GB.270/ESP/3 |
Commission de l'emploi et de la politique sociale |
ESP |
TROISIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Relations avec les institutions de Bretton Woods
I. Introduction
1. La commission se souviendra que le document dont elle a été saisie à ce sujet à sa session de novembre 1996(1) fournissait des précisions sur la collaboration entre l'OIT et les institutions de Bretton Woods au cours des deux années précédentes. Ce document appelait l'attention sur l'élargissement du dialogue mené par l'OIT avec ces institutions, dialogue qui dépasse maintenant la question clé de l'ajustement structurel pour s'étendre plus largement aux questions économiques ayant trait à la mondialisation et à la croissance économique, ainsi qu'à toute une série de questions sociales et de problèmes relatifs au marché du travail. Cette évolution s'explique en partie par les changements survenus dans le monde qui ont poussé les organisations internationales à chercher des solutions plus cohérentes et globales aux problèmes que rencontrent leurs membres, en partie aussi par les changements institutionnels qui ont amené les institutions de Bretton Woods à élargir leurs activités dans le domaine social et dans celui du travail, en partie enfin par le fait que l'OIT doit, en vertu de son mandat constitutionnel, étudier de manière plus active et plus large les implications sociales et normatives des politiques financières et économiques internationales.
2. Ce document mettait également l'accent sur les larges objectifs du dialogue mené par l'OIT avec les institutions de Bretton Woods, qui dépassent le mandat traditionnel de l'Organisation consistant à promouvoir le tripartisme et les normes internationales du travail; il s'agit pour l'OIT d'assumer un rôle de direction dans l'articulation des objectifs que sont une croissance économique créatrice d'emplois et la création d'emplois productifs et rémunérateurs dans le respect de la sécurité et de la santé au travail; il s'agit aussi pour l'Organisation de devenir la source principale de compétence et d'assistance technique dans ce domaine, tant pour les besoins à court terme que pour la stratégie à long terme.
3. Le présent document vise à informer la commission des faits qui se sont produits au cours des douze derniers mois.
II. Visites du Président de la Banque mondiale
et suites de cette visite
4. Comme on l'a indiqué à la commission l'an dernier, le Bureau a reçu en mai 1996 la première visite d'un Président de la Banque mondiale, M. James Wolfensohn. Le point essentiel de cette visite est l'acceptation formelle par M. Wolfensohn de l'invitation qui lui a été faite de s'adresser en séance plénière à la session de 1997 de la Conférence internationale du Travail. Une invitation lui a été ensuite transmise, qu'il a acceptée.
5. La réunion de mai 1996 avait comporté un entretien privé avec le Directeur général, suivi d'une rencontre officieuse avec certains fonctionnaires, qui avait fourni une excellente occasion de découverte mutuelle grâce à un échange de vues et d'informations concernant, d'une part, les priorités de l'OIT relatives à la promotion de la démocratie, des droits de l'homme et de la qualité de l'emploi et, de l'autre, la volonté du Président de la Banque mondiale de promouvoir le développement social et la coopération institutionnelle, et notamment son engagement personnel à favoriser la coopération du personnel de la Banque. Il a été convenu que les deux institutions traiteraient ces questions dans le cadre d'un renforcement de leur partenariat bilatéral.
6. C'est pourquoi l'une des suites de cette visite a été la mission de haut niveau envoyée par l'OIT à la Banque mondiale en mars 1997. Grâce à des réunions avec de multiples responsables de la Banque et aux entretiens techniques qui avaient eu lieu lors des tables rondes organisées à Genève en 1994 (voir le document GB.267/ESP/2), on a pu renforcer les liens entre les deux organisations et dresser la liste et l'ordre de priorité des principaux domaines devant faire l'objet du dialogue futur sur les actions à mener. L'objectif était de mettre l'accent sur les questions nouvelles sur lesquelles devaient porter le dialogue et la coopération, mais tous les participants ont convenu que ces nouvelles priorités devraient s'inscrire dans le cadre du dialogue et de la coopération relative aux questions et préoccupations actuelles. Tout en haut de la liste figurent la promotion des normes fondamentales du travail et l'abolition du travail des enfants.
