Pouvez-vous nous parler de vous ? Comment se traduit votre implication et votre travail à l'OIT

Je suis titulaire d'un Master en économie Internationale à l’Université Paris 1 - La Sorbonne et d'un MBA en Ingénierie d’Affaires Internationales à l'Ecole Supérieure de Gestion de Paris. Je suis retourné en Tunisie en 2011 pour contribuer à la croissance d'un nouveau modèle économique en travaillant notamment à mes débuts sur la reconversion professionnelle afin de faire face aux défis numériques, écologiques et sociaux que les jeunes tunisiens rencontrent. Un projet avec la coopération allemande (CORP Tunisie) a créé plus de 3 000 emplois en deux ans.

En 2019, j’ai eu l’honneur de devenir Directeur Général de l'Agence Nationale pour l'Emploi et le Travail Indépendant, une entité du secteur public qui compte 1 500 employés et travaille à la mise en œuvre de politiques d'emploi et d'entrepreneuriat en Tunisie. Nous avons développé une vision, ANETI 2030, pour assurer une action complète et inclusive, réussissant à lever près de 20 millions d'Euros de financement.

Pendant cette période, nous avons participé activement, avec le soutien de l'OIT, à l'adoption de la loi sur l'Economie Sociale et Solidaire (ESS), renforçant l'entrepreneuriat et l'emploi en Tunisie dans ce domaine.

Actuellement, en tant que Conseiller Technique Principal et Chef du Pôle Entreprises/ESS au Bureau de l’OIT à Tunis, je consacre la majorité de mon temps à la mise en œuvre de projets liés à l'entrepreneuriat social et à l'Economie Sociale et Solidaire en faveur des jeunes en situation de vulnérabilité.

Pourriez-vous partager quelques aspects importants de votre travail sur les coopératives et les autres organisations de l’ESS au Bureau de l'OIT pour la Tunisie ?

La Tunisie est le premier pays où l'OIT a commencé à mettre en œuvre des programmes d'ESS. Ces programmes, soutenus par des donateurs tels que l'Union européenne et les gouvernements du Canada et des Pays-Bas, visent à créer les conditions d'un environnement favorable et attractif pour l’ESS.

JEUN’ESS et FORTER’ESS sont les deux projets de l'OIT travaillant sur l'Économie sociale et solidaire en Tunisie. Ils se concentrent sur l'optimisation de la « chaîne solidaire » pour permettre une plus grande valeur ajoutée du produit tunisien. Ils soutiennent les entités de l'ESS, telles que les coopératives, pour renforcer leur production, transformer et diversifier leurs produits et accéder aux marchés grâce à de meilleures stratégies de marketing et de certification.



Ces projets se concentrent sur la création de la première génération d'entités de l'ESS en Tunisie après l'adoption de la loi. Le fonds d’innovation sociale a ainsi été créé dans le but de sélectionner plus de 100 projets actuellement incubés pour une période de six mois, qui aboutiront à une création juridique ainsi qu’un soutien technique et financier pour les bénéficiaires. En moins de deux ans, ce sont 64 organisations de l’ESS qui ont déjà bénéficié d'un soutien technique et financier pour développer leurs activités.

Au niveau stratégique, le bureau de l’OIT à Tunis est le principal partenaire du Ministère de l'Economie et de la Planification sur le portefeuille de l'Économie sociale et solidaire. Il a soutenu la mise en place d'une commission et fourni les experts qui ont élaboré la vision ESS 2035 dans le cadre du Plan de Développement 2023-2025 de la Tunisie. Le Ministère bénéficie également d'un soutien pour la cartographie des initiatives d'entrepreneuriat social en Tunisie, de leur évaluation en vue de leur capitalisation et généralisation si nécessaire.

Le « Community Fund » apporte un soutien aux collectivités locales et aux partenaires sociaux pour le développement de projets de l'ESS. En 2023, 1,4 million d’€uros seront alloués à la mise en œuvre d'initiatives dans sept municipalités. Un guide de l'ESS pour les collectivités locales sera développé pour documenter ces expériences.

Les clubs LIMITL'ESS sont une autre initiative de ces projets. On compte à ce jour déjà 20 clubs LIMITL’ESS créés avec l’ambition d’en voir 15 nouveaux d'ici la fin de 2023. Ils sont présents dans des structures de jeunesse telles que les universités, les centres de formation professionnelle, les maisons de jeunes et les centres culturels. Leur objectif est de sensibiliser les jeunes aux valeurs, principes et opportunités portés par l’ESS.

Une partie du staff de l'OIT en Tunisie a également été formé sur les outils ESS de l'OIT tels que My.Coop, Think.Coop, Start.Coop et Generate your social enterprises ideas for youth. Ces outils bénéficieront à de nombreux partenaires sur le terrain pour pouvoir multiplier les savoir-faire de l'OIT dans le domaine.

Ces initiatives sont livrées en collaboration avec le soutien quotidien de l'unité COOP de l'OIT à Genève.

Comment voyez-vous l'avenir des coopératives et, plus largement, de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) ? Qu'est-ce qui est nécessaire pour que ces derniers jouent un rôle plus important en Tunisie ?

En ce qui concerne l'avenir des coopératives et de l'économie sociale et solidaire (ESS) dans son ensemble, nous sommes principalement focalisés sur la nécessité de garantir une transition vers la durabilité. C'est pourquoi le projet JEUN'ESS s'appuie sur des partenaires reconnus et durables en Tunisie à différents stades de mise en œuvre. Par exemple, le « Social Innovation Fund » travaille avec cinq incubateurs sociaux et sept associations locales. La Banque Tunisienne de Solidarité, une organisation financière publique, bénéficie également de la formation de son personnel pour mieux soutenir et gérer les projets liés à l’ESS.

La création de liens avec l’écosystème start-up qui gravite autour de l'ESS peut apporter l'innovation technologique nécessaire pour les coopératives et les sortir de leur isolement local. La commercialisation via des plateformes numériques, des points de vente physiques dans les grandes villes, l'établissement de logistiques pour mieux transporter les produits et le soutien aux modèles de financement alternatifs pour l'ESS sont parmi les mécanismes nécessaires pour mettre l'ESS à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin.