Armée de résistance du Seigneur (21 enfants), mais aussi de factions de l’ex-Séléka, telles que l’Union pour la paix en Centrafrique (13 enfants). Il n’en reste pas moins que lors des violences qui ont explosé le 26 septembre, des centaines d’enfants ont été vus à des postes de contrôle ou dressant des barricades à Bangui (paragr. 22). En outre, selon le rapport de l’experte indépendante sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine du 28 juillet 2017, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) estime qu’il resterait encore 4 000 à 5 000 enfants enrôlés (A/HRC/36/64, paragr. 69).
Malgré les avancées réalisées en ce qui concerne la stabilité du pays, la commission se dit à nouveau vivement préoccupée face à la situation actuelle, d’autant plus qu’elle entraîne d’autres violations des droits de l’enfant, telles que les enlèvements, les meurtres et les violences sexuelles. Elle rappelle à nouveau que, en vertu de l’article 3 a) de la convention, le recrutement forcé ou obligatoire d’enfants de moins de 18 ans en vue de leur utilisation dans des conflits armés est considéré comme l’une des pires formes de travail des enfants et que, en vertu de l’article 1 de la convention, les Etats Membres doivent prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’élimination des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence. Tout en reconnaissant la complexité de la situation qui prévaut sur le terrain et la présence d’un conflit et de groupes armés dans le pays, la commission prie instamment le gouvernement de renforcer ses efforts pour mettre un terme, dans la pratique, au recrutement forcé d’enfants de moins de 18 ans par tous les groupes armés du pays. De plus, la commission prie instamment le gouvernement de prendre des mesures immédiates pour assurer que des enquêtes et des poursuites des contrevenants sont entreprises et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives sont imposées aux personnes reconnues coupables d’avoir recruté et utilisé des enfants de moins de 18 ans dans des conflits armés. Elle le prie de communiquer des informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites engagées et de condamnations prononcées en application des dispositions du Code du travail.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéas b) et c). Aide directe pour soustraire les enfants des pires formes de travail et leur assurer l’accès à l’éducation de base gratuite et à la formation professionnelle. Enfants soldats. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note des mesures prises en partenariat avec l’UNICEF afin de prévoir une aide directe et appropriée pour soustraire les enfants victimes de recrutement forcé dans les rangs des groupes armés et assurer leur réadaptation et intégration sociale. Elle a cependant noté que la montée de l’insécurité avait provoqué le réenrôlement d’enfants et que l’insécurité avait limité l’action humanitaire dans une grande partie du pays. La commission a toutefois noté que le gouvernement de transition avait procédé à la révision de la stratégie nationale de désarmement, de démobilisation et de réintégration et que l’ONU travaillait en étroite collaboration avec les autorités de transition sur la question, le but étant de voir consacrer dans la stratégie nationale des dispositions appropriées concernant le désarmement, la démobilisation et la réintégration des enfants.
La commission note que, selon le rapport du Secrétaire-général, de janvier 2014 à décembre 2015, l’Equipe spéciale de surveillance et d’information concernant les violations perpétrées contre les enfants a retiré 5 541 enfants (4 274 garçons et 1 267 filles) des groupes armés. Elle a pu toutefois établir l’identité de 715 enfants seulement, dont 114 filles, nouvellement recrutés et utilisés (S/2016/133, paragr. 17). Selon le rapport du Secrétaire-général les cas d’enfants démobilisés et à nouveau enrôlés dans un groupe armé ont également été fréquents. De décembre 2013 à la fin de 2014, l’Equipe spéciale de pays a constaté 464 cas de nouveau recrutement, dont 446 par des anti-balaka (360 garçons et 86 filles) et 18 garçons par des ex-Séléka. En outre, 2 807 enfants (2 161 garçons et 646 filles) ont été identifiés après que leur présence a été signalée au sein de groupes armés dont des anti-balaka (2 347 enfants), différentes factions ex-Séléka (446 enfants), la LRA (13 enfants) et un garçon démobilisé de Révolution et justice (paragr. 20). En outre, selon le descriptif de programme de pays proposé par l’UNICEF et soumis au Conseil d’administration du Conseil économique et social des Nations Unies en date du 10 août 2017, sur les 9 449 enfants libérés des groupes armés entre janvier 2014 et mars 2017 (dont 30 pour cent de filles), seulement 4 954 ont bénéficié des programmes de réinsertion (E/ICEF/2017/P/L.27, paragr. 8).
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle ses actions prioritaires s’inscrivent contre les fléaux qui portent atteinte aux droits de l’homme. Pour ce faire, un ensemble d’actions est mis en œuvre telles que la protection des droits de la femme et de l’enfant, le développement des actions humanitaires et la croissance économique pour une paix durable. La commission note que, selon le rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine du 2 juin 2017, l’UNICEF a fourni un appui à la réintégration de 420 enfants libérés des groupes armés, tandis que 239 enfants (dont 55 filles) ont été séparés des groupes anti-balaka. En outre, dans le cadre des efforts visant à mettre un terme à la présence d’enfants au sein des groupes armés, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), déployée en septembre 2014 en remplacement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, a organisé une campagne d’une semaine en février 2017, en collaboration avec des partenaires locaux, pour sensibiliser les groupes armés, les membres de la communauté et les autorités de cinq localités à l’incidence des conflits armés sur les enfants (S/2017/473, paragr. 36). Tout en prenant note des mesures prises et de la difficulté de la situation, la commission prie instamment le gouvernement de renforcer ses efforts afin de prévoir une aide directe et appropriée pour soustraire les enfants victimes de recrutement forcé des rangs des groupes armés et assurer leur réadaptation et intégration sociale de manière à garantir la démobilisation durable et définitive de ces enfants. Elle le prie de communiquer des informations sur les progrès réalisés à cet égard et les résultats obtenus.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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