7. En ce qui concerne la première de ces deux priorités -- la promotion des normes fondamentales --, il a été décidé d'entamer un dialogue rigoureux entre le personnel des deux organisations afin d'examiner les possibilités de faire que les activités de la Banque répondent à un souci de compatibilité avec ces normes fondamentales. Pour ouvrir ce dialogue, l'OIT a organisé, en mai 1997, dans les locaux de la Banque une réunion d'information technique sur les normes internationales du travail et a proposé à la Banque d'organiser un séminaire général de haut niveau sur les normes fondamentales. Poursuivant le travail dont la commission a été informée l'an dernier, l'OIT fournit en même temps des avis techniques visant à aider les institutions de Bretton Woods dans les efforts qu'elles accomplissent pour répondre aux stipulations récentes de la législation du gouvernement des Etats-Unis, demandant notamment aux directeurs américains des institutions financières internationales d'engager vivement leurs institutions respectives à adopter des mesures tendant à inciter les pays emprunteurs à garantir les droits des travailleurs internationalement reconnus et à faire de la situation de ces droits un élément intégral du dialogue mené avec chacun des pays emprunteurs sur l'action à mener. Dans un autre type d'action normative, l'OIT, agissant en consultation avec la Banque mondiale et la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, est intervenue pour faciliter le dialogue entre ces deux institutions, à la suite de l'initiative de la seconde tendant à demander que l'on observe les normes fondamentales de l'OIT dans les contrats d'achat de la Banque mondiale.
8. En ce qui concerne la seconde priorité -- l'abolition du travail des enfants --, la Banque a pris différentes mesures importantes au cours de l'année écoulée. Pour développer sa connaissance de la question du travail des enfants, elle a largement puisé dans les sources d'information de l'OIT. Ses préoccupations en ce domaine sont déjà apparues dans certains de ses rapports par pays, et il est demandé instamment aux bureaux extérieurs et équipes techniques du terrain de l'OIT de mettre en place des relations de travail étroites avec le personnel de la Banque au niveau des pays. Au niveau du siège, la Banque a rédigé un document d'orientation visant à accroître sa participation aux efforts tendant à éliminer l'exploitation de la main-d'œuvre enfantine, document qui est soumis à l'approbation définitive du Conseil des Administrateurs et à un examen du Département juridique.
9. Les autres domaines essentiels devant faire l'objet d'un dialogue et d'une coopération sur l'action à mener dont il a été question au cours de la mission de haut niveau qui s'est déroulée en mars sont les suivants: promotion de l'égalité entre hommes et femmes; ajustement structurel et réforme du marché du travail; développement des entreprises; formation; coopération à mener dans les situations faisant suite à un conflit; «banques de connaissance des réseaux», et échanges de données; collaboration au niveau des pays. Il a été décidé que de nouveaux efforts seraient entrepris dans ces domaines. Il a été également décidé de poursuivre le soutien accordé aux efforts de coopération déjà en cours, particulièrement dans les domaines de la formation professionnelle, de la réforme du droit du travail, de la modélisation des systèmes de sécurité sociale et du fonctionnement des fonds sociaux. Ces efforts ont été exposés dans des rapports précédents à la commission (dont le document GB.267/ESP/2), et l'on trouvera ailleurs dans le présent rapport les faits nouveaux s'y rapportant.
10. La mission de haut niveau de l'OIT a également mené les activités suivantes: contribution aux préparatifs de la visite de M. Wolfensohn à la 85e session de la Conférence internationale du Travail, en juin 1997, qui comprenait une allocution officielle de trente minutes à la séance plénière de la Conférence(2) ; organisation d'une séance informelle de questions et de réponses de deux heures, dont la présidence était assurée par le Président du Conseil d'administration et à laquelle assistaient quelque 80 ministres du Travail, 20 délégués des travailleurs et 20 délégués des employeurs (séance retransmise en vidéo dans le bâtiment du BIT à l'intention des autres délégués et du personnel de Bureau); déjeuner avec les ministres et d'autres délégués; réunion séparée avec le Directeur général; conférence de presse.
11. Dans son allocution à la Conférence, M. Wolfensohn a confirmé sa volonté d'œuvrer en coopération étroite avec l'OIT à la promotion du développement social et de la justice sociale. Examinant le rôle de la Banque dans la lutte contre la pauvreté et l'iniquité, il a mis l'accent sur les liens multiples et profonds qui existent entre les pays développés et les pays en développement, la nature changeante des flux d'investissement, dominés aujourd'hui par le secteur privé, le fait qu'une bonne politique économique repose sur une bonne politique sociale, les liens étroits et la complémentarité des activités de l'OIT et de la Banque mondiale et la nécessité d'approfondir encore les relations de coopération entre les deux institutions.
