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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 336, Mars 2005

Cas no 2324 (Canada) - Date de la plainte: 06-FÉVR.-04 - Clos

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  1. 233. La plainte figure dans une communication du 6 février 2004 du Syndicat national des employés des services généraux et du secteur public (NUPGE), au nom du Syndicat des fonctionnaires provinciaux et de service de la Colombie-Britannique (BCGEU) et de l’Association des sciences de la santé de la Colombie-Britannique (HSABC). Le Congrès du travail du Canada (CTC) et l’Internationale des services publics (ISP) se sont associés à cette plainte dans leurs communications respectives du 11 et du 16 février 2004.
  2. 234. Le gouvernement du Canada a transmis la réponse du gouvernement de la Colombie-Britannique dans une communication du 16 septembre 2004.
  3. 235. Le Canada a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n’a ratifié ni la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  • Contexte
    1. 236 Dans sa communication du 6 février 2004, le Syndicat national des employés des services généraux et du secteur public (NUPGE) déclare représenter 337 000 travailleurs sur l’ensemble du territoire canadien et être affilié au Congrès du travail du Canada et à l’Internationale des services publics. La plainte concerne deux dispositifs législatifs distincts:
  • – le projet de loi no 94, promulgué en tant que loi sur l’Accord de partenariat dans le secteur de la santé (Health Sector Partnerships Agreement Act), SBC 2003, c.93, qui fait l’objet d’une plainte du BCGEU et de la HSABC;
  • – le projet de loi no 18, promulgué en tant que loi sur les traversiers côtiers (Coastal Ferry Act), SBC 2003, c.14; et le projet de loi no 95, promulgué en tant que loi sur l’aide à la négociation dans le secteur des chemins de fer et des traversiers (Railway and Ferries Bargaining Assistance Act), SBC 2003, c.99, qui font l’objet d’une plainte émanant des 4 300 membres du Syndicat des travailleurs des traversiers et du secteur ferroviaire de la Colombie-Britannique, lequel est une filiale du BCGEU.
    1. 237 Rappelant qu’il s’agit de la quatrième plainte déposée contre le gouvernement actuel de la Colombie-Britannique en un peu plus de deux ans, l’organisation plaignante souligne que le Comité de la liberté syndicale a estimé que les six textes de loi contestés dans le cas no 2180 enfreignaient la convention no 87; le comité avait demandé au gouvernement d’abroger l’un de ces textes et d’amender les cinq autres, de s’abstenir à l’avenir de recourir à de telles interventions, et de s’engager de nouveau sur la voie d’une négociation collective constructive avec les travailleurs du secteur public. Le gouvernement n’a tenu aucun compte des recommandations de l’OIT et ne respecte pas les principes fondamentaux de la liberté syndicale. Bien qu’il déclare avoir entamé des négociations avec les partenaires sociaux pour débloquer la situation et permettre des avancées, le gouvernement ne cesse en réalité de prendre des initiatives législatives hostiles aux travailleurs et aux syndicats de la Colombie-Britannique. Les dernières interventions du gouvernement dans ce domaine n’ont fait qu’ébranler davantage la confiance des travailleurs syndiqués des entreprises privées et publiques. Le bilan de ce gouvernement est de plus en plus négatif, si on l’évalue à l’aune des atteintes aux droits syndicaux dont il se rend coupable en abusant de ses pouvoirs législatifs.
  • Accord de partenariat dans le secteur de la santé
  • (projet de loi no 94)
    1. 238 Selon le NUPGE, la législation contestée donne aux employeurs le droit unilatéral d’abroger des dispositions de conventions collectives librement négociées, qui accordent une protection substantielle aux travailleurs. Les employeurs sont ainsi habilités à déroger aux clauses obligatoires des conventions collectives en faisant appel à des sous-traitants qui ne sont pas liés par ces conventions.
    2. 239 La loi produit ses effets lorsqu’un employeur du secteur public conclut avec un entrepreneur du secteur privé un accord par lequel ce dernier s’engage à fournir le capital nécessaire à la construction, à la rénovation ou à l’équipement d’établissements de soins ou à fournir des services non cliniques dans ces établissements. La loi enfreint des dispositions essentielles des conventions collectives qui interdisent de recourir à la sous-traitance et interdit aux travailleurs et à leurs syndicats de se prévaloir des droits importants que leur accorde la législation provinciale du travail. Il s’agit ici de la seconde tentative du gouvernement de porter atteinte à la liberté syndicale des travailleurs du secteur de la santé, la première s’étant traduite par l’adoption du projet de loi no 29, dénommée loi sur l’amélioration de la prestation des soins de santé et des services sociaux, qui a restreint les droits des salariés travaillant directement pour les employeurs du secteur de la santé et s’est soldée par une sous-traitance et des licenciements massifs (le projet de loi no 29 a fait l’objet de la plainte no 2180 soumise au Comité de la liberté syndicale). Cette loi vise à restreindre le droit des employés des entrepreneurs sous-traitants de constituer des syndicats et d’améliorer leurs conditions d’emploi.
    3. 240 Les articles 4 et 5 de la loi invalident toute clause des conventions collectives qui «restreint, limite ou réglemente le droit de l’employeur de sous-traiter des services non cliniques, hors du cadre défini par la convention collective en vigueur». De ce fait, une convention collective qui lie un sous-traitant ne peut contenir aucune disposition limitant la capacité de ce dernier à sous-traiter lui-même les activités qui lui ont été confiées. Par exemple, un employeur du secteur de la santé peut désormais confier des services de restauration à un sous-traitant qui peut confier lui-même tout ou partie de ses activités à une entreprise non soumise à une convention collective et offrant de plus faibles salaires; en outre, rien n’interdit à ce sous-traitant d’externaliser ses activités comme il l’entend quand bien même il serait lié par une convention collective. Il y a donc atteinte manifeste à la liberté syndicale des travailleurs, puisqu’un employeur confronté à un syndicat qui tenterait d’améliorer les conditions d’emploi de ses membres peut désormais tout simplement sous-traiter ses activités.
