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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2017, Publication : 106ème session CIT (2017)

 2017-Turquie-C135-Fr

Un représentant gouvernemental a fait remarquer que la Turquie figure de nouveau à l’ordre du jour des travaux de la commission suite à une décision fondée sur des informations erronées, voire sur des motivations politiques. De plus, la commission d’experts n’a formulé aucun commentaire sur l’application de la convention en droit et dans la pratique au cours des deux derniers cycles d’examen. A cet égard, l’orateur a regretté qu’elle n’ait pris note ni des mesures de protection de la loi relative aux syndicats et aux conventions collectives (loi no 6356) ni des modifications apportées à la loi (no 4688) sur les syndicats de fonctionnaires, en 2012. La commission d’experts a uniquement mentionné les allégations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK). Pour répondre à ces allégations, le gouvernement a besoin du temps nécessaire pour consulter plusieurs institutions publiques et mener l’enquête. Comme à l’accoutumée, le gouvernement aurait fourni, en temps voulu, les renseignements nécessaires. Le fait que le gouvernement n’a pas eu le temps de le faire ne justifie pas l’inscription de ce cas sur la liste. En ce qui concerne la législation en vigueur, l’orateur a rappelé que les modifications apportées à la loi no 4688 en 2012 ont introduit les modifications suivantes: i) aux côtés des délégués syndicaux représentant le syndicat majoritaire, les syndicats minoritaires ont désormais le droit de nommer des représentants syndicaux; ii) en vertu de l’article 23 de la loi, il est désormais possible de nommer un délégué syndical dans les lieux de travail comptant moins de 20 fonctionnaires; iii) le congé syndical octroyé aux délégués syndicaux pour qu’ils puissent mener leurs activités est passé de deux à quatre heures par semaine; iv) un employeur public ne peut pas changer le lieu de travail des délégués syndicaux, des représentants syndicaux des syndicats minoritaires, des responsables syndicaux, des responsables d’une section syndicale, des représentants syndicaux de province et de district, sans justification claire et précise; et v) la loi impose à l’employeur public de donner aux représentants syndicaux les moyens de s’acquitter de leurs fonctions pendant les heures de travail et en dehors de celles-ci, d’une manière ne portant pas préjudice à la gestion et à la fourniture de services. De la même manière, la circulaire no 2003/37 du Premier ministre impose aux institutions publiques de mettre à la disposition des représentants syndicaux des bureaux et des panneaux d’affichage, dans la mesure du possible, ainsi que des salles de réunion et de conférence, le cas échéant, pour les activités syndicales, conformément à l’article 23 de la loi no 4688.

En ce qui concerne les allégations de la KESK, l’orateur a rappelé que l’un de ces cas concerne le transfert de M. Celik de la librairie nationale d’Ankara à un autre lieu de travail. Dans un premier temps, dans un courrier de 2008, le syndicat Kultur Sanat-Sen l’avait nommé comme représentant des travailleurs. Cependant, un autre syndicaliste a été nommé représentant syndical, dans un courrier adressé en 2009. Celui-ci est toujours représentant syndical et a participé aux réunions organisées avec la direction en 2013, 2014 et 2015. En ce qui concerne le transfert, en janvier 2015, de M. Kuruuzum, représentant syndical de Kultur Sanat-Sen à la Direction provinciale de la culture et du tourisme de la province d’Antalya, ce transfert a été annulé dès réception du courrier qu’il a adressé, en février 2015, pour indiquer qu’il était un représentant syndical, en application de l’article 18 de la loi no 4688. Il travaille actuellement à la Direction provinciale de la culture et du tourisme de la province d’Antalya. Dans un autre cas, le ministère de l’Eau et des Forêts a constaté que le représentant syndical du syndicat Tarim Orkam-Sen, M. Sonmez, s’absentait souvent du travail, sans l’autorisation de son employeur. Il a été transféré à la neuvième direction régionale d’Ankara, rattachée au ministère. Il a cependant été réintégré à son poste précédent sur décision de la troisième chambre du tribunal administratif d’Ankara. Dans un autre cas, un représentant du syndicat des employés de l’administration publique (BES), M. Bektas, a été transféré de la dixième délégation régionale de la météorologie de Samsun à la direction de la météorologie à Cankiri parce qu’il avait insulté, agressé physiquement et menacé un collègue et qu’il avait manqué de respect à son supérieur. Son transfert n’était pas lié à une quelconque activité syndicale. La sixième chambre du tribunal civil de paix de Samsun l’a jugé coupable des actes susmentionnés. A aucun moment, M. Bektas n’a dénoncé des actes antisyndicaux. En outre, il a été mis fin au contrat de travail du représentant syndical d’Haber-Sen à la Direction générale de la presse et de l’information, M. Kaftancioglu, après que celui-ci a échoué à un examen visant à établir ses qualifications. Il a été réintégré à son ancien poste sur décision de la première chambre du tribunal administratif d’Ankara. L’institution concernée ayant interjeté appel auprès de la Cour de cassation, l’affaire est toujours en instance. Par ailleurs, M. Taskesen, représentant syndical de Yapi-Yol Sen mentionné dans les allégations, à Kahramanmaras, a été transféré à Antalya, au sein de la même direction régionale, en octobre 2014. Le tribunal administratif de Kahramanmaras a suspendu l’exécution de son transfert en décembre 2014, puis l’a annulé en mars 2015. Bien que cette affaire soit toujours en instance, à sa demande, l’intéressé a réintégré son ancien travail, en janvier 2015, où il se trouve encore. D’après le dossier de M. Berberoglu, représentant syndical du BES à la direction des recettes de Guzelbahce, province d’Izmir, il est apparu que l’intéressé avait enfreint la réglementation sur l’apparence et l’habillement, malgré plusieurs avertissements. De ce fait, il a été transféré ailleurs, toujours dans la même institution publique et dans la même ville. La troisième chambre administrative d’Izmir a jugé que cette décision était conforme à la loi. L’intéressé a pris sa retraite du service public en juillet 2016. S’agissant de l’allégation selon laquelle aucun espace de bureau n’avait été alloué au syndicat BTS sur quatre lieux de travail en 2014, l’orateur a indiqué que l’enquête menée par la Direction générale des chemins de fer nationaux avait montré que ce syndicat n’avait pas formulé de demande en ce sens en 2014. Le représentant gouvernemental a souligné que la protection conférée par la convention aux représentants des travailleurs n’est réelle que s’ils agissent dans le respect de la législation en vigueur. En cas de plainte, il existe des voies de recours administratif et judiciaire efficaces en Turquie. Quant à l’observation formulée par la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS), l’orateur a relevé qu’elle ne vise aucune contradiction entre la loi et la convention. En conclusion, l’orateur a rappelé que la loi no 6356 réglementait la protection des dirigeants syndicaux. En vertu de l’article 24, un employeur ne peut mettre fin à un contrat de travail d’un représentant syndical sans motif valable. Le représentant syndical concerné et son syndicat ont le droit de saisir le tribunal compétent, qui peut ordonner la réintégration de l’intéressé, sans perte de rémunération ni de prestations. De plus, aucune modification majeure en matière d’emploi, y compris le transfert de l’intéressé, n’est possible sans l’accord du représentant syndical.