12. La séance informelle de questions et de réponses qui s'est tenue avec les ministres du Travail et les représentants des employeurs et des travailleurs a contribué à faire mieux comprendre le rôle et le mandat économique de la Banque mondiale, les principales questions d'intérêt pour les mandants de l'OIT et l'importance du processus tripartite. Au cours d'un libre débat très animé, on a abordé des questions importantes comme les normes de l'OIT et les droits de l'homme, la participation tripartite et l'atténuation de la dette. Ce dialogue devrait contribuer à enrichir les liens existants entre l'OIT et la Banque mondiale.
III. Autres relations et coopération au niveau institutionnel
13. Depuis qu'elle a été invitée pour la première fois à titre d'observateur à la réunion annuelle de la Banque mondiale et du FMI, à Madrid en 1994, l'OIT a toujours envoyé une délégation à cette réunion annuelle pour suivre l'évolution de la situation, renforcer les contacts et marquer davantage sa présence. Elle a ainsi participé aux réunions qui se sont tenues à Washington en 1995 et 1996 et à celle qui s'est tenue à Hong-kong en 1997. De manière similaire, la Banque mondiale et le FMI ont été invités chaque année à assister à la Conférence internationale du Travail, et ils ont fréquemment accepté cette invitation.
14. Cette participation de l'OIT aux réunions annuelles a été complétée cette année par une participation de haut niveau, en tant qu'organisateur associé, à deux grandes conférences internationales organisées par la Banque mondiale, qui a renforcé l'influence de l'OIT auprès de la Banque, des autres donateurs et des autorités nationales dans des domaines d'action importants. Lors de l'une de ces conférences, organisée conjointement à Toronto en juin 1997 par la Banque mondiale et le Canada sur le thème «Le savoir au service du développement à l'ère de l'information», l'OIT a été en mesure d'axer ses activités sur les connaissances nécessaires à un bon gouvernement et sur les effets des techniques de l'information sur l'emploi et le travail. Lors de l'autre conférence, intitulée «International Workshop on Social Funds: A Global Learning Event», qui s'est tenue à Washington en mai 1997, l'OIT a axé ses efforts sur le soutien international apporté aux fonds sociaux, en mettant particulièrement l'accent sur l'égalité entre hommes et femmes et sur les liens avec le programme d'action de l'OIT intitulé «Réforme économique et changement structurel: promotion de l'emploi des femmes et de leur participation aux fonds sociaux». Les deux manifestations ont ouvert la voie à une future collaboration dans leur domaine respectif. En ce qui concerne la seconde, la Banque mondiale a déjà participé activement à l'action menée par l'OIT pour y donner suite, à savoir un atelier technique de réflexion sur l'emploi et l'égalité entre les sexes dans les fonds sociaux, organisé en octobre 1997.
15. Par ailleurs, l'OIT a participé en tant que membre aux travaux du Groupe consultatif d'assistance aux plus pauvres (CGAP), créé par la Banque mondiale. Dans le cadre de cette participation, l'OIT a également apporté son soutien au Sommet mondial du microcrédit, qui s'est tenu à Washington en février 1997 avec l'aide de nombreux co-organisateurs, dont la Banque mondiale. Ce sommet a rassemblé un grand nombre de ceux qui défendent, offrent ou reçoivent les programmes de microcrédit, et la présence de l'OIT a contribué à renforcer son rôle et son influence dans ce domaine. Par ailleurs, l'Organisation est l'un des membres fondateurs du Groupe de travail des donateurs sur le développement du secteur financier et du Comité d'organismes donateurs pour le développement de la petite entreprise, coordonnés par la Banque mondiale, dont l'OIT a accueilli la réunion respective à Genève, en avril 1997. La participation de l'OIT à ces manifestations et aux activités des entités de coordination se fonde sur le travail qu'elle réalise dans le domaine du développement de la petite entreprise et sur les Services financiers d'allégement de la pauvreté.
16. Comme les années précédentes, l'OIT a été consultée par la Banque mondiale pour l'élaboration de son Rapport sur le développement dans le monde 1997. L'Etat dans un monde en mutation. L'OIT a fait connaître ses positions par le biais de réunions tenues avec l'équipe de la Banque mondiale et d'observations écrites faites durant l'élaboration du rapport. Si elle a pu exercer une certaine influence sur le résultat final, elle n'a pas réussi, en revanche, à convaincre les auteurs de mentionner le rôle de l'Etat dans la promotion de la démocratie et des droits de l'homme, particulièrement eu égard aux normes fondamentales de l'OIT. La Banque continue à avoir des difficultés à tenir compte de ces normes qu'elle considère comme extérieures à son mandat économique, alors pourtant que les deux organisations sont convenues en diverses occasions de l'importance de cette question. Une partie des efforts en cours consiste à déterminer les aspects des normes fondamentales sur lesquels l'OIT et la Banque peuvent fonder leur dialogue futur.
