GB.267/16/2 268e session Genève, mars 1997 |
SEIZIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Rapports du bureau du Conseil d'administration
Deuxième rapport:
Plainte concernant l'inexécution par le Myanmar
de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930,
présentée par des délégués à
la 83e session (1996) de la Conférence
au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT
1. Par une lettre datée du 20 juin 1996 adressée au Directeur général du BIT, MM. E. Abou-Rizk, C. Agyei, K. Ahmed, M. Blondel, W. Brett, U. Edström et Mme U. Engelen-Kefer, MM. R. Falbr, C. Gray, S. Itoh, Y. Kara, A. Lettieri, I. Mayaki, S. Mookherjee, B.P. Mpangala, J.-C. Parrot et Mme P. O'Donovan, et MM. Ramírez León, Z. Rampak, I. Sahbani, A. Sanchez Madariaga, G. Sibanda, L. Sombes, L. Trotman et T. Wojcik, respectivement délégués travailleurs du Liban, du Ghana, du Pakistan, de la France, du Royaume-Uni, de la Suède, de l'Allemagne, de la République tchèque, des Etats-Unis, du Japon, d'Israël, de l'Italie, du Niger, de l'Inde, de la République-Unie de Tanzanie, du Canada, de l'Irlande, du Venezuela, de la Malaisie, de la Tunisie, du Mexique, du Zimbabwe, du Cameroun, de la Barbade et de la Pologne, ont déposé une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution contre le gouvernement du Myanmar pour inexécution de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Le texte de cette lettre figure en annexe. Une communication supplémentaire a été adressée au Directeur général du BIT au nom des plaignants par lettre du 31 octobre 1996. Le texte de cette communication supplémentaire a été soumis au bureau du Conseil d'administration qui le tient à la disposition des membres du Conseil d'administration.
2. L'article 26 de la Constitution est ainsi conçu:
1. Chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis, n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention que l'un et l'autre auraient ratifiée en vertu des articles précédents.
2. Le Conseil d'administration peut, s'il le juge à propos, et avant de saisir une commission d'enquête selon la procédure indiquée ci-après, se mettre en rapport avec le gouvernement mis en cause de la manière indiquée à l'article 24.
3. Si le Conseil d'administration ne juge pas nécessaire de communiquer la plainte au gouvernement mis en cause ou si, cette communication ayant été faite, aucune réponse ayant satisfait le Conseil d'administration n'a été reçue dans un délai raisonnable, le Conseil pourra former une commission d'enquête qui aura pour mission d'étudier la question soulevée et de déposer un rapport à ce sujet.
4. La même procédure pourra être engagée par le Conseil soit d'office, soit sur la plainte d'un délégué à la Conférence.
5. Lorsqu'une question soulevée par l'application des articles 25 ou 26 viendra devant le Conseil d'administration, le gouvernement mis en cause, s'il n'a pas déjà un représentant au Conseil d'administration, aura le droit de désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire. La date à laquelle ces discussions doivent avoir lieu sera notifiée en temps utile au gouvernement mis en cause.
3. La convention no 29 a été ratifiée par la Birmanie (maintenant le Myanmar) le 4 mars 1955 et est donc entrée en vigueur pour ce pays le 4 mars 1956. MM. E. Abou-Rizk, C. Agyei, K. Ahmed, M. Blondel, W. Brett, U. Edström et Mme U. Engelen-Kefer, MM. R. Falbr, C. Gray, S. Itoh, Y. Kara, A. Lettieri, I. Mayaki, S. Mookherjee, B.P. Mpangala, J.-C. Parrot et Mme P. O'Donovan, et MM. Ramírez León, Z. Rampak, I. Sahbani, A. Sanchez Madariaga, G. Sibanda, L. Sombes, L. Trotman et T. Wojcik étaient à la date du dépôt de leur plainte délégués travailleurs de leurs pays à la 83e session de la Conférence. Par conséquent, ils étaient habilités, en vertu de l'article 26, paragraphe 4, de la Constitution, à déposer une plainte si, à leur avis, le Myanmar n'applique pas de manière satisfaisante cette convention.
