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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 294, Juin 1994

Cas no 1701 (Egypte) - Date de la plainte: 06-MARS -93 - Clos

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  1. 303. Dans des communications datées des 6 et 10 mars 1993, le Syndicat égyptien des ingénieurs (ESE) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Egypte.
  2. 304. Dans une communication du 23 mai 1993, le gouvernement avait demandé le retrait de la plainte. Le Bureau avait alors indiqué au gouvernement, par une lettre datée du 17 juin 1993, que la demande de retrait d'une plainte doit être formulée par l'organisation plaignante qui avait soumis et signé la plainte. Dans une communication du 14 septembre 1993, le gouvernement avait fait parvenir une lettre du Syndicat égyptien des ingénieurs, datée du 11 septembre 1993 et signée par son président, M. Hasaballah Mohammad Al Kafrawi, demandant que soit procédé au retrait de la plainte. Dans sa communication, le gouvernement avait ajouté qu'il n'était plus nécessaire, étant donné la demande de retrait de la plainte, de fournir ses observations quant au fond de ce cas.
  3. 305. Lors de sa réunion de novembre 1993, le comité a examiné la demande de retrait de plainte signée du président du ESE et datée du 11 septembre 1993. Dans sa communication, le président de ce syndicat expliquait que le signataire de la plainte, M. Mohammad Ali Beshr, secrétaire général du ESE, avait intenté un recours en inconstitutionnalité de la loi no 100 sur les garanties démocratiques dans les syndicats, objet de la plainte, mais que le tribunal administratif avait rejeté le recours. Dans ces conditions, le président du ESE demandait qu'il soit procédé au retrait de la plainte. Le comité a considéré que les motifs donnés au retrait de la plainte ne lui permettaient pas de renoncer à l'examen du cas quant au fond et il a donc demandé au gouvernement de fournir ses observations sur le fond de l'affaire. (Voir 291e rapport du comité, paragr. 11, approuvé par le Conseil d'administration à sa 258e session (novembre 1993).) Dans une communication datée du 28 février 1994, le gouvernement a fait parvenir une réponse aux allégations.
  4. 306. L'Egypte a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 307. Dans ses communications datées des 6 et 10 mars 1993, le Syndicat égyptien des ingénieurs (ESE) allègue que la loi no 100 sur les garanties démocratiques dans les syndicats professionnels, adoptée le 17 février 1993, porte atteinte aux principes de la liberté syndicale en ce qu'elle contient des restrictions au droit des syndicats d'élire librement leurs représentants, garanti par la convention no 87.
  2. 308. L'organisation plaignante soutient plus concrètement que les violations de la liberté syndicale sont contenues dans les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la loi du 17 février 1993 qui imposent aux syndicats des obligations quant à la procédure d'élection de leurs dirigeants. Elle explique qu'en vertu de ces articles il est nécessaire, aux fins de la validation des élections des représentants syndicaux, d'obtenir au sein de l'assemblée générale un quorum de 50 pour cent des membres syndicaux enregistrés lors d'une première réunion et un tiers de ces membres lors d'une deuxième réunion. Au cas où ces quorums ne sont pas atteints, le syndicat est dirigé par un comité provisoire, composé de juges, qui convoquera des réunions de l'assemblée générale dans le but d'obtenir le quorum nécessaire pour l'élection des dirigeants. Selon l'organisation plaignante, ces dispositions comportent le risque qu'un comité d'ordre judiciaire contrôle les activités syndicales de façon temporaire, voire même permanente.
  3. 309. L'organisation plaignante indique également que, suite à l'adoption de la loi, 21 syndicats comptant plus de 3 millions de travailleurs (médecins, ingénieurs, avocats, scientifiques, journalistes, etc.) ont tenté à plusieurs reprises d'obtenir de la part du gouvernement une modification de la loi pour la mettre en conformité avec les obligations internationales de l'Egypte. C'est ainsi qu'ont été organisées des grèves, des occupations des locaux, des manifestations devant le Parlement et la sensibilisation des médias.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 310. Dans sa communication du 28 février 1994, le gouvernement explique que la loi no 100 sur les garanties démocratiques dans les syndicats professionnels a été adoptée conformément aux principes et normes de l'Organisation internationale du Travail en matière de liberté syndicale, et qu'elle vise à sauvegarder les droits démocratiques des organisations professionnelles. Le gouvernement affirme qu'il honorera toujours ses obligations en tant qu'Etat Membre de l'OIT.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 311. Le comité observe que la présente plainte concerne l'incompatibilité alléguée de certaines dispositions de la loi no 100 sur les garanties démocratiques dans les syndicats professionnels, adoptée le 17 février 1993, avec les principes de la liberté syndicale, et plus particulièrement avec le droit des organisations syndicales d'élire librement leurs représentants, garanti par la convention no 87. Le comité note que l'organisation plaignante allègue plus concrètement que les atteintes aux principes de la liberté syndicale sont contenues aux articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la loi no 100.