    4. 241 En outre, l’article 3 de la loi invalide l’article 38 du Code des relations du travail qui autorise la «désignation d’un employeur commun», en habilitant le Conseil des relations du travail à considérer que deux employeurs n’en forment qu’un lorsqu’ils assurent en commun le contrôle et la direction d’une même activité. Cette disposition vise à empêcher une entreprise de développer une activité qu’elle soustrairait à la convention collective en vigueur, le Conseil des relations du travail pouvant déclarer que cette convention collective doit également s’appliquer à l’activité en question. L’article 3 de la loi supprime cette protection en disposant que l’article 38 du code ne s’applique pas à un sous-traitant à qui des travaux auraient été confiés par un donneur d’ordres du secteur de la santé. Lorsqu’un employeur du secteur de la santé sous-traitait des services de nettoyage et les confiait à une entreprise où existe un syndicat, l’employeur pouvait créer une seconde entreprise non syndicalisée. Dans le régime précédent, le syndicat pouvait demander au Conseil des relations du travail de déclarer que les deux employeurs ne constituaient qu’un seul employeur. La loi interdit désormais une telle requête. Il y a donc une tentative délibérée d’entraver la syndicalisation des travailleurs et une atteinte au droit des travailleurs de constituer librement un syndicat.
    5. 242 En outre, l’article 35 du Code des relations du travail dispose qu’en cas de vente ou de cession d’entreprise l’accréditation syndicale ainsi que la convention collective existante sont toujours valides et lient le nouvel acquéreur. La loi prévoit désormais que, si un entrepreneur vend son entreprise, le syndicat de cette entreprise ne peut se prévaloir des dispositions prévues par le code en matière de succession d’entreprises. Encore une fois, il s’agit là d’une tentative visant à restreindre le droit des travailleurs de se syndiquer librement.
    6. 243 La jurisprudence canadienne ayant fixé des critères permettant de déterminer qui est le véritable employeur d’un salarié, il n’est pas rare qu’un employeur dont les travailleurs sont syndiqués affirme ne pas devoir payer un travailleur conformément aux dispositions de la convention collective au prétexte que ce travailleur serait un sous-traitant et non un de ses salariés. Pour combattre les abus, la jurisprudence canadienne autorise les syndicats à contester ce type d’allégation en apportant la preuve que le travailleur concerné est placé sous le contrôle et la direction d’un employeur déterminé. Si l’article 6(3)(b) du projet de loi no 29 (voir ci-dessus) visait à limiter la portée de la jurisprudence, les articles 4 et 5 de la loi contestée dans le présent cas franchissent une nouvelle étape en exigeant qu’il soit démontré que l’employeur a véritablement l’intention d’intégrer pleinement le travailleur dans son entreprise et de le faire travailler directement sous son contrôle. De ce fait, même si un syndicat est en mesure de démontrer objectivement qu’un travailleur est bel et bien le salarié d’une entreprise, sa demande peut être rejetée s’il n’établit pas que l’employeur a l’intention délibérée de s’attacher ce travailleur en tant que salarié.
    7. 244 L’organisation plaignante en conclut que la loi est une atteinte directe à la liberté syndicale des travailleurs du secteur de la santé. Elle vise à maintenir de bas salaires dans le secteur et à restreindre le droit des travailleurs de constituer un syndicat: si une entreprise est cédée, le syndicat doit resyndicaliser le lieu de travail; si un syndicat se constitue, l’employeur a toute liberté de recourir à la sous-traitance, même si la convention collective existante l’interdit; l’employeur peut simplement créer une entreprise non syndicalisée pour y transférer ses activités, et le syndicat est contraint de procéder à une resyndicalisation; l’employeur peut enfin contrer une démarche de resyndicalisation de l’entreprise et de revalorisation des conditions d’emploi en se contentant de continuer à sous-traiter et de créer des entreprises non syndicalisées.
    8. 245 Lorsqu’il a examiné le cas no 2180 qui concerne le projet de loi no 29, le Comité de la liberté syndicale a relevé que ce projet de loi «… introduit des changements majeurs dans le système actuel de relations professionnelles dans les secteurs sociaux et de la santé, qui ont modifié les dispositions de conventions collectives précédemment négociées et qui auront un effet durable sur le régime de négociation des employés de ces secteurs» et a formulé un certain nombre de recommandations à l’égard du gouvernement. [Voir 330e rapport, paragr. 105.] A peine dix mois plus tard, le gouvernement a adopté le projet de loi no 94, qui renforce de fait les dispositions du projet de loi no 29, et a choisi d’ignorer totalement les recommandations du comité. Pas plus qu’auparavant, l’ensemble de la législation sur les relations de travail adoptée par le gouvernement actuel pendant les trente derniers mois n’a été précédé de consultations avec l’un ou l’autre des syndicats représentant les travailleurs concernés.
  • Loi sur les traversiers côtiers (projet de loi no 18)
    1. 246 Avant l’adoption de la loi sur les traversiers côtiers, les services de traversiers de la Colombie-Britannique relevaient de la seule compétence du gouvernement provincial. Le NUPGE allègue que la loi, adoptée en mars 2003 pour faciliter la création d’une société privée, la BC Ferry Corporation (ci-après dénommée la société), menace la sécurité d’emploi des 4 300 membres du Syndicat des traversiers de la Colombie-Britannique (BCFMWU).