Les membres travailleurs ont noté que c’est la première fois que la commission examine l’application de cette convention en Turquie. Le moment est particulièrement bien choisi pour discuter de cette question puisque la Turquie vit maintenant sous le régime des décrets d’urgence adoptés par l’exécutif sans contrôle du judiciaire. Le mépris total pour les droits des travailleurs et l’absence de protection de leurs représentants font partie intégrante de cette offensive générale contre les institutions démocratiques. Des représentants des travailleurs sont l’objet d’arrestations, de licenciements, de transferts et d’autres formes de discrimination pour avoir défendu les droits de ceux qu’ils représentent. Les membres travailleurs ont été choqués à l’annonce de la nouvelle de la tentative de coup d’Etat de juillet 2016. Bien qu’elle ait été déjouée, cette attaque violente perpétrée par quelques officiers de l’armée turque a coûté la vie à près de 240 personnes qui ont courageusement défendu la démocratie contre la suprématie militaire. Les membres travailleurs ont loué la bravoure de ces citoyens, dont beaucoup étaient des syndicalistes et des responsables syndicaux, et ont exprimé leurs condoléances et leur solidarité à leurs familles. Même s’ils ne partagent pas toujours les options politiques de certains gouvernements, les membres travailleurs s’opposeront toujours fermement à ceux qui veulent faire prévaloir la force brutale contre un gouvernement élu. Toutefois, les mesures autoritaires que le gouvernement a adoptées à la suite du coup d’Etat manqué se sont avérées préoccupantes. Alors que, dans un premier temps, elles ciblaient des personnes soupçonnées d’être impliquées dans la tentative de coup d’Etat, très vite, ces mesures draconiennes ont été étendues à bien d’autres, prenant les allures d’une purge des voix de l’opposition. Les représentants des travailleurs du secteur public sont devenus la première cible des arrestations, licenciements et mesures de harcèlement. Les autorités ont placé plus de 47 000 personnes en détention provisoire et ont dissous des centaines d’associations, de fondations et autres institutions. En septembre 2016, le ministre de la Justice a annoncé que près de 34 000 détenus condamnés allaient être relâchés pour libérer de la place dans les prisons. Bon nombre de personnes arrêtées et placées en détention n’avaient absolument rien à voir avec la tentative de coup d’Etat ou avec des groupes terroristes. Il s’agissait de simples dirigeants syndicaux qui s’opposaient à des politiques destructrices. Par exemple, le 10 novembre 2016, le Syndicat des agents de la santé publique et des services sociaux (SES) avait organisé une action collective contre les licenciements collectifs injustifiés et la proclamation de l’état d’urgence. La police est intervenue et de nombreux travailleurs, ainsi que le dirigeant du SES et des membres de son comité exécutif central ont été appréhendés. Déjà avant la tentative de coup d’Etat, des dirigeants syndicaux faisaient l’objet d’arrestations arbitraires. Vingt-six syndicalistes et membres du conseil de la section de Mugla du SES, dont Huseyin Sariefe, ont été appréhendés par la police, le 11 octobre 2015, après une manifestation pour protester contre une attaque terroriste à l’égard d’un rassemblement syndical qui avait fait plus d’une centaine de victimes. Des procédures judiciaires ont été ouvertes à leur encontre. Le gouvernorat d’Adiyaman a ouvert une enquête administrative contre la secrétaire du BES Femmes, l’a mutée et l’a suspendue de ses fonctions pour avoir lu un communiqué de presse lors de la Journée internationale de la femme en 2017. Près de 150 000 fonctionnaires ont été licenciés et exclus de la fonction publique par voie de décrets d’urgence. Les motifs de licenciement avaient toujours un caractère général et alléguaient que les personnes limogées étaient «membres d’une organisation terroriste ou liées ou en contact avec une organisation terroriste», sans justification individuelle ou sans apporter le moindre élément de preuve. Des responsables syndicaux d’organismes publics ont été la cible systématique de fausses allégations qui ont entraîné leur suspension et leur licenciement dans une tentative visant à se débarrasser des syndicats dans ces organismes. En décembre 2016, 11 711 membres de la KESK ont été suspendus de leur emploi, dont Gülistan Atasyon, la secrétaire de la KESK Femmes, Fikret Aslan, le président du BES, et Fikret Calagan, membre du comité exécutif du SES. La plupart des licenciements se sont faits par voie de décrets d’urgence que les travailleurs n’ont pu contester devant les tribunaux. Les membres travailleurs ont lancé un appel d’urgence il y au gouvernement à propos de deux collègues qui sont en grève de la faim depuis quatre-vingt-treize jours. Nuriye Gülmen et Semih Özakça, membres de la KESK, protestent contre leur licenciement abusif par voie de décrets d’urgence ils ont été arrêtés il y a 17 jours et leur état de santé est critique. Outre les licenciements et les arrestations, les représentants syndicaux sont confrontés à d’autres formes de discrimination, comme les transferts imposés d’autorité et les procédures disciplinaires, souvent en rapport avec des messages critiques postés sur les médias sociaux et qui auraient été «insultants» pour des représentants du gouvernement. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que l’étendue des abus à l’encontre des représentants syndicaux suite à la tentative de coup d’état est tout simplement sans précédent. Il existe également des préoccupations de longue date en ce qui concerne la protection des représentants des travailleurs. Le licenciement de représentants syndicaux avant leur reconnaissance officielle par le ministère du Travail est fréquent, car la protection que leur assure la législation du travail ne couvre pas la période de traitement de leur demande de reconnaissance. Les licenciements et autres formes de discrimination réduisent souvent à néant les efforts déployés pour créer des organisations syndicales sur le lieu de travail. En conclusion, les membres travailleurs ont exprimé leur profonde tristesse suite aux attaques sans précédent dont sont victimes les représentant syndicaux dans tous les régions du pays et ont salué le courage des travailleurs qui se sont mis en danger pour faire entendre ceux qu’ils représentaient dans des conditions particulièrement pénibles et ils ont dit espérer que la discussion aidera à faire comprendre au gouvernement l’impact de ses politiques sur les syndicalistes et ceux qu’ils représentent.

Les membres employeurs ont rappelé que cette convention est une convention technique qui vise à protéger les représentants des travailleurs de toute mesure qui pourrait leur porter préjudice. Ils ont souligné que, dans sa brève observation, la commission d’experts a prié le gouvernement de fournir des commentaires sur les observations de la TÜRK-IS et de la KESK contenant des allégations de cas de licenciements, de transferts et de mesures disciplinaires ainsi que des cas de refus d’accès des représentants des travailleurs à des locaux. La commission d’experts n’a pas fait de commentaire sur la législation établissant des mesures de protection dans les secteurs privé et public. Les membres employeurs ont pris note des éléments transmis par le gouvernement concernant les cas individuels dont la KESK fait état. Ils ont également relevé l’évolution de la législation signalée par le gouvernement en ce qui concerne la protection des représentants syndicaux dans le secteur public, dont la protection contre le licenciement, et ont dit qu’ils croyaient comprendre que les représentants des travailleurs bénéficient d’une protection efficace contre le licenciement et autres pratiques préjudiciables dans le secteur privé et que la loi no 4688, telle que modifiée, interdit les licenciements, les mutations et les traitements préjudiciables en raison d’activités syndicales. Ils ont estimé que des informations sont nécessaires pour bien comprendre la situation en ce qui concerne l’application des textes de loi mentionnés et ont invité le gouvernement à fournir sans délai les informations requises à la commission d’experts.

Un membre travailleur de la Turquie a retracé l’historique de la législation du travail turque en ce qui concerne la protection des représentants des travailleurs ou des représentants syndicaux sur le lieu de travail. Le premier texte de loi en la matière était la loi sur le travail no 3008, adoptée en 1936, suivi des lois sur les syndicats nos 274 et 2821, adoptées respectivement en 1963 et 1983. En vertu de ces lois, les employeurs ne pouvaient mettre fin au contrat de travail des représentants syndicaux sans un motif valable clairement énoncé par écrit. Cette protection a été supprimée en 2002 par la loi no 4773 puis rétablie par l’article 24 de la loi no 6356. Cet article, toujours en vigueur, interdit également aux employeurs de transférer les représentants syndicaux ou de modifier leurs principales attributions. En outre, si un employeur met fin au contrat d’un représentant syndical, le représentant ou son syndicat peut saisir le tribunal dans le mois qui suit la notification du licenciement. Le tribunal peut ordonner à l’employeur de réintégrer l’intéressé sans perte de rémunération ni de prestations. La loi no 6356 est conforme à la convention. Toutefois, ces protections ne s’appliquent qu’aux syndicats qui représentent déjà plus de 50 pour cent des travailleurs et qui ont été reconnus en tant qu’agents à la négociation collective qualifiés. Là où les activités syndicales commencent à peine, les travailleurs qui y participent ne bénéficient pas des mêmes garanties et sont généralement renvoyés par leurs employeurs. Ils n’ont droit à une indemnité que s’ils parviennent à prouver qu’ils ont été licenciés au motif de leurs activités syndicales. Il est donc nécessaire d’étendre la portée des réglementations actuelles à ces travailleurs. Lors de la tentative de coup d’Etat militaire, 248 innocents ont perdu la vie. Si le coup d’Etat avait réussi, les institutions démocratiques et les organisations de la société civile, dont les syndicats, n’existeraient plus. C’est ce que révèle, par exemple, le cas des dirigeants du Syndicat des travailleurs des transports motorisés (TÜMTIS), accusés et détenus sur de fausses accusations. Les juges saisis ont finalement été destitués parce qu’ils appartenaient à l’Organisation terroriste de Fethullah Gülen (FETO). Tous les partis, y compris ceux de l’opposition, se sont unis pour exiger que les auteurs de ce coup d’Etat sanglant soient punis. Dans le même temps, tous étaient préoccupés par le sort des personnes potentiellement innocentes ayant des difficultés à prouver leur innocence devant les tribunaux. A cet égard, il convient de saluer l’annonce faite par le gouvernement au sujet de la création d’une commission chargée de permettre à ces personnes d’accéder à une procédure judiciaire. Le terrorisme met en danger les valeurs démocratiques, ainsi que les droits et les libertés des travailleurs. Outre cette tentative de coup d’Etat militaire, la Turquie est fréquemment la cible d’attaques terroristes, surtout le long de ses frontières sud et sud-est. Dans ce contexte, il n’est pas facile d’inscrire les questions liées au travail au programme des autorités. Il est à espérer que la fin de l’état d’urgence sera décrétée dès que les graves menaces qui pèsent sur la démocratie seront écartées.

Un autre membre travailleur de la Turquie a noté que, au lendemain de la tentative de coup d’Etat, 4 800 fonctionnaires membres de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye Kamu-Sen), y compris 39 responsables de section et 50 représentants des travailleurs sur le lieu de travail, ont été licenciés par voie d’un décret d’urgence, pour leur appui présumé au mouvement Gülen. Aucune convention internationale ni aucun texte de loi national n’a été pris en considération lors de leur procédure de licenciement, et aucune enquête ni procédure disciplinaire n’a été engagée. Le droit d’assurer sa propre défense a été ignoré. Les coupables et les innocents ont été mélangés. Une commission composée de sept membres, essentiellement issus des juridictions supérieures, a maintenant été créée pour examiner ces licenciements. Toutefois, aucune décision n’a été rendue à ce jour. De toute évidence, l’application des conventions internationales continue de poser problème et la situation empire. L’orateur a instamment prié le gouvernement de mettre en œuvre les normes de l’OIT et de respecter la législation nationale.

