GB.267/5 267e session Genève, novembre 1996 |
CINQUIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
1. La deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains s'est tenue à Istanbul du 3 au 15 juin 1996. Plus de 3 000 délégués gouvernementaux y ont participé, qui représentaient 171 Etats membres des Nations Unies, avec quelque 600 représentants des autorités locales, et plus de 2 000 représentants des ONG accréditées. Au cours de la réunion au Sommet de la conférence (12-14 juin), quelque 110 orateurs ont pris la parole, dont cinq présidents, deux vice-présidents et six premiers ministres. Les travaux de la conférence étaient organisés en séances plénières et en deux commissions.
2. La conférence a été précédée d'une série de Forums de partenaires. L'OIT a participé au Forum mondial des affaires (30 mai -- 2 juin 1996), au Forum des syndicats (31 mai -- 1er juin 1996) et à l'Assemblée mondiale des autorités municipales et locales (30-31 mai 1996). Parallèlement, le Forum des ONG de 1996, qui s'est tenu pendant la conférence, a rassemblé quelque 8 550 ONG, et plus de 1 700 réunions et événements organisés par les ONG ont eu lieu sur ce sujet.
3. La délégation de l'OIT était présidée par Mme Katherine Hagen, Directeur général adjoint du BIT, qui a prononcé un discours au nom de l'Organisation en séance plénière le 6 juin 1996(1) et qui a donné une conférence de presse le 4 juin. Le discours de Mme Hagen a mis en lumière la relation entre l'emploi et la crise urbaine ainsi que la contribution de l'OIT s'agissant d'aider les gouvernements et les partenaires sociaux à concrétiser les objectifs de la conférence: à savoir un logement décent pour tous et des établissements humains durables dans un monde en pleine urbanisation.
4. La conférence a été le théâtre d'une série de dix Dialogues sur l'habitation au XXIe siècle qui ont rassemblé un large éventail de participants dans le but de débattre et de définir des stratégies et des actions futures pour un monde en pleine urbanisation. L'OIT a été chargée d'organiser le Dialogue sur l'avenir de l'emploi en milieu urbain qui s'est tenu le 5 juin. Un rapport élaboré par l'Organisation pour Habitat II et dont le titre était le même que celui du dialogue a été discuté avec la participation active de 500 délégués représentants des gouvernements, des syndicats, des organisations d'employeurs, des établissements d'enseignement supérieur, le PNUD, des institutions des Nations Unies, la Banque mondiale, le FMI, l'OCDE, des organisations non gouvernementales et d'autres protagonistes de la société civile. Le dialogue s'est matérialisé en deux groupes de discussion, qui se sont penchés sur les thèmes suivants: La mondialisation et l'avenir de l'économie urbaine dans les secteurs structuré et non structuré, et Pauvreté et chômage: des filets de sécurité aux atouts sociaux.
5. La discussion sur la mondialisation et l'économie urbaine non structurée dans le premier groupe de ce dialogue organisé par l'OIT a relevé deux causes expliquant le phénomène de glissement vers l'économie non structurée: la première est le faible niveau de la productivité et l'absence de protection de l'emploi, la seconde est la relation de cause à effet entre la libéralisation du commerce international et la flexibilité accrue des marchés du travail, d'une part, et la croissance du secteur non structuré, d'autre part. Cette croissance de l'économie non structurée dans toutes les régions a été interprétée comme une caractéristique essentielle du développement économique en cette fin de XXe siècle. Le caractère souhaitable ou non d'un tel phénomène a fait l'objet de vives discussions, ainsi d'ailleurs que l'influence de la mondialisation sur l'emploi. Certains orateurs estimaient que la mondialisation est un phénomène nocif, porteur d'une inégalité accrue, à la fois à l'intérieur des pays et à l'extérieur, tandis que d'autres y voyaient la source de nouvelles possibilités de développement économique et donc de croissance de l'emploi. Cependant, les participants se sont généralement accordés à reconnaître que la croissance de l'économie non structurée va de pair avec la marginalisation et l'exclusion sociale, et que c'est là une caractéristique commune à toutes les régions du monde, qu'elles soient en développement, en transition ou industrialisées.
6. La deuxième partie du dialogue qui se déroulait dans le cadre du groupe de discussion sur les atouts sociaux des pauvres a porté sur le rôle des organisations communautaires et de la politique gouvernementale dans l'atténuation de la pauvreté et du chômage urbain. Nombre d'orateurs ont défendu des politiques favorisant l'autonomie des pauvres des régions urbaines, tandis que les représentants syndicaux ont fait valoir que les atouts sociaux des pauvres ne devaient pas servir de prétexte aux gouvernements pour abdiquer leur responsabilité en matière de création d'emplois de qualité. Les participants ont également fait connaître les conclusions qu'ils avaient tirées d'expériences en matière de mobilisation communautaire pour la création d'emplois, menées à bien dans des communautés urbaines pauvres situées dans des établissements humains très divers, allant de Chicago à Dakar.
