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GB.270/7
270e session
Genève, novembre 1997


SEPTIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

308e rapport du Comité de la liberté syndicale

Table des matières

Introduction

Cas no 1934 (Cambodge): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1900 (Canada): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

 Cas no 1917 (Comores): Rapport définitif

Recommandation du comité

Cas no 1923 (Croatie): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

Cas no 1805 (Cuba): Rapport définitif

Recommandations du comité

Cas no 1911 (Equateur): Rapport définitif

Recommandations du comité

Cas no 1915 (Equateur): Rapport définitif

Recommandation du comité

Cas no 1919 (Espagne): Rapport définitif

Recommandations du comité

Cas no 1888 (Ethiopie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

 Cas no 1908 (Ethiopie): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

Cas nos 1512, 1539 et 1876 (Guatemala): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1892 (Guatemala): Rapport définitif

Recommandation du comité

Cas no 1773 (Indonésie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1897 (Japon): Rapport définitif

Recommandations du comité

Cas no 1869 (Lettonie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1920 (Liban): Rapport où le comité demande à être informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

Cas no 1894 (Mauritanie): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

Cas no 1927 (Mexique): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1921 (Niger): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

Cas no 1880 (Pérou): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1906 (Pérou): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1926 (Pérou): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandations du comité

Cas no 1914 (Philippines): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1895 (Venezuela): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Recommandation du comité

Cas no 1902 (Venezuela): Rapport définitif

Recommandations du comité


Introduction

1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 6, 7 et 14 novembre 1997, sous la présidence de M. le professeur Max Rood.

2. Les membres de nationalité japonaise et mexicaine n'étaient pas présents lors de l'examen des cas relatifs au Japon (cas no 1897) et au Mexique (cas no 1927), respectivement.

* * *

3. Le comité est actuellement saisi de 59 cas dans lesquels les plaintes ont été transmises aux gouvernements intéressés pour observations. A la présente session, le comité a examiné 27 cas quant au fond et a abouti à des conclusions définitives dans 18 cas et à des conclusions intérimaires dans 9 cas; les autres cas ont été ajournés pour les raisons indiquées aux paragraphes suivants.

Nouveaux cas

4. Le comité a ajourné à sa prochaine session l'examen des cas suivants: nos 1929 (France/Guyane), 1930 (Chine), 1931 (Panama), 1932 (Panama), 1933 (Danemark), 1935 (Nigéria), 1936 (Guatemala), 1939 (Argentine), 1940 (Maurice), 1941 (Chili) et 1942 (Chine/Région administrative spéciale de Hong-kong), car il attend les informations et observations des gouvernements concernés. Dans les cas nos 1929 (France/Guyane), 1931 (Panama) et 1933 (Danemark), les gouvernements ont annoncé l'envoi prochain de leurs observations. Tous ces cas se réfèrent à des plaintes présentées depuis la dernière session du comité.

Observations attendues des gouvernements

5. Le comité attend encore les observations ou les informations des gouvernements sur les cas suivants: nos 1812 (Venezuela), 1852 (Royaume-Uni), 1867 (Argentine), 1873 (Barbade), 1884 (Swaziland) et 1928 (Canada/Manitoba). Dans le cas no 1852 (Royaume-Uni), le gouvernement a déclaré qu'il n'était pas encore en position de fournir des observations complémentaires, mais qu'il communiquerait une réponse complète et détaillée au terme d'une consultation publique sur les problèmes liés à la législation du travail. Dans le cas no 1867 (Argentine), le gouvernement a annoncé l'envoi prochain de ses observations. Dans le cas no 1873 (Barbade), le gouvernement a demandé un délai supplémentaire pour fournir sa réponse. Dans le cas no 1912 (Royaume-Uni/île de Man), pour lequel le comité a déjà reçu des informations du gouvernement par deux communications, le comité a chargé le Bureau de demander quelques précisions supplémentaires au gouvernement.

Observations attendues des plaignants

6. Dans les cas nos 1828 (Venezuela) et 1913 (Panama), le comité attend encore les commentaires des organisations plaignantes. Le comité leur demande d'envoyer sans tarder les observations et informations demandées.

Observations partielles reçues des gouvernements

7. Dans les cas nos 1787 (Colombie), 1835 (République tchèque), 1916 (Colombie) et 1925 (Colombie), le gouvernement a envoyé des informations partielles sur les allégations formulées. Le comité demande à l'ensemble de ces gouvernements de compléter sans tarder leurs observations afin qu'il puisse examiner les cas en question en pleine connaissance de cause.

Observations reçues des gouvernements

8. En ce qui concerne les cas nos 1865 (République de Corée), 1887 (Argentine), 1924 (Argentine), 1937 (Zimbabwe) et 1938 (Croatie), le comité a reçu tardivement les observations des gouvernements et se propose de les examiner à sa prochaine réunion.

Appel pressant

. En ce qui concerne le cas no 1843 (Soudan), le comité observe que, en dépit du temps écoulé depuis le dernier examen de ce cas, il n'a pas reçu les observations du gouvernement. Le comité attire l'attention du gouvernement du Soudan sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvée par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si ses informations et observations n'étaient pas reçues à temps. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de transmettre d'urgence ses observations et informations.

Missions sur place

10. Dans les cas nos 1851 et 1922 (Djibouti), le gouvernement, dans une communication du 30 août 1997, remercie le BIT de sa disponibilité et souhaite que la mission de contacts directs ait lieu au début de l'année prochaine.

11. Dans le cas no 1865 (République de Corée), le gouvernement a indiqué, dans une communication datée du 15 octobre 1997, qu'il consent en principe à une visite d'une mission tripartite de haut niveau. Toutefois, le second semestre de 1997 n'est pas approprié pour une telle visite en raison de la situation intérieure. Le gouvernement a l'intention de continuer ses consultations avec le Bureau afin que la mission puisse se rendre dans le pays au cours du premier semestre de l'année prochaine.

Transmission de cas à la commission d'experts

12. Le comité signale à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs des cas suivants: Canada/Ontario (cas no 1900), Croatie (cas no 1923), Indonésie (cas no 1773), Niger (cas no 1921) et Venezuela (cas no 1902).

Suites données aux recommandations du comité
et du Conseil d'administration

Cas no 1777 (Argentine)

13. A sa session de mars 1997, lors de l'examen de ce cas qui porte sur le refus d'enregistrer le Congrès des travailleurs argentins, le comité avait demandé instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'organisation susmentionnée soit immédiatement enregistrée. [Voir 306e rapport, paragr. 15.] Par une communication du 29 mai 1997, le gouvernement indique que, en vertu de la résolution no 325 du 27 mai 1997, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a enregistré, sous sa nouvelle dénomination, la Centrale des travailleurs argentins (CTA). Le comité prend note avec satisfaction de la déclaration du gouvernement.

Cas no 1899 (Argentine)

14. Le comité a examiné le présent cas à sa session de juin 1997 [voir 307e rapport, paragr. 70 à 87, approuvé par le Conseil d'administration à sa 269e session (juin 1997)] et, à cette occasion, il avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger la résolution no 203/96 adoptée par le Conseil de l'éducation de la province de Río Negro, qui permet l'embauche de travailleurs pendant une grève des travailleurs de l'enseignement, de s'assurer que le gouvernement de la province de Río Negro verse sans retard à l'organisation syndicale UNTER les cotisations syndicales de ses membres qui ont été retenues depuis février 1996, et de le tenir informé à cet égard.

15. Par une communication du 1er octobre 1997, le gouvernement indique que, en vertu de la résolution no 1304/97, le Conseil provincial de l'éducation de Río Negro a abrogé la résolution no 203/96 à propos de laquelle le comité avait formulé des critiques. Par ailleurs, à propos du retard dans le versement à l'organisation syndicale UNTER des cotisations syndicales de ses membres qui ont été retenues depuis février 1996, le gouvernement signale qu'en décembre 1995, lorsque les nouvelles autorités de la province de Río Negro ont pris leurs fonctions, la dette s'élevait à 637 646,16 pesos, et que le retard dans le versement était d'environ quatre mois. A ce jour, la dette est composée de 1) 196 207,82 pesos, somme qui correspond aux cotisations pour l'année 1996, cette somme devant être acquittée par la Trésorerie générale, et de 2) 56 107,70 pesos, qui correspondent aux cotisations au titre de la SAC, premier semestre 1997 (seule dette pour l'année en cours).

16. Le comité prend note avec satisfaction de l'abrogation de la résolution no 203/96 du Conseil de l'éducation de la province de Río Negro. En ce qui concerne la retenue des cotisations syndicales des membres de l'UNTER, le comité prend note des informations du gouvernement, et en particulier du fait que le gouvernement reconnaît l'existence d'une dette en faveur de l'UNTER d'un montant de 252 315,52 pesos (1 peso = 1 dollar E.-U.). A ce sujet, le comité rappelle que la non-perception des cotisations syndicales peut entraîner des difficultés financières graves pour les organisations syndicales, et il prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le gouvernement de la province de Río Negro verse sans retard à l'organisation syndicale UNTER les cotisations syndicales de ses membres, selon un calendrier raisonnable établi en consultation avec l'organisation syndicale en question.

Cas no 1862 (Bangladesh)

17. Le comité a examiné ce cas quant au fond à ses sessions de mai 1996 et mars 1997. [Voir 304e rapport, paragr. 57-96; 306e rapport, paragr. 70-120.] Lors de son dernier examen de ce cas, le comité a prié le gouvernement:

18. Dans une communication en date du 9 juillet 1997, la Fédération des syndicats des travailleurs indépendants de l'habillement du Bangladesh (BIGUF) informe le comité qu'en date du 2 juillet 1997 la BIGUF a été officiellement enregistrée par le directeur du Registre des syndicats qui relève du ministère du Travail et de la Main-d'œuvre, et note que la BIGUF inclut des syndicats affiliés locaux dans les régions de Dhaka et de Chittagong. Le comité note cette information avec intérêt.

19. Dans une communication en date du 17 mai 1997, le gouvernement déclare qu'une enquête complète a été tenue concernant les allégations soulevées par les parties plaignantes. En ce qui a trait aux résultats de l'enquête sur les allégations de tentative de discréditer 11 membres du BIGU à l'usine de Palmal Knitwear Ltd., le gouvernement déclare qu'il n'y avait personne du nom de M. Hasan Ali appartenant à la section de l'emballage, que MM. Nurul Islam et Shahidul Islam ont démissionné de leur plein gré et travaillent maintenant dans d'autres usines, et que M. Mohosin Reza a également démissionné de son plein gré. Le gouvernement déclare également que les allégations selon lesquelles M. Shamin Reza Pinu, directeur général du groupe des compagnies Palmal, a menacé de mutation des membres du BIGU n'ont pas été prouvées.

20. Tout en prenant note de l'information transmise par le gouvernement, le comité demande plus d'informations concernant la nature des enquêtes menées et plus de détails concernant ses résultats. Le comité note avec regret que le gouvernement n'a pas fourni d'informations concernant le résultat de l'enquête sur les autres allégations soulevées et le prie de le faire dans les plus brefs délais.

21. Dans une communication en date du 26 octobre 1997, le gouvernement considère qu'en vertu de l'article 3 de l'ordonnance sur les relations de travail de 1969 les travailleurs et les employeurs se sont vu octroyer le droit de constituer les organisations de leur choix sans restriction d'aucune sorte et y adhérer. Bien qu'il n'existe aucune formalité ou exigence pour constituer une organisation, le gouvernement note que certaines exigences doivent être respectées si une organisation veut obtenir son enregistrement en tant que syndicat. Sur ce point, le comité réitère ses commentaires selon lesquels l'ordonnance sur les relations de travail de 1969 (articles 7 (2) et 10 (1) (g)), en imposant un effectif de 30 pour cent au moins des travailleurs occupés dans l'établissement ou un groupe d'établissements pour qu'un syndicat puisse être enregistré et en permettant la dissolution d'un syndicat dont l'effectif tombe en deçà de cette limite, est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie à nouveau avec insistance le gouvernement d'amender sa législation à cet égard.

22. Pour ce qui est de l'enregistrement du syndicat nouvellement constitué dans l'entreprise Saladin Garments Ltd., le gouvernement, dans une communication du 26 octobre, déclare que ce syndicat a déposé une demande d'enregistrement mais que son dossier avait été rejeté par le greffier. Le syndicat a fait appel de cette décision et le cas est toujours en instance devant le tribunal du travail. Tout en prenant note de cette information, le comité réitère sa recommandation et demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour faire en sorte que ce syndicat obtienne l'enregistrement afin d'exercer des activités syndicales légitimes et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

23. Finalement, en ce qui concerne l'institution d'une véritable enquête judiciaire indépendante sur les allégations de violation des droits syndicaux dans l'entreprise Saladin Garments Ltd., le gouvernement, dans sa communication du 26 octobre, indique que tous les plaignants travaillent en toute liberté dans leurs domaines respectifs et qu'un des plaignants, M. Chand Mia, a déclaré par écrit qu'il n'avait avancé aucune allégation de tortures commises à son encontre. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations plus détaillées concernant la nature de l'enquête et ses résultats. Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations concernant ses autres recommandations.

Cas no 1849 (Bélarus)

24. Lors de son dernier examen de ce cas à sa session de mars 1997, le comité avait une fois de plus demandé au gouvernement: d'abroger les dispositions du décret no 158 du 28 mars 1995 afin qu'il ne s'étende pas à des organisations et entreprises qui ne dispensent pas des services essentiels au sens défini par le comité; d'appliquer entièrement l'arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant inconstitutionnels certains articles du décret no 336; de prendre sans délai les mesures nécessaires pour assurer la réintégration dans leurs postes de travail des travailleurs licenciés pour avoir participé aux grèves de Minsk et de Gomyel en août 1995; de constituer immédiatement une commission d'enquête indépendante en vue d'élucider l'ensemble des faits allégués dans cette affaire, et de le tenir informé des conclusions qui seront tirées par le Procureur de la République et par toute commission d'enquête constituée à cet égard. [Voir 306e rapport, paragr. 19-25.]

25. Le comité note avec intérêt qu'une mission consultative du BIT effectuée par Mme Karen Curtis, juriste principale au Service de la liberté syndicale, a eu lieu du 6 au 10 octobre 1997 à la demande du gouvernement afin d'évaluer la situation actuelle en ce qui a trait aux services essentiels et d'apporter l'assistance requise à cet égard. Le comité note que des réunions ont été tenues avec des représentants du ministère du Travail ainsi qu'avec des représentants des organisations de travailleurs et d'employeurs. Dans une communication adressée au BIT en date du 15 octobre 1997, le gouvernement a indiqué que la liste des entreprises où des arrêts de travail pouvaient mettre en danger la vie et la santé de la population faisait présentement l'objet de discussions au sein de tous les ministères concernés. Les résumés de ces discussions seront examinés par le Conseil national sur les relations de travail à la fin octobre -- début novembre 1997. En conséquence, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement sera en position, dans un avenir rapproché, de prendre les mesures nécessaires afin d'abroger les dispositions du décret no 158 pour assurer que le droit de grève soit seulement interdit pour les services essentiels au sens strict du terme. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.

26. Au sujet des articles 1 à 3 du décret présidentiel no 336 qui suspend les activités des Syndicats libres du Bélarus, le comité note avec regret que, suite aux informations données au cours de la mission par les Syndicats libres du Bélarus, un ordre présidentiel no 259 du 29 décembre 1995, émis suite à la décision de la Cour constitutionnelle qui déclarait ces articles inconstitutionnels, stipule que:

... no 336, du 21 août 1995, concernant certaines mesures qui doivent assurer la stabilité et l'ordre en République du Bélarus.

27. Le comité ne peut une fois de plus que se référer à ses conclusions précédentes au sujet du décret présidentiel no 336 [voir 302e rapport, paragr. 221] et demande au gouvernement de prendre des mesures immédiates afin d'abroger les articles de ce décret qui empêchent le libre exercice des droits syndicaux, plus précisément les articles 1, 2 et 3, et de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis au sujet de ses autres recommandations.

Cas no 1509 (Brésil)

28. Le comité avait examiné le cas relatif à l'assassinat du dirigeant syndical Valdicio Barbosa dos Santos à sa réunion de novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 13] et avait pris note à cette occasion de la déclaration du gouvernement selon laquelle M. Marçal da Rocha, accusé d'être l'auteur de l'assassinat, était en fuite et que les autorités policières le recherchaient pour l'arrêter. Les autorités judiciaires avaient demandé au défenseur de M. Romualdo Eustaquio Luz Faria, accusé d'être le coauteur de l'assassinat, de présenter une défense préalable conformément au Code de procédure pénale. Dans une communication datée du 10 octobre 1997, le gouvernement a fait savoir qu'à la demande du ministère public et de la défense l'arme trouvée en possession de M. Romualdo Eustaquio Luz Faria a fait l'objet d'une nouvelle expertise qui a confirmé qu'avec cette arme ont été tirés les coups de feu qui ont provoqué la mort du syndicaliste. Selon le gouvernement, il existe des indices suffisants qui démontrent que M. Marçal da Rocha, toujours en fuite et recherché par les autorités sur l'ensemble du territoire national, est l'auteur matériel de l'assassinat. M. Romualdo Eustaquio Luz Faria demeure lui en détention et soumis à une procédure judiciaire. Le comité prend note de ces informations.

Cas no 1819 (Chine)

29. A sa réunion de juin 1996, le comité a prié le gouvernement de veiller à ce que les trois marins -- Hua Chun Gui, Zhang Ai Zhao et Gao Ziao Hui -- soient dédommagés des pertes financières encourues durant leur détention de près de deux ans et demi, et que l'argent, les documents d'identité des marins et leurs brevets de qualifications qui leur ont été confisqués au moment de leur première arrestation leur soient restitués. Il a également prié le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard. [Voir 304e rapport, paragr. 158.]

30. Dans sa communication du 15 juin 1997, le gouvernement fait savoir que, ayant consulté le tribunal populaire local de Tianjin à ce sujet, il semble qu'aucun progrès n'ait été accompli en ce qui concerne cette affaire.

31. Le comité prend note de cette information avec regret. Il rappelle que ce cas porte sur des mesures d'arrestation et de détention survenues en 1992 en violation des droits syndicaux et que trois marins ont subi d'importants préjudices -- économiques et autres -- d'une détention de plus de deux ans. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations, notamment en ce qui concerne le dédommagement des trois marins détenus.

Cas no 1594 (Côte d'Ivoire)

32. A sa session de juin 1997 [voir 307e rapport, paragr. 23 à 25], le comité avait prié le gouvernement d'indiquer si les travailleurs licenciés lors d'un conflit du travail à Irho-Lame en 1993 avaient saisi les tribunaux afin d'être rétablis dans leurs droits. Il avait également prié le gouvernement d'assurer que les élections sociales au port autonome d'Abidjan, demandées depuis 1993 par les dockers adhérant à un syndicat affilié à la Centrale syndicale Dignité, aient lieu immédiatement et de le tenir informé du résultat des élections.

33. Dans une communication du 15 octobre 1997, le gouvernement indique que la Centrale syndicale Dignité a confirmé, lors d'une réunion qui s'est tenue le 22 mai 1997 dans le cabinet du ministre de l'Emploi, de la Fonction publique et de la Prévoyance sociale, que les travailleurs licenciés à Irho-Lame n'ont, jusqu'à ce jour pas saisi les tribunaux afin d'être rétablis dans leurs droits. Le gouvernement souligne par ailleurs qu'au port autonome d'Abidjan tous les syndicats de base connus ont jugé souhaitable d'élaborer une convention collective des dockers avant d'envisager des élections sociales. Un projet de convention fait l'objet de discussions entre les syndicats affiliés à la Centrale syndicale Dignité et ceux affiliés à l'Union générale des travailleurs de Côte d'Ivoire.

34. Le comité prend note de cette dernière information avec intérêt et prie le gouvernement de continuer à le tenir informé de l'issue des questions encore en instance concernant l'adoption d'une convention collective des dockers et de la tenue des élections sociales au port autonome d'Abidjan.

Cas no 1824 (El Salvador)

35. Le comité avait examiné ce cas lors de sa session de novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 33 à 35] où il avait noté que le gouvernement n'avait pas communiqué les informations demandées en mars 1996 à propos des recommandations suivantes:

36. Par ailleurs, le comité avait pris note en novembre 1996 du fait que le gouvernement avait déclaré que le dirigeant syndical M. Huezo avait été arrêté pour agression envers un sous-commissaire de la police nationale et pour violation de lieu de travail, résistance à l'autorité, violation du libre exercice du droit de grève et de la liberté du travail, et que d'autres plaintes contre ce dirigeant syndical étaient en instance depuis novembre 1994 devant l'autorité judiciaire pour faux témoignage, enlèvement, extorsion, menaces de mort, détention illégale, diffamation et dommages et préjudices. Le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l'évolution des procédures judiciaires en cours à l'encontre de M. Huezo.

37. Dans une communication de juin 1997, le gouvernement a adressé une documentation abondante sur les diverses étapes de la procédure judiciaire engagée contre le dirigeant syndical M. Huezo pour violation de lieu de travail, résistance à l'autorité et violation du libre exercice du droit de grève et de la liberté du travail.

38. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des procédures en question, ainsi que sur l'autre plainte dont ce dirigeant fait l'objet pour faux témoignage, enlèvement, extorsion, menaces de mort, détention illégale, diffamation et dommages et préjudices. Enfin, le comité demande instamment au gouvernement de lui communiquer les informations demandées sur les autres allégations.

Cas no 1823 (Guatemala)

39. Lors de sa session de juin 1997, le comité avait formulé les recommandations suivantes sur les allégations qui sont restées en instance [voir 307e rapport, paragr. 301]:

a) Déplorant profondément l'attitude constamment négative du gouvernement face à ses recommandations dans ce cas, le comité avait à nouveau demandé instamment au gouvernement de reconnaître immédiatement la personnalité juridique du Syndicat des travailleurs de l'Inspection générale du travail (STIGT). Le comité avait prié le gouvernement de le tenir informé des mesures qu'il pourrait prendre à cet égard.

b) Le comité avait prié le gouvernement d'effectuer une enquête sur les raisons pour lesquelles Mme Malbina Dioderet Barrera, membre du STIGT, avait renoncé à la protection contre le licenciement prévue par la loi, et de prendre des mesures en vue de sa réintégration dans ses fonctions s'il devait se confirmer que ce licenciement constituait bien un acte de discrimination antisyndicale. Le comité avait prié le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

c) En ce qui concernait le changement de fonctions de 18 inspecteurs -- membres fondateurs du syndicat --, le comité avait prié une fois de plus le gouvernement d'annuler, en consultation avec les 18 inspecteurs en question, le changement de fonctions qui leur avait été imposé. Le comité avait prié le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

40. Dans ses communications des 10 juin et 10 septembre 1997, le gouvernement déclare que les membres du STIGT se sont affiliés au Syndicat général des agents du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (par une lettre du 10 juin 1997, des membres de l'Inspection générale du travail ont demandé au comité de classer cette affaire étant donné qu'un accord a été conclu sur le cas en question). Le gouvernement adresse également une lettre en date du 11 août 1997 dans laquelle Mme Malbina Dioderet précise que la cessation de ses fonctions ne constituait pas un acte de discrimination antisyndicale. Quant au changement de fonctions des 18 inspecteurs, l'Inspection générale du travail actuelle a décidé de les réintégrer dans leurs fonctions antérieures.

41. Le comité prend note avec satisfaction de ces informations.

Cas n1809 (Kenya)

42. Le comité a examiné ce cas à sa session de mars 1996. [Voir 302e rapport, paragr. 355 à 385.] Il a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les maîtres de conférence et professeurs d'université aient la possibilité de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier, y compris par l'enregistrement de l'UASU, de communiquer copie du jugement que la Haute Cour aura rendu en appel de la décision de refus de l'enregistrement du syndicat, de le tenir informé du sort des maîtres de conférence et professeurs d'université licenciés pour avoir participé à des activités syndicales légitimes et n'ayant pas encore été réintégrés et, enfin, de lui faire savoir si les accusations portées contre M. Adar en violation du droit fondamental à la liberté d'expression ont été abandonnées.

43. Dans une communication datée du 12 mai 1997, le gouvernement déclare que tous les personnels universitaires du Kenya ont un contrat d'emploi individuel avec la Direction de l'Université. Selon le gouvernement, en vertu de la loi sur les syndicats, c'est à la Haute Cour qu'il appartient de se prononcer sur la question du refus de l'enregistrement de leur syndicat. Il ajoute que l'appel interjeté par les dirigeants syndicaux du personnel académique des universités contre la décision de rejet de la requête rendue par la Haute Cour en 1994 est toujours en instance. Il déclare attendre que l'affaire soit jugée avant de prendre toute mesure.

44. La commission prend note de cette information. Rappelant qu'une procédure d'appel d'une décision de refus d'enregistrement d'un syndicat doit connaître une suite rapide en vertu du principe selon lequel une justice tardive équivaut à un déni de justice, la commission exprime le ferme espoir que la décision de la Haute Cour en la matière sera connue dans un très proche avenir et prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie du jugement dès qu'il aura été rendu. En outre, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les maîtres de conférence et professeurs d'université licenciés pour avoir participé à des activités syndicales légitimes et n'ayant pas été réintégrés dans leur poste le soient immédiatement. Enfin, regrettant de n'avoir reçu aucune information sur la situation de M. Adar, le comité réitère qu'il veut croire que toute accusation portée contre l'intéressé en violation du droit fondamental à la liberté d'expression aura été abandonnée, et demande instamment au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.

Cas no 1883 (Kenya)

45. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1996. [Voir 305e rapport, paragr. 383 à 396.] Il a prié le gouvernement de le tenir informé de la décision de la Haute Cour concernant le rétablissement de l'enregistrement de l'Union des travailleurs de la protection des espèces sauvages et des secteurs connexes (KWAWU) et de lui en communiquer copie.

46. Dans une communication datée du 13 mai 1997, le gouvernement déclare que la question de l'annulation de l'enregistrement du KWAWU est toujours en instance devant la Haute Cour, laquelle ne s'est pas encore prononcée.

47. Prenant note de cette information, le comité exprime l'espoir que la décision de la Haute Cour en la matière sera connue dans un proche avenir et prie à nouveau le gouvernement de lui en communiquer copie dès qu'elle aura été rendue.

Cas no 1719 (Nicaragua)

48. Le comité avait examiné ce cas lors de sa session de juin 1996 [voir 304e rapport, paragr. 395 à 416] et, à cette occasion, il avait invité le gouvernement, afin de faciliter la reprise de relations professionnelles harmonieuses, à s'efforcer de favoriser la réintégration dans leurs postes de travail des dirigeants syndicaux et des syndicalistes de l'UNE qui avaient été licenciés dans le secteur des douanes. De même, au sujet des recours judiciaires déposés par les travailleurs licenciés de l'exploitation San Pablo et de l'abattoir Amerrisque ainsi qu'au sujet de l'expulsion du secrétaire général de l'Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN) du Conseil national de l'éducation, le comité avait exprimé le ferme espoir que les autorités judiciaires se prononceraient dès que possible en la matière.

49. Par une communication de mai 1997, l'Union nationale des employés (UNE) indique que le gouvernement ne reconnaît pas ni ne souhaite accepter la recommandation du comité relative à la réintégration dans leurs postes de travail des dirigeants syndicaux et des syndicalistes de l'UNE qui avaient été licenciés dans le secteur des douanes.

50. Par une communication du 22 juillet 1997, le gouvernement déclare à ce sujet qu'il ressort de la procédure administrative effectuée par le MITRAB que les travailleurs des douanes se sont mis en grève en 1993 parce que la direction syndicale avait refusé de négocier les termes du cahier de revendications relatives à la convention collective avec l'administration des douanes, alors que la direction syndicale devait assumer ses responsabilités envers ses affiliés, d'autant plus que l'employeur était disposé à négocier. Ce fait a été constaté lors d'une inspection sur place qui a permis de conclure que l'employeur était disposé à poursuivre la négociation si les travailleurs mettaient fin à la grève. Les travailleurs (le syndicat) en ont été informés, mais ils n'y ont pas donné suite. Ultérieurement, l'inspection générale du travail, à la demande de l'employeur, a déclaré la grève illégale et illicite au regard de l'article 224 du Code du travail. Cette résolution a fait l'objet d'un appel interjeté devant le directeur général du travail qui, après avoir examiné le dossier, a confirmé la sentence prononcée par l'inspecteur général du travail. En vertu de cette sentence, les autorités compétentes ont été chargées de faire respecter l'ordre public, étant donné que des troubles violents de l'ordre public s'étaient produits et que des infractions pénales avaient été commises. Par la suite, l'administration de la direction des douanes a demandé à l'inspection départementale du travail de l'autoriser à licencier dix dirigeants syndicaux des douanes pour vol de documents, altération de documents et falsification de signatures et cachets. La procédure ayant été menée à son terme, on a constaté en outre que, parmi les dix dirigeants syndicaux, six ne jouissaient plus de leur capacité juridique, leur mandat étant arrivé à expiration. Ainsi, il a été déclaré qu'il y avait lieu de procéder au licenciement de neuf des dix travailleurs en question. Il convient d'indiquer que ces dirigeants syndicaux ont commis les infractions suivantes à la législation du travail: défaut de probité et conduite immorale au travail et défaut de capacité juridique, cette dernière infraction ayant été constatée par le ministère du Travail. En vertu de la sentence no 44 de la Cour suprême de justice, en date du 2 juin 1994 (dont la copie certifiée conforme était jointe), il a été décidé de ne pas donner suite au recours en amparo interjeté par les dirigeants syndicaux des douanes, compte ayant été tenu du fait que la Constitution reconnaît le droit de grève, lequel est réglementé par le Code du travail qui le définit dans ses articles 222 et suivants. Toutefois, la grève obéit à ses propres règles et son exercice doit être conforme à la loi. Le gouvernement ajoute que ces faits ont entraîné des situations particulières, notamment l'interruption de l'alimentation électrique, la pose de bombes artisanales, le sabotage des interrupteurs du système d'éclairage, des dommages causés à des véhicules appartenant à des fonctionnaires des douanes et des agressions physiques. Par ailleurs, ces situations de risque et les délits qui ont été commis pendant la grève des travailleurs des douanes ont nui à la société et au gouvernement lui-même. Malgré tout, on est parvenu à des relations de travail harmonieuses, la plupart des travailleurs ayant été réintégrés dans leurs postes. A l'évidence, ces faits ont justifié que le MITRAB autorise le licenciement de neuf dirigeants syndicaux, sur les dix demandes qu'avait formulées l'employeur. La liberté syndicale n'a pas été gravement mise en péril puisqu'il n'y a pas eu de licenciements collectifs; en effet, il ne s'est agi que de demandes d'annulation du contrat de travail formulées par l'employeur, comme on l'a déjà mentionné. Dans les services des douanes du pays, les relations du travail sont harmonieuses; la grève n'a pas été déclenchée par des revendications sociales et, comme on a pu le constater, les représentants de la direction générale des douanes ont reconnu l'organisation syndicale. Actuellement, la convention collective est en cours de négociation, et le secrétaire général du syndicat des travailleurs a déclaré que la situation est stable et que les relations sont bonnes entre employeur et employés.

51. En outre, par une communication du 6 octobre 1997, le gouvernement signale que: 1) en ce qui concerne les procédures judiciaires en cours relatives aux licenciements dans l'exploitation San Pablo, le conseiller juridique ayant présenté le recours indique que l'action est maintenant éteinte car les intéressés ont décidé de travailler au Costa Rica et abandonné la procédure; et 2) pour ce qui est des procédures judiciaires en cours relatives aux licenciements de travailleurs de l'abattoir Amerrisque, la partie employeur a payé des indemnités de liquidation à 111 travailleurs qui ont renoncé expressément à tout droit que pourrait établir le recours judiciaire. La partie employeur a en conséquence annulé les prestations et leur a accordé des paiements compensatoires.

52. Le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement au sujet des licenciements de dirigeants syndicaux et des syndicalistes de l'UNE, et en particulier du fait que, selon lui, des relations de travail harmonieuses règnent actuellement dans le secteur des douanes. Le comité observe qu'il a été procédé à neuf licenciements en tout et il estime que, ces licenciements remontant à 1993, la réintégration des personnes concernées dans leurs postes de travail n'est pas possible. En ce qui concerne les recours judiciaires déposés par les travailleurs licenciés de l'exploitation San Pablo et de l'abattoir Amerrisque, le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement. Enfin, en ce qui concerne la procédure judiciaire relative à l'expulsion du secrétaire général de l'Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN) du Conseil national de l'éducation, le gouvernement n'ayant pas communiqué d'informations à ce sujet, le comité exprime le ferme espoir que les autorités judiciaires se prononceront dès que possible en la matière.

Cas no 1793 (Nigéria)

53. Lors de son dernier examen du cas en juin 1997 [voir 307e rapport, paragr. 33-35], le comité avait réitéré avec force sa demande de mission en vue d'examiner les questions soulevées dans le cas et, en particulier, de rendre visite aux dirigeants syndicaux détenus, et prié instamment le gouvernement de répondre positivement et sans délai à cette demande. Le 18 juin 1997, le gouvernement a proposé au BIT que cette mission ait lieu au mois de septembre. Dans une communication en date du 4 juillet 1997, le BIT a suggéré que la mission ait lieu du 8 au 17 septembre et a prié le gouvernement de confirmer cette date le plus tôt possible afin que tous les préparatifs concernant cette mission puissent être effectués.

54. Dans une communication en date du 5 septembre et reçue par le BIT le 8 septembre, le gouvernement a indiqué que les dates proposées n'étaient pas convenables et qu'une lettre suivrait sous peu. Dans une communication en date du 10 septembre 1997, le Directeur général a exprimé sa sérieuse préoccupation suite au report continuel de cette mission et a demandé de manière pressante au gouvernement de proposer les dates auxquelles la mission pourrait être reçue, et ce le plus tôt possible. Aucune communication n'a été reçue depuis de la part du gouvernement.

55. Tout en notant cette information, le comité ne peut que déplorer profondément le fait que, depuis presque trois ans, le gouvernement a continuellement refusé de répondre aux demandes urgentes pour l'envoi d'une mission, et qu'après avoir finalement accepté qu'une telle mission ait lieu le gouvernement a attendu la veille de cette mission pour indiquer que les dates ne lui convenaient plus. Le comportement du gouvernement donne lieu à de sérieux doutes sur sa bonne foi dans sa coopération avec le comité. De plus, le comité observe qu'une nouvelle plainte a été déposée contre le gouvernement du Nigéria alléguant l'adoption de nouveaux décrets antisyndicaux et de détentions de syndicalistes (cas no 1935). Dans ce contexte, le comité réitère dans les termes les plus forts les appels qui ont été faits jusqu'ici au gouvernement.

Cas no 1796 (Pérou)

56. A sa réunion de mars 1997, le comité a prié le gouvernement de le tenir informé de l'issue des recours interjetés devant la Cour suprême par certains dirigeants syndicaux qui ont été licenciés de l'entreprise sidérurgique du Pérou SA, ainsi que de toute évolution dans la préparation du projet de loi portant modification de la loi sur les relations collectives de travail, qui viserait à supprimer l'interdiction faite aux travailleurs en période d'essai de s'affilier aux organisations de leur choix et de la décision définitive rendue par la juridiction supérieure en ce qui concerne le licenciement du dirigeant syndical M. Iván Arias Vildoso; enfin, il a demandé au gouvernement de faire faire une enquête sur les licenciements de dirigeants syndicaux et de travailleurs syndiqués dans l'Entreprise nationale des chemins de fer du Pérou (ENAFER), et de le tenir informé à cet égard. [Voir 306e rapport, paragr. 508.]

57. Dans une communication datée du 30 juillet 1997, le gouvernement indique que: i) sur les cinq ex-dirigeants syndicaux de l'Entreprise sidérurgique du Pérou SA qui s'étaient pourvus en appel, deux y ont renoncé et ont perçu des indemnités sociales de licenciement. En ce qui concerne les trois autres, le gouvernement communiquera la décision judiciaire quand elle sera rendue; ii) au sujet de l'évolution du projet de loi portant modification de la loi sur les relations collectives de travail, auquel a été jointe la recommandation du comité, ce projet de loi a fait l'objet d'un examen et d'un débat au sein de la Commission du travail et de la sécurité sociale du Congrès de la République, à l'effet de supprimer l'interdiction faite aux travailleurs en période d'essai de s'affilier à un syndicat; iii) pour ce qui est de la décision définitive rendue par la juridiction supérieure au sujet du licenciement du dirigeant syndical M. Iván Arias Vildoso, elle n'a pas encore été adoptée; iv) s'agissant de l'enquête sur les licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes survenus dans l'entreprise ENAFER, par suite de visites d'inspection, le gouvernement indique que cette entreprise a engagé un processus de réduction du personnel, conformément au décret-loi no 26120 sur la privatisation, étant donné que l'entreprise ENAFER relève du domaine d'application de la loi en question.

58. Le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement et le prie de continuer de le tenir informé de la décision judiciaire concernant les trois dirigeants syndicaux licenciés dans l'entreprise sidérurgique du Pérou SA, ainsi que de la décision définitive de la juridiction supérieure en ce qui concerne le licenciement du dirigeant syndical M. Iván Arias Vildoso. S'agissant de l'évolution du projet de loi portant modification de la loi sur les relations collectives de travail, le comité prend note avec intérêt du fait que la Commission du travail et de la sécurité sociale du Congrès de la République a supprimé dudit projet l'interdiction faite aux travailleurs en période d'essai de s'affilier à un syndicat, et signale cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Enfin, pour ce qui est des licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'entreprise ENAFER, le comité prie une nouvelle fois le gouvernement d'adopter les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir l'application de ces programmes de réduction du personnel ne soit pas utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale.

Cas no 1813 (Pérou)

59. Ce cas, relatif à la mort, aux agressions physiques et aux arrestations de syndicalistes, avait été examiné pour la dernière fois par le comité en juin 1997 [voir 307e rapport, paragr. 42 et 43]; à cette occasion, le comité avait pris note des informations du gouvernement selon lesquelles les travailleurs arrêtés (MM. Félix Castillo Pérez, Elí Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutierrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz) étaient poursuivis pour atteinte à la paix publique, de même que trois personnes inculpées pour avoir causé la mort de deux syndicalistes: MM. Alipio Chauca de la Cruz et Juán Marcos Donayre Cisneros. A cet égard, le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé des résultats des procédures judiciaires en cours.

60. Dans une communication en date du 18 septembre 1997, le gouvernement indique que les procédures judiciaires n'ont pas encore donné lieu à une décision définitive, et il ajoute qu'il tiendra le comité informé à ce sujet. Le comité attend que le gouvernement envoie ces informations.

Cas no 1878 (Pérou)

61. En ce qui concerne l'allégation du Syndicat unique des travailleurs de la Société péruvienne de radiodiffusion (SUTRACPR), le comité avait demandé, à sa session de juin 1997, au gouvernement de procéder à une enquête sur la nature prétendument antisyndicale du programme généralisé de requalification de 218 travailleurs à des postes de confiance, dont le personnel de direction, et de le tenir informé à cet égard. [Voir 307e rapport, paragr. 454.]

62. Dans une communication datée du 18 septembre 1997, le gouvernement indique qu'il n'a pas compétence pour diligenter l'enquête que le comité lui a demandé de faire, vu qu'il existe des mécanismes juridiques permettant aux travailleurs qui s'estiment lésés de recourir aux organes judiciaires compétents, à l'effet de contester toute requalification qui ne serait pas conforme à la loi. En effet, le gouvernement signale que l'article 61 du règlement de la loi sur la productivité et la compétitivité dispose que toute requalification effectuée par l'employeur peut être contestée, les travailleurs intéressés ayant la possibilité de saisir les autorités judiciaires en annulation de cette requalification dans les trente jours.

63. Tout en prenant note des mécanismes juridiques dont disposent les travailleurs pour faire valoir leurs droits, le comité constate de nouveau avec regret que le gouvernement n'a fourni aucun élément permettant de clarifier l'allégation relative à la nature antisyndicale du programme généralisé de requalification de 218 travailleurs à des postes de confiance, dont le personnel de direction, surtout si l'on tient compte du fait, signalé par l'organisation plaignante, que tous les travailleurs requalifiés à des postes de confiance ou parmi le personnel de direction sont des syndicalistes, parmi lesquels figurent tous les dirigeants de cette organisation, fait qui n'a pas été contesté par le gouvernement. A cet égard, le comité rappelle qu'en ratifiant la convention no 98 le gouvernement s'est engagé à garantir l'application de l'article 1 qui dispose que «les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi» et prie une nouvelle fois le gouvernement d'adopter les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir ces programmes de requalification du personnel ne soient pas utilisés pour commettre des actes de discrimination antisyndicale.

64. Enfin, le comité note que, dans une communication du 12 septembre 1997, le Syndicat unique des techniciens et auxiliaires spécialisés de l'Institut péruvien de sécurité sociale (SUTAEIPSS) a formulé certains commentaires sur l'application par le gouvernement des recommandations du comité de mars 1997 en ce qui concerne le présent cas. [Voir 306e rapport, paragr. 540 a) et b).] Le comité demande au gouvernement de transmettre ses observations à cet égard.

Cas no 1826 (Philippines)

65. Lors du dernier examen du cas en novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 54 à 56], le comité avait demandé instamment au gouvernement d'instituer une enquête indépendante sur le déroulement des élections d'avril 1996 dans l'entreprise Cebu Mitsumi à Danao City et de prendre les mesures nécessaires pour garantir l'organisation de nouvelles élections s'il s'avérait que, comme le plaignant l'alléguait, la direction de Cebu Mitsumi s'était immiscée dans le processus électoral d'avril 1996.

66. Dans une communication du 11 septembre 1997, le gouvernement indique que le bureau du Secrétaire au travail et à l'emploi a mené une enquête approfondie sur les faits en question. Suite à cette enquête, le Secrétaire au travail et à l'emploi a adopté le 31 juillet 1997 une résolution par laquelle il a invalidé les élections organisées les 24 et 25 avril 1996 au sein de l'entreprise Cebu Mitsumi et ordonné la tenue immédiate de nouvelles élections afin de connaître la volonté des travailleurs. Cette décision, qui est jointe à la communication, se base sur le règlement d'application (article 8 f), règle VI, tome V) du Code philippin du travail, qui établit qu'une organisation de travailleurs ne peut être habilitée à être le négociateur unique et exclusif que si elle a obtenu la majorité des suffrages exprimés par les travailleurs ayant le droit de vote. Par ailleurs, pour qu'une élection soit validée, il faut que la majorité des travailleurs ayant le droit de vote aient exprimé leurs suffrages. Il a été constaté que, sur 9 850 travailleurs ayant le droit de vote, seuls 1 032 ont voté, ce qui ne constitue pas une majorité des travailleurs ayant droit de vote. Le gouvernement ajoute qu'à ce jour la résolution n'a pas encore été appliquée, la direction de Cebu Mitsumi ayant déposé une motion qui doit être examinée par le bureau régional compétent. Cette motion doit être transmise au bureau du secrétaire du travail et de l'emploi.

67. Tout en notant que le gouvernement n'a pas institué d'enquête indépendante sur le déroulement des élections d'avril 1996 dans l'entreprise Cebu Mitsumi, le comité note avec intérêt que l'enquête menée par le gouvernement sur les faits en question a abouti à la décision d'invalider les élections et d'ordonner la tenue de nouvelles élections dès que possible. Le comité demande en conséquence instamment au gouvernement de veiller à ce que les élections soient immédiatement organisées dans l'entreprise Cebu Mitsumi, étant donné que la CMEU a déposé il y a quatre ans, en février 1994, une requête pour obtenir la tenue d'élections d'accréditation signée par la quasi-totalité des travailleurs de l'entreprise Cebu Mitsumi. [Voir 302e rapport, paragr. 405 et 408.] Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute évolution de la situation à cet égard.

Cas no 1785 (Pologne)

68. Dans son 305e rapport adopté par le Conseil d'administration en novembre 1996, le comité a demandé de nouveau au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation relative à la dévolution, de manière équitable entre les deux centrales syndicales, du patrimoine syndical confisqué durant la période de la loi martiale. [Voir paragr. 57-59.]

69. Dans une communication du 28 mai 1997, le gouvernement indique qu'à la suite de l'adoption de la loi du 10 mai 1996 portant modification de la loi relative à la restitution des biens des syndicats, la commission sociale des revendications a décidé d'imposer au trésor public l'obligation d'indemniser, en numéraire ou sous d'autres formes prévues par la loi, diverses sections de base de NSZZ Solidarnosc. Les organisations syndicales ont déposé des motions en vue du réexamen de décisions antérieures de la commission. Le versement complet des indemnisations sous des formes autres que numéraires ne sera possible qu'une fois que le Conseil des ministres aura pris le décret d'application approprié, mais les travaux du Conseil des ministres visant à prendre ce décret ne pourront être menés à leur terme qu'une fois modifié, par le Parlement, l'article 3.2, paragraphe 1, de la loi sur les revendications, telle que modifiée par la loi du 10 mai 1996, afin de déterminer les modalités non numéraires d'indemnisation qui seront régies par le décret susmentionné. Cette modification était nécessaire car les modalités d'indemnisation prévues par la loi en question n'étaient pas matériellement applicables.

70. En vertu de l'article 45 de la loi relative aux syndicats, dans son énoncé établi par l'article 6 de la loi susmentionnée du 10 mai 1996, le ministre du Travail et de la Politique sociale était tenu de prendre, après consultation avec NSZZ Solidarnosc et OPZZ, un décret où figurerait la liste des biens immobiliers et des équipements de l'ancienne organisation syndicale qui deviendraient le patrimoine exclusif de NSZZ Solidarnosc ou d'OPZZ. Le 7 mars 1997, le ministre du Travail a institué la commission d'inventaire, composée de NSZZ Solidarnosc, d'OPZZ, du ministère du Travail (deux représentants chacun) et d'un secrétaire de la commission. La commission devait terminer ses travaux à la fin de mai 1997. A ce moment-là, les travaux parlementaires en étaient à l'étape finale (la loi adoptée avait été soumise au Sénat) quant à la modification de la loi relative aux syndicats du 23 mai 1991 et de certaines autres lois nécessaires pour que le ministre du Travail procède à une répartition effective des biens ayant appartenu à l'ancienne organisation syndicale et au transfert de propriété en faveur des bénéficiaires de cette répartition.

71. Le comité prend note de cette information. Il demande de nouveau au gouvernement de se conformer le plus tôt possible à la recommandation qu'il a précédemment formulée en vue d'une répartition définitive et équitable du patrimoine syndical entre les deux centrales syndicales et de le tenir informé à ce sujet.

Cas no 1891 (Roumanie)

72. Le comité a examiné ce cas à sa session de mars 1997 [voir 306e rapport, paragr. 556 à 575], à l'occasion de laquelle il a appelé instamment le gouvernement à modifier la législation concernant le règlement des conflits collectifs, notamment les dispositions restreignant le droit de grève. Il a en outre recommandé au gouvernement de veiller à ce que l'intervention de la police, dans le cas où elle apparaît nécessaire pour l'exécution de décisions de justice concernant des grévistes, se fasse dans le plein respect des garanties élémentaires applicables dans tout système respectant les libertés publiques fondamentales.

73. Dans une communication datée du 4 septembre 1997, le gouvernement déclare qu'une nouvelle loi sur le règlement des conflits du travail est en cours d'élaboration, en consultation avec les partenaires sociaux. Lors des discussions que la Commission consultative tripartite constituée par le ministère du Travail et de la Protection sociale a consacrées à ce sujet, le représentant du ministère a confirmé la volonté du gouvernement d'abroger l'article 30 de la loi no 15 de 1991 concernant le règlement des conflits du travail, article qui autorise la Cour suprême à suspendre une grève pour un délai allant jusqu'à 90 jours. Le comité prend note de cette information avec intérêt et prie le gouvernement de communiquer copie de la nouvelle loi une fois qu'elle aura été adoptée.

74. Le gouvernement affirme en outre l'importance qu'il attache à garantir que toute intervention de la police s'effectue conformément aux pouvoirs dont elle est investie par la législation et dans le plein respect des droits fondamentaux et des libertés civiles. Il précise en outre qu'un comité des droits de l'homme a été constitué par le ministère de l'Intérieur pour enquêter sur les violations mettant en cause la police. Le comité prend note de cette information et prie le gouvernement d'indiquer si le comité des droits de l'homme a été chargé d'enquêter sur les allégations soulevées spécifiquement dans ce cas, et de le tenir informé des résultats de ces investigations.

Cas no 1618 (Royaume-Uni)

75. A sa session de juin 1996, le comité a prié le gouvernement de le tenir informé de tout développement concernant l'affaire Harrison contre le Conseil du comté de Kent. En outre, sans méconnaître que, selon le gouvernement, la législation en vigueur offre une protection adéquate contre la discrimination fondée sur l'appartenance ou l'activité syndicale antérieure et que les moyens de recours sont assez étendus pour garantir que la législation soit effectivement appliquée, le comité rappelle que les circonstances à l'origine de ce cas conduisent à penser qu'il est nécessaire de prévoir dans la législation une protection expresse contre les pratiques de liste noire, et toute autre forme de discrimination fondée sur une affiliation ou des activités syndicales passées pour garantir aux travailleurs une protection pleine et entière dans ce domaine. En conséquence, il a instamment prié le gouvernement d'examiner la question d'une telle protection et de le tenir informé de toute mesure qui pourrait être prise. [Voir 304e rapport, paragr. 18-20.]

76. Par communication datée du 21 juillet 1997, le gouvernement fait savoir que l'affaire Harrison contre le Conseil du comté de Kent a été réglée. Toutefois, comme les termes du règlement sont confidentiels et que le gouvernement n'y est pas partie, il ne dispose d'aucun élément à ce sujet.

77. Le comité prend note de cette information. Il constate néanmoins que le gouvernement n'a fourni aucun élément concernant l'incorporation éventuelle dans la législation d'une disposition expresse sur la protection contre les pratiques de liste noire. Il prie donc à nouveau instamment le gouvernement d'examiner la question de l'adoption d'une telle protection expresse et de le tenir informé de tout progrès à cet égard.

Cas no 1581 (Thaïlande)

78. A sa session de novembre 1996, le comité a prié à nouveau le gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis dans le sens de l'adoption du projet de loi sur les relations du travail dans les entreprises d'Etat, voulant croire que ce texte, dans sa forme finale, sera pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale. [Voir 305e rapport, paragr. 61-63.]

79. Dans sa communication du 26 septembre 1997, le gouvernement indique que, suite à la dissolution de la Chambre des représentants en septembre 1996, le projet de loi a été à nouveau soumis à cette instance nouvellement élue le 18 décembre 1996. Le texte a été adopté en dernière lecture par la Chambre le 19 février 1997 et en première lecture au Sénat le 20 février, puis par la Commission de contrôle du Sénat le 13 mai. Selon le gouvernement, ce texte doit maintenant être examiné en seconde et dernière lecture par le Sénat.

80. Le comité prend note de cette information. Il exprime une fois de plus l'espoir que ce projet de loi sera adopté dans un proche avenir et que, dans sa forme finale, il se révélera conforme aux principes de la liberté syndicale. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard et de communiquer copie de ce texte dès qu'il aura été adopté.

Cas no 1856 (Uruguay)

81. Lors de sa session de mars 1996, le comité avait formulé la recommandation suivante: Pour ce qui est du licenciement de 39 travailleurs, qui serait intervenu pour raisons financières quatre jours après la fin d'un conflit collectif à l'entreprise Perses SA, le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête sur les motifs de ces licenciements et, s'il est démontré qu'il s'agissait de motifs antisyndicaux, de prendre les mesures nécessaires pour que les intéressés soient réintégrés à leur poste de travail; le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. [Voir 302e rapport, paragr. 439.] Lors de son examen du cas en novembre 1996, le comité avait pris note des déclarations du gouvernement selon lesquelles l'Inspection générale du travail et de la sécurité sociale procédait à une enquête à cet égard. [Voir 305e rapport, paragr. 64 et 65.]

82. Par une communication du 5 mars 1997, le gouvernement informe que l'enquête en est au stade de la réception et du rassemblement des preuves fournies par les parties intéressées. Pour l'essentiel, il s'agit de témoignages et, par conséquent, on n'est pas encore arrivé à des conclusions définitives sur ce sujet. Le gouvernement ajoute que, dès que la procédure administrative sera parvenue à son terme, le comité sera informé de ses résultats.

83. Le comité prend note de ces informations et, étant donné que l'enquête en question est en cours depuis plus d'un an, il exprime l'espoir que l'autorité administrative se prononcera prochainement et il demande au gouvernement de prendre des mesures dans ce sens. Le comité attend le résultat final de l'enquête.

* * *

84. Finalement, en ce qui concerne les cas nos 1623 (Bulgarie), 1726 (Pakistan), 1761 (Colombie), 1818 et 1833 (République démocratique du Congo), 1834 (Kazakstan), 1850 (Congo), 1857 (Tchad), 1858 (France/Polynésie), 1863 (Guinée), 1864 (Paraguay), 1870 (Congo), 1877 (Maroc), 1886 (Uruguay), 1896 (Colombie), 1903 (Pakistan), 1905 (République démocratique du Congo), 1907 (Mexique), et 1918 (Croatie), le comité demande aux gouvernements concernés de le tenir informé des développements relatifs aux affaires les concernant. Il espère que ces gouvernements fourniront rapidement les informations demandées. En outre, le comité vient de recevoir des informations concernant les cas nos 1698 (Nouvelle-Zélande) et 1910 (République démocratique du Congo) qu'il examinera à sa prochaine réunion. Le gouvernement de l'Inde a annoncé l'envoi prochain d'informations dans les cas nos 1854 et 1890

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Cas no 1934
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Cambodge
présentée par
la Confédération mondiale du travail (CMT)

Allégations: violations du droit de constituer des syndicats, du droit de grève
et de négociation collective, licenciements de syndicalistes,
pressions et menaces exercées à leur encontre

85. Dans sa communication du 8 juillet 1997, la Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Cambodge. Des informations supplémentaires ont été soumises par communication du 17 septembre 1997.

86. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication du 19 août 1997, mais n'a pas encore pu présenter ses commentaires sur les informations supplémentaires.

87. Le Cambodge n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

88. Dans sa communication du 8 juillet 1997, la CMT dénonce des violations du droit d'organisation et du droit de grève, ainsi que d'autres droits syndicaux et des libertés civiles.

Situation générale

89. La CMT fait valoir que les élections démocratiques au Cambodge et la pacification du pays ont amené des investisseurs étrangers à établir des entreprises, particulièrement dans le secteur de la confection textile dont la quasi-totalité du personnel est composée de jeunes filles issues de familles paysannes pauvres. L'organisation plaignante décrit les conditions de travail dans les industries de la confection: 14 heures de travail par jour, 7 jours par semaine; travail supplémentaire obligatoire; salaires de 30 dollars des Etats-Unis (inférieurs au minimum vital); retenues sur salaires par l'employeur pour frais d'examens médicaux, formation, valeur du matériel confié, etc.; réductions de salaires en cas de traitement médical occasionné par un accident professionnel; absence de protection en cas de maladie ou de maternité; absence de protection contre les licenciements; manquements dans le domaine de la sécurité et de la santé.

90. Des travailleurs ont fait l'objet d'insultes et de coups, certains ont été enfermés dans les usines. Ils ont été frappés lors de manifestations et dans l'enceinte des usines. Certains travailleurs ont été giflés simplement pour s'être déplacés pendant les heures de travail. Plusieurs témoignages ont été recueillis à cet égard. Ces violences ont été le fait de la police ou des gardes de l'usine. Le secrétaire d'Etat aux Affaires sociales a écrit aux employeurs pour leur rappeler leurs obligations en la matière. La fouille corporelle des travailleuses est une pratique courante. L'accès restreint aux toilettes est un autre exemple des humiliations dégradantes infligées aux travailleurs, qui doivent utiliser des coupons rationnés limitant l'usage des toilettes à une seule fois par jour. Selon l'organisation plaignante, l'inspection du travail, d'une part, et le système judiciaire, d'autre part, sont très insuffisants. Dans sa communication supplémentaire du 17 septembre 1997, l'organisation plaignante affirme qu'il n'y a pas eu d'amélioration dans les conditions de travail.

Création du Syndicat SLORC

91. C'est dans ce contexte qu'il convient de situer la création, le 10 décembre 1996, par un groupe de 158 travailleurs de l'une des plus grandes usines du pays, de la première organisation syndicale, le Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC). Le syndicat a rapidement compté près de 5 000 membres.

92. En vue d'améliorer les conditions de travail, le syndicat a mené des actions pacifiques, entamé des négociations et conclu des accords sur les salaires et les conditions de travail avec quatre entreprises. Toutefois, de nombreuses entreprises ont refusé au syndicat le droit à l'existence; des employeurs ont recouru à des actions brutales pour affaiblir la détermination des travailleurs et entraver leurs activités syndicales légitimes. Le syndicat a fait l'objet, par ailleurs, de mesures répressives de la part de l'Etat.

Grèves
Cambodia Garment Ltd.

93. Selon l'organisation plaignante, le 17 décembre 1996, le SLORC a organisé la première grève de l'histoire moderne du Cambodge, dans l'usine Cambodia Garment, en protestation contre les conditions de travail, contre les tentatives de démembrer le syndicat récemment créé et contre les mauvais traitements infligés aux travailleurs par leurs chefs. Il réclamait aussi le respect des droits de l'homme, un salaire minimum de 50 dollars, une semaine de travail de 40 heures et le paiement du congé maternité. Près de 4 000 travailleurs de l'usine Cambodia Garment se sont mis en grève. Lors de cette grève, les gardes de l'entreprise tirèrent en l'air avec leurs armes à feu pour intimider les travailleurs et les disperser.

94. Les trois dirigeantes principales du nouveau syndicat, Mmes Mary Ou, la présidente, Om Navy et Phuong Sophon, ont été retenues de force par la direction de l'usine et menacées de licenciement. Elles ont été interrogées pendant toute une matinée par les directeurs sur leur participation à la création du syndicat et elles ont ensuite été relâchées.

Gennon Manufacturing

95. Les travailleurs de l'entreprise Gennon Manufacturing se sont mis en grève pour appuyer leurs revendications. Un représentant de la direction refusa de négocier avec les grévistes en affirmant que le syndicat était une organisation illégale. Une employée de l'usine a été licenciée après avoir déposé une plainte auprès du tribunal municipal de Phnom Penh, le 2 janvier 1997, contre les directeurs qui lui avaient imposé une fouille corporelle en présence d'autres employés.

Tack Fat Garment

96. Les travailleurs de l'entreprise Tack Fat se sont élevés contre les pratiques de retard dans le paiement des salaires; licenciement systématique des travailleurs en cas de plainte; diminutions arbitraires de salaires; enfermement des travailleurs pour les obliger à effectuer des heures de travail supplémentaires sous peine de suspension et réduction du salaire en cas de refus, et de licenciement en cas de deuxième refus.

97. Les travailleurs de l'usine ont fait grève le 3 janvier 1997 en vue d'améliorer leurs conditions de travail. La direction a cherché à briser la grève en enfermant 200 grévistes. Le 4 janvier, le syndicat organisa une manifestation pacifique pour soutenir les revendications. L'entreprise menaça de refuser de payer le salaire de décembre si les travailleurs ne mettaient pas fin à la grève. La manifestation, réunissant principalement des femmes, fut violemment réprimée par la police, commandée par le chef de la police de Phnom Penh en personne. La police avait été envoyée sur les lieux sur ordre du ministre de l'Intérieur. Elle fit usage de lances à incendie et frappa les travailleurs. Certains d'entre eux, dont des femmes, furent blessés, et d'autres furent arrêtés par la police. Une femme fut admise à l'hôpital, blessée à la tête après avoir été jetée à terre par le jet à incendie. Une autre fut blessée par les coups qui lui furent portés avec la crosse d'un fusil par un policier. Yem Sarin, un travailleur de 29 ans, eut la bouche tuméfiée suite aux coups de poings assénés par la police. Men Peuv, âgée de 27 ans, poussée par un policier contre un mur, eut de fortes éraflures au visage.

98. Le 6 janvier, 500 travailleurs qui réclamaient le paiement des salaires de décembre s'assemblèrent devant l'usine. La police et les unités anti-émeutes intervinrent. Les dirigeants syndicaux appelèrent les travailleurs à entrer dans l'enceinte pour éviter les violences. La police entra dans l'usine et ordonna par haut-parleurs aux travailleurs de reprendre leur travail. Les travailleurs ne se laissèrent pas intimider. Pov Kero, 19 ans, qui distribuait des tracts portant les revendications des travailleurs (telles que: suppression du retard de paiement des salaires, licenciements systématiques de travailleurs en cas de plainte, diminutions arbitraires de salaires, heures supplémentaires obligatoires imposées aux travailleurs), fut emmené de force et roué de coups jusqu'à la perte de connaissance. Il resta détenu toute la nuit. Le propriétaire de l'usine, M. Lee, rejeta les demandes des travailleurs en invoquant des arguments économiques, tels que les coûts de production, les investissements, les perspectives d'exportation.

99. Le 10 janvier, la presse rapporta que les travailleurs de l'usine qui avaient décidé de continuer le travail se trouvaient sous la surveillance d'une centaine de membres de la police militaire dont un grand nombre étaient armés d'armes à feu.

100. La grève prit fin le 17 janvier. Les employeurs acceptèrent d'entamer des discussions sur les revendications des travailleurs. Le 18 janvier, lors de la reprise du travail, 13 travailleurs furent licenciés de manière arbitraire, sous prétexte qu'ils avaient repris le travail avec un jour de retard. Il apparaît qu'ils ont été licenciés en réalité pour leur participation à la grève. Ils furent ensuite informés qu'ils seraient réintégrés s'ils s'engageaient par écrit à cesser d'agiter les travailleurs. Thip Chantavy et Mao Chansithoeun, dont les témoignages ont paru dans la presse le 20 janvier, sont au nombre des travailleurs licenciés.

Violations d'autres droits syndicaux

101. Ces faits, selon l'organisation plaignante, démontrent clairement que le gouvernement cambodgien a violé les droits garantis par les conventions nos 87 et 98, et que les employeurs et le gouvernement restreignent et répriment systématiquement le droit des travailleurs de s'organiser librement. Les dirigeants et les militants du SLORC se sont efforcés d'organiser un syndicat indépendant capable de négocier avec les employeurs. Le refus de la direction de l'usine Gennon Manufacturing de négocier, en prétendant que le syndicat est une organisation illégale, reflète la position de la plupart des employeurs. Cette dernière est en contradiction avec l'article 2 de la convention no 87, qui garantit le droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte et sans autorisation préalable, d'établir des organisations de leur choix et de s'y affilier. Le syndicat a d'ailleurs été créé conformément à l'article 36 de la Constitution du Cambodge, qui stipule que les citoyens khmers des deux sexes ont le droit de fonder des syndicats et d'en devenir membres.

102. Le droit de grève reconnu comme un moyen légitime des travailleurs pour défendre leurs intérêts et garanti par la convention no 87 a été violé par le gouvernement. Le gouvernement et les employeurs ont eu recours massivement à l'intervention des forces de sécurité pour réprimer les grèves dans les usines et lors des manifestations des grévistes. Compte tenu des effroyables conditions de travail au Cambodge, en particulier dans l'industrie de la confection, le droit de grève est, selon la CMT, un moyen essentiel pour les organisations de travailleurs en vue de promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux.

B. Réponse du gouvernement

Situation générale

103. Dans sa communication, datée du 19 août 1997, le gouvernement explique, sur le plan de la situation générale, que le nombre des entreprises privées n'a cessé d'augmenter dans des proportions importantes, en particulier dans l'industrie de la confection des vêtements. Vers la fin de 1996, les usines de confection à Phnom Penh et dans les environs étaient au nombre de 43 et occupaient environ 20 000 salariés, dont une majorité écrasante de femmes. Au début de 1996, les employeurs de 36 usines de confection ont fondé l'Association des manufactures de confection du Cambodge.

104. Un nouveau Code du travail a été promulgué officiellement en mars 1997. Ce Code, selon le gouvernement, est la reproduction améliorée des Codes de 1972 et 1992. Le ministère des Affaires sociales, du Travail et des Anciens combattants (ci-après le ministère du Travail) a pour tâche pressante de mettre le Code du travail en application. Cette législation est nouvelle tant pour les fonctionnaires que pour les employeurs et les travailleurs. Le gouvernement précise que le nouveau Code du travail (de même d'ailleurs que celui de 1992) fixe la durée du travail à 8 heures par jour, 6 jours par semaine. Si les heures supplémentaires dépassent une heure par jour, l'employeur doit obtenir l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail. Le travail supplémentaire ne peut pas être imposé au travailleur contre sa volonté.

105. Le gouvernement indique que, selon les accords entre le ministère du Travail et l'Association des manufactures du Cambodge du 25 décembre 1996 et du 17 janvier 1997, le salaire minimum est fixé à 30 dollars américains pour un apprenti et à 40 dollars pour un travailleur. D'après le communiqué interministériel du 26 décembre 1996, le représentant du ministère du Travail, le représentant du ministère de l'Industrie et l'association des employeurs de 36 usines de confection ont poursuivi leurs discussions. Les employeurs ont été d'accord pour allouer aux travailleurs les accessoires du salaire, la rémunération pour le travail supplémentaire du soir et divers frais (primes de régularité, transport, uniformes, etc.). Ils ont toutefois demandé un délai pour discuter concrètement ces questions avec les travailleurs ou leurs représentants. Quant à la durée du travail, les employeurs ont décidé d'appliquer la durée de 48 heures comme stipulé dans le Code du travail. Quant aux ministères concernés, ils ont décidé d'améliorer graduellement les conditions de travail ainsi que l'élection des délégués du personnel. Le gouvernement relève que les dépenses liées à l'examen médical sont prises en charge par l'employeur. L'employeur peut retenir une partie du salaire des travailleurs afin de compenser l'argent que ces derniers ont emprunté pour acheter des matières et matériaux dont le travailleur a la charge et l'usage. Le traitement médical des travailleurs qui ont subi des accidents du travail relève de la responsabilité de l'employeur. Les injures et voies de fait sont absolument interdites et considérées comme faute grave de l'employeur. Aucune disposition législative n'interdit aux travailleurs de se rendre aux toilettes. Les travailleurs ont droit à un repos en cas de maladie et d'accouchement. Le congé maternité est de 90 jours et la bénéficiaire jouit de la moitié du salaire au minimum. Les travailleurs licenciés peuvent bénéficier d'un préavis et d'une indemnité de licenciement, sauf en cas de faute grave. Ils ont droit à des dommages-intérêts en cas de licenciement sans motif valable. L'employeur doit maintenir la santé et la sécurité des travailleurs au cours du travail.