    2. 247 Encore une fois, les travailleurs visés par la loi ainsi que leurs syndicats n’ont pas été consultés avant son adoption. A l’évidence, cette attitude s’explique principalement par le fait que cette loi est une arme supplémentaire destinée à désyndicaliser les entreprises de traversiers de la province. Les travailleurs visés se sont opposés à cette loi depuis son introduction non seulement en raison de son caractère antisyndical et attentatoire à leurs droits, mais également parce qu’ils considèrent qu’elle incarne une politique publique néfaste, principalement axée sur le profit, qui s’exerce aux dépens de la fiabilité des services de traversiers, de la sécurité à bord et de l’accessibilité des tarifs.
    3. 248 L’article 25 dispose que la loi l’emporte sur le Code des relations du travail, ce qui a pour effet d’invalider tous les principes et toutes les protections prévus par le code en matière de liberté syndicale, selon lesquels les pouvoirs et fonctions exercés aux termes du code doivent viser les buts suivants: reconnaître les droits et obligations des employeurs, des salariés et des syndicats; promouvoir la négociation collective; favoriser la coopération entre les employeurs et les syndicats; instaurer des conditions favorables à un règlement rapide et pacifique des différends; atténuer les effets des conflits du travail sur les personnes qui n’y sont pas partie; veiller à ce que l’intérêt général soit défendu durant les conflits du travail et favoriser le recours à la médiation dans le règlement des différends. Comme cette législation spécifique l’emporte sur les principes précités, le commissaire spécial (chargé de la réglementation applicable aux exploitants de traversiers, en vertu de la partie 4 de la loi) peut déroger aux dispositions du Code du travail provincial et faire en sorte que le gouvernement et la nouvelle société privée soient soustraits aux obligations découlant des négociations collectives, ce qui renforce le programme de privatisation des pouvoirs publics.
    4. 249 La partie la plus choquante de la loi est l’article 26, qui dispose que la loi prévaut sur les accords librement négociés, dans les termes suivants: «Toute disposition d’une convention collective qui entre en conflit avec la loi ou est incompatible avec elle est frappée de nullité … Si une disposition d’une convention collective fait obligation à la BC Ferry Corporation de négocier avec un syndicat pour remplacer les dispositions de la convention qui sont frappées de nullité par suite de la présente loi, cette disposition est réputée ne pas s’appliquer aux fins de la présente loi.» Cette disposition permet au gouvernement d’annuler toute clause négociée d’une convention qui est incompatible avec l’application de la loi; elle a ainsi été utilisée pour réduire de deux à un le nombre d’administrateurs représentant le syndicat au conseil d’administration de la société. Ce type d’action législative unilatérale, qui est devenu une pratique courante, témoigne du mépris permanent dont fait preuve le gouvernement actuel envers les principes fondamentaux de la liberté syndicale.
    5. 250 Par ailleurs, la loi menace la sécurité d’emploi des travailleurs de la société en faisant de la sous-traitance la méthode privilégiée de mise en œuvre des services de traversiers. L’article 38(1) de la loi déclare que «les exploitants de traversiers doivent être encouragés à trouver, par la voie d’une concurrence ouverte, des entreprises chargées de compléter leurs services ou de s’y substituer sur certains itinéraires» mais l’article 69 les contraint en fait à agir ainsi «en permanence». Cette disposition est complétée par l’article 40, qui fait obligation aux exploitants de communiquer au Commissaire aux traversiers un compte rendu des mesures prises par eux pour s’efforcer de sous-traiter la mise en œuvre des services: demandes de propositions, réponses à ces propositions, propositions spontanées, etc.
    6. 251 Prises ensemble, ces dispositions ont pour effet de menacer gravement la sécurité syndicale des travailleurs du réseau des traversiers en les privant de leurs droits fondamentaux et en s’attaquant gravement aux droits et protections qu’ils tiennent de la convention no 87 et des principes relatifs à la liberté syndicale.
  • Loi sur l’aide à la négociation dans les chemins de fer
  • et les traversiers (projet de loi no 95)
    1. 252 La loi d’aide à la négociation dans les chemins de fer et les traversiers confirme clairement les allégations qui précèdent. Cette loi, adoptée et promulguée le 9 décembre 2003 dans le cadre d’un cycle de négociations collectives entre la nouvelle société privatisée BC Ferry Services Inc. et le BCFMWU, est essentiellement un instrument antigrève que le gouvernement a cherché à utiliser pour mettre fin à une grève qui avait été déclenchée moins de 48 heures avant son adoption.
    2. 253 Au début de septembre 2003, le BCFMWU a entamé sa première série de négociations collectives avec la société nouvellement privatisée. Les parties ont échangé des propositions à la mi-septembre. Après plusieurs semaines de négociations, durant lesquelles l’employeur a refusé de faire des concessions, le syndicat a tenu un vote de grève, dont le résultat a été l’adoption d’un mandat de grève par 97 pour cent des 82 membres participants. Le 3 novembre, le BCFMWU a repris les négociations, au cours desquelles l’employeur a continué à exiger des concessions, même après les deux jours de médiation (3 et 4 décembre) qu’il avait demandés. Le 5 décembre, le BCFMWU a donné le préavis de grève de 72 heures prévu par la loi, déclarant qu’il déclencherait la grève le 8 décembre à 5 heures; par ailleurs, le syndicat a accepté de suspendre cette grève du 19 au 29 décembre, de façon à ne pas gêner les voyageurs durant la période des fêtes.