7. Le résultat général du dialogue a été de mettre en lumière les similitudes qui existent entre les communautés urbaines pauvres de diverses régions, et un consensus s'est fait jour, lors de sa conclusion, sur le fait que la création et la protection de l'emploi sont les moyens les plus directs et les plus efficaces dont on dispose pour atténuer la crise urbaine. Par ailleurs, les participants ont affirmé le caractère essentiel du rôle que l'OIT doit jouer dans la mise en uvre du Programme pour l'habitat. Ils ont estimé que le dialogue organisé par l'OIT avait été l'un des plus réussis des dix dialogues thématiques d'Habitat II pour le XXIe siècle, et la couverture de presse exceptionnelle dont il a fait l'objet confirme cette opinion.
8. Habitat II a fourni une chance unique aux représentants de la société civile de participer directement à la conférence elle-même. La Commission II, notamment, a été le cadre d'audiences et de dialogues entre gouvernements et représentants des administrations locales, des syndicats, de la communauté des affaires, des ONG, des parlements, de diverses fondations, de la communauté scientifique et d'autres groupes encore. En outre, il a été fait rapport à la Commission II des résultats du Forum de partenaires qui a eu lieu avant la conférence, et de ceux des Dialogues sur l'habitation au XXIe siècle, de sorte qu'ils ont été inclus dans les travaux et les résultats d'Habitat II.
9. L'OIT a contribué de deux manières aux travaux de la Commission II. Le 7 juin, elle a soumis une déclaration à cette commission au cours de l'une des audiences destinées aux représentants des institutions des Nations Unies. Le 11 juin, elle a fait rapport une deuxième fois à la Commission II, en sa qualité d'organisatrice du Dialogue sur l'avenir de l'emploi en milieu urbain (no 4). Au cours de ces audiences, l'OIT a donné un aperçu d'un programme d'emploi en milieu urbain fondé sur la Charte de l'emploi en milieu urbain adoptée lors du colloque préparatoire d'Habitat II(2). L'OIT a souligné qu'il était important de concevoir des politiques macroéconomiques novatrices dont l'objectif explicite est la création d'emplois, de redistribuer équitablement les fruits de la croissance et de favoriser les alliances à l'échelon local permettant la création d'emplois; elle a aussi évoqué les avantages de l'investissement en infrastructure à forte intensité de main-d'uvre et la nécessité de concevoir une nouvelle réglementation en matière de création et de protection d'emplois, notamment en ce qui concerne le secteur urbain non structuré.
10. Les activités de l'OIT à la conférence ont fait l'objet d'une couverture considérable dans la presse internationale et dans celle de chaque pays. Les membres de la délégation de l'OIT ont accordé des entrevues à la radio et à la télévision, et le document de travail intitulé L'avenir de l'emploi en milieu urbain a suscité beaucoup d'intérêt.
11. Parallèlement à l'échange général de points de vue qui avait lieu en séance plénière et aux audiences des partenaires qui se déroulaient à la Commission II, la Commission I était chargée d'élaborer le principal document de la conférence intitulé: Programme pour l'habitat: buts et principes, engagements et plan d'action mondial. Cette commission s'est réunie du 3 au 14 juin pour étudier et résoudre les nombreuses questions qui étaient restées en suspens au cours du comité préparatoire d'Habitat II. Ces questions comprenaient notamment le droit au logement, les questions relatives aux droits de l'homme et à une bonne gestion, le concept de développement durable, le rôle d'Habitat dans le suivi de la conférence, les ressources financières nécessaires à l'application du programme pour l'habitat, l'aide publique au développement et les cibles d'aide dont sont convenues les Nations Unies. En outre, les questions présentant un intérêt direct pour l'OIT et portant sur des sujets liés à l'emploi ont été dûment reflétées dans le Programme pour l'habitat, en particulier celles qui ont trait à l'importance de la création d'emplois pour des établissements humains durables et pour l'atténuation de la pauvreté, aux liens entre l'infrastructure du logement et l'emploi, à l'application des normes fondamentales du travail de l'OIT et aux politiques concernant le secteur non structuré. Ces préoccupations de l'OIT dans le cadre du Programme pour l'habitat sont débattues ci-après dans la section II.
