Chapitre 8. Salaire minimum des travailleurs domestiques

8.9 Travailleurs domestiques logeant, ou non, chez l’employeur

Cette distinction est appliquée pour définir les paramètres généraux du salaire minimum. En outre, pour en fixer le taux, on tient généralement compte des spécificités du travail domestique et des diverses modalités contractuelles, c.-à-d. si le travailleur domestique est hébergé par l’employeur ou a son propre logement, la durée hebdomadaire moyenne du travail et les horaires, ainsi que les prestations en nature (pratique répandue dans ce secteur).

Modalités d'emploi des travailleurs domestiques

En matière de travail domestique, il existe différents types d'arrangements contractuels, qui, dans la pratique, aboutissent à la création de sous-catégories au sein de ce secteur. Un critère capital à cet égard est la distinction entre les travailleurs domestiques qui logent chez l’employeur, et les autres. Parmi ces derniers, certains travaillent à temps plein pour une seule famille, et d'autres travaillent sur une base journalière ou horaire pour plusieurs ménages durant une même semaine, voire une même journée.

Selon des estimations récentes du BIT, les horaires des travailleurs domestiques sont généralement parmi les plus étendus et les plus imprévisibles1. Ceux qui logent chez leur employeur sont particulièrement exposés aux horaires à rallonge, précisément parce qu'ils travaillent à son domicile. En moyenne hebdomadaire, ils effectuent plus d’heures de travail que leurs homologues qui disposent de leur propre logement.

Au Chili, en 2000, la durée moyenne de travail hebdomadaire des travailleurs domestiques logeant chez leur employeur s’établissait à 67,6 heures, contre 40 heures pour les autres ‒ chiffre beaucoup plus raisonnable2. Aux Philippines, en 2010, 51 et 38 pour cent, respectivement, de tous les travailleurs domestiques ‒ hommes et femmes confondus ‒ logeant chez leur employeur ont effectué au moins 61 heures de travail hebdomadaire; environ un tiers d’entre eux ont travaillé en moyenne deux heures de plus par jour que ceux qui ont leur propre logement3.

Ces longs horaires de travail résultent en partie de l'exclusion des travailleurs domestiques des dispositions limitant la durée du travail. Le BIT estime que 56,6 pour cent des travailleurs domestiques ne bénéficient d’aucune limite légale quant à la semaine de travail normale4, et que 44,9 pour cent d’entre eux n’ont pas droit à un repos hebdomadaire5.

Lorsqu’ils fixent le salaire minimum des travailleurs domestiques, les gouvernements et les partenaires sociaux devraient vérifier si leur semaine normale de travail comporte des limites, s’ils ont droit à un repos quotidien et hebdomadaire, ainsi qu’au paiement des heures supplémentaires ‒ ce qui n’est pas le cas pour beaucoup d’entre eux.

Ces mesures de protection s’imposent pour garantir les droits humains et du travail des travailleurs domestiques, et faciliter le processus de fixation du salaire minimum.

Il existe en ce domaine plusieurs méthodes de détermination et de paiement du salaire. Ainsi, les travailleurs domestiques qui ont leur propre logement peuvent être rémunérés sur une base horaire, hebdomadaire ou mensuelle, tandis que ceux qui logent chez leur employeur sont souvent payés à la semaine ou au mois. Les travailleurs domestiques payés mensuellement, mais dont le contrat n’encadre pas strictement la durée du travail ou le paiement des heures supplémentaires, sont vulnérables aux heures de travail excessives, ce qui, en pratique, réduit considérablement leur rémunération horaire.
Les travailleurs domestiques qui logent chez leur employeur sont souvent partiellement rémunérés en nature. Parce qu’ils vivent au domicile de l'employeur, celui-ci leur verse parfois un salaire inférieur, au motif que leur hébergement absorbe certains coûts de leur vie quotidienne, ce qui peut renforcer leur vulnérabilité.

Par ailleurs, les travailleurs domestiques logeant chez l’employeur et qui sont partiellement payés en nature risquent de ne pas gagner suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leur famille, cotiser à la sécurité sociale ou épargner pour l’avenir. Lorsque l’employeur leur fournit un logement en lieu et place d’un salaire, ils sont particulièrement vulnérables aux abus. S’ils doivent trouver rapidement un autre logement, ils ont parfois très peu d’économies et sont donc contraints d’accepter un environnement violent, qu'ils auraient peut-être fui dans d’autres circonstances.

La rémunération effective en espèces des travailleurs domestiques est donc étroitement liée à leur durée de travail et à la part du salaire payée en nature. Les travailleurs domestiques qui perçoivent un salaire mensuel équivalent à celui des autres travailleurs gagnent moins en réalité, s’ils travaillent 60 heures par semaine. Les protections prévues par le régime de salaire minimum devraient donc idéalement s’accompagner de dispositions sur la durée du travail et le paiement des heures supplémentaires.

Les autorités peuvent également établir un salaire minimum distinct pour les travailleurs domestiques qui logent chez l’employeur et les autres. Lorsque le paiement d’une forte proportion du salaire en nature est une pratique courante, le salaire minimum devrait être fixé de telle sorte que les travailleurs reçoivent un paiement en espèces suffisant pour subvenir à leurs besoins financiers et à ceux de leur famille. Les décideurs peuvent aussi interdire les paiements en nature jusqu’à concurrence du salaire minimum, et ne les autoriser que pour la portion excédentaire (voir les Notes techniques 1, 2 et 3).

1 Voir «Domestic workers across the world: Global and regional statistics and the extent of legal protection», BIT, Genève, 2013.
2 Ibid.
3 «Domestic Workers in the Philippines: Profile and Working Conditions», BIT, Genève.
4 «Domestic workers across the world: Global and regional statistics and the extent of legal protection», BIT, Genève, 2013, p. 61.
5 Ibid. p. 63.