    3. 254 Les négociations visant à mettre en place un service essentiel ont été rompues au cours des jours suivants, alors que le syndicat continuait à se heurter à l’entreprise au sujet de la constitution des équipages pour les traversées régulières. Au moment où la grève a été déclenchée, les auditions du Conseil des relations du travail avaient permis la conclusion d’un compromis sur les services essentiels. Le 7 décembre, quelques heures seulement après le déclenchement de la grève, le syndicat a accepté la demande du médiateur de reprendre les négociations et, pour manifester sa bonne foi, a accepté également de réduire la portée de la grève en décidant la reprise du travail par un nombre de salariés supérieur à celui exigé par l’ordonnance sur les services essentiels.
    4. 255 Ce que le syndicat ignorait à cette date, c’est que la procédure relative au projet de loi no 95 était déjà engagée (ce projet de loi est en fait une version actualisée d’une loi datant de 1976). Adoptée et promulguée le 9 décembre sous le nom de loi d’aide à la négociation dans les chemins de fer et les traversiers, 2003, elle vise à rendre illégales les grèves légales et à y mettre fin. Cette loi habilite le ministre du Travail à décider une trêve de 80 jours, qui a pour effet de rendre la grève illégale. La loi ne contient strictement aucune mesure prévoyant des procédures impartiales de règlement des différends, comme l’arbitrage. Au contraire, l’ingérence du gouvernement a eu pour effet de compliquer les négociations en n’autorisant pas la poursuite de la grève; de ce fait, la société n’était plus incitée à chercher un règlement et pouvait résister aux revendications syndicales, sans subir de pression l’incitant à négocier de bonne foi.
    5. 256 La loi, combinée aux graves restrictions supplémentaires imposées aux droits de négociation des membres du BCFMWU par la loi sur les traversiers côtiers (exposée ci-dessus), aurait rendu presque impossible toute négociation libre et équitable des conventions collectives. Dans ces conditions, le BCFMWU et ses membres ont opté pour la fermeté et décidé de poursuivre leur grève jusqu’à la conclusion d’une convention collective provisoire. Le 12 décembre, conscient que la position respective des parties était très éloignée, le médiateur a déclaré que les négociations étaient dans l’impasse, et il a proposé une procédure d’arbitrage obligatoire dans le cadre de laquelle il serait désigné comme arbitre spécial chargé de régler les questions en suspens, proposition que les deux parties ont acceptée. Le syndicat a accepté le retour au travail de ses membres à 10 heures ce jour-là, et l’employeur a accepté de son côté de ne prendre aucune mesure disciplinaire à l’encontre des membres ayant fait grève, légalement ou non.
    6. 257 L’organisation plaignante se félicite d’avoir pu obtenir un règlement librement négocié en acceptant un arbitrage obligatoire, mais souligne en même temps que ce règlement n’a pas été facilité le moins du monde par l’adoption d’une loi antigrève. L’ingérence législative dans la négociation collective visait uniquement à restreindre les droits des travailleurs et à faire pencher la procédure en faveur de l’employeur. Les membres du BCFMWU ont réussi à conclure une convention collective par la voie de négociations volontaires, malgré la menace de sanctions juridiques qui planait au-dessus d’eux. Cependant, la loi a été promulguée et est toujours en vigueur.
  • Conclusions souhaitées
    1. 258 Rappelant qu’en 1972 le Canada a ratifié la convention no 87, après avoir obtenu l’approbation de l’ensemble des gouvernements provinciaux, y compris celui de la Colombie-Britannique, l’organisation plaignante déclare que, au cours de ses vingt-huit ans d’existence, aucun gouvernement n’a enfreint les droits de milliers de travailleurs de manière aussi systématique et n’a fait l’objet d’un aussi grand nombre de plaintes à l’OIT que le gouvernement actuel de la Colombie-Britannique. Aucun gouvernement provincial n’a jamais montré un tel mépris pour l’OIT et les principes fondamentaux sur lesquels repose l’Organisation. Au moment même où le Conseil d’administration jugeait les plaintes précédentes concernant la Colombie-Britannique, le gouvernement présentait un texte législatif (le projet de loi no 18) qui était en contradiction directe avec les recommandations contenues dans le 330e rapport du Comité de la liberté syndicale. Le 28 mars, le Premier ministre de la province a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de procéder à des modifications pour se conformer à la décision de l’OIT, affirmant ce qui suit: «Aucune pression ne s’exerce sur moi ... Je n’ai pas participé à une discussion quelconque avec les Nations Unies.» L’expérience a montré à maintes reprises que ce gouvernement ne croit pas aux négociations collectives libres et est prêt à imposer une convention collective par voie législative s’il ne parvient pas à ses fins par la négociation. Il est évident qu’il ne comprend ni ne respecte les principes fondamentaux de la liberté syndicale et ses obligations internationales en tant que signataire des conventions de l’OIT.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 259. Dans sa communication du 9 septembre 2004, le gouvernement déclare qu’aucune des lois mises en cause par le plaignant ne porte atteinte aux dispositions de fond de la convention no 87, puisqu’elles ne restreignent nullement la liberté des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, d’élaborer leurs propres statuts et règlements, d’élire leurs représentants, d’organiser leur administration et de formuler leurs propres programmes. Le gouvernement précise qu’il continue à favoriser les négociations collectives dans la province, comme en témoignent la conclusion de 53 conventions collectives dans le secteur public depuis janvier 2002, ainsi que la diminution sensible du nombre de conflits du travail: 80 grèves en 2000 (avant l’élection du gouvernement actuel), 18 en 2002, et seulement huit en 2003.
    • Loi sur l’accord de partenariat dans le secteur
    • de la santé (projet de loi no 94)
  2. 260. Le budget des services de santé de la Colombie-Britannique est passé de 8,4 milliards de dollars en 2000-01 à 9,5 milliards en 2001-02, puis à 10,4 milliards en 2002-03; dans le budget 2003-04, l’enveloppe de la santé atteint 10,5 milliards de dollars; selon les estimations, le coût des services de santé devrait s’élever à 11,3 milliards de dollars en 2006-07. La loi a été adoptée pour faire face à la nécessité impérieuse de réduire le coût croissant des soins de santé. Les partenariats qu’elle prévoit entre le public et le privé constituent un moyen efficace et économique d’accroître la capacité du système de santé.
  3. 261. La loi dispose qu’un partenaire du secteur privé, qui investit pour créer ou rénover un établissement de soins et qui négocie avec la province un accord en vue d’assurer des services non cliniques, disposera, au même titre que les autorités sanitaires, de toute latitude pour sous-traiter la fourniture de ces services. En clarifiant les règles qui doivent régir les partenariats public-privé dans le secteur de la santé, la loi devrait faciliter la création de nouveaux établissements de santé.
  4. 262. La loi vise à empêcher qu’une entreprise privée, un prestataire de services ou un sous-traitant puissent être déclarés «employeurs communs», au sens de l’article 38 du Code des relations du travail (dénommé ci-après «le code»). Si une entreprise privée syndicalisée passe un marché avec un prestataire de services non syndicalisé en vue de la fourniture de services, leur enregistrement sous le statut d’employeurs solidaires aurait pour effet de soumettre les employés du second aux dispositions d’une convention collective sans qu’ils aient la possibilité de préciser s’ils tiennent effectivement à être représentés. Bien entendu, les syndicats sont favorables à l’application de l’article 38 dans ce genre de situation puisqu’elle entraîne de facto la syndicalisation de tout un groupe de salariés, sans les coûts et les démarches habituels. Le fait d’exempter les parties de l’application de l’article 38 du code leur permet, si elles le souhaitent, de choisir librement leur représentant aux négociations collectives.
  5. 263. Tout en admettant que la loi rend caduques les dispositions des conventions collectives visant à restreindre, limiter ou réglementer le droit des entreprises privées de sous-traiter des services non cliniques en dehors du cadre de la convention collective, le gouvernement fait valoir que cette restriction apportée au champ d’application de la négociation est nécessaire pour garantir aux entreprises ou partenaires du secteur privé la possibilité de définir librement la manière la plus efficace et la plus économique d’assurer leurs prestations. Le gouvernement conclut que ces restrictions du champ d’application de la négociation n’enfreignent pas les dispositions de la convention no 87, puisqu’elles ne restreignent nullement la liberté des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, d’élaborer leurs propres statuts et règlements, d’élire leurs représentants, d’organiser leur administration et de formuler leurs propres programmes.
  6. 264. La loi vise à créer un cadre permettant d’établir des partenariats viables dans le secteur de la santé. Sauf si les parties conviennent qu’un salarié sera pleinement rattaché aux activités d’un autre employeur et placé sous le contrôle et la supervision directs de ce dernier, le salarié en question ne peut être considéré comme «employé par un autre employeur». Cette précision s’impose, en raison du partage fréquent de mêmes lieux de travail; ainsi, par exemple, le personnel médical peut être appelé à demander au personnel d’entretien de nettoyer la salle d’opérations entre les interventions, sans pour autant que le premier soit chargé de superviser ou de diriger le second.
  7. 265. Les dispositions du code en matière de succession d’entreprises visent à protéger les droits des salariés et des syndicats en cas de cession d’une société; aux termes de ces dispositions, il doit exister une continuité manifeste au niveau de l’entreprise elle-même, plutôt qu’à celui des activités qu’elle exerce. Dans les cas de sous-traitance authentique ou de perte d’activité au profit d’un concurrent, le travail est accompli par la nouvelle entreprise et non par l’ancienne. De ce fait, aux termes de la législation actuelle de la Colombie-Britannique, les droits en matière de succession d’entreprises ne s’appliquent pas dans les cas de sous-traitance ou de perte d’activité au profit d’un concurrent. Les dispositions de la loi en matière de succession d’entreprises ne modifient pas la législation en vigueur quant au fond et visent uniquement à préciser son application. L’exonération des dispositions relatives à la cession n’empêche pas la catégorie de salariés concernés de demander une accréditation ni de négocier leur propre convention collective. Le gouvernement conclut que les dispositions de la loi relatives à la succession d’entreprises n’enfreignent pas les dispositions de fond de la convention no 87, puisqu’elles ne restreignent nullement la liberté des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, d’élaborer leurs propres statuts et règlements, d’élire leurs représentants, d’organiser leur administration et de formuler leurs propres programmes.
    • Loi sur les traversiers côtiers (projet de loi no 18)
  8. 266. Le gouvernement estime qu’au cours des deux prochaines années plus de 2 milliards de dollars seront nécessaires pour remplacer les bâtiments vétustes et moderniser les terminaux de la BC Ferries; en faisant appel à des capitaux privés pour financer ces améliorations, on atténue le risque d’un gonflement de la dette publique, préjudiciable au contribuable. La loi a modifié le statut de la British Columbia Ferry Services Inc. et fait de cette société de la Couronne une entreprise indépendante à l’activité réglementée. Pour protéger les usagers et le public, la loi a institué un commissaire indépendant chargé de veiller à ce que les services soient effectivement assurés et que les tarifs soient raisonnables. Ce cadre réglementé incite également l’entreprise à se montrer efficace et innovante, et favorise par ailleurs la concurrence. La loi considère que les salariés de l’ancienne société deviennent salariés de la nouvelle entreprise. La loi crée également une filiale chargée de la maintenance, au sein de laquelle travailleront quelques employés de l’ancienne société, et précise que la nouvelle entreprise et la filiale chargée de la maintenance sont des employeurs distincts.