12. La session plénière a terminé ses travaux à 3 h 20 du matin le samedi 15 juin 1996, en adoptant la Déclaration d'Istanbul sur les établissements humains et le Programme pour l'habitat. Le rôle de l'OIT dans l'application du Programme pour l'habitat, notamment en ce qui concerne l'Equipe spéciale chargée de l'emploi et des moyens de subsistance durables du CAC, et dans le contexte des mécanismes des Nations Unies relatifs au suivi des autres grandes conférences, est discuté ci-après dans la section III.
13. Les principaux documents produits par la conférence ont été la Déclaration d'Istanbul, une déclaration d'engagements politiques pris au sommet, et le Programme pour l'habitat, qui est un appel mondial à l'action en faveur du développement des établissements humains durables dans le monde -- villes, agglomérations et villages -- au cours du prochain quart de siècle. Dans la Déclaration d'Istanbul, qui a été élaborée au cours de la conférence par un comité de rédaction ouvert à tous, les gouvernements souscrivent à cette occasion aux objectifs universels qui consistent à garantir à tous un logement décent et à rendre les établissements humains plus sûrs, salubres, vivables, équitables, durables et productifs. La déclaration reconnaît qu'il faut s'attaquer de manière globale, entre autres, aux éléments suivants: modes de consommation et de production non soutenables, en particulier dans les pays industrialisés; changement non viables dans la structure et la répartition de la population; [...]; situation des sans-abri; accroissement de la pauvreté; chômage; exclusion sociale; instabilité familiale; insuffisance des ressources, des infrastructures et des services de base; lacunes de la planification; aggravation de l'insécurité et de la violence; dégradation de l'environnement et vulnérabilité accrue aux catastrophes.
14. Le Programme pour l'habitat commence par un préambule suivi d'une déclaration de buts et principes en dix parties et par un ensemble de six engagements concernant l'action gouvernementale. La quatrième partie du Programme pour l'habitat contient le Plan d'action mondial, qui énonce les stratégies prévues pour sa mise en uvre. Ce document fait certaines recommandations et propose une action qui a trait aux domaines suivants présentant un intérêt spécifique pour l'OIT: la création et la protection de l'emploi, les normes internationales du travail, l'atténuation de la pauvreté, le développement économique, la participation tripartite, le rôle du secteur privé, l'égalité entre hommes et femmes, le développement de la petite et de la microentreprise, les méthodes de création d'infrastructures à forte intensité de main-d'uvre, l'influence de l'industrie de la construction sur l'emploi, le secteur urbain non structuré, la formation et la réinsertion professionnelles, les peuples indigènes et tribaux, les coopératives, la sécurité et la santé au travail, l'environnement et le monde du travail, la migration et l'emploi.
15. Certains des thèmes principaux du Programme pour l'habitat intéressant directement l'OIT sont brièvement résumés dans les paragraphes suivants. Il va de soi qu'un tel résumé ne peut rendre pleinement justice aux textes eux-mêmes.
L'emploi, le développement économique
et l'élimination de la pauvreté
16. Le Programme pour l'habitat comprend un ensemble de dix buts et principes dont l'un d'eux énonce que le développement d'établissements humains viables exige l'élimination de la pauvreté et que ce principe est fondé sur le cadre adopté par le Sommet mondial pour le développement social, [...] y compris l'objectif consistant à faire en sorte que toutes les femmes et tous les hommes disposent de moyens d'existence sûrs et viables par le biais d'un emploi ou d'un travail librement choisi et productif. Le Plan d'action mondial souligne l'importance d'une économie diversifiée et créatrice d'emplois, et il contient deux sections présentant un intérêt particulier pour les mandants de l'OIT, l'une intitulée Développement social: suppression de la misère, création d'emplois productifs et intégration sociale, et l'autre Développement économique des zones urbaines. La première section explique que, pour supprimer la misère, il faut notamment disposer de politiques macroéconomiques rationnelles permettant de créer des emplois, garantir à tous, hommes et femmes, l'accès, sur un pied d'égalité, aux possibilités économiques (et faire en sorte que des mesures spéciales soient prises à cet égard à l'intention des défavorisés), offrir des moyens de formation théorique et pratique permettant aux bénéficiaires de gagner durablement leur vie grâce à un travail productif librement choisi.... Le développement économique urbain est tout particulièrement lié à la création d'emplois. Selon le Plan d'action mondial, il faudra créer de nombreux emplois dans les zones urbaines et ces zones [...] sont indispensables à une économie diversifiée et créatrice d'emplois.