4. Les délégués travailleurs en question ont demandé que leur plainte soit renvoyée devant une commission d'enquête, conformément au paragraphe 2 de l'article 26 de la Constitution. Il appartient au Conseil d'administration de se prononcer sur cette demande.
5. Une discussion sur le fond de la plainte ne saurait être envisagée au stade actuel. En effet, il serait incompatible avec le caractère judiciaire de la procédure prévue à l'article 26 et aux articles suivants de la Constitution qu'une discussion ait lieu, au Conseil d'administration, sur le fond d'une plainte alors que le Conseil ne dispose pas des considérations du gouvernement contre lequel cette plainte a été présentée, ni de l'appréciation objective de l'ensemble du cas de la part d'un organisme indépendant. En outre, une telle discussion serait inappropriée tant qu'une proposition de renvoyer la plainte devant une commission d'enquête est en attente devant le Conseil d'administration, ou tant que l'affaire est encore en instance devant une commission d'enquête. Si une commission d'enquête doit être instituée -- ce qu'il appartiendra au Conseil d'administration de décider en vertu de l'article 26, paragraphe 4, de la Constitution --, c'est lorsque celle-ci aura présenté son rapport sur le fond de la plainte que le Conseil pourra être appelé à prendre des mesures à son sujet.
6. En conséquence, le bureau du Conseil d'administration recommande au Conseil de prendre les décisions suivantes à sa présente session:
a) le gouvernement du Myanmar devrait être invité par le Directeur général à lui communiquer ses observations sur la plainte pour le 31 janvier 1997 au plus tard;
b) conformément au paragraphe 5 de l'article 26 de la Constitution, le Conseil d'administration devrait inviter le gouvernement du Myanmar à désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire lors de sessions ultérieures. En adressant cette invitation, le Directeur général devrait faire savoir au gouvernement du Myanmar que le Conseil d'administration envisage de procéder à ces discussions à sa 268e session, qui se tiendra à Genève en mars 1997.
7. Le bureau du Conseil d'administration envisage qu'au cas où une commission d'enquête serait instituée les membres de celle-ci seraient désignés selon les mêmes critères et siégeraient dans les mêmes conditions que les membres des commissions antérieurement nommées en vertu de l'article 26 de la Constitution. Ils siégeraient à titre individuel et personnel, seraient choisis pour leur impartialité, leur intégrité et la considération dont ils jouissent et s'engageraient par une déclaration solennelle à exercer leurs fonctions et attributions en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience. Une déclaration solennelle en ces termes correspondrait à l'engagement que doivent prendre les juges de la Cour internationale de justice. Le bureau du Conseil présentera en temps opportun des propositions concernant les autres arrangements à prendre.
Genève, 19 novembre 1996.
Point appelant une décision: paragraphe 6.
Annexe
M. M. Hansenne
Secrétaire général
83e session de la Conférence
internationale du Travail
Monsieur,
Plainte présentée en vertu de
l'article 26
contre le gouvernement du Myanmar
Au nom des représentants des travailleurs à la Conférence dont les noms sont mentionnés ci-après, j'ai l'honneur de présenter une plainte, en vertu de l'article 26 de la Constitution, contre le gouvernement du Myanmar pour inexécution de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, qu'il a ratifiée en 1955.
Les violations grossières de la convention par le Myanmar sont dénoncées depuis trente ans par les organes de contrôle de l'OIT. En 1995, et de nouveau en 1996, elles ont fait l'objet de paragraphes spéciaux dans le rapport de la Commission de la Conférence pour l'application des conventions et recommandations, et cette année le gouvernement a en plus été exclusivement désigné par la commission pour son défaut continu d'assurer le respect effectif de la convention.
En outre, en novembre 1994, le Conseil d'administration a adopté le rapport du comité qu'il avait créé pour examiner la réclamation présentée par la Confédération internationale des syndicats libres contre le gouvernement du Myanmar au motif que celui-ci n'avait pas assuré le respect effectif de la convention no 29.
