L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
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GB.270/ESP/1/1
270e session
Genève, novembre 1997


Commission de l'emploi et de la politique sociale

ESP


 PREMIÈRE QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Suivi du Sommet mondial pour le développement social

a) Equipe spéciale du CAC sur le plein emploi
et les moyens de subsistance durables:
Rapport de synthèse

1. On se souviendra que, afin de donner effet à l'engagement pris à l'égard du plein emploi lors du Sommet mondial pour le développement social et d'autres sommets mondiaux, le CAC avait créé en 1995 une Equipe spéciale sur le plein emploi et les moyens de subsistance durables, dont l'OIT est le coordonnateur. Cette équipe spéciale a veillé à la réalisation des examens de la politique de l'emploi pratiqués dans sept pays choisis, et le BIT a préparé un rapport de synthèse s'inspirant de leur contenu. Ce rapport de synthèse a été soumis au CAC en avril 1997. Lors de sa réunion de mars 1997, la Commission de l'emploi et de la politique sociale n'a pu, faute de temps, débattre du document qui avait été soumis au titre de la question à son ordre du jour intitulée: «Rapport préliminaire sur les synthèses des examens par pays de la politique de l'emploi effectués par l'Equipe spéciale du CAC»(1) . Ce document ne sera pas soumis de nouveau à la commission, car il a été rédigé avant la réalisation du rapport de synthèse auquel se réfère son titre(2) . Toutefois, il contient un volume considérable d'informations relatives aux caractéristiques de l'emploi et de la population active des pays ayant fait l'objet d'un examen de la politique de l'emploi; il fait état des principaux problèmes auxquels ils sont confrontés en matière d'emploi et décrit les politiques recommandées afin de promouvoir l'emploi et les moyens de subsistance durables. Le présent document met en lumière les caractéristiques et les questions prédominantes contenues dans le Rapport de synthèse. Bien que ces questions aient fait l'objet d'une synthèse se rapportant à tous les pays examinés, le présent document accorde une attention particulière aux examens de politique de l'emploi par pays menés à bien par l'OIT au Chili, en Hongrie et au Népal(3) .

2. Lorsque la commission a débattu du procédé appliqué aux examens de la politique de l'emploi par pays à sa session de novembre 1996, elle s'est inquiétée de ce que les examens menés à bien pour l'Equipe spéciale du CAC n'étaient pas conformes aux modalités et procédures décidées au préalable au sein de la commission pour les examens de politique de l'emploi menés par l'OIT. Néanmoins, tous les examens par pays ont suivi, à des degrés divers, les consignes du document cadre établi par l'OIT et adopté par l'Equipe spéciale. Par conséquent, le diagnostic de la situation de l'emploi dans chaque pays devait être établi en fonction des éléments suivants:

  1. des politiques nationales macroéconomiques et sectorielles donnant une importance suffisante à la promotion et à la qualité de l'emploi, et embrassant des questions telles que la stabilité, l'épargne, l'investissement et le développement de l'entreprise;
  2. des politiques du marché du travail et des institutions fonctionnant selon des règles et des réglementations convenues, inspirées d'un système de normes internationales;
  3. la formulation et l'application de politiques démocratiques, la mise en place d'un dialogue social et la participation de la société civile;
  4. l'élimination de la discrimination entre les sexes, du travail des enfants, et la mise en place de programmes ciblés visant à promouvoir la capacité des pauvres et des groupes vulnérables à trouver un emploi;
  5. la nécessité de s'adapter aux changements que connaissent les flux d'échanges et de capitaux ainsi que les mouvements migratoires, et de prendre des mesures pour optimiser les effets de ces flux sur l'emploi.