  2. 312. Pour ce qui est de l'article 2 de la loi, le comité observe qu'il prévoit que les élections aux comités exécutifs des syndicats professionnels ne sont valables que si la moitié au moins des inscrits prend part au vote, le tiers en cas de second tour. En ce qui concerne l'article 3, le comité note qu'il dispose qu'à défaut d'une élection, conformément à l'article 2, l'exécutif de l'organisation est confié à un comité provisoire, composé de juges et chargé d'organiser de nouvelles élections dans les six mois.
  3. 313. Le comité relève également que les articles 4 et 5 contiennent des dispositions relatives, respectivement, à la procédure à suivre lorsqu'une fonction syndicale devient vacante avant l'expiration de la durée du mandat et à la façon dont les assemblées générales convoquées en vue d'une élection doivent être annoncées. Pour ce qui est de l'article 6, le comité note qu'il prévoit que les élections sont supervisées par une commission judiciaire composée uniquement de juges. Enfin, le comité observe qu'en vertu de l'article 7 la participation au vote est une obligation légale et que tout adhérent qui n'aura pas voté sans excuse valable devra payer deux fois le montant de la cotisation syndicale de l'année suivante.
  4. 314. Le comité souhaite tout d'abord rappeler le principe fondamental en vertu duquel le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu'elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s'abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l'exercice. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 295.) Il ne fait aucun doute que, dans l'esprit de l'article 3 de la convention no 87, la réglementation des procédures et modalités d'élection des dirigeants syndicaux relève en priorité des statuts syndicaux.
  5. 315. Cela dit, il convient de rappeler que le comité a estimé admissible l'existence de dispositions visant à promouvoir les principes démocratiques au sein des organisations syndicales. (Voir, par exemple, 259e rapport du comité, cas no 1403 (Uruguay), paragr. 74.) Compte tenu des circonstances particulières du présent cas, le comité considère que, dès lors que les dispositions législatives visent à préserver le libre choix des travailleurs, les dispositions relatives aux quorums nécessaires (art. 2), à la procédure à suivre lorsqu'une fonction syndicale devient vacante avant l'expiration de la durée du mandat (art. 4) et à la façon dont les assemblées générales convoquées en vue d'une élection doivent être annoncées (art. 5) ne sont pas nécessairement de nature à permettre un contrôle indû par les autorités sur les élections. Le comité reste cependant d'avis qu'il est en général préférable que ces questions soient traitées par les statuts des syndicats.
  6. 316. S'agissant de la supervision des élections par une commission judiciaire (art. 6), le comité est également d'avis qu'il n'y a pas atteinte aux principes de la liberté syndicale étant donné qu'il a toujours admis que le contrôle des élections devrait en dernière instance appartenir aux autorités judiciaires. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 296.) Dans le même ordre d'idées, le comité est d'avis que l'article 3 de la loi, qui confie à un comité provisoire l'exécutif de l'organisation au cas où les quorums nécessaires ne sont pas atteints, ne constitue pas non plus une violation des droits syndicaux des organisations en raison des garanties prévues dans ce même article en vertu desquelles la commission de supervision est présidée par un juge et uniquement chargée d'organiser de nouvelles élections.
  7. 317. En ce qui concerne la participation au vote qui est désormais une obligation légale pour les membres de l'organisation, le comité rappelle qu'il est d'avis qu'une loi qui condamne à des amendes les travailleurs qui ne participent pas aux élections de dirigeants syndicaux n'est pas en harmonie avec les dispositions de la convention no 87. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 318.) Le comité estime que cette question devrait être laissée aux statuts des syndicats.
  8. 318. Enfin, d'une manière générale, le comité souligne qu'il estime, tout comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations l'a indiqué dans son étude d'ensemble de 1994 (voir Liberté syndicale et négociation collective, paragr. 114 et 115), que le critère qui doit être appliqué dans ce domaine est le risque d'ingérence arbitraire des autorités dans la procédure électorale des organisations de travailleurs ou d'employeurs. De l'avis du comité, ce critère ne peut être pleinement évalué qu'en examinant la manière dont la loi est appliquée en pratique. Le comité demande donc au gouvernement de le tenir informé sur ce point, et notamment sur les problèmes d'application qui seraient soulevés par les organisations syndicales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 319. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité rappelle qu'il est en général préférable que les modalités des élections syndicales soient fixées par les statuts des organisations plutôt que par la loi.
    • b) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur l'application pratique de la loi, et notamment sur les problèmes d'application qui seraient soulevés par les organisations syndicales.
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