17. L'étude conjointe OIT-Banque mondiale sur les questions actuelles liées à la formation et à l'enseignement professionnels (VET) a été achevée. Cette étude, qui se fonde sur le document d'orientation établi par la Banque à ce sujet en 1991 avec la contribution de l'OIT, vise à exposer les changements d'orientation intervenus et les obstacles auxquels se heurtent ces changements, ainsi qu'à apporter des informations sur les formules novatrices mises en place et à en tirer des enseignements. En fait, cette étude combine 15 examens par pays, complétés par un document de synthèse. Elle servira de fondement à des services consultatifs et permettra la diffusion de pratiques optimales à l'usage de la Banque mondiale comme de l'OIT. Par ailleurs, à la suite de sa participation à l'«Education Week» organisée par la Banque mondiale à l'intention de son personnel en 1995 et 1996, l'OIT a été invitée par la Banque à participer en 1997 à une manifestation élargie, la «Human Development Week», et en particulier au groupe de discussion constitué pour débattre de l'étude conjointe sur les VET. La tenue d'autres activités de suivi conjointes est en discussion.
18. L'étude conjointe OIT-Banque mondiale sur la mondialisation, les réformes économiques, la législation du marché du travail et l'emploi des femmes dans les zones franches d'exportation a été retardée en raison d'un manque de crédits pour trois des quatre examens nationaux prévus, dont deux devaient être financées par la Banque, et les deux autres par l'OIT. Jusqu'ici, seul l'un des deux premiers a pu être entamé, et la recherche des crédits nécessaires se poursuit. En ce qui la concerne, l'OIT s'adresse à ses propres donateurs. Les deux institutions souhaiteraient élargir leur dialogue et leur coopération opérationnelle à une question jugée prioritaire dans le renforcement de leur partenariat, celle de la promotion de l'égalité entre les sexes dans de nouveaux domaines.
19. L'un des résultats du renforcement de ce partenariat avec la Banque mondiale, qui vise à promouvoir la compréhension et la coopération au niveau du personnel, a été le financement par la Banque de la participation en 1996 et 1997 d'un fonctionnaire de haut niveau du BIT à son nouveau programme interne de formation aux tâches de direction. La formation du personnel à ces tâches doit porter également sur les programmes coopératifs par le biais de l'Ecole des cadres des Nations Unies de Turin et des autres programmes conjoints financés par la Banque.
20. En ce qui concerne les activités opérationnelles, la Banque mondiale a approuvé le texte révisé d'un contrat type destiné aux gouvernements recourant aux services des institutions des Nations Unies en vue d'obtenir une assistance technique financée par la Banque, ce qui permettra la poursuite de la participation de l'OIT à l'octroi de cette assistance technique. Ce nouveau contrat type répond aux exigences énoncées par l'OIT, qui avait obtenu le soutien d'autres institutions des Nations Unies au cours de négociations précédentes.
21. Au cours de l'année écoulée, les contacts institutionnels avec la Banque mondiale ont subi les effets de la profonde réorganisation menée par celle-ci. Les contacts à tous les niveaux, y compris au niveau thématique et au niveau opérationnel, ont été marqués par le redéploiement du personnel de la Banque au sein de l'institution dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau «Pacte stratégique». Le Président a chargé son Vice-président, Relations extérieures, de superviser les activités de la Banque menées avec l'OIT. De nouveaux liens ont été créés avec le Département du développement humain, qui a été réorganisé, et avec le nouveau réseau Développement humain, plus particulièrement avec le groupe Protection sociale au sein de ce réseau, qui est maintenant le lien technique principal avec l'OIT. A mesure que les autres grands réseaux nouveaux de la Banque -- a) lutte contre la pauvreté et gestion économique; b) finances, secteur privé et infrastructure; c) développement écologiquement et socialement durable -- sont mis en place et deviennent pleinement opérationnels, l'OIT crée avec eux les liens voulus. Au niveau du terrain, il s'est produit une réaffectation d'ensemble du personnel et un transfert de responsabilités des départements régionaux de la Banque à leurs directeurs dans les pays. A mesure que cette réforme entre en vigueur, elle devrait avoir des effets notables sur les relations de l'OIT au niveau des structures extérieures.