106. Le gouvernement indique par ailleurs que, selon les rapports des groupes d'inspection du travail et diverses autres informations, le ministère du Travail est parvenu à la conclusion qu'il y a violation générale des conditions de travail. Toutefois, le ministère a fait les remarques suivantes: la contrainte à effectuer des heures supplémentaires n'a lieu qu'occasionnellement, à bref délai, quand il y a une grande commande de vêtements. Dans ces cas, les travailleurs ont bénéficié des rémunérations afférentes et d'un repas supplémentaire. Avant le 1er janvier 1997, un certain nombre d'usines de la confection ont payé un salaire inférieur à 30 dollars des Etats-Unis par mois, mais, à ce moment, le ministère n'avait pas encore pu fixer le salaire minimum. Les accidents du travail dans les usines de confection sont rares et de moindre gravité. Les fouilles des travailleurs, à l'entrée ou à la sortie de l'usine, ne sont appliquées que pour assurer la protection des biens et la sécurité de l'usine. La fouille corporelle n'a eu lieu que dans une usine où deux employées étrangères ont fouillé deux travailleuses de manière indécente. Ces dernières ont porté plainte au ministère qui a imposé aux employées fautives de payer 1 000 dollars de dommages-intérêts pour chacune des travailleuses concernées. Il s'agit cependant d'un cas isolé. La grande majorité des travailleuses sont des jeunes filles célibataires, et rien n'indique que les femmes en couches ne peuvent avoir droit au congé maternité. Dans certains cas, l'employeur guette les travailleurs se rendant aux toilettes, parce que ces derniers en profitent pour éviter de travailler. Dans certaines usines qui n'ont pas d'infirmerie, les employeurs ont autorisé les travailleurs malades à recourir à un traitement médical à l'extérieur de l'usine. Seul un petit nombre d'usines n'ont pas encore de médecins du travail, et les inspecteurs du travail ont pris des mesures pour que les employeurs assument leurs responsabilités en la matière. La majorité des travailleurs licenciés n'ont pas reçu d'indemnités. Parmi les plaintes à ce sujet reçues au ministère, il n'y a qu'un cas relatif à la maladie et trois cas relatifs aux activités syndicales. Il n'y a pas de problème en rapport avec la sécurité du travail. L'inspecteur du travail effectue des inspections dans le domaine de la santé et de la sécurité.

107. Quelques travailleurs ont été insultés par les responsables d'une usine, en particulier par les chefs de groupe. L'article 79 du Code du travail de 1992 ou l'article 83 du nouveau Code stipulent clairement que les injures, violences ou voies de fait sont considérées comme des fautes graves de l'employeur. Toutefois, de tels cas ont été rares dans le passé. Chaque fois que le ministère a été saisi d'une plainte à cet égard, il a envoyé un groupe d'inspection régler le conflit sans délai, en imposant à l'employeur l'arrêt immédiat de tels actes et en l'avertissant qu'il serait traduit devant les tribunaux en cas de récidive. A ce jour, il n'y a pas eu de récidive. Les autres infractions donnent lieu à plusieurs avertissements pour les raisons suivantes: la politique du gouvernement vise à attirer les investissements étrangers pour résoudre le problème de l'emploi et développer l'économie nationale. L'industrie de la confection se développe rapidement et absorbe beaucoup de main-d'œuvre, en particulier des femmes. Le domaine de la réglementation du travail est récent au Cambodge, et la connaissance des lois, l'acquisition de l'expérience et de la pratique ne sont pas encore suffisantes. Dans le cadre de l'application du Code du travail, on a donc procédé par étapes: avant de recourir au tribunal ou à la sanction, le groupe d'inspection du travail s'efforce de faire connaître le Code, de veiller à son application et de donner des avertissements. L'effectif des fonctionnaires du travail et leurs moyens ne sont pas encore au niveau du développement rapide de l'économie et du mouvement des travailleurs. La question de la fixation du temps pour se rendre aux toilettes est difficile: elle demande la compréhension de l'employeur et la bonne foi du travailleur. Toutefois, le groupe de médecins du travail a conseillé aux employeurs de permettre aux travailleurs d'utiliser les toilettes selon leurs besoins physiologiques. Le défaut d'attention aux travailleurs malades provient de ce que chaque usine ne dispose pas encore de médecins du travail et n'a pas encore envoyé régulièrement les travailleurs se faire examiner pour leur aptitude physique comme prévu. Le ministère prend des mesures pour sanctionner les usines qui n'ont pas respecté ces avis.

Création du Syndicat SLORC

108. La Constitution du Royaume du Cambodge, adoptée en 1993, prévoit le droit pour les citoyens de créer des syndicats et d'en être membres et précise que «l'organisation et le fonctionnement des syndicats feront l'objet d'une loi». Le Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC) a été proclamé le 15 décembre 1996, avant que le nouveau Code du travail, qui contient des dispositions concernant la liberté syndicale, ait été adopté et promulgué officiellement. Bien que le Royaume du Cambodge n'ait pas encore ratifié les conventions nos 87 et 98, le nouveau Code du travail contient des dispositions particulières relatives aux droits et libertés syndicaux conformes aux normes de ces deux conventions. Le SLORC a été proclamé par un politicien d'un parti d'opposition au gouvernement royal, et il a des objectifs politiques et non pas de défense des réels intérêts des travailleurs. Il s'agit de M. Sam Rainsy, président du Parti de la nation khmère, ancien membre du gouvernement royal, destitué par l'Assemblée nationale, selon les indications du gouvernement. Le nom du syndicat (qui semble s'être dénommé d'abord «Syndicat des ouvriers libres de la nation khmère») et ses activités concrètes sont étroitement liés au Parti de la nation khmère. Le président de ce parti a dirigé lui-même directement ce syndicat, ce qui est contraire à l'article 10 de la convention no 87. Dans un appel du 27 décembre 1996, dont le gouvernement a fourni une copie, le gouvernement s'est référé aux manifestations des travailleurs des usines de confection visant à demander aux employeurs de respecter les conditions de travail telles que les horaires, les augmentations de salaires, les allocations et d'autres demandes. Il a mentionné le communiqué interministériel du 26 décembre et l'accord sur les salaires du 25 décembre. Le gouvernement affirme que, «profitant du mouvement revendicatif des travailleurs et travailleuses, une poignée d'extrémistes en a fait une exploitation politique en inspirant et incitant les travailleurs et travailleuses à organiser des manifestations et défilés sans respecter la loi encore en vigueur et en utilisant le nom de «Syndicat des ouvriers de la nation khmère» qui n'a pas encore rempli les formalités administratives requises pour influencer l'opinion publique nationale et internationale».

Grèves
Cambodia Garment Ltd.

109. Dans cette usine, les travailleurs avaient élu leurs délégués le 22 avril 1995. L'organisation de la grève n'était pas appropriée parce qu'à ce moment la loi sur les syndicats n'avait pas encore été promulguée. Au moment de la grève, des débats étaient en cours à l'Assemblée nationale sur le projet de Code. Informé de la grève, le directeur adjoint du Département de l'inspection du travail (ministère du Travail), M. Kéo Borentr, s'est rendu sur place le 18 décembre dans la matinée à la tête d'un groupe d'inspection pour régler le conflit. M. Bun Va, représentant du directeur de l'usine, a confirmé que la grève des 15 et 16 décembre avait été dirigée par MM. Sam Rainsy et Khiev Rada, respectivement président et secrétaire général du Parti de la nation khmère. Il a reconnu que les gardiens de l'usine ont tiré en l'air le 17 décembre, mais c'était pour arrêter l'assaut d'inconnus conduits par les deux personnes mentionnées, après l'échec de la négociation. Le groupe d'inspection s'est entretenu avec Mmes Mary Ou, Um Navy et Phuong Sophon, respectivement présidente, vice-présidente et secrétaire générale du SLORC, qui ont affirmé qu'elles avaient été détenues par l'employeur mais n'avaient pas, selon le gouvernement, été maltraitées ou menacées de licenciement. Le groupe d'inspection a demandé aux trois dirigeantes syndicales de suspendre leurs activités syndicales, particulièrement la grève, en attendant l'adoption du nouveau Code du travail qui reconnaîtrait les droits et libertés syndicaux. Le gouvernement a joint à sa réponse le procès-verbal de la réunion du 18 décembre «sur la question de création de syndicat et de son but» entre les représentants du ministère du Travail et les trois responsables syndicales nommées ci-dessus. D'après ce document, le directeur adjoint du Département de l'inspection du travail a informé les trois travailleuses que le Code n'a pas encore permis la création des syndicats, mais que les salariés pouvaient revendiquer leurs droits et faire valoir leurs intérêts par l'intermédiaire des délégués du personnel qu'ils ont déjà élus. Il leur a demandé de suspendre la propagande et les activités syndicales temporairement en attendant l'adoption du nouveau Code du travail qui régirait les droits et les activités syndicaux. La présidente du syndicat a affirmé, selon ce document, que le syndicat, créé le 15 décembre 1996 avec l'aide de M. Rainsy, a pour but de revendiquer les droits et libertés des travailleurs et qu'il a les objectifs suivants, entre autres: augmentation des salaires, limitation de la durée de travail hebdomadaire, assistance en cas de maladie, licenciements avec motifs valables, assistance appropriée en cas de grossesse. Elle a affirmé que ce syndicat a été créé au niveau national et n'a pas de tendances politiques. Le groupe d'inspection s'est à nouveau rendu dans l'usine, le 19 décembre au matin, en vue de régler le conflit. Le groupe a vu MM. Sam Rainsy et Khiev Rada et de nombreuses personnes étrangères à l'usine entrer dans l'enceinte de l'usine. Les deux personnes nommées ci-dessus ont lancé des insultes, des grossièretés contre les directeurs de l'usine et des accusations contre le gouvernement, particulièrement contre les fonctionnaires du ministère du Travail; leur but n'était pas de régler les problèmes mais d'exciter les travailleurs contre les employeurs et le gouvernement, en particulier le ministère qui, de tout temps, avait avec succès fait œuvre de conciliation dans les conflits au sein de l'usine. Seul un petit nombre de travailleurs de l'usine, membres du parti en question, ont participé à cette grève avec des conducteurs de motos-taxis et des vagabonds payés par le parti. D'après le texte du communiqué interministériel du 26 décembre, dont une copie a été communiquée par le gouvernement, le ministère du Travail a discuté avec l'employeur qui a été d'accord de satisfaire la demande des travailleurs sur un certain nombre de points, parmi lesquels les heures supplémentaires, l'assistance en cas de maladie, le congé de maternité, les préavis et indemnités en cas de licenciement, conformément au Code. L'employeur s'est également engagé à donner des instructions aux cadres de l'entreprise pour qu'ils usent d'un langage décent et se comportent avec une attitude décente à l'égard des travailleurs.

Gennon Manufacturing

110. Informé de la grève dans cette usine, M. Kéo Borentr s'y est rendu avec le groupe d'inspection du 25 au 30 décembre 1996 pour régler le conflit. Le groupe a interrogé l'employeur, puis il a tenu, dans l'après-midi du 25 décembre, un meeting avec les grévistes et les a informés du communiqué interministériel en date du 26 décembre concernant l'augmentation du salaire minimum des travailleurs de la confection à 40 dollars par mois. Vu que cette usine n'avait pas encore de délégués du personnel, puisqu'elle venait d'être créée, le groupe d'inspection a demandé aux travailleurs d'élire les délégués du personnel aussitôt que possible pour les représenter légitimement dans la négociation avec l'employeur. M. Sam Rainsy, son épouse, des membres du Parti de la nation khmère et d'autres personnes étrangères à l'usine sont arrivés, ont insulté le gouvernement, le ministère et les dirigeants de l'usine et incité les travailleurs à ne pas reconnaître le règlement du conflit par le groupe d'inspection. M. Rainsy a insisté pour que les cinq prétendus représentants des travailleurs qu'il avait désignés au préalable, ainsi que son épouse, puissent entrer dans l'usine pour négocier avec l'employeur. Ce dernier a accepté de recevoir ces représentants, mais ni M. Rainsy ni son épouse. M. Rainsy a alors proféré des menaces et organisé un lancement de pierres. Du matériel fut détruit. Les personnes impliquées dans ces violences ont refusé d'écouter les autorités compétentes et la police qui leur conseillaient de régler pacifiquement le conflit.

111. En ce qui concerne Mmes Chun Rany et So May, travailleuses de l'usine Gennon Manufacturing, qui ont accusé les responsables de l'usine de les avoir fait déshabiller pour la fouille, cette affaire a été réglée par le ministère le 12 février 1997 par conciliation. Le directeur de l'usine a accepté de payer à chaque travailleuse 1 000 dollars des E.-U. à titre de dommages-intérêts.

Tack Fat Garment

112. Comme dans les deux autres cas, le SLORC n'a pas recouru à la loi pour régler le conflit. Le 3 janvier, vers 2 heures de l'après-midi, la majorité des travailleurs étaient au travail. Le groupe d'inspection, conduit par M. Kéo Borentr, était en train de discuter avec les directeurs de l'usine quand les militants du syndicat ont provoqué désordre et panique dans l'usine en jetant, de l'extérieur, des pierres sur les bâtiments, détruisant une partie d'un toit. M. Sam Rainsy et ses acolytes ont incité les travailleurs à cesser le travail et ils ont proféré les mêmes paroles injurieuses que dans les autres cas. Les grévistes ont forcé l'entrée principale de l'usine. Parmi eux, il y avait deux conducteurs de motos-remorques, Lam Han et Vong Saroeun, qui ont utilisé un grand marteau pour détruire la porte d'entrée. M. Rainsy a lui-même procédé à l'élection à main levée de 11 représentants provisoires des travailleurs. Cinquante travailleurs environ, sur les 1 000 que compte l'établissement, ont levé la main. Le 4 janvier, de 8 heures du matin à 6 heures du soir, une réunion s'est tenue entre l'employeur et les 11 représentants provisoires, sous la présidence de M. Kéo Borentr, pour régler le conflit. Le représentant du ministère de l'Industrie, des Mines et de l'Energie, le représentant de la police du Khan de Meanchey et celui du ministère de l'Intérieur ont participé à cette discussion. Les représentants des travailleurs ont confirmé qu'ils n'avaient jusqu'alors commis aucun acte de violence contre l'entreprise mais qu'ils avaient été menacés par les forces de l'extérieur et incités à ne pas travailler. Tous les représentants ont été d'accord pour organiser l'élection des délégués du personnel le 6 janvier. Les deux parties étaient parvenues à un accord sur 12 des 15 points de revendication. Les questions qui restaient en suspens portaient sur la rémunération des heures supplémentaires, le salaire du travail aux pièces, la date de versement des salaires de décembre 1996. Au moment des discussions, M. Rainsy et les activistes du SLORC ont annoncé qu'ils ne reconnaissaient pas les 11 représentants précédemment élus, qu'ils ont accusés d'être vendus à la direction. Ils ont reçu à coups de poings deux représentants qui voulaient informer les grévistes du déroulement des discussions et de leur résultat. Ils ont refusé de reconnaître l'accord intervenu et ont présenté de nouvelles demandes. Ils ont persuadé un petit nombre de travailleurs de défiler. La foule a bloqué la circulation, causé du tumulte et enfreint l'ordre public. Afin d'assurer la sécurité de la majorité des travailleurs qui voulaient continuer le travail pour protéger les biens de l'usine et l'ordre social, et en application du communiqué du ministère de l'Intérieur du 19 décembre 1996 et de l'appel du gouvernement royal du 27 décembre, la police a emmené les deux conducteurs de motos-remorques au commissariat et utilisé les lances à incendie pour disperser les manifestants. Au cours de ces événements, aucun travailleur ou manifestant n'a été torturé ou maltraité par la police, contrairement à ce que prétend l'organisation plaignante. Seuls MM. Lam Han et Vong Saroeun ont été détenus et libérés après avoir été interrogés. Le 6 janvier, l'usine a affiché un avis demandant aux travailleurs de venir toucher leur salaire et de reprendre le travail le 8 janvier. Le 8 janvier, le directeur de l'usine a payé les salaires de décembre 1996 aux travailleurs et, le jour suivant, il a procédé à l'élection de neuf délégués du personnel et neuf suppléants. Le 11 janvier, le directeur a de nouveau lancé un appel aux travailleurs pour qu'ils reprennent le travail le 13 janvier au plus tard. Le 13 janvier, le directeur a réuni les représentants élus pour discuter les questions en suspens. Du fait qu'un certain nombre de travailleurs n'avaient pas encore repris le travail le 13, le directeur a prolongé le délai de reprise du travail au 17 janvier.

113. Le 21 janvier, le ministère a reçu une plainte de 13 travailleurs de l'usine Tack Fat accusant le directeur de les avoir licenciés sans motif valable. Pour régler le conflit, le ministère a convoqué les deux parties, mais l'employeur a refusé de réengager les travailleurs pour les raisons suivantes: neuf travailleurs (dont Mao Chansithoeun) avaient abandonné leur travail et ne l'avaient pas repris le 17 janvier; deux travailleurs ont volé des biens de l'usine et ont été licenciés; deux travailleurs ont été licenciés parce qu'ils ont abandonné le travail et ne l'ont pas repris à la fin d'un congé autorisé; Mme Thip Chantavy ne travaillait pas à l'usine Tack Fat. Le gouvernement a fourni la copie du procès-verbal de cette réunion, qui s'est tenue le 31 juillet 1997.

Autres droits syndicaux

114. Le gouvernement affirme que l'organisation plaignante s'est basée uniquement sur les plaintes du SLORC et que ce dernier poursuit des objectifs politiques. Il a mené ses activités sans respecter la légalité. Il a souvent recours aux actes de violence pour atteindre ses buts politiques. Il s'oppose au gouvernement royal et au groupe d'inspection qui s'efforce de régler pacifiquement le conflit selon les procédures légales.

115. Les autorités cambodgiennes n'ont pas violé les droits garantis par les conventions nos 87 et 98. Bien qu'il n'ait pas encore ratifié ces conventions, le Cambodge respecte le droit des citoyens de créer des syndicats sans autorisation préalable. Ni le gouvernement ni l'employeur n'ont interdit aux travailleurs de créer des syndicats, mais le nouveau Code du travail n'avait pas encore été promulgué officiellement, et les délégués du personnel ont été reconnus comme seuls représentants légitimes des travailleurs. En outre, le SLORC est dirigé par un parti politique, ce qui est contraire à l'article 10 de la convention no 87. Aux termes de la Constitution, l'organisation et le fonctionnement des syndicats doivent faire l'objet d'une loi. Ainsi, le refus de négocier avec les syndicats ne peut être considéré comme une faute de l'employeur, parce que le nouveau Code du travail n'était pas encore adopté. L'organisation de grèves et manifestations par le SLORC n'a pas respecté la légalité, ce qui est contraire à l'article 8 de la convention no 87. Les meetings et manifestations organisés par le SLORC dans les usines de confection Cambodia Garment Ltd., Gennon Manufacturing et Tack Fat ont été tenus sans avis préalable, accompagnés d'actes de violence et ont porté atteinte à l'ordre public, ce qui est contraire aux articles 1, 2, 4 et 6 de la loi sur les manifestations. Le ministère de l'Intérieur, dans un communiqué de presse du 19 décembre dont une copie a été communiquée par le gouvernement, affirme notamment que le syndicat proclamé par M. Sam Rainsy n'ayant pas encore déposé officiellement son dossier auprès d'aucune institution compétente, il s'agit d'une organisation qui n'est pas légalement reconnue et qu'en conséquence la manifestation de travailleurs organisée par le syndicat pour demander le respect du droit du travail, la fixation des horaires de travail et l'augmentation des salaires n'a pas respecté la législation. Des actes de violence ont été commis lors des grèves, à l'instigation du syndicat, ce qui est contraire à l'article 1 de la loi sur les manifestations. Le syndicat a porté atteinte aux biens privés, ce qui est contraire à l'article 44 de la Constitution. L'exercice des droits et de la liberté par l'individu ne doit pas porter atteinte aux droits et à la liberté d'autrui. L'exercice de ces droits doit faire l'objet d'une loi (art. 31 de la Constitution). Les droits de grève et de manifestation pacifique doivent être exercés dans le cadre de la loi (art. 37). Et le droit de propriété privée est sous la protection de la loi (art. 44).

116. Le SLORC a été créé avant la promulgation du nouveau Code du travail. Ses activités devaient donc recueillir l'autorisation préalable du directeur de l'usine et des autorités compétentes. Selon la procédure de règlement des conflits, les travailleurs, les employeurs et les représentants du ministère du Travail sont les parties reconnues à un conflit. Les forces de sécurité n'interviennent que si le conflit est cause de désordre public et s'il est accompagné d'actes de violence. La présence et les activités des forces de sécurité dans ces trois usines sont donc justifiées. Les forces de sécurité, pour maintenir l'ordre et la sécurité publics, peuvent arrêter tout manifestant se livrant à des actes de violence et prendre les mesures appropriées pour disperser les manifestants en faisant usage, par exemple, de jets à incendie, conformément aux dispositions de la loi sur les manifestations. Aucun travailleur n'a été blessé ou maltraité. MM. Lam Han et Vong Saroeun n'ont été détenus que pendant un court laps de temps. Les autorités compétentes ont fait preuve d'indulgence puisqu'elles n'ont pas condamné les coupables ni les personnes qui avaient incité les travailleurs à la violence.

117. Le gouvernement exprime l'espoir que, grâce à l'assistance technique du Bureau international du Travail, il sera en mesure de pallier les lacunes et de s'engager dans un développement progressif dans l'intérêt des travailleurs.

C. Conclusions du comité

118. Le comité note que les allégations portent sur la violation du droit de constituer librement des syndicats et du droit de grève et de négociation collective, des licenciements de syndicalistes ainsi que des pressions et menaces exercées à leur encontre.

119. Le comité relève que le gouvernement, bien que n'ayant pas encore ratifié les conventions nos 87 et 98, déclare en respecter les principes et qu'il se réfère d'ailleurs, de manière détaillée, à plusieurs dispositions de ces conventions dans sa réponse.

120. Les faits allégués se sont produits dans un contexte de conditions de travail particulièrement difficiles s'inscrivant dans un effort de développement économique, qui s'est traduit notamment par un souci de composer avec les investisseurs dans certains secteurs nouvellement développés. Le gouvernement a reconnu qu'il y avait des abus commis dans les conditions de travail et affirme que des mesures ont été prises pour y remédier.

121. Le gouvernement fait valoir que le domaine de la réglementation du travail est récent au Cambodge, que la connaissance des lois, l'acquisition de l'expérience et de la pratique ne sont pas encore suffisantes et que l'effectif des fonctionnaires du travail et leurs moyens ne sont pas encore au niveau du développement rapide de l'économie et du mouvement des travailleurs. Le comité note avec intérêt que le gouvernement a exprimé l'intention de pallier les lacunes avec l'assistance technique du Bureau international du Travail.

122. Le Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC) a été créé en décembre 1996. Selon l'organisation plaignante, certains employeurs ont refusé au syndicat son droit à l'existence, d'autres ont refusé de le reconnaître sous prétexte qu'il s'agissait d'une organisation illégale. D'autre part, dès la fondation du syndicat, les dirigeants et militants ont fait l'objet de mesures répressives. Pour le gouvernement, le SLORC est dirigé par le président d'un parti politique d'opposition et le nom, les activités et les objectifs de ce syndicat sont étroitement liés à ce parti; les activités parfois violentes du syndicat n'ont pas pour but de défendre les intérêts des travailleurs mais de poursuivre des objectifs politiques. Le SLORC a été créé avant la promulgation du nouveau Code du travail, ses activités devaient donc recueillir l'autorisation préalable du directeur de l'usine et des autorités compétentes. Depuis la promulgation du Code du travail, selon le gouvernement, le syndicat n'a pas appliqué les dispositions concernant l'enregistrement des statuts des syndicats.

123. Le comité constate, sur la base de la documentation dont il dispose, que le syndicat en question a été créé en décembre 1996 par plus d'une centaine de travailleurs des usines de confection et qu'il réunit maintenant un nombre important de membres. Le comité remarque que le syndicat en question est la première organisation dans le secteur de la confection et qu'il compte parmi ses dirigeants des personnes employées dans cette industrie. D'après les documents fournis par le gouvernement, la présidente du syndicat a déclaré au directeur adjoint du Département de l'inspection du travail que le syndicat, créé le 15 décembre 1996 avec l'aide de M. Rainsy, a pour but de revendiquer les droits et libertés des travailleurs et qu'il a pour objectif de demander, entre autres, l'augmentation des salaires, la limitation de la durée de travail hebdomadaire, l'assistance en cas de maladie ou de grossesse, le contrôle des licenciements et qu'en outre le syndicat a été créé au niveau national et n'a pas de tendances politiques. Le comité relève que les revendications ainsi présentées par le syndicat portaient sur les conditions de travail et les salaires, et que ses activités, soutenues par un grand nombre de travailleurs, ressortissent aux activités normales d'une organisation syndicale ayant pour but de défendre et promouvoir les intérêts de ses membres. Le comité observe par ailleurs que le syndicat a entamé des négociations qui ont abouti, dans certaines entreprises, à des accords sur les salaires et les conditions de travail.

124. Au vu des éléments du dossier, le comité comprend que les événements dont fait état la plainte, et en particulier la création du SLORC, se sont produits au cours d'une période transitoire où la nouvelle législation du travail était sur le point d'être adoptée et qu'elle n'est entrée en vigueur que trois mois plus tard. Le comité tient toutefois à rappeler que les formalités prévues par les réglementations nationales concernant la constitution et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d'employeurs sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale, à condition que ces dispositions réglementaires ne mettent pas en cause les garanties prévues par la convention no 87. Toutefois, si l'absence d'enregistrement avait pour effet de rendre un syndicat illégal, cela pourrait correspondre en pratique à soumettre l'enregistrement à une exigence d'autorisation préalable, or l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, sans autorisation préalable. Le comité rappelle également que seuls le développement d'organisations libres et indépendantes et la négociation avec l'ensemble des composantes du dialogue social peuvent permettre à un gouvernement d'affronter les problèmes économiques et sociaux et de les résoudre au mieux des intérêts des travailleurs et de la nation. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 24.]

125. Dans ces conditions, le comité, tout en notant que le nouveau Code du travail ne semble pas imposer d'entraves à la constitution et au fonctionnement des organisations syndicales, exprime le ferme espoir que le gouvernement sera maintenant en mesure d'assurer la régularisation de la situation de manière à permettre aux organisations d'employeurs et de travailleurs de remplir leurs fonctions. Le comité demande donc au syndicat de déposer ses statuts auprès de l'autorité compétente et au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'organisation soit enregistrée sans retard.

126. D'après l'organisation plaignante, certains employeurs ont refusé de négocier avec le syndicat en affirmant qu'il s'agissait d'une organisation illégale. A cet égard, le gouvernement indique que, conformément à la législation antérieure, seuls les délégués du personnel ont été reconnus comme représentants légitimes des travailleurs et que le refus de négocier ne peut donc être retenu contre l'employeur. D'après un document fourni par le gouvernement, le représentant du ministère du Travail a déclaré aux dirigeantes du SLORC, lors d'une réunion du 18 décembre 1996, que la création des syndicats n'était pas encore permise par la législation, mais que les salariés pouvaient revendiquer leurs droits et faire valoir leurs intérêts par l'intermédiaire des délégués du personnel déjà élus. Il a demandé aux dirigeantes du syndicat de suspendre les activités syndicales temporairement en attendant l'adoption du nouveau Code du travail. Le comité observe que le gouvernement, dans un «appel» du 27 décembre 1996, affirme que les délégués du personnel, dont l'élection urgente doit être facilitée d'entente avec les employeurs, sont «les seuls représentants des travailleurs, travailleuses et employés dans la discussion directe avec les employeurs et ministères compétents dans le cadre du Code du travail».

127. Dans ce contexte, le comité tient à souligner que la liberté syndicale n'implique pas seulement le droit, pour les travailleurs et les employeurs, de constituer librement des associations de leur choix, mais encore le droit, pour les associations professionnelles elles-mêmes, de défendre les droits et les intérêts professionnels de leurs membres. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 447.] Dans ce sens, en privilégiant les délégués au détriment des représentants du syndicat nouvellement constitué, le gouvernement n'a pas reconnu le droit des syndicats à promouvoir et défendre les droits et les intérêts des travailleurs; le comité conclut que cela a empêché le syndicat d'organiser ses activités et de fonctionner et a entravé son existence même. De plus, les principes de la liberté syndicale, fondés notamment sur la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, garantissent que, lorsqu'une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées soient prises, d'une part, pour assurer que la présence des représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés et, d'autre part, pour encourager la coopération entre les représentants élus et les syndicats et leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 787.] En privilégiant les délégués au détriment des représentants du syndicat nouvellement constitué, le gouvernement n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que la présence des délégués ne serve à affaiblir la situation du syndicat nouvellement créé ni pour encourager la coopération entre les uns et les autres. En outre, le comité considère qu'en déclarant que les délégués sont les seuls représentants des travailleurs, travailleuses et employés dans la discussion directe avec les employeurs et ministères compétents dans le cadre du Code du travail, le gouvernement a manqué au principe du droit de négociation collective, selon lequel des mesures doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement des plus larges procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 781.]

128. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les syndicats puissent promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs, notamment par la voie de la négociation collective des conditions de travail, au sens du principe rappelé ci-dessus. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le SLORC puisse négocier les conditions de travail dans le secteur de la confection avec les employeurs de ce secteur.

129. En ce qui concerne le droit de grève, le comité observe que des grèves ont eu lieu dans trois entreprises et qu'elles ont été appuyées ou prolongées par des manifestations sur la voie publique. L'organisation plaignante allègue que le gouvernement et les employeurs ont eu massivement recours à l'intervention des forces de sécurité pour réprimer les grèves dans les usines et lors des manifestations pacifiques des grévistes et que des personnes ont été blessées au cours d'actes de répression violente. Le gouvernement, quant à lui, affirme que l'organisation de grèves et manifestations par le SLORC n'a pas respecté la légalité. Des actes de violence ont été commis lors des grèves et des manifestations à l'instigation du syndicat, en violation de la loi sur les manifestations. Le comité note que cette loi dispose, entre autres, que les autorités doivent être informées par écrit, trois jours à l'avance, par les organisateurs de manifestations. Le comité relève que, selon le gouvernement, aucun travailleur n'a été blessé ou maltraité, et deux personnes, qui avaient été arrêtées, MM. Lam Han et Vong Saroeun, n'ont été détenues que très peu de temps et relâchées.

130. Le comité, en l'état du dossier, n'est pas en mesure de déterminer, sur la base des éléments présentés par l'organisation plaignante, que les mesures prises par le gouvernement ont eu pour but de briser la grève, même si elles ont visé à mettre fin aux manifestations sur la voie publique et à disperser les manifestants: le comité ne dispose pas d'informations suffisantes pour déterminer l'origine et la gravité des violences qui ont accompagné les manifestations.

131. Le comité rappelle cependant que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 475] et que le droit d'organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. Toutefois, le comité a toujours opéré une distinction entre les manifestations ayant un objet purement syndical, qu'il considère comme rentrant dans l'exercice d'un droit syndical, et celles qui tendent à d'autres fins. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 133.] En outre, le comité doit souligner que les mesures privatives de liberté contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 77.]

132. En ce qui concerne le licenciement de 13 travailleurs, intervenu le 18 janvier, lors de la reprise du travail dans l'usine de Tack Fat Garment qui avait été en grève, le comité retient que, selon l'organisation plaignante, les motifs de ces licenciements étaient fallacieux et qu'il s'agissait en réalité de licenciements pour fait de grève. Le comité note que le ministère du Travail a envoyé un groupe d'inspection auprès de l'entreprise, en juillet 1997, pour recueillir des informations sur 13 licenciements. Le comité souligne que le respect des principes de la liberté syndicale exige que l'on ne puisse ni licencier des travailleurs ni refuser de les réengager en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 593.] Le comité considère que des allégations de licenciements pour faits de grève, si elles étaient avérées et fondées sur des faits, pourraient constituer une grave violation des principes de la liberté syndicale. Le comité note les explications données sur les motifs des licenciements par le gouvernement. Celles-ci ont fourni la preuve du caractère antisyndical des licenciements. Le comité demande donc au gouvernement de faire procéder à une enquête approfondie sur ces licenciements en vue d'obtenir la réintégration dans leur poste de travail des travailleurs pour lesquels il est avéré qu'ils ont été licenciés pour des motifs antisyndicaux et de le tenir informé à cet égard.

133. Le comité note que le gouvernement a confirmé la détention temporaire de Mmes Mary Ou, Um Navy et Phuong Sophon. A cet égard, le comité rappelle que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, même si c'est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 70.]

134. Le comité note par ailleurs que le gouvernement a fait état dans sa réponse de plaintes reçues au ministère du Travail concernant des indemnités de licenciement dans trois cas «relatifs aux activités syndicales». Le comité rappelle qu'il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 707.] Le comité prie en conséquence le gouvernement de fournir des informations complètes sur les trois cas de licenciements antisyndicaux auxquels il s'est lui-même référé dans sa réponse, en indiquant quelles ont été les circonstances de ces licenciements, quelle a été l'issue des plaintes en question et en communiquant la décision du ministère.

135. Le comité note que, selon l'organisation plaignante, les travailleurs ont fait l'objet de diverses brutalités, atteintes à l'intégrité, mauvais traitements et voies de fait, et traitements humiliants dans le cadre des usines. L'inspection du travail est intervenue auprès des employeurs et a demandé le versement de dommages-intérêts à deux travailleuses qui avaient déposé plainte pour des fouilles corporelles qui leur avaient été imposées. En ce qui concerne les insultes, les coups et les humiliations, le comité relève que l'organisation plaignante se réfère à l'intervention du secrétaire d'Etat auprès des employeurs pour les rappeler à l'ordre ainsi qu'aux déclarations du Premier ministre réclamant le respect de l'honneur national. Le comité estime utile de réaffirmer l'importance qu'il convient d'attacher aux principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, considérant que leur violation risque de porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 32.] A de nombreuses reprises, le comité s'est référé aux principes affirmés en 1970 par la Conférence internationale du Travail dans sa résolution sur les droit syndicaux et les libertés civiles. Particulièrement, le comité a considéré qu'il convient d'adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que les droits syndicaux puissent s'exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tous ordres. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 36.] La responsabilité de l'Etat est engagée par les faits imputables à des particuliers en raison de son obligation de diligence et d'intervention pour prévenir les violations des droits de l'homme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 19.]

136. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures fermes et adéquates pour prévenir les atteintes aux droits fondamentaux de l'homme et garantir leur respect, afin de réaliser les conditions nécessaires au libre exercice par les travailleurs de leurs droits essentiels et particulièrement de leurs droits syndicaux.

137. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations au sujet des informations supplémentaires du 17 septembre 1997 de l'organisation plaignante.

Recommandations du comité

138. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Au sujet de la création du Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC), le comité demande au syndicat de déposer ses statuts auprès de l'autorité compétente et au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'organisation soit enregistrée sans retard.

b) Au sujet des atteintes à la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les syndicats puissent promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs, notamment par la voie de la négociation collective des conditions de travail. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le SLORC puisse négocier les conditions de travail dans le secteur de la confection avec les employeurs de ce secteur.

c) Le comité signale à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à la reconnaissance du droit de grève comme moyen de promouvoir et défendre les intérêts économiques et sociaux des travailleurs.

d) Le comité demande au gouvernement d'assurer le respect du principe selon lequel les mesures privatives de liberté contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux.

e) Au sujet des licenciements de travailleurs, le comité demande au gouvernement de:

f) Au sujet des atteintes à l'intégrité et mauvais traitements subis par les travailleurs, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures fermes et adéquates pour prévenir les atteintes aux droits fondamentaux de l'homme et garantir leur respect, afin de réaliser les conditions nécessaires au libre exercice par les travailleurs de leurs droits essentiels et particulièrement de leurs droits syndicaux.

g) Notant que le gouvernement a confirmé la détention temporaire de trois syndicalistes, le comité rappelle que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, même si c'est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale.

h) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations au sujet des informations supplémentaires fournies par l'organisation plaignante dans sa communication du 17 septembre 1997.


Cas no 1900
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Canada (Ontario)
présentée par
le Congrès du travail du Canada (CTC)

Allégations: annulation par voie législative du droit
à la négociation collective, résiliation des droits d'organisation
existants et annulation de négociations collectives

139. Dans une communication en date du 23 août 1996, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Ontario).

140. Dans une communication en date du 12 septembre 1997, le gouvernement fédéral a transmis une réponse intérimaire du gouvernement de la province de l'Ontario.

141. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il n'a ratifié ni la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l'organisation plaignante

142. Dans sa communication en date du 23 août 1996, le Congrès du travail du Canada, au nom de son organisation affiliée l'Union internationale des employés des services (SEIU), allègue que la loi de 1995 modifiant des lois sur les relations de travail et de l'emploi de l'Ontario (projet de loi 7) et la loi de 1995 sur les relations de travail (annexe A au projet de loi 7) violent les normes et les principes de l'OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective. L'organisation plaignante allègue en particulier que, selon la loi 7, les travailleurs agricoles, les travailleurs domestiques et ceux de certaines professions libérales (architectes, dentistes, arpenteurs-géomètres, avocats et médecins) se voient refuser l'accès à la négociation collective et au droit de grève. En outre, il a été mis fin aux droits d'organisation existants de ces travailleurs, leurs conventions collectives en vigueur ont été annulées, et les mesures de protection contre la discrimination antisyndicale ont été supprimées. Enfin, l'organisation plaignante ajoute que la loi 7 supprime les obligations de l'employeur (obligations du successeur) acquéreur d'une entreprise et des droits corollaires à l'égard des employés de la Couronne de l'Ontario et supprime la protection des travailleurs contre l'employeur successeur dans le secteur des services de la construction.

143. L'organisation plaignante affirme que ces mesures violent les termes précis de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 11) sur le droit d'association (agriculture), 1921, la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

144. L'organisation plaignante précise que les droits des travailleurs à la négociation collective avec les employeurs de la province de l'Ontario découlent de la loi sur les relations de travail de l'Ontario ainsi que des autres lois réglementant la négociation collective pour les travailleurs de certains secteurs. La loi sur les relations de travail fixe les règles et procédures concernant la reconnaissance des syndicats en tant qu'agents négociateurs des travailleurs et la révocation de celle-ci, l'obligation des employeurs de négocier de bonne foi avec ces agents négociateurs en ce qui concerne les conditions d'emploi et diverses formes de protection, à savoir: l'interdiction pour l'employeur de s'ingérer dans les affaires des organisations syndicales; l'interdiction pour l'employeur de recourir à des actes d'intimidation et de coercition des travailleurs, y compris leur licenciement pour activités syndicales; la protection des droits à la négociation et des conventions collectives en cas de vente de l'entreprise; et d'autres protections importantes.

145. Les travailleurs non couverts par la loi sur les relations de travail ni par une autre loi réglementant la négociation collective sont exclus de la protection et du champ de la législation concernant la négociation collective et relèvent plutôt de la common law. Selon l'organisation plaignante, l'accès légal à la négociation collective vise à surmonter l'attitude hostile adoptée par certains tribunaux à l'encontre d'activités visant à organiser les syndicats et de tentatives de s'engager dans la négociation collective.

146. En vertu de la loi canadienne, sans la protection légale du droit d'organisation, de négociation collective et de grève offerte par la loi sur les relations de travail, y compris le mécanisme administratif de mise en œuvre de ces droits, les travailleurs sont exposés à des sanctions (y compris au licenciement), aux poursuites légales dirigées contre eux pour divers actes de coalition (y compris pour le délit consistant à inciter directement ou indirectement à la rupture de contrat et pour conspiration tendant à inciter directement ou indirectement à une rupture de contrat). Les employeurs n'ont plus d'obligation légale de négocier avec les employés leurs conditions d'emploi. De surcroît, la common law ne reconnaît pas la force obligatoire des conventions collectives.

147. En conséquence, se voir refuser l'accès au mécanisme légal de la négociation collective revient à se voir refuser l'accès à une négociation collective digne de ce nom. En résumé, en écartant du champ du mécanisme légal une catégorie de travailleurs, celle-ci se voit refuser l'accès au droit d'organisation et à la négociation collective, à la protection contre les représailles de l'employeur dans les cas d'activité syndicale protégée et, enfin, au droit à établir des conventions collectives ayant force exécutoire.

Travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture,
travailleurs domestiques
et travailleurs de certaines professions

148. Le 10 novembre 1995, le gouvernement de l'Ontario a promulgué la loi de 1995 modifiant des lois sur les relations de travail et l'emploi (projet de loi 7). L'article 1, alinéa 2, de la loi 7 a abrogé la loi sur les relations de travail en vigueur et l'article 1, alinéa 1, a adopté le texte législatif qui la remplace, la loi de 1995 sur les relations de travail (comprise dans l'annexe A de la loi 7).

149. Le gouvernement antérieur de l'Ontario avait élargi la définition des travailleurs protégés par la loi sur les relations professionnelles pour y inclure les spécialistes de certaines professions libérales et les travailleurs domestiques par la loi 40 amendant la loi sur les relations de travail qui était entrée en vigueur le 1er janvier 1993.

150. Avec l'adoption de la loi sur les relations de travail dans l'agriculture, 1994 (loi 91), qui était entrée en vigueur le 23 juin 1994, un accès limité aux négociations collectives avait été accordé aux travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture.

151. Selon l'organisation plaignante, les travailleurs agricoles et domestiques sont reconnus comme deux des groupes de travailleurs les plus vulnérables dans la province de l'Ontario. Durant la période écoulée entre l'adoption de la loi 40 en 1993 et de la loi 91 en 1994 et l'entrée en vigueur de la loi 7 en 1995, le droit d'organisation dans le secteur agricole de l'Ontario avait commencé dans le cadre de la loi sur les relations de travail dans l'agriculture. L'inclusion des travailleurs domestiques avait eu moins d'effets pratiques (en partie parce que la loi 40 contenait une disposition exigeant qu'une unité de négociation soit composée d'au moins deux travailleurs et n'avait adopté aucun mécanisme pour l'établissement de la négociation collective sectorielle). Les travailleurs des professions libérales tels que les avocats avaient commencé à s'organiser dans certains lieux de travail dans le cadre de la loi 40. En particulier, les avocats employés par le gouvernement de l'Ontario, par l'intermédiaire de leur agent de négociation, l'Association des juristes de la Couronne (ALOC), étaient devenus parties à une convention collective en mars 1995. Cependant, à la suite de l'adoption de la loi 7 et de la loi de 1995 sur les relations de travail par le gouvernement actuellement au pouvoir, l'accès des travailleurs agricoles, des travailleurs domestiques et des travailleurs de certaines professions libérales à la négociation collective est maintenant retiré, et les conventions collectives relatives à ces travailleurs ont été annulées.

152. L'article 3 a), b) et c) de la loi sur les relations de travail prévoit que la loi ne s'applique pas au domestique employé dans un foyer privé, à la personne qui est employée dans l'agriculture, à la chasse ou au piégeage (sauf si elle est au service d'une municipalité ou employée en sylviculture), à la personne qui est employée dans l'horticulture par un employeur dont l'entreprise principale est l'agriculture ou l'horticulture. L'article 1(3) a) prévoit que, pour l'application de la loi, nul n'est réputé employé s'il est architecte, dentiste, arpenteur-géomètre, avocat ou médecin habilité à exercer sa profession en Ontario et employé en cette qualité.

153. En outre, pour les travailleurs pour lesquels la loi de 1994 sur les relations de travail dans l'agriculture s'appliquait, l'article 80 de la loi 7 supprime aux agents négociateurs leurs droits à la négociation existants, annule toute convention collective existant pour ces travailleurs et met fin à toute procédure entamée au titre de la loi sur les relations de travail dans l'agriculture. De la même façon, l'article 7 de la loi 7 supprime légalement la reconnaissance dans les unités de négociation des organisations de travailleurs des professions libérales: architectes, dentistes, arpenteurs-géomètres, avocats ou médecins, et annule tout accord s'appliquant à ces travailleurs. L'article 7 a déjà eu pour effet: a) d'annuler les droits de négociation des avocats employés par le gouvernement de l'Ontario et de leur agent de négociation, l'ALOC, et b) d'annuler la convention collective conclue entre l'ALOC et le gouvernement de l'Ontario. Dans le cas des travailleurs domestiques, il n'existait pas encore de convention collective, de sorte qu'il n'a pas été nécessaire de mettre fin aux conventions collectives existantes comme dans le cas des travailleurs de l'agriculture et des professions libérales.

154. L'organisation plaignante déclare que l'exclusion des travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, des travailleurs domestiques et de certains membres des professions libérales du champ de la loi de 1995 sur les relations de travail, et l'annulation des droits existants à la négociation collective de ces travailleurs constitue un acte de discrimination sur la base de l'emploi de ces travailleurs et des exigences de la convention no 98. En outre, l'exclusion des travailleurs de l'agriculture empêche d'assurer à toutes les personnes engagées dans l'agriculture les mêmes droits d'association qu'aux travailleurs de l'industrie tels qu'ils découlent de la convention no 11.

155. L'organisation plaignante souligne qu'à la suite des amendements à la loi sur les relations de travail contenus dans la loi 7 les travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, les travailleurs domestiques et certains membres des professions libérales n'ont plus accès aux mécanismes et aux procédures établis par la loi pour faciliter la négociation collective. Les syndicats ne peuvent plus être accrédités comme agents négociateurs de ces travailleurs. A vrai dire, les dispositions transitoires des articles 7 et 80 de la loi 7 annulent les droits à la négociation existants des agents négociateurs en faveur de ces travailleurs. Les employeurs n'ont plus l'obligation légale de négocier avec les syndicats représentant les travailleurs en question ni, encore moins, de s'engager dans une négociation collective quelconque concernant les conditions d'emploi. L'organisation plaignante conclut que ces mesures violent les normes et principes de l'OIT concernant le droit d'organisation et la promotion du mécanisme de négociation collective.

156. Qui plus est, non seulement les travailleurs de l'agriculture, les travailleurs domestiques et les membres des professions libérales touchés sont exclus de la protection de la loi de 1995 sur les relations de travail, mais ils se voient refuser la protection contre la discrimination antisyndicale prévue par la loi. En outre, toute organisation de travailleurs constituée par des travailleurs exclus est dépourvue de protection contre les actes d'ingérence des employeurs, protection par ailleurs prévue dans la loi.

157. Les travailleurs exclus de la protection de la loi de 1995 sur les relations de travail n'ont pas le droit de grève et ne sont pas protégés contre les sanctions ou le licenciement en cas de grève. Selon l'organisation plaignante, la loi sur les relations de travail représente la seule garantie du maintien dans l'emploi des travailleurs en grève et, aux termes de la common law, les travailleurs ne sont pas protégés.

158. L'organisation plaignante déclare que le retrait du droit de grève aux travailleurs en les excluant de la protection de la loi sur les relations de travail n'est pas conforme aux principes de l'OIT régissant le droit de grève. En outre, le retrait du droit de grève n'a pas été accompagné d'un mécanisme approprié ou impartial de règlement des différends, tel que l'arbitrage.

Obligations de l'employeur successeur
envers les employés de la Couronne
et les services de construction

159. Sur un autre point, l'organisation plaignante indique que, depuis plus de trente ans, la législation de l'Ontario relative aux relations de travail prévoit le maintien des droits de négociation d'un syndicat en cas de vente d'une entreprise (obligations du successeur) ou de restructuration de l'entreprise. Selon l'article 69(2) de la loi de 1995 sur les relations de travail, si une entreprise est vendue, le syndicat qui a été reconnu comme agent négociateur ou a donné ou est en droit de donner un avis demeure, jusqu'à déclaration contraire de la Commission des relations de travail, l'agent négociateur des employés de l'acheteur. La convention collective conclue entre les employés et l'employeur d'origine conserve sa force exécutoire pour l'employeur qui succède, et l'acheteur reste dans la situation du vendeur en ce qui concerne tous droits ou obligations conférés par la convention, y compris les droits à l'ancienneté et autres droits des employés.

160. La Commission des relations de travail de l'Ontario a décrit le raisonnement de cette disposition dans les termes suivants:

161. Par ailleurs, en vertu de l'article 1(4) de la loi, la Commission des relations de travail a autorité pour considérer des employeurs liés ou associés comme un seul employeur pour l'application de la loi lorsque leurs activités sont exercées sous un contrôle ou une direction conjointe. Selon l'organisation plaignante, cette section a été adoptée pour éviter un effritement des droits à la négociation lorsque les entreprises ont une relation étroite.

162. En 1993, le précédent gouvernement de l'Ontario a adopté la loi sur la négociation collective des employés de la Couronne (LNCEC). L'article 10 de la LNCEC prévoyait que l'article 64, maintenant article 69(2) de la loi sur les relations de travail, s'appliquait aux employés de la Couronne en cas de transfert d'une entreprise, d'un employeur dont les employés étaient des employés de la Couronne et à qui la loi s'appliquait, à un autre employeur dont les employés n'étaient pas des employés de la Couronne; ou en cas de transfert d'une entreprise entre employeurs dont les employés sont des employés de la Couronne et qui relèvent de la loi. L'article 3 de la LNCEC prévoit que l'article 1(4) de la loi sur les relations de travail s'applique aux employés de la Couronne. Ces dispositions constituent d'une manière générale le maintien des dispositions relatives à la succession et aux questions connexes qui concernaient les employés de la Couronne depuis le début de l'adoption de la législation relative à la négociation collective des employés de la Couronne en Ontario en 1972.

163. L'actuel gouvernement de l'Ontario a maintenant supprimé les obligations de l'employeur acheteur pour les employés de la Couronne. Selon la loi 7, les articles 69 et 1(4) de la loi de 1995 sur les relations de travail ne s'appliquent plus aux employés de la Couronne. La loi 7 dispense la Couronne de l'application des dispositions concernant les successeurs lorsque la Couronne vend ou achète une entreprise à un autre employeur.

164. L'ancien gouvernement avait aussi modifié la loi sur les relations de travail en 1993 afin de prévoir la succession en faveur des employés du secteur des services de la construction. Les employés du secteur des services de la construction, tels que ceux affectés au nettoyage, à l'alimentation et aux services de sécurité des bâtiments, sont généralement employés par des sous-traitants qui offrent des services sur la base d'une soumission pour adjudication. Une fois que les employés d'un chantier déterminé se sont syndiqués, sans protection en cas de changement d'employeur, ils risquent de voir leur sécurité de l'emploi et leurs droits à la négociation sapés en cas de changement de fournisseur de services. Si les employés de l'entreprise d'origine sont nombreux sur le chantier, l'employeur original peut ne pas être en mesure de tous les intégrer ailleurs et peut donc les licencier. En outre, l'entreprise peut avoir à sa tête un nouvel employeur n'appartenant à aucune organisation.

165. Le gouvernement antérieur avait tenté de remédier à la situation en modifiant la loi de 1993 sur les relations de travail en y incluant un article 64(2) qui s'appliquait aux services fournis directement ou indirectement à un propriétaire ou à un gérant d'immeubles et ayant trait au nettoyage, à l'alimentation et aux services de sécurité, et qui prévoyait que la vente, avec toute la protection qui en découle pour les employés et l'agent négociateur, était considérée comme ayant eu lieu:

a) si les employés accomplissaient des services dans des locaux qui sont leur lieu de travail principal;

b) si leur employeur cessait en tout ou en partie d'assurer les services dans ces locaux; et

c) si des services largement similaires étaient en conséquence fournis dans les locaux sous la direction d'un autre employeur.

166. Le but de cet article avait été résumé par la Commission des relations de travail de l'Ontario comme suit:

167. L'actuel gouvernement de l'Ontario a maintenant supprimé la protection due au travailleur par l'employeur successeur dans le secteur des services de la construction en annulant expressément cet article à partir du 4 octobre 1995.

168. L'organisation plaignante affirme que les amendements à la LNCEC, qui suppriment l'application aux employés de la Couronne des dispositions de la loi sur les relations de travail relatives aux employeurs successeurs, auront pour effet de faire perdre complètement aux employés de la Couronne la protection conférée à la fois par les droits à la négociation collective et les droits aux conventions collectives en cas de vente, par la Couronne, de l'entreprise au secteur privé ou en cas de création d'un organisme lié à la Couronne chargé de réaliser des travaux effectués antérieurement par la Couronne. Il en est de même pour les travailleurs employés dans le secteur des services de la construction en cas de changement d'entrepreneurs.

169. L'organisation plaignante affirme que l'abrogation des dispositions relatives aux changements d'employeurs au sein d'une entreprise, afin que les travailleurs perdent la protection conférée à la fois par les droits à la négociation et les conventions collectives existantes, constitue une mesure incompatible avec les principes et les normes de la liberté syndicale et de la négociation collective.

170. En conclusion, l'organisation plaignante affirme que les mesures adoptées par le gouvernement de l'Ontario dans la loi de 1995 modifiant des lois en ce qui concerne les relations de travail et l'emploi et dans la loi de 1995 sur les relations de travail méconnaissent gravement les principes et les normes de l'OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective.

B. Réponse du gouvernement

171. Dans sa communication en date du 12 septembre 1997, le gouvernement rappelle en premier lieu que le Syndicat international des travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (SITUAC) a introduit un recours devant le tribunal de l'Ontario (division générale) afin de faire déclarer inconstitutionnelle la loi 7 au motif qu'elle viole la Charte canadienne des droits et libertés. Ce recours devrait être examiné les 21 et 23 octobre 1997. Le gouvernement estime que la portée et l'application du concept de liberté syndicale sont au cœur à la fois de la remise en question de la constitutionnalité sur le plan national et de la plainte déposée auprès de l'OIT. En outre, la question de l'égalité des droits soulève celle de savoir si un régime légal de relations professionnelles peut établir une distinction entre des groupes professionnels. De plus, le gouvernement est d'avis qu'étant donné que la plainte porte sur des droits accordés par la Constitution canadienne il convient qu'un tribunal ait la possibilité d'examiner les questions soulevées d'abord dans le cadre juridique national. Enfin, le gouvernement indique qu'il est possible que les preuves présentées durant la procédure judiciaire et les délibérations du tribunal fournissent des informations qui pourraient se révéler utiles au comité. Pour les raisons susmentionnées, le gouvernement souhaite que le comité reporte une nouvelle fois l'examen de la présente plainte jusqu'à ce que la Cour de l'Ontario se prononce sur ce cas. Il fournit toutefois les informations suivantes sous forme d'une réponse intérimaire en attendant les résultats de l'examen du cas constitutionnel soulevé par le SITUAC.

172. Le gouvernement indique ensuite qu'au vu de ce qui précède il n'a pas l'intention d'exposer sa position en détail, mais donne un aperçu des principes à l'origine des changements intervenus dans la loi 7. En ce qui concerne l'abrogation de la loi de 1994 sur les relations de travail dans l'agriculture, le gouvernement indique que l'agriculture en Ontario est largement dominée par des exploitations familiales. Ce secteur est donc caractérisé par des marges bénéficiaires extrêmement faibles et des relations de travail non structurées, hautement personnalisées qui rendent un régime légal de relations de travail (et le mécanisme de résolution des conflits ayant trait à la négociation collective en particulier) inapproprié. Les autres aspects de la loi 7 ayant fait l'objet de critiques sont le retour à certaines exclusions du champ d'application de la législation concernant les relations professionnelles sur la base de la profession et la suppression de l'application des dispositions relatives à la vente d'une entreprise dans laquelle intervient la Couronne et certaines transactions dans l'industrie de la construction. Sur le premier point, le gouvernement estime que la législation du travail conçue à l'origine pour les entreprises industrielles n'est pas toujours adaptée aux lieux de travail ne relevant pas de l'industrie, tels que les domiciles privés et les bureaux des professions libérales, où les tâches et les obligations professionnelles peuvent ne pas être compatibles avec les conditions d'emploi de nature formalisée, et tout du moins avec la nature antagoniste des relations qui caractérisent un milieu syndicalisé.

173. Le gouvernement confirme son attachement à la liberté de négociation collective. La loi 7 est conçue pour assurer un juste équilibre des pouvoirs entre les syndicats et les employeurs et pour favoriser les droits démocratiques des employés d'être représentés par un syndicat de leur choix. Cependant, le gouvernement indique que ce qui peut être acceptable, ou même ce qui peut être considéré comme une conséquence bénéfique de la syndicalisation dans un contexte industriel, peut se révéler contraire à l'intérêt public dans d'autres circonstances.

174. En ce qui concerne l'application des dispositions de la loi de 1995 sur les relations de travail de l'Ontario relatives à la vente d'une entreprise, le gouvernement fait remarquer que l'exclusion des employés de la Couronne (qui résulte du fait que la loi de 1993 sur la négociation collective des employés de la Couronne n'incorpore pas ces dispositions) ne leur retire en aucune manière le droit de se syndiquer et de créer une relation de négociation collective avec le nouvel employeur à la suite d'une vente. En outre, le gouvernement a prévu certaines obligations visant à protéger les droits des anciens employés de la Couronne en cas de vente. En ce qui concerne les transactions relatives à l'industrie des services de construction, qui étaient brièvement abordées par l'ancienne législation sur les relations de travail, ces transactions n'avaient pas historiquement été considérées comme constituant la vente d'une entreprise en premier lieu. Par ailleurs, de la même manière que pour les employés de la Couronne, rien n'empêche les anciens employés d'un entrepreneur de services de construction de se syndiquer et d'instaurer des droits à la négociation collective avec le nouvel entrepreneur. Ces employés ne sont pas exclus du droit de négocier collectivement.

175. Le gouvernement conclut en espérant que ces informations aideront le comité à formuler des conclusions intérimaires dans l'attente d'un nouvel examen, une fois que le recours en inconstitutionnalité de la loi déposé par le SITUAC sera rendu.

C. Conclusions du comité

176. Le comité note que le présent cas porte sur l'exclusion de travailleurs de l'agriculture, d'employés domestiques et de certains membres de professions libérales (architectes, dentistes, arpenteurs-géomètres, avocats et médecins) de la négociation collective et du droit de grève par l'intermédiaire de l'adoption de la loi de 1995 modifiant des lois en ce qui concerne les relations de travail et d'emploi de l'Ontario (la loi 7) et de la loi de 1995 sur les relations de travail de l'Ontario. L'organisation plaignante allègue en outre qu'avec l'adoption de la loi 7 les droits d'organisation existants de ces travailleurs ont été supprimés, les conventions collectives en vigueur ont été annulées et les mesures légales de protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur ont été abrogées. Enfin, l'organisation plaignante allègue que la loi 7 supprime les obligations de l'employeur acquéreur d'une entreprise (obligations du successeur) pour les employés de la Couronne de l'Ontario et élimine les obligations de l'employeur successeur pour les travailleurs des services de la construction.

177. Premièrement, en ce qui concerne l'indication du gouvernement selon laquelle l'examen du présent cas devrait être reporté dans l'attente du résultat du recours en inconstitutionnalité présenté par le Syndicat international des travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (SITUAC) devant la Cour de l'Ontario, le comité rappelle que, si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, annexe I, paragr. 33.] En outre, tout en étant sensible aux arguments du gouvernement, le comité estime, au contraire, qu'en examinant le cas (fondé sur une plainte d'août 1996) sur la base des principes internationaux de la liberté syndicale établis de longue date il peut faciliter un examen au plan national de la question à la lumière de ces principes.

Travailleurs de l'agriculture, employés domestiques
et membres de certaines professions libérales

178. Premièrement, le comité note que la loi de 1995 sur les relations de travail (LRT) ne s'applique pas aux travailleurs domestiques, aux personnes employées dans l'agriculture, la chasse ou le piégeage et aux personnes employées dans l'horticulture par un employeur dont l'entreprise principale est l'agriculture ou l'horticulture (art. 3 a), b) et c)). Les architectes, les dentistes, les arpenteurs-géomètres, les avocats et les médecins sont également exclus de la définition d'un «employé» aux fins de la LRT à l'article 1(3) a). Avant les amendements de 1995 apportés à la LRT par la loi 7, les travailleurs domestiques et les membres de professions libérales étaient protégés par la loi, et les travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture étaient protégés par la LRT grâce à une référence à cette protection dans la loi de 1994 sur les relations de travail dans l'agriculture. Cette dernière a été abrogée par l'article 80 de la loi 7.

179. Le comité note que la LRT fixe les règles et procédures concernant la reconnaissance ou la non-reconnaissance des syndicats en tant qu'agents négociateurs pour les travailleurs, l'obligation pour les employeurs de négocier de bonne foi et diverses protections dont les suivantes: l'interdiction pour les employeurs de s'ingérer dans les activités syndicales et de prendre des mesures de discrimination antisyndicale, y compris le licenciement; le maintien des droits de négociation et de la validité des conventions collectives dans le cas de la vente d'une entreprise. En outre, les employés qui ne sont pas protégés par la LRT ou par une autre loi sont exclus de la protection et de la portée de la législation sur la négociation collective. Ils sont au contraire protégés par la common law qui, selon l'organisation plaignante, est défavorable pour les activités syndicales et la négociation collective et n'a pas reconnu la nature contraignante ou exécutoire des conventions collectives.

180. Au-delà de l'exclusion de la catégorie de travailleurs susmentionnée des diverses formes de protection accordées par la LRT, le comité note aussi que les articles 7 et 80 de la loi 7 mettent fin aux droits de négociation des agents négociateurs existants et annulent les conventions collectives en vigueur pour ces groupes. Selon l'organisation plaignante, les travailleurs du secteur agricole et certains membres des professions libérales avaient commencé à s'organiser, et certaines conventions collectives étaient entrées en vigueur durant la courte période s'étendant entre l'octroi des droits à la liberté syndicale et à la négociation collective à ces travailleurs et le retrait de ces droits par la loi 7.

181. Le comité note que le gouvernement, pour sa part, estime qu'un régime légal de relations de travail et des mécanismes de résolution des différends collectifs ne sont pas appropriés aux travaux agricoles et aux lieux de travail non industriels en raison des faibles marges bénéficiaires et des relations de travail non structurées et hautement personnalisées, dans un cas, et des obligations professionnelles, dans l'autre, qui peuvent ne pas être compatibles avec les conditions d'emploi formalisées et la nature quelque peu antagoniste des relations caractéristiques d'un milieu syndicalisé.

182. Le comité rappelle en premier lieu que l'article 2 de la convention no 87 (ratifiée par le Canada) consacre le principe de la non-discrimination en matière syndicale, et la formule «sans distinction d'aucune sorte» contenue dans cet article signifie que la liberté syndicale est reconnue sans discrimination d'aucune sorte tenant à la profession, etc. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 205.] En outre, en vertu des principes de la liberté syndicale, tous les travailleurs -- à la seule exception des membres des forces armées et de la police -- devraient avoir le droit de constituer des organisations de leur choix ainsi que celui de s'affilier à ces organisations. En ce qui concerne les travailleurs domestiques, le comité rappelle la position de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, selon laquelle, étant donné que ces travailleurs ne sont pas exclus de l'application de la convention no 87, ils doivent donc tous bénéficier des garanties offertes par la convention et avoir le droit de constituer des organisations professionnelles et de s'y affilier. [Voir Etude d'ensemble, liberté syndicale et négociation collective, 1994, paragr. 59.]

183. En outre, notant que l'exclusion des travailleurs de l'agriculture et des travailleurs domestiques et de certains membres de professions libérales signifie aussi que ces travailleurs ne sont pas protégés par les dispositions de la LRT accordant et protégeant le droit de grève, le comité rappelle qu'il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 474.] Le droit de grève peut cependant être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne). [Voir Recueil, op. cit., paragr. 526.] Le comité a toujours été d'avis que les activités agricoles ne constituent pas des services essentiels. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545.] En ce qui concerne la nature des «garanties appropriées» en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 547.]

184. Au vu des principes susmentionnés, le comité, se référant aussi aux commentaires adressés au gouvernement par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, les travailleurs domestiques, les architectes, les dentistes, les arpenteurs-géomètres, les avocats et les médecins bénéficient tous de la protection nécessaire, soit par l'intermédiaire de la LRT, soit par le moyen de règlements professionnels spécifiques pour pouvoir constituer des organisations de leur choix et s'y affilier. Il demande aussi au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le droit de grève ne soit pas refusé aux travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, aux travailleurs domestiques, aux architectes, aux arpenteurs-géomètres et aux avocats, et d'assurer des garanties compensatoires adéquates au cas où ce droit serait limité dans la profession médicale.

185. En ce qui concerne l'exclusion de ces travailleurs du mécanisme de la négociation collective établi par la LRT, le comité note l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle les employeurs concernés ne sont plus dans aucune obligation légale de négocier avec les syndicats représentant les travailleurs concernés ni de s'engager dans une négociation quelconque concernant les conditions d'emploi. Par ailleurs, l'organisation plaignante allègue que ces travailleurs n'ont pas droit à la protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur accordée par la LRT.

186. Sans négliger l'importance qu'il accorde à la nature volontaire de la négociation collective, le comité rappelle que des mesures devraient être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ces moyens les conditions d'emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 781.] En outre, les travaux préliminaires à l'adoption de la convention no 87 indiquent clairement que «l'un des buts principaux de la garantie de la liberté syndicale est de permettre aux employeurs et aux salariés de s'unir en organisations indépendantes des pouvoirs publics, capables de régler, par voie de conventions collectives librement conclues, les salaires et autres conditions d'emploi». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 799.] En ce qui concerne la protection contre la discrimination antisyndicale, le comité note que l'article 81(1) de la loi 7 protège les travailleurs de l'agriculture contre la discrimination dans l'emploi uniquement si cette personne était membre d'un syndicat ou qu'elle avait exercé ou tenté d'exercer des droits prévus par la loi de 1994 sur les relations de travail dans l'agriculture qui a été par la suite abrogée par la loi de 1995. Il apparaît donc que toute activité syndicale menée par des travailleurs de l'agriculture après l'entrée en vigueur de la loi 7 ne serait plus protégée légalement pas plus que ne le seraient de telles activités menées par d'autres groupes de travailleurs non couverts par la disposition protectrice de la LRT. Le comité rappelle à cet égard la nécessité de garantir, par des dispositions précises accompagnées de garanties en matière civile et de sanctions suffisamment dissuasives, la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale émanant de l'employeur.

187. Le comité estime donc que l'absence d'un mécanisme légal de promotion de la négociation collective et l'absence de mesures précises de protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur dans les activités syndicales constituent un obstacle à l'un des principaux objectifs visés en garantissant la liberté syndicale, à savoir la constitution d'organisations indépendantes capables de conclure des conventions collectives. Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, les travailleurs domestiques, les architectes, les dentistes, les arpenteurs-géomètres, les avocats et les médecins aient accès à un mécanisme et à des procédures qui facilitent la négociation collective et de faire en sorte que ces travailleurs jouissent effectivement d'une protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur.

188. Notant en outre l'allégation de l'organisation plaignante, selon laquelle les organisations qui avaient déjà été créées et reconnues en tant qu'agents négociateurs dans le secteur de l'agriculture et parmi les membres des professions libérales (à la suite des amendements qui ont étendu l'application de la LRT à ces travailleurs) ont été privées de leur certificat et les conventions collectives annulées en vertu des articles 7(2) et 80(3) de la loi 7, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que leur reconnaissance soit garantie et de tenir le comité informé de l'évolution en la matière.

189. Enfin, notant que les conventions collectives relatives aux travailleurs de l'agriculture et aux membres de professions libérales qui étaient entrées en vigueur en vertu de la LRT d'avant 1995 ont été annulées en application des articles 7(3) et 80(2) de la loi 7, le comité rappelle que la suspension ou la dérogation -- par voie de décret, sans l'accord des parties -- de conventions collectives librement conclues est contraire aux principes de la libre négociation collective volontaire. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 876.] Le comité demande donc au gouvernement de rétablir la validité des conventions collectives en question et de le tenir informé de l'évolution de la situation en la matière.