Politiques d'investissement dans l'infrastructure
et rôle du secteur privé
17. Dans le contexte du Programme pour l'habitat, les établissements humains représentent beaucoup plus que le logement: ce concept embrasse le milieu de vie et de travail dans les zones rurales et urbaines. Le programme consacre donc une intention considérable à la relation positive entre le logement et l'emploi, dans la perspective de l'industrie de la construction du secteur structuré, ainsi que dans celle des petites entreprises de construction et du secteur non structuré. Le Plan d'action mondial précise en outre que les gouvernements aux échelons appropriés, y compris les autorités locales, et en collaboration avec toutes les parties intéressées, notamment les organisations de travailleurs et d'employeurs, devraient [...] encourager la création d'emplois à domicile ou à proximité du domicile, notamment pour les femmes pauvres et les handicapés. Les gouvernements sont également appelés à promouvoir, dans les pays où il y aurait lieu, l'utilisation de techniques de construction et d'entretien à forte intensité de main-d'uvre afin de réduire le sous-emploi qui sévit dans la plupart des grandes agglomérations, tout en renforçant les compétences des salariés du secteur du bâtiment. Les gouvernements sont encouragés à passer des contrats en bâtiment avec des organisations communautaires et, le cas échéant, avec le secteur non structuré, notamment pour la restauration dans les établissements humains pauvres. Enfin, il est proposé de renforcer, en instaurant le cas échéant des méthodes rentables faisant appel à une forte main-d'uvre, les moyens des secteurs public et privé pour qu'ils puissent fournir des infrastructures et, parallèlement, développer le marché de l'emploi.
Normes internationales du travail, participation tripartite
et protection des conditions de travail
18. Le Programme pour l'habitat lance un appel aux gouvernements, en partenariat avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, et leur demande de veiller à la qualité des emplois et préserver les droits et intérêts fondamentaux des travailleurs et, à cette fin, promouvoir le respect des conventions pertinentes de l'Organisation internationale du Travail, y compris celles qui concernent l'interdiction du travail forcé et du travail des enfants, la liberté d'association, le droit d'organisation et de négociation collective et le principe de non-discrimination. Une attention particulière est accordée à l'application des normes relatives à la protection des droits des travailleurs dans le secteur non structuré et au respect des conventions pertinentes de l'OIT. Pour ce qui est des partenariats, le Programme pour l'habitat souligne l'importance de la participation active des organisations d'employeurs et de travailleurs à la fourniture d'une protection sociale et à l'application des politiques et programmes en faveur de la création d'emplois. En outre, le Plan d'action mondial appelle les gouvernements à promouvoir l'hygiène et la sécurité sur les lieux de travail, pour réduire les risques que l'environnement peut présenter pour la santé à domicile et sur les lieux de travail et pour améliorer les politiques de façon à réduire les risques que l'environnement peut présenter pour la santé et faire en sorte que le secteur non structuré et tous les travailleurs puissent facilement accéder aux informations sur la manière de mieux assurer la sécurité et de minimiser les risques pour la santé sur les lieux de travail. Le Plan d'action mondial recommande également d'encourager la construction de logements et la production et distribution de matériaux de construction bon marché et écologiquement rationnels, notamment en renforçant la production locale, autant que possible, à partir de ressources disponibles sur place.
Développement des entreprises
et économie urbaine non structurée
19. Le Programme pour l'habitat reconnaît l'importance croissante du secteur urbain non structuré en matière de création d'emplois, et il recommande d'aider les entreprises du secteur non structuré à devenir plus productives et à s'intégrer progressivement à l'économie structurée. En outre, il encourage un traitement équitable du secteur non structuré, des petites et microentreprises, du secteur coopératif, y compris leur accès à la propriété foncière, au crédit, au financement, à l'éducation et à la formation professionnelle. Les gouvernements sont également appelés à:
20. En ce qui concerne la mise en uvre et le suivi du Programme pour l'habitat, les gouvernements sont responsables au premier chef. Cependant, d'autres organes et organismes compétents du système des Nations Unies ont eux aussi un rôle important à jouer dans la mise en uvre du Programme pour l'habitat. Le Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat) et tous les organes et organismes compétents du système des Nations Unies devraient tenir compte du Programme pour l'habitat en vue de le mettre en uvre dans leurs domaines de compétence respectifs.
21. Les institutions spécialisées des Nations Unies sont instamment priées d'étudier et d'arrêter la démarche concrète à suivre pour satisfaire aux priorités définies dans le Programme pour l'habitat. En outre, toutes les institutions spécialisées et organismes apparentés compétents du système sont invités à renforcer et modifier s'il y a lieu leurs activités, programmes et stratégies à moyen terme dans le cadre de leurs mandats, afin d'assurer un meilleur suivi d'Habitat II, en particulier à l'échelon local. Les organes directeurs compétents devraient examiner leurs politiques, programmes et budgets et activités dans cette optique.