Principaux résultats de la recherche
et questions de politique générale

3. Les sept pays qui ont fait l'objet de l'examen se situent à diverses phases de développement économique et social, comme le révèlent les niveaux de revenu par habitant, de chômage, de pauvreté, de qualité d'emploi et de conditions de travail qui caractérisent chacun d'entre eux. Cependant, ils présentent tous certains traits et certains problèmes qui se manifestent d'ailleurs à des degrés divers, et qui permettent de mieux comprendre le type de politiques qu'il conviendrait d'appliquer afin de promouvoir l'emploi et la justice sociale. Ces traits et ces problèmes sont notamment les suivants:

4. Le Rapport de synthèse a noté que, pour bien évaluer l'engagement des pays à l'égard du plein emploi et des moyens de subsistance durables, il convenait non seulement de connaître leurs déclarations officielles mais aussi de vérifier si l'objectif de l'emploi était suffisamment pris en compte dans le cadre de la politique économique et si cette dernière était réellement axée sur l'élimination de la pauvreté par la création d'un emploi efficace, rémunérateur et durable. Par ailleurs, il est essentiel que les représentants de la société civile participent à la formulation des politiques économiques. De toute évidence, c'est dans cet esprit que le Plan d'action a été adopté lors du Sommet social, car la recherche du plein emploi passe par la reconnaissance du fait qu'il faut «donner à l'emploi la place centrale dans l'élaboration des politiques»... avec «la pleine participation des employeurs, des syndicats et des autres composantes de la société civile»(4) .

5. Pour bien évaluer la situation de l'emploi et les politiques y afférentes dans les pays objet de l'examen de l'Equipe spéciale du CAC, le rapport a estimé qu'il fallait prendre en compte l'ajustement économique considérable qui a commencé au début des années quatre-vingt, notamment dans la période qui a suivi la crise de la dette. Dans la plupart des pays, la crise de la croissance et du chômage a jailli soudainement, exigeant la quête d'approches nouvelles à la croissance et à la création d'emplois. La transition économique s'est traduite par une réduction du rôle de l'Etat en matière de création d'emplois, tandis que la participation du secteur privé s'est accrue. Tous les pays ayant fait l'objet de l'examen ont été le théâtre d'une ou de plusieurs séries de réformes de politique générale, d'où leur progression, notamment par le biais de la libéralisation du commerce, vers une plus grande intégration dans l'économie mondiale. Il convient de noter aussi la restructuration politique considérable qui est allée de pair avec la transition économique: en Hongrie, la transition a été à la fois politique et économique, puisque le pays a abandonné les principes de l'économie planifiée au profit des principes du marché, démocratiquement choisis. Le Népal s'est doté d'un régime démocratique par l'adoption de sa nouvelle Constitution de 1990. La même année, le Chili a remis en place un gouvernement démocratique après dix-huit ans de dictature militaire. Le rapport a estimé que, même si la démocratisation politique et la libéralisation économique ne suffisent pas, à elle seules, à produire le plein emploi, elles ont pourtant inauguré une ère de plus grande transparence dans le gouvernement. Ainsi, la sensibilisation s'est beaucoup accrue en ce qui concerne la qualité de l'emploi, les exclus de la société, la discrimination à l'égard des femmes, le recours au travail des enfants et au travail forcé, et la sécurité de l'emploi; les représentants de la population évoquent constamment ces questions dans la presse et au Parlement. En principe, ce type de climat favorise l'avènement d'un dialogue sain entre les partenaires sociaux sur des thèmes comme la promotion de l'emploi, la productivité et la protection sociale.

6. Selon le rapport, dans toute économie, l'absorption durable de la main-d'œuvre par l'emploi passe par le maintien d'un niveau élevé de la demande de main-d'œuvre, grâce à la croissance de la production et à l'ajustement permanent des structures économiques. L'ajustement constant permet d'accroître ou de maintenir l'efficacité de la réaction aux pressions internes et externes et de canaliser la main-d'œuvre vers des activités engendrant des niveaux plus élevés de valeur ajoutée. L'efficacité de l'économie et sa croissance exigent une accumulation de compétences toujours plus pointues, ainsi que celle du capital, et son utilisation judicieuse. En outre, quel que soit le niveau de la demande, le degré d'utilisation de la main-d'œuvre dépend des pressions de l'offre, lesquelles sont fonction de la croissance démographique, des flux migratoires, et de la volonté et de la nécessité pour les travailleurs de trouver un emploi. L'expansion de l'emploi et la concrétisation des moyens de subsistance durables impliquent un choix judicieux de politiques dans un certain nombre de domaines, comme le souligne l'Equipe spéciale et comme le confirme l'exercice des examens par pays. Ces politiques sont les suivantes:

  1. l'instauration d'une stabilité macroéconomique et d'un équilibre fiscal et monétaire;
  2. des politiques sectorielles susceptibles de promouvoir une croissance à forte intensité d'emploi par le biais d'une structure incitative fondée sur le marché;
  3. des politiques du marché du travail et des institutions propices à son fonctionnement efficace et équitable;
  4. des politiques visant à améliorer la mise en valeur des ressources humaines;
  5. la mise au point de programmes bien ciblés conçus pour atténuer la pauvreté et lutter contre l'exclusion sociale.

Par ailleurs, d'autres mesures devraient garantir la sauvegarde de l'environnement; c'est là une question à part entière du suivi intégré des grandes conférences et l'Equipe spéciale a décidé qu'elle devrait faire l'objet d'une attention particulière. Quant à la protection des droits de l'homme fondamentaux dans les domaines de la liberté syndicale, de l'égalité de chances et du travail forcé et du travail des enfants, elle est bien sûr inhérente à tous ces thèmes.

7. Toutefois, le rapport note que les pressions exercées par la concurrence internationale sont une source de préoccupation relative au risque de perte d'emploi et de délocalisation. Cette appréhension devrait disparaître si les pressions protectionnistes sont évitées et si la paix sociale est assurée. Par ailleurs, un taux rapide de croissance de l'emploi qui assurerait l'employabilité constante des travailleurs et la pleine application des normes fondamentales du travail dans le monde soulageraient ces préoccupations dans une grande mesure.

8. Dans le rapport, un chapitre est consacré au dialogue social et à la prise de décisions politiques et démocratiques. Il est noté que la prise de décisions en matière de politiques pourrait exercer autant d'influence que leur application, s'agissant de créer les conditions propices à l'avènement du plein emploi et des moyens de subsistance durables. La bonne gestion des affaires publiques est un élément essentiel de la réussite, dans ce que la Déclaration de Copenhague et le Programme d'action ont appelé «une campagne mondiale pour le progrès et le développement social»(5) . L'exercice de la démocratie va de pair avec un processus de prise de décisions politiques fondé sur la représentation universelle et le respect des procédures acceptées en vertu d'une Constitution et de législations et de pratiques dûment approuvées. En retour, la prise de décisions doit être transparente, un vaste débat public, bien documenté, doit être encouragé autant que possible, les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires doivent faire preuve de responsabilité, et la critique doit être prise en compte. La démocratie implique aussi que les décisions et l'exercice de la responsabilité individuels soient fiables. Par conséquent, le rôle des décideurs consiste souvent à instaurer le climat dans lequel les acteurs individuels tels que les agriculteurs, les chefs d'entreprises et les travailleurs pourront prendre les décisions qui leur semblent être les meilleures à la lumière d'une information généralement disponible. La prise de décisions politiques et démocratiques, l'exercice de la responsabilité, le regard et la critique du public, ainsi que la consultation tripartite sont autant d'éléments que le rapport juge essentiels à une bonne stratégie de promotion de l'emploi.

9. Le rapport met aussi l'accent sur l'engagement politique, qu'il considère comme un autre facteur essentiel de la concrétisation des objectifs en matière d'emploi. A cet égard, il est noté que la convention no 122 suppose l'engagement formel des gouvernements qui l'ont ratifiée d'appliquer un mécanisme de contrôle des politiques visant la promotion du plein emploi et des résultats qu'elles produisent. La volonté d'entrer dans une consultation et une négociation conjointes avec les organisations d'employeurs et de travailleurs constitue un autre aspect de cet engagement. Certes, les structures politiques pluralistes sont plus efficaces, s'agissant d'opérer les réformes politiques nécessaires, de les expliquer et de les justifier. Le rapport explique que les organisations d'employeurs et de travailleurs sont en mesure de faire une contribution précieuse à la conception et à la mise en œuvre des politiques de l'emploi. La recherche du plein emploi et la participation des employeurs et des travailleurs à la formulation de la politique de l'emploi sont deux éléments qui se renforcent mutuellement.