Employés de la Couronne et services de construction

190. Le comité note que les articles 15 et 23 de la loi 7 abrogent les dispositions de la loi sur la négociation collective des employés de la Couronne (LNCEC) qui incorporaient certaines dispositions de la LRT en ce qui concerne les obligations de l'employeur acquéreur d'une entreprise (obligations du successeur). De la même façon, l'application des dispositions concernant les obligations du successeur aux services de construction est abrogée par la loi 7. Le comité prend dûment note de l'indication du gouvernement selon laquelle l'absence de dispositions applicables concernant les obligations du successeur n'enlève en rien le droit des employés de se syndiquer et de constituer une relation de négociation collective avec le nouvel employeur à la suite d'une vente, et que le gouvernement s'est engagé à protéger les droits des anciens employés de la Couronne en cas de vente.

191. En ce qui concerne les employés de la Couronne, tout en prenant note de l'indication du gouvernement selon laquelle ces employés, malgré l'absence de dispositions applicables à l'acquéreur d'une entreprise, continuent à jouir du droit syndical et de négociation collective avec le nouvel employeur après la vente de l'entreprise ou un changement d'entrepreneur, le comité remarque que de tels changements, en l'absence de garanties de protection suffisantes, peuvent occasionner une grave instabilité dans les relations de travail et constituer un danger pour l'exercice effectif du droit syndical. Le comité se félicite donc de l'indication du gouvernement selon laquelle il s'est engagé à protéger les droits des anciens employés de la Couronne en cas de vente.

192. Pour ce qui est des travailleurs de la construction et de la suppression des dispositions applicables en matière d'obligation du successeur, le comité prend note de l'indication du gouvernement selon laquelle les travailleurs des services de la construction conservent leurs droits d'organisation et de négociation collective. Cependant, le comité considère qu'en l'absence de mesures protectrices suffisantes, un nouvel entrepreneur pourrait prendre des mesures qui pourraient mettre en péril le droit d'organisation ainsi que les droits de négociation collective. Le comité prie donc le gouvernement de prendre des mesures pour assurer la protection adéquate de ces droits dans les services de la construction et de le tenir informé à cet égard.

193. Enfin, le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.

Recommandations du comité

194. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) En ce qui concerne le déni du droit syndical aux travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, aux travailleurs domestiques, aux architectes, aux dentistes, aux arpenteurs-géomètres, aux avocats et aux médecins, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces travailleurs bénéficient tous de la protection nécessaire soit par l'intermédiaire de la LRT, soit par l'intermédiaire de règlements professionnels spécifiques pour pouvoir constituer des organisations de leur choix et de s'y affilier.

b) En ce qui concerne le déni du droit de grève, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ce droit ne soit pas refusé aux travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, aux travailleurs domestiques, aux architectes, aux arpenteurs-géomètres et aux avocats, et d'assurer des garanties compensatoires adéquates au cas où ce droit serait limité dans la profession médicale.

c) En ce qui concerne le refus d'un mécanisme de négociation collective et l'absence de dispositions de protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur pour les travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, les travailleurs domestiques, les architectes, les dentistes, les arpenteurs-géomètres, les avocats et les médecins, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir l'accès de ces travailleurs au mécanisme et aux procédures facilitant la négociation collective et de s'assurer que ces travailleurs jouissent effectivement d'une protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur.

d) En ce qui concerne la suppression de la reconnaissance des organisations des travailleurs de l'agriculture et de certaines professions spécifiées, en vertu des articles 7(2) et 80(3) de la loi 7, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces organisations retrouvent leur reconnaissance et de tenir le comité informé de l'évolution de la situation en la matière.

e) En ce qui concerne l'annulation législative des conventions collectives, le comité demande au gouvernement de rétablir la validité des conventions collectives concernant les travailleurs de l'agriculture et les membres de professions libérales, qui étaient entrées en vigueur en vertu de la LRT avant 1995 et qui ont été par la suite annulées en application des articles 7(3) et 80(2) de la de loi 7 et de le tenir informé de l'évolution de la situation en la matière.

f) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue d'assurer la protection adéquate du droit d'organisation et des droits de négociation collective dans les services de la construction et de le tenir informé à cet égard.

g) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.


Cas no 1917
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement des Comores
présentée par
l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA)

Allégations: arrestation de responsables syndicaux

195. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) datée du 7 février 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 15 mai 1997.

196. Les Comores ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

197. Dans sa communication du 7 février 1997, l'OUSA dénonce des atteintes aux libertés syndicales et au libre exercice du droit syndical. Elle fait état, en particulier, de l'incarcération arbitraire de deux responsables de l'Union des syndicats autonomes des travailleurs des Comores (USATC), MM. Ibouroi Ali Tabibou et Ahmed Abdou Halidi. Selon l'organisation plaignante, ces deux responsables syndicaux ont été détenus pour avoir dirigé une réunion syndicale à l'intérieur d'un bâtiment privé. Par ailleurs, la réunion syndicale a été interrompue par la force.

198. L'organisation plaignante estime que l'interruption par la force d'une réunion syndicale et l'incarcération de dirigeants syndicaux dans le cadre de leurs fonctions constituent une violation flagrante des conventions nos 87 et 98.

B. Réponse du gouvernement

199. Le gouvernement, dans sa communication du 15 mai 1997, indique que la sécurité de l'Etat comorien était menacée au moment où les organisations syndicales, après des négociations infructueuses avec le gouvernement, ont déclenché un mouvement de grève.

200. MM. Ibouroi Ali Tabibou et Ahmed Abdou Halidi ont été interpellés. Ils ont été entendus pour la menace qui pesait contre la sécurité de l'Etat et pour la teneur des tracts lancés par l'union intersyndicale. Certaines personnes et ces responsables eux-mêmes ont aussitôt affirmé que les dirigeants syndicaux avaient été arrêtés et incarcérés pour avoir dirigé une réunion syndicale et ils ont lancé, au nom de leurs organisations respectives, un mot d'ordre de grève.

201. Ces deux responsables syndicaux ont donc fait l'objet d'une interpellation et non d'une incarcération: ils ont été entendus par la gendarmerie, et aucune charge n'ayant été retenue contre eux ils ont été rapidement relâchés.

C. Conclusions du comité

202. Le comité observe que les allégations portent sur l'arrestation de deux responsables de l'Union des syndicats autonomes des travailleurs des Comores, MM. Ibouroi Ali Tabibou et Ahmed Abdou Halidi, et sur l'interruption, par la force, de la réunion qu'ils dirigeaient.

203. Le comité relève que tant la plainte que la réponse du gouvernement sont formulées en termes généraux, ne précisent ni la date ni le lieu d'arrestation des dirigeants syndicaux en cause, ni la durée de l'interpellation dont ils ont fait l'objet ou le moment où ils ont été relâchés. Le comité regrette cet état de fait car, pour pouvoir examiner valablement une plainte portant sur la violation de droits syndicaux, il doit pouvoir disposer des éléments de fait précis normalement nécessaires dans une procédure.

204. Le comité note cependant l'indication du gouvernement selon laquelle les événements objets de la plainte se sont produits à la suite de négociations infructueuses et que la sécurité de l'Etat était menacée. Le comité note également l'affirmation du gouvernement selon laquelle les responsables en question n'ont pas été incarcérés, mais interpellés et entendus -- notamment sur la teneur de tracts lancés par l'union intersyndicale. Toujours d'après les indications du gouvernement, les responsables syndicaux ont été rapidement relâchés, aucune charge n'ayant été retenue contre eux.

205. Le comité doit rappeler à cet égard que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 77.] En outre, de l'avis du comité, l'interruption par la force de réunions syndicales constitue une sérieuse violation des principes de la liberté syndicale. Enfin, l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n'est ultérieurement retenue comporte des restrictions à la liberté syndicale, et les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que des instructions appropriées soient données pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles arrestations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 80.]

Recommandation du comité

206. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité, considérant que l'arrestation ou l'interpellation, même pour de brèves périodes, de responsables syndicaux pour des motifs liés à des activités syndicales et l'interruption par la force de réunions syndicales constituent des obstacles à l'exercice des droits syndicaux, demande au gouvernement de s'abstenir de telles actions à l'avenir et de prendre des dispositions pour que des instructions appropriées soient données pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles arrestations, interpellations et l'interruption de réunions syndicales.


Cas no 1923
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de la Croatie
présentée par
le Syndicat des cheminots de Croatie (RTUC)

Allégations: violation du droit de grève;
discrimination fondée sur les activités syndicales

207. Le Syndicat des cheminots de Croatie (RTUC), alléguant des violations des droits syndicaux, a présenté une plainte contre le gouvernement de la Croatie dans une communication en date du 7 février 1997. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) a exprimé son soutien à la plainte dans une communication en date du 11 mars 1997. D'autres informations ont été reçues du RTUC dans une communication en date du 2 avril 1997. En réponse à ces allégations, le gouvernement a fait parvenir des observations et des informations dans une communication en date du 12 mai 1997.

208. La Croatie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

209. Dans sa communication du 7 février 1997, le RTUC allègue que les décisions des tribunaux déclarant illégale une grève lancée par le RTUC violent le droit des organisations de travailleurs d'organiser leur activité en pleine liberté. L'organisation allègue en outre que les pouvoirs publics sont intervenus illégalement dans la grève. Enfin, le RTUC déclare que la loi sur les chemins de fer de Croatie de 1994 viole les principes de liberté syndicale en restreignant le droit de grève des cheminots.

210. L'organisation plaignante déclare qu'elle participait à une négociation collective avec les Chemins de fer de Croatie, entreprise publique, avec sept autres syndicats, le RTUC représentant la plus forte proportion de cheminots. Les négociations ayant échoué, le RTUC a alors lancé un préavis de grève de dix jours, comme prévu par la loi. En application de la loi sur les chemins de fer de Croatie, le ministre des Affaires maritimes, des Transports et des Communications («le ministre») a établi une liste de trains devant continuer à circuler pendant la grève pour maintenir un service minimum. Cette liste portait sur 20 pour cent des trains. Avant le début de la grève, l'organisation plaignante affirme qu'elle n'a pas été consultée sur les trains à inscrire sur la liste et n'a pas reçu officiellement cette liste; elle a établi sa propre liste comprenant 21 pour cent des trains, qu'elle a fait parvenir au ministre en même temps que le préavis de grève et qu'elle a mise en application pendant les premiers jours de la grève (du 28 novembre au 1er décembre 1996). Une fois informée de la décision du ministre, l'organisation plaignante a respecté cette liste jusqu'au 3 décembre, date à laquelle le RTUC a fait cesser tout trafic ferroviaire. L'organisation plaignante déclare que cette mesure a été prise pour répondre à la pression illégale et aux menaces exercées sur les travailleurs en grève. La direction a demandé à chaque travailleur de confirmer dans une déclaration sa participation à la grève, et le vice-président de la Croatie a publiquement déclaré: «Il n'y a absolument rien à négocier car nous avons déjà satisfait à toutes vos demandes. Vous pouvez faire grève jusqu'à Pâques -- mais à vos dépens ...». Autre motif de la grève, la direction des Chemins de fer de Croatie avait contrevenu à la décision du ministre en mettant en exploitation des trains ne figurant pas sur la liste, au risque de mettre ainsi en danger la vie des passagers et des travailleurs.

211. Le RTUC a repris tout le trafic voyageurs le 4 décembre 1996 et le trafic marchandises minimal le 8 décembre. A la suite de l'arrêt de travail du 3 décembre, les Chemins de fer de Croatie ont engagé une procédure devant la Cour de première instance, déclarant que la grève était illégale et demandant qu'une autre action de grève soit interdite. Un exemplaire de la décision de la Cour du 9 décembre 1996 a été annexé à la communication du 7 février. La Cour a considéré que la grève avait été organisée et menée de manière illégale; l'organisation plaignante a été mise en demeure de mettre un terme à la grève et condamnée aux dépens. Selon la Cour, l'organisation plaignante avait reçu la décision du ministre dans laquelle figurait la liste des trains devant rester opérationnels et des voies à surveiller durant la grève, et la manière dont elle l'avait traitée était condamnable. Aux termes de la loi, les Chemins de fer de Croatie assurent un service public d'intérêt vital pour l'Etat; la Cour a donc noté qu'un certain nombre de conditions préalables devaient être réunies pour que la grève soit légale. De l'avis de la Cour, toutes les conditions préalables étaient réunies, sauf l'exigence que la décision du ministre définissant le service minimum à assurer pendant la grève soit observée. Faute de respecter cette condition préalable, la grève a été rendue illégale dans sa totalité.

212. L'organisation plaignante a fait appel de la décision de la Cour de première instance. Dans sa décision du 17 décembre 1996, dont copie est annexée à la communication de l'organisation plaignante, la Cour d'appel a confirmé la décision de l'instance précédente, estimant que l'organisation plaignante était tenue d'observer la décision du ministre pendant toute la durée de la grève. La Cour a estimé que la décision d'interrompre l'ensemble des services de chemins de fer était contraire à la loi «même en cas de comportement indiscipliné de la part du requérant, car une conduite illégale ne justifie personne de protéger illégalement ses droits et intérêts». L'organisation plaignante affirme que des pressions politiques ont été exercées auprès du tribunal en vue d'interdire la grève pour servir d'avertissement à quiconque souhaiterait organiser des grèves ou des manifestations.

213. Se fondant sur la décision du tribunal déclarant la grève illégale, l'organisation plaignante déclare que les Chemins de fer de Croatie ont licencié sommairement 24 travailleurs ayant participé à l'organisation de la grève, dont quatre dirigeants syndicaux. Les Chemins de fer de Croatie ont également poursuivi le RTUC en lui demandant des indemnités compensatoires. En ce qui concerne les travailleurs licenciés, dans le cadre d'un accord conclu entre le RTUC et les Chemins de fer de Croatie pour régler une deuxième grève en janvier 1997, la direction a accepté de retirer les 24 préavis de licenciement.

214. L'organisation plaignante appelle aussi l'attention sur les dispositions spécifiques de la loi sur les chemins de fer de Croatie qui déclare que «En vue de protéger les intérêts vitaux de l'Etat, d'autres personnalités juridiques ou citoyens d'une certaine catégorie et, dans le cas d'une grève dans l'entreprise des chemins de fer, il appartient au ministère de déterminer quels sont les trains qui doivent rouler et les voies de chemins de fer qui doivent être entretenues pour assurer les services essentiels du trafic ferroviaire. Les travailleurs remplissant des fonctions et des tâches liées au trafic ferroviaire définies comme essentielles, en application de la décision figurant au paragraphe 1 du présent article, ont l'obligation d'exécuter les ordres donnés par la direction durant une grève». Le RTUC estime qu'en accordant à un ministre le droit sans limite de déterminer quels sont les services essentiels devant rester opérationnels pendant une grève la loi est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le RTUC note qu'en réponse au préavis de grève présenté au sujet d'une autre grève prévue pour le 28 décembre 1996, le ministre a redéfini les services minima à assurer, portant sur 70 à 80 pour cent du service ferroviaire régulier.

215. Dans sa communication en date du 2 avril 1997, le RTUC a appelé l'attention du comité sur le fait qu'il avait porté plainte devant la Cour constitutionnelle en faisant valoir que les dispositions susmentionnées de la loi sur les chemins de fer de Croatie violent le droit de grève garanti constitutionnellement.

B. Réponse du gouvernement

216. En réponse aux allégations, le gouvernement, dans sa communication en date du 12 mai 1997, fait remarquer que le droit de grève est garanti par la Constitution et affirme que la loi est conforme à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le gouvernement fait ressortir que, selon la loi, la question de la légalité d'une grève est transmise au tribunal compétent et seul un tribunal est habilité à déterminer les faits et à interdire une grève, si elle est jugée illégale. Dans le cas en question, les faits ont été dûment examinés à la fois par la Cour de première instance et la Cour d'appel. Le gouvernement affirme que, étant donné le principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire, le pouvoir judiciaire est autonome et indépendant, et qu'il serait déplacé que le pouvoir exécutif explique ou contrôle les décisions des tribunaux.

217. Le gouvernement a refusé d'entrer en matière sur le fond du litige concernant les questions qui ont déjà été déterminées par la Cour. En réponse à la plainte selon laquelle 24 travailleurs ont été licenciés en raison de leur participation à l'organisation de la grève, le gouvernement déclare qu'à sa connaissance aucun travailleur n'a été licencié pour cette raison. A cet égard, le gouvernement appelle également l'attention du comité sur l'article 182 de la loi sur le travail qui prévoit que les dirigeants syndicaux ne pourront être licenciés sans le consentement préalable de l'organisation syndicale.

218. Le gouvernement fait remarquer qu'il n'existe pas de loi générale réglementant les grèves dans le secteur public. Des lois spéciales précisent quels sont les services à maintenir et qui doit déterminer les travaux à poursuivre pendant la grève. La loi sur les chemins de fer de Croatie précise que la fonction de base des Chemins de fer de Croatie est d'assurer un transport ferroviaire continu et sans obstacle des personnes et des biens. Selon cette loi, le ministre est habilité à régir les droits du pays sur la base de la propriété de ses biens en vue de protéger les intérêts vitaux de l'Etat et des autres entités juridiques ou des citoyens. Sur cette base, le ministre est habilité à déterminer quels sont les trains qui devront continuer à circuler et quelles sont les sections ferroviaires qui doivent être entretenues durant une grève afin de garantir le fonctionnement minimal du trafic ferroviaire. Etant donné que l'entreprise appartient au gouvernement et que le ministre a de ce fait le droit de la gérer, le gouvernement soutient que les déclarations du ministre concernant les chemins de fer sont faites au titre d'une personne représentant le propriétaire et non pas en tant que membre de l'exécutif du gouvernement.

C. Conclusions du comité

219. Le comité note que les allégations de violation de la liberté syndicale dans le présent cas découlent d'une grève lancée par le RTUC qui a été déclarée illégale par les tribunaux au motif que les services minima définis par le ministre en vertu de la loi sur les chemins de fer de Croatie n'avaient pas été assurés pendant toute la durée de la grève. Suite à la déclaration d'illégalité de la grève, l'organisation plaignante allègue qu'un certain nombre des personnes impliquées dans l'organisation de la grève ont été licenciées.

220. Le RTUC allègue que la loi sur les chemins de fer de Croatie de 1994 habilite le ministre à déterminer unilatéralement quels sont les trains qui doivent fonctionner et quelles sont les voies qui doivent être entretenues durant une grève «pour garantir les services essentiels du trafic ferroviaire» et viole donc les principes de la liberté syndicale. Selon l'organisation plaignante, dans un cas, les services minima désignés incluent 20 pour cent des trains tandis que, dans un autre cas similaire, 70 à 80 pour cent des trains sont impliqués. Il ne semble pas que la décision du ministre puisse faire l'objet d'un recours.

221. S'agissant du droit de grève, le comité rappelle qu'il s'agit d'un des moyens essentiels par lequel les travailleurs et leurs organisations peuvent promouvoir et défendre leurs intérêts économiques. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 474.] Le droit de grève peut être restreint ou interdit dans les services essentiels, mais ces services essentiels doivent être strictement définis pour préciser qu'il s'agit des services dont l'interruption mettrait en danger en totalité ou en partie la vie, la sécurité ou la santé de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 542.] Dans des cas antérieurs, le comité n'a pas considéré les transports en général et les services ferroviaires en particulier comme des services essentiels. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545; 273e rapport, cas no 1521, paragr. 39 (Turquie); 297e rapport, cas no 1788, paragr. 358 (Roumanie).] Le comité a reconnu néanmoins que, compte tenu de la situation particulière des transports ferroviaires dans un pays, une grève totale et prolongée pourrait provoquer une situation de crise nationale aiguë compromettant le bien-être de la population, ce qui peut justifier dans certaines conditions une intervention du gouvernement qui établirait, par exemple, un service minimum. [Voir 265e rapport, cas no 1438, paragr. 401 (Canada).]

222. Le comité rappelle, en ce qui concerne la définition des services minima, qu'ils doivent se limiter aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population. En outre, il est important que les organisations de travailleurs puissent participer à sa définition comme les employeurs et les autorités publiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 557-558.] Dans le cas présent, le ministre semble avoir un droit sans limite concernant la définition du service minimum à maintenir en cas de grève; du fait de cette situation, 20 pour cent peuvent être déclarés comme un niveau minimal dans un cas et 80 pour cent dans un cas semblable, montrant ainsi que la détermination n'est pas limitée aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence. De même, le RTUC, le syndicat représentant la plus grande proportion de cheminots, n'a pas été consulté sur la définition des services minima. Le comité rappelle que la participation des organisations syndicales et d'employeurs intéressées permet non seulement un échange de vues réfléchi sur ce que doivent être, en situation réelle, les services minima strictement nécessaires, mais contribue aussi à garantir que les services minima ne soient pas étendus au point de rendre la grève inopérante en raison de son peu d'impact et à éviter de donner aux organisations syndicales l'impression que l'échec de la grève tient à ce que le service minimum a été prévu d'une manière trop large et fixé unilatéralement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 560.] Le comité estime aussi qu'en cas de désaccord quant à la détermination des services minima la législation devrait prévoir que le règlement de pareille divergence devrait être fait par un organe indépendant et non pas par le ministère ou l'entreprise publique concernés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 561.] Le comité demande au gouvernement de modifier la législation en conséquence. Le comité appelle aussi l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.

223. Le comité note avec préoccupation que 24 travailleurs impliqués dans l'organisation de la grève ont été licenciés. Cependant, le comité note que les travailleurs en question ont été réintégrés. Dans ces conditions, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandations du comité

224. Au vu de ses conclusions, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande au gouvernement d'amender la loi de 1994 sur les chemins de fer de Croatie afin de garantir que les services minima à maintenir durant une grève soient limités aux opérations strictement nécessaires pour ne pas compromettre la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population et de faire en sorte que les organisations de travailleurs participent à sa définition, tout comme les employeurs et les autorités publiques. En cas de désaccord sur les services minima à maintenir, la législation devrait prévoir le règlement par un organe indépendant. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation dans ce domaine.

b) Le comité attire l'attention de la commission d'experts sur les aspects législatifs de ce cas.


Cas no 1805
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement de Cuba
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: refus de reconnaissance de la personnalité juridique
d'une organisation syndicale, détention de syndicalistes

225. Le comité a examiné ce cas à ses réunions de novembre 1995 et novembre 1996 et a présenté à ces deux occasions un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 300e rapport du comité, paragr. 399 à 427, approuvé par le Conseil d'administration à sa 264e session (novembre 1995), et 305e rapport du comité, paragr. 206 à 228, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996).]

226. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé de nouvelles allégations dans une communication datée du 4 avril 1997. Le gouvernement de Cuba a envoyé de nouvelles observations dans une communication datée du 15 septembre 1997.

227. Cuba a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

228. Lors de son dernier examen du cas [voir 305e rapport, paragr. 206 à 228], l'allégation relative à la non-reconnaissance de la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba (CTDC) est restée en instance, et le comité a formulé les conclusions et recommandations suivantes à ce sujet [voir 305e rapport, paragr. 226 et 228 b)]:

Recommandations du comité

B. Nouvelles allégations de la CISL

229. Dans sa communication du 4 avril 1997, la Confédération internationale des syndicats libres fait état des faits suivants, qui lui ont été communiqués par la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba (CTDC):

-- début janvier 1997, des membres du comité exécutif national de la CTDC ont remis personnellement, dans les bureaux du Département des associations du ministère de la Justice de Cuba, le document officiel dans lequel l'organisation sollicite (pour la sixième année consécutive, d'après ses informations) la reconnaissance de sa personnalité juridique en tant qu'organisation syndicale indépendante;

-- le 19 février 1997, la CTDC a lancé un appel «à toutes les organisations, syndicats, comités, instituts, unions et autres entités de quelque dénomination que ce soit qui mènent une action syndicale, afin qu'ils rejoignent le Parlement ouvrier indépendant en vue d'assurer la défense de tous les travailleurs cubains». Cet appel a été suivi d'une vague de répression lancée par le gouvernement, plusieurs syndicalistes ayant été arrêtés ou détenus. Concrètement, le 21 février 1997, M. José Orlando González Budon, président du comité exécutif national de la CTDC, a été arrêté. Il a été détenu de 8 à 18 heures sans qu'aucune accusation ne soit portée contre lui. Le 22 février 1997, il a été de nouveau arrêté, puis libéré le 25 février 1997. Le 23 février 1997, Gustavo Toirac González, secrétaire général, et Rafael García Suárez, secrétaire d'organisation, tous deux membres du comité exécutif de la CTDC, ont également été détenus. Ils ont été libérés le 25 février 1997.

C. Réponse du gouvernement

230. Dans sa communication du 15 septembre 1997, le gouvernement déclare que, le 2 janvier 1997, une demande de reconnaissance de la personnalité juridique en tant qu'organisation syndicale indépendante a été présentée au ministère de la Justice par une prétendue Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba qui affirme, d'après cet écrit, représenter ses affiliés devant les administrations pertinentes et au sein même de la Centrale des travailleurs de Cuba. Selon le rapport du ministère de la Justice, il a été constaté dans le document présenté ce qui suit: les qualités des personnes faisant partie du comité de gestion ne sont pas indiquées; le nombre de membres que comprendra l'association n'est pas indiqué; l'organe, organisme ou service étatique avec lequel l'organisation maintiendrait des relations n'est pas indiqué, comme le prescrit la législation en vigueur en la matière; les statuts régissant la vie interne de l'organisation ne sont pas joints; les timbres fiscaux prescrits par la législation ne sont pas apposés.

231. Le gouvernement ajoute que, sans se prononcer sur la légitimité des objectifs de la demande, le ministère de la Justice indique que, indépendamment du fait que la requête ne répond pas aux conditions stipulées par la loi no 54 du 27 décembre 1985 -- la loi sur les associations --, ce texte ne permet pas la création de syndicats.

232. Le gouvernement indique que la requête en date du 2 janvier 1997 il est déclaré que la demande est présentée pour la sixième année consécutive; cependant, au Département des associations du ministère de la Justice n'ont été enregistrées que deux demandes antérieures concernant une organisation dont la dénomination est identique ou similaire: l'une émanait de la Confédération des travailleurs de Cuba, datée du 31 mai 1993, et l'autre de la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba, datée du 27 août 1995. Les auteurs de ces deux demandes ne sont pas les mêmes que les signataires de la requête analysée en janvier 1997. Pour toutes ces raisons, le ministère de la Justice a rejeté cette demande, ce qu'il a fait savoir aux intéressés, et l'a classée.

233. En ce qui concerne la lettre de la CISL datée du 4 avril 1997, le gouvernement déclare qu'il est totalement faux, comme cela est affirmé dans la lettre, qu'il y ait eu une «vague de répression lancée par le gouvernement».Les recherches ont permis d'établir que José Orlando González Budon, Gustavo Toirac et Rafael García Suárez sont en liberté et jouissent de tous leurs droits civiques. Ces personnes ne sont pas des dirigeants syndicaux et ne représentent aucun collectif de travailleurs.

234. Il convient également de rappeler au Comité de la liberté syndicale que le droit des travailleurs de constituer des organisations syndicales indépendantes est reconnu tant dans la législation que dans la pratique. Le Code du travail dispose, à l'article 13, que «tous les travailleurs, qu'ils soient manuels ou intellectuels, ont le droit, sans avoir à en demander préalablement l'autorisation, de s'associer volontairement et de constituer des organisations syndicales». Les travailleurs ont le droit de se réunir, de discuter et d'exprimer librement leur opinion sur toutes les questions ou affaires qui les touchent; les organisations syndicales sont dirigées et agissent conformément aux principes, statuts et règlements qui sont discutés et approuvés démocratiquement par leurs membres. Toutes ces garanties sont fixées par le Code du travail et exercées dans la pratique par les dix-neuf syndicats nationaux de branche qui existent dans le pays, qui se sont volontairement affiliés à la Centrale des travailleurs de Cuba, cette volonté ayant été exprimée dans leurs congrès respectifs, car ce n'est pas la loi qui l'exige. L'exercice sans restrictions de la liberté syndicale est une pratique quotidienne dans chaque centre de travail lorsque les travailleurs et leurs représentants élus participent systématiquement à toutes les instances dans le processus de prise de décisions qui les intéresse.

235. Le gouvernement déclare que dans aucun centre de travail du pays il n'existe d'organisation syndicale dénommée Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba, que les personnes mentionnées par la CISL dans sa lettre du 4 avril 1997 ne sont pas des dirigeants syndicaux et n'ont été élues comme tels dans aucun des centres de travail existants, et qu'elles ne représentent aucun collectif de travailleurs. Pour ces raisons, le gouvernement demande au Comité de la liberté syndicale de clore définitivement ce cas.

D. Conclusions du comité

236. Le comité observe que les questions soulevées par l'organisation plaignante qui demeurent en instance ont trait à la non-reconnaissance de la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba (CTDC) et à la détention temporaire de trois dirigeants de cette organisation.

237. Pour ce qui est de la non-reconnaissance de la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba (CTDC), le comité prend note de ce que, d'après le gouvernement, la demande de reconnaissance présentée par la présumée CTDC au Département des associations du ministère de la Justice ne répond pas aux conditions prescrites par la loi sur les associations et de ce que, notamment, les noms des membres du comité de gestion ne sont pas indiqués, non plus que le nombre des membres de l'association et le service étatique avec lequel elle maintiendrait des relations, les statuts ne sont pas joints et les timbres fiscaux prévus par la législation ne sont pas apposés. Le comité observe néanmoins que le gouvernement déclare que la loi sur les associations ne s'applique pas aux syndicats et que le droit de constituer des organisations syndicales indépendantes est reconnu tant dans la législation que dans la pratique et qu'en vertu de l'article 13 du Code du travail tous les travailleurs ont le droit de s'associer librement et de constituer des organisations syndicales sans autorisation préalable.

238. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d'assurer que la CTDC fonctionne librement et de veiller à ce que les autorités s'abstiennent de toute intervention tendant à restreindre les droits fondamentaux de cette organisation qui sont reconnus dans la convention no 87 ainsi que l'exercice des droits de l'homme liés à l'exercice des droits syndicaux, y compris la garantie de ne pas être soumis à des mesures privatives de liberté pour des motifs liés à des activités légitimes.

239. A cet égard, le comité se réfère à la deuxième question en instance, à savoir la détention pendant plusieurs jours de trois dirigeants de la CTDC en février 1997 (José Orlando González Budon, Gustavo Toirac González et Rafael García Suárez) pour avoir appelé les organisations syndicales à faire partie du Parlement ouvrier indépendant. Le comité observe que le gouvernement n'a pas démenti expressément qu'ils aient été détenus ni les motifs de cette leur détention et qu'il se borne à déclarer que ces personnes sont en liberté et à nier qu'il s'agisse de dirigeants syndicaux. Dans ces conditions, étant donné que l'organisation plaignante a précisé les fonctions syndicales qu'assument les intéressés à la CTDC, le comité, comme il l'a déjà fait lors de son examen antérieur du cas [voir 305e rapport, paragr. 224] appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel «les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 77.] Le comité déplore par conséquent les détentions en question et demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir que les autorités ne répètent pas ce type de mesures privatives de liberté pour des motifs liés à des activités syndicales légitimes.

Recommandations du comité

240. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande au gouvernement d'assurer que la Confédération des travailleurs démocratiques de Cuba (CTDC) fonctionne librement et de veiller à ce que les autorités s'abstiennent de toute intervention tendant à restreindre les droits fondamentaux de cette organisation qui sont reconnus dans la convention no 87. Il lui demande aussi de garantir l'exercice des droits de l'homme liés à l'exercice des droits syndicaux, y compris l'assurance de ne pas être soumis à des mesures privatives de liberté pour des motifs liés à des activités légitimes.

b) Déplorant la détention pendant plusieurs jours de trois dirigeants de la CTDC en février 1997 (José Orlando González Budon, Gustavo Toirac González et Rafael García Suárez) pour avoir appelé les organisations syndicales à faire partie du Parlement ouvrier indépendant, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel «les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux». Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour garantir que les autorités ne répètent pas ce type de mesures privatives de liberté pour des motifs liés à des activités syndicales légitimes.


Cas no 1911
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement de l'Equateur
présentée par
la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)

Allégations: licenciements de dirigeants syndicaux -- campagne
de diffamation à l'encontre de dirigeants syndicaux
et du mouvement syndical -- occupation par la force
de locaux syndicaux

241. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans deux communications de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) datées des 20 novembre et 12 décembre 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 9 septembre 1997.

242. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

243. Dans sa communication du 20 novembre 1996, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) indique que le président du conseil d'administration de PETROECUADOR a persécuté les organisations syndicales et leurs dirigeants dans les entreprises du groupe PETROECUADOR; il a licencié et fait licencier plusieurs travailleurs, violant ainsi la garantie de stabilité prévue par les contrats collectifs applicables aux filiales de PETROECUADOR. Les allégations de l'organisation plaignante portent notamment sur les faits suivants:

244. De même, l'organisation plaignante ajoute que le conseil d'administration de PETROECUADOR a porté atteinte à la liberté syndicale par la décision no 270-CAD, du 8 octobre 1996, qui prévoit ce qui suit:

Conformément à cette décision du conseil d'administration de PETROECUADOR, le commissaire général aux comptes de PETROECUADOR a demandé aux dirigeants de chacun des comités d'entreprise existant au sein du groupe PETROECUADOR de l'informer sur des montants versés par l'entreprise, en application des dispositions du contrat collectif; du numéro du compte courant et de l'établissement bancaire choisi pour la gestion de ces fonds; du programme des dépenses spécifiques devant être financées avec ces fonds; et de préciser si ces fonds sont comptabilisés et administrés séparément des versements effectués par les travailleurs en tant que membres de l'organisation syndicale.

245. Dans sa communication du 12 décembre 1996, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) affirme qu'un dirigeant syndical de haut rang de l'entreprise PETROECUADOR a été licencié. Le 3 décembre 1996, le président exécutif de PETROECUADOR et représentant légal de ladite entreprise est allé trouver l'inspecteur provincial du travail de Pichincha pour lui demander de destituer immédiatement M. Iván Narváez Quiñónez, président de la FETRAPEC (Fédération nationale des travailleurs de l'entreprise d'Etat Petróleos del Ecuador) et dirigeant du CETAPE (Comité d'entreprise unique des travailleurs de PETROECUADOR). Après avoir reçu notification de cette décision, le dirigeant syndical s'est présenté dans le délai imparti par l'inspection du travail de Pichincha pour introduire un recours contre cette décision qu'il considère comme totalement injustifiée et illégale. En raison de certaines déclarations dans lesquelles le ministre de l'Energie et des Mines parle en des termes très négatifs et irrespectueux de ce dirigeant syndical, la CLAT affirme que ce licenciement -- tout comme les licenciements antérieurs -- a aussi un caractère antisyndical et porte en outre atteinte à la protection syndicale.

246. L'organisation plaignante ajoute que, sur ordre du ministre de l'Energie et des Mines, l'entreprise PETROECUADOR et plus particulièrement les locaux syndicaux ont été peu avant occupés par des militaires, en violation des lois nationales. Dans ce contexte, la CLAT craint sérieusement pour la vie et l'intégrité physique des dirigeants syndicaux de cette entreprise. Etant donné les faits exposés ci-dessus, les dirigeants syndicaux de l'entreprise PETROECUADOR ne peuvent pas exercer librement leurs activités pour défendre les droits de leurs travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

247. Dans sa communication du 9 septembre 1997, le gouvernement déclare ce qui suit au sujet des allégations présentées:

248. Enfin, le gouvernement fait valoir que les allégations présentées sont limitées au mandat du gouvernement de l'ex-président Abdalá Bucaram; et que le gouvernement actuellement au pouvoir, en vertu de la décision du Congrès national du 5 février 1997, a promulgué le décret-loi no 92 publié dans le Registre officiel no 13, supplément du 28 février 1997, qui a mis fin à tous les actes illégaux commis à l'encontre des travailleurs par le gouvernement antérieur. De même, le gouvernement affirme qu'actuellement les relations travailleurs-employeurs ont lieu dans un climat de cordialité et de respect mutuel, conformément aux normes légales et contractuelles en vigueur.

C. Conclusions du comité

249. Le comité constate que les allégations se réfèrent au licenciement de dirigeants syndicaux de l'entreprise PETROECUADOR, à une campagne de diffamation dirigée contre les dirigeants syndicaux du Comité d'entreprise unique des travailleurs de PETROECUADOR (CETAPE) et aux déclarations du ministre de l'Energie et des Mines proférées contre le mouvement syndical du secteur pétrolier, à l'ingérence de la direction de l'entreprise PETROECUADOR dans l'administration financière des organisations syndicales de ladite entreprise et à l'occupation par un personnel militaire des locaux syndicaux de l'entreprise PETROECUADOR. Le comité prend note du fait que ces mesures ont été prises durant le mandat du président antérieur -- destitué par le Congrès national le 5 février 1997 -- et observe avec intérêt que le nouveau gouvernement a remédié à la majorité des mesures préjudiciables qui avaient été prises et que les autres questions ont été soumises aux autorités judiciaires.

250. En ce qui concerne l'allégation relative aux licenciements de dirigeants syndicaux (MM. Marcelo Román, Germánico Avila Acosta, Iván Narváez Quiñónez et Mme Olga Chamba) au sein de l'entreprise PETROECUADOR, le comité prend note avec intérêt que le gouvernement indique que les dirigeants syndicaux en question ont été réintégrés dans leur poste de travail (le gouvernement joint à sa réponse une copie des décisions administratives ordonnant la réintégration des dirigeants syndicaux).

251. Quant à l'allégation relative à la campagne de diffamation contre des dirigeants syndicaux et les membres des organisations syndicales de l'entreprise PETROECUADOR (l'organisation plaignante a joint à sa plainte des tracts qui auraient été distribués et dont le contenu insultant comporte des dessins de caractère pornographique), le comité note que le gouvernement signale que les personnes offensées ont porté plainte contre ces faits devant les autorités judiciaires.

252. Au sujet de l'allégation relative aux déclarations publiques du ministre de l'Energie et des Mines dans lesquelles il a fait part de son désir d'«éliminer les syndicats du secteur pétrolier», le comité note que le gouvernement confirme que l'ex-ministre en question a proféré des injures, insultes et menaces à l'encontre des travailleurs de l'entreprise PETROECUADOR et de ses syndicats dans le cadre d'une politique de l'Etat tendant à réprimer les droits des travailleurs, mais que cette situation a pris fin une fois que le Congrès eut démis le Président du gouvernement antérieur de ses fonctions le 5 février 1997.

253. Quant à l'allégation relative à l'ingérence des autorités de l'entreprise PETROECUADOR dans l'administration financière des organisations syndicales en vertu de la décision du conseil d'administration de PETROECUADOR no 270-CAD-96 datée du 8 octobre 1996 (le texte de ladite décision a été joint dans les allégations de l'organisation plaignante; ladite décision demande notamment que les services du contrôleur général de l'Etat procèdent à un examen spécial des recettes et dépenses des organisations syndicales), le comité note que le gouvernement signale qu'une des organisations syndicales de PETROECUADOR (CETAPE) a introduit un recours contre ladite décision auprès du tribunal constitutionnel, qui est l'instance qui doit décider du bien-fondé de la décision, et qu'en attendant que cette instance se prononce la décision en question est suspendue.

254. A cet égard, le comité rappelle que «le contrôle exercé par les autorités publiques sur les finances syndicales ne devrait pas aller au-delà de l'obligation de soumettre des rapports périodiques. Si les autorités sont entièrement libres de mener des inspections et de demander des renseignements à n'importe quel moment, il existe un risque d'intervention dans la gestion des syndicats.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 443.] Le comité rappelle également que, «en ce qui concerne certaines mesures de contrôle administratif de la gestion, telles que les expertises comptables et les enquêtes, il a estimé que ces dispositions ne devraient être appliquées que dans des cas exceptionnels, lorsque des circonstances graves le justifient (par exemple en cas d'irrégularités présumées apparues dans les rapports financiers annuels ou à la suite de plaintes émanant de membres), et cela afin d'éviter toute discrimination entre les organisations et de parer au danger d'une intervention des autorités qui risquerait d'entraver l'exercice du droit qu'ont les syndicats d'organiser librement leur gestion, de porter préjudice aux syndicats par une publicité qui pourrait se révéler injustifiée et de divulguer des informations qui pourraient avoir un caractère confidentiel». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 444.]

255. Par ailleurs, le comité ne peut que constater que la décision contestée a été prise dans le cadre d'une série d'actes de discrimination à l'encontre des organisations syndicales de l'entreprise PETROECUADOR (licenciements de dirigeants syndicaux, campagne de diffamation, etc.). Dans ces circonstances, le comité exprime le ferme espoir que le tribunal constitutionnel se prononcera dans un proche avenir et que la décision judiciaire tiendra pleinement compte des exigences de la convention no 87, qui a été ratifiée par l'Equateur.

256. Enfin, en ce qui concerne l'occupation des locaux syndicaux de l'entreprise PETROECUADOR, le comité prend note du fait que le gouvernement confirme la violation et l'occupation par des forces de sécurité privée des locaux syndicaux et signale que les nouvelles autorités de l'entreprise ont ordonné que les organisations syndicales puissent entrer dans les locaux une fois que le ministre de l'Energie et des Mines du gouvernement précédent eut été démis de ses fonctions.

Recommandations du comité

257. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Au sujet des allégations présentées, le comité prend note du fait que ces allégations ont trait à des mesures qui ont été prises durant le mandat du président antérieur -- destitué par le Congrès national le 5 février 1997 -- et constate avec intérêt que le nouveau gouvernement a remédié à la majorité des mesures préjudiciables qui avaient été prises, et que les autres questions ont été soumises aux autorités judiciaires.

b) Quant à la décision no 270-CAD-96, du 8 octobre 1996, prise par le conseil d'administration de PETROECUADOR et ordonnant que les services du contrôleur général de l'Etat procèdent à un examen spécial des recettes et dépenses des organisations syndicales de ladite entreprise, le comité exprime le ferme espoir que le tribunal constitutionnel se prononcera dans un proche avenir et que la décision judiciaire tiendra pleinement compte des exigences de la convention no 87, qui a été ratifiée par l'Equateur.


Cas no 1915
Rapport définitif

Plaintes contre le gouvernement de l'Equateur
présentées par
-- la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE) et
-- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)

Allégations: ingérence des autorités administratives
dans un processus d'élections syndicales

258. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications de la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE) datée du 15 janvier 1997 et de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) datée du 18 août 1997, respectivement. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 9 septembre 1997.

259. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

260. Dans sa communication du 15 janvier 1997, la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE) déclare que le Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL, s'est constitué conformément aux dispositions du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article 39 de la loi no 133 portant réforme du Code du travail. Le CONAUTEL est ainsi devenu une organisation qui représente les travailleurs de EMETEL dans le cadre des négociations et de la conclusion de contrats collectives de travail. De même, son existence légale a été reconnue, et il a été habilité à exercer ces fonctions dans d'autres organismes publics en vertu d'autres lois, telles que la loi spéciale sur les télécommunications, la loi amendant la loi spéciale sur les télécommunications et la loi sur la caisse nationale d'indemnisation des travailleurs mis à pied de EMETEL. Afin de respecter les dispositions du premier sous-alinéa de l'alinéa 1) de l'article 49 de la Constitution politique de l'Equateur qui dispose que: «Le secteur des travailleurs sera représenté par une seule organisation pour toutes les questions liées aux relations de travail dans les entités du secteur public», le CONAUTEL a soumis, pour approbation, ses statuts au ministère du Travail et des Ressources humaines; cette approbation a été accordée par la décision no 210, enregistrée par la direction générale du travail le 8 août 1996, et le CONAUTEL est devenu ainsi l'unique organisation représentant les travailleurs dans le secteur public.

261. L'organisation plaignante allègue que, en violation de la liberté syndicale et de la libre jouissance de cette liberté, qui est garantie par la Constitution et les lois de l'Equateur, les autorités du ministère du Travail ont pris la décision du 26 septembre 1996, qui déclare que «le Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL, conformément aux dispositions de l'article 449 du Code du travail, doit procéder à l'élection du comité exécutif avec la participation de tous les travailleurs de EMETEL, et à cette fin le comité exécutif provisoire constitué immédiatement doit convoquer les élections en question ...». Bien que les autorités administratives n'eussent pas la faculté de s'ingérer dans les affaires de l'organisation syndicale du CONAUTEL, ce dernier a convoqué des élections, étant donné que la décision ministérielle autorisait ladite organisation syndicale à convoquer les élections, sous la supervision de la direction générale du travail, durant tout le processus électoral du comité exécutif, et conformément aux dispositions des articles 5 et 6 des statuts de cette organisation syndicale. Le ministère du Travail a été informé de tout cela par la communication no 239-96 CONAUTEL du 3 octobre 1996. En réponse à cette communication (no 239-96 CONAUTEL), les autorités du sous-secrétariat au travail, violant une fois de plus la liberté syndicale, ont déclaré: «Je me permets de vous rappeler que toute convocation d'élections doit être faite conjointement avec le directeur général du travail, et que la façon dont vous avez procédé ne répond pas aux termes de la décision ministérielle du 26 septembre 1996, et n'a par conséquent pas de validité.» Par la suite, le directeur général du travail a édicté un instrument illégal et arbitraire pour les élections du comité exécutif du CONAUTEL, à l'insu de cet organisme, et l'organisation a été obligée de signer une convention pour les élections du comité exécutif du CONAUTEL et de se conformer à un tribunal électoral constitué de manière illégale et avec des personnes étrangères au CONAUTEL, ainsi qu'à des modalités électorales qui concédaient le droit de vote à des personnes étrangères à l'organisation.

262. L'organisation plaignante ajoute que le CONAUTEL a contesté la légalité de l'ensemble de ce processus, y compris l'élection même du comité exécutif, qu'il considère comme nulle; il s'est opposé à ces faits à plusieurs reprises, mais ses réclamations insistantes n'ont pas retenu l'attention des autorités du ministère du Travail, bien qu'il ait clairement démontré que les normes constitutionnelles et légales avaient été violées.

263. Dans sa communication du 18 août 1997, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) allègue, que par son arrêt no 016-2-97, le Tribunal constitutionnel de la République de l'Equateur a décidé de suspendre les résultats des élections organisées par le Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL, organisation affiliée à la CEDOC/CLAT, et d'accepter un recours interjeté par Mme Greta Hoyos, personne qui était en tête d'une autre liste de travailleurs durant les élections syndicales, mais qui n'est pas parvenue à réunir la majorité des voix (la CTE soutient le comité exécutif présidé par Mme Hoyos). La décision du Tribunal constitutionnel avait reçu au préalable l'appui total du bureau du procureur général. Les élections ont été remportées par M. Agapito Moreira, actuel président du CONAUTEL, aux côtés d'un comité exécutif comprenant divers travailleurs de l'entreprise EMETEL. Néanmoins, l'arrêt du Tribunal constitutionnel ne reconnaît pas le résultat de ces élections libres et démocratiques.

264. La CLAT ajoute que, pour démontrer la situation d'indéniable violation de la liberté syndicale, il suffit d'exposer les considérations suivantes: 1) M. Agapito Moreira, actuel président du CONAUTEL, et les autres membres du comité exécutif de cette organisation de travailleurs ont commencé à assumer leurs fonctions après la tenue d'élections libres et démocratiques qui ont été supervisées par le ministère du Travail et des Ressources humaines. Ce processus électoral a eu lieu avec la participation de Mme Greta Hoyos, qui était en tête de la liste perdante. Ces élections ont eu lieu conformément aux normes légales en vigueur dans le pays et en conformité totale avec les principes énoncés par la convention no 87 de l'OIT; 2) M. Agapito Moreira et le comité exécutif du CONAUTEL ont accepté d'assumer leurs fonctions lors d'une cérémonie solennelle à laquelle ont pris part le ministre du Travail et des Ressources humaines, d'autres autorités nationales et des dirigeants suprêmes de la Centrale équatorienne des organisations professionnelles (CEDOC/CLAT); 3) l'entreprise même et le CONAUTEL ont reconnu, sans contestation aucune, le nouveau comité exécutif du CONAUTEL; et 4) Mme Greta Hoyos est intervenue à plusieurs reprises dans divers milieux ayant une influence politique pour que le nouveau comité exécutif du CONAUTEL ne soit pas reconnu, et même le pouvoir judiciaire n'a pas accepté ses prétentions. Il est toutefois très inquiétant de recevoir des informations qui démontrent que le Tribunal constitutionnel et le procureur général sont impliqués dans des questions qui sont du ressort exclusif des travailleurs, telles que l'élection de leurs propres dirigeants, ce qui rend lesdites instances directement responsables d'un acte d'ingérence flagrante dans les affaires intérieures d'un syndicat.

265. La CLAT déclare que par l'arrêt no 016-2-97, le Tribunal constitutionnel adjuge officiellement la charge de présidente et représentante légale du CONAUTEL à Mme Greta Hoyos, refusant ainsi de reconnaître le résultat d'élections libres et démocratiques organisées par le CONAUTEL le 11 décembre 1996. En fait, le premier point de l'arrêt précité du tribunal déclare accepter le recours interjeté par Mme Greta Hoyos, présidente et représentante légale du Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL, auprès du Tribunal constitutionnel. Enfin, l'organisation plaignante indique que les autorités nationales se sont ingérées dans la vie interne d'une organisation syndicale, en refusant de reconnaître les résultats d'élections libres et démocratiques organisées par les travailleurs de l'entreprise EMETEL et en nommant une personne devant représenter les travailleurs de ladite entreprise.

B. Réponse du gouvernement

266. Dans sa communication du 9 septembre 1997, le gouvernement déclare ce qui suit au sujet de la plainte présentée par la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE):

1) tant la décision du 26 septembre 1996, convoquant des élections pour la constitution du comité exécutif, que «les instructions pour l'élection du comité exécutif du Comité central unique national des travailleurs d'EMETEL SA, CONAUTEL», datées du 29 octobre 1996, méritaient d'être sanctionnées par la justice, et leur application a été suspendue par le Tribunal constitutionnel, qui est l'organe suprême de contrôle constitutionnel, en vertu de la loi sur le contrôle constitutionnel, dont l'objet principal est d'assurer l'efficacité des normes constitutionnelles;

2) le Tribunal constitutionnel, par son arrêt no 016-2-97, pris le 12 juin 1997, et publié au Journal officiel no 93, du 24 juin 1997, a accepté le recours introduit par Mme Greta Hoyos Jaramillo et a en conséquence suspendu les décisions administratives mentionnées au paragraphe précédent;

3) l'arrêt no 016-2-97 du Tribunal constitutionnel, en vertu d'une disposition expresse de la Constitution de la République de l'Equateur, n'a pas d'effet rétroactif et est applicable pour l'avenir à partir de la date de sa publication au Journal officiel; par conséquent, les actes administratifs suspendus ont perdu tout effet à partir de ladite publication; ces actes administratifs ne pourront être ni invoqués ni appliqués à l'avenir, et encore moins avoir une incidence sur les situations fermes créées en vertu desdits actes administratifs, avant qu'ils fussent révoqués (art. 26 de la loi de contrôle constitutionnel et art. 176 de la Constitution politique de la République de l'Equateur);

4) le ministère du Travail et des Ressources humaines de l'Equateur, en raison de la situation dans laquelle il se trouvait, n'a pas pu s'occuper de la demande présentée par les auteurs de la plainte car des décisions judiciaires en attente faisaient l'objet de controverses; depuis, la situation a été clarifiée par la voie constitutionnelle; en outre, conformément aux normes contenues dans la convention no 87 de l'OIT, ce ministère n'a pas le droit d'intervenir dans les affaires syndicales.

5) le ministère du Travail de la République de l'Equateur, par la décision ministérielle no 320, datée du 14 août 1997, a ordonné au directeur général du Travail de veiller au respect de l'arrêt no 016-2-97, du Tribunal constitutionnel, publié au Journal officiel no 93, du 24 juin de 1997, ordre qui a été intégralement exécuté par ladite autorité;

6) en date du 19 août 1997, en réponse à la demande présentée par CONAUTEL, à la suite de la réunion de l'assemblée nationale du CONAUTEL le 14 août 1997, la sous-direction du travail du Littoral a procédé à l'enregistrement (attribution que lui reconnaît le Code du travail) du comité exécutif du CONAUTEL, présidé par Mme Greta Hoyos Jaramillo, inscrite au registre 09, folio 155, no 701.

267. Au sujet de la plainte présentée par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), le gouvernement déclare que:

1) le 11 décembre 1996, le CONAUTEL, sur la base de la décision prise le 26 septembre 1996 par la ministre du Travail et «des instructions pour les élections du comité exécutif du Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL», datées du 29 octobre 1996, a élu son comité exécutif présidé par M. Agapito Moreira, comité exécutif qui a été inscrit aux registres du ministère du Travail et des Ressources humaines de l'Equateur, au Département des organisations du travail, le 8 janvier 1997, au registre 03, folio 01, sous le numéro 03;

2) les actes administratifs de caractère permanent de la décision prise par la ministre du Travail le 26 septembre 1996 et les «instructions pour les élections du comité exécutif du Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL», datées du 29 octobre 1996, ont été annulés par l'arrêt no 016-2-97 du Tribunal constitutionnel daté du 12 juin 1997 et publié au Journal officiel no 93, du 24 juin 1997;

3) l'arrêt n16-1-97, pris par le Tribunal constitutionnel, en vertu d'une disposition expresse de la Constitution de la République de l'Equateur, n'a pas d'effet rétroactif et s'applique pour l'avenir à partir de la date de sa publication au Journal officiel et, par conséquent, les actes administratifs suspendus ont perdu tout effet et pouvoir légal à partir de ladite publication, ils ne pourront pas être invoqués ou appliqués à l'avenir, et encore moins avoir une incidence sur les situations juridiques de caractère permanent créées en vertu desdits actes administratifs avant qu'ils fussent révoqués (art. 26 de la loi de contrôle constitutionnel et art. 176 de la Constitution politique de la République de l'Equateur);

4) le ministère du Travail de la République de l'Equateur, par la décision ministérielle no 320, datée du 14 août 1997, a ordonné au directeur général du travail de faire appliquer les dispositions de l'arrêt no 016-2-97 du Tribunal constitutionnel, publié au Journal officiel no 93, du 24 juin 1997, ordre qui à l'heure actuelle a été intégralement exécuté par l'autorité citée;

5) en date du 19 août 1997, en réponse à la demande présentée par CONAUTEL, à la suite de la réunion de l'assemblée nationale du CONAUTEL le 14 août 1997, la sous-direction du travail du Littoral a procédé à l'enregistrement (attribution qui lui est reconnue par le Code du travail) du comité exécutif du CONAUTEL, présidé par Mme Greta Hoyos Jaramillo, inscrite au registre 09, folio 155, numéro 701;

6) une procédure est en cours à la suite de la plainte déposée par M. Agapito Moreira qui s'oppose à l'enregistrement du comité exécutif présidé par Mme Greta Hoyos; ladite plainte a été soumise à l'autorité compétente, à savoir le sous-directeur du travail du Littoral, conformément aux dispositions des normes pertinentes du «Statut du régime juridique administratif de la fonction exécutive», promulgué par le décret-loi no 1634 et publié au Journal officiel no 411, du 31 mars 1994, deuxième supplément. La procédure en cours dépend de la décision que prendra l'autorité susmentionnée. Quand le sous-directeur du travail du Littoral aura donné son avis, un recours judiciaire pourra être interjeté si une des parties se considère lésée.

C. Conclusions du comité

268. Le comité observe que les allégations dans le présent cas s'inscrivent dans un contexte de conflit entre deux secteurs syndicaux au sujet du processus d'élections d'un comité exécutif d'un syndicat. En effet, la CTE (qui soutient le comité exécutif présidé par Mme Greta Hoyos) allègue qu'il y a eu ingérence de l'autorité administrative puisque cette dernière a ordonné, par une décision ministérielle, la convocation d'élections pour la constitution du comité exécutif du Comité central unique national des travailleurs de EMETEL -- acte qui a été contesté avec succès devant le Tribunal constitutionnel --, tandis que la CLAT (qui soutient le comité exécutif présidé par M. Agapito Moreira) critique la décision du Tribunal constitutionnel en la matière.

269. Pour ce qui est de l'allégation présentée par la CTE au sujet de l'ingérence de l'autorité administrative qui a convoqué, par la décision ministérielle du 26 septembre 1996, des élections pour la constitution du comité exécutif du Comité central unique national des travailleurs de EMETEL SA, CONAUTEL, le comité prend note du fait que le gouvernement déclare que: i) l'application de la décision ministérielle de convoquer des élections a été suspendue par un arrêt du Tribunal constitutionnel du 12 juin 1997, le recours interjeté par Mme Greta Hoyos (qui était en tête d'une des listes pour la constitution du comité exécutif du CONAUTEL) ayant été accepté; ii) le ministère du Travail a ordonné au directeur général du travail d'appliquer l'arrêt du Tribunal constitutionnel; iii) le 19 août 1997, à la demande du CONAUTEL, l'autorité administrative a procédé à l'enregistrement du comité exécutif présidé par Mme Greta Hoyos.

270. Quant à la critique de la CLAT relative à l'arrêt du Tribunal constitutionnel ordonnant la non-application de la décision ministérielle du 26 septembre 1996, qui convoquait des élections pour la constitution du comité exécutif du CONAUTEL, le comité observe que dans sa réponse le gouvernement indique que la liste pour la constitution du comité exécutif du CONAUTEL à la tête de laquelle se trouvait M. Agapito Moreira a remporté les élections convoquées par la décision ministérielle; après l'arrêt du Tribunal constitutionnel déclarant que la décision ministérielle n'est pas applicable et l'enregistrement par la suite du comité exécutif dirigé par Mme Greta Hoyos, M. Agapito Moreira a interjeté recours devant l'autorité administrative; le gouvernement ajoute que, lorsque ladite autorité administrative se sera prononcée, si l'une des parties se considère lésée elle pourra recourir devant l'autorité judiciaire.

271. Dans ce contexte, le comité souhaite rappeler qu'«il ne lui appartient pas de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. Dans de tels cas de conflits internes, le comité a également signalé que l'intervention de la justice permettrait de clarifier la situation du point de vue légal et de normaliser la gestion et la représentation de l'organisation en cause. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 965.] Etant donné que dans un premier temps il y a eu ingérence du ministère du Travail dans le processus des élections, mais qu'il a été remédié par la suite à cette ingérence par voie judiciaire, le comité souligne que «le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants devrait s'exercer conformément aux statuts des diverses associations professionnelles et ne devrait pas être subordonné à la convocation d'élections par une décision ministérielle». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 393.] Dans ces conditions, le comité exprime l'espoir qu'à l'avenir les autorités administratives s'abstiendront de s'ingérer indûment dans l'exercice du droit des organisations des travailleurs de l'entreprise EMETEL d'élire librement leurs représentants, droit qui est garanti par la convention no 87.

Recommandation du comité

272. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité exprime l'espoir qu'à l'avenir les autorités administratives s'abstiendront de s'ingérer indûment dans l'exercice du droit des organisations des travailleurs de l'entreprise EMETEL d'élire librement leurs représentants, droit qui est garanti par la convention no 87.


Cas no 1919
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement de l'Espagne
présentée par
-- La Fédération des services publics de l'Union générale
des travailleurs (FSP-UGT)
-- La Fédération nationale des travailleurs
de l'enseignement (FET-UGT) et
-- Les Fédérations de la fonction publique de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.)

Allégations: non-exécution d'une disposition d'un accord collectif
dans le secteur public

273. La plainte dans le présent cas figure dans une communication datée du 31 janvier 1997 de la Fédération des services publics de l'Union générale des travailleurs (FSP-UGT), de la Fédération nationale des travailleurs de l'enseignement (FET-UGT) et des Fédérations de la fonction publique de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.).

274. Le gouvernement a répondu par une communication du 5 juin 1997.

275. L'Espagne a ratifié la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, la convention no 151 sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention no 154 sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

276. Dans leur communication du 31 janvier 1997, la Fédération des services publics de l'Union générale des travailleurs (FSP-UGT), la Fédération nationale des travailleurs de l'enseignement (FET-UGT) et les Fédérations de la fonction publique de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.) allèguent que le gouvernement a pris unilatéralement la décision de ne pas augmenter les salaires des agents de l'Etat pour l'exercice 1997, et de les maintenir à leur niveau de 1996. Ces décisions ont été communiquées de manière précise le 19 septembre 1996 à la table de négociations, et elles ont été incorporées dans les mêmes termes et d'une manière définitive au projet de budget pour 1997. Cette décision autoritaire et sans appel suppose l'annulation de fait du droit de négociation collective reconnu par le système espagnol et par les normes de l'OIT, et celle d'un accord antérieur, de caractère pluriannuel, signé le 15 septembre 1994 entre le gouvernement précédent et tous les syndicats d'agents publics représentés à la table de négociations. Cet accord prévoyait une augmentation des salaires des fonctionnaires en 1997, en fonction de l'évolution de certaines données économiques, dont la portée doit être limitée par la négociation collective. Le gouvernement ne nie pas la validité de cet accord, mais -- avec un mépris notoire à son encontre -- il a déjà inscrit dans le projet de loi budgétaire une croissance nulle du salaire des agents publics et une disposition d'inapplicabilité de tout autre accord contraire à cette mesure.

277. Cette décision unilatérale est à la fois illégale et injuste car elle constitue une discrimination dont sont victimes les agents publics par rapport aux autres travailleurs, et elle suppose une augmentation déraisonnable des sacrifices qu'assumait déjà le groupe concerné en matière de salaires et qui lui a valu un sérieux déclin de niveau de vie au cours des dernières années.

278. Selon les plaignants, le gouvernement justifie sa décision en invoquant un plan d'austérité qui serait indispensable dans le cadre de la convergence communautaire des économies de l'Union européenne vers la monnaie unique. Cependant, il ne s'agit là que d'un prétexte puisque cet accord pluriannuel, qui n'est donc plus respecté désormais, prévoyait déjà une modération sensible en matière de salaires, compte tenu de la circonstance conjoncturelle: selon l'accord, en effet, «les salaires sont liés à l'évolution des principales données économiques, et à la concrétisation des objectifs énoncés dans le programme de convergence et inscrits dans le budget général de l'Etat. Cela permet d'instaurer une stabilité aux termes de laquelle les salaires sont fonction des capacités réelles de l'économie, tandis que l'amélioration de la situation du secteur public, l'obtention de meilleurs résultats dans les divers programmes et l'accroissement général de la productivité doivent à leur tour entraîner de nouvelles mesures incitatives et des augmentations de salaires.»

279. Les plaignants expliquent qu'au terme d'un processus de négociation entre l'administration de l'Etat espagnol et les organisations syndicales les plus représentatives du secteur public, qui s'était déroulé en 1994 conformément aux procédures établies par la loi sur la négociation et la participation à la détermination des conditions de travail du personnel des services des administrations publiques, no 7/1990 du 19 juillet, un accord avait été conclu entre l'administration et les syndicats pour la période de 1995-1997, qui portait sur les conditions de travail dans la fonction publique; il avait été signé le 15 septembre 1994. Ses objectifs, partagés alors par tous les groupes parlementaires du Congrès, comportaient notamment la modernisation de la profession et son adaptation au nouveau cadre juridique de l'Etat des régions autonomes, la planification d'un cadre d'évolution des salaires pour la période 1995-1997 équilibré et adapté à la situation économique dans son ensemble et, enfin, le rattachement de toutes ces initiatives au programme de convergence de l'Union européenne.

280. L'Accord entre l'administration et les syndicats pour la période 1995-1997 était le résultat de contre-prestations des deux parties (administration et syndicats); il devait être perçu comme un contrat bilatéral, aux termes duquel des concessions mutuelles étaient faites et le développement de nouveaux thèmes était programmé -- sur le principe de la bonne foi -- pour toute sa durée, précisée dans le paragraphe 4 de son titre I (chapitre I): «Le présent accord entrera en vigueur le jour suivant sa publication et le restera au cours des années 1995, 1996 et 1997.»

281. Parmi les thèmes allant dans ce sens, les plaignants citent l'augmentation des salaires pour l'année 1997, évoquée dans le titre II (chapitre VI), dont le paragraphe 2 prévoit expressément que les augmentations de salaires doivent faire l'objet d'une négociation entre l'administration et les syndicats: «Augmentation des salaires pour 1996 et 1997. 1) En 1996 et 1997, le salaire des agents publics augmentera en fonction des prévisions budgétaires relatives à la croissance de l'indice des prix à la consommation au cours de ces exercices. Il sera, en outre, tenu compte du degré de réalisation des prévisions et des engagements sur lesquels était fondée l'augmentation des salaires de l'exercice antérieur, des prévisions relatives à la croissance économique, et de la capacité de financement du budget général de l'Etat, déterminée en fonction des prévisions relatives au déficit budgétaire de l'ensemble des administrations publiques, des estimations relatives à l'augmentation de la productivité de l'emploi public découlant de l'application des mesures ou programmes spécifiques, et de l'évolution des salaires et de l'emploi dans l'ensemble du pays. 2) L'application des augmentations de salaires fera l'objet d'une négociation entre l'administration et les syndicats. 3) Pour chaque exercice, on prévoira la constitution d'un fonds conçu pour maintenir le pouvoir d'achat en fonction des caractéristiques prévues au chapitre III de l'accord, et compte tenu des conditions de l'évolution du produit intérieur brut et du déficit budgétaire au cours de chaque exercice.»

282. Cet accord revêt une importance capitale. Non seulement il a été appliqué jusqu'à ce jour dans le champ prévu à cet effet sur les plans géographique et personnel, mais encore, par le truchement des mécanismes de l'adhésion et de l'extension, il a été appliqué à de nombreux groupes et structures d'agents publics, dont la majorité des institutions de l'administration locale, provinciale et de la santé. C'est pourquoi sa non-exécution ne manquera pas d'exercer des effets dommageables de caractère général sur l'ensemble du secteur public et d'instaurer un climat, également généralisé, de méfiance et de frustration en ce qui concerne les mécanismes de négociation collective et de solution pacifique des conflits du travail.

283. La légitimité et la validité de l'accord conclu entre l'administration et les syndicats pour la période de 1995 à 1997 ne font aucun doute, non plus d'ailleurs que le fait qu'il contraint l'administration à négocier avec les syndicats l'augmentation des salaires pour 1997. Par conséquent, le gouvernement ne l'a pas respecté, puisqu'il a failli à son engagement de négocier et qu'il a déterminé unilatéralement une croissance zéro pour les salaires des agents publics.

284. Dans le chapitre VI reproduit ci-après l'obligation relative à l'augmentation des salaires pour 1997 n'est pas quantifiée. Cependant, l'administration était convenue avec les syndicats de mener des négociations dans le cadre desquelles il était prévu: d'accroître, dans une certaine mesure, les salaires des agents publics pour 1997 en fonction de l'indice des prix à la consommation (alinéa 1, paragraphe 1); de lier cette augmentation à l'évolution de certaines données économiques (alinéa 1, paragraphe 1); et de concrétiser l'augmentation des salaires applicable par le truchement de la négociation collective (alinéa 2). Le gouvernement a fait fi de ce projet de négociation puisqu'il a décidé de ne pas augmenter les salaires des agents publics pour 1997, négligeant ainsi ses engagements, et ce bien que toutes les données économiques liées à l'éventuelle augmentation des salaires ont évolué favorablement. Cette évolution favorable se manifeste ainsi:

285. Les plaignants ajoutent que les négociations, qui ont été bloquées et paralysées par le gouvernement, et qui se sont soldées par un grave conflit du travail et une journée de grève générale du secteur public le 11 décembre 1996, avaient pourtant commencé par une première déclaration d'intention aux accents positifs et pleins de promesses. En effet, le 19 juillet 1996, la table des négociations avait siégé, et les représentants des autorités et des syndicats avaient fait une déclaration écrite selon laquelle l'accord conclu entre l'administration et les syndicats pour la période 1995-1997 demeurait le cadre reconnu du dialogue et de la concertation dans ce secteur. En foi de quoi, il avait été décidé de «négocier à la table de négociations au mois de septembre l'augmentation des salaires devant être incluse dans le projet de loi du budget général de l'Etat pour 1997»; il avait également été décidé de connaître et de débattre des contenus normatifs touchant à la fonction publique et de les inclure dans les lois pertinentes.