22. Le Programme pour l'habitat est très satisfaisant du point de vue de l'OIT. Les normes internationales du travail, les principes et les domaines de compétence de l'Organisation sont dûment reflétés dans les textes définitifs. Le Programme pour l'habitat confirme que la création et la protection d'emplois productifs et librement choisis, dont les mandants de l'OIT ont souligné l'importance lors du Sommet social, ainsi que cela ressort de toutes les grandes conférences des Nations Unies au cours de cette décennie, restent un objectif majeur. Il aborde les réalités interdépendantes de l'urbanisation et de la mondialisation ainsi que leur relation avec la création et la protection de l'emploi dans l'économie structurée et l'économie non structurée. Le programme préconise également des politiques et programmes favorisant l'emploi local et régional et réaffirme que la création d'emplois est essentielle pour la concrétisation des objectifs d'Habitat II. Ces résultats satisfaisants sont dus dans une très large mesure au fait que les trois groupes de mandants de l'OIT ont participé très activement à la préparation de la conférence et à la conférence elle-même. Habitat II a fait une synthèse des objectifs et des engagements définis au Sommet mondial pour le développement social, intégrant ainsi les questions de l'élimination de la pauvreté, de la création d'emplois et de la lutte contre l'exclusion sociale telles qu'elles sont traitées au niveau local.
23. L'OIT est en mesure de jouer le rôle qui lui échoit au sein du système des Nations Unies pour assurer la mise en uvre du Programme pour l'habitat dans les domaines s'inscrivant dans son mandat. Sa contribution prendra la forme d'une participation active aux travaux du Conseil économique et social des Nations Unies, notamment lors de sa session de fond en 1997, dont la mission est d'examiner l'application du programme. Ces discussions s'inspireront des résultats de la cinquante et unième session de l'Assemblée générale, dont l'ordre du jour comprend une question intitulée Suite donnée à la deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II). En outre, l'OIT poursuivra sa participation aux travaux de la Commission des établissements humains, et sa coopération avec le Centre des Nations Unies pour les établissements humains (Habitat) ainsi que ses efforts de coordination avec cet organisme concernant les programmes en matière de logement et d'emploi. Par ailleurs, selon toute probabilité, l'OIT sera appelée à participer au développement des capacités nationales et locales, y compris celles des organisations d'employeurs et de travailleurs, dans le cadre de la mise en uvre du Programme pour l'habitat. Par conséquent, l'Organisation devra mettre au point des politiques et programmes pratiques pour relever le défi que représente un monde en pleine urbanisation.
24. Enfin, l'Organisation voudra sans doute envisager le renforcement de certaines de ses activités en cours dans le cadre d'un programme d'emploi urbain spécifiquement orienté vers les aspects du Programme pour l'habitat liés à l'emploi, et financées dans une grande mesure par des sources extrabudgétaires. Un tel programme étudierait l'avantage comparatif des partenaires sociaux de l'OIT, en coopération avec les administrations locales et les organisations communautaires, s'agissant de forger des alliances locales dont l'objectif serait la création et la protection de l'emploi dans un monde en pleine urbanisation. Ce programme viserait également la promotion des investissements à forte intensité d'emploi afin d'assurer la création d'emplois durables, ainsi que la révision des réglementations locales compte tenu de leur impact sur le secteur urbain non structuré.
25. Le Conseil d'administration voudra sans doute:
a) se féliciter de l'adoption du Programme pour l'habitat: buts et principes, engagements et Plan d'action mondial, et notamment de la reconnaissance par la deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains du rôle qui revient à l'OIT dans les domaines liés à l'emploi;
b) prier le Directeur général de veiller à ce que l'OIT participe activement aux mesures prises par le système des Nations Unies pour mettre en uvre le Programme pour l'habitat, à ce que cette participation soit intégrée dans les programmes et activités pertinents de l'Organisation, comme cela est reflété dans les Propositions de programme et de budget pour 1998-99 élaborées par le Bureau, et à ce que les mandants de l'OIT ainsi que la structure extérieure y participent aussi pleinement, puisque cette mise en uvre aura lieu principalement aux niveaux national et local;
c) de veiller à ce que les activités de l'OIT dans le cadre d'Habitat II soient intégrées dans le mécanisme de suivi du Sommet mondial pour le développement social et, en particulier, à ce que les questions relatives à l'emploi urbain et au niveau local, y compris le secteur non structuré, soient abordées dans le cadre de l'Equipe spéciale chargée de l'emploi et des moyens de subsistance durables du CAC que dirige l'OIT.
Genève, 1er octobre 1996.
Point appelant une décision: paragraphe 25.
Discours de Mme Katherine Hagen, Directeur général
adjoint
du Bureau international du Travail, à la deuxième Conférence
des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II)
(Istanbul, 6 juin 1996)
Monsieur le Secrétaire général de la Conférence
des Nations Unies
sur les établissements humains,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames et Messieurs,
Habitat II est un événement unique. Premièrement, c'est la dernière des grandes conférences au sommet des Nations Unies tenues au cours de la décennie; elle a donc pour mission de faire la synthèse des divers thèmes abordés par les précédentes, dont le suivi est mis en uvre au niveau local. Deuxièmement, Habitat II emprunte des voies novatrices pour examiner ensemble les questions qui se posent au niveau mondial et celles qui surgissent au niveau local; à cet effet, elle offre aux acteurs locaux de nouvelles possibilités de participer à la conférence elle-même et à son suivi. Compte tenu de l'importance que revêt l'emploi dans le cadre des questions abordées par Habitat II, l'OIT a participé activement aux travaux préparatoires et elle apporte une perspective tripartite particulière, qui lui est propre.
L'OIT elle aussi est unique car, au cours de ses soixante-quinze ans d'histoire, elle a compté parmi ses membres non seulement des gouvernements, mais aussi des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs. Au XXIe siècle, ces partenaires seront appelés à concilier les profits d'une économie mondialisée et le droit des travailleurs à la protection sociale et à la sécurité de l'emploi. On a appelé Habitat II la Conférence des partenaires, et le partenariat est l'un de ses buts et de ses principes directeurs; c'est dire que la composition tripartite de l'OIT, qui réunit employeurs, travailleurs et gouvernements, ne peut que consolider ses résultats et leur conférer une légitimité.
Nos travaux s'inscrivent dans un cadre concrétisé par le Programme pour l'habitat et son Plan d'action mondial. Notre aspiration à voir la réalisation d'un logement décent pour tous et le développement des établissements humains durables dans un monde en pleine urbanisation est expliquée en détail dans ces documents; nous nous engageons à réaliser ces objectifs aux niveaux international, national et local, et, à cette fin, nous trouverons de nouvelles manières d'uvrer ensemble, de rapprocher les secteurs public et privé, et de favoriser la participation des communautés locales, des quartiers et de la société civile. Nous devons à présent relever le défi qui consiste à traduire ces aspirations en des réalités, autrement dit en des résultats concrets. Tout reste encore à faire.
On nous a dit et répété que plus de la moitié de la population mondiale sera citadine au début du XXIe siècle. Inéluctablement, la croissance de la population urbaine entraîne la croissance de la population urbaine active. Actuellement, 2,3 milliards de personnes sont économiquement actives. L'OIT prévoit qu'il faudra ajouter 1,2 milliard de personnes de plus à ce chiffre vers 2025. Et ce sont nos villes qui devront créer une écrasante majorité des emplois indispensables pour absorber cette offre croissante de travailleurs. Nous prévoyons également que la majeure partie de cet accroissement de la population mondiale active, en fait 99 pour cent, se produira dans les pays qui se caractérisent aujourd'hui par des revenus moyens et inférieurs.
Du fait de l'évolution de la structure de l'emploi, les zones urbaines apparaissent de plus en plus comme les centres d'emploi de demain. Dans les pays industrialisés, le secteur des services, qui est surtout urbain, représente à présent presque 60 pour cent de l'emploi total. Dans les pays en développement, l'emploi non agricole s'est accru de 93 pour cent entre 1950 et 1990 et il représente actuellement quelque 40 pour cent de l'emploi total.
L'évolution des types d'emplois dans le secteur structuré ne reflète pas la situation qui prévaut dans le secteur non structuré. Certes, le secteur moderne ne cesse de s'accroître, mais dans de nombreuses parties du monde en développement cette croissance n'a pas suffi à absorber celle de la population active urbaine, qui est constante. Ainsi, le secteur urbain non structuré est à présent un employeur d'importance capitale. En Afrique subsaharienne, on estime qu'il emploie plus de 60 pour cent de la population active urbaine. En Amérique latine et dans les Caraïbes, on estime que, sur 100 nouveaux emplois créés entre 1990 et 1993, 83 se trouvaient dans le secteur non structuré. Nombre de ces emplois sont mal rémunérés, dangereux et peu productifs.
Les femmes sont particulièrement touchées par cette dégradation du marché du travail. En Afrique, les taux de chômage déclaré des femmes dans les zones urbaines sont souvent deux fois plus élevés que ceux des hommes et ils s'accroissent encore. Dans les économies en transition, la fermeture des entreprises d'Etat et l'orientation vers l'économie de marché sont à l'origine d'une progression considérable du chômage féminin. Ainsi, au début de la présente décennie, les femmes constituaient 62 et 78 pour cent des chômeurs déclarés en Allemagne de l'Est et en Russie respectivement.
