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- 110. Par une lettre en date du 2 septembre 1962, les Associations des chauffeurs et des receveurs d'autobus du Pirée ont déposé devant l'O.I.T une plainte conjointe contenant des allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte à l'exercice des droits syndicaux en Grèce. Les plaignants ont en outre fourni des informations complémentaires à l'appui de leur plainte par une communication en date du 19 octobre 1962. De son côté, la Fédération syndicale mondiale a déposé une plainte portant sur les mêmes faits, contenue dans une communication datée du 24 octobre 1962. Les trois communications susmentionnées ayant été transmises au gouvernement hellénique, celui-ci a présenté ses observations à leur sujet par une lettre en date du 12 novembre 1962.
- 111. La Grèce a ratifié la convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (no 87), ainsi que la convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (no 98).
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 112. Les allégations formulées par les plaignants peuvent être résumées comme suit. En vertu de l'article 17 du décret législatif no 3990, de 1959, l'embauche et la révocation des chauffeurs et des receveurs d'autobus sont confiées à des commissions de recrutement dont les décisions sont définitives et sans appel. Le recrutement ou le maintien en fonction de ces catégories de travailleurs est subordonné à l'octroi d'un « certificat de convictions sociales », obtenu grâce à la signature par les intéressés d'une déclaration de loyauté établie en vertu de l'article 4, paragraphe 3, de la loi obligatoire no 516, de 1948.
- 113. Les plaignants allèguent que, par le jeu de ces dispositions et de cette procédure, les employeurs et le gouvernement exerceraient une action conjointe visant à décapiter les syndicats des chauffeurs et des receveurs d'autobus. A l'appui de leur thèse, les plaignants invoquent le fait que, le 1er septembre 1962, l'administration de la Caisse commune des recettes des autobus (K.T.E.L.) - organisme de droit public qui groupe à la fois, dans les transports urbains, les employeurs et le personnel des autobus - aurait obtenu de la commission de recrutement, sous le prétexte d'« activités antinationales » et en application de la loi obligatoire no 516, de 1948, la révocation de quarante-sept receveurs (les plaignants mentionnent nommément vingt-huit d'entre eux), pour la plupart dirigeants ou cadres de l'Association des receveurs d'autobus du Pirée.
- 114. Les plaignants précisent que ces licenciements seraient intervenus à la suite de quatre arrêts du travail, de deux heures chacun, réalisés sous la direction de l'Association des receveurs d'autobus du Pirée les 17 et 27 août 1962 pour protester contre la réduction des suppléments de salaire accordés pour les enfants à charge et contre le non-paiement des salaires dus aux travailleurs par l'administration du K.T.E.L.
- 115. En conclusion, les plaignants réclament la réintégration immédiate des dirigeants et militants de l'Association des receveurs d'autobus du Pirée qui ont été révoqués, l'abolition de la loi obligatoire « antidémocratique » no 516, de 1948, et la suppression de la déclaration de loyauté exigée en vertu de cette loi, enfin, la suppression des commissions de recrutement du personnel des autobus.
- 116. Dans sa réponse en date du 12 novembre 1962, le gouvernement hellénique rappelle qu'à l'occasion d'une autre affaire dont le Comité avait été saisi, il lui avait été donné de fournir toutes les explications nécessaires quant aux motifs à l'origine de l'adoption des dispositions du décret législatif no 3990, de 1959, et quant à la procédure, au fonctionnement et à la composition des commissions de recrutement. En conséquence, il renvoie auxdites explications, estimant n'avoir rien à y ajouter.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 117. Le Comité a déjà eu, en effet, à connaître d'une plainte, qui émanait d'ailleurs des mêmes organisations syndicales grecques que dans le cas présent et qui, hormis les personnes révoquées, qui sont nouvelles, portait sur des faits analogues et mettait en cause les mêmes principes.
- 118. A l'occasion de ce cas antérieur, le Comité, après avoir examiné les allégations formulées ainsi que les observations présentées à leur sujet par le gouvernement, avait estimé qu'il ressortait du texte du décret législatif no 3990, de 1959, et des explications fournies par le gouvernement que le système de recrutement en vigueur pour le personnel des transports urbains paraissait offrir des garanties propres à assurer que ce recrutement s'effectuait dans des conditions satisfaisantes; il avait relevé notamment que les critères sur lesquels se fondent les commissions de recrutement pour prendre leurs décisions semblaient ne pas devoir prêter à critique et, en ce qui concerne la composition desdites commissions, que les employeurs et les travailleurs étaient traités sur un pied de complète égalité, leurs représentants étant les uns et les autres désignés par les autorités.
- 119. Sur ce dernier point, toutefois, le Comité avait jugé bon d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'il importait - lors de la désignation par les autorités des membres tant employeurs que travailleurs des commissions de recrutement du K.T.E.L. - que le choix porte sur des personnes représentatives, d'une part, des employeurs et, d'autre part, des travailleurs, et acceptées en tant que telles par les employeurs et les travailleurs, et que ces personnes soient par conséquent nommées après consultation des employeurs et des travailleurs intéressés ou de leurs organisations.
- 120. Dans le cas présent, les éléments de l'affaire n'ayant à cet égard pas changé, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur ce point.
- 121. En ce qui concerne les quarante-sept personnes qui auraient été licenciées, le Comité note que, parmi les vingt-huit travailleurs mentionnés nommément par les plaignants, dix-neuf tout au moins, dont ces derniers précisent le titre et la fonction, se trouvent être des dirigeants syndicaux.
- 122. Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité a souligné qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale veut que les travailleurs bénéficient d'une protection adéquate contre tous les actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le Comité précisait qu'une des manières d'assurer cette protection est de prévoir que ces délégués ne peuvent être licenciés ni dans l'exercice de leurs fonctions ni pendant un laps de temps suivant la fin de leur mandat, sauf évidemment en cas de faute grave. Le Comité avait en outre estimé que la garantie de semblable protection dans le cas des dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs Ont le droit d'élire librement leurs représentants
- 123. Etant donné l'importance qu'il convient d'attacher aux principes mentionnés ci-dessus, le Comité, notant que, dans sa réponse, le gouvernement s'abstient de présenter aucune observation au sujet des cas précis de licenciement mentionnés par les plaignants, recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir indiquer si les personnes citées dans la plainte Ont bien été révoquées et, dans l'affirmative, de préciser les motifs exacts de la mesure ainsi prise contre elles.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 124. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer de nouveau l'attention du gouvernement sur le fait qu'il importe - lors de la désignation par les autorités des membres tant employeurs que travailleurs des commissions de recrutement du K.T.E.L. - que le choix porte sur des personnes représentatives, d'une part, des employeurs et, d'autre part, des travailleurs et acceptées en tant que telles par les employeurs et les travailleurs, et que ces personnes soient par conséquent nommées après consultation des employeurs et des travailleurs intéressés ou de leurs organisations;
- b) de demander au gouvernement de bien vouloir indiquer si les personnes qui sont citées nommément par les plaignants et dont plusieurs seraient dirigeants syndicaux, ont bien été révoquées et, dans l'affirmative, de préciser les motifs exacts de la mesure ainsi prise contre ces personnes;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées à l'alinéa b) ci-dessus.
- Genève, le 25 février 1963. (Signé) Roberto AGO, président.