Le membre employeur de la Turquie, rappelant que l’observation de la commission d’experts se réfère aux allégations de la KESK, qui portent sur des licenciements, transferts et mesures disciplinaires à l’encontre de représentants de travailleurs, a regretté que le gouvernement n’ait pas répondu à ces allégations. Lors de la tentative de renversement du gouvernement, plus de 300 personnes ont été tuées et plus de 2 000 blessées. L’orateur condamne toute attaque terroriste ou tentative anticonstitutionnelle visant à s’emparer du pouvoir et à renverser la démocratie. Les représentants des travailleurs en Turquie jouissent d’une protection efficace contre le licenciement et toute autre mesure préjudiciable. Conformément à la convention, ces protections s’appliquent à tous les employés, quel que soit leur secteur d’activité. La législation nationale et les pratiques judiciaires prévoient également des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives pour empêcher la violation des droits des représentants des travailleurs. Quant aux employés du secteur public, la protection des représentants des travailleurs est régie par la loi no 4688. L’article 18 de cette loi interdit tous types de licenciements, transferts et traitements préjudiciables au motif d’activités syndicales exercées par des fonctionnaires. Cette loi étend par ailleurs cette protection aux dirigeants provinciaux et régionaux des syndicats de fonctionnaires. Quant aux employés du secteur privé, les représentants syndicaux jouissent d’un haut niveau de protection en vertu de la loi no 6356. Les contrats de travail des représentants syndicaux ne peuvent pas être résiliés sans motif valable. Qui plus est, si le représentant syndical est réintégré par une décision de justice, le contrat de travail est réputé ne pas avoir été interrompu, le salaire est versé et les prestations accordées. Il est important de déterminer si, dans les cas auxquels se réfère la KESK, les représentants ont agi conformément aux lois en vigueur. Les allégations concernant plusieurs institutions publiques, il est nécessaire de disposer de suffisamment de temps pour y répondre.

Un observateur représentant la Confédération syndicale internationale (CSI) a déclaré que les affiliés à la KESK subissent de nombreuses violations de leurs droits, incluant: transferts, mutations et refus de promotion, accusations pénales et autres poursuites légales, suspensions et licenciements, enquêtes administratives, amendes et autres sanctions, harcèlement, placement en détention ou arrestation et non-respect de la liberté d’expression dans les réseaux sociaux. En outre, la KESK est la cible de campagnes de dénigrement. L’état d’urgence a été déclaré le 21 juillet 2016 en vertu de l’article 120 de la Constitution. Les membres de certains syndicats ont été licenciés par voie de décrets d’urgence. La tentative de coup d’Etat n’a aucun rapport avec les syndicats affiliés à la KESK. Tandis que les fonctionnaires gouvernementaux prétendent que les licenciements visent à écarter des fonctions étatiques les auteurs du coup d’Etat, ils visent en réalité les forces démocratiques d’opposition et les syndicats en conflit politique avec le gouvernement. Des milliers de fonctionnaires, de travailleurs syndiqués et de dirigeants syndicaux ont été licenciés par voie de décrets d’urgence sans pouvoir saisir les tribunaux. Les droits au travail sont systématiquement et gravement enfreints. Des scientifiques qui ne partagent pas les mêmes idées que le gouvernement ont été exclus de l’université. Le système en place est totalitaire et dictatorial et vise à transformer les syndicats en sections du parti au pouvoir. Ces violations se poursuivent et se multiplient. L’OIT devrait intervenir activement avant que de nouveaux licenciements de masse ne se produisent. De ce fait, ce cas devrait figurer dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.

La membre travailleuse des Pays-Bas a rappelé que, comme énoncé dans son préambule, la convention no 135, qui complète la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, vise à protéger les représentants des travailleurs contre toutes mesures préjudiciables, y compris le licenciement, qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales. Tous les représentants des travailleurs, y compris les dirigeants syndicaux, ne peuvent s’acquitter de leurs attributions que dans la mesure où ils sont libres de critiquer publiquement les politiques de l’entreprise ou du gouvernement si celles-ci portent atteinte aux intérêts des travailleurs, et où ils sont autorisés à organiser des réunions et des manifestations pacifiques pour exprimer les revendications et les exigences des travailleurs, ainsi qu’à les communiquer à l’ensemble de la population. Le rapport de cette année soumis à la discussion récurrente sur les principes et droits fondamentaux au travail fait lui aussi référence à l’importance de ces libertés publiques. Or ces libertés et ces droits sont de plus en plus restreints en Turquie, les médias étant soumis au contrôle du gouvernement ou réduits au silence et les dirigeants syndicaux étant menacés d’arrestation pour offense au gouvernement ou au Président. Le président et le secrétaire général de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) font l’objet de poursuites de ce type et sont victimes d’autres formes de harcèlement. La ligne téléphonique de nombreux dirigeants syndicaux est sur écoute, leur domicile est perquisitionné et leurs ordinateurs sont saisis. L’action collective des syndicats est de plus en plus menacée en Turquie, non seulement par le licenciement de représentants syndicaux, mais également par des actes de violence de la part de la police, ou même des employeurs. Insistant sur le fait que ces actes d’intimidation font obstacle à une représentation effective des intérêts des travailleurs, l’oratrice prie instamment le gouvernement de se garder de prendre toute mesure qui soit contraire à la convention et d’adopter plutôt une politique visant à protéger et à faciliter le rôle des représentants des travailleurs.

Un observateur représentant la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) a relevé que la protection accordée aux représentants des travailleurs au titre de la section 24 de la loi no 6356 est inopérante du fait des lourdes restrictions qui pèsent sur le droit d’organisation. En vertu de cette loi, un syndicat ne peut désigner un représentant des travailleurs qu’une fois que le ministère du Travail a officiellement reconnu ce syndicat et sous réserve que les employeurs ne s’opposent pas à la décision du ministère. Dans les faits, pareille contestation peut allonger la procédure qui peut alors durer jusqu’à trois ans, période pendant laquelle l’employeur peut licencier les membres du syndicat ou les contraindre à quitter le syndicat. Dans le différend qui oppose Nakliyat-Is, syndicat affilié à l’ITF, à une société internationale de logistique, la société en question a licencié 168 travailleurs pour motif économique au moment où le syndicat a déposé sa demande de reconnaissance auprès du ministère. Il ne s’agit pas d’une coïncidence et les exemples de ce type sont nombreux. Les dirigeants syndicaux ne sont pas non plus épargnés par les représailles. Après une campagne de syndicalisation réussie en 2007, 14 dirigeants du syndicat TÜMTIS ont été arrêtés suite à la plainte de cette société et condamnés à des peines d’emprisonnement au motif que, selon la décision de justice, ils ont «créé une organisation à des fins délictueuses, employé la force en vue d’obtenir des avantages injustifiés, violant ainsi le droit à l’exercice du travail dans des conditions pacifiques, et entravé la jouissance des droits syndicaux». Sept de ces personnes sont encore en prison et Nurettin Kiliçdogan, responsable de secteur, a été transféré dans un quartier de haute sécurité en raison de son statut. Le tribut à payer pour adhérer à un syndicat est si lourd que l’orateur s’est demandé où l’on pourrait bien trouver les futurs représentants des travailleurs. La liberté syndicale ne peut s’exercer que dans un cadre exempt d’intimidations. L’arrestation de syndicalistes et le licenciement de travailleurs et de dirigeants syndicaux créent un climat où règnent l’intimidation et la peur, ce qui nuit au développement normal des activités syndicales. L’orateur a demandé au gouvernement de garantir des voies de recours efficaces contre le licenciement abusif des représentants des travailleurs et des travailleurs syndiqués qui devraient prévoir leur réintégration, le paiement des arriérés de salaire et le maintien des droits acquis. Il lui a également demandé de réexaminer de toute urgence les condamnations des dirigeants de TÜMTIS.

La membre travailleuse de l’Allemagne, s’exprimant au nom des membres travailleurs de la France et de l’Italie, a déclaré qu’il est évident qu’un Etat peut, face à un risque de coup d’Etat ou à une menace terroriste, déclarer l’état d’urgence. Toutefois, la proclamation de l’état d’urgence ne devrait jamais servir à violer les droits de l’homme et les droits des travailleurs, mais plutôt à défendre ou à restaurer les droits fondamentaux et l’état de droit. L’accès à une justice libre et indépendante doit être préservé et personne ne peut être déclaré coupable autrement que par une décision de justice. Les droits de l’homme, y compris les droits syndicaux, la liberté syndicale, le droit de négociation collective et le droit de grève, ne doivent pas être restreints. Le licenciement et l’arrestation de scientifiques et d’enseignants, dont nombreux sont membres ou représentants de syndicats, étaient déjà une réalité avant le coup d’Etat. La proclamation de l’état d’urgence et ses prolongations ont aggravé la situation et servent à éliminer les critiques, notamment celles exprimées par des enseignants et des employés, des syndicats indépendants et leurs représentants dans l’administration publique. Sur les milliers de syndicalistes licenciés ou suspendus, plusieurs sont des dirigeants syndicaux. Il est difficile de croire que les licenciements et les arrestations massifs, y compris de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, ont pour but de maintenir l’ordre démocratique. Les motifs de licenciement ne sont pas portés à la connaissance des intéressés qui découvrent leur nom dans une liste publiée par décret. Les licenciements se font sans indemnité et les intéressés sont exclus du système de sécurité sociale. Suite à leur licenciement, ils tombent dans une précarité économique et sont victimes de stigmatisation. Ils n’ont pas la possibilité de prouver leur innocence dans le cadre d’un procès transparent, indépendant et équitable ni de contester en justice un licenciement ou une suspension abusifs. Les tribunaux qui seraient normalement chargés de réexaminer le licenciement de travailleurs et de fonctionnaires ne sont pas en mesure de le faire. La commission d’enquête mise sur pied suite aux pressions du Conseil de l’Europe est une mesure importante, mais ne peut pas remplacer l’accès à la justice. Elle ne suffit pas à protéger les représentants syndicaux des licenciements et de la discrimination. En conclusion, l’oratrice a souligné que, en l’absence d’une représentation adéquate des travailleurs, la liberté syndicale, le droit de négociation collective et le droit de grève ne peuvent être respectés.