Ces bouleversements historiques ont une influence dramatique sur la progression de la pauvreté et de l'exclusion sociale, causes premières de nombreux fléaux urbains qui menacent la viabilité de nos villes. L'emploi productif reste l'un des meilleurs moyens de lutter contre la pauvreté. C'est aussi le générateur principal des ressources nécessaires à une meilleure gestion de la ville du XXIe siècle ainsi que le garant de l'existence et de la durabilité des investissements indispensables et du bon fonctionnement des services urbains.
Par ailleurs, la construction, la restauration et l'entretien du logement exercent un impact très profond sur l'emploi. Par logement, on entend, au-delà de l'idée de domicile, celle de milieu de vie et de travail urbain. En outre, qu'il s'agisse des microentreprises installées dans des taudis urbains et dans des établissements non structurés, des travailleurs qui travaillent chez eux grâce à leur téléphone et à leur ordinateur, ou de la majorité des femmes dans le monde qui ploient encore sous le fardeau des travaux domestiques non rémunérés, le foyer et le lieu de travail sont une seule et même chose. Cette conférence sur les établissements humains concerne donc, pour une très large part, les lieux où l'on travaille dans le monde, et de plus en plus le travail est accompli dans les villes.
L'OIT a joué un rôle actif dans toutes les grandes conférences des Nations Unies de cette décennie, du Sommet de la planète Terre de Rio de Janeiro à la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing. Lors du Sommet mondial pour le développement social à Copenhague, en 1995, l'OIT a été désignée l'institution chef de file du système des Nations Unies pour ce qui est de concrétiser les objectifs en matière d'emploi du Programme d'action. Le fil conducteur de la participation de l'OIT à toutes ces conférences, et à Habitat II, est matérialisé par le message suivant: la protection et la création d'emplois productifs, justement rémunérés et librement choisis sont la clé d'un avenir plus équitable et plus prospère et, en vérité, elles en sont les conditions préalables.
L'urbanisation rapide, la mondialisation et l'évolution technologique sont autant de défis colossaux qui exigent des réponses novatrices. Le marché mondial n'est pas seulement le point de rencontre des économies nationales, il est aussi celui des économies urbaines. La compétitivité exerce des pressions de plus en plus fortes et elle a imposé des changements en matière de structure industrielle, d'organisation du travail et d'exigences relatives aux niveaux de compétences. Dans un monde où les divers éléments sont si étroitement liés, les villes doivent acquérir la capacité d'appliquer des politiques d'emploi urbain qui leur permettent simultanément d'optimiser les profits de l'économie mondiale et de minimiser le coût des chocs déstabilisateurs; pour ce faire, elles doivent se procurer les ressources nécessaires, ou encore les créer.
L'année dernière à Turin, en Italie, l'OIT a tenu un Colloque international sur l'avenir de l'emploi en milieu urbain, qui a rassemblé des représentants des gouvernements nationaux et locaux et des organisations d'employeurs et de travailleurs, afin d'encourager le débat sur ces questions. Le colloque a conclu ses travaux par l'adoption d'une Charte de l'emploi en milieu urbain, dont tous les participants à la présente conférence peuvent obtenir un exemplaire, et qui reconnaît le rôle crucial des autorités locales dans la création d'emplois. Cette charte suggère un certain nombre de solutions pratiques que l'OIT se propose de promouvoir activement en vue de l'application du Programme pour l'habitat. Les administrations municipales et locales disposent de la flexibilité et des moyens nécessaires pour forger des alliances locales; elles sont bien placées pour créer un cadre réglementaire favorisant le développement de l'entreprise et, de plus en plus, elles sont en mesure d'orienter les investissements dans l'infrastructure et les services de base urbains, de telle sorte qu'ils créent davantage d'emplois.
La charte appelle également à la conclusion d'alliances entre les secteurs privé et public au niveau local pour favoriser la création d'emplois. Le développement des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises, peut engendrer un très grand nombre de nouveaux emplois. Dans le domaine particulièrement important de la mise en valeur des ressources humaines, ce type de partenariat est déjà très répandu et les entreprises du secteur privé jouent un rôle déterminant s'agissant de définir et de dispenser une formation professionnelle orientée vers l'avenir. La mise en valeur des ressources humaines est indispensable si l'on veut créer une croissance durable dans les villes et minimiser le coût social de la crise urbaine. Dans de nombreux pays, les administrations locales, les hommes d'affaires et les autres membres de la communauté locale unissent leurs forces pour endiguer la crise urbaine qui frappe notamment les chômeurs de longue durée et les exclus de la société; ils cherchent les voies et moyens de revitaliser les secteurs en déclin et d'améliorer la compétitivité des secteurs en pleine croissance. Ces nouvelles alliances favorisent l'adaptation de la population active aux exigences de l'évolution du lieu de travail dans un milieu qui se mondialise et qui devient de plus en plus compétitif.