286. Après cette première réunion, une deuxième réunion a été convoquée, le 24 juillet 1996, et les travaux préparatoires de la négociation ont été menés à bien. Cependant, contre toute attente, le jour suivant -- 25 juillet 1996 -- les responsables de tous les syndicats de la fonction publique ont été convoqués pour apprendre de la voix des secrétaires d'Etat (à la Fonction publique et au Budget) que le gouvernement avait décidé de ne pas augmenter les salaires des agents publics pour 1997. Cette information, concernant ce que l'on a appelé le «gel des salaires» des agents publics en 1997, relevait bel et bien d'une décision prise unilatéralement et ne laissant place à aucune objection, aucune réserve, aucune alternative dans le cadre de la négociation. Face à cette situation, tous les syndicats du secteur public se sont mobilisés et ont déclenché une grève générale le 11 décembre 1996 -- comme cela est mentionné plus haut -- réclamant la reprise des négociations et le respect de l'accord pluriannuel en vigueur. En outre, les syndicats ont introduit un recours contentieux administratif pour exiger que l'accord cité soit respecté par le gouvernement.

287. Les organisations plaignantes font état des opinions critiques manifestées à l'égard du comportement du gouvernement par trois groupes parlementaires, ainsi qu'une demande de négociation émanant d'un autre groupe.

288. Précisément parce qu'il n'a aucune intention politique de négocier ni au sein du Parlement ni ailleurs -- en dépit des demandes explicites des syndicats et des groupes parlementaires --, le gouvernement est resté inébranlable dans sa position concernant le projet de loi budgétaire pour 1997, qui prévoit que: «à dater du 1er janvier 1997, l'intégralité de la rémunération du personnel des services publics demeurera inchangée par rapport à celle de 1996, et ce en fonction des deux périodes objet de la comparaison, tant pour ce qui est des effectifs que pour ce qui est de l'ancienneté. Les accords ou les conventions impliquant une augmentation de salaire devront être ajustés comme il se doit, et, dans le cas contraire, les dispositions s'opposant au présent article deviendront inapplicables.»

289. Par ailleurs, pour étayer leur plainte, les plaignants expliquent en détail la législation et la jurisprudence espagnoles en matière de négociation collective.

290. Ils signalent que le gouvernement se contredit en reconnaissant la validité de l'accord préexistant et en se disant prêt à négocier dans le cadre de cet accord, alors qu'il inscrit dans le projet de budget une augmentation nulle pour l'exercice 1997 et qu'il déclare inapplicable toute convention ou tout accord venant à l'encontre de cette décision. Ce comportement fait fi tant du droit positif du travail que des normes du droit administratif et civil. L'accord qui n'est pas respecté n'a pas été conclu par le gouvernement actuel mais par le précédent dont la tendance politique était différente; cependant, cela ne saurait en aucun cas amenuiser sa validité ou ses effets. Il ne paraît pas discutable que la partie obligée devant les syndicats est bien l'administration, c'est-à-dire l'Etat, dont le gouvernement signataire n'était alors que le porte-plume et le représentant. Les accords issus de la négociation collective -- dont celui qui porte sur les augmentations de salaires des agents publics en 1997 -- méritent le même respect qu'un quelconque contrat civil administratif ou professionnel. Les plaignants estiment que le gouvernement a privé les agents publics de leur droit à la négociation collective en interdisant toute négociation relative à l'augmentation de leur salaire pour 1997. Il s'est contenté de faire savoir aux responsables politiques des syndicats qu'en 1997 l'augmentation de salaire serait nulle et que cette décision n'admettait pas de discussion.

291. Selon les plaignants, le gouvernement n'a pas respecté l'accord conclu entre l'administration et les syndicats pour la période 1995-1997, dont il avait pourtant reconnu la validité et, partant, il n'a pas respecté les conventions nos 98, 151 et 154 de l'OIT.

B. Réponse du gouvernement

292. Dans sa communication du 5 juin 1997, le gouvernement déclare que la plainte établit une confusion indue entre la non-exécution alléguée des engagements internationaux auxquels a souscrit l'Espagne en ratifiant les conventions nos 98, 151 et 154 de l'OIT -- qu'il convient de dénoncer auprès du Comité de la liberté syndicale -- et des violations présumées de la législation interne du pays, élaborée à partir de ces mêmes principes internationaux, et qui applique de manière généreuse les conventions citées dans les limites maximales possibles de la Constitution et de la rationalité de l'organisation de l'administration du pays. Par conséquent, la réponse à cette plainte est rédigée en deux parties: en premier lieu, le gouvernement souhaite s'attacher à démontrer l'inexistence d'atteintes aux principes généraux de l'Organisation internationale du Travail, pour ce qui est de la détermination des conditions de travail des agents publics, cette partie étant la seule pertinente pour ce qui est de l'analyse de fond de la plainte. En deuxième lieu, il souhaite s'attacher à démontrer l'absence de violation de l'ordre juridique espagnol élaboré en application de ces principes, bien que ce soit là un aspect non pertinent quant à l'objet de la discussion; la démonstration s'impose pourtant, car l'administration espagnole souhaite démontrer clairement qu'elle respecte strictement la législation en vigueur dans le pays.

293. Le gouvernement ajoute que, pour analyser la question de savoir s'il y a eu violation des principes de l'OIT concernant la négociation collective, il est indispensable d'établir au préalable quels sont ces principes, compte tenu de toutes les conventions de l'Organisation en matière de liberté syndicale qui ont été ratifiées par l'Espagne. Le gouvernement rappelle ci-après les principes fondamentaux des conventions nos 87, 98, 135, 151 et 154. Il indique que l'analyse de ces conventions, et notamment celle de la convention no 98 pour ce qui est des travailleurs au service de l'administration, et celle de la convention no 151 pour ce qui est des agents publics, montre bien que la liberté de négociation n'est pas un principe absolu et qu'il faut tenir compte de certaines limitations dues au caractère public de l'employeur. Ainsi, l'article 7 de la convention no 151 qui est applicable à la table des négociations qui fixe les conditions de travail des agents publics, énonce que: «des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures permettant la négociation des conditions d'emploi entre les autorités publiques intéressées et les organisations d'agents publics ou de toute autre méthode permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions».

294. Pour préciser le contenu et la portée de ce précepte, il convient d'adopter le critère de classification claire et didactique formulé dans le traité de M. Saint Jours, un auteur français, qui permet de distinguer les divers degrés de la participation des agents publics: le premier degré est celui de la simple «consultation» ou concession d'audience, à caractère obligatoire mais non contraignant. Le degré suivant est celui de la «concertation» ou de la conclusion d'un accord entre les parties dont le contenu est obligatoire ou fait office de «Gentlemen's agreement», et aux termes duquel l'administration s'engage à refléter ce qui a été convenu par une norme réglementaire. Le degré le plus élevé de participation consiste en une négociation proprement dite, aux termes de laquelle ce qui a été convenu entre les parties acquiert une valeur normative et est applicable directement sur le plan juridique et sans qu'un contreseing officiel soit nécessaire.

295. L'étude attentive du texte de l'article 7 de la convention no 151 cité ci-dessus montre bien, au vu de ces critères de classification que les engagements internationaux contractés par l'Etat espagnol ne l'obligent pas à négocier les conditions de travail de ses fonctionnaires, étant donné que, mis à part la négociation au sens strict, d'autres méthodes de participation sont prévues parmi lesquelles on peut citer les consultations ou les concertations définies précédemment.

296. Une fois bien établis les principes fondamentaux de l'Organisation internationale du Travail, pour ce qui est des systèmes de détermination des conditions de travail des agents publics, il convient de vérifier si l'Espagne les respecte en étudiant le degré d'exécution de ces exigences internationales, tant dans la politique générale adoptée par le gouvernement en matière de relations professionnelles avec ses employés que dans les mesures concrètes qui ont été prises en ce qui concerne le gel des salaires pour 1997.

297. En ce qui concerne l'adéquation générale de la politique espagnole des relations professionnelles dans la fonction publique aux principes de l'OIT, il convient de signaler que, si en vertu de ses engagements internationaux, l'Etat espagnol est simplement tenu d'appliquer une méthode prévoyant un certain degré de participation des agents publics à la détermination de leurs conditions de travail, il a instauré des relations professionnelles dont le niveau est beaucoup plus avancé que le minimum requis, puisqu'il a mis en place, tant dans le cadre théorique et législatif que dans la pratique quotidienne, un système de «dialogue social» qui est l'un des plus évolués d'Europe et du monde. A cet égard, et pour ce qui est de la réglementation légale, le législateur espagnol a opté pour un comportement plus avancé que celui qui est exigé des engagements internationaux pris par le pays; le chapitre III de la loi no 9/1987 du 12 juin (notamment après sa modification, effectuée par la loi no 7/1990) établit le principe d'une véritable négociation à caractère réglementaire de presque tous les points qui pourraient affecter les conditions de travail des agents publics. Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article 32 de la loi citée ci-dessus a instauré une véritable «universalisation des thèmes négociables» dans le cadre de laquelle les questions relatives aux relations professionnelles qui ne sont pas du ressort de la loi sont soumises à une véritable négociation, à de très rares et très précises exceptions près, qui sont énoncées à l'article 34, alinéa 1, de la loi citée; ainsi, la réglementation espagnole sur ce thème peut être décrite de la manière suivante: la réglementation actuelle du chapitre III de la loi no 9/1987 du 12 juin, non seulement respecte les exigences minimales relatives à l'autonomie de négociation exigée par les articles 7 et 28 de la Constitution espagnole et par les conventions nos 151 et 154 de l'OIT, mais encore elle dépasse ces exigences et instaure une liberté absolue de négociation collective -- comparable à celle du secteur privé, tant par l'universalité déjà citée et pratiquement absolue des thèmes négociables -- puisque l'article 2 de ce chapitre, qui énumère ces thèmes, évoque dans son alinéa K une rubrique ouverte à tous les thèmes -- que par la force contraignante des dispositions prévues dans l'article 35 de la loi no 9/1987, étant bien entendu que ces accords, négociés non pas avec l'autorité de tutelle mais avec un représentant de cette autorité n'ayant pas de pouvoir de décision -- seront expressément et formellement ratifiés par cette même autorité.

298. Par ailleurs, la réglementation en vigueur en la matière concède la limite maximale que peut octroyer cet organe du gouvernement compte tenu de ses disponibilités, par exemple la négociation du contenu d'un projet de loi. En effet, pour ce qui est des questions relevant de la législation, le libellé actuel de la loi no 9/1987 concède -- sans dépassement -- la quote-part maximum que la partie sociale des tables de négociations peut aspirer à négocier avec l'administration, comme le contenu d'un projet de loi sur ces mêmes thèmes, que l'administration -- par le truchement de l'exécutif qui exerce sa direction politique -- a compétence pour présenter aux Cortes, en vertu de l'article 10, alinéa 2, de la loi sur le système juridique de l'administration de l'Etat. A cet égard, la partie sociale ne devrait pas outrepasser cette limite ni tenter de négocier avec l'administration un élément qui ne relève pas de son pouvoir de décision -- en vertu du principe évident et traditionnel selon lequel «nemo dat quod no habet» (personne ne peut donner ce qu'il n'a pas) -- par exemple le contenu définitif d'une loi, puisque ce dernier est de la compétence du pouvoir souverain du Parlement.

299. En ce qui concerne la pratique des négociations dans la fonction publique au cours des dix dernières années, c'est-à-dire depuis la publication de la loi no 9/1987, la politique du personnel dans ce secteur a été le théâtre d'une véritable révolution copernicienne. En effet, avant la promulgation de cette loi, le régime en vigueur était rigide et statutaire et l'administration déterminait unilatéralement les conditions de travail de ses employés, en l'absence de tout système de consultation, même non contraignant, auprès des représentants de ses employés; or, à la suite de cette réforme juridique, un véritable «dialogue social» s'est instauré entre l'administration et le personnel.

300. Ainsi, au cours de la dernière décennie, non seulement presque tous les éléments directement relatifs aux conditions de travail des agents publics (augmentation de salaire, carrière administrative, formation continue, durée et horaires de travail, santé au travail, etc.) ont fait l'objet de négociations, mais aussi toutes les questions d'organisation ayant une incidence indirecte sur ces conditions de travail (offres d'emploi public, listes hiérarchiques des postes de travail, situations administratives, octroi de postes de travail, plan d'emploi, etc.). Ainsi s'est établi un régime avancé de relations collectives qui parvient même dans certains cas à mettre en place une «démocratie participative» à la gestion des services publics ou, ce qui revient au même, une véritable «cogestion» de l'administration.

301. On prend toute la mesure de l'intensité et de la profondeur de cette activité de négociation lorsqu'on sait que, dans les seuls services centraux de l'administration de l'Etat, à partir de la signature de l'accord du 16 novembre 1991 -- qui contenait des dispositions prévoyant l'articulation et l'encouragement de la négociation collective --, 331 réunions ont eu lieu, dont celles des tables de négociations (générales et sectorielles), ou celles de diverses commissions et groupes de travail. Depuis cette même date, 5 ans et demi, ces négociations ont abouti à la signature de 20 accords très importants d'application nationale et de valeur normative; 38 réunions ont été convoquées pour informer les intéressés des projets de dispositions administratives (décrets royaux, ordonnances ministérielles, circulaires, etc.), ainsi que 16 réunions traitant spécifiquement des plans d'emploi des organismes publics, etc.

302. Cette intense activité de négociations se poursuit actuellement; ainsi, dans le cadre de la compétence de la Direction générale de la fonction publique (c'est-à-dire compte non tenu des tables de négociations sectorielles), 16 instances de négociations sont ouvertes et fonctionnent à plein rendement, à savoir: la table générale des négociations; la table de l'administration centrale; la Commission générale de la formation continue; la table des salaires et de l'emploi; la Commission paritaire de l'accord-cadre pour le personnel non fonctionnaire; la Commission paritaire de la santé au travail et de l'action sociale; le Groupe de travail concernant les concours; le Groupe de travail pour la consolidation; le Groupe de travail concernant le statut de la fonction publique; le Groupe de travail sur les salaires et l'emploi; le Groupe de travail sur la titularisation; le Groupe de travail sur la durée du travail et les horaires; le Groupe de travail concernant le personnel non fonctionnaire à l'extérieur; le Groupe de travail sur la promotion; le Groupe de travail chargé de la solution extrajudiciaire des conflits, et le Groupe de travail sur les transferts.

303. En bref, il apparaît que, de par sa politique générale, non seulement l'administration espagnole respecte les principes de l'OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective, mais encore qu'elle a établi un véritable «dialogue social», qui a changé radicalement le système des relations professionnelles avec ses agents, comme l'indiquait très clairement le jugement du Tribunal national du 11 décembre 1990:

304. En ce qui concerne la conformité particulière des décisions relatives au gel salarial pour 1997 avec les principes de l'OIT, dans le cas qui fait l'objet de la présente plainte, l'administration espagnole ne s'est pas contentée d'une simple consultation ou d'une concertation -- qui seraient les plus petits dénominateurs communs exigés par l'OIT --, mais elle a organisé une véritable négociation en deux phases:

305. En effet, il y a bien eu négociation afin de déterminer l'augmentation de salaire pour 1997, au cours de laquelle, cependant, l'administration a cru devoir se tenir à une interprétation strictement restrictive des critères d'orientation convenus précédemment en 1994. Ainsi, elle a conclu que, compte tenu de l'évolution des données économiques dont dépendait la détermination définitive de cette augmentation annuelle, un sacrifice -- douloureux, mais nécessaire -- devait être consenti par les agents publics dans le but d'atteindre les critères minimums de convergence économique avec l'Union européenne. Il faut bien comprendre, par conséquent, que cette décision n'a pas été un caprice de l'administration; elle se justifiait par l'indispensable politique d'ajustement du déficit public semblable à celle qu'ont dû adopter d'autres pays membres de l'Union, à la poursuite des mêmes objectifs.

306. Ce processus de détermination concerté des conditions de travail des agents publics a débuté par la réunion de la table générale des négociations du 19 juillet 1996, au cours de laquelle un calendrier de négociations a été établi, ainsi qu'une première prise de contacts sur ce thème; la discussion a repris le 19 septembre 1996 afin d'approfondir la question, et les secrétaires d'Etat chargés de l'administration publique et du budget ont expliqué les motifs de la position adoptée par l'administration; un débat a été ouvert, auquel ont participé tous les représentants syndicaux. Ce processus de négociation s'est terminé par la réunion de cette même instance le 3 décembre 1996, au cours de laquelle l'administration a proposé une solution de rechange concernant les salaires, afin de sortir la négociation de l'impasse, mais cette solution n'a pas été acceptée par les syndicats.

307. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que, dans le cas concret, l'administration espagnole a non seulement rempli les exigences de l'article 7 de la convention no 151 de l'OIT, qui dispose qu'une méthode peut être prise «permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions», mais encore elle a mené à bien une véritable négociation, convaincue qu'elle est de la nécessité d'un «dialogue social» authentique, sans renoncer pour autant, bien sûr, à l'obligation de veiller aux intérêts généraux prioritaires, lesquels exigent une diminution du déficit public.

308. A cet égard, on peut affirmer que l'action de l'administration espagnole n'a pas porté atteinte aux principes de liberté syndicale défendus par l'OIT et assumés par l'Espagne. En effet, le gouvernement n'a pas failli au respect d'un accord définitif conclu avec les représentants de son personnel, car la disposition de caractère pluriannuel du chapitre VI du texte convenu le 15 septembre 1994 ne mentionnait pas de quantification concrète des augmentations de salaires prévues sur une base annuelle pendant toute la durée de sa validité et notamment en 1997; elle énonçait simplement des critères d'orientation permettant de déterminer ces augmentations. Ces critères, fondés sur un paramètre de référence (l'indice des prix à la consommation prévu pour l'exercice), mais par ailleurs soumis à des indices correcteurs à la hausse ou à la baisse de ce calcul initial, en fonction du comportement de certains facteurs économiques expressément mentionnés, ont été interprétés par l'administration d'une manière restrictive, ce qui n'a pas été admis par l'autre partie aux négociations qui se déroulaient pour tenter de parvenir à un accord sur la question. Par ailleurs, même si dans un souci de dialectique on part de l'hypothèse que l'accord cité au chapitre VI du texte convenu le 15 septembre 1994 présentait un caractère définitif et ferme, les termes convenus doivent céder le pas à l'incidence de facteurs prioritaires présentant un intérêt général, telle la nécessité de satisfaire aux exigences de la convergence européenne, en fonction de l'appréciation du gouvernement.

309. En effet, il faut partir de l'hypothèse selon laquelle, même si les administrations publiques sont des employeurs en ce qui concerne leur rapport juridique et statutaire avec leurs fonctionnaires ou leur lien contractuel avec leurs travailleurs dépendants, ce sont des employeurs «sui generis», qui ne jouissent pas de la même liberté d'embauche que celle dont disposent les chefs d'entreprises privées gérant leurs fonds propres, parce qu'elles doivent associer à leur rôle d'employeurs celui de représentants légitimes de vastes intérêts, qui sont prioritaires sur ceux de leurs agents, tels les intérêts généraux de tous les citoyens.

310. Il faut donc en déduire qu'un accord conclu avec les agents publics amendé et doté de toutes les conditions nécessaires à son application -- ce qui n'est pas le cas ici -- peut pourtant, pour des raisons conjoncturelles, demeurer inapplicable sans perdre sa légitimité, parce qu'il va à l'encontre des intérêts généraux mentionnés ci-dessus. A cet égard, on peut donc établir un principe préalable indiscutable et évident, selon lequel les engagements pris par l'administration à l'endroit des agents publics (et reflétant des intérêts légitimes, mais limités et de nature corporative) doivent céder le pas devant des exigences plus élevées de l'Etat (tel l'intérêt général de tous les citoyens) même si ces exigences se manifestent après la négociation).

311. Une autre question hypothétique qui pourrait se poser, bien qu'elle n'ait pas d'incidence dans la présente analyse, serait la question de savoir si une décision de l'exécutif de ne pas appliquer ce qui a été convenu au préalable avec le personnel -- laquelle constituerait un acte discrétionnaire et non pas arbitraire -- devait revêtir la forme d'acte administratif motivé par les dispositions contraignantes de l'article 89, alinéa 3, et de l'article 54, alinéa 1 f), qui figurent tous deux dans la loi no 30/1992 du 26 novembre, sur le régime juridique des administrations publiques et des procédures administratives courantes, et donc pourrait faire l'objet d'un recours devant les tribunaux dans le cas où ces derniers se déclareraient compétents pour connaître d'un «acte politique».

312. Par ailleurs, il convient d'indiquer clairement que le gouvernement ne peut, du fait d'engagements pris précédemment, renoncer à son droit inaliénable d'exercer les compétences de l'Etat dans la détermination de «la planification générale de l'activité économique» qui lui sont conférées par l'article 149.1.13 de la Constitution espagnole.

313. Les principes exposés dans ce paragraphe ont été clairement et expressément reconnus par la jurisprudence du Tribunal constitutionnel, laquelle, dans le troisième considérant juridique du jugement no 96/1990, signalait les limitations aux principes de la liberté de recrutement affectant les agents publics, qui n'entraînent pas -- comme c'est le cas pour les travailleurs du secteur privé -- une atteinte au principe d'égalité; ainsi:

314. Cette position est également étayée par un jugement du Tribunal constitutionnel du 8 avril 1981, selon lequel, en ce qui concerne les conventions collectives -- et ce principe peut s'appliquer, par analogie, aux accords concernant les agents publics --, la non-exécution ne constitue pas une atteinte au droit constitutionnel à la liberté de négociation collective, ni au respect de la force contraignante des conventions consacrées dans l'article 37 de la Constitution, si cette non-exécution est motivée notamment par la priorité qu'il convient d'accorder aux intérêts supérieurs de l'Etat. Ainsi:

Par ailleurs, nombre de jugements émis par les tribunaux ordinaires établissent que des règles de droit nécessaires, dictées dans l'intérêt général, comme le jugement du Tribunal suprême du 9 juin 1991, et nombre de jugements prononcés par les tribunaux supérieurs de justice peuvent déroger aux accords et amendements y afférents conclus dans le domaine du travail et par extension dans la fonction publique.

315. Enfin, et également dans un souci dialectique, il faut préciser que même si on estime que les principes de l'OIT exigent une véritable négociation collective (interprétation inexacte au regard de l'article 7 de la convention no 151 déjà citée), l'administration espagnole a satisfait à cette exigence, car elle a mis en place un processus de négociation authentique, même si ce dernier n'est pas parvenu à un accord.

316. En effet, compte tenu des faits rapportés, l'administration a fait un effort pour arriver à la conclusion d'un accord -- puisqu'elle a même proposé des solutions de rechange -- adoptant ainsi la position qui s'appelle, dans le droit anglo-saxon, «Duty to Bargain», c'est-à-dire l'adoption d'un comportement actif favorisant la négociation, même si elle n'est pas arrivée à la conclusion d'un accord définitif. A cet égard, il faut signaler que le devoir de négocier -- qui n'existe pas dans les principes de l'OIT mais qui existe dans le système juridique espagnol -- ne signifie pas nécessairement le devoir de parvenir à un accord puisque, dans le cas contraire, la liberté des parties de négocier collectivement serait faussée.

317. Il faut partir de la base que le Comité de la liberté syndicale de l'OIT peut et doit connaître des atteintes alléguées aux principes généraux relatifs à la liberté syndicale consacrés sur le plan international, bien qu'en principe il n'ait pas compétence pour juger d'éventuelles atteintes au droit positif émanant de l'application de ces principes par les pays qui ont signé les instruments internationaux pertinents, notamment lorsque -- comme dans le cas de l'Espagne -- ces principes ont été appliqués dans un esprit maximaliste, dans des conditions beaucoup plus favorables que celles qui sont requises par l'OIT en la matière. On pourrait donc considérer que les paragraphes qui précèdent apportent une réponse suffisante à la plainte formulée par les syndicats plaignants. Cependant, l'administration espagnole tient à établir clairement (même si ce n'est pas indispensable compte tenu du fond de la plainte) qu'il n'y a pas eu non plus d'atteinte au système juridique espagnol établi pour appliquer les conventions internationales qui réglementent la question. A cet égard, après récapitulation de certains arguments et allégations exprimés précédemment, il convient de préciser ce qui suit de manière sommaire et synthétique:

318. C'est ainsi que l'administration espagnole s'est vue obligée, de par sa responsabilité politique, d'opposer à l'idée de l'augmentation de salaire applicable pour 1997 -- dans la négociation dont il est question -- l'idée d'un gel des salaires, compte tenu de l'évolution des données économiques influant sur les critères de convergence du Traité de Maastricht; apparemment, cette solution n'était pas si erronée, ni dépourvue de bonnes raisons politiques, si l'on en croit les événements survenus par la suite, telles les dernières déclarations des responsables politiques de l'Union européenne relatives à l'amélioration de la situation en Espagne, pour ce qui est de la convergence, puisqu'en pratique le pays satisfait aux conditions requises; sans aucun doute, la prise de cette mesure a été déterminante, notamment en ce qui concerne la diminution du déficit public, sans parler du soutien du Parlement espagnol, titulaire du pouvoir législatif, expression de la volonté générale et instance unique, doté du pouvoir décisionnel en la matière.

319. Le gouvernement conclut en insistant sur le fait que l'administration espagnole n'a failli à l'exécution d'aucun accord relatif à une augmentation de salaire définie et quantifiée pour 1997 -- pour la simple raison qu'un tel accord n'existe pas; cependant, au cours des négociations visant à concrétiser une augmentation de salaire au cours du présent exercice, elle s'est vue obligée de s'en tenir à une interprétation restrictive des critères d'orientation à caractère pluriannuel convenus par un accord le 15 septembre 1994, concernant la rémunération des agents publics; en outre, cette interprétation a dû être exprimée avec force et fermeté compte tenu du fait que les intérêts du plus grand nombre (dont le gouvernement est le représentant légitime et l'interprète en vertu des principes fondamentaux de la démocratie) ont priorité sur les intérêts des agents publics (légitimes mais plus restreints et de caractère corporatif). Compte tenu de tout ce qui précède, l'administration espagnole estime qu'elle a respecté, non sans faire preuve de générosité, les engagements internationaux qui sont les siens par la signature des conventions nos 98, 151 et 154 de l'OIT, et qu'elle n'a porté atteinte à la liberté syndicale ou à la négociation collective ni dans le présent cas ni dans d'autres, puisqu'elle s'est obligée librement à respecter ces principes; elle considère par conséquent que la plainte n'est pas pertinente.

C. Conclusions du comité

320. Le comité observe que, dans la présente plainte, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a failli à l'exécution de la disposition relative à l'augmentation des salaires pour 1997 de l'accord conclu entre l'administration et les syndicats 1995-1997 sur les conditions de travail dans la fonction publique, signé le 15 septembre 1994. Les plaignants soulignent que cet accord oblige l'administration à négocier avec les syndicats l'augmentation de salaire pour 1997, dont la quantité doit être définie dans le cadre d'une négociation bilatérale, et en fonction de certains paramètres économiques. Cependant, les plaignants indiquent que le gouvernement s'est opposé à toute négociation à cet égard et qu'il s'est contenté de faire savoir que l'augmentation de salaire serait nulle et que cette décision n'admet pas de discussion.

321. Le comité observe que le gouvernement affirme, en revanche, qu'il y a eu négociation avec les syndicats, et il se réfère à cet égard à un processus et un calendrier de négociations, à plusieurs réunions, à l'ouverture d'un débat au cours duquel il a fait connaître les motivations de sa position ainsi qu'une proposition de caractère alternatif concernant les salaires, émise le 3 décembre 1996. Le gouvernement nie avoir failli à l'exécution de l'accord conclu entre l'administration et les syndicats (aux termes duquel il était tenu de négocier, mais qui ne contenait pas de quantification concrète et négociée de l'augmentation de salaire); cependant, il précise qu'au cours de la négociation il a donné une interprétation strictement restrictive des critères d'orientation prévus par l'accord pour déterminer les augmentations annuelles, qu'il s'est prononcé en faveur du gel des salaires pour 1997 et que son interprétation de ces critères n'a pas été acceptée par l'autre partie. Il nie avoir violé la négociation collective, la législation nationale et les conventions de l'OIT qu'il a ratifiées, et il souligne la différence qui existe entre le devoir de négocier (c'est-à-dire d'adopter un comportement actif favorisant la négociation) et le devoir de conclure un accord; il explique les raisons de sa position en faveur du gel des salaires par: 1) les exigences découlant du Traité de Maastricht (en particulier l'ajustement du déficit public qu'il est nécessaire de réaliser); 2) la priorité des intérêts généraux de tous les citoyens (qui n'existaient pas au moment de la négociation de l'accord conclu entre l'administration et les syndicats mais qui sont apparus ensuite) sur les intérêts des agents publics; 3) les compétences de l'Etat s'agissant de la planification générale de l'activité économique, prévues par la Constitution. Enfin, le gouvernement rappelle que la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, prévoit d'autres méthodes que la négociation pour la détermination des conditions d'emploi des agents publics, et il indique que la législation espagnole a opté pour la négociation, a multiplié le nombre des points négociables et a prévu la force obligatoire des accords conclus, se situant ainsi à un niveau élevé par rapport à la convention mentionnée, et parmi les systèmes les plus avancés du monde.

322. Avant d'examiner les questions concrètes soulevées par les plaignants, le comité souhaite signaler qu'effectivement l'article 7 de la convention no 151 autorise les Etats à «promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de la procédure permettant la négociation des conditions d'emploi entre les autorités publiques intéressées et les organisations d'agents publics, ou de toute autre méthode permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions». Cependant, le comité souligne que lorsque la législation nationale opte pour les procédures de négociation, comme c'est le cas en Espagne, c'est à l'Etat qu'il revient de veiller à ce que ces procédures soient bien appliquées, et aux organes de contrôle de l'OIT de surveiller cette application.

323. Plus précisément, en ce qui concerne les allégations relatives à la non-exécution par le gouvernement des dispositions de l'accord conclu entre l'administration et les syndicats sur l'augmentation des salaires pour 1997, le texte des parties pertinentes de l'accord est le suivant:

324. A cet égard, le comité a pris note du fait que le gouvernement a indiqué qu'il a donné une interprétation strictement restrictive des critères d'orientation convenus dans l'accord conclu entre l'administration et les syndicats, et qu'au cours de la négociation en question il s'est prononcé en faveur d'un gel des salaires (et, en définitive, c'est cette position qui a été reflétée dans le projet de loi du budget général de l'Etat pour 1997, puis dans la loi). Le comité ne peut que constater cependant que l'accord conclu entre l'administration et les syndicats fait expressément mention d'augmentations de salaires pour 1995, 1996 et 1997 sans toutefois qu'il contienne une quantification stricte et définitive de l'obligation en matière de salaires pour 1997. Ceci explique que les syndicats aient estimé que l'accord pluriannuel pour 1995-1997 n'a pas été respecté pour 1997. Dans ces conditions, le comité regrette qu'aucune augmentation de salaire n'ait été accordée aux agents publics pour 1997, pas même pour ceux qui perçoivent les rémunérations les plus basses.

325. Dans ce contexte, le comité rappelle que le droit de négociation collective est l'une des procédures évoquées par la convention no 151, ratifiée par l'Espagne, et qu'elle a été retenue par la législation espagnole pour régir les relations de travail dans la fonction publique. Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement aura, conformément à sa propre législation nationale, recours à la négociation collective pour régler les conditions d'emploi des agents publics. Le comité doit en outre souligner que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables.

Recommandations du comité

326. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité regrette qu'aucune augmentation de salaire n'ait été accordée aux agents publics pour 1997, pas même pour ceux qui perçoivent les rémunérations les plus basses.

b) Le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement aura, conformément à sa propre législation nationale, recours à la négociation collective pour régler les conditions d'emploi des agents publics. Le comité doit en outre souligner que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables.


Cas no 1888
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de l'Ethiopie
présentée par
-- l'Internationale de l'éducation (IE) et
-- l'Association des enseignants éthiopiens (ETA)

Allégations: meurtre, détention de syndicalistes et discrimination antisyndicale
et ingérence dans l'administration interne d'un syndicat

327. L'Internationale de l'éducation (IE) et l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) ont présenté une plainte en violation de droits syndicaux contre le gouvernement de l'Ethiopie dans une communication datée du 6 juin 1996. Les plaignants ont fait parvenir d'autres informations sur cette affaire dans des communications des 19 novembre 1996 et 21 août 1997. Le gouvernement a transmis ses informations dans des communications des 26 mai et 29 août 1997.

328. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

329. Dans une communication du 6 juin 1996, l'IE et l'ETA ont allégué que le gouvernement de l'Ethiopie avait refusé de reconnaître la direction dûment élue de l'ETA, qu'il s'était ingéré dans les affaires internes de ce syndicat et qu'il l'avait empêché de fonctionner normalement et librement. Les plaignants ont également allégué un certain nombre d'actes d'intimidation et de discrimination antisyndicale.

330. Les plaignants ont indiqué que, après l'arrivée au pouvoir du gouvernement transitoire, il y a eu restructuration de l'ETA, élection de nouveaux dirigeants et reconnaissance de l'association par le gouvernement. Ultérieurement, un groupe dissident de l'ETA a été enregistré et reconnu par le gouvernement sous le nom d'Association des enseignants éthiopiens. Les cotisations syndicales ont été transférées au groupe rival et les avoirs de l'organisation plaignante ont été gelés par le gouvernement. Les plaignants allèguent que l'ETA a effectivement été suspendue par les autorités administratives et que le gouvernement a appuyé la création d'une autre ETA afin de la placer sous son contrôle. La direction élue de l'ETA s'est dite prête à se soumettre à de nouvelles élections pour confirmer le choix des enseignants, mais le groupe rival s'y est refusé. Les plaignants déclarent qu'en décembre 1994 la Cour d'Ethiopie a déclaré que les dirigeants élus et dirigés par le Dr Woldesmiate, président de l'organisation plaignante, étaient les dirigeants légitimes de l'ETA. Le groupe rival a intenté un recours contre cette décision; cependant, l'affaire a été ajournée au 22 juillet 1998. Les plaignants pensent que le juge qui avait, dans un premier temps, statué en faveur de l'ETA a été destitué, ce qui a conduit les autres juges à craindre d'avoir à traiter de ce cas.

331. Selon les plaignants, les dirigeants élus de l'ETA ont été licenciés, de même qu'un certain nombre de militants syndicaux. La liste de ces personnes se trouve à l'annexe 1 du présent rapport. Cent trente-quatre bureaux régionaux de l'ETA ont été fermés, des milliers d'enseignants ont été mutés, et d'autres mutations ont été annoncées. Toujours selon les plaignants, 84 membres de l'ETA sont détenus depuis le 4 janvier 1997 en raison de leur participation aux activités de l'ETA. La liste de ces personnes se trouve à l'annexe 2.

332. Les plaignants ont allégué que le 28 mai 1995 le Dr Taye Woldesmiate, président de l'ETA, a été arrêté sans qu'aucun chef d'inculpation formel ne soit retenu contre lui. Les plaignants pensent que cette arrestation était liée au fait que le Dr Woldesmiate avait été invité aux Etats-Unis à participer à l'assemblée générale de l'Association nationale de l'éducation. Le visa du Dr Woldesmiate pour les Etats-Unis a été révoqué. Au début du mois de juin 1995, le Dr Woldesmiate a été relâché. Il a de nouveau été incarcéré le 29 mai 1996, là aussi sans chef d'inculpation. Dans une communication ultérieure du 19 novembre 1996, l'Internationale de l'éducation déclare que le Dr Woldesmiate est toujours détenu et que, cette fois, il a été inculpé de conspiration contre de hauts fonctionnaires. Selon les plaignants, cette inculpation vise à briser l'ETA. L'Internationale de l'éducation se dit également préoccupée par les conditions de détention du Dr Woldesmiate. Selon elle, il était au secret et interdit de visites jusqu'au mois d'août 1996, date à laquelle il a pu recevoir des visites d'une demi-heure deux fois par semaine. Il a vécu avec des menottes aux poignets 24 heures sur 24. Cependant, à la suite de protestations internationales, elles lui ont été retirées. Dans leurs dernières communications, les plaignants relèvent que, le 28 février 1997, les deux chefs d'inculpation les plus graves qui pesaient contre le Dr Woldesmiate ont été retirées par la Haute Cour fédérale. Cependant, il est toujours incarcéré en attendant d'être jugé pour les dernières charges qui pèsent sur lui, à savoir l'incitation à la révolte armée.

333. D'après les plaignants, les forces de police et de sécurité ont pénétré de force dans les locaux du siège de l'ETA le 19 mars 1996, ont harcelé les personnes présentes et ont brutalisé et arrêté M. Ato Abate Angore, membre du conseil exécutif de l'ETA. Les forces de police et de sécurité ont investi les bureaux du président et du secrétaire général de l'ETA et saisi des documents personnels ainsi que des documents de cette association. Cette perquisition et cette saisie ont été faites sans qu'aucune explication n'ait été fournie et sans qu'aucun mandat n'ait été présenté. M. Ato Abate Angore a été relaxé le 24 avril 1996. Toujours d'après les plaignants, la police a pénétré pendant cette même période dans la résidence du Dr Woldesmiate et a saisi des biens personnels. Deux fonctionnaires de police sont restés sur les lieux, interdisant à la famille de prendre contact avec des parents ou avec d'autres personnes. Le 22 mars 1996, la police a également fouillé le domicile du père de M. Woldesmiate.

334. Dans leur communication du 21 août 1997, l'IE et l'ETA font état de nouveaux développements depuis le dépôt de la plainte. Elles allèguent que, le 8 mai 1997 à 8 h 20 du matin, M. Assefa Maru, secrétaire adjoint de l'ETA chargé de la coopération et membre du comité exécutif, a été tué par la police, alors qu'il se rendait à pied à son travail, sans arme, et qu'il ne tentait ni de résister ni de s'enfuir. Le gouvernement a refusé de mener une enquête publique sur ce meurtre. Selon les plaignants, immédiatement après le meurtre, les locaux de l'ETA ont été attaqués; 34 personnes qui se trouvaient à l'intérieur ont été arrêtées et la plus grande partie des documents qui s'y trouvaient ont été confisqués. Par la suite, un programme de la télévision gouvernementale a montré le nom des membres du comité exécutif de l'ETA pris à partir d'un rapport d'une réunion du comité exécutif comme s'ils faisaient partie d'un autre document d'une organisation supposément illégale et terroriste. Suite à cette émission de télévision, le secrétaire général de l'ETA, M. Gemoraw Kassa, craignant pour sa vie, a dû s'enfuir en exil au Royaume-Uni.

335. Les plaignants allèguent également que les dernières mesures de harcèlement contre les membres de l'ETA comportent la mise en place d'un système d'évaluation des professeurs par des non-professionnels et des membres du parti gouvernemental. Un enseignant de Shoa orientale aurait été tué à la suite d'un conflit qui aurait découlé de ce système d'évaluation. Le gouvernement a également refusé de négocier ou de consulter l'ETA à ce sujet.

336. L'IE a envoyé une mission en Ethiopie du 18 au 24 mai 1997. Le Premier ministre, M. Meles, a refusé de rencontrer officiellement les membres de la mission, mais il a accepté de rencontrer l'un de ses membres au cours d'une visite privée. Le Premier ministre a alors déclaré qu'il était prêt à réouvrir les discussions avec l'ETA à la condition qu'elle renonce à la violence, qu'elle soutienne la Constitution et qu'elle se démarque de toute association liée à des organisations terroristes. Les plaignants ajoutent que l'ETA est désireuse d'obtenir un tel accord puisque ceci reflète ses propres engagements envers la démocratie et la paix. Les plaignants soulignent aussi qu'ils s'efforceront de renouer le dialogue entre le gouvernement et l'ETA, tout en notant que les difficultés continuent à être considérables étant donné l'environnement qui prévaut vu l'absence d'esprit de négociation et de compromis.

B. Réponse du gouvernement

337. Le gouvernement indique que le Dr Woldesmiate et d'autres personnes ont été accusés de rébellion armée et d'activités terroristes contre le gouvernement, en application du Code pénal de l'Ethiopie, et qu'ils n'ont pas été arrêtés en raison de leur affiliation à l'ETA ou d'autres activités syndicales. Le gouvernement prétend que le bureau central de la police a découvert qu'une organisation terroriste, conduite par le Dr Woldesmiate, a été constituée dans le but de «porter atteinte à la paix et à la sécurité de l'Etat par des vols à main armée contre le gouvernement et les entreprises privées et par des activités terroristes à l'encontre des étrangers, et autres dommages aux fonctionnaires et aux autres personnes qu'elle considère comme proches du gouvernement». Il fait observer que la procédure pénale les concernant est en instance devant la Haute Cour fédérale.

338. S'agissant des conditions de détention du Dr Woldesmiate, le gouvernement déclare qu'il n'a pas été tenu au secret, que, comme d'autres prisonniers, il est bien traité et qu'il a le droit de recevoir la visite de ses parents et collègues pendant une heure deux fois par semaine.

C. Conclusions du comité

339. Le comité note que les allégations, dans le présent cas, concernent de très graves violations de la liberté syndicale qui peuvent être divisées en deux catégories: premièrement, l'ingérence du gouvernement dans l'administration et le fonctionnement de l'ETA, et, deuxièmement, le meurtre, la détention de militants et de dirigeants de l'ETA, et les actes de discrimination dont ils auraient fait l'objet.

340. L'Internationale de l'éducation (IE) et l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) ont allégué que le gouvernement a refusé de continuer à reconnaître l'ETA, préférant reconnaître un groupe rival et l'enregistrer sous le même nom. Les plaignants ajoutent que le gouvernement a gelé les avoirs de l'ETA, a transféré les cotisations syndicales destinées à l'ETA à ce groupe rival et qu'il a fermé les bureaux régionaux de l'ETA. Le comité, notant avec regret que le gouvernement n'a pas répondu à ces allégations, lui demande de le faire au plus tôt. Selon les plaignants, la Cour d'Ethiopie a reconnu le bien-fondé de la demande de l'ETA, même si, apparemment, le gouvernement n'est pas disposé à se plier à cette décision tant que la Cour d'appel n'aura pas statué, c'est-à-dire jusqu'en juillet 1998. Le comité demande instamment au gouvernement d'aider à ce que la décision de justice en appel soit examinée rapidement et en attendant de reconnaître l'ETA conformément à la décision de la Cour de première instance. Le comité demande aussi au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la procédure d'appel et de lui communiquer une copie de la décision dès qu'elle aura été rendue. S'agissant du système d'évaluation des capacités des enseignants qui vient d'être introduit, le comité demande instamment au gouvernement d'entrer en consultation avec l'ETA sur ces questions et de s'assurer qu'il ne soit pas utilisé comme un prétexte à des actions antisyndicales. Il exprime l'espoir que les discussions préliminaires qui ont commencé à se dérouler durant la mission de l'IE conduiront à un vrai dialogue entre les parties.

341. Au vu des allégations présentées dans le paragraphe précédent, le comité rappelle au gouvernement l'importance qui s'attache au droit à l'inviolabilité des locaux syndicaux et au droit à la protection des biens syndicaux contre une intervention des autorités publiques. [Voir Résolution concernant les droits syndicaux et leur relation aux libertés civiles, Conférence internationale du Travail, 1970; voir également Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 174 et suiv.] Le comité rappelle également que le gel d'avoirs bancaires syndicaux peut constituer une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 439.]

342. Les allégations portent également sur diverses mesures répressives qui auraient été prises à l'encontre des membres et des dirigeants de l'ETA (meurtre, arrestation, détention, harcèlement, licenciement, mutation, etc.). Ces allégations ont un lien étroit avec celles citées ci-dessus dans la mesure où elles font état de mesures gouvernementales répressives à l'encontre de l'ETA. Le comité rappelle que les droits des organisations de travailleurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 47.]

343. Le comité note que le gouvernement a limité ses réponses à quelques déclarations concernant l'arrestation et la détention du Dr Woldesmiate. Il note également avec un profond regret que le gouvernement n'a fait aucun commentaire précis sur aucune des autres allégations formulées par les plaignants. Etant donné la gravité des plaintes, le comité prie instamment le gouvernement de fournir d'urgence ses informations sur les personnes, énumérées à l'annexe 1, qui auraient été licenciées, et sur celles, énumérées à l'annexe 2, qui auraient été détenues, ainsi que ses informations sur les violences exercées sur M. Ato Abate Angore et son arrestation, et sur le harcèlement qu'auraient subi le Dr Woldesmiate et sa famille. Il demande également davantage de précisions sur les arrestations et la détention du Dr Woldesmiate, en particulier les dates des arrestations, la date à laquelle il a été inculpé et les faits sur lesquels reposent les arrestations et les inculpations.

344. Etant donné la gravité des allégations concernant l'arrestation et la détention de dirigeants et membres syndicaux, le comité souhaite insister sur le fait que l'arrestation et la détention de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, peuvent constituer une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux si une telle mesure ne s'accompagne pas de garanties judiciaires appropriées pour le détenu, comme d'être informé au moment de l'arrestation des raisons de cette dernière, de recevoir notification, dans le plus court délai, de l'accusation portée contre lui et d'être déféré sans délai devant le juge compétent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 84, 93 à 95.] Il rappelle également que l'arrestation de syndicalistes peut créer un climat d'intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 76.] Compte tenu du temps que le Dr Woldesmiate a passé en détention, le comité prie instamment le gouvernement d'assurer qu'il passe en jugement sans délai ou qu'il soit libéré.

345. Pour ce qui est du licenciement de dirigeants et membres syndicaux, le comité rappelle que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales létigimes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 690.] Etant donné que tous les dirigeants de l'ETA ont été licenciés, le comité ne peut que conclure qu'ils ont été sanctionnés pour leurs activités syndicales et qu'ils ont fait l'objet d'une discrimination. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que ces travailleurs soient réintégrés dans leur emploi s'ils le souhaitent et qu'ils reçoivent des dommages et intérêts en compensation de leurs salaires perdus.

346. S'agissant de la mort de M. Assefa Maru, le secrétaire adjoint de l'ETA chargé de la coopération et membre du comité exécutif, le comité demande très instamment au gouvernement de faire diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante pour déterminer les faits, établir les responsabilités et punir les auteurs de ces actes s'ils sont avérés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue de cette enquête.

Recommandations du comité

347. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité rappelle que le droit des organisations de travailleurs ne peut s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre les dirigeants et des membres de ces organisations, et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe.

b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir d'urgence ses informations sur: i) les allégations concernant l'ingérence dans l'administration et le fonctionnement de l'ETA; ii) la décision de la Cour d'Ethiopie concernant la direction de l'ETA et son intention de se plier à cette décision; iii) les personnes, énumérées à l'annexe 1, qui auraient été licenciées; iv) les personnes, énumérées à l'annexe 2, qui seraient détenues; v) l'allégation concernant les violences exercées sur M. Ato Abate Angore et son arrestation; vi) les arrestations et la détention du Dr Woldesmiate, y compris les dates des arrestations, la date à laquelle il a été inculpé et les faits sur lesquels reposent les arrestations et les inculpations.

c) Compte tenu du temps que le Dr Woldesmiate a passé en détention, le comité prie instamment le gouvernement d'assurer qu'il passe en jugement sans délai ou qu'il soit libéré.

d) Le comité demande au gouvernement de contribuer à ce que la procédure en appel soit examinée rapidement, et en attendant de reconnaître l'ETA conformément à la décision de la Cour de première instance de le tenir informé du déroulement de la procédure et de transmettre une copie de la décision de justice dès qu'elle sera rendue.

e) Le comité demande également au gouvernement d'entrer en consultation avec l'ETA à propos du système d'évaluation des enseignants et de s'assurer qu'il ne soit pas utilisé comme un prétexte à des actions antisyndicales et il exprime l'espoir qu'un vrai dialogue entre les parties sera établi.

f) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les dirigeants de l'ETA soient réintégrés dans leur emploi s'ils le souhaitent et qu'ils reçoivent des dommages et intérêts en compensation de leurs salaires perdus.

g) Le comité demande très instamment au gouvernement de faire diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante au sujet de la mort de M. Assefa Maru et de le tenir informé de l'issue de cette enquête.


 Annexe 1

Membres de l'ETA qui auraient été licenciés:
 

Mulugheta W/Quirqos
Ketema Belachew
Mesfin Mengistu
Ayke Asfaw
Yohanns Tola
Alemayehu Melake
Abeta Anghure
Sira Bizu
Eyassu Albezo
Eshato Denege
Tesegaye Hunde
Taye W/Semayat
Ghemoraw Kasa
Shimellis Zewde
Adinew Ghetanhun
Aweqe Mulugheta
Aseffa Maru
Abate Anghure
Ghebeyaw Niguse

Ghetachew Feysia
Asrat Woldeyes
Taye Mekuria
Alemayehu Tefera
Alemayehu Haile
Worku Tefera
Mekonnen Bishaw
Befekadu Degifie
Ayele Terfie
Alemayehu Haile
Tsehay B. Sellassie
Assefaw Desta
Messay Kebede
Taddese Beyene
Seifu Metaferia
Tesfaye Shewaye
Negatu Tesfaye
Hailu Araya
Admassu Wassie

Sebhat M/Hazen
Mekonnen Dilgassa
Solomon Terfa
Tamiru Hawando
Fesseha Zewdie
Dawit Zewdie
Ayele Tarekegn
Fekade Shewakena
Aklilu Taddese
Aynalem Ashebir
Berhanu Bankashie
Lealem Berhanu
Huluanten Abate
Mekuria Asffa
Feleke Desta
Solomon Wondwossen
Shiferaw Agonafir
Zerihun Teshome
Mendaralew Zewdie
Meskerem Abebe

Membres du comité exécutif et responsables régionaux de l'ETA
qui auraient été licenciés:

Dr Taye Woldesmiate, président de l'ETA depuis avril 1993
M. Abate Angorie, responsable des affaires syndicales depuis janvier 1993, Addis-Abeba, mars 1993
M. Gemoraw Kassa, secrétaire général de l'ETA, depuis juillet 1993, Addis-Abeba
M. Shimelis Zawdie, secrétaire général adjoint de l'ETA, depuis juillet 1993, Addis-Abeba
M. Adinew Getahun, responsable de l'administration et des finances, depuis juillet 1993, Addis-Abeba
M. Awoke Mulugeta, responsable des affaires humanitaires et des fournitures, depuis juillet 1993, Addis-Abeba
M. Asefa Maru, responsable des coopératives, depuis juillet 1993, Addis-Abeba
M. Mulatu Mekonnen, responsable du Département des arts et de la recherche, depuis juillet 1993, Addis-Abeba (a récemment été réintégré dans ses fonctions
M. Muhammed Umer, Wollo du Sud, février 1994
M. Fekadu Negash, Gonder du Sud, juin 1994
M. Alula Abegaz, Wollo du Nord, septembre 1994


Annexe 2

Membres de l'ETA qui auraient été détenus plusieurs fois:
en raison de leur participation à des activités syndicales
au sein de l'ETA:

Ato Gennene H/Silasie
Ato Moges Taddese
Ato Ashenafi Legebo
Ato Mohammed Ussien
Ato Yibellae
Ato Endalkachew Molla
Ato Mohamed Umer
Ato Mekonnen Dawud
Ato Wogayehu Tessema
Ato Wollee Ahmed
Ato Yimam Ahmed
Ato Sollomon H/Silsie
Ato Sisay Mitiku
Ato Limenih Nienie
Ato Nikodmos Aramdie
Ato Ambachew W/Tsadik
Ato Demeke Seifu
Ato Wondimu Bekele
Ato Zewdu Teshome
Ato Girma Tolossa
Ato Gemoraw Kassa
Ato Adinew Getahun
Ato Shimelis Zewdie
Ato Getachew Feyisa
Ato Gebeyaw Nigusie
Ato Assefa Maru
Ato Getinet Asnake
Ato Befikadu Firdie
Ato Baye Abera
Ato Desta Titto
Ato Woreyelew Demissie
Ato Dessie Keffele
Ato Tarekegn Terefe
Ato G/Hiywot Gebru
Ato Fekade Nidda
Ato Mulugeta W/Kiros
Ato Mohamed Seid
Ato Wondafrash Millon
Ato Melessie Taye
Ato Ali Mengesha
Ato Getaneh Abebe
Ato Merkebu Taddesie
Ato Mudisu Yasin

Ato Bekele Abay
Ato Hailu Derso
Ato Ketema Belachew
Ato Mesfin Mengistu
Ato Alemayehu Melake
Ato Yohannes Tolla
Ato Aykie Asfaw
Ato Alemu W/Silasie
Ato Fikru Melka
Ato Workneh Dinssa
Ato Assefa Geleta
Ato Kebede Aga
Ato Wubie Zewdie
Ato Asfaw Tessema
Ato Abate Angorie
Ato Eshetu Deneke
Ato Bekele Mengistu
Ato Kinfie Abate
Ato Tomas Egzikuret
Ato Sollmon Girma
Ato Fereja Feleke
Ato Demissie Tesfaye Haile
Ato Gizachew Balcha
W/t S/Wongel Belachew
Ato Yigzaw Mekonnen
Ato Fekadu Negash
Ato Tesfaye Daba
Ato Diana Kefeni
Ato Berrecha Kumssa
W/ro W/Yesus Mengesha
Ato Tamirat Daba
Ato Futa Sori
Ato Legesse Lechissa
Ato Admasu W/Yesus
Ato Abbie Dessalegn
Ato Shukie Dessalegn
W/ro Tewabech H/Michael
Dr Taye W/Semiat
Ato Alemu Desta Ketema

 

 


 Cas no 1908
Rapport où le comité demande
a être tenu informé de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de l'Ethiopie
présentée par
-- la Fédération internationale des employés, techniciens
et cadres (FIET) et
-- la Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU)

Allégations: occupation de locaux syndicaux, voies de fait sur un syndicaliste
et destitution forcée de dirigeants syndicaux élus

348. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à sa session de mars 1997 où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 306e rapport, paragr. 439 à 461, approuvé par le Conseil d'administration à sa 268e session (mars 1997).]

349. Le gouvernement a fourni de nouvelles observations sur ce cas dans une communication du 29 août 1997.

350. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

351. La Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (FIET) avait présenté des allégations selon lesquelles des membres du Front populaire démocratique révolutionnaire de l'Ethiopie (EPRDF) au pouvoir, appuyés par des forces de sécurité et de police, avaient occupé les locaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP), affiliée à la FIET. La FIET soutenait en outre que, depuis 1994, le Front populaire était parvenu à transformer sept des neuf fédérations affiliées à la Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU) en organisations progouvernementales et qu'il tentait de réduire au silence les deux seules fédérations indépendantes restantes, y compris la FCTP.

352. La Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU) avait allégué en outre que le trésorier de la FCTP avait été l'objet d'une agression physique de membres du Front populaire et que les dirigeants syndicaux élus de la FCTP avaient été destitués par la force. Enfin, selon la CETU, les comités exécutifs et de contrôle de huit fédérations progouvernementales avaient décidé le 4 janvier 1997, en collusion avec le gouvernement, de réorganiser la CETU et d'établir un comité de coordination pour gérer son patrimoine. La CETU avait souligné qu'elle avait fait appel devant la chambre sociale de la Haute Cour fédérale de l'annulation de son enregistrement par le ministère du Travail et que le cas était en instance devant la Haute Cour qui n'avait pas encore rendu son jugement définitif.

353. Dans sa réponse, le gouvernement avait indiqué que ni le Front démocratique ni les forces de sécurité et de police n'avaient occupé les locaux de la FCTP. La vérité était que, le 22 octobre 1996, le bureau exécutif de la FCTP avait demandé au ministère du Travail et des Affaires sociales de fournir des cartes d'identité aux dirigeants syndicaux récemment élus en remplacement de ceux qui avaient quitté la fédération pour des raisons personnelles. De ce fait, et conformément à cette requête, le ministère qui est un organe gouvernemental chargé de l'enregistrement et de l'homologation des organisations syndicales et de leurs dirigeants avait délivré les cartes d'identité en question après avoir examiné les documents pertinents. De plus, la délivrance des cartes d'identité à des dirigeants syndicaux nouvellement élus n'était pas un fait exceptionnel puisque les dirigeants des huit autres fédérations disposaient également de cartes d'identité qui leur avaient été fournies de la même manière par le ministère. Le gouvernement avait réaffirmé son engagement en faveur du libre exercice des droits syndicaux, conformément aux conventions relatives à la liberté syndicale.

354. A sa session de mars 1997, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes:

B. Réponse du gouvernement

355. Dans une nouvelle communication du 29 août 1997, le gouvernement indique que la CETU a connu de nombreux problèmes peu de temps après sa création. Depuis lors, la plupart des fédérations de branche qui constituent la CETU se sont efforcées de combler les différences qui les séparent grâce à la négociation. De plus, bien que le gouvernement n'ait aucune intention d'intervenir dans les affaires internes des syndicats, le ministère du Travail et des Affaires sociales a néanmoins proposé son appui pour régler les problèmes de la confédération dans le calme. La direction de la CETU n'est toutefois pas parvenue à mettre un terme à ces conflits. Au contraire, elle a plutôt eu tendance à créer des conflits et divisions entre les fédérations et leurs travailleurs. Enfin, huit des neuf fédérations ont fusionné et sont parvenues à un accord le 3 janvier 1997 en vue de réorganiser la confédération grâce à la création d'un comité de coordination. Après trois mois d'efforts sans relâche, le comité de coordination a convoqué le huitième congrès général de la CETU du  22 au 24 avril 1997 à Addis-Abeba et a réorganisé la confédération.

356. S'agissant de l'allégation d'occupation des locaux de la FCTP, le gouvernement indique que si de tels actes avaient eu lieu les tribunaux auraient pu être saisis. Or aucun cas de ce type n'est actuellement en instance. De plus, le gouvernement souligne que la FCTP est l'une des huit fédérations qui constituent aujourd'hui la CETU nouvellement réorganisée et qu'elle entretient de bonnes relations de travail avec le ministère du Travail et des Affaires sociales.

357. Le gouvernement souligne en outre que la confédération nouvellement établie a été enregistrée et homologuée par le ministère qui lui a conféré la personnalité juridique et qu'elle est entrée immédiatement en fonction. Les locaux ont été ouverts dès le 12 mai 1997 et elle a pu commencer à administrer son patrimoine. Le gouvernement ajoute que le recours intenté par l'ancien président de la CETU devant la chambre sociale de la Haute Cour fédérale en annulation de l'enregistrement de l'ancienne CETU a été rejeté par la Cour le 24 avril 1997. De ce fait, les mesures prises par le ministère du Travail et des Affaires sociales sont légales. Enfin, le gouvernement réaffirme son engagement en faveur du libre exercice des droits syndicaux.

C. Conclusions du comité

358. Le comité note que le présent cas porte sur l'occupation par la force des locaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP), affiliée à la FIET, par six membres du Front populaire démocratique révolutionnaire de l'Ethiopie (EPRDF) au pouvoir, appuyés par des forces de sécurité et de police. Ces allégations font également état de voies de fait sur la personne du trésorier de la FCTP, ainsi que de la destitution forcée de dirigeants syndicaux élus de la même fédération. Les allégations se réfèrent enfin aux tentatives de huit fédérations progouvernementales, en collusion avec les autorités, de réorganiser la CETU et d'administrer son patrimoine.

359. En ce qui concerne les allégations d'attaques contre les locaux de la FCTP et d'occupation de ces locaux par six membres du Front démocratique, ainsi que de voies de fait ultérieures sur la personne du trésorier de la FCTP, le gouvernement avait nié catégoriquement qu'un tel assaut ait eu lieu au cours de l'examen antérieur de ce cas. [Voir 306e rapport, paragr. 453.] Le comité note que le gouvernement indique maintenant que, si de tels actes avaient véritablement eu lieu, les personnes concernées auraient pu saisir les tribunaux. Le gouvernement fait remarquer que les tribunaux n'ont été saisis d'aucun cas de ce type. Or, au cours de l'examen antérieur du cas, le comité avait noté que cet incident avait été signalé à la police. [Voir 306e rapport, paragr. 458.] De plus, le comité avait demandé au gouvernement de garantir qu'une enquête indépendante soit menée sans tarder sur les incidents précités. Notant avec un profond regret que ceci n'a pas été fait, le comité attire à nouveau l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les attaques menées contre des locaux syndicaux et les menaces exercées contre des syndicalistes créent un climat de crainte parmi les syndicalistes très préjudiciable à l'exercice des activités syndicales, et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 179.] Le comité invite donc instamment le gouvernement à garantir qu'une enquête indépendante soit menée sans tarder concernant l'allégation d'attaques contre les locaux de la FCTP et de voies de fait sur la personne du trésorier de la FCTP le 4 novembre 1996 afin d'identifier et de sanctionner les coupables. Il demande en outre au gouvernement de le tenir au courant du résultat de cette enquête.

360. Concernant l'allégation selon laquelle les dirigeants syndicaux élus de la FCTP auraient été destitués et remplacés par des personnes recrutées par le gouvernement, le comité, au cours de son examen antérieur de ce cas, a demandé aux autorités d'organiser une enquête judiciaire indépendante. Le comité note avec regret que le gouvernement n'a organisé aucune enquête de ce type et n'a pas non plus fourni d'informations sur cette allégation indépendamment du fait qu'il a indiqué qu'il entretenait des bonnes relations de travail avec la nouvelle direction de la FCTP dans le cadre de la CETU nouvellement réorganisée. En conséquence, le comité souhaite à nouveau rappeler le principe selon lequel la désignation par les autorités publiques de membres des comités exécutifs des syndicats constitue une intervention directe dans les affaires intérieures des syndicats et n'est pas conforme à la convention no 87. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 396.] Compte tenu des doutes qui entourent la régularité des procédures suivies pour la nomination des nouveaux dirigeants de la FCTP et du principe selon lequel les cas de contestation des résultats des élections syndicales doivent relever des autorités judiciaires, qui devraient garantir une procédure impartiale, objective et rapide [voir Recueil, op. cit., paragr. 405], le comité demande au gouvernement de faire procéder à une enquête judiciaire indépendante sur ces allégations et de le tenir informé à cet égard.

361. Enfin, en ce qui concerne les allégations concernant les tentatives de huit fédérations progouvernementales de réorganiser la CETU et d'administrer son patrimoine, le comité note que le gouvernement a indiqué dans sa réponse qu'à la suite de graves conflits internes et de divisions entre les fédérations anciennement regroupées au sein de CETU huit des neuf fédérations d'industrie avaient décidé de réorganiser la CETU en formant un comité de coordination le 3 janvier 1997. Ce comité de coordination a réorganisé la CETU lors du huitième Congrès général tenu à Addis-Abeba du 22 au 24 avril 1997. Le gouvernement ajoute que la confédération nouvellement réorganisée a été enregistrée et homologuée par le ministère qui lui a conféré la personnalité juridique et qu'elle a commencé à gérer son patrimoine à dater du 12 mai 1997. Enfin, le gouvernement signale que l'appel de l'ancien président de la CETU auprès de la chambre sociale de la Haute Cour fédérale à propos de l'annulation par le ministère de l'enregistrement de l'ancienne CETU a été rejeté par le tribunal le 24 avril 1997. De ce fait, les actions des huit fédérations visant à rétablir la CETU et à gérer son patrimoine n'étaient pas illégales comme l'avançaient les plaignants. Tout en notant que la Haute Cour fédérale a confirmé la décision du ministère du Travail et des Affaires sociales d'annuler l'enregistrement de l'ancienne CETU, le comité regrette qu'une décision ait été d'abord prise par les autorités administratives. Afin de disposer d'informations précises sur les raisons pour lesquelles l'enregistrement de l'ancienne CETU a été annulé, le comité demande au gouvernement d'envoyer un exemplaire de la décision de la Haute Cour fédérale sur cette question.

Recommandations du comité

362. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité prie le gouvernement de garantir qu'une enquête indépendante soit menée sans tarder sur les questions ci-après: i) allégation d'attaques contre les locaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP) et d'occupation ultérieure de ces locaux le 4 novembre 1996; et ii) allégation de voies de fait sur M. Mulatu Gurmu, trésorier de la FCTP, le même jour, afin d'identifier et de sanctionner les coupables. Il demande en outre au gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête.

b) Le comité prie le gouvernement de faire procéder à une enquête judiciaire indépendante portant sur l'allégation de procédures irrégulières de nomination des nouveaux dirigeants de la FCTP. Il demande à nouveau au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.

c) Le comité demande au gouvernement d'envoyer un exemplaire de la décision de la Haute Cour fédérale confirmant l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU) par le ministère du Travail et des Affaires sociales.


Cas nos 1512, 1539 et 1876
Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement du Guatemala
présentées par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
-- la Confédération mondiale des organisations
de la profession enseignante (CMOPE)
-- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)
-- l'Union syndicale des travailleurs du Guatemala (UNSITRAGUA)
-- la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG)
-- la Confédération mondiale du travail (CMT) et
-- l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation,
de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac
et des branches connexes (UITA)

Allégations: morts, disparitions et actes de discrimination antisyndicale

363. Le comité a examiné ces cas et formulé ses conclusions intérimaires à plusieurs reprises, la dernière à sa réunion de juin 1997. [Voir 307e rapport, paragr. 273 à 293, approuvé par le Conseil d'administration à sa 269e session (juin 1997).] Il a examiné le cas no 1876 et formulé ses conclusions intérimaires à deux reprises, la dernière à sa réunion de juin 1997. [Voir 307e rapport, paragr. 302 à 316, approuvé par le Conseil d'administration à sa 269e session (juin 1997).]

364. Par la suite, dans le cadre du cas no 1876, la CISL a fait parvenir un complément d'informations par communication du 18 juillet 1997.

365. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations par communications des 10 juin et 10 et 12 septembre 1997.

366. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur des cas

367. En ce qui concerne les cas nos 1512 et 1539, examinés à sa réunion de juin 1997, le comité a formulé, à propos des allégations en instance, les recommandations suivantes:

Cette annexe est reproduite ci-après:

Meurtres de syndicalistes

Disparitions, enlèvements, agressions
et emprisonnements de syndicalistes

368. En ce qui concerne le cas no 1876, le comité a formulé, à sa réunion de juin 1997, les recommandations ci-après concernant les allégations en instance [voir 307e rapport, paragr. 316]:

B. Informations complémentaires de la CISL

369. Dans sa communication du 18 juillet 1997, la CISL dénonce la décision de licenciement prise par l'entreprise portuaire «Quetzal» à l'encontre de MM. Juan José Morales Moscoso et Everildo Revolorio Torres, respectivement secrétaire général et secrétaire aux questions de conflits du Syndicat unique des travailleurs de cette entreprise et membres, l'un et l'autre, du comité exécutif de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG).