Un observateur représentant IndustriALL Global Union s’est dit vivement préoccupé par l’impact des récents événements en Turquie sur les libertés et droits fondamentaux des syndicats. Une mission de haut niveau, composée de syndicats internationaux et européens, a reconnu que la Turquie est confrontée à de multiples défis et menaces, mais a fait observer que les mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur étaient disproportionnées par rapport aux besoins en matière de sécurité. IndustriALL demande que les autorités turques: mettent un terme aux licenciements collectifs injustifiés, aux suspensions, actes d’intimidation et arrestations; rétablissent la législation fondée sur la présomption d’innocence, le caractère personnel de la responsabilité pénale, le droit à un procès et un recours impartial et transparent, et le respect de l’état de droit et de la démocratie; établissent une commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et veillent à ce que ses décisions fassent l’objet d’un contrôle judiciaire et de procédures de recours efficaces et opportunes, y compris au niveau européen; réintègrent les personnes qui ont été arrêtées ou révoquées; restaurent la liberté d’expression et de parole pour les médias et les associations; et respectent et mettent en œuvre les normes fondamentales du travail de l’OIT, notamment la convention no 135, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention no 98. Le droit de grève est menacé en Turquie. Des décrets interdisent les grèves dans les secteurs du verre, de la métallurgie, de la banque et des produits pharmaceutiques, au prétexte qu’elles menacent la sécurité nationale et la santé publique. L’orateur réitère l’attachement d’IndustriALL aux libertés et aux valeurs démocratiques que consacrent les conventions de l’OIT, les chartes internationales et européennes, ainsi qu’au principe de l’état de droit, et invite l’OIT à surveiller l’application de ces instruments en ce qui concerne les syndicats en Turquie.

Le membre travailleur du Niger a souligné qu’il convenait d’analyser ce cas de manière lucide et à la lumière du contexte dans lequel les différentes violations sont commises. Si ces violations font suite à la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, il y a lieu d’apprécier autrement les faits. Toute tentative de prise de pouvoir par les armes est condamnable, car elle ouvre la voie à tous types d’abus et de violations, y compris de la liberté syndicale. Concernant les faits en Turquie, le BIT devrait fournir son assistance technique pour renforcer le dialogue social entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Il est à espérer que les représentants des travailleurs et des employeurs turcs soient en mesure d’indiquer, lors de la prochaine session de la Conférence, que les choses sont rentrées dans l’ordre. Ce défi est à leur portée.

La membre travailleuse du Brésil a esquissé sa sincère solidarité avec les travailleurs de Turquie, étant donné l’instabilité politique qui prévaut actuellement dans le pays et qui peut porter préjudice à la démocratie et au mouvement syndical. Pour faire face aux violations systématiques et répétées de la convention, le Comité de la liberté syndicale a indiqué que «l’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale consiste à ce que les travailleurs bénéficient d’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale en lien avec leur emploi – tels que le licenciement, la rétrogradation, le transfert ou toutes autres mesures préjudiciables». Or, dans le cas à l’examen, l’Etat commet tous types de violation à l’encontre des syndicats et de leurs dirigeants, à savoir: persécutions, licenciements injustifiés, voire détentions ou arrestations arbitraires. Les violations les plus cruelles commises sont les détentions et les arrestations, car elles constituent une entrave à la liberté de l’être humain. Emprisonner un individu en raison de ses convictions et de ses activités politico-syndicales constitue sans aucun doute l’une des formes de persécution les plus perverses qui vont à l’encontre des instruments internationaux des droits de l’homme. Pendant la seule année 2016, au moins 292 membres de la KESK ont été arrêtés par des forces de sécurité gouvernementales et toutes les accusations portées se fondent sur leur action syndicale. Les travailleurs ne bénéficient pas du respect des droits et des garanties minimales contre les actes antisyndicaux commis par le gouvernement, ce qui contrevient non seulement à la présente convention mais également à la convention no 87. L’oratrice a instamment prié le gouvernement de révoquer l’état d’urgence et ses décrets, afin de rétablir la régularité démocratique.

Le membre travailleur de la Suède, s’exprimant au nom des syndicats des pays nordiques, a noté que la protection des représentants des travailleurs, en particulier des fonctionnaires, contre des actes préjudiciables, y compris des licenciements, a été mise en cause par la tentative manquée de coup d’Etat et la déclaration de l’état d’urgence. L’état d’urgence est toujours en vigueur. Le gouvernement a promulgué au moins 23 décrets, la plupart visant à licencier des fonctionnaires et renforcer les pouvoirs du gouvernement, de la police et des militaires, ce qui a conduit, selon une déclaration récente du ministre de l’Intérieur, au placement en détention de 113 000 personnes. En outre, plus de 138 000 fonctionnaires, dont bon nombre de représentants de travailleurs, ont été suspendus ou licenciés sans enquête ni possibilité de recours judiciaire. En janvier 2017, le gouvernement a promulgué le décret no 685 portant création d’une commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, dont la mission est de réexaminer les licenciements, sur une période de deux ans. Cependant, si la moitié des fonctionnaires licenciés introduisait un recours, cette commission devrait traiter une centaine de dossiers par jour pour achever son travail dans les délais impartis. L’orateur a demandé à la commission d’adopter des conclusions claires demandant au gouvernement de restaurer l’état de droit et de prévoir un mécanisme de recours efficace pour les milliers de fonctionnaires et de représentants de travailleurs injustement licenciés.

Le représentant gouvernemental a rappelé que, lors de la tentative de coup d’Etat de 2016, 248 personnes avaient été tuées et plus de 2 000 blessées, pour la plupart des civils. FETO, l’organisation terroriste ayant fomenté la tentative de coup d’Etat, a infiltré les forces armées turques, la police, le système judiciaire, les institutions éducatives et l’administration publique à tous les niveaux et mis en place une structure parallèle à l’Etat dans le but de renverser un gouvernement élu et de prendre le pouvoir par tous les moyens: menaces, chantage, coercition, violences et assassinats. Si la tentative haineuse de la nuit du 15 juillet 2016 avait réussi, il ne fait aucun doute que plusieurs milliers d’exécutions auraient été ordonnées et que, aujourd’hui, les discussions de cette commission porteraient sur des meurtres plutôt que sur des licenciements. Malheureusement, FETO n’est pas la seule menace qui pèse sur la Turquie; d’autres organisations terroristes comme l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (Daech ou EIIL) et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en sont aussi. Après le coup d’Etat manqué, le Conseil des ministres a déclaré l’état d’urgence le 21 juillet 2016, en application de l’article 120 de la Constitution. Au titre de l’article 129 de la Constitution, les fonctionnaires ont un devoir de loyauté envers la Constitution et les lois en vigueur dans l’exercice de leurs fonctions. La loi no 657 sur les fonctionnaires établit les mêmes exigences pour les fonctionnaires. L’article 125 de cette loi précise que collaborer avec des organisations terroristes, les aider, utiliser des ressources et des moyens publics et les leur mettre à disposition pour les soutenir, ou faire de la propagande pour ces dernières est un acte passible de licenciement. L’article 137 de la loi précise que la suspension lors d’une enquête relève d’une précaution administrative. La lutte contre le terrorisme et contre les auteurs de la tentative de coup d’Etat, dont l’objectif était d’abolir les droits et libertés fondamentales, ainsi que l’ordre démocratique établi, a été menée en conformité avec les droits international et national. La Turquie a invoqué l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme qui établit que, en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute haute partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la convention. La tentative de coup d’Etat constituait une menace grave et réelle non seulement pour l’ordre constitutionnel démocratique mais aussi pour la sécurité nationale. Par conséquent, il était nécessaire de prendre des mesures extraordinaires pour éliminer cette menace de toute urgence. Au lendemain d’une tentative de coup d’Etat sanglante et face au danger imminent pour la sécurité nationale, il n’était pas envisageable d’attendre le résultat des enquêtes pendant des mois ou des années; il était dès lors nécessaire de licencier immédiatement les collaborateurs et les membres connus des organisations terroristes. Alors que la menace de nouvelles tentatives de renversement du gouvernement demeure, le gouvernement a mis en place une commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. Elle examinera le cas des fonctionnaires renvoyés qui estiment avoir été injustement licenciés par un décret ayant force de loi. Les fonctionnaires qui ont été renvoyés par une décision administrative ont le droit de faire appel auprès des tribunaux administratifs. Les membres de la commission ont déjà été désignés. Elle entamera ses travaux dès que ses principes et méthodes de travail auront été fixés, mais elle devrait commencer à recevoir les premières requêtes avant le 23 juillet 2017. Les décisions de la commission pourront faire l’objet d’une révision judiciaire, la Cour européenne des droits de l’homme statuant en dernier ressort. En conclusion, l’orateur a invité les membres de la commission et la communauté internationale à essayer de faire preuve d’empathie à l’égard du peuple turc et a souligné que la Constitution et la législation du travail garantissent le droit d’organisation et la protection contre la discrimination antisyndicale. Les syndicats et les travailleurs ont à leur disposition des moyens légaux pour contester des actes discriminatoires. Conformément au Code pénal, et notamment ses articles 118 et 135, les actes de discrimination antisyndicale de la part des employeurs sont considérés comme des délits passibles d’une peine d’un à trois ans de prison. Du reste, la législation du travail prévoit des indemnités et une réintégration.

Les membres employeurs ont salué les informations fournies par le représentant gouvernemental et appellent le gouvernement à les transmettre à la commission d’experts sans attendre.