22. Par ailleurs, les efforts nouvellement entrepris par la Banque mondiale pour mener des activités en partenariat avec la société civile, particulièrement au niveau des pays, devraient avoir un retentissement sur ses relations avec l'OIT. Cet effort touche de multiples ONG, groupes de citoyens et autres institutions, à quoi s'ajoutent les représentants du monde des affaires, des employeurs et des travailleurs. Comme M. Wolfensohn l'a fait remarquer lui-même en juin, la Banque a récemment affecté plus de 50 de ses fonctionnaires à des postes où ils sont chargés des relations avec la société civile. Cette décision soulève la question de savoir comment les conseils donnés par l'OIT aux gouvernements et le dialogue qu'elle mène avec la Banque -- qui sont fondés sur les consultations avec les gouvernements et les partenaires sociaux dans le cadre tripartite normal -- peuvent s'harmoniser avec les conseils donnés de son côté par la Banque aux gouvernements sur la base du dialogue qu'elle mène avec ses propres interlocuteurs du patronat et du salariat dans le cadre d'une société civile plus large. Par exemple, le nouveau projet de la Banque mondiale sur l'Initiative de l'examen participatif de l'ajustement structurel (SAPRI), qui a pour objectif d'examiner l'incidence des prêts et des conseils relatifs à l'ajustement -- et qui est déjà en place au Bangladesh, à El Salvador, en Equateur, au Ghana, au Mali, en Ouganda et au Zimbabwe --, vise à collaborer dans chaque pays avec les représentants du gouvernement et de la société civile, notamment les employeurs et les travailleurs.
23. On continue à renforcer le dialogue avec le FMI sur les grandes orientations par l'amélioration des contacts et des initiatives conjointes, ainsi que par les observations que fait régulièrement l'OIT sur les Perspectives de l'économie mondiale. Il faut signaler particulièrement à ce sujet l'organisation à Genève, en mai 1997, d'un programme spécial comprenant des discussions conjointes entre les membres du personnel. Les discussions relatives au contenu des Perspectives et l'expérience menée au niveau des pays ont permis de renforcer la compréhension des objectifs communs, mais aussi des différences institutionnelles qui se manifestent dans l'approche et les conseils, par exemple en matière de politique salariale. Les deux institutions sont convenues de poursuivre leurs efforts pour mieux harmoniser leur réflexion sur les conséquences des politiques macroéconomiques pour le travail et l'emploi.
IV. Le rôle du dialogue sur les grandes orientations
au niveau des pays et au niveau régional
24. Le dialogue sur les grandes orientations mené par l'OIT avec les institutions de Bretton Woods, au niveau mondial comme au niveau des pays, reste axé sur les effets des mesures d'ajustement structurel sur le marché du travail, l'emploi et les questions sociales. Les programmes d'ajustement structurel soutenus par les institutions de Bretton Woods mettent de plus en plus l'accent sur les points suivants: conseils sur l'action à mener, prêts et recherches dans le domaine du marché du travail et dans celui de la réforme du droit du travail, réforme de la sécurité sociale et des retraites, filets de sécurité sociale. Cette évolution permanente a pour effet d'accroître les responsabilités des structures extérieures de l'OIT en matière de dialogue sur les grandes orientations et d'interaction institutionnelle au niveau des pays.
25. Tant avec la Banque mondiale qu'avec le FMI, le dialogue relatif aux questions du travail et de l'emploi s'est trouvé renforcé par la collaboration au sein de l'Equipe spéciale du CAC sur le plein emploi et les moyens de subsistance durables, conduite par l'OIT, et de l'Equipe spéciale du CAC sur les conditions favorables au développement économique et social, conduite par la Banque mondiale, ainsi que du séminaire organisé conjointement à Harare par l'OIT, la Banque mondiale et le FMI à l'intention des responsables syndicaux sur la croissance et le développement économiques. Les résultats des travaux de la première de ces deux équipes font l'objet d'un rapport distinct de la commission(3) . La Banque mondiale et le FMI ont participé activement aux travaux de cette équipe. La Banque mondiale a aussi été l'organisme responsable de l'étude sur l'Indonésie menée par l'équipe spéciale. Cependant, en raison des préoccupations exprimées par l'OIT à la suite des mesures prises par le Conseil d'administration au sujet de ce pays, le rapport a été abandonné avant d'être achevé dans le cadre des examens menés par le CAC. L'équipe spéciale conduite par la Banque mondiale a aussi mené un certain nombre d'examens par pays axés sur le cadre macroéconomique et social. L'OIT était l'organisme responsable de l'étude sur la Hongrie, et son analyse de la coopération interinstitutions en matière de cadre macroéconomique et social dans ce pays a été citée par la Banque mondiale et différentes autres organisations comme un bon exemple de la manière d'aborder les grandes questions de politique économique et sociale dans le cadre des travaux de l'équipe. L'ensemble de ces activités a exigé une participation active des structures extérieures de l'OIT, coordonnée et appuyée par le siège.