370. Dans le cas de M. Revolorio Torres, aucune explication valable n'a été donnée, si ce n'est que cette mesure résultait de la réorganisation administrative de l'entreprise. Malgré les démarches accomplies, l'inefficacité des tribunaux du travail a rendu la réintégration, à laquelle l'intéressé avait droit, impossible à obtenir. Cette affaire a été évoquée auprès du ministère du Travail, qui s'est montré désireux de voir ce problème réglé conformément au droit. Ce point de vue semble néanmoins avoir été ignoré par l'administrateur de l'entreprise.

371. Le cas de M. Morales Moscoso est beaucoup plus grave, puisque celui-ci a été accusé au pénal de non-accomplissement de ses devoirs et d'abandon de son poste par le fait de sa participation au XIVe Congrès continental de l'Organisation régionale interaméricaine des travailleurs de la CISL en tant que délégué officiel de la Confédération de l'unité syndicale du Guatemala (CUSG). Selon l'administrateur de l'entreprise, ce syndicaliste aurait assisté à cette manifestation sans aucune autorisation, ce qui est totalement faux puisque l'intéressé s'était entretenu personnellement avec ce fonctionnaire. La CUSG avait en outre envoyé à l'entreprise une lettre concernant la participation de M. Morales Moscoso au congrès.

372. Selon la CISL, des situations analogues se sont présentées au Syndicat de l'Institut national de l'électrification (STINDE), où des dirigeants syndicaux en exercice ou d'anciens dirigeants ont été licenciés sous prétexte que la convention collective sur les conditions de travail ne leur était plus applicable. Dans les deux cas, les deux entreprises se trouveraient assignées en justice, de sorte qu'elles ne pouvaient pas licencier de travailleurs sans autorisation préalable du juge; qui plus est, la loi interdit le licenciement de dirigeants syndicaux.

373. Selon la CISL, le directeur administratif de l'entreprise portuaire exerce des pressions à l'encontre de M. Morales Moscoso en l'incitant à renoncer à son emploi en échange d'un retrait de plainte pénale, manœuvre qui tend à affaiblir l'organisation syndicale et qui est contraire au droit.

C. Réponse du gouvernement

374. Dans ses communications des 10 juin et 10 et 12 septembre 1997, le gouvernement déclare qu'un accord de paix ferme et durable a été signé fin 1996 en prenant à témoin la communauté internationale, que cet accord a mis fin à de nombreuses années d'affrontements armés internes et a ouvert la voie de construction d'un Guatemala nouveau, dans laquelle tous les espoirs sont placés et qui devra se traduire par une consolidation des institutions nationales et la mise en place de formes nouvelles et meilleures de cohabitation. Dans ce cadre, les relations du travail, le respect des normes du travail et la pleine garantie des libertés syndicales revêtent une signification de la plus haute importance. Malgré tout, la lumière doit être faite sur cette période vécue par les Guatémaltèques, et le gouvernement confirme sa décision de poursuivre les investigations et d'enquêter ainsi sur les actes de violence ayant pu être commis contre des travailleurs ou des dirigeants syndicaux en mettant en œuvre toutes les procédures qui seront nécessaires. Le gouvernement affirme avec énergie que la répression, le terrorisme d'Etat, la persécution de dirigeants sociaux et syndicaux et tous les autres types d'actions contraires à la démocratie qui ont été la plaie du pays n'ont désormais plus cours.

375. Le gouvernement déclare qu'il souhaiterait cependant que les organisations syndicales ayant présenté des plaintes coopèrent plus activement à la clarification des faits. Souvent, les victimes n'ont pas signalé les faits aux autorités ou, lorsqu'elles l'ont fait, au dire des autorités judiciaires, elles ou les organisations syndicales ne se présentent pas pour les besoins de l'enquête ou se montrent très peu coopératives et empêchent ainsi que les procédures s'engagent ou progressent comme il serait souhaitable. Le gouvernement rappelle à cet égard qu'il est naturellement difficile d'enquêter sur des affaires survenues sous le mandat d'administrations antérieures et que le temps écoulé complique encore la tâche.

376. Le gouvernement déclare au comité que, soucieux de n'écarter aucun moyen permettant d'enquêter rapidement et avec exactitude sur le passé, il a prié la Commission d'enquête historique de faire la lumière sur les cas en instance devant le comité. Il rappelle incidemment que cette commission a été créée par les accords de paix, et qu'elle bénéficie du soutien économique et institutionnel de la communauté internationale et de l'aval de l'Organisation des Nations Unies. Il déclare enfin que sa volonté politique de faire la lumière sur les faits allégués dans le cadre des cas dont le comité est saisi n'est pas à mettre en doute et souhaite que ces cas puissent être clos.

377. Les dispositions de l'accord de paix qui concernent la Commission d'enquête historique (sur les violations des droits de l'homme et autres actes de violence) sont, notamment, les suivantes:

378. En ce qui concerne le cas no 1876, le gouvernement déclare que les dirigeants syndicaux Jorge Galindo, Danilo Aguilar, Félix Hernández et Juan Francisco Alfaro Mijangos n'ont pas porté plainte auprès des autorités pour les faits allégués dans la plainte dont le Comité de la liberté syndicale est saisi et que toutes ces personnes exercent normalement leurs activités syndicales (le gouvernement joint une documentation à l'appui).

379. En ce qui concerne les syndicalistes Eswin Rocael Riz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León, le substitut du procureur d'Amaritlán a demandé au juge ayant juridiction l'ouverture d'une procédure. Par ailleurs, une commission spéciale du ministère du Travail assure le suivi de ce cas. Pour ce qui est de la demande formulée par le Comité de la liberté syndicale et tendant à ce que des enquêtes soient ouvertes sur l'enlèvement de M. Edwin Rolando Yoc Acajabon (fils d'un dirigeant syndical), le père de l'intéressé a déclaré que, depuis le 21 février 1996, ni son fils ni lui-même, ni sa famille n'ont fait l'objet de persécutions et qu'il se réserve le droit d'examiner avec sa famille l'opportunité de porter formellement plainte devant les autorités compétentes.

380. Le gouvernement ajoute que, profondément préoccupé, il s'attache à faire la lumière sur les allégations d'enlèvements et de menaces concernant les syndicalistes suivants: Félix Hernández, Jorge Galindo, Danilo Aguilar, Débora Guzmán, Vilma Cristina González, Víctor Hugo Durán, Eswin Rocael Ruiz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García, Belarnino González de León, Juan Francisco Alfaro Mijangos et Edwin Rolando Yoc. Il précise cependant que, s'étant adressé par lettre aux organisations syndicales concernées pour leur demander un rapport à ce sujet, ses demandes sont restées sans réponse (il joint copie des communications adressées).

381. Le gouvernement signale par ailleurs que MM. Hernández, Galindo et Aguilar seraient des syndicalistes notoirement suspects d'avoir commis les mêmes actes que ceux dont la plainte fait l'objet à l'encontre de dirigeants d'une fédération syndicale dont l'antagonisme constant avec celle qu'ils dirigent est bien connu (une coupure de presse est jointe à l'appui de ces dires). Les affrontements intersyndicaux constamment entretenus par MM. Hernández, Galindo et Aguilar incitent à écarter l'idée que les menaces et intimidations dont ces personnes déclarent à l'OIT avoir fait l'objet, si tant est qu'elles soient réelles, constituent effectivement des actes de discrimination ou de représailles antisyndicales. Le gouvernement déclare en outre que MM. Jorge Galindo et Danilo Aguilar, en raison de leurs liens avec les organisations syndicales qu'ils dirigent, ont des contacts personnels, de caractère permanent, et presque quotidiens, avec les autorités du ministère et qu'à aucun moment il n'a été fait état des menaces de mort dont l'OIT a été saisie. De plus, ces personnes ont participé au cours de cette année à diverses manifestations organisées à l'initiative des principales centrales syndicales du pays.

382. Dans le cas de M. Víctor Hugo Durán, le gouvernement déclare qu'il apparaît tout à fait invraisemblable que l'attentat dont il aurait fait l'objet, si tant est qu'il se soit réellement produit, résulte d'un acte délibéré de répression ou de discrimination antisyndicale. Ce dirigeant entretient des relations empreintes d'une cordialité spéciale avec les autorités dont il relève dans l'exercice de ses fonctions (le gouvernement communique des éléments tendant à démontrer que M. Durán participe à la vie publique de manière tout à fait normale). Il est de notoriété publique que M. Durán exerce en toute liberté les fonctions de secrétaire général du Syndicat du 22 février et qu'il est actionnaire de la Empresa de Telecomunicaciones de Guatemala SA, de création récente.

383. Le gouvernement fait ressortir qu'aucune personne menacée de mort ne peut exercer son activité quotidienne avec une facilité et une liberté comparables à celles dont jouissent MM. Alfaro Mijangos, Félix Hernández, Jorge Galindo, Danilo Aguilar et Víctor Hugo Durán, ce qui conduit à penser que, si les menaces et l'attentat ont eu une substance réelle, il s'est agi de faits isolés ou d'affaires n'ayant pas de rapport avec l'activité syndicale de ces dirigeants. En ce qui concerne Débora Guzmán, Vilma Cristina González, Eswin Rocael Ruiz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León, leur cas est à replacer dans un ensemble de circonstances comparables à celles décrites aux paragraphes qui précèdent.

384. Le gouvernement déclare que tous les éléments évoqués exigent une visite urgente de l'Organisation internationale du Travail en vue de constater par ses propres moyens la réalité des faits afin que le cas no 1876 puisse être clos dans les meilleurs délais. Pour cette raison, il demande qu'une commission technique régionale se rende sur place pour constater la réalité des faits et recommander à cette organisation les mesures les plus adéquates, en réponse à la totalité des allégations sur lesquelles reposent ce cas et les autres.

385. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des membres de l'UITA auraient fait l'objet d'une surveillance de la part d'inconnus en 1993, un représentant gouvernemental s'est rendu en personne au siège de cette organisation pour demander sa collaboration et obtenir des informations.

386. En ce qui concerne les allégations de discrimination antisyndicale, le gouvernement déclare que: 1) le syndicat de l'entreprise Corporación Textil Internacional n'a pas déposé de plainte auprès des autorités compétentes et que la stabilité dans l'emploi des travailleurs de l'exploitation agricole El Salto fait actuellement l'objet d'un examen de la part des tribunaux du travail; 2) les inspecteurs du travail n'ont pu établir que les licenciements intervenus dans l'entreprise «Embotelladora Mariposa SA» ont revêtu une forme injustifiée ou ont eu le caractère de représailles (l'entreprise n'est pas disposée à payer effectivement les prestations dues aux travailleurs en question), de sorte que le ministère du Travail a demandé, en août 1997, la médiation de la Commission tripartite des questions internationales du travail dans cette affaire; et 3) les autorités ont approuvé les statuts du Syndicat des travailleurs municipaux de Cebaú.

387. En ce qui concerne les allégations concernant l'exploitation agricole Las Delicias, situation à propos de laquelle la partie syndicale demande la réintégration des travailleurs licenciés, le gouvernement déclare qu'il ne s'agit pas de travailleurs fixes, mais de travailleurs saisonniers qui, pour la plupart, exercent aujourd'hui une autre activité professionnelle et que, dans cette affaire, les autorités compétentes ont débouté les travailleurs. Néanmoins, les parties continuent actuellement de négocier et sont convenues que la liquidation sera établie par les inspecteurs du travail et acceptée sans réclamation moyennant le paiement des prestations légales.

D. Conclusions du comité

388. Le comité prend note avec satisfaction des accords de paix, et tout particulièrement de l'accord de cessez-le-feu définitif (du 4 décembre 1996), de l'accord général sur les droits de l'homme et de l'accord sur les aspects socio-économiques et la situation agraire, qui consacre les principes de libre association, du dialogue social, de la négociation et de la concertation. Le comité exprime l'espoir que ces accords inaugureront une nouvelle étape des relations professionnelles.

Allégations antérieures aux accords de paix

389. En ce qui concerne les actes de violence commis contre des syndicalistes entre 1990 et 1994 évoqués dans le cadre des cas nos 1512 et 1539, le comité prend note des déclarations du gouvernement et, en particulier, de sa volonté de faire la lumière sur ces actes malgré l'absence de plaintes auprès des autorités et la faible coopération des organisations syndicales et des victimes elles-mêmes. Le comité constate à cet égard que les organisations plaignantes ne lui ont pas fait parvenir les informations qu'il leur avait demandées. Il note avec intérêt que le gouvernement a demandé à la Commission d'enquête historique (sur les violations des droits de l'homme et les actes de violence) de faire la lumière sur les cas en instance devant le comité. Il constate enfin que la commission présente une composition impartiale et que les Nations Unies sont chargées de la vérification internationale de l'accord de paix institué par cette commission. Il prie le gouvernement de le tenir informé périodiquement des progrès accomplis par la Commission d'enquête historique au sujet des allégations en instance.

390. Le comité prie également le gouvernement de le tenir informé des enquêtes portant sur la surveillance dont le local de l'UITA aurait fait l'objet, de la part d'inconnus, le 23 août 1993. En ce qui concerne le cas no 1876, le comité prend note de la demande d'ouverture d'une procédure judiciaire sur l'emprisonnement des syndicalistes Eswin Rocael Ruiz Zacarías, Edwin Tulio Enríquez García et Belarnino González de León; il note également que la famille de Edwin Rolando Yoc (enlevé puis libéré ultérieurement) se réserve la possibilité de porter formellement plainte. Le comité note que les dirigeants syndicaux Jorge Galindo, Danilo Aguilar, Félix Hernández et Juan Francisco Alfaro Mijangos n'ont pas porté plainte pour les menaces de mort dont ils auraient fait l'objet et exercent normalement leur activité syndicale, de même que le dirigeant syndical Víctor Durán. Il constate qu'en ce qui concerne les dirigeants syndicaux Débora Guzmán et Vilma Cristina González le gouvernement se borne à émettre des hypothèses. Dans ces conditions, réitérant sa précédente recommandation, le comité demande à être tenu informé des enquêtes ouvertes sur les menaces ou actes d'agression dont les dirigeants syndicaux précités auraient fait l'objet et suggère au gouvernement d'informer tous les dirigeants syndicaux qui ne l'ont pas fait de la possibilité de porter officiellement plainte, s'ils le désirent, devant les autorités compétentes.

391. Le comité note également que le gouvernement demande la création d'une commission technique régionale chargée d'enquêter sur les cas d'actes de violence contre des syndicalistes. Il exprime l'espoir que ladite commission technique régionale sera, à bref délai, en mesure de se rendre dans le pays pour accélérer l'éclaircissement des allégations en instance.

Allégations récentes

392. En ce qui concerne les allégations d'actes de discrimination, le comité prend note des déclarations du gouvernement concernant le cours des procédures judiciaires, administratives ou de médiation portant sur l'entreprise Corporación Textil Internacional, l'exploitation agricole El Salto, l'entreprise «Embotelladora Mariposa SA» ainsi que l'exploitation agricole Las Delicias. Le comité souligne combien il importe de remédier à tous les actes de discrimination antisyndicale et prie le gouvernement de le tenir informé du cours de ces procédures. Il prie également le gouvernement de lui fournir des informations sur le cours de la procédure judiciaire concernant le licenciement de plusieurs dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'hôpital San Juan de Dios.

393. Enfin, le comité prie le gouvernement de lui communiquer ses observations en réponse aux informations complémentaires envoyées par la CISL le 18 juillet 1997.

Recommandations du comité

394. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité prend note avec satisfaction des accords de paix, et tout particulièrement de l'accord de cessez-le feu définitif (du 4 décembre 1996), de l'accord général sur les droits de l'homme et de l'accord sur les aspects socio-économiques et la situation agraire, qui consacre les principes de libre association, du dialogue social, de la négociation et de la concertation. Le comité exprime l'espoir que ces accords inaugureront une nouvelle étape des relations professionnelles.

Allégations antérieures aux accords de paix

b) En ce qui concerne les cas nos 1512 et 1539, le comité prie le gouvernement de le tenir informé périodiquement des progrès accomplis par la Commission d'enquête historique au sujet des allégations, actuellement en instance, d'assassinat ou d'enlèvement de syndicalistes (1990-1994).

c) En ce qui concerne le cas no 1876, portant notamment sur des menaces de mort contre des syndicalistes, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du déroulement des enquêtes en cours et lui suggère d'informer les dirigeants syndicaux qui ne l'ont pas fait de la possibilité de porter officiellement plainte auprès des autorités, s'ils le désirent.

d) Notant, de même, que le gouvernement a demandé qu'une commission technique régionale enquête sur les cas d'actes de violence contre des syndicalistes, le comité exprime l'espoir que ladite commission sera à brève échéance en mesure de se déplacer dans le pays afin d'accélérer la clarification des allégations en instance.

e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé au sujet des enquêtes concernant la surveillance dont le local de l'UITA aurait fait l'objet, par des inconnus, le 23 août 1993.

Nouvelles allégations

f) En ce qui concerne les allégations d'actes de discrimination (entreprise Corporación Textil Internacional, exploitation agricole El Salto, entreprise «Embotelladora Mariposa SA», exploitation agricole Las Delicias), le comité souligne combien il importe de remédier à tous les actes de discrimination antisyndicale et prie le gouvernement de le tenir informé du cours de ces procédures. Il le prie également de lui fournir des informations sur le déroulement de la procédure judiciaire concernant le licenciement de plusieurs dirigeants du Syndicat des travailleurs de l'hôpital San Juan de Dios.

g) En dernier lieu, le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir ses observations en réponse aux informations complémentaires adressées par la CISL le 18 juillet 1997.


Cas no 1892
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Guatemala
présentée par la
Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG)

Allégations: atteintes à l'intégrité physique et actes d'intimidation
à l'encontre de syndicalistes

395. La plainte figure dans une communication de la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG) du 21 juin 1996. Le gouvernement a répondu par une communication du 12 septembre 1997.

396. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

397. Dans sa communication du 21 juin 1996, la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG) allègue que le propriétaire de l'exploitation Finca Nueva California (Municipalité de Pochuta, département de Chimaltenango) a engagé à son service M. José Luis Galindo Benavente, dont on sait qu'il a menacé de mort les travailleurs syndiqués, afin d'anéantir le syndicat de l'exploitation.

398. L'organisation plaignante ajoute que, le 31 mai 1996, M. Galindo Benavente s'est servi de son arme à feu (carabine) contre les travailleurs, blessant ainsi le syndicaliste Miguel Sajquiy Castro à l'épaule (côté gauche) et trouant le sac à dos de ce dernier. De même, le 9 juillet 1996, trois inconnus masqués ont barré la route d'une camionnette à la hauteur de l'exploitation Finca San Julián où habite M. Galindo Benavente. Cette exploitation appartient à l'université de San Carlos de Guatemala. Les trois hommes ont arrêté la camionnette et ont demandé à ses occupants s'ils étaient de l'exploitation Finca Nueva California. Les inconnus, qui portaient des armes à feu, après avoir constaté qu'aucun des occupants n'était de l'exploitation Finca Nueva California, ont regagné les buissons environnants.

B. Réponse du gouvernement

399. Dans sa communication du 12 septembre 1997, le gouvernement informe que les autorités judiciaires ont classé l'affaire relative aux faits allégués par l'organisation plaignante en raison du décès de M. José Luis Galindo Benavente, à qui l'organisation plaignante imputait les faits en question.

400. Le gouvernement ajoute qu'il a demandé à l'organisation plaignante de lui transmettre toute information utile pour mettre à jour le dossier mais que celle-ci ne lui a pas transmis de réponse.

C. Conclusions du comité

401. Le comité observe que, dans le cas présent, l'organisation plaignante a allégué des agressions physiques commises avec une arme à feu à l'encontre du syndicaliste Miguel Sajquiy Castro, ainsi que d'actes d'intimidation commis par trois hommes masqués contre des travailleurs de l'exploitation Finca Nueva California. Le comité observe également que l'organisation plaignante accuse M. José Luis Galindo Benavente de ces agressions physiques et qu'elle présume que ce dernier est également responsable des actes d'intimidation susmentionnés. A ce sujet, le comité ne peut que déplorer profondément ces actes et il fait observer que «la liberté syndicale ne peut s'exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne», que «les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations», et qu'il «appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 46 et 47.]

402. Le comité note que, selon le gouvernement, la personne à laquelle l'organisation plaignante imputait les faits allégués, c'est-à-dire M. José Luis Galindo Benavente, est décédée, raison pour laquelle les autorités judiciaires ont classé le cas. Le comité prend également note du fait que l'organisation plaignante n'a pas répondu au gouvernement qui lui demandait de communiquer toute information utile pour mettre à jour l'affaire. Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que des actes de violence de ce type ne se reproduisent plus.

Recommandation du comité

403. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que les actes de violence ne se reproduisent plus.


Cas no 1773
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de l'Indonésie
présentée par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
-- la Confédération mondiale du travail (CMT) et
-- le Serikat Buruh Sejahtera (SBSI)

Allégations: déni de reconnaissance d'un syndicat,
ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales,
harcèlement et détention de syndicalistes

404. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de mars 1995 [voir 297e rapport, paragr. 484-537, approuvé par le Conseil d'administration à sa 262e session (mars-avril 1995)], mars 1996 [voir 302e rapport, paragr. 447-479, approuvé par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)], et novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 327-371, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996)], où il a présenté des conclusions intérimaires.

405. La Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté de nouvelles allégations dans une communication en date du 29 novembre 1996. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a fait de même par des communications en date des 3 et 23 avril 1997. Le Serikat Buruh Sejahtera (SBSI) a soumis de nouvelles allégations et d'autres informations dans des communications en date des 20 février, 6 mai et 10 et 22 juillet 1997.

406. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 7 mars, 6 et 25 juin, et 11 août 1997.

407. L'Indonésie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

408. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait examiné de très graves allégations de violation continue des droits syndicaux en Indonésie concernant le déni du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, l'ingérence persistante des autorités publiques, des militaires et des employeurs dans les activités syndicales et les restrictions apportées sans cesse à la négociation collective et à l'exercice du droit de grève. Le cas traitait aussi de graves allégations relatives au meurtre, à la disparition, à l'arrestation et à la détention d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs.

409. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait profondément déploré le fait que les autorités indonésiennes n'avaient pratiquement adopté aucune mesure pour redresser la situation. Au contraire, la gravité des allégations nouvellement formulées l'a conduit à penser que la situation générale des travailleurs en Indonésie n'avait pas évolué et se caractérisait toujours par des violations de plus en plus graves, en droit et en pratique, des droits fondamentaux de l'homme, des droits syndicaux et des principes de la liberté syndicale.

410. A sa session de novembre 1996, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes:

a) Rappelant que la législation indonésienne énonce des obligations qui sont si contraignantes qu'elles constituent une limitation majeure de la liberté syndicale, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement d'éliminer ce type d'obstacles (tel que l'article 2 c) du règlement ministériel no Per-03/MEN/1993) afin de garantir que le droit des travailleurs de s'organiser soit pleinement reconnu en droit et en pratique, et de le tenir informé à cet égard.

b) En ce qui concerne spécifiquement le SBSI, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que le SBSI soit dûment et promptement enregistré, et de le tenir informé à cet égard.

c) Le comité prie instamment le gouvernement: i) de prendre rapidement les mesures nécessaires pour que M. Ariesha soit libéré immédiatement s'il apparaît que celui-ci a été placé en détention pour des activités liées à l'exercice légitime de droits syndicaux; et ii) d'ouvrir une enquête indépendante pour établir clairement les raisons du licenciement de M. Mulyono et, s'il apparaît que celui-ci a été licencié au motif d'activités syndicales légitimes, de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour lui permettre de demander sa réintégration dans son poste s'il le souhaite. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

d) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur l'allégation d'actes de discrimination antisyndicale dirigés contre les travailleurs de l'entreprise Southern Cross Textile Company affiliés au SBSI, et de le tenir informé à cet égard.

e) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir rapidement des informations sur: i) l'issue des procès de MM. Icang et Suryandi; et ii) le sort de MM. Mahammad Ali, 19 ans (PT Peridoni), et Mulyadi, 24 ans (PT Ganda Seribu), qui avaient été placés en détention à la suite des événements survenus à Medan en avril 1994. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

f) Le comité prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé des conclusions de l'enquête de police concernant l'assassinat de Mme Marsinah et de prendre les mesures nécessaires pour que les auteurs soient traduits en justice.

g) Pour pouvoir se prononcer en pleine connaissance des faits, le comité prie les plaignants de fournir un complément d'informations sur: i) les violences physiques dont MM. Aryanto et Rozali ont fait l'objet; ii) les motifs de l'arrestation de MM. Asipto Parangun-Agin; iii) le contenu du tract distribué par M. Farid Mu'adz concernant le droit de grève; iv) les actes de discrimination antisyndicale dirigés contre sept travailleurs de PT Tris Delata Agindo, qui auraient été contraints de renoncer à leur affiliation au SBSI; et v) les actes de vandalisme commis contre l'enseigne du SBSI à Medan et à Binjai.

h) Estimant qu'il existe une forte présomption, non infirmée par le gouvernement, que les accusations portées et les mesures prises contre M. Pakpahan, sous prétexte d'activités subversives alléguées, sont liées à ses activités syndicales, le comité prie instamment le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour la libération de M. Pakpahan et pour l'abandon des charges pénales liées aux événements survenus en juillet 1996 et pour garantir que M. Pakpahan puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

i) Réaffirmant avec insistance que le harcèlement, l'arrestation ou la mise en détention de syndicalistes pour des activités liées à l'exercice de droits syndicaux sont contraires aux principes de la liberté syndicale, le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur: i) neuf membres du bureau de la branche de Riau du SBSI placés en détention au début d'août 1996 et, s'il apparaît que ceux-ci sont toujours en détention, de prendre les mesures nécessaires pour leur libération immédiate; ii) le sort de MM. Rekson Silaban, directeur de recherche, Santosa, coordinateur régional, Mehbob, membre du personnel de l'Institut d'aide juridique, tous membres du bureau du SBSI, qui ont été interrogés et accusés d'avoir fomenté les événements de juillet 1996, et de prendre les mesures nécessaires pour que les charges retenues contre eux soient rapidement abandonnées; et iii) toutes les mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau et les militants du SBSI à la suite des événements survenus en juillet 1996, notamment les arrestations, interrogatoires et accusations dont ces personnes ont fait l'objet. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

j) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du cas en rapport avec la convention no 98.

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes

411. Dans sa communication du 29 novembre 1996, la Confédération mondiale du travail (CMT) rappelle que M. Muchtar Pakpahan avait été condamné à trois années d'emprisonnement par le tribunal de Medan pour avoir fomenté des grèves à Medan en 1994. Cette peine a été portée à quatre ans après appel. A la suite d'un nouvel appel devant la Cour suprême de l'Indonésie, M. Muchtar Pakpahan a été libéré sans condition le 29 septembre 1995 après avoir passé neuf mois et dix jours en prison. L'organisation plaignante déclare savoir maintenant que la Cour suprême a condamné M. Pakpahan à quatre ans d'emprisonnement pour les mêmes motifs (fomentation des grèves de 1994 à Medan) pour lesquels il avait été libéré. L'organisation plaignante considère ce revirement de la Cour suprême comme une parodie de justice et une violation du Code pénal indonésien, mais aussi une grave violation de la Constitution de l'OIT. L'organisation plaignante ajoute qu'en attendant M. Pakpahan demeure en prison, accusé de subversion, à la suite de l'émeute de juillet 1996, et appelle l'OIT à faire tout ce qui est en son pouvoir pour chercher à faire respecter les droits de l'homme et les droits syndicaux en Indonésie.

412. Dans sa communication initiale en date du 3 avril l997, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) se réfère aussi au fait que, le 25 octobre 1996, la Cour suprême de l'Indonésie, agissant sur les instances du chef du Bureau du procureur du district de Nord-Sumatra, a infirmé sa décision antérieure de septembre 1995 d'annuler une peine de prison de quatre ans infligée à M. Pakpahan en janvier l995. L'organisation plaignante souligne que le revirement de la Cour suprême a suscité une vive préoccupation parmi les experts juridiques en Indonésie et à l'étranger. Plus précisément, la décision de la Cour suprême a constitué le premier cas, pour autant qu'ils s'en souviennent, où un réexamen judiciaire par la Cour résultait de l'initiative du Bureau du procureur général. Selon les juristes, jusqu'à présent, le Code pénal (KUHP) n'accordait le droit de demander un réexamen judiciaire devant la Cour suprême qu'à l'accusé ou à ses proches. Nombre d'éminents juristes ont insisté sur le fait que, si un appel peut être interjeté à la fois par l'accusé et le ministère public, une demande de réexamen judiciaire par la Cour suprême ne peut émaner que de l'accusé. En outre, la Cour suprême ne saurait accepter une demande de réexamen judiciaire en cas d'acquittement.

413. L'organisation plaignante fait remarquer en outre qu'il est tout à fait probable que la décision de la Cour suprême ait été influencée par des facteurs politiques ainsi que par des rivalités de personnes au sein de la Cour elle-même. La décision d'annuler l'acquittement prononcé antérieurement par le tribunal a été prise par un collège de juges présidé par le premier président de la Cour suprême, M. Soerjono, qui avait eu précédemment un long différend avec son adjoint, le juge Adi Sutjipto Andojo. Ce dernier avait présidé le collège de la Cour suprême, qui avait annulé la peine de quatre ans prononcée contre M. Pakpahan en septembre 1995. A la suite de cette affaire et d'autres encore, à l'occasion desquelles le juge Andojo a accusé des collègues de la Cour suprême, dont le premier président Soerjono lui-même, de connivence et de corruption, ce dernier a pris un certain nombre de mesures à l'encontre du juge Andojo, et notamment la décision de lui enlever la responsabilité de la répartition des cas à la Cour suprême. Le premier président de la Cour a ensuite fait appel au Président de l'Indonésie, M. Suharto, en lui demandant de démettre le juge Andojo de ses fonctions à la Cour suprême. Il convient aussi de noter que, conformément au décret-présidentiel no 82 de 1971, les juges comme tous les autres fonctionnaires et employés de l'Etat sont tenus d'appartenir au Corps indonésien de la fonction publique (KORPRI) relevant du ministère des Affaires intérieures. Le KORPRI est contrôlé par le parti GOLKAR au pouvoir et oblige ses membres à suivre ses règles et ses consignes, sous peine de sanctions. De telles exigences sont de nature à porter atteinte à la neutralité du pouvoir judiciaire. Dans ces conditions, le pouvoir judiciaire est enclin à prendre des décisions favorables au gouvernement. Les juges sont convaincus que s'ils condamnent une politique officielle, ils peuvent être accusés de manquer de patriotisme ou d'agir contre l'intérêt national.

414. L'organisation plaignante se réfère ensuite au procès en cours contre M. Pakpahan, accusé le 2 août 1996 de subversion et qui risque une peine allant de neuf ans d'emprisonnement à la peine de mort. Elle rappelle que M. Pakpahan a été accusé d'avoir fomenté la manifestation d'opposition du 27 juillet l996 au cours de laquelle des milliers de militants partisans de la démocratie ont protesté contre la violente opération de police menée contre le siège du PDI, un parti d'opposition légalement reconnu. L'organisation plaignante affirme que les conditions et les procédures du procès, qui s'est ouvert à Jakarta le 12 décembre 1996 et auquel elle était représentée, ne répondaient pas aux normes internationalement acceptées pour un procès équitable, ce qui prouve encore que ce sont des facteurs politiques et non pas le respect des formes légales régulières qui risquent de déterminer la décision de la Cour. L'organisation plaignante poursuit en décrivant pourquoi ceci est, selon elle, une parodie de procès. Dès le départ, le premier président a adopté une attitude partiale et hostile envers les avocats de la défense. Il a exigé qu'ils présentent un document de M. Pakpahan les autorisant à le représenter. Après quoi, il leur a demandé de présenter leur carte nationale d'identité. Lorsque le procès à repris, le 9 janvier l997, il a été demandé à l'avocat de M. Pakpahan, M. Bambang Widjoyanto, de servir de témoin à charge. Avec les autres avocats de la défense, il a fait valoir qu'il ne pouvait pas témoigner contre son propre client car ce serait une violation du Code d'éthique juridique et du principe de «l'information privilégiée entre l'avocat et son client». Le juge a alors informé Bambang qu'en vertu du Code pénal il pouvait être poursuivi pour subversion s'il refusait de servir de témoin. Après un long débat, le juge a déclaré à Bambang que c'était à lui qu'il appartenait de refuser de servir de témoin et de continuer à défendre M. Pakpahan. Au cours de cette session et des suivantes, le président Jasuli P. Sudibyo a procédé à la plus grande partie de l'interrogatoire des témoins, conduisant souvent à incriminer M. Pakpahan sans pour autant permettre à la défense d'interroger les témoins. En particulier, les avocats de la défense ont vigoureusement protesté contre le traitement du témoin Berarfatia Binti, la secrétaire générale du SBSI, qui a été insultée et menacée en séance par le président pour s'être écartée des déclarations faites durant l'interrogatoire qui s'est déroulé, selon elle, sous contrainte. Lors d'une audition tenue le 20 janvier 1997, le juge Sudibyo a ordonné que Berarfatia soit gardée pendant cinq heures dans une pièce à l'écart afin qu'elle «reconsidère bien» ses déclarations devant la Cour et l'a menacée, au cas où elle persisterait dans sa version des faits, d'une peine de prison d'une semaine afin qu'elle «mette de l'ordre dans ses idées et dise la vérité».

415. Finalement, prenant conscience d'une manipulation du procès par le président et le ministère public, les avocats de la défense ont rédigé en commun une lettre le 29 janvier 1997 adressée au chef du juge responsable de la Haute Cour régionale de Jakarta. Dans leur document, les avocats ont protesté vigoureusement contre le traitement inéquitable des témoins et d'eux-mêmes par le juge et le procureur, et affirmé que, si cette situation persistait, non seulement le procès serait gravement entaché d'irrégularité, mais l'image de l'Indonésie serait fortement ternie. Selon l'organisation plaignante, il est utile de noter que le Parquet a très peu fait référence aux émeutes car, apparemment, il ne peut établir aucun lien entre M. Pakpahan et les actes de violence. M. Pakpahan reste maintenant poursuivi pour un livre qu'il a écrit et dans lequel il a souligné les différences de revenus entre riches et pauvres en Indonésie, des discours, des bulletins du SBSI et une cassette de chants de travailleurs. L'organisation plaignante conclut en déclarant qu'au moment de la rédaction le procès de M. Pakpahan a été repoussé pour des motifs de santé; à la suite de plusieurs tentatives infructueuses, la Cour a finalement autorisé l'accusé à recevoir un traitement dans un hôpital civil de son choix, à la condition néanmoins qu'il puisse supporter entièrement les coûts de l'unité de policiers constituée de six hommes chargée de le garder à l'hôpital, ce dernier étant lui-même sous une protection militaire supplémentaire.

416. Dans sa communication en date du 23 avril 1997, l'organisation plaignante affirme que le gouvernement continue à violer systématiquement les droits syndicaux, comme le démontrent les lourdes peines de prison prononcées contre deux militants syndicaux indépendants dans la cité de Surabaya le 22 avril 1997. Dita Indah Sari, 30 ans, et Coen Hussein Pontoh, 27 ans, dirigeants d'organisations syndicales indépendantes, le Pusat Perjuangan Buruh Indonesia (PPBI) ou le Centre pour la lutte des travailleurs indonésiens et le Serikat Tani Nasional (STN), ou l'Association nationale des paysans, ont été condamnés respectivement à six ans et quatre ans d'emprisonnement pour «manipulation, attaque et déviation des lignes directrices officielles», autrement dit pour activités subversives. Selon l'organisation plaignante, néanmoins, ils ont tous deux été arrêtés à l'occasion d'une vague de protestations des travailleurs auxquelles ils ont été associés d'une manière significative et qui ont eu lieu durant la première moitié de 1996. A titre d'exemple, dans la province de Java-Ouest, on a officiellement enregistré 63 grèves en avril, mai et juin 1996. A Bakasi, une région industrielle à l'ouest de Jakarta, on a enregistré 37 grèves durant les neuf premiers mois de l'année, auxquelles ont participé 27 000 travailleurs. Les grévistes revendiquaient principalement le paiement du nouveau salaire minimum et formulaient quelques autres demandes classiques.

417. L'organisation plaignante poursuit en décrivant les conditions dans lesquelles Mme Dita Sari et M. Coen Pontoh ont été arrêtés. Le 8 juillet 1996, une importante grève a éclaté à Surabaya, deuxième ville de l'Indonésie. L'action directe était motivée par la demande de hausse du salaire minimal, l'octroi d'un bordereau de salaire pour accompagner les paiements ainsi que l'annulation de cinq lois sévères concernant la sécurité adoptées en 1980. Les travailleurs demandaient aussi que les militaires cessent d'intervenir dans les affaires des travailleurs (selon l'organisation plaignante, les salaires des militaires ou des fonctionnaires, ou les «coûts cachés», peuvent atteindre 30 pour cent ou plus des coûts de production, tandis que les salaires actuels des travailleurs ne s'élèvent qu'à 8-9 pour cent des coûts de production). Quelque 15 000 travailleurs ont envahi les rues en deux groupes et ont cherché à se rejoindre pour former une seule colonne en vue de défiler devant l'assemblée locale et les bureaux du ministère du Travail. Des unités de la police et de l'armée ont empêché brutalement les deux groupes de se rejoindre. Plusieurs dizaines de manifestants ont été battus, et une douzaine d'entre eux ont été transportés d'urgence à l'hôpital. La police a arrêté et interrogé 35 manifestants. La plupart d'entre eux ont été relâchés par la suite, mais Mme Dita Sari et M. Coen Pontoh sont restés en détention et ont été par la suite condamnés à une peine de prison, comme cela a été indiqué plus haut. La condamnation de ces deux dirigeants syndicaux à six et quatre années d'emprisonnement, respectivement, constitue une grave violation des principes de la liberté syndicale car ils ont tous deux été clairement arrêtés en raison de l'exercice d'activités syndicales légitimes.

418. Dans sa communication en date du 20 février 1997, le Serikat Buruh Sejahtera (SBSI) déclare que le gouvernement continue à intimider les membres du SBSI comme dans le cas de M. Supandi, travailleur de l'entreprise Andatu Lestari Plywood, à Lampung, Sumatra. Le SBSI indique que, le 27 janvier 1997, M. Supandi a été convoqué au siège par le propriétaire de l'entreprise. Le directeur régional de la main-d'œuvre, M. K. Parangin-angin, ainsi que quelques membres du syndicat gouvernemental SPSI y étaient présents. Ces personnes auraient insisté auprès de M. Supandi pour qu'il cesse de poursuivre ses activités au sein du SBSI, puisque la SPSI était déjà en place. Devant le refus de M. Supandi de céder à la pression, M. Parangin-angin a demandé à l'entreprise de le licencier en déclarant que le SBSI était semblable au parti communiste indonésien déclaré hors la loi. L'organisation plaignante fait remarquer que, si M. Supandi n'a pas encore été licencié, la pression exercée contre lui a forcé le SBSI à adopter un profil bas au niveau de l'entreprise à Lampung.

419. Dans ses plus récentes communications, l'organisation plaignante déclare qu'une demi-douzaine de militaires se sont rendus au bureau local du SBSI à Binjai (Sumatra-Nord) le 3 mai 1997 et ont demandé au vice-président local, M. Arias Hia, si le SBSI avait l'autorisation d'opérer à cet endroit. Ces personnes ont confisqué tous les documents du SBSI et du matériel de bureau et ont arrêté M. Arias Hia. Ce dernier a été mis en détention du 3 au 13 mai sans aucun motif. Par la suite, le 20 juin, l'organisme local de la main-d'œuvre de Binjai a envoyé une lettre (no B-492/W2/K-2/1997) au SBSI en lui interdisant toute activité dans la région. La justification de cette mesure était qu'aux termes du règlement concernant la main-d'œuvre no PER 03/Men/1993 le gouvernement ne peut reconnaître qu'un seul syndicat (la SPSI) en Indonésie. Enfin, l'organisation plaignante déclare que, le 11 juillet 1997, 18 travailleurs contractuels ont été licenciés dans l'entreprise «PT Pelangi Selaras Indonesia (PSI)» à Medan, Nord-Sumatra, pour leur appartenance au SBSI. Au départ, ces travailleurs avaient demandé à l'entreprise une prime annuelle et une assurance sociale. Toutefois, le PTPSI a rejeté leur demande et a porté leur cas devant le bureau local de la main-d'œuvre qui a approuvé le licenciement de ces travailleurs. La raison à cela est qu'en vertu de la législation indonésienne le seul syndicat pouvant être reconnu et donc actif en Indonésie est la SPSI.

C. Nouvelle réponse du gouvernement

Obstacles législatifs empêchant les travailleurs
de constituer des organisations de leur choix
(305
e rapport, paragraphe 371 a))

420. Le gouvernement déclare que la législation indonésienne, y compris la Constitution de 1945, garantit le droit d'organisation des travailleurs. Qui plus est, à la suite de critiques générales à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du pays concernant le droit des travailleurs de constituer leurs propres organisations, le ministre de la Main-d'œuvre a ordonné le règlement no 1 du 17 janvier 1994. En vertu de ce règlement, les travailleurs peuvent constituer un syndicat indépendant et démocratique dans chaque entreprise respectivement, librement et sans aucune exigence concernant l'affiliation avec un autre syndicat. Selon les données disponibles à ce jour, il existe environ 1 200 syndicats indépendants au niveau de l'entreprise. Le syndicat d'entreprise nouvellement créé est uniquement tenu de fournir des informations sur son organisation et les membres de son bureau au ministère de la Main-d'œuvre. Une fois le syndicat constitué, celui-ci est habilité à exercer ses fonctions et à négocier avec les employeurs pour rédiger des conventions collectives. Chaque syndicat d'entreprise peut rester indépendant sans devoir nécessairement s'affilier à la SPSI ou peut décider d'adhérer à cette dernière. Le gouvernement fait remarquer que l'essence des conventions nos 87 et 98 est que tous les travailleurs dans chaque entreprise devraient avoir le droit de constituer un syndicat. Le principal but de ce syndicat est de négocier avec l'employeur de meilleures conditions de vie pour les travailleurs et leurs familles. Selon le gouvernement, ces critères sont suivis par la SPSI et les 1 200 syndicats d'entreprise ou Serikat Pekerja Tingkat Persusahaan (SPTP).

Enregistrement du SBSI
(305
e rapport, paragraphe 371 b))

421. Le gouvernement fait remarquer que l'organisme dénommé Serikat Buruh Sejahtera Indonesia (SBSI) a été constitué en avril 1992 par les éléments d'un parti politique et de mouvements des droits de l'homme. A ce jour, il n'a pas été prouvé que cette organisation a été établie par des travailleurs ou leurs représentants au niveau de l'entreprise. Qui plus est, il n'a pas été prouvé que son objectif est de négocier des conventions collectives du travail. Le démarrage de ses activités et de récentes preuves montrent que le SBSI s'occupe davantage de politique que de questions du travail. Le gouvernement déclare que les tribunaux décideront si le SBSI a le droit d'exister ou non. En conséquence, si le SBSI existait, il devrait être classé comme organisation non gouvernementale plutôt que comme syndicat. En tant qu'ONG, il peut être régi par la loi no 8 de 1985 sur les principes de l'organisation sociale. En tant qu'ONG, le SBSI peut évidemment disposer de programmes déterminés relatifs aux questions du travail tel que le renforcement de la capacité des syndicats grâce à l'éducation ouvrière, l'assistance au syndicat devant les tribunaux, etc., mais il ne devrait pas faire double emploi avec les syndicats ou absorber leurs rôles et leurs fonctions.

Information concernant M. Ariesha
(305
e rapport, paragraphe 371 c) i))

422. Le gouvernement indique que M. Ariesha est accusé d'avoir incité des travailleurs à organiser des manifestations ayant dégénéré en émeutes. Le tribunal d'Etat de Medan l'a condamné à un an de prison, et la Haute cour d'Etat de Medan a alourdi cette condamnation de deux ans. Le gouvernement indique qu'il a purgé sa peine.

Information concernant M. Mulyono
(305
e rapport, paragraphe 371 c) ii))

423. Le gouvernement rappelle que M. Mulyono a été licencié le 6 mai 1994, aux motifs qu'il ne pouvait s'entendre avec son supérieur et qu'il causait souvent des perturbations du fait de son influence sur les autres travailleurs. Le gouvernement ajoute qu'un conciliateur du ministère de la Main-d'œuvre a tenté de résoudre cette affaire de manière pacifique en invitant les parties à dialoguer. Les propositions du conciliateur ont été acceptées par M. Mulyono, mais pas par l'entreprise. Il a été donc suggéré que la compagnie fasse recours devant la Commission régionale de règlement des conflits. Le 28 septembre 1994, cette commission a décidé d'autoriser l'entreprise à licencier M. Mulyono avec effet à compter du 19 septembre 1994. Sur la base de l'accord conclu entre les parties, M. Mulyono a accepté la somme de 400 000 roupies à titre de dédommagement, somme qui devait être versée par l'entreprise au plus tard le 26 septembre 1994. De l'avis du gouvernement, le cas de la cessation d'emploi de M. Mulyono par la société PT Golden Overseas Textile est en conséquence réglée.

Situation dans l'entreprise Southern Cross
Textile Industry (305
e rapport, paragraphe 371 d))

424. Le gouvernement réitère qu'en 1993 l'entreprise PT Southern Cross Textile Industry (SCTI), sise à Jakarta, employait 1 500 travailleurs et que, depuis 1974, la SPSI s'est établie dans cette entreprise. Au début d'avril 1993, des négociations ont eu lieu entre la SPSI et l'employeur en vue d'une augmentation annuelle de salaire pour le 30 mai 1993. A cette période, la troisième convention collective de travail entrait dans sa deuxième année. Tandis que les négociations étaient en cours, le 19 avril 1993, entre 14 et 18 heures, un groupe de travailleurs a forcé les autres travailleurs à faire grève pour une augmentation de salaire. Le gouvernement réitère que, afin d'éviter toute inconduite et tout acte de destruction, l'employeur et la SPSI se sont entendus pour poursuivre les négociations hors des locaux de l'entreprise. Le gouvernement déclare qu'au début de la soirée du 22 avril 1993 et jusqu'au lendemain vers 11 h 30 un groupe de travailleurs a tenu les portes de l'établissement fermées, empêchant les autres de se rendre à leur travail. Devant cette situation, la direction de l'entreprise a licencié 16 travailleurs.

Evénement de Medan d'avril 1994; arrestations,
procès et incarcération de travailleurs
(305
e rapport, paragraphes 365 et 371 e))

425. En ce qui concerne les événements survenus à Medan en avril 1994, le gouvernement réitère qu'il considère que ces émeutes avaient été ourdies longtemps à l'avance. Les personnes à l'origine de ces actes illégaux ont été poursuivies et condamnées conformément à la législation et à la réglementation en vigueur par des tribunaux indépendants et impartiaux. En outre, le gouvernement fournit une nouvelle fois les informations sur 28 travailleurs arrêtés, incarcérés et condamnés en rapport avec les événements de Medan (les noms de ces personnes figurent déjà à l'annexe 1 du 305e rapport du comité). Le gouvernement rappelle que toutes ces personnes ont été poursuivies pour avoir incité des travailleurs à la rébellion et condamnées à des peines de trois à six mois d'emprisonnement. Il fait remarquer qu'elles ont toutes purgé leur peine.

Enquête du gouvernement sur la mort de Mme Marsinah
(305
e rapport, paragraphe 371 f))

426. En ce qui concerne la mort de Mme Marsinah, le gouvernement indique que cet homicide reste un mystère. Le gouvernement rappelle que Mme Marsinah, jeune militante syndicaliste, a pris part à une action de grève les 3 et 4 mai 1993 dans l'entreprise PT Catru Putera Surya (CPS) à Sidoarjo, Surabaya, Est de Java. Le 5 mai 1993, Mme Marsinah n'est pas apparue à son lieu de travail. Son corps a été retrouvé par la suite le 8 mai 1993 dans la jungle de Nganjuk (Est de Java, à environ 85 km de Surabaya). En raison de la date de la grève et du décès de Mme Marsinah, de nombreuses personnes, la presse, les ONG et même certains organismes diplomatiques étaient tout à fait convaincus que le décès de Mme Marsinah était dû à sa participation à la grève. De plus, à ce moment-là, les agences de presse étrangères ont exercé une forte pression qui a, dans une certaine mesure, influencé la police et les tribunaux en les laissant penser que le meurtrier était l'employeur de l'entreprise concernée. Le tribunal régional de Sidoarjo a décidé de condamner les suspects à des peines de prison, à savoir M. Yudi Susanto (propriétaire de l'entreprise) à sept mois; M. Yudi Astono (directeur général de PT CPS, bureau de Porong) à quatre ans, M. Bambang Wuryantoro (chef de division, responsable général), M. Hidayat (caissier et président de l'unité de la SPSI), M. As Prayogo (sécurité) et M. Suwono (sécurité) à 12 ans chacun; M. Karyono Wongso (chef de division, contrôle de la maintenance) et M. Suprapto (garde) à 13 ans chacun. Un appel ayant été interjeté, le tribunal de Surabaya a jugé M. Yudi Susanto non coupable à la différence des autres suspects. Néanmoins, à la fin de mai 1995, la Cour suprême a déclaré tous les suspects non coupables. Le gouvernement déclare que, depuis lors, il a rouvert l'enquête pour connaître l'identité réelle du meurtrier de Mme Marsinah. Il espère que le cas sera bientôt résolu et que le coupable sera puni en conséquence.

Information concernant M. Muchtar Pakpahan,
(305
e rapport, paragraphe 371 h))

427. Le gouvernement insiste une nouvelle fois sur le fait que les accusations portées contre M. Pakpahan en rapport avec l'émeute du 27 juillet 1996 sont liées principalement à son poste de président du comité directeur du MARI (Majelis Aksi Rakyat Indonesia) ou Conseil du peuple indonésien pour l'action et non pas uniquement à son poste de président du SBSI. Le gouvernement fait remarquer qu'il est accusé d'avoir violé la loi no 11/PNPS/1963 sur les activités subversives, article 1 (3). Ce cas n'a donc pas de rapport avec les questions syndicales mais est de nature politique. Le gouvernement réaffirme ses intentions de poursuivre toute activité violant la législation en vigueur.

Information concernant l'intimidation de M. Supandi,
militant du SBSI (information supplémentaire
de l'organisation plaignante)

428. En ce qui concerne le harcèlement allégué de M. Supandi, employé de l'entreprise Andatu Lestari Plywood Company à Lampung et membre du SBSI, le gouvernement répond que toute question d'intérêt commun surgissant dans une compagnie quelconque devrait être résolue par la voie du dialogue en invitant toutes les parties concernées, à savoir les représentants de l'entreprise, les travailleurs et le bureau régional du ministère de la Main-d'œuvre, et ceci en s'appuyant sur le principe du consensus. De l'avis du gouvernement, tel a été le cas le 27 janvier 1997. De plus, bien qu'il soit allégué que le fonctionnaire appartenant au ministère de la Main-d'œuvre ait demandé à l'entreprise de licencier M. Supandi, le gouvernement fait remarquer que ce dernier travaille encore dans l'entreprise. Enfin, bien qu'il ait été affirmé que ce même fonctionnaire gouvernemental ait assimilé le SBSI au parti communiste indonésien déclaré hors la loi, le gouvernement indique qu'aucun texte législatif ne stipule que le SBSI est assimilé au parti communiste interdit.

Information sur la détention de M. Aries Hia,
vice-président du bureau du SBSI de Binjai, Nord Sumatra
(informations supplémentaires de l'organisation plaignante)

429. S'agissant de la détention alléguée de M. Aries Hia, vice-président du bureau du SBSI de Binjai en mai 1997, le gouvernement répond que M. Aries Hia avait été sommé à plusieurs reprises par le bureau du ministère de la Main-d'œuvre de Binjai de fournir des éclaircissements sur la création de l'unité du SBSI de Binjai en avril 1997. Le gouvernement explique qu'il exige ces éclaircissements chaque fois que le SBSI établit une branche quelconque en Indonésie, puisqu'il ne reconnaît toujours pas l'existence du SBSI du fait que cette organisation ne répond pas aux dispositions pertinentes de la législation nationale. Etant donné que M. Aries Hia n'avait pas répondu aux injonctions, un fonctionnaire du ministère du Travail de Binjai accompagné d'un fonctionnaire chargé de l'application de la loi s'est rendu au bureau de M. Aries Hia le 3 mai 1997. Au cours de cette visite, le fonctionnaire a découvert dans le bureau un document qui discréditait le gouvernement, insultait le Président et sa famille (délit puni par la loi) et, enfin, demandait à la population de boycotter les élections nationales de 1997. La législation nationale stipule que quiconque possède des documents dont la teneur est susceptible de menacer l'ordre public peut être soumis à un interrogatoire. M. Aries Hia a donc été convoqué au Kodim 0203 à Binjai où il est resté quatre jours afin de faire la lumière sur ses intentions en conservant un tel document dans le bureau du SBSI de Binjai. Après avoir donné son explication sur la question, M. Aries Hia a été autorisé à quitter le bureau du Kodim 0203.

D. Conclusions du comité

430. Le comité rappelle que ce cas traite de très graves allégations de violation continue des droits syndicaux en Indonésie concernant le déni du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, l'ingérence persistante des pouvoirs publics, des militaires et des employeurs dans les activités syndicales, et les restrictions permanentes à la négociation collective et à l'exercice du droit de grève. En outre, le comité rappelle sa profonde préoccupation devant l'extrême gravité des allégations relatives au meurtre, à la disparition, à l'arrestation et à la détention d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs.

431. Le comité rappelle que, outre ses trois précédents examens de ce cas, il a déjà examiné au cours de ces deux dernières années deux autres plaintes contre l'Indonésie portant sur des allégations de même nature et aussi graves. [Voir 265e rapport, cas no 1431, paragr. 104-137; 295e rapport, cas no 1756, paragr. 398-429.] Le comité se réfère également à la mission de contacts directs ayant eu lieu en Indonésie en novembre 1993, aux longs débats ayant eu lieu au sein de la Commission de la Conférence sur l'application des normes en l994 et en 1995 et aux nombreux commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations à ce sujet.

432. Dans ces conditions, le comité ne peut qu'à nouveau déplorer profondément qu'aucune mesure corrective ne semble avoir été prise par les autorités indonésiennes. Au contraire, la gravité des nouvelles allégations conduit à penser que la situation générale des travailleurs de l'Indonésie n'a pas évolué et se caractérise toujours par des atteintes de plus en plus graves aux droits fondamentaux de l'homme et aux droits syndicaux et par des violations des principes de la liberté d'association dans le droit comme dans la pratique revêtant notamment la forme d'arrestations, d'emprisonnements et de harcèlement de travailleurs et de dirigeants syndicaux.

433. En ce qui concerne la question des obstacles législatifs empêchant les travailleurs de constituer des organisations de leur choix, le comité déplore que le gouvernement n'ait fourni aucune information positive en la matière. Le comité note que le gouvernement se borne à répéter les informations fournies dans son rapport antérieur, à savoir que les travailleurs peuvent librement constituer un syndicat indépendant et démocratique au niveau de l'entreprise sur la base du règlement ministériel no 1 du 17 janvier 1994. Selon les données disponibles, il existe environ 1 200 syndicats de ce type au niveau de l'entreprise qui, en outre, ne sont pas tenus d'être affiliés à la Serikat Pekerja Seluruh Indonesia (SPSI).

434. Le comité souhaiterait donc rappeler une nouvelle fois que la prescription légale, selon laquelle un syndicat indonésien doit obtenir la recommandation de la SPSI pour être légalement reconnu, constitue un obstacle à la libre constitution d'organisations et est donc contraire à la liberté syndicale. Le comité se voit aussi dans l'obligation de rappeler son avis selon lequel le système indonésien d'enregistrement des syndicats au plan national comporte des conditions si rigoureuses qu'elles constituent une restriction majeure à la liberté syndicale, étant donné que très peu de syndicats peuvent voir leur création légalement reconnue (par exemple l'article 2 a) du règlement ministériel no Per-03/MEN/1993 prévoit qu'un syndicat peut être enregistré s'il compte au moins 100 unités (centres de travail) au niveau de l'entreprise, 25 organisations au niveau du district et cinq organisations au niveau provincial ou, au choix, au moins 10 000 membres dans toute l'Indonésie). Le comité rappelle que ces obstacles juridiques dénient aux travailleurs le droit de créer des organisations de leur choix et constituent donc une violation flagrante de l'un des principes les plus élémentaires de la liberté syndicale.

435. Par ailleurs, le comité souhaiterait insister, de la même façon que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations (voir, par exemple, observations, rapport III, partie 1A de 1997, p. 250 de la version française) et la Commission de l'application des normes de la Conférence [CIT, 85e session, 1997, Compte rendu provisoire no 19, pp. 113 à 121], sur le fait que la limitation à la libre négociation collective imposée par le règlement no 03/MEN/1993 sur les syndicats enregistrés dans l'entreprise, au niveau du district et au niveau de la province, constitue une violation flagrante du principe de la négociation collective libre et volontaire inscrite dans l'article 4 de la convention no 98 ratifiée par l'Indonésie.

436. Dans ces conditions, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement d'éliminer de tels obstacles (tels que l'article 2 a) du règlement ministériel no Per-03/MEN/1993) afin de faire en sorte que le droit des travailleurs de s'organiser et de négocier collectivement soit entièrement reconnu en droit comme en pratique, et de le tenir informé à cet égard.

437. Abordant le cas spécifique du SBSI, qui attend d'être enregistré depuis plus de cinq ans, le comité regrette vivement que le gouvernement ait recours à l'argument déjà utilisé selon lequel le SBSI est plutôt une organisation politique qu'une organisation s'occupant des problèmes du travail. Le comité doit insister à nouveau sur le fait qu'il ne peut accepter l'argument du gouvernement quant à la nature politique du SBSI comme justification pour refuser son enregistrement. Par ailleurs, le gouvernement se contredit en indiquant que les tribunaux décideront si le SBSI a le droit d'exister ou non et que, si ce droit est reconnu, le gouvernement devra le classer comme organisation non gouvernementale plutôt que comme syndicat. Enfin, en divers points de sa réponse, le gouvernement déclare qu'il n'a toujours pas reconnu le SBSI car celui-ci ne se conforme pas aux dispositions pertinentes de la législation nationale. Pour sa part, le comité souhaite rappeler qu'il avait fait observer lors des précédents examens de ce cas [voir 297e rapport, paragr. 530; 302e rapport, paragr. 472; et 305e rapport, paragr. 363] que, même si les conditions juridiques de l'enregistrement sont très rigoureuses et constituent un sérieux obstacle à la liberté syndicale, le SBSI les a toutes remplies hormis l'obtention de la recommandation de la SPSI qui, dans tous les cas, n'est pas une exigence valable puisqu'elle est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité souhaiterait donc insister sur le fait que toute attitude gouvernementale qui favoriserait une organisation ou qui empêcherait les travailleurs de constituer des organisations de leur choix constitue un acte de discrimination antisyndicale et est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le SBSI soit autorisé à être enregistré en tant que confédération syndicale sans retard afin de lui permettre d'exercer ses activités syndicales légitimes. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur tout progrès obtenu en la matière.

438. En ce qui concerne l'emprisonnement de M. Ariesha à la suite des événements de Medan en avril 1994, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle M. Ariesha a été accusé d'avoir incité des travailleurs à organiser des manifestations ayant dégénéré en émeutes. Il a initialement été condamné à une année de prison mais, à la suite d'un appel devant la Haute Cour de Medan, cette condamnation a été alourdie de deux ans. Tout en notant que M. Ariesha a purgé sa peine, le comité souhaite rappeler que des allégations de comportement criminel ne doivent pas être utilisées pour harceler des syndicalistes à cause de leur affiliation ou de leurs activités syndicales, et que la condamnation de syndicalistes à des peines de prison sévères pour des motifs de «perturbation de l'ordre public» pourrait permettre, vu le caractère général du chef d'inculpation, de réprimer des activités de nature syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 43 et 64.]

439. En ce qui concerne l'enquête sur M. Mulyono (305e rapport, paragr. 371 c)) ainsi que l'allégation d'actes de discrimination antisyndicale contre les travailleurs de l'entreprise Southern Cross Textile Company, affiliés au SBSI (305e rapport, paragr. 371 d)), le comité déplore vivement que le gouvernement ne fasse que reprendre l'information déjà fournie à cet égard. Il rappelle que M. Mulyono a été licencié sur de vagues motifs de l'entreprise PT Golden Overseas Textile voici plus de trois ans. Le comité prie donc instamment le gouvernement d'ouvrir une enquête indépendante pour établir clairement les raisons pour lesquelles M. Mulyono a été licencié et, s'il apparaît qu'il a été licencié pour des activités syndicales légitimes, de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour lui offrir la possibilité d'être réintégré dans son poste. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Par ailleurs, en ce qui concerne la Southern Cross Textile Company, le comité rappelle que la diffusion de la circulaire, par laquelle cette société indiquait que des mesures seraient prises contre tout travailleur membre du SBSI ou œuvrant ouvertement ou non pour le SBSI, remonte à cinq ans (23 novembre 1992). Le comité se voit donc à nouveau dans l'obligation de rappeler que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par l'Indonésie prévoit que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre le congédiement ou tout autre acte préjudiciable en raison de son affiliation syndicale. Notant la déclaration du gouvernement selon laquelle 16 travailleurs ont été licenciés de la SCTI en avril 1993, le comité demande au gouvernement d'indiquer immédiatement si ces travailleurs licenciés étaient membres du SBSI et, si tel est le cas, de veiller à ce qu'ils soient réintégrés à leur poste s'ils le souhaitent. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

440. Le comité note que le gouvernement fournit une fois encore des informations sur 28 travailleurs arrêtés, placés en détention ou condamnés, en relation avec les événements de Medan d'avril 1994 et qui ont tous purgé leur peine. Le comité regrette que le gouvernement n'ait toujours fourni aucune information en ce qui concerne MM. Mahammad Ali, 19 ans (PT Peridoni) et Mulyadi, 24 ans (PT Ganda Seribu) qui auraient été arrêtés et détenus en relation avec les événements de Medan. Le comité déplore en outre que le gouvernement n'ait pas fourni les informations demandées par le comité à trois reprises et qui concernent l'issue des procès de MM. Icang et Suryandi, dont l'arrestation serait en rapport avec les événements survenus à Medan au printemps 1994. Ces personnes ont été accusées d'avoir organisé des rassemblements illégaux --  sans l'autorisation appropriée. Le comité prie donc une fois de plus le gouvernement de fournir rapidement des informations sur i) MM. Mahammad Ali, 19 ans (PT Peridoni) et Mulyadi, 24 ans (PT Ganda Seribu); et ii) l'issue des procédures concernant MM. Icang et Suryandi, qui auraient été placés en détention en relation avec les événements survenus à Medan en avril 1994. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

441. En ce qui concerne l'enquête sur la mort de Mme Marsinah, qui a eu lieu il y a plus de quatre ans, le comité regrette profondément que les circonstances de son décès n'aient pas été élucidées par une enquête gouvernementale sur l'affaire qui a commencé en juin 1995. A cet égard, le comité souhaiterait appeler l'attention du gouvernement sur le fait que l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des droits syndicaux. Par ailleurs, l'assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l'ouverture d'enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits, et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d'empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit, paragr. 55 et 51.] A cet égard, le comité note que le gouvernement s'attend à ce que ce cas soit résolu sous peu et que le responsable soit puni en conséquence. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur la suite de ce cas dans les meilleurs délais. De plus, le comité demande au gouvernement d'ouvrir une enquête judiciaire indépendante sur l'homicide de Mme Marsinah afin de faire pleinement la lumière sur les faits, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d'empêcher que de tels faits se reproduisent. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête.

442. En ce qui concerne la situation spécifique de M. Muchtar Pakpahan, président du SBSI, le comité note qu'il existe deux séries d'allégations relatives à son cas, toutes deux extrêmement graves. Premièrement, le comité rappelle que la Cour suprême a annulé en septembre 1995 deux décisions rendues par des instances inférieures contre M. Pakpahan sur le chef d'accusation d'incitation de travailleurs à l'émeute à Medan, en avril 1994; M. Pakpahan a donc été libéré sans condition par la Cour suprême après avoir passé plus de neuf mois en prison. Le comité est gravement préoccupé d'apprendre que, le 25 octobre 1996, la Cour suprême a annulé sa précédente décision de septembre 1995 et condamné M. Pakpahan à quatre années d'emprisonnement sur le même chef d'accusation (avoir fomenté les grèves de 1994 à Medan) pour lequel il avait été antérieurement libéré. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas les allégations détaillées des plaignants sur le point de savoir pourquoi la décision de la Cour suprême, prise en violation du Code pénal indonésien, a été influencée par des facteurs politiques ainsi que par des rivalités de personnes au sein de la Cour. Le comité déplore cette tournure des événements qui, outre qu'elle porte atteinte à l'indépendance et à l'impartialité du pouvoir judiciaire, constitue une violation flagrante de l'article 14(7) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, qui stipule que: «Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays.» En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les charges retenues contre M. Pakpahan en rapport avec les événements d'avril 1994 à Medan soient abandonnées et qu'il soit libéré.

443. En outre, le comité note que, si le récent procès de M. Pakpahan, accusé de subversion le 2 août 1996, en rapport avec les émeutes qui se sont produites en juillet 1996 à Jakarta, a été différé en raison de l'état de santé de M. Pakpahan, les charges dont il fait l'objet n'ont pas été abandonnées. Le comité tient à exprimer sa plus profonde préoccupation du fait qu'une accusation de subversion peut être punie de la peine capitale. De plus, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas commenté les longues explications de l'organisation plaignante sur les raisons pour lesquelles la procédure du procès qui s'est ouvert à Jakarta le 12 décembre 1996 n'a pas satisfait aux normes internationalement admises pour un procès équitable. A cet égard, le comité souhaiterait rappeler au gouvernement la grande importance qu'il a toujours attachée à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 109.]

444. Le comité estime que les événements susmentionnés complètent le tableau d'une discrimination antisyndicale active de la part du gouvernement à l'égard de M. Pakpahan et ne peut donc être d'accord avec le gouvernement que l'accusation portée contre M. Pakpahan en relation avec les émeutes du 27 juillet 1996 n'était pas liée à sa fonction de président du SBSI. Au contraire, le comité considère que les accusations portées et les mesures prises contre M. Pakpahan, sous prétexte d'activités subversives alléguées, sont liées à ses activités syndicales. Le comité demande donc au gouvernement de tout mettre en œuvre pour abandonner les charges pénales pesant contre M. Pakpahan en rapport avec les événements survenus à Jakarta en juillet 1996 et de garantir qu'il puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes dès qu'il pourra quitter l'hôpital. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

445. En outre, le comité déplore que le gouvernement n'ait toujours pas fourni d'informations en ce qui concerne les allégations de mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau du SBSI après les événements de juillet 1996, dont leur arrestation, leur mise en détention et leur interrogatoire par la police ou les militaires. Le comité souhaite rappeler une fois encore que, même si des personnes exerçant des activités syndicales ou une fonction dirigeante dans un syndicat ne peuvent revendiquer une immunité sur le plan du droit pénal ordinaire, le harcèlement, l'arrestation ou la mise en détention de dirigeants syndicaux pour des activités liées à l'exercice des droits syndicaux sont contraires aux principes de la liberté syndicale. Une nouvelle fois, le comité prie donc instamment le gouvernement de fournir des informations sur: i) neuf membres du bureau de la branche de Riau du SBSI placés en détention au début d'août 1996 et, dans le cas où ces personnes seraient toujours en détention, de prendre les mesures nécessaires pour leur libération immédiate; ii) MM. Rekson Silaban, directeur de recherche, Santosa, coordinateur régional, Mehbob, membre du personnel de l'Institut d'aide juridique, tous membres du bureau du SBSI, qui ont été interrogés et accusés d'avoir fomenté les événements de juillet 1996, et de prendre les mesures nécessaires pour que les charges retenues contre eux soient rapidement abandonnées; et iii) toutes les mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau et les militants du SBSI à la suite des événements survenus en juillet 1996, notamment les mesures d'arrestation, d'interrogatoire et d'accusation dont ces personnes ont fait l'objet.