Les membres travailleurs se sont dits extrêmement préoccupés par la gravité et le caractère systématique des infractions commises contre les représentants des travailleurs en Turquie. La suspension de facto des institutions démocratiques et de l’état de droit sont inacceptables et rappellent l’époque du régime militaire en Turquie. Le gouvernement doit revenir de toute urgence sur la voie de la démocratie. La déclaration de l’état d’urgence ne donne pas carte blanche pour ignorer toutes les obligations internationales. Sans état de droit ni procédure régulière, les représentants des travailleurs ne peuvent pas être véritablement protégés. La discussion devant la commission a montré comment la purge du gouvernement contre l’opposition a visé notamment les représentants des travailleurs. Le gouvernement a été instamment prié de ne pas prolonger l’état d’urgence au-delà de juillet 2017 et de s’abstenir immédiatement de prendre d’autres décrets d’urgence qui aboutissent à l’arrestation arbitraire et au licenciement de représentants syndicaux. Ceux qui ont été arrêtés ou qui sont détenus pour avoir représenté des travailleurs et défendu leurs droits doivent être libérés sans condition et indemnisés. Parmi eux, Nuriye Gülmen et Semih Özakça, qui n’ont jamais commis d’infractions, doivent être libérés sans condition. Ils sont la voix de nombreuses autres personnes qui ne peuvent pas s’exprimer par crainte de représailles contre eux-mêmes et leurs familles. L’état d’urgence a été utilisé abusivement pour licencier ou muter systématiquement des représentants des travailleurs. Les représentants des travailleurs qui ont été licenciés ou mutés de force doivent être réintégrés sans délai. Toute personne soupçonnée d’avoir participé à des actes terroristes doit être inculpée et des poursuites engagées au pénal. Toutefois, ces inculpations ne sauraient servir à harceler l’ensemble du secteur public. De plus, le gouvernement doit remédier au fait qu’il n’y a pas de protection contre les représailles tant qu’un syndicat n’a pas été reconnu officiellement. Les dispositions législatives protégeant les représentants des travailleurs contre des mesures qui pourraient leur porter préjudice et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale ou leur participation à des activités syndicales doivent être étendues à la période pendant laquelle le syndicat n’a pas encore été reconnu officiellement. Rappelant que Taner Kiliç, président d’Amnesty International Turquie, a été récemment accusé d’appartenir à une organisation terroriste et qu’il se trouve en détention provisoire, les membres travailleurs ont demandé sa libération et prié instamment le gouvernement de rétablir les droits fondamentaux au travail, y compris la protection des représentants des travailleurs.

Conclusions

La commission a pris note des déclarations orales du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.

La commission a exprimé sa préoccupation à propos des allégations en lien avec le licenciement et l’arrestation de représentants des travailleurs. La commission a également noté le fait que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations des syndicats dans le dernier rapport qu’il a remis à la commission d’experts.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié le gouvernement de:

- garantir que les représentants des travailleurs dans l’entreprise sont protégés contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement et l’arrestation, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur, notamment durant des situations d’urgence;

- répondre aux allégations des syndicats faisant état de licenciements, arrestations et actes de discrimination contre des représentants des travailleurs après la proclamation de l’état d’urgence.

La commission a demandé que le gouvernement fournisse, en réponse aux présentes conclusions, des informations détaillées à la commission d’experts, qui seront examinées à sa prochaine réunion en novembre 2017.

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des informations supplémentaires fournies par le gouvernement à la lumière de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). La commission a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement cette année, ainsi que sur la base des informations dont elle disposait en 2019.
Article 1 de la convention. Licenciement massif de fonctionnaires. La commission avait précédemment noté que, à la suite de la tentative de coup d’État de juillet 2016, un grand nombre de fonctionnaires, dont un nombre indéterminé de représentants syndicaux, avaient été licenciés sur la base de décrets d’urgence. Elle avait prié en conséquence, le gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs ne soient pas licenciés du fait de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ni de leur appartenance syndicale ou de leur participation à des activités syndicales, s’ils ont agi dans le respect des lois en vigueur. En cas d’allégation de participation d’un représentant des travailleurs à des activités illégales, la commission avait prié le gouvernement de veiller à ce que toutes les garanties de régularité de la procédure soient appliquées. La commission avait en outre prié le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de représentants syndicaux touchés par les licenciements et les suspensions fondés sur des décrets d’urgence. Elle avait pris note de la mise en place, pour une période de deux ans, d’une commission d’enquête ad hoc chargée d’examiner les licenciements fondés sur les décrets adoptés pendant l’état d’urgence et, à cet égard, elle avait noté avec préoccupation que la commission aurait à traiter un nombre très important de cas dans un laps de temps relativement court. Elle avait prié le gouvernement de veiller à ce qu’elle soit accessible à tous les représentants de travailleurs licenciés qui souhaitent la révision de la décision les concernant et qu’elle soit dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. Elle avait en outre prié le gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs licenciés ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature discriminatoire, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils établissent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs. Enfin, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de recours déposés par les représentants de travailleurs licenciés et traités par la commission d’enquête et les juridictions administratives, et d’indiquer les résultats de ces recours.
La commission avait pris note que le gouvernement indiquait dans son rapport de 2019 que le licenciement de fonctionnaires de la fonction publique, dont certains représentants syndicaux, à la suite de l’adoption de décrets d’urgence, était fondé sur leur appartenance, affiliation ou lien avec des organisations terroristes à la suite de la tentative de coup d’État de 2016. Après la tentative de coup d’État, le gouvernement a décrété l’état d’urgence et promulgué des décrets pour éliminer l’influence des organisations terroristes telles que le mouvement Gülen (FETÖ), le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ou (DAESH). Selon le gouvernement, ces organisations terroristes, en particulier celle qui a perpétré ladite tentative de coup d’État visant à renverser le gouvernement légitime démocratiquement élu en Turquie, s’étaient infiltrées au sein de la structure étatique des institutions et organismes gouvernementaux centraux et locaux, en particulier dans les forces armées, la police, les institutions judiciaires et éducatives. Le gouvernement réitérait en outre l’obligation des fonctionnaires, d’une part, d’exercer leurs fonctions dans le respect de la Constitution et des lois en vigueur en se conformant aux principes de neutralité et d’égalité et, d’autre part, de ne participer à aucun mouvement, groupe, organisation ou association qui se livre à des activités illégales ni de les aider. Il soulignait qu’être fonctionnaire, membre ou représentant d’un syndicat ou même responsable syndical ne garantit pas l’immunité contre des poursuites pour activités illégales. Le gouvernement expliquait en outre que les procédures de licenciement ou de suspension des fonctionnaires suspectés d’appartenir à des organisations terroristes ou des structures, entités ou groupes que le Conseil national de sécurité considère comme portant atteinte à la sécurité nationale de l’État, ou en liaison ou de concert avec elles, ont été menées conformément aux dispositions de la loi no 2935 sur l’état d’urgence, de la loi no 657 sur les fonctionnaires et des décrets ayant force de loi. Le gouvernement faisait référence à cet égard à la décision de la Cour constitutionnelle de Turquie dans une affaire portant sur la révocation de deux membres de la Cour: «Bien que la tentative de coup d’État ait, de fait, échoué, prendre des mesures pour éliminer les dangers qui pèsent sur l’ordre constitutionnel démocratique, les libertés et les droits fondamentaux et la sécurité nationale, et pour empêcher toute tentative future ne relève pas seulement de l’autorité de l’État, c’est aussi un devoir et une responsabilité envers les individus et la société qui ne peuvent être différés [...] dans certains cas, l’État peut ne pas être en mesure de faire disparaître les menaces à l’ordre constitutionnel démocratique, aux libertés et droits fondamentaux et à la sécurité nationale par la voie de procédures administratives ordinaires. En conséquence, il peut être nécessaire d’imposer des procédures administratives extraordinaires jusqu’à ce que ces menaces soient éliminées.»
Le gouvernement avait expliqué que la commission d’enquête a été créée pour veiller à ce que les personnes touchées par les décrets promulgués pendant l’état d’urgence bénéficient d’une procédure légale régulière. Les fonctionnaires licenciés directement par décret ayant force de loi pouvaient s’adresser à la commission d’enquête, et les requérants dont la demande était rejetée par la commission pouvaient saisir les juridictions administratives compétentes. Le gouvernement rappelait qu’un licenciement par décret ayant force de loi était une mesure appliquée uniquement pendant l’état d’urgence et que toutes les voies de recours judiciaires étaient disponibles pour contester les décisions de la commission d’enquête, y compris par le biais de la Cour constitutionnelle de Turquie et de la Cour européenne des droits de l’homme. Le mandat de la commission d’enquête est renouvelable d’un an après la période initiale de deux ans. Le fonctionnement de la commission se poursuivra donc jusqu’à ce qu’elle ait mené à bien l’intégralité de ses travaux. Tous les fonctionnaires licenciés, y compris les représentants syndicaux, ont le droit de saisir la commission d’enquête d’un recours en révision; la seule exception concerne les membres du corps judiciaire qui doivent saisir les organes désignés dans la loi et le décret pertinents. Les activités de la commission peuvent être suivies par la population grâce aux annonces qu’elle fait sur sa page Web. Le gouvernement avait souligné que la Commission a entrepris ses travaux sans autre intention que celle de protéger l’ordre constitutionnel démocratique, l’état de droit et les droits des personnes, et travaille de façon transparente, dans le respect des droits individuels. Pour le gouvernement, le respect d’une procédure légale régulière était assuré et tous les fonctionnaires licenciés ont eu accès à des voies de recours.
Par ailleurs, le gouvernement avait expliqué qu’à l’issue de l’examen, la commission d’enquête peut rejeter ou accepter la demande de recours en révision. En cas d’acceptation de la demande des personnes licenciées de la fonction publique ou d’une institution publique, la décision est notifiée à l’organisation ou à l’institution publique dans laquelle l’intéressé était affecté pour sa réintégration dans les 15 jours. En cas de rejet, le demandeur peut saisir les tribunaux administratifs compétents. En ce qui concerne la charge de la preuve, la commission d’enquête demande à l’institution compétente de lui fournir les documents et informations démontrant l’appartenance, l’affiliation ou le lien du demandeur avec une organisation terroriste. Si aucun document ou renseignement de ce genre n’est fourni et que le demandeur ne fait l’objet d’aucune enquête ni de poursuites, alors, la commission accepte la demande de réintégration. Les décisions de la commission sont communiquées à l’institution ou à l’organisation compétente, qui nomme ensuite la personne dont la réintégration a été prononcée. Le Conseil des juges et des procureurs peut former un recours en annulation devant le Tribunal administratif d’Ankara contre la décision de la commission et de l’institution ou organisation concernée dans un délai de soixante jours à compter de la date de notification de la décision. La commission note à cet égard que dans son rapport supplémentaire, le gouvernement indique que six tribunaux administratifs d’Ankara ont été désignés pour traiter les demandes d’annulation.
La commission note encore que dans son rapport supplémentaire, le gouvernement réitère qu’outre ses sept membres, la commission emploie 250 personnes au total, dont 80 juges, experts et inspecteurs faisant office de rapporteurs. Une infrastructure de traitement des données du processus de demande de recours a été établie et les informations relatives aux demandes émanant de 20 institutions et organismes y sont enregistrées. Le gouvernement indique par ailleurs qu’en tout 490 000 dossiers, y compris des dossiers du personnel, des dossiers judiciaires et des anciennes demandes, ont été classés, enregistrés et archivés.
Le gouvernement indique que 131 922 mesures ont été prises en vertu de décrets promulgués pendant l’état d’urgence, y compris le licenciement de 125 678 personnes. Au 2 octobre 2020, la commission s’était prononcée sur 110 250 demandes sur 126 200 reçues;16 050 demandes étaient encore en instance. Parmi les 110 250 demandes pour lesquelles une décision a été rendue, 12 680 ont été acceptées et ont donné lieu à une réintégration, alors que 97 750 ont été rejetées.
La commission rappelle que le gouvernement avait précédemment indiqué qu’il n’existait pas de données statistiques sur le nombre de représentants syndicaux concernés et le nombre de requêtes devant les tribunaux.
La commission rappelle que l’article 1 de la convention prescrit la protection effective des représentants des travailleurs contre un licenciement qui serait motivé par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Elle rappelle en outre qu’à cet égard elle avait demandé au gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs licenciés n’aient pas à assumer seuls la charge de prouver que les licenciements étaient de nature discriminatoire. Tout en prenant note des informations actualisées fournies par le gouvernement à cet égard, la commission le prie de nouveau de fournir des informations supplémentaires sur le traitement des cas dans lesquels les représentants des travailleurs affirment devant la commission d’enquête ou le Tribunal administratif qu’ils ont fait l’objet d’un licenciement motivé par leur activité ou leur affiliation syndicale. Elle note avec regret qu’aucune information statistique n’est disponible sur le nombre de représentants syndicaux touchés et le nombre de demandes soumises par eux devant la justice et souligne que ces informations sont essentielles pour qu’elle puisse évaluer si la protection des représentants de travailleurs conférée par la convention est effectivement garantie. Prenant note des informations détaillées et actualisées fournies par le gouvernement concernant le système de traitement des données mis en place aux fins de la commission d’enquête, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le système permette de fournir des informations sur le nombre de représentants syndicaux touchés. Elle le prie de nouveau de fournir ces informations et d’indiquer, en particulier, le nombre de représentants syndicaux réintégrés à la suite de la décision de la commission d’enquête et le nombre de recours en révision déposés auprès des tribunaux administratifs, ainsi que l’issue de ces recours.

Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), jointes au rapport du gouvernement.
Article 1 de la convention. Licenciement massif de fonctionnaires. La commission avait précédemment noté que, à la suite de la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, un grand nombre de fonctionnaires, dont un nombre indéterminé de représentants syndicaux, avaient été licenciés sur la base de décrets d’urgence. Elle avait prié en conséquence, le gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs ne soient pas licenciés du fait de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ni de leur appartenance syndicale ou de leur participation à des activités syndicales, s’ils ont agi dans le respect des lois en vigueur. En cas d’allégation de participation d’un représentant des travailleurs à des activités illégales, la commission avait prié le gouvernement de veiller à ce que toutes les garanties de régularité de la procédure soient appliquées. La commission avait en outre prié le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de représentants syndicaux touchés par les licenciements et les suspensions fondés sur des décrets d’urgence. Elle avait pris note de la mise en place, pour une période de deux ans, d’une commission d’enquête ad hoc chargée d’examiner les licenciements fondés sur les décrets adoptés pendant l’état d’urgence et, à cet égard, elle avait noté avec préoccupation que la commission aurait à traiter un nombre très important de cas dans un laps de temps relativement court. Elle avait prié le gouvernement de veiller à ce qu’elle soit accessible à tous les représentants de travailleurs licenciés qui souhaitent la révision de la décision les concernant et qu’elle soit dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. Elle avait en outre prié le gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs licenciés ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature discriminatoire, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils établissent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs. Enfin, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de recours déposés par les représentants de travailleurs licenciés et traités par la commission d’enquête et les juridictions administratives, et d’indiquer les résultats de ces recours.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le licenciement de fonctionnaires de la fonction publique, dont certains représentants syndicaux, à la suite de l’adoption de décrets d’urgence, est fondé sur leur appartenance, affiliation ou lien avec des organisations terroristes à la suite de la tentative de coup d’Etat de 2016. Elle rappelle que, après la tentative de coup d’Etat, le gouvernement a décrété l’état d’urgence et promulgué des décrets pour éliminer l’influence des organisations terroristes telles que le mouvement Gülen (FETÖ), le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou l’Etat islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ou (DAESH). Selon le gouvernement, ces organisations terroristes, en particulier celle qui a perpétré ladite tentative de coup d’Etat visant à renverser le gouvernement légitime démocratiquement élu en Turquie, se sont infiltrées au sein de la structure étatique des institutions et organismes gouvernementaux centraux et locaux, en particulier dans les forces armées, la police, les institutions judiciaires et éducatives. Le gouvernement réitère en outre que les fonctionnaires ont l’obligation, d’une part, d’exercer leurs fonctions dans le respect de la Constitution et des lois en vigueur en se conformant aux principes d’objectivité et d’égalité et, d’autre part, de ne participer à aucun mouvement, groupe, organisation ou association qui se livre à des activités illégales ni de les aider. Il souligne que le fait d’être fonctionnaire, membre ou représentant d’un syndicat ou même responsable syndical ne garantit pas l’immunité contre des poursuites pour activités illégales. Le gouvernement explique en outre que les procédures de licenciement ou de suspension des fonctionnaires qui sont présumés être membres d’organisations terroristes ou de structures, entités ou groupes que le Conseil national de sécurité considère comme portant atteinte à la sécurité nationale de l’Etat, ou en liaison ou de concert avec elles, sont menées conformément aux dispositions de la loi no 2935 sur l’état d’urgence, de la loi no 657 sur les fonctionnaires et des décrets ayant force de loi. Le gouvernement se réfère à cet égard au jugement de la Cour constitutionnelle de Turquie dans une affaire portant sur la révocation de deux membres de la Cour: «Bien que la tentative de coup d’Etat ait, de fait, échoué, prendre des mesures pour éliminer les dangers qui pèsent sur l’ordre constitutionnel démocratique, les libertés et les droits fondamentaux et la sécurité nationale, et pour empêcher toute tentative future ne relève pas seulement de l’autorité de l’Etat, c’est aussi un devoir et une responsabilité envers les individus et la société qui ne peuvent être différés [...] dans certains cas, l’Etat peut ne pas être en mesure de faire disparaître les menaces à l’ordre constitutionnel démocratique, aux libertés et droits fondamentaux et à la sécurité nationale par la voie de procédures administratives ordinaires. En conséquence, il peut être nécessaire d’imposer des procédures administratives extraordinaires jusqu’à ce que ces menaces soient éliminées.»
Le gouvernement explique que la commission d’enquête a été créée pour veiller à ce que les personnes touchées par les décrets promulgués pendant l’état d’urgence bénéficient d’une procédure légale régulière. Les fonctionnaires licenciés directement par décret ayant force de loi peuvent s’adresser à la commission d’enquête, et les requérants dont la demande est rejetée par la commission peuvent saisir les juridictions administratives compétentes. Le gouvernement rappelle qu’un licenciement par décret ayant force de loi est une mesure qui n’est appliquée que pendant l’état d’urgence et que toutes les voies de recours judiciaires sont disponibles pour contester les décisions de la commission d’enquête, y compris par le biais de la Cour constitutionnelle de Turquie et de la Cour européenne des droits de l’homme. Le mandat de la commission d’enquête est renouvelable d’un an après la période initiale de deux ans. Le fonctionnement de la commission se poursuivra donc jusqu’à ce qu’elle ait mené à bien l’intégralité de ses travaux. Tous les fonctionnaires licenciés, y compris les représentants syndicaux, ont le droit de saisir la commission d’enquête d’un recours en révision; la seule exception concerne les membres du corps judiciaire qui doivent saisir les organes désignés dans la loi et le décret pertinents. Les activités de la commission peuvent être suivies par la population grâce aux annonces qu’elle fait sur sa page Web. Outre ses sept membres, la commission emploie 250 personnes au total, dont 80 juges, experts et inspecteurs faisant office de rapporteurs. Une infrastructure de traitement des données du processus de demande de recours a été établie et toutes les informations sont enregistrées dans ce système. La commission examine les cas sur la base de documents fournis par les institutions publiques compétentes. Les décisions rendues par les autorités judiciaires font l’objet d’un suivi au moyen du système informatique judiciaire national (UYAP). A l’issue de l’examen, la commission d’enquête peut rejeter ou accepter la demande de recours en révision.
En cas d’acceptation de la demande des personnes licenciées de la fonction publique ou d’une institution publique, la décision est notifiée à l’organisation ou à l’institution publique dans laquelle l’intéressé était employé en dernier lieu pour sa réintégration dans les 15 jours. En cas de rejet, le demandeur peut saisir les tribunaux administratifs compétents. En ce qui concerne la charge de la preuve, la commission d’enquête demande à l’institution compétente de lui fournir les documents et informations démontrant l’appartenance, l’affiliation ou le lien du demandeur avec une organisation terroriste. Si aucun document ou renseignement de ce genre n’est fourni et que le demandeur ne fait l’objet d’aucune enquête ni de poursuites, alors, la commission accepte la demande de réintégration. Les décisions de la commission sont communiquées à l’institution ou à l’organisation compétente, qui nomme ensuite la personne dont la réintégration a été prononcée. Le Conseil des juges et des procureurs peut former un recours en annulation devant le Tribunal administratif d’Ankara contre la décision de la commission et de l’institution ou organisation concernée dans un délai de soixante jours à compter de la date de notification de la décision.
Le gouvernement indique que la commission rend quelque 1 200 décisions individuelles motivées par semaine. Il indique que 131 922 mesures ont été prises en vertu de décrets promulgués pendant l’état d’urgence, y compris le licenciement de 125 678 fonctionnaires. Au 29 août 2019, la commission s’était prononcée sur 84 300 demandes sur 126 200 reçues. Parmi les 84 300 demandes examinées, 77 600 ont été rejetées. A l’heure actuelle, 41 900 demandes sont encore en instance. Le gouvernement fait remarquer que 6 700 personnes ont été réintégrées. Le gouvernement indique qu’il n’existe pas de données statistiques sur le nombre de représentants syndicaux concernés et le nombre de requêtes devant les tribunaux. Le gouvernement souligne que la commission entreprend son travail dans le seul but de protéger l’ordre constitutionnel démocratique, la primauté du droit et les droits des individus et qu’elle travaille de façon transparente et dans le respect des droits des citoyens. Selon le gouvernement, le respect de la légalité est assuré et tous les fonctionnaires licenciés ont accès à des voies de recours légales.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement. Elle rappelle que l’article 1 de la convention prescrit la protection effective des représentants des travailleurs contre un licenciement qui serait motivé par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Elle rappelle en outre qu’à cet égard elle avait demandé au gouvernement de veiller à ce que les représentants des travailleurs licenciés n’aient pas à assumer seuls la charge de prouver que les licenciements étaient de nature discriminatoire. Tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement à cet égard, la commission le prie de fournir des informations complémentaires sur le traitement des cas dans lesquels les représentants des travailleurs affirment devant la commission d’enquête ou le Tribunal administratif qu’ils ont fait l’objet d’un licenciement motivé par leur activité ou leur affiliation syndicale. Elle note avec regret qu’aucune information statistique n’est disponible sur le nombre de représentants syndicaux touchés et le nombre de demandes soumises par eux devant la justice et souligne que ces informations sont essentielles pour qu’elle puisse évaluer si la protection des représentants de travailleurs conférée par la convention est effective. Prenant note des informations détaillées fournies par le gouvernement concernant le système de traitement des données mis en place aux fins de la commission d’enquête, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le système permette de fournir des informations sur le nombre de représentants syndicaux touchés. Elle le prie de nouveau de fournir ces informations et d’indiquer, en particulier, le nombre de représentants syndicaux réintégrés à la suite de la décision de la commission d’enquête et le nombre de recours en révision déposés auprès des tribunaux administratifs, ainsi que l’issue de ces recours.

Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et du rapport de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) qui les accompagne, reçues le 1er septembre 2017, concernant des questions examinées par la commission dans la présente observation, et de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) et de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 31 août 2017, ainsi que des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (Memur-Sen) et de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye Kamu-Sen), communiquées avec le rapport du gouvernement. La commission prend dûment note de la réponse détaillée du gouvernement aux observations de la KESK et de la TÜRK-İŞ de 2016 et des observations de la TÜRK-İŞ transmises avec le rapport du gouvernement.

Suite donnée aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 106e session, juin 2017)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu devant la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2017, à propos de l’application de la convention par la Turquie. Elle prend note en particulier des conclusions de la Commission de la Conférence dans lesquelles elle a prié le gouvernement de garantir que les représentants des travailleurs dans l’entreprise sont protégés contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement et l’arrestation, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur, notamment durant des situations d’urgence; de répondre aux allégations des syndicats faisant état de licenciements, arrestations et actes de discrimination contre des représentants des travailleurs après la proclamation de l’état d’urgence; et de fournir, en réponse à ces conclusions, des informations détaillées à la commission d’experts pour sa prochaine réunion en novembre 2017.
Article 1 de la convention. Licenciement massif de fonctionnaires. La commission note que, pendant les discussions de la Commission de la Conférence, les membres travailleurs ont fait état du licenciement et de l’interdiction d’exercer dans le service public de plus de 100 000 employés par voie de décrets d’urgence. Ils ont indiqué que des responsables syndicaux d’institutions publiques font systématiquement l’objet d’allégations entraînant leur suspension ou leur licenciement; que les motifs de licenciement sont toujours d’ordre général, mettant en avant l’appartenance, les liens ou la communication avec une organisation terroriste, sans que soient apportées des justifications individualisées ou des preuves ou que la personne concernée ait la moindre possibilité de se défendre. La commission prend note en outre des observations de la Türkiye Kamu-Sen indiquant que 48 représentants et 37 administrateurs de ses organisations affiliées ont été licenciés en application de décrets d’urgence.
La commission note que le gouvernement indique que l’état d’urgence a été proclamé par le Conseil des ministres et approuvé par le Parlement le 21 juillet 2016, après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet. Le gouvernement invoque le devoir de loyauté des fonctionnaires, et précise que le licenciement et la suspension de fonctionnaires, considérés être en rapport avec des organisations et structures, entités ou groupes terroristes œuvrant contre la sécurité nationale, se sont faits dans le respect de la loi et des décrets ayant force de loi. Le gouvernement souligne que, vu que la tentative de coup d’Etat présentait une menace grave et réelle pour l’ordre constitutionnel démocratique et pour la sécurité nationale, des mesures extraordinaires s’imposaient pour éliminer d’urgence cette menace. S’agissant des mécanismes de réexamen que les fonctionnaires licenciés ont à leur disposition, la commission note que le gouvernement indique que la Commission de révision des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence a été créée en application du décret no 685 du 2 janvier 2017 pour réexaminer les décisions prises dans le contexte de l’état d’urgence. Cette commission réexaminera les licenciements de fonctionnaires qui prétendent être victimes d’un licenciement abusif par un décret ayant force de loi. Ceux qui ont été licenciés avant le 17 juillet 2017 – date à laquelle la commission a commencé à recevoir des recours – pouvaient la saisir jusqu’au 14 septembre, et les fonctionnaires licenciés après le 17 juillet ont un délai de soixante jours après leur licenciement pour déposer un recours. Les décisions de la commission peuvent faire l’objet de recours en justice devant les juridictions administratives compétentes d’Ankara et, en dernier ressort, devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le gouvernement ajoute que les fonctionnaires qui ont été licenciés sur décision administrative d’organisations ou institutions publiques peuvent se pourvoir devant les juridictions administratives. La commission note que le gouvernement indique que 35 000 cas de licenciement et de suspension ont été révisés ou levés à la suite d’enquêtes, mais sans préciser quels mécanismes de réexamen ont été mis en œuvre. La commission prend également note des indications figurant dans les rapports de la DİSK et d’Amnesty International, transmis par la CSI, à propos de la capacité et des ressources de la Commission de révision des mesures d’urgence de l’Etat. Elle relève en particulier que la commission compte sept membres pour un mandat de deux ans et que, pour traiter tous les dossiers qui lui sont soumis dans le délai qui lui est imparti, elle devra prendre des centaines de décisions par jour.
La commission note que beaucoup de travailleurs du secteur public, y compris des représentants syndicaux dont le nombre n’est pas connu, ont été licenciés sur la base des décrets d’urgence publiés en juillet, août et septembre 2016. Alors que certains de ces fonctionnaires ont été licenciés ou suspendus par décisions administratives soumises à révision par la juridiction administrative, beaucoup d’autres ont été licenciés directement du fait de la publication de leurs noms dans des listes jointes aux décrets sur l’état d’urgence. Les licenciements de ce deuxième groupe n’étaient pas susceptibles de révision devant les tribunaux et aucun mécanisme n’existait dans leur cas, jusqu’à ce que soit mise en place une Commission de révision ad hoc qui a commencé à recevoir des demandes en juillet 2017. La commission rappelle que l’article 1 de la convention prévoit que les représentants des travailleurs doivent bénéficier d’une protection efficace contre les licenciements qui seraient motivés par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Elle rappelle en outre que le paragraphe 6 de la recommandation (nº 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, énumère les mesures pouvant être prises pour assurer cette protection efficace, notamment une procédure spéciale de recours ouverte aux représentants des travailleurs qui estimeraient que leur licenciement était injustifié, et une réparation efficace pour les licenciements injustifiés. La commission rappelle qu’aucune disposition de la convention ne permet d’invoquer un état d’urgence pour justifier des dérogations aux obligations qui en découlent, et que des circonstances telles qu’une tentative de coup d’Etat ne justifient pas une violation du droit des représentants des travailleurs de bénéficier d’une protection efficace contre des actes qui leur sont préjudiciables, y compris le licenciement, sur la base de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ou de leur appartenance à un syndicat ou encore de leur participation à ses activités. Toutefois, dans des situations d’une extrême gravité, certaines garanties peuvent être temporairement suspendues à la condition que toutes mesures affectant l’application de la convention soient limitées, dans leur champ d’application comme dans leur durée, à ce qui est nécessaire pour remédier à la situation en question. Une fois l’urgence grave disparue, les mesures prises en application de l’état d’urgence doivent être immédiatement levées. La commission note que les fonctionnaires licenciés, y compris les représentants syndicaux, ont été définitivement exclus du service public, et que ceux qui ont été licenciés de par la mention de leurs noms dans les listes annexées aux décrets, n’ont eu accès, au départ, à aucun moyen de défense ni mécanisme de révision. Tout en notant que la situation en Turquie qui a suivi la tentative de coup d’Etat était une situation de crise nationale aiguë, la commission considère que, en l’absence de garantie minimale d’une procédure équitable pour les représentants des travailleurs sanctionnés et de la déchéance du droit d’accès dans la fonction publique, les décrets susvisés ne permettent manifestement pas d’assurer, comme le requiert la convention, que les licenciements des représentants des travailleurs n’ont pas été décidés en raison de leurs fonctions de représentants ou activités liés ou en raison de leur appartenance syndicale ou de la participation à des activités syndicales. La commission note que le gouvernement a créé une commission spéciale compétente pour examiner les licenciements directement fondés sur les décrets d’urgence qui devra traiter tous les cas en deux voire trois années, période pendant laquelle les syndicalistes renvoyés demeureront privés de leur emploi et du droit d’accès à la fonction publique. Bien que la commission note que le caractère sensible de certaines fonctions de l’administration publique, comme les services de renseignement et les forces armées, puisse justifier des mesures plus draconiennes à titre d’urgence, elle considère que, s’agissant d’autres branches de l’administration publique, des mesures doivent être prises pour assurer des garanties minimales de régularité de la procédure. Tout en notant dûment que la Turquie était en situation de crise nationale aiguë à la suite de la tentative de coup d’Etat, compte tenu de la reconduction de l’état d’urgence pour la cinquième fois le 16 octobre 2017, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que des représentants des travailleurs ne soient pas licenciés en raison de leur statut ou de leurs activités en tant que représentants des travailleurs ou de leur appartenance à un syndicat ou de leur participation à ses activités, pour autant qu’ils agissent conformément à la législation en vigueur. En cas de motifs permettant de croire qu’un représentant des travailleurs a pris part à des activités illégales, la commission prie le gouvernement de veiller à ce que toutes les garanties de régularité de la procédure soient totalement appliquées. La commission prie en outre le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de représentants syndicaux affectés par les licenciements ou suspensions fondés sur les décrets d’urgence.
En ce qui concerne la Commission de révision des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, la commission note avec préoccupation qu’elle devra traiter un nombre de cas très important en deux ans, ce qui constitue un laps de temps relativement court. Rappelant que le respect de l’article 1 de la convention implique que les représentants de travailleurs qui considèrent avoir fait l’objet d’un licenciement injustifié aient accès à des procédures de recours effectives, la commission prie le gouvernement d’assurer que la commission de révision est accessible à tous les représentants de travailleurs licenciés qui demandent un examen et qu’elle est dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener à bien le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. La commission prie en outre le gouvernement de veiller à ce que les représentants de travailleurs ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature discriminatoire, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils prouvent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations statistiques sur le nombre de recours déposés par les représentants de travailleurs licenciés et traités par la commission de révision et les juridictions administratives, et d’indiquer les résultats de ces recours.
Arrestations de représentants syndicaux. La commission prend note des allégations d’arrestations de représentants syndicaux, avant comme après la tentative de coup d’Etat, faites par les membres des travailleurs dans leurs déclarations devant la Commission de la Conférence, ainsi que dans les dernières observations en date de la CSI. Elle observe que ces allégations relèvent davantage de l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et elle les examinera dans ses commentaires sur l’application de cette convention, en 2018.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2019.]

Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

La commission prend note des observations sur l’application de la convention soumises par la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) et la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues en janvier 2016 et transmises avec le rapport du gouvernement. Elle note les nombreuses allégations de violation de la convention dans la pratique formulées par la KESK – qui se réfèrent en particulier à des cas de licenciement, de transferts et de mesures disciplinaires, ainsi qu’à des cas de refus d’accès des représentants des travailleurs à des locaux et note avec regret l’absence de toute réponse dans le rapport du gouvernement à cet égard. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires sur les observations de la TÜRK İŞ et de la KESK.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Articles 1 et 3 b) de la convention. La commission prend note des informations fournies dans le rapport du gouvernement. Dans ses derniers commentaires, la commission avait demandé au gouvernement d’indiquer si les représentants élus des travailleurs sont protégés contre la discrimination fondée sur leurs activités par la disposition applicable aux délégués du personnel. La commission rappelle que le gouvernement s’était référéà la nouvelle loi no 4773, aux termes de laquelle les représentants des travailleurs bénéficient de la même protection que celle que la loi sur le travail prévoit pour les délégués du personnel.

La commission note que le gouvernement a transmis copie de la loi no 4773 et que celle-ci modifie l’ancien Code du travail en introduisant des dispositions aux termes desquelles les travailleurs ne peuvent être licenciés que sur la base de motifs valables. La commission note qu’aux termes de l’article 13A de la loi no 4773, les activités menées par les représentants des travailleurs ne peuvent constituer un motif valable de licenciement. Par ailleurs, la commission note que l’ancien Code du travail, dans sa teneur modifiée par la loi no 4773, a été abrogé par le nouveau Code du travail no 4857, promulgué le 10 octobre 2003. La commission prend dûment note des commentaires du gouvernement selon lesquels les dispositions précédentes concernant la cessation d’un contrat d’emploi, prévues dans la loi no 4773, ont été incluses dans les articles 18 à 21 du nouveau Code du travail. Néanmoins, la commission note que l’article 18 de la nouvelle loi sur le travail protège les représentants syndicaux du licenciement pour motif antisyndical mais ne se réfère plus aux représentants des travailleurs. La commission demande donc au gouvernement d’indiquer quelles sont les dispositions législatives qui assurent actuellement la protection des représentants élus des travailleurs contre la discrimination et de transmettre copie de tout texte pertinent à ce sujet.

Enfin, la commission se réfère à ses commentaires formulés au titre de la convention no 98 par rapport à la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et en particulier ceux relatifs aux sanctions dissuasives.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note des commentaires de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK) et de la Confédération des syndicats d’ouvriers de Turquie (TÜRK-IŞ) à propos de l’application de la convention.

Dans son commentaire précédent, la commission avait demandé au gouvernement d’indiquer si les représentants élus des travailleurs sont protégés, par la disposition applicable aux délégués syndicaux, contre la discrimination fondée sur leurs activités. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que la loi no 4773, qui modifie la loi sur le travail, la loi sur les syndicats et la loi sur les relations professionnelles dans le secteur de la presse, a été adoptée le 8 septembre 2002. Cette loi, qui entrera en vigueur le 15 mars 2003, prévoit l’institution de représentants des travailleurs par l’ajout d’un article provisoire (art. 13 provisoire) à la loi no 1475 sur le travail, lequel dispose que les représentants des travailleurs jouiront de la même protection que celle que la loi sur le travail prévoit pour les délégués syndicaux.

La commission prend note de cette information et demande au gouvernement de transmettre copie de la nouvelle loi en question, ainsi que des informations détaillées.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

La commission prend note des informations fournies dans le rapport du gouvernement, ainsi que des commentaires formulés par la Confédération turque des associations d'employeurs et par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS).

La commission, suite à ses précédents commentaires sur les représentants élus des travailleurs, note l'indication du gouvernement selon laquelle, sous certaines conditions, lorsqu'il n'y a pas de représentant syndical, les travailleurs librement élus sont reconnus comme délégués du personnel et deviennent membres de certains comités, aux fins des réglementations pertinentes, dont des exemples sont fournis. La commission demande au gouvernement d'indiquer si ces représentants élus des travailleurs sont protégés contre la discrimination fondée sur leurs activités par la disposition applicable aux délégués syndicaux.

En ce qui concerne les commentaires de la TURK-IS en rapport avec la protection des représentants syndicaux des travailleurs du secteur public, la commission renvoie à nouveau à ses commentaires au titre de la convention no 151.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

La commission prend note des informations fournies dans le premier rapport du gouvernement, ainsi que des commentaires formulés par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) et par la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK). Elle prend note également des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1810 et 1830 (303e rapport du comité, adopté par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)).

La commission note que la loi no 2821 concernant les syndicats protège les délégués du personnel désignés par le syndicat autorisé à négocier collectivement et les représentants syndicaux contre divers types de discrimination antisyndicale. Elle note également que, selon des commentaires de la TURK-IS, lorsque l'habilitation à négocier collectivement n'a pas été attribuée, les représentants des travailleurs choisis parmi les travailleurs eux-mêmes ne sont pas protégés. Elle rappelle à cet égard que l'article 3 b) de la convention définit les représentants des travailleurs comme étant des personnes reconnues comme telles par la législation ou la pratique nationales, ces personnes pouvant être des représentants librement élus par les travailleurs de l'entreprise, conformément aux dispositions de la législation nationale ou de conventions collectives, et dont les fonctions ne s'étendent pas à des activités qui sont reconnues, dans le pays intéressé, comme relevant des prérogatives exclusives des syndicats. Le gouvernement est prié d'indiquer s'il existe de tels représentants des travailleurs au sens de ce terme et, dans l'affirmative, de quelle manière ils sont protégés contre les mesures qui pourraient leur porter préjudice et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, selon ce que prévoit l'article 1 de la convention.

En ce qui concerne les commentaires de la TURK-IS, selon lesquels les représentants des travailleurs des syndicats du secteur public ne bénéficient pas de la protection prévue à l'article 1 de la convention, la commission invite le gouvernement à se reporter à ses commentaires au titre de la convention no 151.

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