  9. 267. Il est faux de prétendre que la nouvelle entreprise n’est pas assujettie aux obligations de la négociation collective. La nouvelle entreprise et ses salariés restent en effet soumis aux dispositions du code. Pour être en mesure d’offrir au public des services de qualité, les exploitants de traversiers sont effectivement encouragés à rechercher le concours de prestataires d’appoint ou de substitution dans le cadre d’appels d’offres réguliers, étant entendu que ces prestataires seront tenus de respecter les dispositions du code; en particulier, la loi ne prévoit aucune restriction en ce qui concerne la succession, la représentation syndicale et la négociation.
  10. 268. L’article 25(l) dispose qu’«en cas de conflit entre la présente loi et le Code des relations du travail c’est la présente loi qui prévaut». Cette formule conventionnelle, destinée à faciliter l’interprétation de la législation, n’a nullement pour effet d’abroger les droits définis dans le code et reste sans effet sauf en cas de conflit entre la loi et le code. Comme, par ailleurs, il n’existe entre ces deux textes aucun conflit portant sur les droits fondamentaux garantis par le code en matière de succession d’entreprises, de représentation syndicale et de négociation, les droits en question ne sont nullement remis en cause. L’allégation du plaignant selon laquelle cette disposition «a pour effet de rendre nuls et non avenus tous les principes relatifs à la liberté d’association et toutes les protections définies par le code» est donc totalement infondée.
  11. 269. Le gouvernement en conclut que la loi n’enfreint pas les dispositions de fond de la convention no 87, puisqu’elles ne restreignent nullement la liberté des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, d’élaborer leurs propres statuts et règlements, d’élire leurs représentants, d’organiser leur administration et de formuler leurs propres programmes.
    • Loi sur l’aide à la négociation dans le secteur
    • des chemins de fer et des traversiers
    • (projet de loi no 95)
  12. 270. Cette loi autorise le gouvernement à imposer une période de temporisation n’excédant pas 90 jours si une perturbation des services ferroviaires ou des services de traversiers menace l’économie ou les intérêts de la province et de ses habitants. Elle ne confère pas le pouvoir de dicter les termes d’une convention collective mais met simplement en place les conditions permettant aux parties de poursuivre les négociations. Elle modifie une loi de 1976 en vue d’actualiser les dispositions relatives aux parties ainsi que les textes de loi applicables.
  13. 271. Lors du dernier cycle de négociations, les parties ont entamé les pourparlers le 8 septembre 2003. Au début décembre, le dialogue était interrompu et le climat de plus en plus tendu. Conformément aux dispositions de la loi, le gouvernement a ordonné que les parties consacrent une période de 80 jours à la recherche d’un règlement négocié, avec l’aide d’un médiateur spécial. La loi impose la reprise normale des activités pendant cette période. Il est faux de prétendre que «la loi ne prévoit aucune mesure visant à instituer une procédure impartiale, telle que l’arbitrage, pour régler le conflit». La loi stipule en effet que la déclaration d’une période de temporisation doit s’accompagner de la désignation d’un médiateur spécialement chargé d’aider les parties à définir les termes d’une convention collective.
  14. 272. S’agissant de la déclaration selon laquelle le NUPGE se félicite de ce que le BCFMWU et la BC Ferry Services Inc. soient parvenus à conclure une convention collective librement négociée, le gouvernement fait observer que, s’il est exact que les parties sont convenues de se soumettre à un arbitrage obligatoire, elles n’ont toujours pas terminé les négociations menées en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective. De fait, plus de six mois après l’adoption du projet de loi no 95, 150 questions litigieuses sont encore en suspens. Etant donné la complexité et le caractère particulièrement épineux des questions à négocier, l’imposition d’une période de réflexion de 80 jours constituait une mesure très raisonnable. La loi est un dispositif équitable qui permet de faciliter le règlement des litiges lorsque les négociations relatives au secteur des chemins de fer ou des traversiers sont dans l’impasse; elle n’autorise qu’une suspension temporaire du droit de grève.
  15. 273. Le gouvernement en conclut que la loi ne porte pas atteinte aux dispositions de fond de la convention no 87, puisqu’elles ne restreignent nullement la liberté des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, d’élaborer leurs propres statuts et règlements, d’élire leurs représentants, d’organiser leur administration et de formuler leurs propres programmes.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 274. Le comité note que la présente plainte concerne trois lois adoptées par le gouvernement de la Colombie-Britannique au sujet des relations de travail dans deux secteurs, à savoir: a) dans les services de santé et les services sociaux, le projet de loi no 94, adopté en tant que loi sur les accords de partenariat dans le secteur de la santé, SBC 2003, c.93; et b) dans les services de traversiers, le projet de loi no 18, adopté en tant que loi sur les traversiers côtiers, SBC 2003, c.14, ainsi que le projet de loi no 95, adopté en tant que loi d’aide à la négociation dans les chemins de fer et les traversiers, SBC 2003, c.99.