Expérience acquise dans certains pays

10. En ce qui concerne les résultats et les principes de politique générale communs décrits ci-dessus, le rapport tire quelques conclusions politiques spécifiques à certains pays. Les paragraphes suivants font référence aux trois pays pour lesquels l'OIT était chargée de procéder à un examen de la politique de l'emploi. Pour ce qui est du Népal, l'OIT a noté que l'économie se caractérise par des niveaux très élevés de sous-emploi et de pauvreté, et que les emplois créés dans la production organisée ne sont pas suffisants pour contrebalancer les pressions exercées par la main-d'œuvre qui déferle, en provenance des zones rurales. Il en résulte une productivité très faible et la création d'emplois urbains très mal rémunérés. Les réformes économiques n'ont pas réussi à attirer l'investissement étranger direct en volume suffisant et elles n'ont eu que peu d'influence sur l'investissement national. Les conditions de vie sont en général très difficiles dans les zones rurales; le combustible est rare, parfois même l'eau, et les travailleurs, notamment les femmes, doivent consacrer une grande partie de leur journée à satisfaire ces besoins fondamentaux dans leur foyer. Les conditions de travail dans les zones urbaines et dans les zones rurales sont souvent malsaines et peu sûres; la sécurité de l'emploi est très faible et la période d'occupation d'un emploi est généralement courte. En dépit de la faiblesse des niveaux d'éducation de la main-d'œuvre en général, le sous-emploi des chercheurs d'emploi instruits devient un problème critique et préoccupant. Le marché du travail présente d'autres caractéristiques indésirables, tels le travail forcé dans les zones rurales et le travail des enfants dans l'agriculture et dans le secteur moderne. Bien qu'il ne représente qu'un petit pourcentage de la main-d'œuvre rurale, le travail forcé est un principe inacceptable, et le gouvernement doit prendre immédiatement des mesures à son encontre. Le nombre des enfants qui travaillent dans le cadre familial est très élevé au Népal, puisqu'il représente 9,5 pour cent de la main-d'œuvre occupée, et rares sont ceux qui, parmi ces enfants, travaillent pour un salaire.

11. La stabilisation opérée récemment a porté ses fruits, mais certaines faiblesses demeurent, qui sont inhérentes à l'économie. Les déficits budgétaires et des comptes courants, qui sont considérables, sont financés uniquement par un flux généreux d'aide à des conditions de faveur. Les sources de revenu sont limitées et le déficit fiscal est difficile à contrôler. Les gains à l'exportation sont instables compte tenu d'une extrême concentration du produit du marché. Par ailleurs, le Népal est confronté à un dilemme puisqu'il aurait besoin de faire un investissement considérable en infrastructures physiques pour aider tous les secteurs économiques. Le taux d'épargne est relativement peu élevé dans le pays, de sorte que l'épargne étrangère -- qu'elle se manifeste sous la forme d'une aide ou d'un investissement -- détient en fait les clés de la croissance de l'emploi. Au Népal, la libéralisation des marchés et la stabilisation macroéconomique sont des conditions nécessaires mais non pas suffisantes pour lever les graves obstacles structurels auxquels le pays est confronté. L'infrastructure de base fait défaut pour soutenir l'agriculture et l'industrie et il y a pénurie des compétences humaines nécessaires. Les politiques futures doivent encourager un investissement plus important dans ces domaines.