26. Le personnel local de la Banque et du Fonds a participé activement à une série de cinq séminaires nationaux en Afrique orientale et australe, organisés par l'OIT sur le thème de l'ajustement structurel, de l'emploi et des institutions du marché du travail. Tant la Banque que le FMI ont envoyé des fonctionnaires de haut niveau au séminaire de suivi régional qui s'est tenu à Kampala en septembre 1996, avec pour objet de dégager une ébauche de consensus entre les partenaires sociaux, les gouvernements et les institutions internationales au sujet des effets de la réforme économique et de l'ajustement structurel sur l'emploi et le marché du travail. Ce séminaire a notamment permis de rapprocher les partenaires sociaux, la communauté universitaire, l'OIT et les institutions financières internationales. Un programme d'action sur l'ajustement structurel, l'emploi et le rôle des partenaires sociaux, prévu au budget ordinaire de l'OIT pour 1998-99, traitera plus en détail de cette question.
27. Des progrès substantiels ont été accomplis, en coopération avec la Banque mondiale au niveau national, dans le domaine du droit et des relations du travail, particulièrement en ce qui concerne leurs relations avec l'ajustement structurel. Un séminaire très constructif sur la réforme du droit du travail s'est notamment tenu à Abidjan (Côte d'Ivoire) à la fin de juin 1997. S'appuyant sur la collaboration nationale avec la Côte d'Ivoire et différents autres pays, sur le séminaire relatif à la réforme du droit du travail en Afrique occidentale, organisé conjointement par l'OIT et la Banque mondiale à Washington en 1995, et sur le dialogue institutionnel relatif au Rapport sur le développement dans le monde 1995. Le monde du travail dans une économie sans frontières de la Banque, l'OIT a collaboré étroitement avec l'Institut de développement économique de celle-ci à l'organisation de ce séminaire tripartite. L'OIT et la Banque avaient déjà coopéré précédemment dans le cadre d'un séminaire tripartite organisé à Washington en 1996 sur le thème «Promoting a Policy Dialogue on Labour Issues», qui visait à accroître les moyens institutionnels relatifs à la collaboration entre les deux institutions, à familiariser la Banque avec les mécanismes tripartites et à améliorer la compréhension institutionnelle des grandes questions en cause. Lors du séminaire tripartite organisé à Abidjan en 1997, les participants de divers pays -- Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Niger, Rwanda, Sénégal, Tchad et Togo -- ont participé à des échanges animés sur de multiples questions: droit du travail et développement; relations du travail; embauche et licenciement; travail des enfants; congé de maternité; congés payés; privatisation; restructuration. Les conclusions et recommandations adoptées par ce séminaire peuvent servir de lignes directrices aux partenaires sociaux et fournir une orientation d'ensemble en vue des travaux futurs sur la réforme du droit du travail. Ce séminaire a eu pour mérite de faire apparaître les domaines où la Banque mondiale et l'OIT partagent des conceptions communes, notamment en ce qui concerne leur volonté d'observer les principes fondamentaux tout en respectant le mandat et le rôle propre de chacune des deux institutions.
28. Sur les six pays retenus en vue d'une coopération accrue entre l'OIT et le FMI, trois -- Côte d'Ivoire, Inde et Ukraine -- ont, selon le personnel des deux institutions, accompli de notables progrès. En Indonésie, le dialogue institutionnel s'est amorcé dans les domaines d'intérêt mutuel. Le Pérou a été inclus dans la liste après les cinq autres pays, et des contacts initiaux y ont été noués pour examiner les points forts éventuels d'une coopération future. Un dialogue fructueux s'est amorcé en Ouganda, mais il apparaît que l'absence de représentation permanente de l'OIT y retarde les opérations. Dans une autre région, la contribution de l'OIT à la privatisation et aux questions du travail dans le cadre de la réforme économique a été présentée à un séminaire organisé à l'intention des pays arabes par le FMI sur les conséquences sociales pour ces pays de l'ajustement économique; le texte de cette contribution a été publié par le FMI en 1997 dans un ouvrage relatif à cette question.