    • Loi sur les accords de partenariat dans le secteur
    • de la santé (projet de loi no 94)
  2. 275. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, la loi: enfreint les droits relatifs à la liberté syndicale des salariés fournissant des services non cliniques dans le secteur de la santé; prive ces travailleurs de certaines des garanties offertes par le Code des relations du travail (en particulier les dispositions relatives à la succession d’entreprises) et par la jurisprudence nationale (par exemple la notion de salarié); prévaut sur les clauses des conventions collectives en vigueur; et a été adoptée sans la moindre consultation des travailleurs visés et de leurs syndicats. Le gouvernement rétorque: que la loi n’enfreint pas les droits des travailleurs aux termes de la convention no 87; que cette loi répond à la nécessité de réduire les coûts toujours croissants des soins de santé; que les partenariats public-privé prévus par cette loi sont un moyen efficace et économique d’accroître les capacités du système de soins de santé; et que ladite loi crée un cadre propice à des partenariats durables dans le secteur de la santé.
  3. 276. Le comité souligne tout d’abord que les allégations relatives à la loi visée ne peuvent être envisagées en dehors du contexte de ses conclusions et recommandations précédentes portant sur un texte législatif connexe relatif au même secteur, à savoir la loi sur l’amélioration de la prestation des soins de santé et des services sociaux (projet de loi no 29). Le comité avait noté à cet égard que le projet de loi no 29 apportait des modifications considérables au système des relations de travail en vigueur dans le secteur de la santé et des services sociaux, modifications qui touchaient des dispositions de conventions collectives négociées antérieurement et auraient un effet durable sur l’origine de la négociation collective des salariés de ces secteurs. Le comité avait donc recommandé que des consultations approfondies et détaillées se déroulent avec les organisations représentatives, sous les auspices d’un médiateur neutre et indépendant, afin d’examiner les questions de négociation collective soulevées liées à la loi no 29. [Voir 330e rapport, cas no 2180, paragr. 305 b) iii).] Par ailleurs, le comité avait demandé au gouvernement de tenir à l’avenir des consultations appropriées et constructives avec les organisations représentatives des travailleurs lorsque leurs droits à la liberté syndicale et à la négociation collective risquaient d’être mis en cause [voir 330e rapport, paragr. 305 d)], ce qui n’a pas été fait dans le cas présent.
  4. 277. Le comité note que la loi sur les accords de partenariat dans le secteur de la santé est un texte législatif essentiel qui donne aux employeurs de ce secteur davantage de latitude pour sous-traiter à des partenaires du secteur privé la fourniture de services non cliniques. La note explicative du projet de loi mentionne que celui-ci vise à «faciliter la création et la mise en œuvre de partenariats public-privé dans le secteur de la santé, pour améliorer le rapport coût-efficacité des services non cliniques proposés au public». Pour atteindre cet objectif, l’article 6(1) de la loi dispose entre autres que «les clauses d’une convention collective qui entrent en conflit ou sont incompatibles avec la présente loi sont frappées de nullité», et l’article 6(2) interdit toute intervention d’un tiers quelconque («Conseil des relations du travail, arbitre ou toute autre personne») à cet égard. Ces dispositions reviennent donc à restreindre gravement, voire à supprimer les garanties qui auraient pu être négociées dans des conventions collectives antérieures sur l’externalisation et la sous-traitance ou qui pourraient découler de la loi ou de la jurisprudence à cet égard (y compris en ce qui concerne les dispositions du code relatives à la succession d’entreprises et à l’«employeur commun»).
  5. 278. Le comité rappelle qu’une disposition légale qui autorise l’employeur à modifier unilatéralement la teneur d’une convention collective conclue antérieurement, ou contraint les parties à la renégocier, est contraire aux principes de la négociation collective. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 848.] Le comité rappelle également qu’une restructuration du secteur public et/ou une plus grande flexibilité dans le domaine du travail – par exemple la généralisation des contrats de travail de courte durée – ne constituent pas en elles-mêmes une violation de la liberté syndicale. Toutefois, il est indéniable que ces changements entraînent des conséquences importantes dans le domaine social et syndical, en particulier en raison de la plus grande précarité d’emploi qui peut en résulter. Il serait donc nécessaire que les organisations d’employeurs et de travailleurs soient consultées sur la portée et les modalités des mesures décidées par les autorités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 934.] Le comité souligne une nouvelle fois, comme il l’a fait dans le cas no 2180, l’importance des consultations dans ce type de cas, où des garanties négociées antérieurement sont supprimées par voie législative. Une telle action unilatérale des autorités introduit inévitablement de l’incertitude dans les relations de travail, incertitude qui ne peut qu’être préjudiciable à long terme.
  6. 279. Le comité demande donc une fois de plus au gouvernement de s’abstenir à l’avenir d’annuler par voie législative des dispositions figurant dans des conventions collectives négociées et d’entreprendre des consultations constructives et authentiques lors de la préparation et de l’adoption des lois ayant une incidence sur les droits des travailleurs.
    • Loi sur les traversiers côtiers (projet de loi no 18)
  7. 280. Notant que cette loi a été adoptée pour privatiser les services de traversiers, le comité rappelle qu’il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprises ou de services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 935.] Notant que l’article 26 de la loi dispose que «les clauses d’une convention collective qui entrent en conflit ou sont incompatibles avec la loi sont frappées de nullité», le comité rappelle le principe susmentionné au sujet du projet de loi no 94, à savoir qu’une disposition légale qui autorise l’employeur à modifier unilatéralement la teneur de conventions collectives signées ou à demander que ces conventions soient renégociées est contraire aux principes de la négociation collective. Soulignant l’importance qu’il y a à tenir des consultations dans ce type de cas, le comité demande de nouveau au gouvernement de s’abstenir dans l’avenir d’annuler par voie législative des dispositions en vigueur de conventions collectives négociées et d’ouvrir des consultations constructives et authentiques lors de l’élaboration et de l’adoption des textes de loi ayant des effets sur les droits des travailleurs.