446. En outre, le comité regrette vivement que le gouvernement n'ait pas répondu aux dernières allégations selon lesquelles Mme Dita Sari et M. Coen Pontoh, deux responsables syndicaux des organisations syndicales indépendantes Pusat Perjuangan Buruh Indonesia (PPBI) et Serikat Tani Nasional (STN), ont été condamnés respectivement à de lourdes peines de prison pour avoir pris part à une action de grève dans la ville de Surabaya le 8 juillet 1996. Le comité croit comprendre que, au nombre des raisons de cette action directe, on peut citer des revendications typiquement traditionnelles ayant trait au travail ainsi que des demandes tendant à faire annuler des lois strictes sur le plan de la sécurité et à faire cesser l'intervention des militaires dans les affaires relatives au travail. Des unités de la police et de l'armée sont néanmoins intervenues et ont violemment réprimé le mouvement de grève; à la suite de cette intervention, Mme Dita Sari et M. Coen Pontoh ont été arrêtés, incarcérés et condamnés à quatre et six années d'emprisonnement, respectivement, le 22 avril 1997. Le comité souhaiterait appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l'ordre public serait sérieusement menacé. Par ailleurs, nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l'objet de sanctions pénales pour le simple fait d'avoir organisé une grève pacifique ou d'y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 580 et 602.] Etant donné que ces principes ne semblent pas avoir été respectés dans le présent cas, le comité ne peut que conclure que le gouvernement n'a pas pu démontrer que les mesures prises à l'encontre de ces deux militants syndicaux ne découlent en aucune manière de leurs activités syndicales légitimes. Le comité prie donc instamment le gouvernement de fournir des informations sur la situation de ces deux militants syndicaux et de prendre les mesures appropriées pour les faire relâcher immédiatement s'ils sont encore en prison.

447. S'agissant du harcèlement allégué de M. Supandi, employé de la Andatu Lestari Plywood Company à Lambung et membre du SBSI par un fonctionnaire du ministère de la Main-d'œuvre qui a demandé à l'entreprise de licencier M. Supandi, ce dernier refusant de cesser ses activités au SBSI, le gouvernement répond que M. Supandi continue à travailler dans l'entreprise. De la même façon, en ce qui concerne la détention alléguée de M. Aries Hia, vice-président du SBSI (bureau de Binjai) en mai 1997, le comité note que le gouvernement reconnaît que M. Aries Hia a été détenu pendant quatre jours pour fournir des éclaircissements sur le bureau du SBSI de Binjai nouvellement créé ainsi que pour expliquer la présence d'un document dans ce bureau qui, entre autres, jetait le discrédit sur le gouvernement. Notant que le gouvernement ne dément pas que les deux représentants du SBSI susmentionnés ont fait l'objet de mesures d'intimidation et ont été incarcérés respectivement, le comité souhaiterait insister sur le fait que le harcèlement et la détention, même de courte durée, de dirigeants ou de membres syndicaux en raison de leur appartenance à un syndicat ou à leurs activités syndicales (dans les deux cas présents, l'appartenance au SBSI et les activités y afférentes) sont contraires aux principes de la liberté syndicale. Enfin, notant que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle 18 travailleurs contractuels ont été licenciés de l'entreprise PT Pelangi Selaras Indonesia à Medan le 11 juillet 1997 en raison de leur appartenance au SBSI, le comité invite le gouvernement à fournir cette information immédiatement; s'il apparaît que ces 18 travailleurs contractuels sont membres du SBSI, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'ils soient dûment réintégrés dans leur poste.

448. En ce qui concerne l'allégation de violations de la liberté syndicale signalées par le SBSI dans sa communication datée du 11 juin 1996, le comité avait demandé à l'organisation plaignante de fournir des informations supplémentaires compte tenu des profondes divergences entre la version des plaignants et celle du gouvernement. Notant que cette information n'a toujours pas été fournie et afin d'être à même de se prononcer sur cette question en pleine connaissance des faits, le comité souhaiterait une nouvelle fois demander au SBSI de fournir un complément d'informations sur: i) les violences physiques dont MM. Aryanto et Rozali ont fait l'objet; ii) les motifs de l'arrestation de M. Asipto Parangun-Agin; iii) le contenu du tract distribué par M. Farid Mu'adz concernant le droit de grève; iv) les actes de discrimination antisyndicale à l'encontre de sept travailleurs de PT Tris Delata Agindo, qui auraient été contraints à renoncer à leur affiliation au SBSI; et v) les actes de vandalisme commis contre l'enseigne du SBSI à Medan et à Binjai.

449. Le comité appelle l'attention de la commission d'experts sur les aspects législatifs de ce cas en rapport avec l'application de la convention no 98.

Recommandations du comité

450. Au vu de ses conclusions intérimaires qui précèdent, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes:

a) Le comité exprime sa profonde préoccupation du fait qu'aucune action n'ait été entreprise par le gouvernement afin de remédier à la situation des travailleurs indonésiens, laquelle se caractérise par des violations graves et continues des droits fondamentaux et syndicaux ainsi que des violations des principes de la liberté syndicale en fait et en droit.

b) Le comité rappelle que la législation indonésienne, qui impose une situation de monopole syndical en exigeant l'accord du SBSI pour l'enregistrement de tout autre syndicat, énonce des obligations qui sont si contraignantes qu'elles constituent une limitation majeure de la liberté syndicale. Le comité prie donc à nouveau instamment le gouvernement d'éliminer ce type d'obstacle afin de garantir que le droit des travailleurs de s'organiser et de négocier collectivement soit pleinement reconnu en droit et en pratique, et de le tenir informé à cet égard.

c) En ce qui concerne spécifiquement le SBSI, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le SBSI soit enregistré sans autre délai afin qu'il puisse exercer ses activités syndicales légitimes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

d) Le comité prie instamment le gouvernement d'ouvrir une enquête indépendante pour établir clairement les raisons du licenciement de M. Mulyono et, s'il apparaît que celui-ci a été licencié au motif d'activités syndicales légitimes, de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires pour lui permettre de demander sa réintégration dans son poste, s'il le souhaite. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

e) Le comité prie instamment le gouvernement d'indiquer immédiatement si les seize travailleurs qui ont été licenciés de l'entreprise Southern Cross Textile Industry en avril 1993 étaient membres du SBSI et, si tel est le cas, de faire en sorte qu'ils soient réintégrés dans leurs postes, s'ils le souhaitent. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

f) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir rapidement des informations sur: i) le sort de MM. Mahammad Ali, 19 ans (PT Peridoni) et Mulyadi, 24 ans (PT Ganda Seribu), qui auraient été placés en détention à la suite des événements survenus à Medan en avril 1994; et ii) l'issue des procès de MM. Icang et Suryandi. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

g) Tout en notant que le gouvernement déclare s'attendre à ce que l'enquête concernant le meurtre de Mme Marsinah soit résolue sous peu et que le responsable soit puni en conséquence, le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur la suite de ce cas dans les meilleurs délais. De plus, le comité prie instamment le gouvernement d'ouvrir une enquête judiciaire indépendante sur le meurtre de Mme Marsinah qui a eu lieu voilà plus de quatre ans en vue de sanctionner les personnes responsables; il prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête.

h) Rappelant l'importance du principe d'un procès rapide et équitable par une instance indépendante et impartiale, et estimant que les accusations portées et les mesures prises contre M. Pakpahan, sous prétexte d'activités subversives alléguées, sont liées à ses activités syndicales, le comité prie instamment le gouvernement de tout mettre en œuvre pour abandonner les charges pénales à l'encontre de M. Pakpahan en rapport avec les événements d'avril 1994 survenus à Medan et ceux survenus à Jakarta en juillet 1996 et qu'il soit libéré. Le comité appelle une nouvelle fois le gouvernement à faire en sorte que M. Pakpahan puisse librement exercer ses activités syndicales légitimes dès qu'il pourra quitter l'hôpital. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

i) Le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur: i) neuf membres du bureau de la branche de Riau du SBSI placés en détention au début d'août 1996 et, dans le cas où ces personnes seraient toujours en détention, de prendre les mesures nécessaires pour leur libération immédiate; ii) MM. Rekson Silaban, directeur de recherche, Santosa, coordinateur régional, Mehbob, membre du personnel de l'Institut d'aide juridique, tous membres du bureau du SBSI qui ont été interrogés et accusés d'avoir fomenté les événements de juillet 1996, et de prendre les mesures nécessaires pour que les charges retenues contre eux soient rapidement abandonnées; et iii) toutes les mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau et les militants du SBSI à la suite des événements survenus en juillet 1996, notamment les mesures d'arrestation, d'interrogatoire et d'accusation dont ces personnes ont fait l'objet.

j) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur la situation de Mme Dita Sari et de M. Coen Pontoh, deux responsables de syndicats indépendants qui auraient été arrêtés et emprisonnés à la suite de leur participation à une action directe, et de prendre les mesures nécessaires pour les faire relâcher immédiatement s'ils sont encore en prison.

k) Le comité invite le gouvernement à fournir des informations sur l'allégation selon laquelle 18 travailleurs contractuels auraient été licenciés de l'entreprise PT Pelangi Selaras Indonesia (PT PSI) à Medan le 11 juillet 1997 pour leur appartenance au SBSI. Il prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que ces 18 travailleurs soient dûment réintégrés s'ils sont effectivement membres du SBSI.

l) Pour pouvoir se prononcer en pleine connaissance des faits, le comité prie le SBSI de fournir un complément d'informations sur: i) les violences physiques dont MM. Aryanto et Rozali ont fait l'objet; ii) les motifs de l'arrestation de M. Asipto Parangun-Agin; iii) le contenu du tract distribué par M. Farid Mu'adz concernant le droit de grève; iv) les actes de discrimination antisyndicale à l'encontre de sept travailleurs de PT Tris Delata Agindo, qui auraient été contraints de renoncer à leur affiliation au SBSI; et v) les actes de vandalisme commis contre l'enseigne du SBSI à Medan et à Binjai.

m) Le comité appelle l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du cas en rapport avec la convention no 98.


Cas no 1897
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Japon
présentée par
le Syndicat japonais du personnel hospitalier (JNHWU)

Allégations: restrictions aux activités syndicales légitimes;
transferts fréquents de responsables syndicaux;
refus de négocier collectivement avec le syndicat

451. Dans une communication du 13 août 1996, le Syndicat japonais du personnel hospitalier (JNHWU) a présenté une plainte contre le gouvernement du Japon en violation des droits syndicaux. Par la suite, il a soumis des informations complémentaires dans des communications des 19 septembre et 11 octobre 1996.

452. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 15 mai 1997.

453. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

454. Dans sa plainte, le comité du district de Tokyo du Syndicat japonais du personnel hospitalier (JNHWU) explique qu'il existe au Japon 240 cliniques et hôpitaux nationaux. Sur leurs 53 000 salariés, 36 000 sont membres du JNHWU, qui possède une section dans chacun d'eux. Le comité du district de Tokyo compte 2 400 membres. Le JNHWU allègue que les institutions médicales précitées font l'objet d'attaques du ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale, qui veut restreindre ses activités afin de l'affaiblir. L'hostilité du ministère, qui se manifeste sous des formes diverses, trouve son origine dans la participation des membres du JNHWU à une grève en 1991.

455. Le JNHWU expose ensuite les différentes manières dont il est attaqué par le ministère. En premier lieu, il fait remarquer que, si la législation japonaise actuelle interdit la grève aux fonctionnaires, elle leur accorde en revanche le droit de négociation collective. Or les établissements médicaux nationaux ont commencé à refuser de négocier à partir de la seconde moitié de 1992. Chaque fois que le syndicat faisait une proposition, les responsables hospitaliers répondaient que la question, ressortissant au domaine administratif, échappait à la négociation collective. Le JNHWU illustre ce point de différents exemples. Ainsi, au sanatorium national de Murayama, lorsqu'il a proposé en avril 1996 que les femmes enceintes soient exemptées du travail de nuit, les autorités médicales ont répondu que cette question ne pouvait faire l'objet de négociations car elle avait été relevée par la législation. De même, le syndicat a demandé en 1996 que les travailleurs de l'hôpital national d'Oukura perçoivent l'intégralité des primes d'heures supplémentaires, à quoi les autorités médicales ont répondu qu'il s'agissait là d'une question budgétaire ne pouvant faire l'objet de négociations. A l'hôpital national de Takada, lorsque le syndicat a insisté sur la nécessité de faire laver les fenêtres et les portes à treillis au moins deux fois par an, de faire cirer les couloirs et surfaces similaires à des intervalles identiques et d'accroître la place accordée au stockage des radiographies, les autorités médicales ont répondu que ces questions relevaient de la gestion administrative, qu'elles ne concernaient pas les conditions de travail et qu'elles n'étaient donc pas ouvertes à la négociation. Le JNHWU affirme que, en raison de cette attitude des établissements médicaux, il n'y a pas eu de négociations collectives dans certains hôpitaux depuis quatre ans.

456. Le JNHWU affirme ensuite que les possibilités quotidiennes d'activités syndicales ont été très réduites depuis décembre 1993, date à laquelle le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale a émis un «arrêté relatif à l'amélioration de la gestion», qui vise à renforcer sa gestion de la main-d'œuvre. Le ministère a ordonné l'annulation de toutes les conventions relatives aux activités syndicales qui avaient été conclues entre la direction et le personnel. Cette décision a nui au syndicat sur divers points. En premier lieu, l'usage des locaux hospitaliers pour la tenue des réunions syndicales et des autres activités syndicales légitimes a été fortement restreint. Par exemple, le JNHWU affirme que, conformément au programme d'orientation proposé par l'hôpital aux nouveaux engagés, la section syndicale du service de pédiatrie a demandé en mars 1996 à disposer d'une salle de conférence pour présenter ses activités aux nouveaux venus. Or la direction a rejeté la demande sans motiver sa décision. Selon le JNHWU, la raison en était d'empêcher un accroissement des effectifs du syndicat. Par ailleurs, depuis la publication de l'«arrêté relatif à l'amélioration de la gestion», l'autorisation d'utiliser la salle de conférence habituelle du JNHWU est donnée à condition que seuls les salariés de l'établissement participent aux réunions, avec pour conséquence d'exclure les responsables du JNHWU qui ne travaillent pas dans cet établissement. Par ailleurs, lorsque la section du JNHWU du Centre national du cancer a organisé son assemblée ordinaire, en juillet 1996, la direction ne lui a accordé l'usage de la salle de réunions qu'à condition de ne pas hisser le drapeau syndical, contrairement à une pratique autorisée jusque-là.

457. Dans un autre domaine, des restrictions ont été apportées aux endroits où le JNHWU est autorisé à installer ses panneaux d'affichage, alors que cette question avait fait l'objet d'un accord antérieur entre la direction et le syndicat. Depuis juillet 1996, le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale n'a autorisé le syndicat à installer ces panneaux que dans des lieux où les patients et leurs familles ne peuvent les voir et a indiqué que deux ou trois panneaux par établissement suffisaient largement. Le JNHWU ajoute que, bien que les cantines du personnel soient réservées aux salariés, la direction a interdit l'installation de panneaux d'affichage dans les cantines du sanatorium national de Tokyo et dans celle du Centre national de neurologie et de psychiatrie sous prétexte que «les patients pourraient utiliser cette cantine». Le JNHWU fait remarquer que, le sanatorium national occupant quelque 200 000 m², deux panneaux ne suffisent pas à informer convenablement le personnel.

458. A ces attaques se sont ajoutées des restrictions à la diffusion des nouvelles du syndicat. Selon le JNHWU, les autorités médicales soumettent depuis 1994 la diffusion de ces nouvelles à autorisation. En outre, le syndicat n'est pas autorisé à les diffuser sur les lieux de travail et il ne peut procéder à l'opération qu'avant les heures de travail aux portes des établissements, avant que les agents ne gagnent leur poste. Le JNHWU souligne que, dans les établissements qui fonctionnent 24 heures sur 24, les horaires de travail diffèrent selon les catégories de personnel, et que par conséquent seule une faible proportion des agents sont à même de prendre connaissance des nouvelles du syndicat.

459. Le JNHWU explique ensuite que les activités syndicales légitimes font l'objet d'attaques jusqu'à l'extérieur des établissements médicaux. Par exemple, lorsque la section syndicale du service pédiatrique de Tokyo a organisé une manifestation de protestation à l'entrée principale de l'hôpital national des enfants, les membres du personnel qui étaient du côté de la direction -- dont le directeur général de l'hôpital -- ont observé la scène en prenant des photographies et des films vidéo. Selon le JNHWU, ils cherchaient d'une part à intimider les manifestants, de l'autre à identifier les employés qui participaient à la manifestation, en vue de les dissuader de recommencer. En mars 1994, la section du Centre national du cancer du JNHWU, associée à différentes sections régionales -- soit environ 70 personnes au total -- a envoyé une pétition au directeur de l'hôpital pour lui demander d'améliorer les conditions de travail. Alors que les participants s'étaient contentés de transmettre la pétition au personnel de l'hôpital, les autorités médicales ont menacé les employés du Centre national du cancer et ont pris des photographies de ceux qui avaient signé la pétition. De même, en 1995, lorsque la section du Centre national du cancer du JNHWU a distribué des dépliants aux passants à l'entrée de la station de métro Higashi Ginza, située à quelque 500 mètres de l'hôpital, les autorités médicales ont envoyé des membres du personnel pour vérifier l'identité des participants à cette manifestation et le contenu de ce dépliant ainsi que pour menacer les syndicalistes.

460. En outre, le JNHWU affirme que les autorités médicales procèdent au transfert de dirigeants syndicaux vers d'autres hôpitaux pour affaiblir le syndicat. Dans le passé, le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale accordait un préavis d'environ deux mois aux agents transférés pour leur permettre de donner leur avis. Aujourd'hui, et surtout depuis que le ministère a émis l'«arrêté relatif à l'amélioration de la gestion», en décembre 1993, les intéressés ne bénéficient plus de ce préavis. Le JNHWU donne des exemples de ces transferts. En avril 1995, le président du comité du district de Tokyo du syndicat a été contraint à un transfert vers un autre établissement. De même, en septembre 1995, le président de la section de Saigata du syndicat a été transféré sans son accord vers un autre établissement. Le Bureau médical du ministère a refusé de faire droit à la demande du syndicat tendant à l'annulation de ce transfert. De même encore, en avril 1996, le secrétaire général de la section du Centre national du cancer du syndicat a été transféré, ce qui a entravé le bon fonctionnement de la section.

461. Enfin, le JNHWU note que le ministère a pris des mesures de rétorsion à l'encontre des salariés qui avaient fait grève en novembre 1991. Il explique les événements qui ont conduit à la grève et précise qu'elle a été décidée en dernier recours. Il rappelle que, les fonctionnaires japonais étant privés du droit de grève, un Service national du personnel (SNP) a été institué pour compenser cette interdiction. Le SNP est chargé essentiellement de prendre des mesures administratives relatives aux rémunérations et à l'ensemble des autres conditions de travail des fonctionnaires, dont le personnel hospitalier. En avril 1963, le JNHWU a demandé au SNP de faire droit à sa revendication concernant certaines mesures administratives à prendre au sujet du travail de nuit du personnel infirmier. Plus précisément, le JNHWU demandait que le travail de nuit soit limité à six fois par mois, que le nombre de lits assignés à chaque unité soit limité à 40 et qu'il y ait plus de deux infirmières par unité. Le 24 mai 1965, le SNP a décidé que les infirmières ne pourraient travailler de nuit qu'un maximum de huit fois par mois et que les équipes ne comprenant qu'une infirmière seraient supprimées. Cependant, le ministère de la Santé n'a pas appliqué cette décision. Une enquête menée par le ministère de la Santé en octobre 1989, soit 24 ans après l'adoption de cette décision par le SNP, fait état en moyenne de neuf nuits de travail, ce qui provoquait, surtout chez les infirmières, des cas de fatigue chronique, de grossesse anormale et de décès dus au surmenage. De février à mai 1991, conformément à la décision du SNP, les directeurs de plus de 200 hôpitaux nationaux ont demandé au ministre de la Santé de prendre des mesures concrètes pour accroître notablement le nombre des infirmières afin de limiter le travail de nuit à huit fois par mois dans les hôpitaux et sanatoriums nationaux. Le ministère de la Santé n'a pas répondu à cette demande.

462. En septembre 1991, le JNHWU, souhaitant voir ses revendications satisfaites, a décidé d'organiser simultanément le 13 novembre dans les hôpitaux nationaux du pays des assemblées qui auraient partiellement lieu durant les heures de travail. Il s'est efforcé d'obtenir que des négociations aient lieu avant le 13 novembre avec le chef de la division des soins médicaux du ministère de la Santé, qui était responsable des hôpitaux et sanatoriums nationaux. Le ministère de la Santé a refusé cette proposition. Le JNHWU entendait se fonder sur les négociations menées avec le ministère de la Santé pour décider s'il prolongerait les assemblées durant les heures de travail ou s'il y mettrait fin à 8 h 30, heure à laquelle commence normalement la journée de travail. Cependant, le ministère ayant refusé de procéder à des négociations, le JNHWU a donné instruction à ses sections de tenir les assemblées précitées. Elles ont eu lieu dans 239 établissements nationaux du pays, avec la participation de quelque 25 000 membres du syndicat. Ouvertes à 8 heures, ces assemblées se sont terminées à 8 h 30 dans certains établissements et à 8 h 57 dans d'autres. Avant la tenue de ces assemblées simultanées, le JNHWU avait donné instruction à ses sections de veiller à ce que les services essentiels soient assurés sans interruption durant la grève. Il souligne qu'aucune urgence n'a été refusée et que les services de consultation externe n'ont pas souffert de la situation.

463. Pourtant, en mars 1992, le ministère a pris des mesures de rétorsion contre 3 090 personnes: réprimande (Genjyu-Syobun) à l'encontre de 2 518 membres du syndicat auxquels il était reproché de ne pas avoir commencé le travail à l'heure fixée; blâme (Kunkoku) à l'encontre de 399 militants; sanction disciplinaire (Cyokaikaikoku) à l'encontre de 147 responsables de section et de 26 responsables nationaux. En outre, le ministère a imposé des sanctions financières. Tout d'abord, il a repoussé de trois mois l'augmentation salariale régulière de 173 personnes. Concrètement, ceux-ci percevront chaque fois cette augmentation trois mois plus tard que prévu jusqu'à 57 ans, âge auquel elle cesse de s'appliquer. Le JNHWU ajoute que le personnel hospitalier perçoit habituellement une prime d'assiduité deux fois par an, en juin et en décembre. Or la prime de juin de 2  917 salariés (ceux qui avaient fait l'objet d'une réprimande ou d'un blâme) a été réduite. Le JNHWU souligne que d'autres réductions affecteront le montant de la pension de retraite de ces salariés. Il apparaît ainsi clairement que, pour une grève de moins de trente minutes, le ministère a infligé aux salariés des sanctions financières bien plus graves qu'une simple réduction salariale, sanctions qui ne sont pas même prévues par la loi.

464. En conclusion, le JNHWU déclare que le SNP, qui se compose de trois responsables de la gestion du personnel nommés par le gouvernement, ne représente aucunement les salariés et leurs syndicats, et ne peut donc être considéré comme impartial. En outre, ses recommandations et décisions n'ont pas valeur de sanctions arbitrales et ne lient pas les parties. De plus, elles ne sont appliquées ni rapidement ni complètement. En ce qui concerne la procédure de recommandation du SNP, le personnel et ses syndicats n'ont pas leur mot à dire. Enfin, si le personnel peut demander l'adoption de mesures administratives, il n'est pas autorisé à participer à l'adoption des décisions que le SNP prend à ce sujet. En bref, les fonctionnaires japonais sont privés du droit de grève sans bénéficier de garanties compensatoires, ce qui constitue clairement une violation des principes de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

465. Dans sa communication du 15 mai 1997, le gouvernement déclare que, en raison de l'amélioration récente de la situation des établissements médicaux publics et privés, le service médical japonais est pratiquement à même de faire face à ses besoins quantitatifs. Actuellement, les hôpitaux et sanatoriums nationaux offrent 83 115 lits, soit quelque 5 pour cent des 1 669 951 lits offerts par l'ensemble des hôpitaux du pays. Les établissements médicaux publics et privés offrent les services médicaux courants dans les collectivités locales, tandis que les hôpitaux nationaux jouent le rôle correspondant à leur statut, qui est d'offrir des services médicaux poussés ou spécialisés dans un vaste ressort territorial, de procéder à des recherches cliniques et de mener des activités d'éducation et de formation. Cependant, vu la gravité de la situation financière actuelle, il est difficile de doter tous les hôpitaux nationaux des ressources humaines et des équipements nécessaires à l'exécution des missions précitées. Aussi, la manière la plus efficace de réunir les ressources nécessaires à la gestion est de prendre des mesures comme la suppression, l'intégration et le transfert à des entités non nationales, et d'affecter les ressources humaines résultant de la réorganisation aux établissements restant en service afin de renforcer leurs moyens. C'est pourquoi le gouvernement a jugé indispensable d'améliorer les services médicaux japonais en vue du XXIe siècle. Cette politique de réorganisation a l'accord de la population, car elle fait partie du programme de réforme administrative adopté par le gouvernement le 25 décembre 1996, auquel s'ajoute la loi sur les mesures spéciales d'accompagnement de la réorganisation des hôpitaux nationaux, qui contient des mesures visant à assurer le bon déroulement de la réorganisation. En ce qui concerne les effets de la réorganisation sur l'emploi et les autres conditions de travail du personnel, le gouvernement mène des négociations de bonne foi, dans le respect des lois applicables, afin d'assurer le bon déroulement de la réorganisation. Il entend poursuivre dans cette voie.

466. S'agissant de la plainte du JNHWU, le gouvernement note tout d'abord que le droit de se syndiquer est accordé aux agents de l'Etat exerçant des fonctions d'employés -- y compris le personnel hospitalier -- par la loi sur la fonction publique nationale (art. 108-2). Lorsqu'une organisation de salariés enregistrée propose de négocier conformément à la loi avec les autorités compétentes au sujet des rémunérations, des horaires et autres conditions de travail ou des questions concernant les activités syndicales légales, notamment les activités sociales, les autorités compétentes doivent répondre à ces propositions (art. 108-5 de la loi sur la fonction publique nationale). Par ailleurs, le gouvernement est tenu de ne pas rejeter arbitrairement dans un rapport du Conseil consultatif du personnel de la fonction publique une demande similaire émanant d'une organisation de salariés non enregistrée, et il se conforme à cette obligation. Ces négociations sont aussi menées conformément à la loi dans les hôpitaux nationaux. Le JNHWU, qui a été créé le 1er décembre 1948, dispose d'un siège, de 234 branches locales, de huit comités régionaux et de 50 comités de district. Les négociations sont menées entre le siège et le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale, les comités régionaux et les bureaux régionaux des affaires médicales, et les branches locales et les établissements. Jusqu'en mars ces négociations -- y compris celles menées par le siège et les branches locales -- avaient lieu quatre fois par an. Le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale donne maintenant ses instructions aux bureaux régionaux (locaux) des affaires médicales et aux établissements au sujet de la conduite de ces négociations.

467. S'agissant de l'allégation selon laquelle les autorités refusent d'accorder l'usage des salles de conférence aux organisations de travailleurs pour y tenir leurs réunions et assemblées, le gouvernement répond que le terrain et les bâtiments des hôpitaux nationaux sont des biens publics (que l'Etat offre ou décide d'offrir à ses entreprises ou d'affecter au logement de ses agents), comme il est indiqué à l'alinéa 1 du paragraphe 2 de l'article 3 de la loi sur les biens nationaux. Le terrain et les bâtiments des hôpitaux nationaux sont gérés par leurs directeurs en vertu de cette loi, dont le paragraphe 3 de l'article 18 dispose qu'il peut être permis d'utiliser les biens administratifs et d'en tirer profits si cela n'affecte pas leur usage et leur objet originels. Ainsi en va-t-il des hôpitaux nationaux. Le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale applique cette loi équitablement et honnêtement aux organisations de travailleurs.

468. Le gouvernement aborde ensuite l'allégation selon laquelle les activités collectives des travailleurs sont interdites durant les heures de travail. Il souligne que les fonctionnaires sont tenus, en vertu de l'article 101 de la loi sur la fonction publique nationale, d'accorder toute leur attention à leurs tâches professionnelles. Dans le cadre de leurs tâches, les fonctionnaires sont au service de l'ensemble de la population, et ils ont donc pour mission fondamentale de se consacrer entièrement à ces tâches durant les heures de travail. C'est pourquoi ils ne sont pas autorisés à mener des activités syndicales collectives durant ces heures.

469. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les membres des organisations de travailleurs sont transférés d'un bout à l'autre du pays pour affaiblir ces organisations, le gouvernement indique que les transferts de travailleurs vers des hôpitaux nationaux sont décidés par des personnes ayant un pouvoir de nomination, et seulement dans la mesure nécessaire. Ils se fondent sur le mérite, et il est dûment tenu compte à cet égard de facteurs comme les qualifications et l'expérience. Aucun transfert de personnel n'a été décidé en vue d'affaiblir les organisations de travailleurs. L'article 108-7 (Interdiction des traitements défavorables) de la loi sur la fonction publique nationale et l'article 2 du règlement 8-12 (Engagement et licenciement des travailleurs) du SNP interdisent de traiter un travailleur de manière défavorable parce qu'il est membre d'une organisation de travailleurs, parce qu'il a cherché à créer une telle organisation ou à en devenir membre ou parce qu'il a participé à des activités légitimes au sein d'une organisation de travailleurs.

470. Abordant ensuite la question des grèves et des mesures disciplinaires, le gouvernement déclare que, le 13 novembre 1991, le JNHWU a organisé un rassemblement dans un hôpital national de 8 heures à 8 h 57, avec la participation de quelque 25 000 membres provenant de 237 branches. Au moins 2 934 agents n'ont pas travaillé pendant 27 minutes alors qu'ils étaient de service ce jour-là, ce qui a entravé le fonctionnement de l'établissement et constitue un différend interdit par le paragraphe 2 de l'article 98 de la loi sur la fonction publique nationale. C'est pourquoi 173 personnes -- 26 responsables du siège et 147 chefs de branche -- ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire sur la base de l'article 82(1) de la loi sur la fonction publique nationale du 19 mars 1992, qui interdit de chercher à provoquer un différend, de conspirer à cet effet ou d'inciter à une telle action. Le gouvernement ajoute que les sanctions disciplinaires prévues par la loi sur la fonction publique nationale sont de quatre ordres: licenciement, suspension, retenue salariale et réprimande. Le gouvernement conteste l'allégation du syndicat plaignant selon laquelle 3 500 personnes ont fait l'objet d'une retenue salariale. En outre, les autres travailleurs n'ont pas fait l'objet de sanction, mais d'un simple blâme.

471. Le gouvernement examine ensuite l'allégation selon laquelle la grève visait à protester contre la non-application de la décision de 1965 du SNP et selon laquelle même une grève illégale peut être admissible si le JNHWU estime que cette situation est illégale. Le gouvernement rappelle avec force que la loi japonaise interdit la grève aux fonctionnaires et qu'il est donc naturel que les contrevenants fassent l'objet des sanctions disciplinaires légales. Le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale s'est conformé à la décision de 1965 du SNP, et le gouvernement ne voit rien à lui reprocher. Plus précisément, en avril 1963, le JNHWU a soumis à la NPA une «demande d'adoption de mesures administratives relatives aux restrictions à apporter au travail de nuit des infirmières -- titulaires et auxiliaires -- et des sages-femmes». Le SNP a pris une décision au sujet de cette demande en mai 1965. En ce qui concerne le nombre de nuits de travail, il a estimé qu'«il serait raisonnable de s'efforcer de faire en sorte que les infirmières et autres personnes travaillant de nuit dans les établissements relevant du ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale travaillent de nuit huit fois par mois en moyenne» et il a fait remarquer que «s'il est difficile d'atteindre cet objectif immédiatement des efforts systématiques doivent être néanmoins entrepris pour y parvenir». En ce qui concerne la possibilité d'affecter deux personnes ou plus à une équipe de nuit, il a déclaré que «s'agissant des unités de soins infirmiers pour lesquels on considère qu'une seule personne suffit par équipe de nuit il est nécessaire de prendre des mesures visant à faciliter le traitement et les communications en vue des imprévus et d'accorder une attention spéciale aux installations de repos». Il a fait également les remarques suivantes: «En ce qui concerne les autres unités de soins infirmiers, il n'est pas souhaitable de supprimer d'un coup l'ensemble des équipes de nuit ne comportant qu'une personne car cela créerait d'autres problèmes, comme l'accroissement du nombre de nuits de travail par mois, sauf à accroître considérablement le nombre des infirmières et personnel similaires. Il convient donc de faire des efforts systématiques pour supprimer les équipes de nuit ne comportant qu'une personne ... et en même temps d'envisager l'incidence de cette décision sur le nombre de nuits de travail et autres questions connexes.» Le gouvernement souligne que le nombre de huit fois par mois est un objectif provisoire fixé par le SNP. Se fondant sur cette décision du SNP, le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale a reconnu qu'il était fondamental «de faire en sorte que les équipes de nuit comportent deux personnes ou plus et que le nombre de nuits de travail soit inférieur à huit par mois» dans les hôpitaux nationaux. Il a déployé tous ses efforts dans ce sens. Alors, pourtant qu'il s'efforce de limiter strictement la progression des effectifs globaux, le gouvernement a augmenté le nombre des infirmières de 11 502 entre 1968 et 1996. Par suite de cette évolution, le nombre moyen de nuits de travail des infirmières dans les hôpitaux nationaux a diminué, pour se situer à huit en octobre 1996. Par ailleurs, on a presque atteint l'objectif consistant à affecter plus d'une personne aux équipes de nuit. Le gouvernement estime qu'il respecte ainsi pleinement la décision précitée du SNP.

C. Conclusions du comité

472. Le comité note que les allégations présentées en l'espèce concernent les questions suivantes: refus de la direction de négocier collectivement avec le Syndicat japonais du personnel hospitalier (JNHWU) dans certaines de ses sections syndicales des cliniques et hôpitaux nationaux; diverses restrictions apportées aux activités légitimes des syndicats; transferts systématiques de responsables syndicaux; représailles exercées à l'encontre des responsables syndicaux et membres du syndicat qui avaient participé à une grève.

473. Le JNHWU soutient que, alors que la législation nationale prévoit le droit de négocier collectivement pour les agents publics, les établissements médicaux nationaux refusent de négocier avec lui depuis 1992. Il donne ensuite différents exemples de cas où les responsables de divers hôpitaux ont refusé de débattre avec le syndicat de certaines questions. Le comité note que le gouvernement, tout en ne faisant pas d'observations sur les exemples précis de refus de négocier collectivement fournis par le JNHWU, rejette catégoriquement l'affirmation du syndicat plaignant selon laquelle les établissements médicaux nationaux ne mènent pas de négociations collectives et selon laquelle il n'y a eu aucune négociation dans certains hôpitaux depuis quatre ans. En fait, selon le gouvernement, des négociations ont déjà eu lieu quatre fois cette année entre, d'une part, le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale et, d'autre part, le siège du JNHWU et ses branches locales. Pour le comité, il ressort des déclarations du syndicat plaignant que certaines questions semblent être exclues de la négociation collective. A cet égard, le comité considère, comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l'étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention no 98; des discussions tripartites visant à élaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier. [Voir Etude d'ensemble de la Commission d'experts sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 250.]

474. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les activités quotidiennes du syndicat, y compris l'usage des installations hospitalières pour la tenue de réunions syndicales, ont fait l'objet de larges restrictions depuis décembre 1993, le gouvernement répond que le terrain et les bâtiments des hôpitaux nationaux sont des biens administratifs qui, en vertu de la loi sur les biens nationaux, peuvent être utilisés pour les activités syndicales dans la mesure où cela ne porte pas atteinte à leur usage et à leur objet originels. Le gouvernement ajoute qu'il agit équitablement en ce domaine, conformément à la loi précitée. Cependant, le comité note la déclaration du JNHWU -- qui n'est pas réfutée par le gouvernement -- selon laquelle, depuis que l'«arrêté relatif à l'amélioration de la gestion» a été pris par le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale, l'autorisation d'utiliser la salle de conférences habituelle du JNHWU est donnée à condition que seuls les salariés travaillant dans l'établissement participent à la réunion, ce qui exclut les responsables du syndicat qui n'y travaillent pas. A cet égard, le comité souhaite appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel la convention no 135 demande aux gouvernements de veiller à ce que des facilités soient accordées, dans l'entreprise, aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions, et ce sans entraver le fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 950.] Le comité demande donc au gouvernement de veiller dans l'avenir à ce que les représentants du JNHWU bénéficient des facilités sur les lieux de travail dont ils ont besoin pour remplir rapidement et efficacement leurs fonctions et à ce que les permanents syndicaux aient un accès raisonnable aux lieux de travail.

475. Le comité note également que l'allégation du JNHWU selon laquelle les activités syndicales légitimes comme le fait de hisser le drapeau syndical lors des réunions, l'installation de panneaux d'affichage et la distribution des nouvelles du syndicat ont fait l'objet d'entraves de la part du ministère. Selon le JNHWU, les activités syndicales légitimes menées à l'extérieur des établissements sont également menacées. Il donne deux exemples de situations où des responsables hospitaliers ont été chargés de prendre des photographies et des films vidéo des membres du JNHWU qui participaient à des manifestations de protestation, signaient des pétitions et distribuaient des dépliants syndicaux, en vue de les dissuader de mener des activités similaires dans l'avenir. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas ces allégations, mais déclare que les salariés des hôpitaux nationaux, ayant une obligation fondamentale, en tant que fonctionnaires, de se consacrer entièrement à leurs tâches, ne sont pas autorisés à exercer leurs fonctions syndicales durant les heures de travail. En premier lieu, le comité constate que l'un des points litigieux du présent cas tient à ce que certaines activités syndicales sont soumises à restrictions, et non pas qu'elles le sont seulement durant les heures de travail. Par ailleurs, en ce qui concerne la question des fonctionnaires, le comité rappelle que les règles énoncées dans la convention no 87 s'appliquent à tous les travailleurs «sans distinction d'aucune sorte» et que les fonctionnaires devraient avoir le droit d'organiser leurs activités sans ingérence des autorités publiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 212 et 214.] Le comité considère que la pose de drapeau syndical lors des réunions sur les lieux de travail, l'installation de panneaux d'affichage syndicaux, la distribution des nouvelles du syndicat et des dépliants, la signature des pétitions et la participation à des manifestations syndicales constituent des activités syndicales légitimes, que les organisations de travailleurs, y compris celles qui représentent les salariés des établissements médicaux nationaux, devraient pouvoir raisonnablement exercer, conformément à l'article 3 de la convention no 87. Il demande donc au gouvernement de veiller à ce que les autorités compétentes s'abstiennent à l'avenir de recourir à des mesures tendant à restreindre l'exercice de ces droits par les membres et les responsables du JNHWU employés dans les établissements médicaux nationaux.

476. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle, depuis l'adoption de l'«arrêté relatif à l'amélioration de la gestion», des dirigeants syndicaux sont systématiquement transférés vers d'autres hôpitaux pour affaiblir le syndicat, le gouvernement répond qu'aucun transfert de personnel n'a été effectué en vue d'affaiblir les organisations de travailleurs, mais que ces transferts se fondent sur les qualifications et l'expérience de l'intéressé. Par ailleurs, selon le syndicat plaignant, les transferts de personnel sont strictement interdits par la loi. Pour sa part, le comité rappelle que, si des doutes existent quant aux motifs réels de ces transferts ou si une plainte pour discrimination antisyndicale a été déposée, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 754.]

477. Enfin, le JNHWU soutient que les mesures de rétorsion prises par le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale à l'encontre des agents qui ont fait grève en novembre 1991 sont injustifiées parce que, entre autres choses, elles englobent des sanctions financières qui ne sont pas prévues par la loi et qui affecteront les agents intéressés durant toute leur carrière et leur retraite. Pour sa part, le gouvernement estime que les mesures disciplinaires prises à l'encontre des agents intéressés étaient pleinement justifiées, puisque les fonctionnaires ne bénéficient pas du droit de grève et que ces mesures, en tout état de cause, n'englobent aucune sanction financière. A cet égard, le comité rappelle ses affirmations selon lesquelles le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 526.] Le comité a également estimé que le secteur hospitalier pouvait être considéré comme un service essentiel au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 544.] Cependant, le comité a également estimé que les mesures prises par les autorités pour assurer la prestation des services essentiels doivent rester proportionnelles aux buts visés sans aboutir à des excès. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 600.]

478. En outre, le comité a également affirmé que, lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d'une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d'action lors des différends survenus dans lesdites entreprises ou lesdits services. En ce qui concerne la nature des «garanties appropriées» en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 546 et 547.]

479. En l'espèce, le comité note que le Service national du personnel (SNP) a été créé pour compenser l'interdiction du droit de grève des fonctionnaires et qu'il est chargé essentiellement de prendre des mesures administratives relatives aux rémunérations et à l'ensemble des autres conditions de travail des fonctionnaires, y compris le personnel hospitalier. Par ailleurs, le comité note que, à la suite de la demande du JNHWU tendant à ce que certaines mesures administratives soient prises au sujet du travail de nuit du personnel infirmier, le SNP a pris une décision le 24 mai 1965. Le comité note cependant que cette décision n'était toujours pas appliquée en novembre 1991, malgré plusieurs demandes à cet effet du syndicat plaignant et d'autres parties au ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale. Selon le syndicat plaignant, c'est le refus du ministère de la Santé de prendre des mesures concrètes pour appliquer la décision du SNP qui l'a amené à entreprendre la grève de 1991. Pour sa part, le gouvernement reconnaît que, malgré les larges efforts qu'il a déployés pour accélérer les choses, le ministère de la Santé et de la Prévoyance sociale n'a pu appliquer la décision du SNP qu'en 1996. Le comité note qu'il a déjà examiné la question de la non-application des recommandations du SNP dans un cas précédent concernant le Japon [voir 222e rapport (cas no 1165), paragr. 153-169] et que cette question a également été soulevée par la commission d'experts dans différentes observations, notamment en 1983, 1984, 1985 et 1987. [Voir rapport III (4A) de 1983, 1984, 1985 et 1987 de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.] Le comité rappelle donc sa recommandation précédente relative à cette question; il exprime le ferme espoir que les recommandations futures du SNP seront appliquées pleinement et promptement, de manière à compenser dans une certaine mesure les restrictions imposées à l'exercice des droits syndicaux des agents de la fonction publique en matière de négociation collective et de grève.

Recommandations du comité

480. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande au gouvernement de veiller dans l'avenir à ce que les représentants du Syndicat japonais du personnel hospitalier (JNHWU) bénéficient des facilités sur les lieux de travail dont ils ont besoin pour remplir rapidement et efficacement leurs fonctions et à ce que les permanents syndicaux aient un accès raisonnable aux lieux de travail.

b) Rappelant que la pose de drapeau syndical lors des réunions sur les lieux de travail, l'installation des panneaux d'affichage syndicaux, la distribution des nouvelles du syndicat et des dépliants, la signature des pétitions et la participation à des manifestations syndicales constituent des activités syndicales légitimes, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les autorités compétentes s'abstiennent à l'avenir de recourir à des mesures tendant à restreindre l'exercice raisonnable de ces droits par les membres et les responsables du JNHWU travaillant dans les établissements médicaux nationaux du pays.

c) Le comité exprime le ferme espoir que les recommandations futures du SNP seront appliquées pleinement et promptement, de manière à compenser dans une certaine mesure les restrictions imposées à l'exercice des droits syndicaux des agents de la fonction publique en matière de négociation collective et de grève.


Cas no 1869
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Lettonie
présentée par
la Fédération graphique internationale (FGI)

Allégations: menaces d'éviction des locaux syndicaux

481. Dans une communication du 31 janvier 1996, la Fédération graphique internationale (FGI) a présenté une plainte contre le gouvernement de la Lettonie pour violation de la convention no 87. La FGI a fourni des informations complémentaires dans des communications du 9 mars 1996 et du 3 juillet 1997. Dans une communication du 9 février 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s'est associée à la plainte.

482. En réponse aux allégations présentées, le gouvernement a transmis ses observations et des informations dans une communication du 12 août 1997.

483. La Lettonie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

484. Dans sa communication du 31 janvier 1996, le plaignant allègue que le gouvernement, par l'intermédiaire des autorités municipales de Riga, a enfreint les dispositions de la convention no 87 en menaçant d'expulser de son siège l'organisation lettone affiliée à la FGI, le Syndicat letton de l'industrie du livre (LGAS), et en refusant de lui restituer les biens qui lui avaient été confisqués durant la période d'occupation. Le plaignant soutient que, ce faisant, le gouvernement cherche à priver le LGAS de son héritage légitime et à l'empêcher d'exercer ses activités.

485. Dans sa plainte, la FGI note que le LGAS a été créé en 1919, qu'il a été dissous par la force durant l'occupation soviétique et qu'il a été rétabli en 1991, conformément à ses statuts de 1926, puis enregistré la même année auprès du ministère de la Justice. Avant la seconde guerre mondiale, il était affilié au Secrétariat international des relieurs et professions connexes, précurseur de la FGI. En juin 1992, le LGAS, successeur légal de l'organisation membre existant avant la guerre, s'est réaffilié à la FGI, ayant été mis dans l'impossibilité de le faire dans l'intervalle pour des raisons de force majeure. Le plaignant déclare que de nombreux retraités membres du LGAS ont conservé leur livret de membre de la période d'avant-guerre. On trouvera certains de ces livrets en annexe.

486. Le plaignant déclare que le bâtiment faisant l'objet de la présente plainte (43/45 rue Lacplesa, Riga) a été construit en 1931 pour abriter le siège du LGAS et qu'il a été financé par les cotisations de ses membres. Il appartenait à l'époque à la Caisse d'assurance santé du LGAS. Au cours de l'occupation soviétique, le LGAS a été dissous, et ce bâtiment a été réquisitionné par l'Etat, qui en a confié la gestion aux autorités municipales de Riga. Les travailleurs de l'industrie graphique ont été contraints de s'affilier au Syndicat des travailleurs culturels, contrôlé par l'Etat. En 1991, ces travailleurs ont décidé de reconstituer leur syndicat et ont quitté le Syndicat des travailleurs culturels.

487. Le plaignant soutient que le LGAS devrait pouvoir récupérer ses biens et les utiliser en vue de leur objet initial. Il note que, le 2 juin 1995, le tribunal de district de Riga a jugé que la Caisse d'assurance santé du LGAS était le propriétaire légitime des biens en question. Cependant, les autorités municipales ont fait appel de cette décision devant la division civile du tribunal supérieur, qui devait juger l'affaire les 2 et 3 septembre 1997.

488. Dans sa communication du 3 juillet 1997, le plaignant déclare que les autorités de Riga se sont de nouveau efforcées d'expulser le LGAS de son siège.

B. Réponse du gouvernement

489. Dans sa réponse, le gouvernement nie qu'il y ait eu en l'espèce violation de la convention no 87, laquelle ne porte pas sur le droit d'acquérir et de détenir des biens, mais sur le droit des travailleurs et des employeurs de créer des organisations et de s'y affilier sans ingérence des autorités publiques. Il déclare que le droit de propriété est réglementé par la législation nationale, qui permet aux institutions -- syndicats, entreprises, organismes publics, etc. -- de posséder et de gérer des biens.

490. Le gouvernement reconnaît que le droit de propriété a souvent été violé durant les cinquante ans d'occupation soviétique. Il déclare qu'une législation relative à la dénationalisation et au rétablissement de ce droit a été adoptée lors du retour à l'indépendance. La loi sur la «dénationalisation des biens immobiliers en République de Lettonie», adoptée le 30 octobre 1991, fixe les critères permettant de savoir qui est habilité à réclamer les biens nationalisés ou réquisitionnés et détermine la procédure à suivre. En vertu de cette loi, les syndicats ne sont pas habilités à réclamer ces biens. En tout état de cause, indique le gouvernement, les syndicats ayant été dissous durant l'occupation, les organisations actuelles ne peuvent être considérées comme les successeurs des organisations précédentes, puisqu'elles ont dû repartir de zéro et ne comptent plus dans leurs rangs leurs anciens membres.

491. Le gouvernement déclare que le bien litigieux appartient à l'Etat et que sa gestion a été confiée par l'ordonnance no 151 du 25 mars 1996 à une entreprise d'Etat, l'Agence immobilière publique, dont le LGAS est locataire.

492. En ce qui concerne l'action judiciaire en cours, le gouvernement déclare que le LGAS n'a pas encore épuisé les recours dont il dispose en vertu de la législation nationale, puisque la justice reste saisie de la demande relative au rétablissement de ses droits de propriété et qu'aucune décision n'a encore été rendue.

C. Conclusions du comité

493. Le comité note que, selon les allégations du plaignant, le gouvernement, par l'intermédiaire des autorités municipales, a menacé d'expulser le Syndicat letton de l'industrie du livre (LGAS) de ses locaux. Le plaignant affirme en outre que le syndicat est le propriétaire légitime de ces locaux et que, malgré une décision à cet effet du tribunal de district, le gouvernement a retardé la restitution effective de ce bien au syndicat en contestant la décision du tribunal.

494. En ce qui concerne, tout d'abord, la déclaration du gouvernement selon laquelle le syndicat n'a pas encore épuisé les recours dont il dispose en vertu de la législation nationale, puisque la justice reste saisie de la demande relative au rétablissement de ses droits de propriété, le comité souhaite rappeler que, si le recours à la procédure judiciaire interne constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, il a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, annexe I, paragr. 33.]

495. En ce qui concerne les aspects historiques du présent cas, le comité note que, selon le plaignant, le LGAS a été créé initialement en 1919 et qu'il a fait construire en 1931 le bâtiment abritant son siège grâce aux cotisations de ses membres. Ce bâtiment a été ensuite réquisitionné par l'Etat durant la période soviétique, tandis que le LGAS était dissous de force et que les travailleurs de l'industrie graphique étaient contraints de s'affilier à un syndicat contrôlé par l'Etat. En 1991, ces travailleurs ont décidé de reconstituer le LGAS sur la base de ses statuts de 1926.

496. Le comité note que le gouvernement reconnaît que les droits de propriété ont souvent été violés durant les cinquante ans de régime soviétique et qu'une législation relative à la dénationalisation et au rétablissement des droits de propriété a été adoptée lors du retour à l'indépendance. Toutefois, tout en prenant note que, selon le gouvernement, cette législation n'est pas applicable aux syndicats, le comité insiste sur l'importance qu'il attache à ce que les organisations syndicales puissent bénéficier du même traitement que toutes les autres organisations et demande au gouvernement de garantir qu'elles ne fassent pas l'objet de discrimination à cet égard. De plus, le gouvernement nie qu'il y ait eu violation en l'espèce, du fait que la convention no 87 ne mentionne pas le droit d'acquérir et de détenir des biens. Ces questions sont régies par la législation nationale.

497. En ce qui concerne la question de la propriété du bien litigieux, le comité note l'affirmation du gouvernement selon laquelle un syndicat actuel ne peut être considéré comme le successeur d'un syndicat antérieur qui a été dissous durant la période d'occupation. Cependant, le plaignant souligne que le LGAS a été reconstitué selon ses anciens statuts et fournit copie des livrets d'affiliation de membres survivants. En ce qui concerne la dissolution du LGAS au cours du régime précédent et la séquestration de ses biens par l'Etat, le comité rappelle le principe général selon lequel, en cas de dissolution d'une organisation, ses biens doivent être placés provisoirement en dépôt et répartis en définitive entre les membres de l'organisation dissoute ou transférés à l'organisation qui lui succède. Il faut entendre par cette expression l'organisation ou les organisations qui poursuivent les buts pour lesquels les syndicats dissous se sont constitués et les poursuivent dans le même esprit. [Voir Recueil, paragr. 684.]

498. Cependant, le comité note que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la séquestration a duré plus de cinquante ans. Bien qu'il apparaisse que le LGAS poursuit les mêmes objectifs que l'organisation dissoute dans le passé, le comité est conscient de ce que cette affaire présente des difficultés particulières, spécialement en raison du long intervalle de temps qui s'est écoulé et des obligations juridiques successives que cela a pu entraîner. Le comité note cependant que, conformément au principe énoncé plus haut, le tribunal de district a jugé légitimes les prétentions du LGAS. Il exprime l'espoir que, dans ces conditions, les parties intéressées s'entendront rapidement sur un accord mutuellement acceptable qui permettrait au LGAS de récupérer les biens qu'il possédait auparavant ou leur équivalent. Cependant, notant que les autorités municipales ont fait appel de la décision auprès du tribunal supérieur, le comité demande au gouvernement de fournir une copie de la décision de justice dès qu'elle sera rendue.

499. En ce qui concerne les allégations relatives à des menaces d'éviction des locaux, le comité note avec regret que le gouvernement n'y a pas répondu, d'autant plus que le gouvernement lui-même déclare que les locaux sont actuellement loués par le syndicat. Le comité considère que des menaces de ce type entravent le bon fonctionnement des syndicats et il demande au gouvernement d'assurer que le LGAS puisse être maintenu dans son bail jusqu'à ce que la question du droit de propriété soit résolue.

Recommandations du comité

500. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Notant que le tribunal de district a jugé légitimes les prétentions du Syndicat letton de l'industrie du livre (LGAS), le comité exprime l'espoir que, dans ces conditions, les parties intéressées concluront rapidement un accord mutuellement acceptable qui permettrait au LGAS de récupérer les biens qu'il possédait auparavant ou leur équivalent.

b) Notant également que les autorités municipales ont fait appel du jugement du tribunal de district auprès du tribunal supérieur, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue de cet appel. Le comité demande en outre au gouvernement de fournir une copie de la décision de justice dès qu'elle sera rendue.

c) Considérant que des menaces d'éviction de locaux syndicaux entravent le bon fonctionnement des syndicats, le comité demande au gouvernement d'assurer que le LGAS puisse être maintenu dans son bail jusqu'à ce que la question du droit de propriété soit résolue.


Cas no 1920
Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Liban
présentée par
-- la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL),
-- la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA) et
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: arrestation de dirigeants syndicaux,
ingérence du gouvernement à l'occasion d'élections syndicales,
modifications de la législation du travail contraires à la liberté syndicale

501. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) datées des 11 février et 19 mars 1997. Dans des communications des 17 et 24 avril 1997, la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) a présenté de nouvelles allégations. Dans une communication du 5 mai 1997, la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA) s'est associée à la plainte de la CGTL. Dans des communications datées des 4 juin et 17 juillet 1997, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté des allégations liées à la même affaire.

502. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 21 et 29 mai 1997.

503. Le Liban n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

504. Par des communications datées des 11 février et 19 mars 1997, la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) dénonce la promulgation par le gouvernement du décret no 8275 du 19 avril 1996 qui, selon la CGTL, modifie négativement un des articles du décret de 1952 organisant les syndicats puisque le nouveau décret stipule que le ministère du Travail détient le droit de fixer la date des élections syndicales et de mettre au point les procédures nécessaires à cet égard.

505. Par une communication du 17 avril 1997, la CGTL fournit des informations additionnelles relatives à sa plainte. Dénonçant l'ingérence du gouvernement dans ses affaires, la CGTL affirme que, le 13 avril 1997, le gouvernement a occupé le siège de la Fédération des travailleurs du Sud-Liban, a organisé de fausses élections sous la menace des armes alors que plusieurs membres du conseil qui devaient élire leur bureau étaient en détention, et a annulé plusieurs autres élections suivies et approuvées par la totalité des membres syndicalistes.

506. Dans une communication du 4 juin 1997, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dénonce les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections syndicales de la CGTL du 24 avril 1997. Alors que ces élections devaient se dérouler en présence de représentants de la CISL, de la CISA, du BIT et de la presse, la CISL déclare avoir constaté la présence anormale d'environ 2 500 officiers des forces armées et de la police libanaise sur les lieux où devaient avoir lieu la réunion et les élections des instances dirigeantes de la CGTL. La CISL déclare que les forces de l'ordre se sont introduites de force dans les locaux de la confédération à cinq reprises le matin du 24 avril (entre 6 et 10 h 30), ont détruit du matériel informatique et ont agressé et arrêté un certain nombre de représentants de la CGTL. La CISL affirme également que les observateurs indépendants ainsi que les médias locaux se sont vu interdire l'entrée du siège de la CGTL jusqu'à ce que les premières élections qui eurent lieu dans des conditions extrêmement difficiles et qui ont vu la réélection de M. Elias Abou-Rizk en tant que président de la CGTL furent terminées. Par la suite, la CISL affirme que seul certains membres choisis de la presse furent autorisés à pénétrer à l'intérieur du bâtiment pour filmer les élections d'une faction rivale qui a élu M. Al-Zoghbi en tant que président de la CGTL. Le gouvernement a immédiatement reconnu l'élection de M. Al-Zoghbi et a expulsé M. Abou-Rizk et ses sympathisants du siège de la CGTL.

507. De plus, la CISL déclare que les violations flagrantes commises lors des élections du 24 avril 1997 ne constituaient qu'une des nombreuses tentatives du gouvernement pour prendre le contrôle du mouvement syndical. En effet, la CISL affirme qu'après l'annonce du 3 avril 1997 de la tenue des élections de la CGTL pour le 24 avril le gouvernement a imposé illégalement cinq nouveaux affiliés à la CGTL afin d'ajouter 10 votes aux 44 membres qui peuvent élire des représentants au sein de la CGTL. La CISL ajoute que trois autres élections d'affiliés de la CGTL ont été manipulées par le gouvernement afin d'y faire élire des représentants progouvernementaux. Finalement, la CISL déclare que la dernière tentative du gouvernement de détruire le mouvement syndical au Liban est intervenue le 30 mai 1997 lors de l'arrestation de M. Abou-Rizk qui se préparait à se rendre à Copenhague en tant que président de la CGTL. Selon la CISL, le parquet de Beyrouth a interrogé durant plus de trois heures et demi M. Abou-Rizk. La CISL déclare qu'à l'issue de cet interrogatoire M. Abou-Rizk a été déféré devant le juge d'instruction de Beyrouth pour usurpation d'un pouvoir politique et de fonctions publiques, selon les termes des articles 306 et 392 du Code pénal libanais.

508. Dans des communications des 24 avril et 5 mai 1997, la CGTL et la CISA, respectivement, reprennent essentiellement les mêmes allégations que la CISL concernant le déroulement des élections du 24 avril 1997 à la CGTL.

509. Dans une communication datée du 17 juillet 1997, la CISL fournit des informations supplémentaires relatives à sa plainte. La CISL déclare que, le 14 juillet 1997, la justice libanaise a requis une condamnation à la prison ferme d'au moins six mois à l'encontre de M. Abou-Rizk pour avoir disséminé des informations fausses et préjudiciables au prestige de l'Etat. La même peine a été requise contre M. Yasser Nehmi, l'assistant de M. Abou-Rizk, et les deux hommes se sont vu réclamer le paiement d'une très lourde amende. Selon la CISL, ces deux individus sont poursuivis essentiellement pour avoir déposé une plainte écrite au BIT relative à l'ingérence du gouvernement lors des récentes élections de la CGTL.

B. Réponse du gouvernement

510. Par une communication du 21 mai 1997, le gouvernement libanais réfute les allégations de la CGTL relatives à la modification, par le ministère du Travail, des articles du décret concernant l'organisation des syndicats pour contrôler le mouvement syndical. Le gouvernement rappelle tout d'abord que l'article 100 du Code libanais du travail stipule que «les membres du conseil seront élus pour une période de quatre ans au scrutin secret. La moitié des membres sera retirée, après les deux premières années, par tirage au sort et il sera procédé à leur remplacement par vote. Les membres dont le mandat a expiré sont rééligibles.» Le gouvernement affirme que de nombreux syndicats et fédérations ont refusé d'observer le contenu de l'article 100 et que leurs conseils exécutifs ont continué de refuser la convocation d'assemblées plénières pour élire de nouveaux conseils exécutifs qui remplaceraient des conseils élus depuis plus de vingt ans et qui ne gardent que très peu de membres. Devant cette situation, le gouvernement déclare que le ministère du Travail a adressé à maintes reprises à tous les syndicats et fédérations en situation illégale des lettres les invitant à fixer une date pour des élections générales pour tous les membres du conseil dont le mandat a expiré. Suite au refus de la plupart des syndicats, le gouvernement déclare avoir modifié l'article 3 du décret no 7993 de 1952 par le décret no 8275 du 19 avril 1996 qui stipule notamment: «le conseil du syndicat doit fixer la date des élections et en informer le chef du service des syndicats ... Si le conseil du syndicat s'abstient de fixer une date pour ces élections ... le ministère du Travail prendra les dispositions nécessaires pour le déroulement de ces élections, après avoir averti le conseil, en la personne de son président ou de son représentant, par une lettre écrite, et lui avoir donné un délai d'un mois à partir de la date de cet avertissement pour accomplir ses obligations légales à cet égard.» Selon le gouvernement, la modification de cet article a donné des résultats positifs importants puisqu'une grande majorité de syndicats aurait procédé spontanément à l'élection de nouveaux conseils exécutifs.

511. Le gouvernement conclut en affirmant qu'une des raisons fondamentales de la convocation des élections des représentants de la CGTL par les autorités fut le non-respect par les responsables alors à la tête de la CGTL de l'article 2 du décret no 2390 du 25 avril 1992 sur la représentativité.

512. Le gouvernement a répondu aux nouvelles allégations des organisations plaignantes dans une communication du 28 mai 1997. Le gouvernement déclare en premier lieu que la plainte déposée par M. Abou-Rizk en tant que président de la CGTL est nulle et non avenue car elle est datée du 24 avril 1997, jour de l'élection de la nouvelle direction de la CGTL présidée par M. Al-Zoghbi et que, par conséquent, M. Abou-Rizk n'avait plus le titre de président de la CGTL ce jour-là.

513. Selon le gouvernement, la CGTL a adressé, en date du 5 avril 1997, une lettre au ministère du Travail l'informant de sa décision de convoquer ses membres pour l'élection de son bureau le 24 avril 1997 à 11 heures et demandant au ministère d'envoyer des délégués pour être présents à ces élections. Le gouvernement déclare que l'invitation de la CGTL, adressée au ministère pour confirmer sa présence pendant ces élections, viole, d'une part, les dispositions de l'article 5 du décret de l'organisation des syndicats no 7993/52 qui prévoit que «le processus électoral doit être surveillé par un bureau de scrutin composé de membres désignés par le conseil du syndicat et un délégué désigné par le service des syndicats au ministère du Travail ... si le conseil du syndicat ne désigne pas les membres du bureau, le délégué du ministère du Travail surveille les élections avec des observateurs représentant les candidats».

514. Le gouvernement affirme que, le 21 avril 1997, le ministère du Travail a adressé une lettre à la CGTL lui demandant la déposition d'une liste de noms des délégués des fédérations de travailleurs membres de la CGTL afin que le ministère puisse dûment s'assurer de la validité du mandat et de la qualité des délégués. Le gouvernement allègue que la CGTL a omis d'envoyer cette liste et que, en conformité avec la législation, le ministère s'est vu contraint d'adopter une liste comportant le nom des délégués qui assisteraient aux élections.

515. Concernant la journée d'élections du 24 avril 1997, le gouvernement déclare qu'après que les lieux destinés aux élections eurent été vidés de toute personne n'ayant pas de relation avec les élections et que tous les membres de la presse et de la télévision eurent reçu l'autorisation d'entrer dans ces lieux les élections ont démarré à 11 heures précises. Le gouvernement précise que les élections étaient surveillées conformément à l'article 5 du décret no 7993/52 et que le déroulement des élections a été émis en direct à la télévision libanaise. Le gouvernement affirme que les forces de l'ordre ne sont pas intervenues durant les élections et n'ont fait qu'assurer la sécurité autour du bâtiment de la CGTL. Quant à la liste des noms fournie par l'ancienne direction de la CGTL qui constitue, selon les dires de M. Abou-Rizk, le nouveau bureau exécutif de la CGTL, le gouvernement déclare la refuser sur le fond et sur la forme car elle irait à l'encontre de toutes les lois et de tous les règlements régissant les élections.

516. Concernant les décisions du ministère du Travail ayant trait à la reconnaissance de cinq fédérations membres de la CGTL, le gouvernement affirme que ces fédérations sont dûment autorisées et ont été établies par des décisions publiées dans le Bulletin officiel. Le gouvernement ajoute que ces fédérations ont sollicité leur adhésion, avec des pièces justificatives, à la CGTL depuis plus de deux ans et que cette dernière n'a jamais pris de décision à l'égard de ces demandes d'adhésion, de même qu'elle ne les avait jamais considérées pendant cette période. Le gouvernement déclare que c'est suite à cette inaction de la part de la CGTL que le ministère du Travail a décidé, le 16 avril 1997, de procéder à l'affiliation de ces cinq fédérations à la CGTL en accord avec l'article 93 du Code du travail.

517. En ce qui a trait aux allégations concernant la Fédération des travailleurs du Sud Liban, le gouvernement affirme que les forces de l'ordre, qui assuraient la sécurité du siège de cette fédération, ont dû intervenir afin de disperser une échauffourée impliquant environ 150 personnes et fomentée par les sympathisants de M. Abou-Rizk contre les forces de l'ordre et les représentants du ministère du Travail.

C. Conclusions du comité

518. Le comité observe que, dans le présent cas, la CGTL dénonce la promulgation par le gouvernement du décret no 8275 du 19 avril 1996 qui prévoit notamment que, si le conseil du syndicat s'abstient de fixer une date pour les élections syndicales, le ministère du Travail prendra les dispositions nécessaires pour le déroulement de ces élections. Le comité note également les allégations selon lesquelles le gouvernement aurait imposé illégalement cinq nouveaux affiliés à la CGTL. Le comité prend également note des allégations concernant la présence des forces de l'ordre ainsi que de l'ingérence des autorités gouvernementales lors d'élections syndicales et la reconnaissance par le gouvernement de la nouvelle direction de ce syndicat. Le comité note enfin les allégations relatives à l'arrestation du dirigeant syndical, M. Abou-Rizk, et de son collègue, M. Yasser Nehmi.