29. L'Ukraine constitue un bon exemple de la coopération menée par l'OIT avec les institutions de Bretton Woods, tant en matière de dialogue sur les grandes orientations que de réalisations concrètes. L'an dernier, la commission a été informée de la bonne progression de cette coopération dans le domaine de l'emploi et de la politique salariale. Depuis lors, l'OIT et le FMI ont organisé conjointement un séminaire tripartite ayant pour objet les graves problèmes que posent la politique salariale et les arriérés de salaires dans ce pays. Cette expérience a montré que, si les différences entre l'approche de l'OIT et celle du FMI pouvaient être réduites, elles ne pouvaient être supprimées totalement. Par ailleurs, l'OIT, la Banque mondiale et le FMI ont soutenu conjointement les efforts du gouvernement tendant à mettre au point un modèle de budget social pour l'Ukraine, en s'appuyant sur les résultats positifs obtenus par le projet de l'OIT pour la Slovaquie, qui visait à créer un modèle de budget social spécialement conçu pour les économies en transition, dont il cherche à améliorer la transparence, ainsi qu'à définir et à évaluer les grands choix politiques.
30. Dans le domaine des pensions de retraite, l'OIT a entamé une série de consultations régionales tripartites sur la mise au point d'une approche propre de la réforme et du développement des régimes de pension à travers le monde, approche qui servira de fondement aux services consultatifs de l'Organisation et contribuera à l'élaboration d'une stratégie d'ensemble dans ce domaine. Cette action a été partiellement mise en œuvre pour répondre à l'activité croissante des autres donateurs, en particulier la Banque mondiale, dans le domaine de la réforme des pensions. C'est pourquoi la Banque est également informée et consultée. La série de rencontres organisées comprendra une réunion conjointe à Paris entre l'OIT et l'OCDE, à laquelle participera également la Banque mondiale, avec pour objet de rechercher une convergence de vues sur différentes questions analytiques.
31. Parmi les autres activités menées en coopération, particulièrement avec la Banque mondiale, il convient de signaler un séminaire tripartite qui s'est tenu à Prétoria en juillet 1997, auquel l'OIT et la Banque étaient toutes deux invitées par le gouvernement sud-africain pour présenter leur avis respectif sur les aspects de la privatisation liée aux questions sociales et à celles du travail, en vue de l'élaboration par le gouvernement d'un document de synthèse sur cette question. Dans le domaine de la formation, un nouveau projet financé par la Banque mondiale au Yémen et exécuté par l'OIT par l'intermédiaire du Centre de Turin a été approuvé en 1997, et le dialogue se poursuit à ce sujet au niveau du pays. Il en va de même au Viet Nam, où l'OIT a participé à l'élaboration d'une étude sur le développement des compétences et le marché du travail. La conception et la mise en œuvre des fonds de développement social sont les autres domaines clés où la coopération entre l'OIT et la Banque mondiale se poursuit. Cette coopération touche maintenant l'Ouzbékistan où les travaux préparatoires effectués par l'OIT et le PNUD ont ouvert la voie à une action conjointe de l'OIT et de la Banque mondiale en 1997, en coopération avec le PNUD, sur la conception d'une assistance technique visant à créer un fonds de transformation sociale et à contribuer à élaborer un calendrier des réformes nécessaires à la création d'un environnement favorable à ce fonds, qui recevra de la Banque un crédit initial de 10 millions de dollars des Etats-Unis pour la réalisation de ses activités relatives à la petite et à la moyenne entreprise ainsi qu'à la garantie de l'emploi. L'OIT devrait continuer à participer à la réalisation de ce projet.