    • Loi d’aide à la négociation dans les chemins de fer
    • et les traversiers (projet de loi no 95)
  8. 281. Le comité note que cette loi (qui est une version actualisée de la loi sur l’aide à la négociation dans les chemins de fer et les traversiers, 1976, c.48) a été adoptée dans le contexte d’une grève légale déclenchée par le Syndicat des employés et marins des traversiers de la Colombie-Britannique (BCFMWU) au cours de leur première série de négociations avec la société BC Ferry Services, nouvellement privatisée. Cette loi, qui rendait la grève illégale et imposait le retour au travail, a été adoptée 48 heures seulement après le déclenchement de la grève, alors que les parties poursuivaient les négociations et que le syndicat avait déjà accepté de suspendre cette grève du 19 au 29 décembre, de façon à ne pas gêner les voyageurs durant la période des fêtes.
  9. 282. Le comité rappelle que le droit de grève est un des droits fondamentaux des travailleurs et de leurs organisations dans la mesure où il constitue un moyen de défense de leurs intérêts économiques [voir Recueil, op. cit., paragr. 473] et que le service des transbordeurs n’est pas un service essentiel au sens strict du terme. Toutefois, compte tenu des difficultés et des inconvénients que pourrait entraîner pour la population installée dans les îles le long de la côte une interruption des services de transbordeurs, un service minimum peut être maintenu en cas de grève. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 563.] Ces principes s’appliquent particulièrement aux circonstances de l’espèce telles qu’elles sont décrites par les plaignants, à savoir: une grève légale qui a duré à peine 48 heures; une suspension partielle de la grève par le syndicat; des négociations en cours. Le comité conclut que l’intervention du gouvernement dans de telles circonstances constituait une violation des principes de la liberté syndicale. Il considère que la mise en place par le gouvernement d’un mécanisme volontaire et efficace visant à éviter et à résoudre les conflits du travail à la satisfaction de toutes les parties intéressées serait davantage propice à la création d’un climat de relations professionnelles harmonieux; si, malgré l’existence d’un tel mécanisme, les travailleurs décident de faire grève, un service minimum pourrait être assuré avec l’accord des parties intéressées. Le comité invite donc instamment le gouvernement à envisager de créer un mécanisme volontaire et efficace de prévention et de règlement des différends, y compris en assurant un service minimum volontairement accepté plutôt qu’en recourant à une loi de retour au travail. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  10. 283. En raison du nombre et de la nature des plaintes à l’encontre de la Colombie-Britannique dont il a eu à connaître dans un passé récent, le comité se sent tenu de noter que deux des trois lois contestées dans le présent cas (les projets de lois nos 94 et 18), qui auraient dû faire l’objet de consultations constructives, ont été adoptées au moment même – ou peu après – où le comité notait que le recours répété à des restrictions législatives de la négociation collective ne peut, à long terme, qu’avoir un effet néfaste et déstabilisant sur le climat des relations professionnelles si le législateur intervient fréquemment pour suspendre ou mettre fin à l’exercice des droits reconnus aux syndicats et à leurs membres. De plus, cela peut saper la confiance des salariés dans la valeur de l’appartenance à un syndicat, les membres ou les adhérents potentiels étant ainsi incités à considérer qu’il est inutile d’adhérer à une organisation dont le but principal est de représenter ses membres dans les négociations collectives, si les résultats de ces dernières sont souvent annulés par voie législative. [Voir 330e rapport, paragr. 304; voir aussi Recueil, op. cit., paragr. 875.] Déplorant que le gouvernement, dans un laps de temps très court, ait agi plusieurs fois de cette manière, qui n’est pas propice à la création de relations de travail harmonieuses et ne favorise pas la négociation collective, et rappelant l’importance qu’il convient d’attacher à ce que des consultations complètes et franches aient lieu sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations professionnelles [voir Recueil, op. cit., paragr. 926-927], le comité demande une fois de plus au gouvernement de tenir dans l’avenir des consultations complètes et franches avec les organisations représentatives dans les cas où il risque d’être porté atteinte aux droits de la liberté syndicale et de la négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 284. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Notant que l’adoption de la loi sur l’aide à la négociation dans les chemins de fer et les traversiers constitue une violation des principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement d’envisager la création d’un mécanisme volontaire et efficace de prévention et de règlement des différends, y compris en assurant un service minimum volontairement accepté plutôt qu’en recourant à une loi de retour au travail. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • b) Notant que la loi sur les accords de partenariat dans le secteur de la santé et la loi sur les traversiers côtiers enfreignent les principes de la liberté syndicale dans la mesure où elles annulent des dispositions de conventions collectives négociées antérieurement, le comité demande au gouvernement d’amender ces deux lois afin de les rendre conformes à la convention no 87, et lui demande une fois de plus de s’abstenir d’adopter une telle législation dans l’avenir. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • c) Notant que le gouvernement n’a pas tenu de consultations complètes et franches avec les organisations représentatives en vue de l’élaboration et de l’adoption de la loi sur les accords de partenariat dans le secteur de la santé et de la loi sur les traversiers côtiers, le comité lui demande une fois de plus de tenir de telles consultations dans l’avenir, dans le cas où il risque d’être porté atteinte aux droits de la liberté syndicale et de la négociation collective.
    • d) Le comité rappelle au gouvernement que l’assistance technique du BIT est à sa disposition s’il le souhaite.
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