Le gouvernement a montré qu'il n'était pas disposé à donner suite aux appels répétés des organes de contrôle de l'OIT l'invitant à abroger et révoquer les textes législatifs autorisant le recours au travail forcé et à assurer que le travail forcé soit éliminé dans la pratique. Dans ces conditions, la commission pour l'application a de nouveau exprimé sa profonde préoccupation devant le recours systématique au travail forcé au Myanmar.
En dépit de ses assurances selon lesquelles les pouvoirs conférés par la législation en cause -- la loi sur les villages (1908) et la loi sur les villes (1907) -- ne seraient plus en usage depuis 1967 et les lois susnommées seraient actuellement examinées en vue de leur abrogation, le gouvernement s'est manifestement gardé de fournir les informations demandées sur les mesures concrètes éventuellement prises pour modifier la législation.
En fait, il est clair que le recours au travail forcé prend de plus en plus d'ampleur et que les autorités du Myanmar en sont directement responsables et qu'elles sont impliquées de manière active dans son exploitation.
La réclamation présentée par la CISL en janvier 1993, en vertu de l'article 24 de la Constitution, portait sur le cas particulier du recrutement forcé et de l'utilisation abusive de porteurs par les militaires. C'était, à l'époque, le premier sujet de préoccupation.
Depuis lors, cependant, le recours au travail forcé est devenu systématique; il est pratiqué à une échelle toujours plus large et s'étend à un nombre croissant de secteurs d'activité. Un grand nombre de travailleurs forcés est maintenant employé pour la réalisation de projets ferroviaires, routiers, de construction et d'autres projets d'infrastructure, dont beaucoup s'inscrivent dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour promouvoir le tourisme au Myanmar. En outre, les militaires confisquent des terres aux villageois, qu'ils contraignent ensuite à les cultiver au profit des usurpateurs.
La situation est aujourd'hui la suivante: le gouvernement du Myanmar, loin de prendre des mesures pour faire cesser la pratique du travail forcé, l'encourage activement, au point que nous sommes désormais en présence d'un abus endémique touchant des centaines de milliers de travailleurs soumis aux formes d'exploitation les plus extrêmes, qui se soldent trop souvent par des pertes en vies humaines.
Dans ces conditions, les représentants des travailleurs dont les noms figurent sur la liste ci-jointe présentent une plainte, en vertu de l'article 26 de la Constitution, contre le gouvernement du Myanmar pour inexécution de la convention no 29. Ce faisant, ils demandent au Conseil d'administration de nommer une commission d'enquête chargée d'examiner cette plainte et se réservent le droit de soumettre des informations complémentaires.
Veuillez ...
William Brett,
Représentant des travailleurs
pour le Royaume-Uni.
M. E Abou-Rizk Représentant des travailleurs Liban
M. C. Agyei Représentant des travailleurs Ghana
M. K. Ahmed Représentant des travailleurs Pakistan
M. M. Blondel Représentant des travailleurs France
M. W. Brett Représentant des travailleurs Royaume-Uni
M. U. Edström Représentant des travailleurs Suède
Mme U. Engelen-Kefer Représentant des travailleurs Allemagne
M. R. Falbr Représentant des travailleurs République tchèque
M. C. Gray Représentant des travailleurs Etats-Unis
M. S. Itoh Représentant des travailleurs Japon
M. Y. Kara Représentant des travailleurs Israël
M. A. Lettieri Représentant des travailleurs Italie
M. I. Mayaki Représentant des travailleurs Niger
M. S. Mookherjee Représentant des travailleurs Inde
M. B.P. Mpangala Représentant des travailleurs Tanzanie
M. J.-C. Parrot Représentant des travailleurs Canada
Mme P. O'Donovan Représentant des travailleurs Irlande
M. F. Ramírez León Représentant des travailleurs Venezuela
M. Z. Rampak Représentant des travailleurs Malaisie
M. I. Sahbani Représentant des travailleurs Tunisie
M. A. Sanchez Madariaga Représentant des travailleurs Mexique
M. G. Sibanda Représentant des travailleurs Zimbabwe
M. L. Sombes Représentant des travailleurs Cameroun
M. L. Trotman Représentant des travailleurs Barbade
M. T. Wojcik Représentant des travailleurs Pologne