32. La coopération de l'OIT avec la Banque mondiale dans le domaine des activités à forte intensité de main-d'œuvre a été signalée à la commission l'an dernier. Cette coopération se poursuit: à la suite des consultations menées en 1997 à Washington avec la Division des opérations, infrastructure (Département du Sahel) de la Banque mondiale, le soutien de l'OIT aux agences d'exécution de travaux d'intérêt public pour l'emploi (AGETIP) -- qui sont les organismes d'exécution des travaux publics et des programmes d'emploi soutenus par la Banque au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal et au Togo -- devrait se développer. Par ailleurs, les activités de l'OIT menées dans le cadre du Programme de transport pour l'Afrique subsaharienne -- programme soutenu par la Banque -- se poursuivent et ont conduit à l'élaboration par l'Organisation de lignes directrices relatives à la mise en œuvre de programmes d'investissement à forte intensité de main-d'œuvre, publiées par la Banque mondiale en 1997 en tant que document technique.
V. Conclusion
33. L'OIT entend poursuivre les grands objectifs qui font l'objet de son dialogue avec les institutions de Bretton Woods, en mettant l'accent sur la promotion du tripartisme et des normes internationales du travail et en renforçant le rôle directeur de l'Organisation dans la promotion d'une croissance économique créatrice d'emplois et d'une création d'emplois productifs et rémunérateurs dans le respect de la sécurité et de la santé au travail. La volonté de réforme au sein du système des Nations Unies jouera un rôle croissant dans la définition du dialogue mené avec les institutions de Bretton Woods. Alors que les Nations Unies mettent en œuvre les engagements souscrits par ses Etats membres lors des grandes conférences internationales, notamment le Sommet social qui s'est tenu à Copenhague en 1995, elles tirent parti de leurs atouts propres, le consensus normatif et le caractère universel, dans leurs relations avec les institutions de Bretton Woods. L'Assemblée générale a lancé un appel en faveur d'un dialogue de haut niveau entre son Conseil économique et social et les institutions de Bretton Woods à l'occasion de la réunion respective de la Banque et du Fonds, qui auront lieu au printemps 1998, dans le cadre du suivi de l'engagement pris en faveur d'un tel dialogue au Sommet social. Un engagement pris parallèlement à ce sommet porte sur la nécessité d'un dialogue entre la direction des Nations Unies, de la Banque, du Fonds, de l'OMC et de l'OIT. Ainsi, le dialogue mené entre l'ECOSOC et les institutions de Bretton Woods constituera un tournant dans la coordination des activités menées à l'échelle du système des Nations Unies; le Bureau suivra cette évolution de près.
34. Au niveau des relations interinstitutions, la coordination avec les institutions de Bretton Woods a été marquée par les résultats obtenus par les Equipes spéciales du CAC précitées. Si l'évaluation des résultats de l'Equipe spéciale de l'OIT fait l'objet d'un document distinct, il y a lieu de noter ici qu'elle constitue la base des larges discussions qui ont lieu au sein du CAC -- et du système des Nations Unies en général -- sur la meilleure manière de coordonner les activités, les ressources et les programmes des Nations Unies, des institutions spécialisées et des institutions de Bretton Woods. En ce qui concerne l'OIT, cette expérience a mis en relief l'importance de la coordination par le biais des mécanismes existants et la reconnaissance de ses compétences propres grâce à l'empressement avec lequel elle a assumé le rôle de coordination des activités menées à l'échelle du système des Nations Unies dans les domaines relevant de ces compétences. Avec les institutions de Bretton Woods, en particulier, il a été reconnu que ce rôle de coordination porterait sur l'acceptation et une meilleure compréhension des différentes conceptions que l'on pouvait se faire de la fonction de conseil -- générale et technique -- selon le mandat de chacun.
35. Cependant, le respect des différences de conception doit être complété par une volonté authentique de coordonner les efforts en vue des objectifs communs. Tel est le cas en ce qui concerne les engagements pris lors des grandes conférences internationales. Le débat sur la manière dont il y a lieu de définir les décisions résultant de ces engagements est particulièrement animé en ce qui concerne le respect des normes internationales du travail par les autres institutions, notamment les institutions de Bretton Woods. S'il en va de même des engagements souscrits dans les domaines du tripartisme, du plein emploi productif, des rémunérations et de la sécurité et de la santé au travail, le débat essentiel est celui qui concerne les normes fondamentales du travail. Tout en respectant les différents mandats et une certaine décentralisation, la dynamique de la réforme et d'une amélioration de la coordination contribuera à hisser le dialogue sur les grandes orientations menées par l'OIT et les institutions de Bretton Woods à un niveau supérieur de compréhension dans les mois et les années à venir.
Genève, le 15 octobre 1997.
Allocution de M. James D. Wolfensohn, Président de la Banque mondiale,
à la Conférence internationale du Travail,
85e session, 12 juin 1997