12. Le Népal doit également se doter de politiques vigoureuses en matière d'offre de main-d'œuvre. Les politiques conçues pour le marché du travail organisé ainsi que les institutions nécessaires à leur formulation et à leur application commencent à peine à se développer (par exemple la loi sur le travail et la loi sur les syndicats de 1992). Cet effort doit être poursuivi car il favorisera le renforcement des organisations d'employeurs et de travailleurs. Il semble qu'en matière d'éducation et d'emploi aucune véritable politique n'ait été mise au point pour aider les femmes, de sorte que le fossé qui les sépare des hommes dans ces domaines n'a cessé de se creuser. Le Népal a fait preuve d'un engagement très marqué envers la lutte contre le travail des enfants, mais, en dépit du lancement de certains programmes, il reste encore à mettre au point une stratégie cohérente. En matière d'emploi indépendant, les programmes du Népal ont généralement trait à l'accès au crédit, assortis parfois d'une fourniture de formation ou d'information sur la technologie ou les marchés. Le programme «Vivres contre travail» et d'autres programmes de travaux publics sont générateurs d'emplois salariés. Les programmes d'emplois indépendants et d'emplois salariés sont centrés sur les pauvres, réussissent assez bien, et ont permis de créer des emplois pour les femmes.

13. Les rapports entre la croissance sectorielle et l'environnement sont particulièrement étroits au Népal. L'agriculture et le tourisme dépendent, dans une grande mesure, de la préservation des ressources naturelles. Par conséquent, il est urgent d'intégrer des politiques en matière d'environnement à la fois dans les programmes de développement global et dans les programmes sectoriels.

14. En dépit de la bonne performance économique du Chili en général, qui a entraîné une croissance importante de l'emploi et une réduction de la pauvreté absolue, la répartition du revenu s'est à peine modifiée. Les foyers appartenant aux quatre quintiles inférieurs de la société (soit 80 pour cent du total) gagnent moins que le revenu national moyen de l'ensemble des foyers. Cependant, des mesures ont été prises pour améliorer la situation des pauvres par le biais de politiques du marché du travail, notamment en apportant des changements au salaire minimum. Depuis 1987, grâce surtout à la politique gouvernementale, le salaire minimum réel s'est accru considérablement. En 1990, il s'était accru de 20 pour cent en termes réels, et entre 1990 et 1995 il s'est accru de 30 pour cent supplémentaires. Entre 1990 et 1993, le salaire minimum a été réajusté dans le cadre d'un accord élargi entre le gouvernement et les organisations d'employeurs et de travailleurs. C'était là le produit d'un exercice tripartite qui a également porté sur les politiques de stabilisation macroéconomique, dans le cadre du retour du Chili à la démocratie.

15. Au Chili, l'un des facteurs qui contribuent à la création d'emplois de mauvaise qualité sur le marché du travail est la pratique du «Sous-entrepreneur de main-d'œuvre» aux termes de laquelle un sous-entrepreneur propose des travailleurs à des tiers. Cette pratique s'est accrue rapidement et régulièrement, et elle a entraîné la création d'emplois instables, assortis de salaires peu élevés et de bas niveaux de sécurité et de santé au travail. Ce phénomène s'explique en partie par le fait que le Code du travail ne donne pas de définition précise du rôle des employeurs et des sous-entrepreneurs à l'égard de la main-d'œuvre qu'ils recrutent, et qu'ils proposent à des tiers. Nombre d'emplois de mauvaise qualité sont engendrés par les activités liées à l'exportation dans lesquelles il devrait pourtant être possible de garantir un niveau minimum de protection sociale. La plupart des emplois dans la foresterie et l'agriculture sont temporaires; les salaires sont peu élevés dans l'agriculture orientée vers l'exportation (environ 80 pour cent des travailleurs y gagnent plus ou moins le salaire minimum); un cinquième seulement des salariés cotisent à des fonds de pension et 18 pour cent seulement sont au bénéfice d'une couverture d'assurance maladie. Le taux d'affiliation aux syndicats est peu élevé et la participation des travailleurs temporaires à la négociation collective est un phénomène pratiquement inconnu. Le rapport note que le Chili est l'un des rares pays d'Amérique latine qui n'ont pas encore ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