Quelles stratégies devrons-nous appliquer pour lutter contre le chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale? L'OIT estime qu'il faut promouvoir la stratégie de la croissance à fort coefficient de main-d'uvre. En effet, c'est une chose que d'admettre qu'il faut créer des emplois, et c'en est une autre que de savoir comment créer des emplois nouveaux et meilleurs. Les politiques d'investissement à fort coefficient d'emploi sont peut-être l'instrument le plus puissant dont disposent les autorités municipales. Chaque année, les pays en développement investissent 200 milliards de dollars dans leur infrastructure, ce qui représente environ un cinquième du total de leurs investissements. Cependant, cet investissement entraîne rarement une amélioration des conditions de vie des habitants les plus pauvres des villes; le logement, les routes, les systèmes d'égouts et de distribution de l'eau sont inadéquats pour répondre aux besoins de ces millions de personnes. Recourir à des méthodes à fort coefficient de main-d'uvre pour construire les infrastructures municipales et fournir des services pourrait s'avérer une solution de qualité, d'un bon rapport coût-efficacité, afin de remplacer les politiques d'investissement traditionnelles fondées sur l'équipement. En outre, ce type de stratégie favoriserait l'accroissement de la productivité tout en améliorant les conditions de travail dans le secteur urbain non structuré, dont les ressources productives sont largement inexploitées dans le cadre d'un développement orienté vers l'emploi.
Le dialogue d'Habitat II sur l'avenir de l'emploi en milieu urbain, qui a eu lieu hier, a rassemblé nombre d'acteurs, exposant des points de vue très divers. Les discussions qui ont eu lieu au sein du Forum des syndicats, du Forum mondial des affaires et du Forum de l'Assemblée mondiale des autorités municipales et locales, ainsi que dans d'autres forums de partenaires, portent en elles le ferment d'idées nouvelles que l'OIT se propose d'étudier avec soin, afin que son engagement envers la justice sociale réponde aux exigences du futur en milieu urbain. Je vous invite tous à vous joindre à nous pour traduire ces idées en actions, dans le cadre du suivi d'Habitat II. Cette action comprendra des programmes pratiques, la création et la protection de l'emploi en vue de l'atténuation de l'exclusion sociale et de l'élimination de la pauvreté.
A cet égard, je souhaite mentionner tout particulièrement le Programme de partenariat pour lutter contre la pauvreté en milieu urbain que l'OIT met en uvre en collaboration avec le PNUD, Habitat II et d'autres partenaires à l'intérieur et à l'extérieur du système des Nations Unies. Ce programme s'inspire de l'expérience acquise de longue date par l'OIT dans l'application des politiques d'investissement à fort coefficient de main-d'uvre et dans le développement du secteur non structuré. C'est là un exemple parmi d'autres d'un cadre de travail très réaliste permettant de traduire nombre de bonnes intentions du Programme pour l'habitat en des résultats pratiques.
Le monde dans lequel nous vivons s'urbanise rapidement; mais ce monde de villes devient aussi un monde de divisions, apparemment insurmontables, dans lequel les quartiers riches semblent irrémédiablement séparés des quartiers pauvres, les travailleurs des chômeurs, les privilégiés sur le plan social des exclus de la société et les bons emplois des mauvais. Cette situation ne saurait durer. Si nous n'y prenons garde, elle nous entraînera dans une spirale d'injustices, de déclin économique et d'instabilité sociale. L'objectif commun de l'OIT et de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains est de renverser cette tendance et de transformer ces villes de la frustration et du désespoir en des villes du travail et de l'espoir. Oeuvrons ensemble pour servir les objectifs du logement décent pour tous et du développement d'établissements humains durables et engageons-nous à créer et à protéger le plein emploi et le travail productif justement rémunéré.
2 Colloque international de l'OIT sur l'avenir de l'emploi en milieu urbain, Turin, 1995. Voir aussi document GB.264/ESP/4/1: Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II) et Colloque international de l'OIT sur l'avenir de l'emploi en milieu urbain; et document GB.265/ESP/3/1: Participation de l'OIT à la deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat II), Istanbul, 3-15 juin 1996.