16. Selon le rapport, le Chili a appliqué avec succès une série de réformes économiques, et l'organisation macroéconomique fait l'objet d'une satisfaction relativement générale. Cependant, même s'il est essentiel de préserver les hauts niveaux de la productivité et des conditions de travail, force est d'admettre que l'exclusion sociale permanente d'un très grand nombre de pauvres est un problème qu'il faut affronter. Le pays doit relever un défi considérable, qui consiste à améliorer sa productivité et le fonctionnement des marchés du travail. Une grande partie du débat sur les conditions nécessaires en matière de main-d'œuvre pour permettre à l'économie chilienne d'être compétitive sur le plan international a porté sur la flexibilité du marché du travail. A cet égard, le gouvernement a proposé de modifier l'administration du travail, les tribunaux du travail, le Code du travail (notamment pour ce qui est des dispositions de négociation collective), l'assurance chômage et le système national de formation. Les opinions très conflictuelles qui séparaient employeurs et travailleurs concernant les modifications proposées avaient, à la fin de 1996, mis un frein au dialogue tripartite qui avait commencé en 1990.

17. L'un des principaux problèmes affectant le Chili est sans doute l'inadéquation de son enseignement public. Un programme national conçu pour améliorer sa qualité s'attaque à juste titre à l'obstacle essentiel que constitue l'inégalité en matière d'accès à un enseignement de bon niveau; en effet, le plus souvent, cet accès est fonction du revenu du foyer ou de la classe sociale à laquelle il appartient. Cette lacune affecte particulièrement l'enseignement secondaire et universitaire. La formation est une composante essentielle de la stratégie dont s'est doté le pays pour devenir compétitif. Au Chili, les niveaux de la formation en institution sont très bas. Le coût de la formation est déductible des impôts (jusqu'à concurrence de un pour cent de la masse salariale), mais seule une petite fraction, à savoir un tiers de ce montant, est mise à profit et d'ailleurs acheminée vers la formation des administrateurs, des professionnels et des gestionnaires. Le gouvernement a proposé de réformer le système de formation, notamment de l'étendre, et de favoriser la négociation d'un accord entre employeurs et travailleurs quant aux compétences qu'il convient d'enseigner.

18. En Hongrie, le chômage fluctue entre 10 et 11 pour cent, et le chômage à long terme s'est accru régulièrement jusqu'à constituer plus de la moitié du nombre total des chômeurs. Le chômage est particulièrement élevé chez les jeunes et chez les gitans. Les tendances en matière de salaire et de revenu sont également préoccupantes. Entre 1990 et 1995, les salaires et les revenus réels ont chuté tous les ans sauf en 1994. En 1995, le salaire réel moyen était d'environ 20 pour cent moins élevé que six ans auparavant, et le revenu réel moyen par habitant avait baissé de presque 14 pour cent. Parallèlement, les différentiels de revenus se sont accrus rapidement. Les dépenses sociales ont augmenté en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) au cours des sept dernières années, mais leur valeur réelle a décliné. Le système de protection sociale n'a pas réussi à empêcher l'augmentation du nombre des pauvres, dont on estime qu'ils représentent désormais un tiers de la population.

19. Au cours des deux dernières années, la prise de décision politique en Hongrie a visé l'instauration d'un équilibre macroéconomique. Cependant, la croissance du PIB est demeurée faible et l'inflation a persisté. Selon le rapport, il faut voir là un besoin pour les entreprises d'augmenter considérablement leur capacité novatrice et technologique. Les politiques doivent promouvoir un glissement des exportations à faible valeur ajoutée dépendant d'une main-d'œuvre relativement bon marché, vers une production à plus haute valeur ajoutée, fondée sur une technologie avancée et de meilleure qualité. Voilà qui passe d'abord par une promotion plus active de la restructuration de l'entreprise, par l'amélioration de la productivité, de la qualité et de la compétitivité et par le renforcement de l'innovation et de l'investissement. Il conviendrait d'étudier plus avant les implications de cet effort sur l'emploi.

20. L'une des caractéristiques particulières de la promotion de l'emploi est le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME). Leur nombre s'est accru rapidement au cours des années quatre-vingt-dix, tandis que la part des grandes entreprises dans la production et l'emploi a diminué. Cependant, plusieurs facteurs font obstacle à la consolidation du secteur des PME, tel le niveau élevé des impôts et des contributions de sécurité sociale, un accès difficile au capital, diverses réglementations, une pénurie d'actifs et une concurrence déloyale. Pour accroître la capacité de création d'emplois des PME et compenser les pertes d'emploi dans les grandes entreprises, l'action doit s'orienter vers un soutien à la croissance des entreprises existantes. A cet égard, il serait souhaitable de modifier la politique des salaires en renforçant le processus de négociation tripartite. Certes, la négociation collective est bien implantée au niveau de l'entreprise; cependant, au niveau du secteur, elle est encore négligée et devrait être renforcée. Parallèlement, il conviendrait d'encourager les systèmes de rémunération plus étroitement liés à la productivité et au rendement économique, tels que le partage des bénéfices et le salaire lié au profit.

21. La Hongrie a mis au point un large éventail de programmes dynamiques concernant le marché du travail. Récemment, ils ont été orientés vers des groupes sociaux particulièrement exposés au chômage, dont les jeunes (plus particulièrement ceux qui quittent l'école), les chômeurs de longue durée, les travailleurs handicapés et la communauté des gitans. Les institutions régionales du marché du travail se sont vues octroyer davantage de responsabilités, et la participation des communautés locales et des organisations non gouvernementales à des projets de création d'emplois et à des programmes favorisant l'intégration sociale des groupes désavantagés s'est accrue. Selon le rapport, cette approche pourrait être approfondie. Etant donné que ce sont les personnes les plus âgées et les moins qualifiées qui semblent bénéficier le plus de la formation au marché du travail, les programmes qui leur sont destinés devraient être étendus. En outre, le système des indemnités de chômage doit être réformé afin de stimuler chez les intéressés une recherche active de l'emploi et une entrée précoce sur le marché du travail, tout en leur fournissant un soutien de revenu suffisant.

Politiques de promotion de l'emploi
et de moyens de subsistance durables

22. Le Rapport de synthèse se terminait par quelques messages concernant les politiques nationales, par des propositions relatives à une action internationale et des commentaires sur le rôle des institutions des Nations Unies. La création d'un cadre politique au niveau national visant à promouvoir la création d'emplois et des moyens de subsistance durables passe par la satisfaction des critères suivants:

Soutien international

23. La section du rapport concernant l'action internationale embrasse des questions telles que la nécessité, pour les principales économies du monde, d'étendre leurs marchés et de les ouvrir autant que possible aux marchandises importées. Il est dit que les accords de commerce régionaux tels que ceux qui sont signés dans le cadre de l'Union européenne, de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et du Marché commun du Sud (MERCOSUR) devraient être compatibles avec les règles fondamentales de l'OMC relatives au traitement de la nation la plus favorisée. Il est également mentionné que la situation en matière d'aide étrangère est préoccupante, puisque l'aide fournie par les pays membres de l'OCDE ne représentait que 0,27 pour cent de leur PIB en 1995, c'est-à-dire le pourcentage le plus faible jamais enregistré. Le niveau de la dette de nombreux pays en développement s'élève encore, celui des pays pauvres très endettés (PPTE) est préoccupant. Les tendances mondiales en matière de politique d'immigration sont aux restrictions qui ne cessent de croître, y compris l'inversion de nombreuses mesures qui facilitaient naguère l'intégration des migrants sur les marchés du travail des pays d'accueil.

24. Au cours de ses travaux dans le cadre des examens par pays, l'Equipe spéciale s'est également penchée sur un certain nombre de questions et d'activités connexes, ce qui a constitué un apport utile dans l'exercice de l'examen. Il s'agissait en particulier d'une analyse de l'impact de la mondialisation et de l'évolution technologique sur l'emploi, thème qui a été débattu lors d'un séminaire parrainé par la CNUCED; d'une discussion approfondie sur un document élaboré par le PNUD sur les moyens de subsistance durables, portant notamment sur le concept et sur les procédures de fonctionnement, dont certaines ont été, de ce fait, incorporées dans le cadre révisé des examens par pays; et enfin, de débats concernant la mise en place d'indicateurs plus efficaces en matière d'emploi et de moyens de subsistance durables; sur la base de ces discussions, l'Equipe spéciale a accepté d'incorporer un ensemble d'indicateurs qui ont ensuite été approuvés par la Commission statistique des Nations Unies. Par ailleurs, l'Equipe spéciale s'est jointe à un effort commun émanant d'autres équipes spéciales du CAC, et visant à apporter des améliorations à tout l'éventail des indicateurs sociaux, y compris les indicateurs de l'emploi et des moyens de subsistance durables.

25. Le rapport a conclu que les examens par pays avaient fourni quelques bons exemples de domaines pouvant faire l'objet d'une assistance supplémentaire de la part du système des Nations Unies. Au Chili, le choix préliminaire de ces domaines comprend l'analyse de l'éducation et de l'emploi, dans laquelle l'UNESCO et l'OIT pourraient intervenir; une étude concernant l'impact du chômage sur les diverses sections de la main-d'œuvre, y compris les jeunes et les femmes, avec la collaboration de l'OIT, de l'UNICEF et de la Commission économique pour l'Amérique latine (CEPAL). Dans le cadre du suivi de l'examen sur le Chili, une série de séminaires tripartites est organisée, dont deux ont déjà eu lieu, sur les questions d'égalité entre les sexes et de la qualité de l'emploi. Les recommandations incluses dans les examens par pays sont mises à profit pour renforcer les objectifs par pays de l'OIT et pour faciliter les contacts en cours avec plusieurs institutions. En Hongrie et au Népal, les gouvernements ont recensé plusieurs domaines dans lesquels le soutien des Nations Unies serait souhaitable. Parmi les problèmes requérant une action au niveau national, beaucoup portent sur des domaines dans lesquels les institutions des Nations Unies pourraient coopérer avec le gouvernement, ainsi que divers groupes de la société. Au Népal, l'exercice a suscité l'entreprise de la première enquête sur la main-d'œuvre, qui sera menée à bien par l'OIT et financée par le PNUD. Les politiques en matière de développement des ressources humaines, d'emploi rural ou de soutien aux petites et micro-entreprises et au secteur non structuré pourraient bénéficier d'un appui dans le cadre d'une coordination des institutions du système, par exemple par le biais des activités qui sont actuellement envisagées par l'OIT et le PNUD en Zambie et au Mozambique. Enfin, le rapport a estimé que la coopération entre les institutions est très efficace quand chacune d'elles fait usage de son avantage comparatif lors du traitement d'un ensemble de problèmes, et qu'elle apporte ainsi au processus une valeur ajoutée supplémentaire.

Genève, le 14 octobre 1997.

1.  GB.268/ESP/2; Internet: http://www.ilo.org/public/english/20gb/docs/gb268/esp-2.htm.

2.  Equipe spéciale du CAC sur le plein emploi et les moyens de subsistance durables: Rapport de synthèse, daté du 27 mars 1997.

3.  Le texte intégral du rapport en anglais sera mis à la disposition des membres qui le demanderont. Il est également disponible sur l'Internet sur les pages d'accueil de EMPFORM sur le site Internet de l'OIT à http://www.ilo.org/public/english/60empfor/polemp/prog4.htm. Les versions française et anglaise sont en cours de préparation et seront disponibles avant la réunion de la commission en novembre 1997.

4.  Programme d'action du Sommet mondial pour le développement social, paragr. 47.

5.  Ibid., paragr. 29.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.