519. Le comité observe en premier lieu que le gouvernement conteste la validité de la plainte déposée le 24 avril 1997 devant le comité, en raison du fait que, selon ses dires, M. Abou-Rizk n'était plus président de la CGTL au moment du dépôt de la plainte puisque les élections venaient d'avoir lieu le jour-même. Le comité précise que la plainte originale fut déposée par M. Abou-Rizk, en tant que président de la CGTL, en date du 11 février 1997, et était donc antérieure aux élections du 24 avril 1997. De plus, le comité estime qu'étant donné que le résultat des élections est contesté suite aux allégations d'ingérence de la part du gouvernement le comité se doit, selon sa procédure habituelle, d'examiner cette plainte.

520. En ce qui concerne les allégations relatives au décret no 8275 du 19 avril 1996, le comité observe que la CGTL dénonce la promulgation par le gouvernement de ce décret qui prévoit que le conseil du syndicat doit fixer la date des élections et en informer le chef de service des syndicats. Ce décret prévoit également que, si le conseil du syndicat s'abstient de fixer une date pour ces élections, le ministère du Travail prendra les dispositions nécessaires pour le déroulement de ces élections, après avoir averti le conseil du syndicat par écrit et lui avoir donné un délai d'un mois pour accomplir ses obligations légales à cet égard. A cet effet, le comité rappelle qu'une réglementation trop détaillée des élections syndicales par un gouvernement peut être considérée comme une limitation du droit des syndicats d'élire librement leurs propres représentants. Cependant, d'une manière générale, les lois réglementant la fréquence des élections et fixant une durée maximale aux mandats des organes directeurs ne mettent pas en cause les principes de la liberté syndicale. Toutefois, le comité rappelle que la réglementation des procédures et modalités d'élection des dirigeants syndicaux relève en priorité des statuts des syndicats, et ceux-ci devraient fixer eux-mêmes la durée des mandats. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 354, 358 et 359.]

521. Concernant les allégations des organisations plaignantes relatives à l'imposition de cinq nouveaux affiliés à la CGTL afin d'ajouter des votes aux membres pouvant élire des représentants de la CGTL, le comité note que le gouvernement déclare avoir agi de cette façon suite à l'inaction de la CGTL pendant deux ans, face aux demandes d'affiliation de ces fédérations. A cet effet, le comité insiste sur le fait que, bien qu'une organisation de travailleurs doive avoir le droit de s'affilier à la fédération ou confédération de son choix, il appartient aux fédérations et confédérations elles-mêmes de décider d'accepter ou de refuser l'affiliation d'un syndicat, conformément à leurs propres règlements et statuts. Le comité estime donc que l'action du gouvernement a constitué une ingérence indue dans les affaires de la CGTL. Le comité considère en outre que de tels agissements peuvent permettre aux autorités, en intervenant directement dans la composition des constituants d'une organisation, d'influer sur le résultat des élections ou sur l'action du syndicat. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 608.]

522. En ce qui a trait à la journée d'élections des dirigeants de la CGTL du 24 avril 1997, le comité note que les organisations plaignantes font état de destruction de matériel appartenant à la CGTL et d'agressions de syndicalistes par les forces de l'ordre. A cet effet, le comité souligne à nouveau l'importance du principe selon lequel les biens syndicaux devraient jouir d'une protection adéquate. Le comité estime qu'un climat de violence se manifestant par des actes d'agression contre des locaux et des biens syndicaux peut constituer une sérieuse entrave à l'exercice des droits syndicaux, et de telles situations devraient appeler des mesures sévères de la part des autorités. Quant à la présence des forces de l'ordre à l'intérieur du siège de la CGTL, le comité rappelle que l'inviolabilité des locaux syndicaux a comme corollaire indispensable que les autorités publiques ne peuvent exiger de pénétrer dans ses locaux sans l'autorisation préalable des occupants ou sans être en possession d'un mandat judiciaire les y autorisant. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 175, 184 et 185.]

523. Toujours en rapport avec la journée d'élections du 24 avril 1997, le comité note le climat très tendu et les circonstances troubles dans lesquelles ces élections semblent s'être déroulées. Le comité insiste sur le fait que sont incompatibles avec le droit d'organiser des élections libres toutes dispositions qui impliquent une intervention des autorités publiques dans les diverses phases des élections, intervention qui commence à s'exercer par la soumission préalable au ministère du Travail, des noms des candidats et de leurs données personnelles, et qui se poursuit par la présence aux élections d'un représentant du ministère du Travail ou des autorités civiles ou militaires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 400.] Le comité déplore cette intervention indue des autorités dans l'exercice du droit garanti aux organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants, et ce autant pour les élections du 24 avril que pour celles tenues à la Fédération des travailleurs du Sud-Liban.

524. Quant aux résultats des élections du 24 avril 1997, contestés par les organisations plaignantes et le gouvernement, le comité rappelle qu'en relation avec un conflit interne entre deux directions rivales au sein d'une organisation syndicale il importe que le contrôle des élections syndicales soit le fait des autorités judiciaires compétentes afin de garantir l'impartialité et l'objectivité de la procédure. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 394.] A cet effet, le comité prie le gouvernement de l'informer si un recours judiciaire est en cours et de le tenir informé du résultat. Concernant les arrestations et inculpations de M. Abou-Rizk, en date du 30 mai 1997, pour usurpation d'un pouvoir politique et de fonctions publiques, et de nouveau le 17 juillet 1997, en compagnie de M. Yasser Nehmi, pour avoir disséminé des informations fausses et préjudiciables au prestige de l'Etat, le comité ne peut que vivement déplorer ces arrestations compte tenu des circonstances dans lesquelles se sont déroulées les élections de la direction de la CGTL du 24 avril 1997. Le comité est d'autant plus préoccupé qu'il semble que l'arrestation et l'inculpation de ces dirigeants soit directement liée au fait qu'ils aient déposé une plainte devant le Conseil d'administration du BIT. Le comité insiste sur le fait que, d'aucune manière, des poursuites ou autres formes de sanctions devraient être exercées contre des dirigeants syndicaux qui saisissent le Comité de la liberté syndicale. Le comité rappelle également que la détention de dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux est contraire aux principes de la liberté syndicale. De plus, les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 69 et 77.] Dans ces conditions, le comité demande donc avec insistance au gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les charges retenues contre ces dirigeants syndicaux soient immédiatement abandonnées.

Recommandations du comité

525. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Au sujet de l'imposition de cinq nouveaux affiliés à la CGTL, le comité, rappelant qu'il appartient aux fédérations et confédérations elles-mêmes de décider d'accepter ou de refuser l'affiliation d'un syndicat, conformément à leurs propres règlements et statuts, prie le gouvernement de s'abstenir d'intervenir indûment dans les affaires internes des organisations en leur imposant de nouveaux affiliés.

b) En ce qui a trait à la journée d'élections des dirigeants de la CGTL du 24 avril 1997, le comité déplore vivement les actes d'agression contre les locaux et les biens syndicaux ainsi que contre les syndicalistes. Le comité insiste pour que le gouvernement respecte à l'avenir le droit garanti aux organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et prie le gouvernement de s'abstenir de toute ingérence dans le processus électoral des syndicats.

c) Concernant les résultats contestés des élections des dirigeants de la CGTL du 24 avril 1997, le comité prie le gouvernement de veiller à ce que le contrôle des élections syndicales soit le fait des autorités judiciaires compétentes et de préciser si un recours judiciaire concernant cette affaire est effectivement en cours, et de le tenir informé du résultat.

d) Au sujet de l'arrestation des dirigeants syndicaux, MM. Abou-Rizk et Yasser Nehmi et de leur inculpation, le comité exprime sa profonde préoccupation quant aux détentions ou aux poursuites exercées contre eux pour des faits liés à l'exercice de leurs droits syndicaux. Le comité demande avec insistance au gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les charges retenues contre eux soient immédiatement abandonnées.


Cas no 1894
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de la Mauritanie
présentée par
-- la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) et
-- la Fédération des transports mauritaniens (FTM)

Allégations: déni de reconnaissance juridique d'organisation

526. La plainte de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) contre le gouvernement de la Mauritanie figure dans une communication datée du 25 juin 1996. La plainte de la Fédération des transports mauritaniens (FTM) figure quant à elle dans une communication datée du 3 octobre 1996. La CLTM a fait parvenir de nouvelles allégations dans une communication datée du 11 mai 1997. Le gouvernement n'ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à ses réunions de novembre 1996 et de mars et juin 1997. [Voir 305e rapport, paragr. 4; 306e rapport, paragr. 5, et 307e rapport, paragr. 9.] Compte tenu du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de ce cas à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n'étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n'a envoyé aucune observation.

527. La Mauritanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, elle n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

528. Par une communication datée du 25 juin 1996, la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) dénonce le refus de reconnaissance par le gouvernement de cette confédération malgré le fait que les textes réglementaires et législatifs prévoient et garantissent le libre exercice du droit syndical.

529. La CLTM explique que, suite à la scission intervenue au sein de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM) lors de son congrès de février 1995, la CLTM a vu le jour le 19 mars 1995 à Nouakchott après le congrès constitutif des fédérations et syndicats ci-après: Fédération nationale des infrastructures, Syndicat des énergies et hydrocarbure, Fédération nationale des travaux publics, hydraulique et mairies, Syndicat des contractuels et auxiliaires de l'Etat, Syndicat des travailleurs civils de l'armée. La CLTM affirme que, dans la semaine après le dépôt du dossier, le Procureur de la République aurait promis la délivrance du récépissé dès la fin de l'enquête de moralité, laquelle fut achevée la semaine suivante. Quelques jours après, le Procureur de la République aurait signifié à la CLTM qu'il avait reçu l'ordre de supérieurs de ne pas délivrer de récépissé de reconnaissance à la CLTM. La CLTM déclare qu'après plusieurs mois le Procureur de la République a envoyé tout le dossier au Procureur général en lui déclarant qu'il s'agissait d'un dossier complet et conforme aux dispositions réglementaires mais qu'il avait reçu des instructions du ministre de la Justice de le bloquer pour des raisons purement politiques. A ce jour, la CLTM n'a toujours pas obtenu sa reconnaissance en tant que syndicat de la part des autorités mauritaniennes.

530. Par une communication du 11 mai 1997, la CLTM allègue que ses militants, rassemblés pacifiquement en vue de célébrer la journée du 1er mai 1997, auraient été violemment réprimés par les forces de l'ordre, ce qui aurait fait plusieurs blessés, ainsi que plusieurs dizaines d'arrestations, qui auraient tous été libérés depuis.

531. Par une communication du 3 octobre 1996, la Fédération des transports mauritaniens (FTM), créée le 7 février 1996, dénonce également le refus de reconnaissance par le gouvernement de sa fédération. La FTM déclare avoir déposé son dossier de reconnaissance devant le Procureur de la République conformément à l'article 22 du Code du travail, dépôt qui fut sanctionné par un récépissé provisoire. Après un mois d'attente de la réponse du Procureur, la FTM déclare avoir constaté que le dossier se trouvait entre les mains du ministre de la Justice pour avis et instructions. Depuis, malgré de nombreux rappels aux ministres concernés et bien que seul le Procureur de la République soit compétent pour refuser la reconnaissance en cas de non-conformité aux lois et actes en vigueur, la demande de reconnaissance du syndicat est restée lettre morte.

B. Conclusions du comité

532. Le comité regrette profondément que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n'ait répondu à aucune allégation des organisations plaignantes, alors qu'il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas.

533. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir paragr. 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session], le comité se voit dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond de l'affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.

534. Le comité rappelle au gouvernement que l'ensemble de la procédure instituée par l'Organisation internationale du Travail pour l'examen d'allégations en violation de la liberté syndicale est d'assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a pour leur propre réputation à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]

535. Le comité note tout d'abord qu'il s'agit dans le présent cas de deux plaintes différentes ayant trait aux mêmes questions. Le comité observe que dans la plainte de la CLTM, tout comme dans celle de la FTM, les organisations plaignantes dénoncent le refus des autorités mauritaniennes de reconnaissance juridique de syndicats valablement constitués au regard de la loi mauritanienne.

536. Le comité rappelle à cet égard que le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Il peut s'agir soit d'une autorisation visant directement la création de l'organisation syndicale elle-même, soit de la nécessité d'obtenir l'approbation discrétionnaire des statuts ou du règlement administratif, soit encore d'une autorisation dont l'obtention est nécessaire avant la création de cette organisation. Le comité estime que, même s'il est vrai que les fondateurs d'un syndicat doivent respecter les formalités prévues par la législation, ces formalités, de leur côté, ne doivent pas être de nature à mettre en cause la libre création des organisations. Le comité insiste sur le fait que ce genre de formalités prescrites par la loi pour créer un syndicat ne doivent pas être appliquées de manière à retarder ou à empêcher la formation des organisations syndicales, et tout retard provoqué par les autorités dans l'enregistrement d'un syndicat constitue une violation de l'article 2 de la convention no 87. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 244, 248 et 251.]

537. De plus, le comité rappelle qu'il devrait exister un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative en matière d'enregistrement d'une organisation syndicale. Le comité estime que l'absence de recours auprès d'une instance judiciaire contre le refus éventuel du ministère d'accorder une autorisation est en violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 246 et 264.]

538. Notant que la CLTM et la FTM ont déposé leurs dossiers de reconnaissance devant les autorités mauritaniennes compétentes en conformité avec les exigences de la loi mauritanienne, le comité déplore l'absence totale de réponse de la part du gouvernement et prie avec insistance le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin que ces deux syndicats puissent obtenir à bref délai la reconnaissance juridique afin de pouvoir défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.

539. En ce qui concerne les allégations de répressions violentes et d'arrestations lors du rassemblement pacifique des militants de la CLTM en vue de célébrer la journée du 1er mai 1997, le comité insiste sur le fait que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. De plus, le comité rappelle que la tenue de réunions publiques et la présentation de revendications d'ordre social et économique à l'occasion du 1er mai sont des manifestations traditionnelles de l'action syndicale. Le comité estime que les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement les réunions qu'ils désirent pour célébrer le 1er mai, pourvu qu'ils respectent les dispositions prises par les autorités pour assurer l'ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 77 et 135.] A cet égard, le comité prie le gouvernement de respecter ces principes dans le futur.

Recommandations du comité

540. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Au sujet des refus de la part du gouvernement d'octroyer la reconnaissance juridique à la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) et à la Fédération des transports mauritaniens (FTM), le comité prie avec insistance le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin que ces deux syndicats puissent obtenir à bref délai la reconnaissance juridique afin de pouvoir défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.

b) Au sujet des allégations de répressions violentes et d'arrestations de militants de la CLTM lors du 1er mai 1997, le comité prie le gouvernement de respecter les principes de non-arrestation et détention de syndicalistes pour l'exercice de leurs droits syndicaux ainsi que de libre organisation de réunions et de manifestations à l'occasion de la journée du 1er mai.


Cas no 1927
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Mexique
présentée par
le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS)

Allégations: actes de discrimination antisyndicale dans le cadre
d'une négociation collective avec un syndicat minoritaire

541. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS) datée de mai 1997. L'organisation plaignante a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 1er juillet 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées du 7 juin et du 9 octobre 1997.

542. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

543. Dans sa communication de mai 1997, le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS) allègue que, le 4 mars 1997, l'entreprise du groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. a présenté au Comité fédéral de conciliation et d'arbitrage une convention collective conclue avec un syndicat autre que celui de l'entreprise, le Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS). L'organisation plaignante indique que cette convention collective prévoit des droits très restreints par rapport aux droits existants et que la conclusion de cette convention est une manœuvre de l'entreprise visant à considérer comme syndiqué l'ensemble du personnel de confiance, à créer de nouveaux postes et à en étendre indûment le champ d'application à des catégories déjà couvertes par la convention en vigueur, constituant ainsi une représentation artificiellement majoritaire qui englobe l'ensemble du groupe pharmaceutique. L'organisation plaignante signale que la convention collective à laquelle elle est partie couvre tout le personnel syndiqué du groupe Roche Syntex de la ville de Mexico, à l'exception du personnel de confiance, du personnel des services professionnels et du personnel chargé des constructions et réparations et qui prêtent leurs services par l'intermédiaire d'un sous-traitant. L'organisation plaignante ajoute que, bien que ce soit elle qui représente la majorité des travailleurs, l'entreprise a choisi un autre syndicat pour conclure une convention collective dans laquelle les conditions de travail et les prestations sont nettement moins favorables que celles qui avaient été fixées dans la convention collective en vigueur.

544. L'organisation plaignante ajoute que, le 10 mars 1997, elle a été informée par l'un des dirigeants de l'entreprise de la décision de supprimer 19 postes ainsi que du licenciement de 4 membres du comité directeur du syndicat et de 15 syndicalistes. L'organisation plaignante signale que, le 12 mars 1997, elle a demandé l'intervention du sous-secrétaire au Travail afin d'obtenir la réintégration des travailleurs licenciés et que lesdites autorités ont convoqué à maintes reprises les responsables de l'entreprise et ceux du syndicat pour engager une procédure de conciliation. De surcroît, l'organisation plaignante indique que, dans le cadre d'une campagne lancée par l'entreprise en vue de pousser les travailleurs à s'affilier au Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS), celle-ci a organisé plusieurs réunions au cours desquelles elle a signifié aux travailleurs que celui qui ne s'affiliait pas à ce syndicat serait licencié tout comme l'avaient été les 19 travailleurs précités. De même, l'organisation plaignante déclare que, le 8 mai 1997, l'entreprise a convoqué l'ensemble des travailleurs et leur a intimé l'ordre de quitter le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS) et que, le 13 mai, l'entreprise a modifié les équipes de travail et contraint les travailleurs à assister à une réunion, dont l'accès a été interdit aux responsables de l'organisation plaignante, afin de les informer que l'entreprise avait décidé de désavouer le syndicat partie à la convention collective de travail et qu'ils étaient tous tenus d'adhérer au Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS).

545. Enfin, dans une communication du 1er juillet 1997, l'organisation plaignante allègue que le 27 juin 1997 l'entreprise Roche Syntex a licencié son secrétaire général, M. Eladio Perez Rubí, pour avoir dénoncé devant l'opinion publique nationale l'existence de ces faits.

B. Réponse du gouvernement

546. Dans sa communication du 9 juin 1997, le gouvernement déclare qu'en mars 1997 le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS) a demandé l'intervention du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale, au motif que l'entreprise Roche Syntex avait enfreint la convention collective du travail en licenciant de manière injustifiée 19 travailleurs syndiqués, qui étaient affectés à l'entreposage, l'approvisionnement, l'emballage, l'embarquement et la distribution. Dans un premier temps, les négociations n'ont pas abouti, en raison des mauvaises relations qui régnaient depuis plusieurs mois entre le syndicat et l'entreprise, et qui se sont détériorées au cours de la procédure annuelle d'ajustement des salaires. Le gouvernement ajoute que le 4 mars 1997 l'entreprise du groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. et le Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS) ont déposé devant le Comité fédéral de conciliation et d'arbitrage une convention collective de travail qui couvrait à la fois le personnel administratif et le personnel de vente de ladite entreprise. Ultérieurement, ce syndicat a demandé au Syndicat des travailleurs de Roche Syntex de lui transmettre la qualité de partie à la convention collective de travail, en fondant son injonction sur l'hypothèse de sa représentation majoritaire des intérêts du personnel de la branche d'activité. Le 27 mai 1997, le Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS) et l'entreprise du groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. ont comparu devant le Comité fédéral de conciliation et d'arbitrage pour déclarer l'échéance de la convention collective de travail qu'ils avaient conclue, et ont reconnu que la représentation syndicale majoritaire appartenait à une autre organisation syndicale. Le 3 juin 1997, le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS) a convoqué une assemblée extraordinaire au cours de laquelle, de manière démocratique et dans l'exercice de la liberté syndicale accordée par la loi, les travailleurs affiliés se sont réunis pour décider du maintien du comité directeur ou de l'élection d'un nouveau comité qui les représenterait. Tous les travailleurs ont participé à cette procédure électorale et ont convenu de tenir l'élection précitée. Ce même jour, un nouveau comité directeur a été dûment enregistré devant le secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale, à la demande de l'organisation syndicale, qui avait entamé une procédure de conciliation en vue d'un ajustement des salaires et afin de faire valider la personnalité juridique du nouveau comité.

547. Le 6 juin, le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS) a conclu avec l'entreprise du groupe Roche Syntex S.A. de C.V. une convention concernant un ajustement des salaires, ce qui a conduit au règlement définitif de la question. Le Syndicat des travailleurs de Roche Syntex (STGRS) restera partie et administrateur de la convention collective du travail qui régit les relations professionnelles dans l'entreprise du groupe Roche Syntex S.A. de C.V.

548. Le gouvernement signale qu'il n'a pas enfreint les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective qui sont énoncés dans la convention no 87.

549. En ce qui a trait aux allégations concernant le licenciement de M. Eladio Perez Rubí par le groupe Roche Syntex à la suite du dépôt de la présente plainte, le gouvernement précise, dans une communication datée du 9 octobre 1997, qu'il n'était pas au courant du fait que ce travailleur avait été licencié et, dans l'éventualité où ceci s'avérait une information exacte, M. Rubí n'occupait pas de fonction au sein du syndicat du groupe Roche Syntex au moment du prétendu licenciement. Ce travailleur, s'il le souhaite, peut déposer une plainte concernant les actions qu'il considère en violation du Code du travail devant le tribunal du travail.

C. Conclusions du comité

550. Le comité relève dans le présent cas que, selon les allégations de l'organisation plaignante (le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex (STGRS)), l'entreprise du groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. a négocié une convention collective pour l'ensemble de son personnel avec un syndicat minoritaire (le Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS), que 19 dirigeants syndicaux et syndicalistes ont été licenciés et que les travailleurs de l'entreprise ont été menacés de licenciement s'ils ne se désaffiliaient pas de l'organisation plaignante.

551. En ce qui concerne l'allégation relative à la négociation d'une convention collective pour l'ensemble des travailleurs avec un syndicat minoritaire (SPJSTS) au détriment de l'organisation plaignante, le comité constate que, selon le gouvernement, le syndicat minoritaire SPJSTS et l'entreprise du groupe Roche Syntex de México ont déclaré échue le 27 mai la convention collective de travail qu'ils avaient conclue, et ont reconnu que la représentation syndicale majoritaire appartenait à une autre organisation syndicale; ultérieurement, le syndicat majoritaire (le Syndicat des travailleurs du groupe Roche Syntex, soit en l'occurrence l'organisation plaignante) aurait signé une convention concernant un ajustement des salaires avec l'entreprise le 6 juin 1997, après avoir présenté la plainte devant le comité. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de fournir une copie de la convention signée à laquelle il se réfère. Le comité demande aussi au gouvernement de fournir des précisions sur les relations entre les deux syndicats existant dans l'entreprise et sur leurs différends éventuels.

552. Pour ce qui est de l'allégation relative au licenciement de 19 syndicalistes (y compris 4 membres du comité directeur de l'organisation plaignante), le comité observe que, selon le gouvernement, l'organisation plaignante a demandé l'intervention du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale et «les négociations n'ont pas abouti en raison des mauvaises relations qui régnaient entre le syndicat et l'entreprise et qui se sont détériorées au cours de la procédure annuelle d'ajustement des salaires». A cet égard, le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées et des observations sur les faits qui ont motivé ces licenciements et sur l'allégation selon laquelle ils avaient un caractère antisyndical.

553. S'agissant de l'allégation relative aux menaces de licenciement proférées par la direction de l'entreprise du groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. afin que les travailleurs quittent l'organisation plaignante et adhèrent au Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS), le comité constate avec regret que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations sur le sujet. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d'envoyer le plus rapidement possible ses observations à cet égard.

554. Enfin, en ce qui concerne le licenciement de M. Eladio Perez Rubí, secrétaire général de l'organisation plaignante qui, selon les allégations, aurait fait suite au dépôt de la présente plainte, le comité note les informations du gouvernement selon lesquelles il n'était pas au courant du licenciement de ce travailleur et qu'il n'était pas le secrétaire général de l'organisation plaignante au moment du licenciement allégué. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement d'ouvrir une enquête sur l'allégation concernant le licenciement de M. Eladio Perez Rubí par le groupe Roche Syntex et sur les faits qui l'auraient motivé et de le tenir informé à cet égard. Il le prie également d'indiquer si le travailleur en question a introduit un recours devant la justice.

Recommandations du comité

555. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande au gouvernement de lui fournir une copie de la convention collective révisée sur les salaires du 6 juin 1997 intervenue entre le STGRS et le groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. Le comité demande également au gouvernement de fournir des précisions sur les relations entre les deux syndicats existant dans l'entreprise et sur leurs différends éventuels.

b )Le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les faits qui ont motivé le licenciement de 19 dirigeants syndicaux et membres du Syndicat du groupe Roche Syntex (STGRS) ainsi que ses observations sur l'allégation concernant le caractère antisyndical de ces licenciements.

c) En ce qui concerne les menaces de licenciement qui auraient été proférées par la direction de l'entreprise du groupe Roche Syntex de México S.A. de C.V. afin que les travailleurs quittent l'organisation plaignante et adhèrent au Syndicat progressiste «Justo Sierra» des travailleurs des services de la République mexicaine (SPJSTS), le comité demande au gouvernement d'envoyer le plus rapidement possible ses observations à cet égard.

d) Le comité prie le gouvernement d'ouvrir une enquête sur l'allégation de licenciement de M. Eladio Perez Rubí par le groupe Roche Syntex et sur les motifs à l'origine de ce licenciement et de le tenir informé à cet égard. Il le prie d'indiquer si le travailleur en question a introduit un recours en justice.


Cas no 1921
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plaintes contre le gouvernement du Niger
présentées par
-- l'Union des syndicats du Niger (USTN) et
-- l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA)

Allégations: arrestations pour faits de grève,
réquisitions dans un cas de grève,
dissolution d'un syndicat, limitations du droit de négociation collective
en matière salariale

556. Dans sa communication du 29 mars 1997, l'Union des syndicats des travailleurs du Niger (USTN) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Niger. L'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) a présenté des allégations relatives à ce cas dans une communication du 16 avril 1997.

557. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication en date du 2 juin, complétées par des communications du 9 juin 1997 et du 1er septembre 1997.

558. Le Niger a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l'organisation plaignante

559. Dans sa communication du 29 mars 1997, l'USTN relève que, le 27 février 1997 deuxième et dernier jour de la grève générale qu'elle avait déclenchée, le gouvernement a adopté plusieurs textes: une ordonnance portant modification du statut général de la fonction publique, ainsi que des textes portant institution de la nouvelle grille indiciaire des salaires des fonctionnaires. La nouvelle grille indiciaire consacre une diminution substantielle des salaires des fonctionnaires émargeant au budget de l'Etat. Le gouvernement a ainsi, d'autorité et de façon unilatérale, décidé de diminuer les salaires, en violation des dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

560. L'USTN a engagé plusieurs grèves, au cours des mois de février et mars 1997, en protestation contre la diminution des salaires et autres mesures, telles que des privatisations de sociétés étatiques. A l'occasion de ces divers mouvements qui ont fait l'objet de préavis, l'USTN a formulé diverses revendications dont le remboursement des arriérés de salaires, le paiement ponctuel des salaires, l'abrogation de la nouvelle grille salariale et la révision de la législation en matière de grève.

561. A la suite d'une grève générale organisée les 18 et 19 mars, plusieurs grévistes ont été arrêtés et emprisonnés. Le 21 mars, dans un nouveau préavis, l'USTN a dénoncé la systématisation des arrestations et exigé la libération de tous les travailleurs arrêtés pour faits de grève, tout en réitérant ses précédentes revendications.

562. L'USTN allègue en outre que, le 20 mars 1997, le Conseil des ministres a exigé la reprise du travail, le jour même, par les agents des douanes. Le gouvernement, en raison de la perturbation du travail résultant de l'exercice du droit de grève dans ce secteur, a décidé de dissoudre le Syndicat national des agents des douanes du Niger (SNAD).

563. L'USTN fait valoir que la loi sur la grève adoptée par le gouvernement restreint fortement l'exercice du droit syndical, et plus particulièrement du droit de grève. Elle dénonce le recours à des réquisition abusives malgré les dispositions instituant un service minimum dans les secteurs vitaux et stratégiques de l'Etat.

564. L'OUSA, dans sa communication du 16 avril, fait état de l'arrestation et de l'emprisonnement de 22 dirigeants et militants syndicaux pour faits de grève. Parmi les syndicalistes emprisonnés, elle mentionne les responsables syndicaux suivants: Maman Mansour, secrétaire général adjoint de l'USTN, Soumaila Mamoudou, membre du bureau exécutif national de l'USTN, Issoufou Chaibou, Abdou Bagué, Maïga Akoua Tretou, tous trois membres du bureau exécutif du Syndicat des travailleurs de l'énergie (SYNATREN).

B. Réponse du gouvernement

565. Dans ses communications des 9 juin et 1er septembre 1997, le gouvernement explique que les considérations qui ont présidé à la révision de la grille salariale sont d'ordre exclusivement économique. En vue du redressement de la situation économique qui se dégrade depuis dix ans, des programmes d'ajustement structurel ont été conclus avec les institutions financières et bancaires internationales portant essentiellement sur des mesures d'économie budgétaire par la réduction des charges salariales, la restructuration des entreprises étatiques et d'autres mesures. Le gouvernement s'est constamment préoccupé d'associer les partenaires sociaux à la réflexion sur les grandes orientations de politique et de développement économique et social. Il a créé à cet effet des instances de dialogue et de concertation, tels que le comité interministériel chargé de négocier avec les partenaires sociaux et regroupant des membres du gouvernement et des représentants des organisations professionnelles. La loi des finances de 1997 a prévu une réduction de la masse salariale de l'ordre de 17 pour cent. Le gouvernement se trouvait devant l'alternative soit de réduire les effectifs, soit de revoir à la baisse la masse salariale par le réaménagement de la grille indiciaire. Au terme de rencontres infructueuses avec les syndicats, il a décidé le maintien des effectifs, assorti de la réduction des salaires à un niveau compatible avec les ressources de l'Etat.

566. En ce qui concerne les mouvements de grève, le gouvernement se réfère plus précisément à ceux organisés dans le secteur de l'énergie au sein de la Société nationale d'électricité (NIGELEC). La perspective de restructuration de la NIGELEC a été à l'origine des débrayages observés au cours du mois de mars 1997. Le syndicat SYNATREN a déclenché l'arrêt collectif de travail sans préavis ni service minimum. Il a donné des instructions à certains agents pour perpétrer des actes de sabotage sur les installations et les réseaux électriques. Le territoire national a été ainsi privé d'énergie électrique pendant quarante-huit heures. L'article 17 de l'ordonnance no 88-064 du 22 décembre 1988 portant code de l'électricité dispose que, lorsque la dégradation d'ouvrages ou appareils de production, de transport ou de distribution d'énergie électrique aura été volontaire, les peines applicables sont celles prévues à l'article 389 du Code pénal, soit une peine d'emprisonnement de deux mois à dix ans. La direction de la société NIGELEC a déposé plainte et déclenché l'action publique, et c'est dans ce cadre que s'inscrit l'interpellation de certains responsables syndicaux. Le gouvernement estime donc qu'aucun travailleur n'a été inquiété en raison de ses activités syndicales ou de sa participation à la grève du secteur concerné.

567. Pour ce qui est du secteur des douanes, le Syndicat national des agents des douanes (SNAD) a appelé à un arrêt de travail sans service minimum les 20 et 21 mars 1997. Les motifs invoqués tenaient au fait que le gouvernement n'aurait pas tranché un différend isolé opposant des douaniers à des militaires dans une région du pays. Le droit de grève est garanti par la Constitution, le Code du travail et le statut général de la fonction publique. S'agissant des agents de l'Etat, l'exercice du droit de grève est réglementé par l'ordonnance no 96-009 du 21 mars 1996 fixant les conditions d'exercice du droit de grève des agents de l'Etat et des collectivités territoriales, l'ordonnance no 96-010 du 21 mars 1996 déterminant la liste des services stratégiques et vitaux de l'Etat et par le décret no 96/.../PCSN/MFPT/E du 21 mars 1996 portant modalités d'application des ordonnances précitées. Ces textes ont été adoptés à l'issue d'un long processus de discussions dans le cadre du comité consultatif paritaire, regroupant les représentants de l'USTN et de l'administration. Ces textes établissent un délai de préavis, la négociation préalable au déclenchement effectif de toute grève, le service minimum et la liberté de travail pour les non-grévistes. En outre, dans le secteur des douanes, aux termes du décret no 75-193-PCMS/MFPT/E du 11 septembre 1975, portant statut particulier des agents des douanes, seule la grève du zèle est reconnue au personnel pour la défense de ses intérêts professionnels collectifs.

568. Selon le gouvernement, dans la pratique, les syndicats ont pris l'habitude de déclencher d'abord la grève et d'engager les négociations ensuite. En outre, certains syndicats font un recours systématique à la grève sauvage, c'est-à-dire sans préavis et sans service minimum. Le recours à la réquisition s'inscrit dans un cadre permettant aux services de poursuivre leurs activités quand ils sont vitaux ou stratégiques, face à un refus d'assurer le service minimum. L'article 9 de l'ordonnance no 96-009 du 21 mars 1996 stipule que «dans des cas exceptionnels exigés par la nécessité de préserver l'intérêt général, tout agent de l'Etat ou des collectivités territoriales peut faire l'objet de réquisition». Des réquisitions de personnel sont opérées pour pallier le refus de certaines organisations syndicales de mettre en place un service minimum.

569. En date du 9 juin 1997, le gouvernement a communiqué des documents, en particulier le texte du jugement du 14 avril 1997 dans l'affaire Ministère public contre Adamou Boukari et autres. Ce document statue sur le sort des personnes arrêtées sur mandat de dépôt du 28 mars 1997. Il déclare coupables du délit de destruction et sabotage d'édifices publics et de complicité MM. Abdou Bagué et Rabiou Mahamadou Armayaou et les condamne à deux ans d'emprisonnement et 100 000 francs d'amende. Il déclare MM. Boukar Abba Gana et Maman Boukari coupables du délit de refus d'un service légalement dû et les condamne à deux mois d'emprisonnement et 10 00 francs d'amende. Il relaxe, pour faits non établis, les autres, soit: MM. Adamou Boukari, Issoufou Chérif Chaibou, Adamou Idé, Ousmane Mahaman, Ibrahim Tahirou, Abdoul Modagara, Boubacar Soumana, Elh. Mahaman Bâ, Maman Souley, Boubacar Moussa, Abdou Abdoulaye, Mani Ousmane Abdou, Seydou Hamidou, Hassane Garba, Soumaila Mamadou, Elh. Ramane Mansour.

C. Conclusions du comité

570. Le comité observe que, dans le présent cas, l'USTN dénonce l'adoption par le gouvernement d'une nouvelle grille indiciaire des salaires des fonctionnaires qui consacre une diminution substantielle de ces salaires. Le comité note également que l'USTN et l'OUSA font état de l'arrestation et de l'emprisonnement de dirigeants et militants syndicaux pour faits de grève. Le comité note de plus que l'USTN dénonce, d'une part, la dissolution du Syndicat national des agents des douanes du Niger (SNAD) suite à l'exercice du droit de grève dans ce secteur et, d'autre part, le recours par le gouvernement à des réquisitions abusives pendant les grèves dans les secteurs vitaux et stratégiques de l'Etat.

571. En ce qui concerne les allégations relatives à l'adoption de façon unilatérale par le gouvernement d'une nouvelle grille indiciaire des salaires des fonctionnaires, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles le redressement de la situation économique a été retenu comme l'objectif prioritaire des pouvoirs publics et que, dans ce cadre, des programmes d'ajustement structurel ont été conclus avec les institutions financières et bancaires internationales. Le comité note que, selon le gouvernement, c'est au terme de maintes rencontres infructueuses avec les partenaires qu'il a décidé de la réduction des salaires à un niveau compatible avec les ressources de l'Etat. A cet effet, le comité, tout en prenant pleinement en compte les sérieuses difficultés financières et budgétaires auxquelles doivent faire face les gouvernements, notamment en période de stagnation économique prolongée et généralisée, considère cependant que les autorités devraient privilégier dans toute la mesure possible la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires. Le comité estime qu'il est essentiel que les travailleurs et leurs organisations puissent participer pleinement et de façon significative à la détermination de ce cadre global de négociation, ce qui implique notamment qu'ils aient à leur disposition toutes les données financières, budgétaires ou autres leur permettant d'apprécier la situation en toute connaissance de cause. Si, en raison des circonstances, cela n'est pas possible, les mesures de ce genre devraient être limitées dans le temps et protéger le niveau de vie des travailleurs les plus touchés. Autrement dit, un compromis équitable et raisonnable devrait être recherché entre, d'une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l'autonomie des parties à la négociation et, d'autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter les difficultés budgétaires. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 899.]

572. Au sujet des allégations relatives à la dissolution du Syndicat national des agents de douanes du Niger (SNAD) suite à l'exercice du droit de grève dans ce secteur, le comité note qu'aux termes du décret no 75-193-PCMS/MFPT/E du 11 septembre 1975, portant statut particulier des agents de douanes, seule la grève du zèle est reconnue au personnel pour la défense de ses intérêts professionnels collectifs. A cet effet, le comité rappelle que, lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans certains services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d'une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui ont été imposées à leur liberté d'action pendant les différends survenus dans lesdits services. En ce qui concerne la nature des garanties appropriées en cas de restriction de la grève, ces limitations du droit de grève devraient s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 546 et 547.] Dans le cas présent, le gouvernement explique sa position du fait que le syndicat des travailleurs du secteur des douanes a appelé ses adhérents à un arrêt de travail sans service minimum de quarante-huit heures. Le comité rappelle à cet égard que le maintien de services minima en cas de grève ne devrait être possible que dans les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans l'ensemble de la population, ou dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme, mais où les grèves d'une certaine ampleur et durée pourraient provoquer une crise nationale aiguë menaçant les conditions normales d'existence de la population et, finalement, dans les services publics d'importance primordiale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 556.] Même s'il apparaît que le secteur des douanes puisse faire l'objet de limitations au droit de grève, telles que le dépôt d'un préavis ou l'imposition d'un service minimum, le comité estime que la dissolution d'organisations syndicales est une mesure qui ne devrait intervenir que dans des cas de gravité extrême et qu'une telle dissolution ne devrait pouvoir intervenir qu'à la suite d'une décision judiciaire afin de garantir pleinement les droits de la défense. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 666 et 673.] Le comité déplore vivement la dissolution du SNAD et est profondément convaincu que la solution aux problèmes économiques et sociaux que traverse un pays ne peut être trouvée par la mise à l'écart des organisations syndicales et la suspension de leurs activités. Le comité demande instamment au gouvernement que la mesure de dissolution soit annulée et que le SNAD soit rétabli dans ses droits.

573. Au sujet des allégations d'arrestations et d'emprisonnements de dirigeants et de militants syndicaux de l'USTN et du SYNATREN pour faits de grève, le comité note tout d'abord que, selon le gouvernement, le SYNATREN aurait déclenché un arrêt collectif de travail de quarante-huit heures sans préavis ni service minimum et aurait instruit certains agents pour perpétrer des actes de dégradation et de sabotage sur les installations et réseaux électriques. Le comité a déjà admis que le droit de grève pouvait faire l'objet de restrictions dans des services essentiels, comme ceux de l'électricité, dans la mesure où la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale et pourvu que ces limitations soient accompagnées de certaines garanties compensatoires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 553.] A cet égard, l'exigence du maintien de services minima en cas de grève dans les services de l'électricité peut apparaître justifiée. Toutefois, le comité rappelle l'importance d'assurer que les dispositions relatives au service minimum à appliquer en cas de grève dans un service essentiel soient déterminées avec clarté, appliquées strictement et connues en temps utile par les intéressés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 559.]

574. En second lieu, se référant aux allégations d'actes de dégradation et de sabotage sur les installations et réseaux électriques, le comité rappelle que des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l'immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire. Toutefois, le comité insiste sur le fait que l'arrestation et la détention de dirigeants et de militants syndicaux pour des motifs liés à des activités de défense des intérêts des travailleurs constituent une grave violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 71 et 83.] A cet égard, le comité prend note de la libération d'un certain nombre de syndicalistes suite au jugement du 14 avril concernant les arrestations qui suivirent les mouvements de grève de mars 1997. Il exprime le ferme espoir que tous les syndicalistes détenus en raison de leurs activités syndicales ou de leur participation aux récentes grèves seront libérés. Le comité demande également au gouvernement de le tenir informé sur le sort des syndicalistes en question ainsi que des mesures prises en vue de leur libération.

575. En ce qui concerne les allégations de recours abusif à la réquisition du personnel pendant les périodes de grève, le comité note que, pour les agents de l'Etat, l'exercice du droit de grève est réglementé par l'ordonnance no 96-009 du 21 mars 1996, notamment en son article 9 qui prévoit que, dans les services vitaux et/ou stratégiques de l'Etat, un service minimum doit être établi d'un commun accord entre les autorités et les organisations syndicales. L'article 9 prévoit également que, dans des cas exceptionnels exigés par la nécessité de préserver l'intérêt général, tout agent de l'Etat ou des collectivités territoriales peut faire l'objet d'une réquisition. A cet égard, le comité estime que la portée de cette disposition devrait être circonscrite aux seuls cas où un arrêt du travail peut provoquer une situation de crise nationale aiguë ainsi que pour les services essentiels au sens strict du terme. Le comité rappelle en effet que la réquisition de grévistes pour briser une grève de revendications professionnelles, en dehors des services essentiels ou dans des circonstances de la plus haute gravité, constitue une violation grave de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 573.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier la législation en ce sens. Il attire également l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'aspect législatif de ce cas.

Recommandations du comité

576. Au vu de ce qui précède, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Au sujet de l'adoption par le gouvernement d'une nouvelle grille indiciaire des salaires des fonctionnaires, le comité prie le gouvernement de privilégier, dans toute la mesure possible, la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires.

b) Au sujet de la dissolution du Syndicat national des agents de douanes du Niger (SNAD), le comité déplore vivement cette dissolution et rappelle au gouvernement que la solution aux problèmes économiques et sociaux que traverse le Niger ne peut être trouvée par la mise à l'écart des organisations syndicales et la suspension de leurs activités. Le comité demande instamment au gouvernement que la mesure de dissolution soit annulée et que le SNAD soit rétabli dans ses droits.

c) Au sujet des arrestations et emprisonnements de dirigeants et militants syndicaux de l'USTN et du SYNATREN pour faits de grève, le comité, tout en notant la libération d'un certain nombre de syndicalistes, demande avec insistance au gouvernement de s'assurer que tous les syndicalistes détenus en raison de leurs activités syndicales ou de leur participation aux récentes grèves soient libérés. Le comité demande également au gouvernement de le tenir informé sur le sort des syndicalistes en question et des mesures prises en vue de leur libération.

d) Au sujet des recours abusifs à la réquisition du personnel pendant les périodes de grève, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier la législation sur ce point. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur l'aspect législatif de ce cas.


Cas no 1880
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou (FTLFP)

Allégations: agissements antisyndicaux et actes d'ingérence divers,
entraves à la négociation collective, ingérence dans l'administration interne, licenciements antisyndicaux

577. Les plaintes faisant l'objet du présent cas ont été soumises par la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou (FTLFP) dans des communications datées du 9 avril 1996. L'organisation plaignante a fait parvenir des informations complémentaires par communications datées des 10 mai et 24 septembre 1996, 24 février, 17 mars, 4 avril et 13 août 1997. Elle a soumis de nouvelles allégations dans une communication du 11 septembre 1997. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par des communications datées des 6 mars et 23 septembre 1997.

578. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

579. Par ses communications datées des 9 avril, 10 mai et 24 septembre 1996, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou (FTLFP) indique que le processus de privatisation du secteur de l'électricité a eu pour conséquence de diviser et de créer de nouvelles entreprises telles qu'Electro Ucayali S.A., constituées de l'actif et du passif de l'ancienne Empresa Regional de Servicio Público de Electricidad del Centro -- Electrocentro S.A. L'organisation plaignante allègue que la nouvelle administration de l'entreprise Electro Ucayali S.A, dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale, s'est livrée, à l'encontre du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., à divers agissements antisyndicaux et autres actes d'ingérence, dont le détail est exposé ci-après:

a) subordination de l'octroi d'un contrat de travail à durée indéterminée au renoncement des travailleurs à l'appartenance au syndicat;

b) transfert de la plupart des travailleurs affiliés au Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., qui dépend de l'entreprise Electrocentro S.A., à des lieux de travail autres que ceux désignés sur les contrats de travail;

c) refus de la part de l'entreprise, d'une part, de reverser au syndicat les cotisations syndicales prélevées sur le salaire des employés au mois de décembre 1995 et, d'autre part, à partir de janvier 1996, de continuer à prélever ces cotisations;

d) hostilité et entrave à l'action syndicale, ingérence dans la vie interne du syndicat, intimidation de dirigeants syndicaux et tentative de création d'une autre organisation syndicale dans le but de se soustraire aux obligations découlant de conventions collectives antérieures.

580. Par communications datées des 24 février et 17 mars 1997, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou déclare que, depuis mai 1996, date à laquelle les négociations ont été ouvertes, l'entreprise Electro Ucayali S.A. refuse de conclure une convention collective, recourant à diverses manœuvres et arguties dilatoires, en dépit de la bonne volonté et des concessions faites par le syndicat. L'organisation plaignante déclare en outre que la liste des «licenciements collectifs» inclut 19 travailleurs syndiqués, parmi lesquels deux membres de la Commission de négociation du cahier de revendications de 1996-97, de sorte que ces travailleurs, de même que deux membres du comité de direction, n'ont pas pu accéder au lieu de travail. L'organisation plaignante ajoute que l'entreprise exerce des pressions sur les travailleurs affiliés au syndicat afin que ceux-ci renoncent à leur appartenance, en les menaçant de faire figurer leur nom sur la liste des «licenciements collectifs». Elle ajoute que tout cela a pour objectif de faire baisser le nombre de travailleurs syndiqués à moins de 20 pour pouvoir obtenir la dissolution du syndicat et empêcher la négociation collective.

581. Dans une communication du 4 avril 1997, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou dénonce certaines ingérences de l'Institut péruvien de sécurité sociale (IPSS) dans son administration interne. Plus précisément, l'organisation plaignante allègue que des fonctionnaires de l'IPSS ont contrôlé sans raison valable ses documents comptables et ses registres du personnel, arguant de sommes (d'un montant de 13 468 dollars des Etats-Unis) qui lui seraient dues au titre de contributions de sécurité sociale et autres prestations sociales concernant son personnel. Elle précise que ces investigations visaient les dirigeants nationaux de la fédération, le vérificateur aux comptes et le personnel de nettoyage, lequel n'a aucune relation d'emploi avec elle. Elle ajoute que l'IPSS l'aurait menacée de recouvrement par contrainte et de saisie-arrêt sur ses biens en cas de non-paiement des sommes réclamées.

582. Dans une communication du 13 août 1997, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou allègue que M. Jaime Tuesta Linares, secrétaire chargé des questions de défense du Syndicat des travailleurs de Electro Oriente S.A., a été licencié sans juste motif par la Empresa de Servicio Público de Electricidad del Oriente bien qu'étant protégé, en vertu de la législation nationale, par le principe d'immunité syndicale. L'organisation plaignante allègue également que l'administration de l'entreprise Electro Sur Este S.A. a entrepris une campagne systématique de menaces de licenciements et de menées antisyndicales contre les dirigeants syndicaux et le personnel syndiqué, suscitant de graves difficultés au Syndicat unique des travailleurs d'Electro Sur Este Abancay. Dans le cadre de cette campagne, l'entreprise a transféré à un autre établissement, assez éloigné (Sub-Estación Chacapuente-Chalhuanca), le secrétaire de l'organisation syndicale, M. Moisés Zegara Ancalla, l'empêchant ainsi d'exercer ses fonctions de dirigeant syndical. Enfin, l'organisation plaignante allègue que M. Adriel Villafuerte Collado, secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs d'Electro Sur Este, Puno, aurait été menacé de licenciement par l'entreprise Electro Sur Este S.A. (Sub-Regional Puno) pour d'hypothétiques fautes graves. Malgré les preuves à décharge qu'il a présentées, ce dirigeant syndical a été sanctionné d'une suspension sans traitement de trente jours.

583. Dans sa communication du 11 septembre 1997, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou déclare que, par décision de seconde instance du 14 août 1996, incidente par rapport à la procédure d'exécution d'une sentence judiciaire, la Haute Cour de justice de Tacna a rendu un verdict définitif en faveur du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Tacna et ses assimilés, affilié à la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, condamnant l'entreprise Electro Sur S.A. au versement des augmentations de salaire dues à 111 travailleurs conformément à la sentence arbitrale du 21 juillet 1993 rendue à l'issue de la procédure d'arbitrage ayant fait suite à la négociation collective de la période 1992-93. L'organisation plaignante ajoute qu'aux termes de la convention de modification de la sentence judiciaire du 15 mai 1995 les parties étaient convenues, notamment, de consolider les reversements en une seule et unique bonification de 2 300 nuevos soles à titre de rattrapage, cette bonification n'étant passible ni de cotisations sociales à l'IPSS, à la FONAVI ou à l'AFP, ni d'impôts sur le revenu; en contrepartie, le syndicat demandeur renonçait à exiger l'exécution de la sentence judiciaire. L'organisation plaignante déclare que, malgré l'accord exprimé, l'entreprise Electro Sur S.A. n'a pas exécuté la convention de modification et que, devant cette situation, le Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Tacna et ses assimilés s'est vu contraint d'exiger l'exécution ferme de la sentence judiciaire. En représailles, dans un geste contraire à l'exercice des libertés syndicales et à l'imprescribilité des droits reconnus aux travailleurs, l'entreprise Electro Sur S.A., par décision no GA-500-97 du 25 août 1997, est allée jusqu'à abuser de manière totalement arbitraire de ses pouvoirs en qualifiant de «faute grave» le non-renoncement à la sentence judiciaire; elle a également menacé de sanctions les représentants du syndicat et fait planer sur les dirigeants syndicaux la menace d'un licenciement s'ils n'accédaient pas à ses exigences.

B. Réponse du gouvernement

584. En ce qui concerne l'allégation de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali S.A., de continuer de prélever les cotisations syndicales à partir de janvier 1996, le gouvernement a fait savoir, par communication du 6 mars 1997, qu'en vertu de l'article 28 de la loi sur les relations collectives du travail l'employeur est tenu, sur demande du syndicat et sous réserve de l'autorisation écrite du travailleur syndiqué, de déduire les cotisations syndicales des rémunérations. Il ajoute que, si la formule de la retenue sur la base de la liste des effectifs nécessite l'action conjointe du syndicat et de l'entreprise pour contrôler les cotisations des syndiqués, il ne s'agit pas là de la seule et unique formule de recouvrement puisque le syndicat peut percevoir directement les cotisations ou même saisir l'autorité judiciaire afin que celle-ci se prononce. Il déclare pour conclure que le syndicat n'a recouru à aucune de ces deux possibilités. Quant aux divers agissements antisyndicaux et autres actes d'ingérence dont l'entreprise Electro Ucayali S.A. se serait rendue coupable, selon l'organisation plaignante, vis-à-vis de la fédération, le gouvernement déclare qu'il ne s'agit là que d'accusations sans fondement qui ne méritent pas un examen plus approfondi, compte tenu du fait que les preuves indispensables n'ont pas été produites à l'appui de ces affirmations.

585. En ce qui concerne les allégations de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali S.A., de conclure une convention collective depuis mai 1996, le gouvernement déclare dans sa communication du 23 septembre 1997 que, premièrement, il n'est pas vrai que l'entreprise a recouru, comme le prétend l'organisation plaignante, à des manœuvres et arguties dilatoires, et que les retards résultent d'événements et de situations juridiques survenus tout au long des négociations, et qui ont été résolus par l'Autorité administrative du travail, qui a agi dans l'exercice de sa compétence. Le gouvernement fait valoir que la procédure de négociation collective s'est conclue à la satisfaction des parties, puisque des conventions ont été conclues par accord direct et que le cahier de revendications présenté par l'organisation syndicale a été satisfait.

586. En ce qui concerne l'allégation d'inscription, sur la liste des «licenciements collectifs», de 19 travailleurs syndiqués, au nombre desquels deux membres de la Commission de négociation du cahier de revendications 1996-97 (qui n'ont ainsi pas pu se rendre sur le lieu de travail) ainsi que de deux membres du comité directeur du syndicat, le gouvernement déclare qu'au départ, se fondant sur des «causes objectives» de caractère économique, structurel et technologique envisagées par la loi sur la productivité et la compétitivité du travail ainsi que par les articles 80 et 82 des décrets-lois nos 855 et 871, l'entreprise Electro Ucayali S.A. avait demandé le licenciement de 19 travailleurs, au nombre desquels quatre dirigeants syndicaux. L'entreprise ayant fait la preuve, devant l'autorité administrative, de la cause objective invoquée, et les réunions de conciliation convoquées par cette autorité ayant été tenues, la demande de licenciement a été approuvée en ce qui concerne 14 travailleurs, excluant ainsi de la procédure cinq personnes, dont les quatre dirigeants syndicaux mentionnés dans les allégations et qui, aujourd'hui, travaillent normalement dans l'entreprise.

587. En ce qui concerne les allégations de pressions que l'entreprise aurait exercées sur les travailleurs affiliés au syndicat pour que ceux-ci renoncent à leur appartenance, en les menaçant de les inclure sur la liste des «licenciements collectifs», le gouvernement rejette ces affirmations, considérant que la législation nationale en vigueur protège les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et d'ingérence, en prévoyant des sanctions adéquates dissuadant tout non-respect de ces règles. Il ajoute que, dans le cas spécifique du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., plusieurs membres ont décidé de renoncer à appartenir à cette organisation, raison pour laquelle elle a cessé d'être enregistrée puisqu'elle ne comptait plus le minimum de 20 membres exigé par la législation du travail en vigueur. Le gouvernement précise que ce syndicat a la possibilité de redemander son enregistrement six mois après avoir démontré que la cause à l'origine de l'annulation de son enregistrement n'existe plus. Il ajoute qu'il appartient aux membres du syndicat qui s'estimeraient lésés dans leurs droits syndicaux d'introduire des recours en justice pour faire valoir leurs droits.

C. Conclusions du comité

588. Le comité constate que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue: 1) divers agissements antisyndicaux et autres actes d'ingérence contre le Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale; 2) des entraves à la négociation collective, des licenciements antisyndicaux, des pressions et des menaces contre des travailleurs affiliés au syndicat de l'entreprise Electro Ucayali S.A.; 3) des ingérences de la part de l'Institut péruvien de sécurité sociale dans l'administration interne de la fédération; et 4) des licenciements antisyndicaux et des menaces au sein des entreprises Servicio Público de Electricidad del Oriente et Electro Sur S.A.

589. En ce qui concerne les allégations de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali S.A., de continuer à recouvrir les cotisations des adhérents du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., le comité note que, selon le gouvernement, en vertu de l'article 28 de la loi actuellement en vigueur sur les relations collectives du travail, l'employeur est tenu, à la demande du syndicat et sur autorisation écrite du travailleur syndiqué, de déduire les cotisations syndicales des rémunérations. De même, il note que, selon le gouvernement, la possibilité de procéder à une retenue en se basant sur la liste des effectifs est une formule qui nécessite l'action conjointe du syndicat et de l'entreprise pour le contrôle des cotisations versées par les syndiqués, et enfin que le syndicat peut recourir à l'autorité judiciaire afin que celle-ci se prononce en la matière. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que l'entreprise se conforme à toute demande formulée par le syndicat dans le cadre de la législation sur les cotisations syndicales.

590. En ce qui concerne les autres allégations d'agissements antisyndicaux et d'actes d'ingérence divers que l'entreprise Electro Ucayali S.A. aurait commis à l'encontre du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A. dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale, le comité a le regret de constater que le gouvernement se borne à déclarer qu'il s'agit de simples accusations sans fondement, ne méritant pas d'investigations plus approfondies. A cet égard, il rappelle au gouvernement que la ratification de la convention no 98 l'oblige à garantir l'application des articles 1 et 2 de cet instrument, lesquels prévoient que tous les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et que leurs organisations doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence de la part des employeurs. Le comité prie le gouvernement de procéder sans retard à une enquête sur les faits allégués ci-après et de le tenir informé au sujet des éléments suivants:

a) subordination de l'octroi d'un contrat de travail à durée indéterminée au renoncement des travailleurs à l'appartenance au syndicat;

b) transfert de la plupart des travailleurs affiliés au Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., qui dépend de l'entreprise Electrocentro S.A., à des lieux de travail autres que ceux désignés sur les contrats de travail;

c) hostilité et entrave à l'action syndicale, ingérence dans la vie interne du syndicat, intimidation de dirigeants syndicaux et tentative de création d'une autre organisation syndicale pour se soustraire aux obligations découlant de conventions collectives antérieures.

591. En ce qui concerne l'allégation de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali S.A., de conclure une convention collective depuis mai 1996, le comité prend dûment note du fait que, selon le gouvernement, la procédure de négociation collective s'est conclue à la satisfaction des parties, des conventions ayant été adoptées par un accord direct, et le cahier de revendications présenté par l'organisation syndicale ayant été satisfait. A cet égard, le comité prie le gouvernement de lui envoyer copie des conventions collectives conclues postérieurement et le prie de s'efforcer de collaborer avec les parties afin que les difficultés surgissant au cours des négociations collectives trouvent une solution dans un délai plus bref.

592. En ce qui concerne les allégations d'inscription sur la liste des «licenciements collectifs» de 19 travailleurs syndiqués, au nombre desquels deux membres de la Commission de négociation du cahier de revendications 1996-97 ainsi que deux membres du comité directeur, le comité prend dûment note du fait que, selon le gouvernement, la liste approuvée de licenciements ne concerne que 14 travailleurs et qu'ont été exclus de cette mesure, à la demande de l'entreprise, les cinq autres qui, aujourd'hui, travaillent normalement dans l'entreprise. Le comité rappelle qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi -- licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables --, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en plein indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, paragr. 724.]

593. En ce qui concerne les allégations de pressions exercées par l'entreprise à l'encontre des travailleurs affiliés au syndicat afin qu'ils renoncent à leur appartenance, en les menaçant de figurer sur la liste des «licenciements collectifs», le comité a le regret de constater que le gouvernement se borne à déclarer que cette allégation n'est pas recevable. Il constate en effet que le gouvernement indique que la législation nationale en vigueur en la matière protège les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et d'ingérence sans préciser pour autant s'il a procédé à une enquête sur les faits allégués. De plus, le comité exprime sa grave préoccupation du fait que, suite aux événements qui ont donné lieu à cette plainte, l'enregistrement de ce syndicat a été annulé sous prétexte que l'effectif du syndicat en question est tombé au dessous du minimum de 20 exigé par la législation suite aux démissions de membres du syndicat.

594. Sur ce point, le comité tient à insister sur les considérations développées aux premiers paragraphes de ses conclusions en rappelant une fois de plus au gouvernement qu'en ratifiant la convention no 98 il s'est obligé à garantir l'application des articles 1 et 2 de cet instrument, en protégeant non seulement dans la législation mais également dans la pratique les travailleurs contre tous actes de discrimination antisyndicale et en protégeant leurs organisations contre tous actes d'ingérence. Il prie le gouvernement de procéder à une enquête afin de savoir si les divers adhérents du syndicat ayant renoncé à leur appartenance ont subi ou non des pressions de la part de l'entreprise, surtout compte tenu du fait qu'il n'a pas été non plus procédé à enquête sur les diverses allégations d'agissements antisyndicaux et d'actes d'ingérence de la part de l'entreprise dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces investigations. S'agissant des déclarations du gouvernement concernant l'obligation, pour le syndicat, d'attendre six mois avant de pouvoir obtenir le rétablissement de son enregistrement une fois que la cause ayant motivé l'annulation de cet enregistrement a disparu, le comité rappelle au gouvernement que cette disposition, contraire à la convention no 87, fait l'objet de commentaires de la part de la commission d'experts, laquelle lui demande de prendre les mesures nécessaires pour sa modification. [Voir rapport de la commission d'experts, 1997, p. 203 de la version française.]

595. En ce qui concerne les allégations de licenciements antisyndicaux et de menaces dans les entreprises Servicio Público de Electricidad del Oriente et Electro Sur Este S.A., le comité constate qu'il n'a pas reçu de réponse du gouvernement; il prie donc celui-ci de communiquer sans délai ses observations. De même, il le prie de communiquer ses observations concernant les allégations de non-respect d'une convention de modification d'une décision de justice de la part de l'entreprise Electro Sur S.A., ainsi que les allégations de menaces de sanctions et de licenciement contre les dirigeants syndicaux du syndicat de l'entreprise en question.

Recommandations du comité

596. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) En ce qui concerne les allégations de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali S.A., de continuer d'effectuer la retenue des cotisations des membres du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali S.A., le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que l'entreprise se conforme à toute demande formulée par le syndicat, dans le cadre de la législation.

b) S'agissant des autres allégations d'agissements antisyndicaux et d'actes d'ingérence divers que l'entreprise Electro Ucayali S.A. aurait commis contre le Syndicat unique des travailleurs de l'électricité Ucayali S.A. dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale, le comité prie le gouvernement de procéder sans délai à une enquête sur ces allégations et de le tenir informé à ce sujet.

c) En ce qui concerne les allégations de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali S.A., de conclure une convention collective depuis mai 1996, le comité prie le gouvernement de lui envoyer copies des conventions collectives conclues postérieurement et de s'efforcer de coopérer avec les parties afin que les difficultés surgissant au cours des négociations collectives puissent être surmontées dans les délais les plus brefs.

d) En ce qui concerne les inscriptions sur la liste des «licenciements collectifs» de 14 dirigeants et travailleurs syndiqués, le comité rappelle qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi -- licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables --, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en plein indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.

e) En ce qui concerne les allégations de pressions que l'entreprise exercerait sur les travailleurs affiliés au syndicat afin que ceux-ci renoncent à leur appartenance, le comité prie le gouvernement de procéder à une enquête afin de savoir si les divers membres du syndicat ayant renoncé à leur affiliation l'ont fait sous la pression ou non de l'entreprise, et de le tenir informé des conclusions de ces investigations. En ce qui concerne l'obligation, pour le syndicat, d'attendre six mois avant de pouvoir demander à nouveau son enregistrement une fois que la cause à l'origine de l'annulation de cet enregistrement a disparu, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette disposition, contraire à la convention no 87, soit modifiée.

f) En ce qui concerne les allégations de licenciements antisyndicaux et de menaces dans les entreprises Servicio Público de Electricidad del Oriente et Electro Sur Este S.A., le comité constate qu'il n'a pas reçu de réponse de la part du gouvernement et le prie donc de faire parvenir sans délai ses observations à ce sujet. De même, il le prie de communiquer ses observations quant aux allégations de non-exécution, par l'entreprise Electro Sur S.A., d'une convention de modification d'une décision de justice, et quant aux menaces de sanctions et de licenciements contre les dirigeants du syndicat de l'entreprise.


Cas no 1906
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
-- la Fédération syndicale mondiale (FSM)
-- la Fédération des travailleurs de la construction civile
du Pérou (FTCCP) et
-- le Syndicat des travailleurs de la construction civile de Lima
et des stations balnéaires

Allégations: persécution syndicale et entrave à la négociation collective
dans le secteur de la construction civile

597. Le comité a examiné ce cas lors de sa session de mars 1997 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 306e rapport du comité, paragr. 541 à 555, adopté par le Conseil d'administration lors de sa 268e session (mars 1997).]

598. Par des communications en date des 8 et 27 février et 20 octobre 1997, la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) et le Syndicat des travailleurs de la construction civile de Lima et des stations balnéaires ont allégué des entraves à la négociation collective. Le gouvernement a fait part de nouvelles observations dans une communication du 18 septembre 1997.

599. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Examen antérieur du cas

600. Dans les recommandations qu'il a formulées à sa session de mars 1997, le comité a demandé au gouvernement de communiquer ses observations sur la condamnation à un an de prison avec sursis des dirigeants syndicaux de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP), M.  José Luis Risco Montalván, secrétaire général, et MM. Mario Huamán Rivera et Víctor Herrera Rubiños, secrétaires, pour le délit supposé d'atteinte à l'ordre public commis en novembre 1991 au cours d'un conflit syndical visant à obtenir le rétablissement du cahier de revendications national unique. [Voir 306e rapport, paragr. 555.] De même, le comité a demandé au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures pour modifier la législation, de façon que les organisations de travailleurs, les employeurs et leurs organisations puissent exercer librement et sans entrave le droit de négociation collective à tous les niveaux.

B. Réponse du gouvernement

601. Dans sa communication du 18 décembre 1997, le gouvernement informe qu'il n'existe pas de persécution syndicale à l'encontre des dirigeants de la FTCCP. Toutefois, M. José Luis Risco Montalván, secrétaire général, et MM. Mario Huamán Rivera et Víctor Herrera Rubiños, secrétaires, font l'objet d'une procédure judiciaire en raison des troubles graves survenus en novembre 1991. Le gouvernement ajoute que, dans le cadre de la procédure judiciaire susmentionnée, l'existence d'éléments de preuve suffisants pour constituer un délit ayant été établie, le juge de la cinquième juridiction pénale de Lima a ouvert le 22 septembre 1992 une instruction pour le délit constitué par les troubles contre l'ordre public dont ont été victimes le 30e commandement de la police nationale du Pérou, le parlementaire Fernando Olivera et d'autres personnes, faits pour lesquels MM. Luis Risco Montalván, Mario Huamán Rivera et Víctor Herrera Rubiños ont été condamnés à une peine d'un an de prison avec sursis.

602. En décembre 1996, les condamnés ont fait appel de cette décision devant la Cour supérieure. Depuis août 1997, cet appel est en instance devant la sixième chambre pénale de la Cour supérieure. Le gouvernement informe le comité qu'il le tiendra informé de toute décision qui sera prise à ce sujet.

C. Nouvelles allégations

603. Dans des communications en date du 8 et du 27 février 1997, la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) et le Syndicat des travailleurs de la construction civile de Lima et des stations balnéaires allèguent que la Commission du travail du Congrès de la République a adopté le projet de loi no 2266 dont la cinquième disposition transitoire consacre la négociation collective dans la construction civile, étant entendu que ladite négociation ne pourra pas avoir lieu au cours des six mois suivant le début effectif d'un chantier de construction. Les plaignants ajoutent que, dans le cas où ce projet de loi et sa cinquième disposition transitoire susmentionnée seraient adoptés, il ne pourrait pas être recouru à la négociation collective dans la construction civile étant donné que les chantiers de construction durent en moyenne de quatre à six mois.

604. Dans une communication du 20 octobre 1997, la FTCCP précise que MM. José Luis Risco Montalván, Mario Huamán Rivera et Víctor Herrera Rubiños, respectivement secrétaire général et dirigeants syndicaux de l'organisation, ont été condamnés à deux ans de prison par décision de la Chambre pénale de la Cour supérieure de Lima le 2 octobre 1997.

D. Nouvelle réponse du gouvernement

605. Dans sa communication du 18 septembre 1997, le gouvernement informe qu'un nouvel avant-projet sera examiné par la Commission du travail du Congrès de la République, lequel a non seulement abandonné le projet de loi no 2266 mais a aussi supprimé de son texte la disposition qui a fait l'objet d'allégations de la part des organisations plaignantes.

E. Conclusions du comité

606. Le comité note que, dans le présent cas, les plaignants font état d'une persécution syndicale subie par trois dirigeants de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP), lesquels ont été condamnés à une peine d'un an de prison avec sursis en 1991, et de limitations de la négociation dans la construction civile.

607. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles une condamnation à une peine de deux ans de prison aurait été prononcée le 2 octobre 1997 contre les dirigeants syndicaux de la FTCCP, M. José Luis Risco Montalván, secrétaire général, et MM. Mario Huamán Rivera et Víctor Herrera Rubiños, secrétaires à l'organisation, le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations à cet égard.

608. En ce qui concerne la cinquième disposition transitoire du projet de loi no 2266 qui interdit de recourir à la négociation collective dans la construction civile au cours des six premiers mois suivant le début effectif d'un chantier de construction, le comité note avec intérêt que, selon le gouvernement, cette restriction qui avait limité la négociation collective n'est plus prévue dans le nouvel avant-projet qui sera examiné par la Commission du travail du Congrès. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'adoption définitive du nouvel avant-projet en ce qui concerne cette question et d'assurer que les parties à la négociation collective puissent négocier à tous les niveaux.

Recommandations du comité

609. Au vu des conclusions intérimaires qui précédent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Au sujet des allégations selon lesquelles une peine de deux ans de prison aurait été prononcée contre les dirigeants syndicaux de la FTCCP, MM. José Luis Risco Mantalván, Mario Huamán Rivera et Víctor Herrera Rubiños le 2 octobre 1997, le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations à cet égard.

b) Au sujet de la cinquième disposition transitoire du projet de loi no 2266 qui interdit de recourir à la négociation collective dans la construction civile au cours des six premiers mois suivant le début effectif d'un chantier de construction, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'adoption définitive du nouvel avant-projet qui, selon le gouvernement, élimine cette limitation et qu'il assure que les parties à la négociation collective puissent négocier à tous les niveaux.


Cas no 1926
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plaintes contre le gouvernement du Pérou
présentées par
-- le Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité de Lima
et Callao (SUTREL) et
-- la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP)

Allégations: non-reconnaissance de la représentativité d'un syndicat
de branche et refus de négocier collectivement, licenciement
de plusieurs dirigeants syndicaux et actes antisyndicaux

610. Les plaintes qui font l'objet du présent cas figurent dans des communications du Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité de Lima et Callao (SUTREL) et de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) datées des 10 et 15 avril 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 30 juillet 1997.

611. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

612. Dans une communication datée du 10 avril 1997, le Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité de Lima et Callao (SUTREL) indique qu'à la suite de la privatisation de l'ancienne entreprise Electrolima S.A. ses affiliés se sont retrouvés dispersés dans différents centres de travail chargés de produire, de distribuer et de commercialiser l'électricité dans le département de Lima, et en particulier à Luz del Sur S.A. Les statuts de SUTREL prévoient que ce syndicat regroupe les travailleurs des entreprises du secteur de l'électricité ainsi que des entreprises assimilées ou connexes directement liées à ce secteur, comme c'est le cas de l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. Le SUTREL ajoute que, depuis sa création en 1994, il fait l'objet de mesures antisyndicales de la part des entreprises du secteur de l'électricité avec la complicité des autorités du travail, dans le dessein de ne pas reconnaître la représentativité de ses sections syndicales au sein de chaque entreprise.

613. L'organisation plaignante allègue que c'est le cas de l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A., qui a refusé de négocier collectivement parce qu'elle ne reconnaît pas la représentativité de la section syndicale du SUTREL en son sein. Ce refus se fonde, selon l'entreprise, sur le fait qu'elle n'est liée au secteur de l'électricité que par le biais des services et que, le SUTREL étant un syndicat de branche, il n'est pas habilité à représenter les travailleurs de l'entreprise.

614. L'organisation plaignante indique que face à ce refus, le ministère du Travail et de la Promotion sociale a convoqué la direction de l'entreprise qui lui a présenté une convention collective signée par une majorité, soi-disant librement élue, des travailleurs, en soulignant que l'entreprise ne reconnaissait pas l'existence juridique de la section syndicale du SUTREL. Cette convention collective a finalement été enregistrée par l'autorité responsable du travail.

615. A cet égard, l'organisation plaignante allègue que tant l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. que l'autorité responsable du travail refusent de reconnaître que les adhérents du syndicat qui sont occupés par cette entreprise effectuent le même travail que celui qu'ils accomplissaient il y a plusieurs années sous la dénomination sociale Luz del Sur S.A.; en conséquence il est absurde qu'ils ne soient plus considérés comme des travailleurs assimilés au secteur de l'électricité alors qu'ils l'étaient antérieurement, et qu'ils exécutent les mêmes tâches au sein de l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. L'organisation plaignante ajoute que, bien que la gamme des activités de l'entreprise ait été élargie, ses salariés continuent de fournir des services aux mêmes entreprises et aux mêmes usagers, et qu'il est impossible de ne pas reconnaître leurs droits syndicaux acquis.

616. L'organisation plaignante prétend également que l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. a fait pression sur ceux de ses salariés qui n'étaient pas affiliés à la section syndicale du SUTREL afin qu'ils signent une convention collective pour donner plus de force à la non-reconnaissance du syndicat et contribuer ainsi à l'affaiblissement de la négociation collective par branche d'activité. L'organisation plaignante ajoute en outre que, dans un procès-verbal présenté par l'entreprise à l'autorité responsable du travail, il est expressément indiqué que les avantages minima octroyés par Luz del Sur Servicios S.A. à ses travailleurs seraient les mêmes que ceux octroyés aux travailleurs de Luz del Sur S.A. qui correspondent à la même période de négociation. Ceci prouve encore une fois sans ambiguïté que Luz del Sur S.A. et Luz del Sur Servicios S.A. appartiennent à la même branche d'activité, ce qui justifie l'existence d'une section syndicale du SUTREL dans l'entreprise en question.

617. Par ailleurs, dans une communication datée du 15 avril 1997, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) allègue le licenciement de plusieurs dirigeants syndicaux jouissant de l'immunité syndicale, qui auraient été inclus dans des programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives en application du décret-loi no 855 d'octobre 1996, portant modification de la loi sur les mesures d'encouragement à l'emploi. Ces mesures de licenciement frapperaient tous les dirigeants du Syndicat des ouvriers des brasseries Backus y Johnston et de la Fédération des brasseurs du Pérou, le sous-secrétaire de la CGTP pour la région nord (mais non le secrétaire aux affaires économiques de la CGTP, qui est menacé d'une action en contentieux administratif), les dirigeants du Syndicat unique des travailleurs de Luz y Fuerza de Electro Ucayali et un dirigeant du Syndicat unique des travailleurs d'Electroperú del Sistema Interconectado.

618. L'organisation plaignante allègue également des menaces de licenciement dont auraient fait l'objet deux dirigeants syndicaux, l'un appartenant au Syndicat unique des travailleurs d'Electro Sur Este et l'autre à la Fédération des travailleurs de Luz y Fuerza del Perú, en raison des injures que ces dirigeants auraient proférées il y a un an après avoir été mis à pied avec suspension de salaire pendant trente jours pour avoir participé à des actions syndicales.

B. Réponse du gouvernement

619. S'agissant des allégations du SUTREL, le gouvernement indique, dans une communication datée du 30 juillet 1997, que la section syndicale du SUTREL n'a ni représentativité ni légitimité pour négocier collectivement puisqu'elle ne regroupe que 14 des 73 salariés de l'entreprise. C'est pourquoi, conformément à l'article 47 de la loi sur les relations collectives du travail, et vu l'absence de syndicat d'entreprise chez Luz del Sur Servicios S.A., la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise, par le truchement des représentants élus en assemblée générale, a signé le 10 janvier 1997 une convention collective. Le ministère du Travail a donc déclaré irrecevable la plainte de la section syndicale du SUTREL.

620. En ce qui concerne les allégations de la CGTP relatives au licenciement de dirigeants de plusieurs organisations syndicales jouissant de l'immunité syndicale, qui auraient été inclus dans des programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, le gouvernement souligne tout d'abord que l'article 16 du décret suprême n° 003-97-TR portant approbation du texte unique du décret-loi n° 728 -- loi sur la productivité et la compétitivité du travail -- prévoit, entre autres, comme facteurs d'extinction du contrat de travail, le licenciement et les causes objectives dans les cas et dans les formes autorisés par la loi. Pour ce qui est des causes objectives, l'article 46 du décret suprême les classe en cas fortuit et de force majeure; motifs économiques, technologiques, structurels ou analogues; dissolution et liquidation de l'entreprise et faillite; restructuration du patrimoine.

621. Le gouvernement ajoute que si l'on tient compte du cadre juridique invoqué, on remarque que les facteurs d'extinction susmentionnés sont de nature différente: tandis que le licenciement est fondé sur une décision unilatérale de l'employeur touchant de manière individuelle le travailleur, les effets que produisent les causes objectives touchent un groupe ou l'ensemble des travailleurs de l'entreprise dont le lien s'éteint pour des motifs identiques, d'où il s'ensuit que la législation nationale prévoit des mécanismes de traitement différenciés entre les facteurs d'extinction de la relation d'emploi susmentionnés en envisageant, en ce qui concerne le licenciement, la possibilité d'introduire une action en justice en cas de nullité, de licenciement arbitraire et d'hostilité. En revanche, s'agissant de causes objectives liées au cas fortuit et de force majeure et aux motifs économiques, technologiques, structurels ou analogues, les travailleurs touchés jouissent d'un droit préférentiel de réintégration dans l'emploi si l'employeur décide d'engager de nouveau, directement ou par l'intermédiaire de tiers.

622. Le gouvernement conclut que, bien que l'article 30 de la loi sur les relations collectives du travail garantisse à certains travailleurs une protection contre le licenciement sans juste cause dûment démontrée, compte tenu des explications qui précèdent au sujet de la différence que le décret suprême établit entre le licenciement et les causes objectives, il s'avère que dans le cas des causes objectives l'immunité syndicale ne s'applique pas.

623. En ce qui concerne la deuxième allégation de la CGTP relative à des menaces de licenciement dont auraient fait l'objet deux dirigeants syndicaux pour avoir proféré des injures et à leur mise à pied avec suspension de salaire pendant trente jours pour avoir participé à des activités syndicales, le gouvernement indique que, conformément aux articles 30 et 36 de la loi sur la productivité et la compétitivité du travail et à l'article 57 du décret suprême n° 017-93-JUS, respectivement, les travailleurs en question peuvent se pourvoir en justice pour faire valoir leurs droits.

C. Conclusions du comité

624. Le comité observe que dans le présent cas les organisations plaignantes dénoncent: 1) la non-reconnaissance de la représentativité de la section syndicale du SUTREL par l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. et, en conséquence, le refus de l'employeur de négocier collectivement avec elle; 2) le licenciement de plusieurs dirigeants syndicaux et la perpétration d'actes antisyndicaux.

625. En ce qui concerne l'allégation du Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité de Lima et Callao (SUTREL) relative à la non-reconnaissance de la représentativité de la section syndicale du SUTREL par l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. et, en conséquence, le refus de l'employeur de négocier collectivement avec elle, le comité note tout d'abord que l'organisation plaignante affirme que la justification pour laquelle l'entreprise refuse de reconnaître sa section syndicale est que l'entreprise n'est liée au secteur de l'électricité que par le biais des services et que, le SUTREL étant un syndicat de branche, il n'est pas habilité à représenter les travailleurs de l'entreprise.

626. A cet égard, le comité prend note de l'argument de l'organisation plaignante selon lequel l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. est bien liée au secteur de l'électricité et que, par conséquent, l'existence en son sein de la section syndicale du SUTREL est justifiée, car les affiliés du SUTREL au sein de l'entreprise effectuent le même travail que celui qu'ils accomplissaient il y a plusieurs années sous la dénomination sociale Luz del Sur S.A., sous laquelle ils étaient considérés comme des travailleurs assimilés au secteur de l'électricité, ce qui n'est plus le cas maintenant, bien qu'ils exécutent les mêmes tâches dans l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. Un autre argument de l'organisation plaignante est que le procès-verbal présenté par l'entreprise à l'autorité responsable du travail indique expressément que les avantages minima octroyés par Luz del Sur Servicios S.A. à ses travailleurs sont les mêmes que ceux octroyés aux travailleurs de Luz del Sur S.A. qui correspondent à la même période de négociation.

627. D'une part, le comité observe que dans sa réponse le gouvernement ne rejette pas les arguments susmentionnés de l'organisation plaignante mais que, se référant à la section syndicale du SUTREL, il la traite comme un syndicat d'entreprise en soulignant qu'elle n'a pas de représentativité pour négocier collectivement du fait qu'elle ne regroupe que 14 travailleurs sur les 73 salariés de l'entreprise et que, comme l'établit l'article 47 de la loi sur les relations collectives du travail, vu l'absence de syndicat d'entreprise chez Luz del Sur Servicios S.A., la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise a signé une convention collective. Le comité observe également que le gouvernement ne nie pas qu'il ait été fait pression sur les travailleurs de l'entreprise non affiliés à la section syndicale du SUTREL pour qu'ils signent une convention collective. D'autre part, le comité rappelle que, dans un autre cas concernant le Pérou (1845), il a examiné des allégations du SUTREL selon lesquelles l'autorité administrative aurait obligé cette organisation à constituer une section syndicale au niveau de l'entreprise pour négocier collectivement à ce niveau, bien que le SUTREL soit un syndicat de branche et que le gouvernement n'ait pas répondu à ces allégations (voir 302e rapport, paragr. 516).

628. De l'avis du comité, la principale difficulté que présente cette allégation réside dans le refus de l'entreprise de reconnaître la personnalité de la section syndicale du SUTREL comme syndicat de branche pour représenter ses adhérents. A cet égard, le comité rappelle en premier lieu qu'en vertu de l'article 2 de la convention no 87 les travailleurs ont le droit de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier. Quant à la négociation collective avec des représentants non syndicaux, le comité rappelle au gouvernement que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, donne la préférence, en ce qui concerne l'une des parties aux négociations collectives, aux organisations de travailleurs et ne mentionne les représentants des travailleurs non organisés qu'en cas d'absence de telles organisations. Dans ces conditions, une négociation directe conduite entre l'entreprise et son personnel, en feignant d'ignorer les organisations représentatives existantes, peut, dans certains cas, être contraire au principe selon lequel il faut encourager et promouvoir la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1996, paragr. 785.] A cet égard, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit reconnu le droit de la section syndicale du SUTREL de représenter ses membres et de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, au moins en leur nom.

629. Le comité observe également qu'il a déjà eu, avant la présente plainte, l'occasion d'examiner plusieurs cas relatifs à des entraves de droit et de fait à la négociation collective au niveau de la branche d'activité: la contestation portait sur les dispositions de la loi sur les relations collectives du travail qui déterminent le niveau auquel la négociation collective a lieu. En conséquence, le comité renvoie aux conclusions qu'il avait alors formulées: «le principe de la négociation collective libre et volontaire visée à l'article 4 de la convention veut que la détermination du niveau de négociation résulte essentiellement de la volonté des parties et que, par conséquent, ce niveau ne soit pas déterminé par la législation»; «l'obligation de rassembler non seulement la majorité des travailleurs mais encore la majorité des entreprises pour pouvoir conclure des conventions collectives par branche d'activité ou corporation, comme le prévoit l'article 46 de la loi sur les relations collectives du travail, peut poser des problèmes de compatibilité par rapport à la convention no 98». Comme il l'avait déjà fait en ces occasions, «le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures pour modifier la législation, de façon que les organisations de travailleurs, les employeurs et leurs organisations puissent exercer librement et sans entrave le droit de négociation collective à tous les niveaux». [Voir 306e rapport, cas no 1906, paragr. 553.]

630. En ce qui concerne les allégations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relatives au licenciement de dirigeants de plusieurs organisations syndicales jouissant de l'immunité syndicale, qui ont été inclus dans des programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, le comité note que, d'après les indications du gouvernement, l'article 16 du décret suprême no 003-97-TR -- loi sur la productivité et la compétitivité du travail -- prévoit, entre autres, comme facteurs d'extinction du contrat de travail, les causes objectives que l'article 46 du décret suprême classe, entre autres, en motifs économiques, technologiques, structurels ou analogues. Les effets que produisent les causes objectives touchent un groupe ou l'ensemble des travailleurs de l'entreprise dont la relation d'emploi prend fin pour des motifs identiques, et l'immunité syndicale ne leur est pas applicable.

631. Cependant, le comité, comme il l'a fait dans des cas similaires concernant le Pérou, constate avec regret que le gouvernement n'a fourni aucun élément permettant de clarifier l'allégation de la Confédération plaignante relative à la nature antisyndicale de l'application des programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, surtout si l'on tient compte du fait, d'une part, que les effets que produisent les causes objectives peuvent toucher, selon les indications du gouvernement, un groupe de travailleurs de l'entreprise et, d'autre part, que presque tous les dirigeants de deux organisations auraient, d'après la confédération plaignante, été licenciés.

632. Le comité, comme il l'a demandé dans des cas similaires concernant le Pérou, demande une nouvelle fois au gouvernement de mener une enquête pour clarifier l'allégation relative à la nature antisyndicale de ces licenciements et de le tenir informé à cet égard. Le comité demande également au gouvernement, dans le cas où il serait nécessaire d'appliquer de nouveaux programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, de veiller à ce que des négociations aient lieu entre les entreprises concernées et les organisations syndicales, et d'adopter les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir l'application de ces programmes ne soit pas utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale. [Voir cas nos 1796 et 1878, Pérou, 306e et 307e rapports, paragr. 506 et 453, respectivement.]

633. En ce qui concerne les allégations de la CGTP relatives aux menaces de licenciement dont auraient fait l'objet deux dirigeants syndicaux pour avoir proféré des injures et à leur mise à pied avec suspension de salaire pendant trente jours pour avoir participé à des activités syndicales, le comité note avec regret que le gouvernement se borne à signaler que, conformément à la législation nationale, les travailleurs en cause peuvent recourir au pouvoir judiciaire pour faire valoir leurs droits, sans avoir mené d'enquête pour clarifier l'allégation relative à des actes antisyndicaux et, au cas où de tels actes auraient été commis, sans avoir sanctionné les coupables. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que la commission d'experts formule des commentaires à propos de l'application par le Pérou de la convention no 98 en raison de «l'absence de sanctions efficaces et suffisamment dissuasives pour garantir la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, et l'absence de protection des organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs (articles 1 et 2 de la convention)». A cet égard, le comité, à l'instar de la commission d'experts, prie instamment le gouvernement de prendre, le plus rapidement possible, les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de la convention (voir rapport de la commission d'experts, 1996, page 226 dans la version française). Le comité demande entre-temps au gouvernement de le tenir informé de toute évolution qui s'est produite à cet égard.

Recommandations du comité

634. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) En ce qui concerne l'allégation relative à la non-reconnaissance par l'entreprise Luz del Sur S.A. de la représentativité de la section syndicale du SUTREL et, en conséquence, au refus de l'employeur de négocier collectivement avec elle, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit reconnu le droit de la section syndicale du SUTREL de représenter ses membres et de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, au moins en leur nom.

b) Le comité demande au gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures pour modifier la législation, de façon que les organisations de travailleurs, les employeurs et leurs organisations puissent exercer librement et sans entrave le droit de négociation collective à tous les niveaux.

c) En ce qui concerne les allégations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relatives au licenciement de dirigeants de plusieurs organisations syndicales, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de mener une enquête pour clarifier l'allégation relative à la nature antisyndicale de ces licenciements et de le tenir informé à cet égard.

d )Le comité demande au gouvernement, dans le cas où il serait nécessaire, d'appliquer de nouveaux programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, de veiller à ce que des négociations aient lieu entre les entreprises concernées et les organisations syndicales, et d'adopter les mesures nécessaires pour qu'à l'avenir l'application de ces programmes ne soit pas utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale.

e) En ce qui concerne les allégations de la CGTP relatives aux menaces de licenciement dont auraient fait l'objet deux dirigeants syndicaux pour avoir proféré des injures et à leur mise à pied avec suspension de salaire pendant trente jours pour avoir participé à des activités syndicales, le comité prie instamment le gouvernement de prendre, le plus rapidement possible, les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de la convention et, entre-temps, de le tenir informé de l'évolution de la situation.


Cas no 1914
Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement des Philippines
présentée par
le Syndicat des employés de Telefunken travaillant
dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU)

Allégations: licenciement de syndicalistes à la suite d'une grève;
détention de syndicalistes; et actes de violence contre des grévistes

635. Dans une communication en date du 6 janvier 1997, le Syndicat des employés de Telefunken travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) a déposé une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement des Philippines. Par la suite, il a transmis des informations et des documents complémentaires par une communication du 3 février 1997.

636. Le gouvernement a fourni ses observations concernant ce cas dans des communications datées, respectivement, des 19 mars et 17 septembre 1997.

637. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

638. Le Syndicat des employés de Telefunken travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) allègue que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 par les manquements répétés du ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) d'appliquer la décision définitive et exécutoire qu'il avait prise lui-même visant à la réintégration d'environ 1 500 membres du TSEU.

639. Le TSEU explique ensuite le contexte de sa plainte. Il indique qu'il est l'agent négociateur unique et exclusif dûment certifié de tous les employés de base de Temic Telefunken Microelectronics (Phils.) Inc. («TEMIC») qui a un effectif de 3 500 travailleurs, dont 90 pour cent de femmes.

640. Le 2 juin 1995 a eu lieu à TEMIC une élection en vue de l'accréditation de l'agent négociateur; le TSEU a remporté cette élection et est donc devenu l'agent négociateur unique et exclusif. Peu après l'expiration de la convention collective de 1993-94, les parties ont entamé des négociations collectives pour établir une nouvelle convention collective. Le 25 août 1995, les négociations entre les parties ont buté sur une impasse. Le TSEU déclare ensuite que le 28 août 1995 il a déposé un préavis de grève sur la base de l'arrêt des négociations pour l'établissement d'une convention collective, de pratiques déloyales en matière de travail, à savoir le licenciement de trois coordinateurs de la logistique délégués syndicaux et des violations flagrantes des dispositions de la convention collective de 1993-94 «telles que la non-fourniture d'uniformes, le non-versement de la prime de risque et l'atteinte au droit du travailleur à organiser son travail». Le 3 septembre 1995, le TSEU a procédé à un vote parmi ses membres au sujet de la grève, qui a été massivement soutenue. Le 14 septembre 1995, le TSEU est entré en grève.

641. Le 16 septembre 1995, le ministre du Travail par intérim, Jose Brillantes, a ordonné à tous les travailleurs en grève de reprendre le travail et aux employeurs de permettre ce retour selon les mêmes dispositions et clauses que celles en vigueur avant la grève. Le TSEU soutient que le 23 septembre 1995 cinq syndicalistes ont été arrêtés et détenus aux blocs 1 et 2 du commissariat de police de Taguig puis à la prison municipale de Taguig. Le 26 septembre 1995, les cinq syndicalistes détenus ont été relâchés en application de la circulaire administrative no 9 publiée le 22 mai 1985 par le ministère de la Justice de l'époque. La circulaire prévoit que le ministère du Travail et de l'Emploi doit donner son autorisation avant qu'une affaire portant sur un différend du travail ne puisse être portée au pénal. Cette autorisation a été contresignée par trois hauts procureurs du ministère public de la ville de Pasig.

642. Le TSEU poursuit en déclarant que les 29 septembre, 8 et 22 novembre 1995 certains chefs de service de TEMIC ont porté plainte contre des cadres du syndicat, des délégués syndicaux et certains membres du syndicat dont la réintégration avait été ordonnée précédemment par le ministre du Travail par intérim, Brillantes. Le TSEU affirme que les assertions selon lesquelles plus de 200 cadres ont été empêchés de quitter l'entreprise par des membres du TSEU en grève n'étaient pas fondées. Le 12 octobre 1995, les parties ont communiqué leurs mémoires respectifs dans lesquels ils exposaient leur position sur les questions qui étaient dans l'impasse, à savoir les accusations respectives des parties concernant des pratiques déloyales en matière de travail et la légalité ou l'illégalité de la grève.

643. En ce qui concerne la question des actes de violence à l'encontre des grévistes, le TSEU affirme que le 20 octobre 1995, au cours d'une réunion syndicale sur le piquet de grève, les agents chargés de la sécurité de l'entreprise et des surveillants sous contrat ont aspergé les grévistes de gaz lacrymogènes et d'eau. Les grévistes ont également été lapidés par lesdits surveillants. Le 21 octobre 1995, le piquet de grève du syndicat a été fouillé par les agnance de réintégration. Le 20 décembre 1996, le directeur adjoint du bureau du ministre a annoncé que, dans la mesure où la demande d'ordonnance de certiorari déposée par l'entreprise auprès de la Cour suprême n'avait pas encore reçu de réponse, le DOLE différait l'exécution des ordonnances demandant la réintégration. Les représentants syndicaux ont objecté qu'étant donné que la Cour suprême n'avait pas publié d'ordonnance prononçant un sursis à l'exécution il n'y avait aucun obstacle juridique à l'exécution des ordonnances. A la lumière de ces événements et comme mesure de protestation, le syndicat a manifesté en silence dans les locaux du bureau du ministre jusqu'à la réintégration des travailleurs. Le ministre Quisumbing lui-même est arrents de la sécurité de l'entreprise assistés par les policiers de Taguig. A la suite de l'incident, le syndicat a demandé au directeur général de la police nationale philippine, Recaredo Sarmiento, d'ouvrir une enquête sur l'incident et de prendre les mesures appropriées contre les policiers de Taguig. Toutes les déclarations indiquaient que les grévistes avaient été dispersés par la violence à quatre reprises et que beaucoup d'entre eux, y compris des femmes enceintes, avaient été blessés.

644. Le 27 octobre 1995, le ministre du Travail par intérim, Brillantes, a prononcé une sentence arbitrale. La sentence stipulait également que les accusations respectives des parties concernant les pratiques de travail déloyales n'étaient pas fondées. En outre, elle reportait la décision sur la question de la légalité ou de l'illégalité de la grève et ordonnait qu'une audience soit tenue sur la question; en attendant que la question soit résolue, il était demandé une fois encore à TEMIC d'accepter le retour des travailleurs grévistes «à l'exception des cadres du syndicat, des délégués syndicaux et de ceux sur qui pèsent des accusations pénales». Tant TEMIC que le TSEU ont présenté, respectivement, les 8 et 9 novembre 1995, des requêtes en vue du réexamen de l'ordonnance. Le 8 novembre 1995, le directeur de la logistique, Volker Rudnitzki, a déposé une plainte contre 1 462 employés de TEMIC pour séquestration illégale et blessures corporelles. Le 9 novembre 1995, le TSEU a déposé un préavis de manifestation sur la base du refus de TEMIC d'accepter le retour des travailleurs grévistes, en violation de l'ordonnance du ministre par intérim datée du 27 octobre 1995.

645. Le 15 novembre 1995 s'est tenue une conférence entre les représentants du syndicat, l'entreprise et le DOLE au sujet de l'application de l'ordonnance du 27 octobre 1995. Au cours de cette conférence, l'entreprise s'est engagée à communiquer une liste des travailleurs grévistes devant reprendre le travail. Le 21 novembre 1995, le syndicat a reçu de TEMIC une liste contenant les noms des 800 employés entrant dans le premier groupe à être réintégré. Le 22 novembre 1995, une autre plainte était déposée contre 1 639 employés de TEMIC pour séquestration illégale et blessures corporelles, cette fois par Norma Blas, le directeur administratif de TEMIC. Deux jours plus tard, au cours d'une conférence au DOLE, l'entreprise a déclaré qu'elle accepterait uniquement le retour des employés figurant sur la liste qu'elle avait précédemment communiquée.

646. Le jour même, le ministre par intérim a prononcé une ordonnance confirmant l'ordonnance du 27 octobre qui excluait les cadres du syndicat, les délégués syndicaux et les personnes sur lesquelles pesaient des accusations pénales de la réintégration dans l'entreprise en attendant que soit résolue la question de la légalité ou de l'illégalité de la grève. Le TSEU indique qu'il a déposé une motion unilatérale en vue de préciser quelles étaient les personnes concernées par la clause d'exclusion contenue dans l'ordonnance du 27 octobre 1995. Le ministre par intérim a prononcé le 27 décembre 1995 une ordonnance précisant que l'exclusion concernait uniquement les personnes sur lesquelles pesaient des accusations pénales à la date de la publication de l'ordonnance du 27 octobre 1995 et non les personnes qui étaient mises en cause dans les plaintes déposées par la suite par certains cadres de TEMIC. Le 11 décembre 1995, TEMIC a déposé un préavis de manifestation et une motion en vue du réexamen de l'ordonnance du 7 décembre 1995. Le 18 décembre 1995, le TSEU a déposé une motion dans laquelle il demandait la publication d'un mandat d'exécution pour obliger TEMIC à accepter le retour de tous les travailleurs concernés.

647. Le TSEU ajoute qu'il a porté l'affaire devant la Cour suprême où il a déposé une demande d'ordonnance de certiorari le 3 janvier 1996 qui mettait en cause la partie de l'ordonnance du 27 octobre 1995 qui excluait de la réintégration dans l'entreprise TEMIC les cadres du syndicat, les délégués syndicaux et les personnes sur lesquelles pesaient des accusations pénales. Le 27 juin 1996, le ministre du Travail Quisumbing a publié un mandat d'exécution stipulant que les ordonnances des 27 octobre et 24 novembre 1995 «étaient depuis longtemps définitives et exécutoires» et ordonnant au shérif du DOLE, Edgar Paredes, de procéder, avec l'aide du commissariat de police de Taguig auquel le ministre demandait d'exécuter ses ordonnances, à la réintégration des travailleurs énumérés à l'annexe du mandat d'exécution.

648. Le TSEU indique que le shérif Paredes s'est rendu à TEMIC le 1er juillet 1996 pour appliquer le mandat d'exécution. Cependant, l'avocat de l'entreprise a demandé un délai afin de consulter son client avant l'application du mandat d'exécution, à la suite de quoi l'entreprise a déposé le 3 juillet 1996 une motion auprès du bureau du ministre demandant l'annulation, la révocation et/ou la suspension du mandat d'exécution. Cinq jours plus tard, le shérif Paredes s'est rendu une nouvelle fois à TEMIC et a consulté le directeur du personnel qui l'a informé que, en attendant la réponse à la motion demandant l'annulation du mandat d'exécution, il n'appliquerait pas celui-ci. Par la suite, le shérif a présenté son rapport qui indiquait que l'entreprise refusait de se conformer au mandat d'exécution. Il recommandait que le président de TEMIC, Frank Dieter Mayer, le directeur général, Michael Facundo, le directeur administratif, Norma Blas, et le directeur du personnel, Atty Miguel Umali, soient cités pour refus d'obéissance. Le shérif recommandait en outre qu'il soit demandé à l'entreprise de verser les «différences de salaires des travailleurs concernés à compter de la signification du mandat d'exécution».

649. Le 9 août 1996, le TSEU a déposé auprès de la Cour suprême une réplique synthétique aux observations de l'entreprise dans laquelle le syndicat indiquait que l'entreprise refusait de se conformer au mandat d'exécution prononcé par le ministre Quisumbing. Le TSEU expliquait que TEMIC se servait de la clause d'exclusion contenue dans l'ordonnance du 27 octobre 1995 pour effectuer un licenciement massif. Dans sa réplique déposée auprès du bureau du ministre le 2 septembre 1996, l'entreprise faisait valoir que sa motion demandant le réexamen datée du 11 décembre 1995 demeurait sans réponse; en outre, l'expression «les personnes sur lesquelles pesaient des accusations pénales» contenue dans l'ordonnance du 27 octobre 1995 était «imprécise». Le 23 septembre 1996, dans sa duplique à la réplique de l'entreprise du 2 septembre 1996, le TSEU a déposé une motion demandant la publication d'un second mandat d'exécution et la citation de la direction de TEMIC pour entrave à la bonne marche de la justice. Le TSEU faisait valoir que l'entreprise ne faisait que prétendre qu'elle estimait l'expression concernée ambiguë et utilisait ce prétexte pour effectuer un licenciement massif. Le 23 septembre 1996 également, la Cour suprême a adopté une résolution donnant suite à la demande du TSEU pour une ordonnance de certiorari et ordonnant aux parties de communiquer simultanément leurs mémoires respectifs.

650. Le TSEU affirme que, le 17 octobre 1996, le ministre Quisumbing a prononcé une ordonnance rejetant la motion déposée par l'entreprise pour l'annulation du mandat d'exécution, stipulant que l'ordonnance du 27 octobre 1995 et celle du 24 novembre 1995 étaient «explicites et dénuées de toute ambiguïté», et il a ordonné la réintégration immédiate et matérielle des travailleurs concernés. Le ministre a en outre ordonné que, dans le cas où la réintégration immédiate et matérielle ne serait pas effectuée, l'entreprise devrait immédiatement réintégrer les travailleurs sur le registre du personnel.

651. Le 23 octobre 1996, TEMIC a déposé auprès du bureau du ministre une motion demandant le réexamen de l'ordonnance du 17 octobre 1996. Cette demande était fondée sur le fait que, bien que les plaintes pour détention illégale et blessures corporelles eussent été déposées par TEMIC auprès du bureau du procureur après le 27 octobre 1995, les incidents qu'elles concernaient avaient été dénoncés à la police avant cette date et qu'ils devraient donc également avoir pour conséquence d'empêcher la réintégration des travailleurs concernés. En outre, en raison de la demande déposée par le syndicat le 3 janvier 1996 auprès de la Cour suprême, le ministre ne pouvait plus faire exécuter son ordonnance. Dans une objection datée du 6 novembre 1996, le syndicat fait valoir que les dépositions figurant sur les registres de police ne pouvaient être considérées comme «accusations pénales» et ne pouvaient donc pas être invoquées pour refuser la réintégration des travailleurs concernés; de plus, la question soulevée par le syndicat auprès de la Cour suprême était différente de la question soulevée par TEMIC, et la Cour n'avait pas prononcé un ordre d'arrêt temporaire contre le DOLE qui pouvait donc poursuivre l'application de l'ordonnance prononçant la réintégration.

652. Le TSEU souligne que, le 21 novembre 1995, le ministre Quisumbing a prononcé une ordonnance rejetant la motion déposée par TEMIC en vue du réexamen et confirmant l'ordonnance du 17 octobre 1996 qui prévoyait la publication d'un second mandat d'exécution. Le ministre affirmait que les plaintes déposées auprès de la police et même auprès du bureau du procureur ne pouvaient pas être considérées comme les «accusations pénales» figurant dans l'ordonnance du 27 octobre 1995. Il a également ordonné aux parties de communiquer leurs mémoires introductifs respectifs sur la question de la légalité ou de l'illégalité de la grève. Le 3 décembre 1996, le shérif du DOLE, Francisco Reyes, s'est rendu à TEMIC pour exécuter l'ordonnance du 21 novembre 1996 prononcée par le ministre du Travail. Toutefois, le directeur du personnel de TEMIC l'a informé que l'entreprise refuserait de se conformer à l'ordonnance et qu'elle la contesterait auprès de la Cour suprême. Le 4 décembre 1996, l'assistant technique du directeur des services juridiques du DOLE s'est rendu à TEMIC accompagné des shérifs Reyes et Mario Gadit, du chef de la police de Taguig et de quelques policiers. Une fois encore TEMIC a refusé de se conformer à l'ordonnance.

653. Le 8 novembre 1996, l'entreprise a demandé à la Cour suprême un délai supplémentaire de quinze jours pour déposer son mémoire introductif, soit jusqu'au 23 novembre 1996. Le 9 novembre 1996, le syndicat a déposé auprès de la Cour suprême son mémoire, rédigé dans la même optique que la réplique récapitulative datée du 9 août 1996. De plus, le 18 novembre 1996, le syndicat a déposé son objection à la motion déposée par l'entreprise demandant à la Cour suprême un délai supplémentaire pour communiquer son mémoire introductif sur la base du fait qu'un délai supplémentaire ne ferait que retarder l'issue de la demande. Le 21 novembre 1996, l'entreprise a demandé à la Cour suprême de lui accorder jusqu'au 9 décembre pour déposer son mémoire.

654. Le 9 décembre 1996, l'entreprise a déposé auprès de la Cour suprême une demande d'ordonnance de certiorari, mettant en cause l'ordonnance publiée le 21 novembre 1996 par le ministre du Travail. Elle a également demandé la publication immédiate d'un ordre visant à surseoir à l'application de l'ordonnance en question. Le 17 décembre 1996, le syndicat a envoyé une lettre au Président Ramos pour demander une audience au cours de laquelle le Président pourrait personnellement entendre les griefs des travailleurs concernant le fait que le DOLE n'avait pas fait exécuter ses propres ordonnances demandant la réintégration. Le jour même, l'entreprise a déposé auprès de la Cour suprême une motion urgente pour demander un sursis à l'exécution qu'elle avait déjà sollicité dans sa précédente demande.

655. Le 18 décembre 1996, le bureau du procureur de la ville de Pasig a prononcé une résolution d'ensemble écartant les plaintes déposées contre environ 1 500 employés par le directeur administratif, Norma Blas, le directeur de la logistique, Volker Rudnitzki, et les cadres de l'entreprise. Le TSEU rappelle que, selon l'ordonnance du 27 octobre 1995 prononcée par le ministre, l'existence d'accusations pénales constituait la base de la non-inclusion dans l'ordonivé tard la même nuit et a permis aux travailleurs de rester. Le ministre a également conseillé à l'avocat du syndicat de présenter une motion unilatérale pour saisie-arrêt qu'il promettait d'accorder.

656. Le 21 décembre 1996, le syndicat a, comme le lui avait recommandé le ministre Quisumbing, déposé une motion urgente pour saisie-arrêt et/ou saisie, notant que la Cour suprême n'avait pas prononcé de sursis à statuer permettant de différer l'exécution des ordonnances visant à la réintégration. Le syndicat affirmait que, au vu du refus de TEMIC de respecter les ordonnances visant à la réintégration, les avoirs ainsi que les dépôts de l'entreprise dans des banques désignées par le syndicat devaient être saisis en vue du versement des arriérés de salaires des travailleurs. Le 23 décembre 1996, le syndicat recevait une réponse du palais présidentiel de Malacanang qui justifiait le refus de TEMIC de respecter les ordonnances visant à la réintégration prononcées par le DOLE sur la base du fait que le syndicat lui-même avait porté l'affaire devant la Cour suprême. Le jour même, le ministre Quisumbing publiait une ordonnance demandant à l'entreprise de communiquer ses observations au sujet de la motion urgente déposée par le syndicat le 21 décembre 1996 pour la saisie-arrêt. Dans ses commentaires/ objections datés du 27 décembre 1996 et déposés auprès du bureau du ministre, TEMIC s'opposait à la motion déposée par le syndicat en vue d'une saisie-arrêt des dépôts en banque de l'entreprise sur la base du fait que le ministre n'était pas habilité à prendre cette décision puisque TEMIC avait déposé la demande de sursis auprès de la Cour suprême.

657. Le 30 décembre 1996, le ministre Quisumbing écrivait au directeur général de la police nationale philippine (PNP) en demandant une «aide» au sujet de la présence des travailleurs au DOLE, qu'il estimait représenter «un très grand danger». A environ 00 h 30 le 31 décembre 1996, après avoir passé Noël dans les locaux du DOLE, les travailleurs étaient dispersés par la violence par la PNP. De nombreux travailleurs étaient blessés. Par la suite, ils ont été détenus au quartier général de la police du district ouest. Au cours de l'enquête menée au bureau du procureur de Manille dans l'après-midi du 31 décembre 1996, l'avocat du syndicat affirma que les travailleurs ne commettaient aucune infraction. Les travailleurs furent relâchés plus tard.

658. Le 13 janvier 1997, le secrétaire exécutif, Ruben Torres, écrit à Jaime Cardinal Sin, archevêque de Manille, en lui expliquant que, étant donné les demandes respectives déposées par le syndicat et l'entreprise auprès de la Cour suprême et «par égard pour d'autres juridictions équivalentes», le département différait les mesures sur cette affaire de droit du travail. En outre, M. Torres déclarait que «la demande n'était fondée ni matériellement, ni juridiquement», que les ordonnances du ministre Quisumbing étaient définitives dans la mesure où elles avaient fait l'objet de mandats d'exécution.

659. Le TSEU, pour sa part, indique qu'il a déposé auprès du bureau du ministre sa réplique à l'objection de l'entreprise concernant la demande de saisie-arrêt dans laquelle il faisait valoir que, dans la mesure où TEMIC refusait de respecter les ordonnances visant à la réintégration, la saisie des dépôts de l'entreprise dans les banques pour verser les arriérés de salaires des travailleurs concernés était juridiquement justifiée comme un recours économique «global». Le TSEU a également évoqué la jurisprudence selon laquelle une ordonnance demandant la réintégration était applicable même si la légalité ou l'illégalité d'une grève n'avait pas été prononcée. Le 28 janvier 1997, le syndicat déposait un préavis de manifestation et une motion dans laquelle il informait le ministre du Travail que les plaintes pénales déposées par les dirigeants de TEMIC contre environ 1 500 travailleurs avaient déjà été rejetées le 18 décembre 1996 par le bureau du procureur de Pasig. En outre, le TSEU déposait auprès de la Cour suprême une objection supplémentaire à la motion urgente déposée par l'entreprise pour demander un sursis à exécution. Le syndicat affirmait que la Cour ne devrait pas considérer de manière positive le manque de cohérence de TEMIC: alors que c'était l'entreprise elle-même qui avait demandé au ministre d'assumer la compétence sur ce différend du travail, TEMIC mettait maintenant en cause les décisions du ministre dans l'exercice de cette compétence. Enfin, le TSEU déposait un préavis de manifestation et une motion auprès de la Cour suprême afin que celle-ci prononce une injonction impérative préliminaire, cette fois non seulement pour la réintégration des cadres du syndicat, des délégués syndicaux et «des personnes sur qui pèsent des accusations pénales» qui avaient déjà été licenciés, mais également pour toutes les autres personnes entrant dans le groupe des 1 500 travailleurs dont la réintégration continuait d'être bloquée par TEMIC. Dans une résolution datée du 13 janvier 1997, la Cour suprême notifiait aux parties que leurs demandes individuelles avaient été regroupées. Dans cette résolution, la Cour accordait également à TEMIC trois délais supplémentaires pour présenter son mémoire introductif et elle demandait au syndicat de présenter ses observations sur la demande de l'entreprise. La Cour se contentait par ailleurs d'évoquer la manifestation urgente et la demande de l'entreprise de surseoir à l'application de la décision.

B. Réponse du gouvernement

660. Dans sa réponse initiale datée du 19 mars 1997, le gouvernement souligne que l'affaire Temic Telefunken Microelectronics (Phils.) Inc. n'est déjà plus de la compétence du ministère du Travail puisqu'elle relève de la Cour suprême des Philippines en raison des demandes déposées par les parties. En effet, la Cour suprême connaît ces deux demandes puisqu'elle les a réunies dans une résolution du 13 janvier 1997.

661. Le gouvernement poursuit en expliquant que l'«expulsion» des adhérents du Syndicat des employés de Telefunken travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) des locaux du ministère du Travail et de l'emploi le 30 décembre 1996 avait eu lieu dans le cadre de l'article 4 de la «loi garantissant le libre exercice par les personnes du droit de se rassembler de manière pacifique et de s'adresser au gouvernement en vue de redresser les torts causés ou de résoudre d'autres questions», qui dispose que:

Article 4. Autorisation: requise ou non requise. Une autorisation écrite est requise pour toute personne ou ensemble de personnes organisant et procédant à un rassemblement public dans un lieu public. Toutefois, aucune autorisation ne sera requise si le rassemblement public a lieu dans un parc désigné par une loi ou par une ordonnance ou dans une propriété privée, auquel cas le consentement du propriétaire ou de la personne ayant la possession légale de ce lieu est requise, ou dans l'enceinte d'un institut public d'enseignement géré par l'Etat qui sera soumis aux règles et au règlement de ladite institution. Les réunions ou rassemblements politiques ayant lieu durant les périodes de campagne électorale prévues par la loi n'entrent pas dans le cadre de la présente loi.

662. Dans une communication plus récente datée du 17 septembre 1997, le gouvernement indique que l'ordonnance publiée par le ministre du Travail et de l'Emploi le 21 novembre 1996, confirmant et ordonnant l'exécution immédiate de l'ordonnance du 17 octobre 1996 visant à la réintégration effective et matérielle des travailleurs de Temic Telefunken Inc., avait été dûment notifiée par le shérif désigné par le service juridique du ministère du Travail et de l'Emploi mais avait été renvoyée sans avoir été satisfaite ou exécutée le 3 décembre 1996. Le gouvernement déclare que la direction de Temic Telefunken Inc. a refusé d'honorer l'ordonnance de reprise du travail sur la base du fait qu'une telle ordonnance ne pouvait pas encore être appliquée car la demande d'ordonnance de certiorari déposée par la direction auprès de la Cour suprême n'avait pas encore reçu de réponse. Le gouvernement ajoute que le dossier complet de l'affaire a été transmis au bureau du procureur général adjoint pour une représentation adéquate. Enfin, à ce jour, la Cour suprême n'a pas encore promulgué de décision concernant la présente affaire.

C. Conclusions du comité

663. Le comité note que les allégations dans le présent cas concernent le licenciement d'environ 1 500 dirigeants ou militants du Syndicat des employés de Telefunken travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) ayant participé à une grève et le refus de Temic Telefunken Microelectronics (Phils.) Inc. («TEMIC») de respecter plusieurs ordonnances prononcées par le ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) demandant la réintégration de ces travailleurs à leurs postes, ainsi que l'incapacité des autorités publiques à faire exécuter ces ordonnances. Les allégations évoquent également la détention de cinq syndicalistes et des actes de violence à l'encontre des grévistes imputables à des gardes du service de sécurité de l'entreprise et à la police.

664. En ce qui concerne le licenciement allégué d'environ 1 500 militants du TSEU à la suite de leur participation à une grève, le comité note que le 16 septembre 1995 le ministre du Travail par intérim, José Brillantes, a prononcé une ordonnance demandant à tous les travailleurs de reprendre le travail et à l'entreprise de les admettre aux mêmes conditions que celles qui prévalaient avant la grève. Le 27 octobre 1995, le représentant du ministère prononçait une autre ordonnance qui reportait la décision sur la question de la légalité ou de l'illégalité de la grève et ordonnait au contraire la conduite d'une audience sur la question. En attendant que cette question soit réglée, il était à nouveau demandé à TEMIC d'accepter le retour des travailleurs, «à l'exception des cadres du syndicat, des délégués syndicaux et des personnes sur qui pèsent des accusations pénales». Toutefois, peu de temps après, les 8 et 22 novembre 1995, deux cadres de TEMIC déposaient plainte contre environ 1 500 employés de TEMIC (également militants au syndicat) pour séquestration illégale et blessures corporelles. Ils alléguaient qu'au cours de la grève plus de 200 cadres de TEMIC avaient été empêchés, par la violence, de quitter les locaux de l'entreprise par des grévistes adhérents du TSEU. Selon la partie plaignante, ces plaintes n'étaient pas fondées et avaient été déposées par des cadres de TEMIC pour permettre un licenciement massif dans le cadre de la clause d'exclusion contenue dans l'ordonnance du 27 octobre 1995.

665. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas l'allégation selon laquelle les plaintes déposées par les deux cadres de TEMIC contre des membres du syndicat les 8 et 22 septembre 1995, respectivement, ne sont pas fondées. Il semble au contraire au comité que le gouvernement partage cet avis puisque le 24 novembre 1995 le ministre du Travail par intérim prononçait une ordonnance qui confirmait l'ordonnance du 27 octobre 1995 et une autre le 7 décembre 1995 précisant que la clause d'exclusion contenue dans l'ordonnance du 27 octobre 1995 ne concernait que les personnes sur qui pesaient des accusations pénales au moment de la publication de l'ordonnance du 27 octobre 1995 et non les personnes contre lesquelles une plainte avait été déposée par la suite par les cadres de TEMIC. Le comité note encore que le ministre du Travail Quisumbing a publié: i) un mandat d'exécution le 27 juin 1997 stipulant que les ordonnances du 27 octobre et du 24 novembre 1995 «sont depuis longtemps définitives et exécutoires»; ii) une ordonnance le 17 octobre 1996 qui rejetait la motion déposée par l'entreprise pour l'annulation du mandat d'exécution et stipulait que les ordonnances du 27 octobre 1995 et du 24 novembre 1995 étaient «explicites et dénuées de toute ambiguïté». Le ministre du Travail a ensuite demandé la publication d'un second mandat d'exécution pour la réintégration effective et matérielle des travailleurs concernés; iii) une ordonnance le 21 novembre 1996 confirmant l'ordonnance du 17 octobre 1996 pour la publication d'un second mandat d'exécution et stipulant que les plaintes déposées auprès de la police ne pouvaient pas être considérées comme les «accusations pénales» évoquées dans l'ordonnance du 27 octobre 1995.

666. Le comité note avec préoccupation qu'en dépit de la publication des ordonnances sus-mentionnées, d'abord par le ministre par intérim puis par le ministre du Travail lui-même, TEMIC a refusé de respecter les ordonnances imposant la réintégration d'environ 1 500 adhérents du syndicat en grève, à l'exception des cadres du syndicat, des délégués syndicaux et des personnes sur lesquelles pesaient des accusations pénales. Le comité note qu'au contraire les cadres de TEMIC ont eu recours à divers moyens dilatoires comme les accusations pénales de séquestration illégale et blessures corporelles contre les employés de TEMIC licenciés. Ces plaintes, qui ont été déposées après la publication de la première ordonnance du 27 octobre 1995 imposant la réintégration, ont été, quoi qu'il en soit, estimées non fondées par le ministre du Travail lui-même.

667. Ainsi, il n'existe aucun doute pour le comité que les 1 500 adhérents du TSEU ont été licenciés et n'ont pas été réintégrés par la suite en raison de leur participation à une grève. De plus, le comité a le regret de noter que le gouvernement s'est contenté d'indiquer que son ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) a demandé à ses shérifs à trois reprises de faire exécuter ces ordonnances demandant la réintégration (8 juillet, 3 et 4 décembre 1996), mais qu'ils n'ont pas été en mesure de le faire en raison du refus de TEMIC de respecter celles-ci. Le comité déplore l'incapacité totale du ministère à faire exécuter ses propres ordonnances demandant la réintégration. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement qu'il a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l'absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 738 et 749.]

668. Au vu des principes énoncés ci-dessus et du fait que plus de deux ans se sont écoulés depuis la publication de la première ordonnance demandant la réintégration des grévistes, le comité demande instamment au gouvernement de s'assurer que les 1 500 dirigeants et membres du TSEU environ qui ont été licenciés à la suite de leur participation à une grève soient réintégrés immédiatement dans leurs postes selon les mêmes dispositions et clauses que celles qui prévalaient avant la grève avec versement des salaires non perçus et des indemnités, conformément aux ordonnances demandant la réintégration prononcées par le DOLE. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé, à cet égard, de tout fait nouveau. Le comité note en outre que le TSEU et TEMIC ont déposé leurs mémoires auprès de la Cour suprême qui les a groupés dans une résolution datée du 13 janvier 1997. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la décision de la Cour suprême sur cette affaire.

669. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle cinq membres du TSEU ont été détenus le 23 septembre 1995 aux blocs 1 et 2 du commissariat de police de Taguig puis à la prison municipale de Taguig, le comité regrette profondément que le gouvernement n'ait pas fourni ses observations à ce sujet. Le comité le prie de les communiquer. Le comité note que les cinq adhérents du syndicat ont été libérés le 26 septembre 1995, mais il appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel l'arrestation de syndicalistes pour des motifs liés à leur activité syndicale, même si c'est pour une courte période, constitue une grave entrave à l'exercice des droits syndicaux et viole la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 70 et 75.] De même, le comité a le regret de noter que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle le 20 octobre 1995 des agents de la sécurité de l'entreprise et des surveillants sous contrat ont aspergé de gaz lacrymogènes et d'eau des piquets de grève et des grévistes qui ont également été lapidés et que, le 21 octobre 1995, les piquets de grève ont été mis à sac par un agent de la sécurité de l'entreprise aidé par des agents de police. A cet égard, le comité se doit de souligner que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l'ordre public serait sérieusement menacé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 580.] Notant que le syndicat a demandé à la police nationale des Philippines d'enquêter sur l'incident et de prendre les mesures nécessaires contre les agents de la police de Taguig concernés, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête.

670. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle des membres du TSEU ont été dispersés violemment par la police nationale philippine des bureaux du secrétariat au travail et à l'emploi, le 30 décembre 1996, et qu'un certain nombre d'entre eux ont été blessés, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle cette expulsion a eu lieu dans le cadre de l'article 4 de la «loi garantissant le libre exercice par les personnes du droit de se rassembler de manière pacifique et de s'adresser au gouvernement en vue de redresser les torts causés ou de résoudre d'autres questions». A cet égard, le comité rappelle que, si les organisations syndicales doivent respecter les dispositions générales relatives aux réunions publiques applicables à tous et se conformer aux limites raisonnables que pourraient fixer les autorités en vue d'éviter des désordres sur la voie publique, les autorités, quant à elles, ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l'ordre public serait sérieusement menacé. L'intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 141 et 137.]

Recommandations du comité

671. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité demande instamment au gouvernement de s'assurer que les 1 500 dirigeants ou membres du Syndicat des employés de Telefunken travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) qui avaient été licenciés à la suite de leur participation à une grève du 14 au 16 septembre 1995 soient immédiatement réintégrés dans leurs postes de travail selon les mêmes dispositions et clauses que celles qui prévalaient avant la grève avec versement des salaires non perçus et des indemnités, conformément aux ordonnances demandant la réintégration prononcées par le ministère du Travail et de l'Emploi du gouvernement (DOLE). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé sur l'évolution de la situation à cet égard.

b) Notant que la Cour suprême a groupé les conclusions déposées par le syndicat et l'entreprise dans une résolution datée du 13 janvier 1997, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la décision de la Cour au sujet de cette affaire.

c) Le comité demande au gouvernement de fournir ses observations sur l'allégation selon laquelle cinq membres du TSEU ont été détenus le 23 septembre 1995 au commissariat de police de Taguig puis à la prison municipale de Taguig.

d) Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête effectuée par la police nationale philippine au sujet des actes de violence qu'auraient perpétrés des agents de la police de Taguig contre des piquets de grève du TSEU qui étaient en grève les 20 et 21 octobre 1995.


Cas no 1895
rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Venezuela
présentée par
le Syndicat unique de base des travailleurs du corps enseignant (SUBATRA)

Allégations: arrestation et procès éventuel d'un dirigeant syndical
en représailles d'activités syndicales

672. La plainte figure dans une communication du Syndicat unique de base des travailleurs du corps enseignant datée du 18 juillet 1996. Le gouvernement a répondu dans une communication du 30 septembre 1997.

673. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

674. Dans sa communication du 18 juillet 1996, le Syndicat unique de base des travailleurs du corps enseignant (SUBATRA) allègue l'arrestation arbitraire, le 16 juillet 1996, de M. José Ramón Pacheco, président du SUBATRA, et sa mise à la disposition du corps technique de la police judiciaire, sous l'accusation d'avoir livré ou procuré des documents irréguliers (notes ou titres académiques) munis de signatures falsifiées à une personne qui avait postulé pour être admise à la police de la municipalité de Sucre. Cette personne a imputé les faits (falsification de documents) au président du SUBATRA. Le corps technique de la police judiciaire a effectué une enquête sur ce sujet, convoqué le président du SUBATRA, procédé à l'arrestation de celui-ci et adressé le dossier judiciaire correspondant aux autorités judiciaires le 17 juillet 1996.

675. L'organisation plaignante explique que la police de la municipalité de Sucre est placée sous l'autorité hiérarchique du maire de ladite municipalité, de qui elle reçoit des instructions directes, et que c'est précisément ce corps de police qui a joué un rôle déterminant dans la remise et l'instruction des «preuves» par lesquelles on prétend compromettre le président du SUBATRA dans une falsification de documents. Le syndicat plaignant ajoute que le maire de la municipalité de Sucre est également l'employeur des enseignants et qu'il existe de sérieuses raisons de croire que son intervention a été décisive dans l'arrestation du président du SUBATRA. A ce propos, l'organisation fait référence à l'attitude antisyndicale de la mairie de la municipalité de Sucre et aux conflits qui l'ont opposée au SUBATRA entre 1995 et la date de l'arrestation du président de cette organisation, conflits marqués par des grèves, des manifestations et des conférences publiques.

B. Réponse du gouvernement

676. Dans sa communication du 30 septembre 1997, le gouvernement déclare qu'il ne semble pas y avoir, dans le cas présent, violation de l'exercice de la liberté syndicale et, par conséquent, de son contenu essentiel, du fait d'une arrestation prétendument arbitraire. Au premier abord, les faits signalés par l'organisation syndicale plaignante supposeraient la complicité et le comportement arbitraire de trois organes distincts et indépendants (police municipale de prévention, police d'investigation auxiliaire de la justice pénale et tribunaux de justice pénale) qui ont agi dans l'inculpation d'une personne présumée d'actes criminels.

677. Plus précisément, le gouvernement expose que, selon l'organisation syndicale plaignante elle-même (le SUBATRA), M. José Ramón Pacheco a été arrêté par la police de la municipalité de Sucre (corps de police dont la compétence est limitée au district Sucre de l'Etat de Miranda, affecté à la municipalité) et mis à la disposition du corps technique de la police judiciaire, ce dernier étant un organe policier d'investigation de compétence nationale affecté au ministère de la Justice. De même, le dossier de M. Pacheco a été envoyé aux tribunaux de justice pénale, en raison de l'existence d'indices qui l'impliquent dans la fabrication ou la falsification de documents (tous les faits ici relatés se sont déroulés du 16 au 17 juillet 1996, conformément à l'exposé du SUBATRA).

678. Comme on peut le constater, aussi bien l'organe d'instruction de la police que l'entité judiciaire d'inculpation criminelle agissent dans l'orbite des pouvoirs publics nationaux, le premier dépendant de l'exécutif national et la seconde du pouvoir judiciaire. En revanche, la mairie de la municipalité de Sucre ainsi que son corps de police n'agissent qu'au niveau municipal. De cette manière, le système politique national tente, au moyen de la «séparation organique des pouvoirs» (législatif, judiciaire et exécutif) et de ses «niveaux d'organisation territoriale» (nation, Etats fédérés et municipalités), de garantir l'indépendance et l'autonomie des différents organes qui composent les pouvoirs publics. Cette situation prévaut pour tous les organes, y compris pour ceux qui, dans le cas présent, agissent dans des conditions supposant une infraction présumée à l'ordonnance juridique nationale par l'accomplissement d'un acte punissable.

679. Le gouvernement signale que, selon la législation en vigueur dans le pays, la procédure à suivre dans ce genre de cas -- comme l'a bien signalé le SUBATRA -- consiste à opérer l'arrestation préventive du suspect présumé selon l'article 75 H du Code de procédure criminelle pour que, dans un laps de temps préétabli -- de huit (8) jours --, le tribunal connaissant de la cause se prononce sur l'acte d'arrestation (ordre judiciaire d'arrestation) ou sur la liberté du suspect, si l'on considère qu'il n'existe pas d'indices suffisants pour justifier une prolongation de la détention de la personne concernée. Il convient de préciser que l'ordonnance juridique vénézuélienne est attachée aux principes de garantie d'un procès régulier et du droit à la défense. En effet, la personne concernée ne pourra être arrêtée que pour une durée de huit (8) jours (durée que l'on estime raisonnable pour estimer qu'aucune infraction attentatoire à la liberté personnelle n'est commise), pour être ensuite placée à la disposition de l'organe juridictionnel correspondant, lequel décidera de l'existence des raisons de poursuivre le suspect présumé d'un acte punissable.

680. Par ailleurs, le gouvernement déclare que tout citoyen peut compter sur les garanties suffisantes qu'a instituées l'ordonnance juridique interne pour mettre en œuvre les organes de tutelle juridictionnelle prévus dans les cas où des actes arbitraires pourraient être commis. M. José Ramón Pacheco peut compter sur ces garanties, de même que tout habitant du pays. Dans ce sens, des droits de rang constitutionnel étant en jeu -- liberté personnelle (article 61 de la Constitution de la République du Venezuela) et liberté syndicale (article 91 ejusdem) --, il conviendrait d'exercer les recours ordinaires octroyés par le Code de procédure criminelle, ou bien d'utiliser la voie rapide et efficace de l'action de protection prévue par la loi organique sur la protection des droits et garanties constitutionnels, afin de rétablir immédiatement la situation juridique transgressée.

681. Dans le cas en question, les corps de police cités se sont bornés à agir sur la base de normes légales attributives de compétence; c'est pourquoi il est difficile de soutenir que la norme inscrite à l'article 3 de la convention no 87 ait été de quelque manière transgressée, pas davantage qu'aucune autre norme en vigueur dans la République. L'exercice des activités syndicales par une personne ne peut jamais entraîner l'impossibilité de son inculpation si elle se trouve impliquée dans un acte présumé punissable. M. José Ramón Pacheco a été arrêté parce qu'un autre citoyen l'a signalé comme la personne qui lui a fourni, en échange d'argent, un document public fabriqué ou falsifié. Le corps technique de la police judiciaire, ayant pris connaissance de cette dénonciation et après avoir effectué les expertises prouvant le faux du document émanant du secteur de l'administration où travaille M. Pacheco, a procédé à l'arrestation de celui-ci pour le placer immédiatement à la disposition des tribunaux de justice pénale. La justesse de la procédure qui a été suivie est donc manifeste; cependant, si M. Pacheco n'a commis aucun délit, il n'y aurait aucune raison de poursuivre son inculpation pénale, et il serait comme tout un chacun remis en liberté immédiatement, mesure qui relève de la responsabilité du pouvoir judiciaire vénézuélien. Dans ce sens, les informations disponibles sur ce cas indiquent que M. Pacheco a été remis en liberté -- de ce fait, l'exercice de ses fonctions syndicales n'a pas subi de préjudice -- et qu'une procédure est en cours puisqu'un délit a été commis.

C. Conclusions du comité

682. Le comité observe que, dans le cas présent, l'organisation d'enseignants plaignante allègue l'arrestation arbitraire de M. José Ramón Pacheco, président du SUBATRA. Elle indique que le corps de police qui a joué un rôle déterminant dans la remise et l'instruction des «preuves» de la falsification présumée de documents académiques par M. José Ramón Pacheco est placé sous l'autorité hiérarchique du maire de la municipalité de Sucre, employeur du personnel enseignant. D'après les allégations, cette arrestation constitue un acte de représailles à l'encontre des activités syndicales du président du SUBATRA. Le comité observe que le gouvernement a insisté sur la légalité et la justesse de la procédure et des mesures prises à l'égard de M. José Ramón Pacheco. Le gouvernement signale que ce dirigeant syndical a été remis en liberté, que l'exercice de ses fonctions syndicales n'a pas subi de préjudice et qu'une procédure est en cours puisqu'un délit a été commis (fabrication ou falsification de documents). Le comité note que le gouvernement nie la complicité alléguée de différents organes contre M. José Ramón Pacheco et qu'il souligne à ce propos que ces organes agissent à différents niveaux (nation, Etats fédérés et municipalités) pour garantir, précisément, leur indépendance et leur autonomie.

683. Dans ces conditions, afin qu'il puisse se prononcer définitivement sur ce cas, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de la procédure pénale engagée contre le dirigeant syndical, M. José Ramón Pacheco, pour falsification présumée de documents.

Recommandation du comité

684. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de la procédure pénale engagée contre le dirigeant syndical, M. José Ramón Pacheco, pour falsification présumée de documents.


Cas no 1902
Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Venezuela
présentée par
le Syndicat «Association des pompiers professionnels et activités
connexes et apparentées» du District fédéral
et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM)

Allégations: refus des droits d'organisation
et de négociation collective des pompiers

685. La plainte figure dans une communication du Syndicat «Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées» du District fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) datée du 4 septembre 1996. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 27 janvier 1997.

686. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 30 septembre 1997.

687. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

688. Le Syndicat «Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées» du District fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) allègue, dans ses communications du 4 septembre 1996 et du 27 janvier 1997, qu'au cours de ces deux dernières années les autorités vénézuéliennes ont édicté une série de dispositions légales qui ont pour résultat d'exclure les pompiers du droit d'organisation:

689. L'organisation plaignante ajoute que, le 20 septembre 1996, le directeur général sectoriel du ministère du Travail a émis une circulaire destinée à l'ensemble des inspecteurs du travail, relative à la légalisation des syndicats de la fonction publique, où il est déclaré que «... les inspecteurs doivent se déclarer incompétents en matière de légalisation des syndicats des corps de pompiers, en vertu des dispositions de l'article 20 de la loi sur l'exercice de la profession de pompier, en accord avec l'article 7 de la loi organique sur le travail, attendu que les membres des forces armées et les corps de défense et de sécurité de la nation ne sont pas protégés par la loi organique sur le travail» (l'article 7 de cette loi déclare que les membres... des services «liés à la défense et à la sécurité de la nation et au maintien de l'ordre public» ne sont pas compris par ses dispositions). Selon l'organisation plaignante, cette circulaire vise à obliger les inspecteurs du travail de l'ensemble du pays à se porter garants de son interprétation officielle du droit d'organisation des pompiers en ignorant délibérément l'envoi des actes d'enregistrement ou d'inscription correspondants des organisations que les travailleurs de cette catégorie estiment qu'il convient de constituer.

690. L'organisation plaignante allègue également que la municipalité autonome de Chacao a demandé au service de consultation juridique du ministère du Travail un rapport sur le droit à la liberté syndicale des pompiers. Dans cette demande, la profession de pompier est qualifiée de service de sécurité et de défense et l'on estime que les pompiers sont dispensés de l'application de la loi organique sur le travail, étant invoqué à cet effet l'article 7 de ladite loi. L'organisation plaignante signale que, conformément aux indications fournies dans cette demande de rapport, le ministère du Travail a reconnu en décembre 1994 le Syndicat des travailleurs de la communauté du corps de pompiers de l'Est. Néanmoins, toujours selon la demande de rapport, étant donné la nouvelle réglementation (loi sur l'exercice de la profession de pompier), il convient d'éclaircir le caractère légal du syndicat en question ou de régler l'éventuelle procédure de révocation de son inscription au ministère du Travail. Il est donc manifeste que la municipalité autonome de Chacao a la ferme intention d'entamer une procédure légale visant à dissoudre le SINPROBOM par voie administrative. A la suite de cette demande, la municipalité autonome de Chacao a demandé à l'Inspection du travail de l'est de la zone métropolitaine qu'elle suspende les réunions ayant trait aux négociations conciliatoires concernant une liste de pétitions présentée par le SINPROBOM en juin 1996. L'organisation plaignante signale que cette action est contraire à l'article 4 de la convention no 98.

B. Réponse du gouvernement

691. Dans sa communication du 30 septembre 1997, le gouvernement déclare, en se référant aux allégations relatives au décret no 77 du gouverneur de l'Etat de Miranda, qu'il est certain, la Constitution de la République réservant à l'activité du législateur la réglementation de certains droits et garanties, qu'aucune autre autorité ne peut émettre d'acte normatif de rang inférieur qui réduise ou limite l'exercice des droits consacrés par les normes constitutionnelles. Comme l'explique à juste titre le SINPROBOM, l'intervention du gouverneur de l'Etat de Miranda a été unilatérale et, par conséquent, n'implique pas la participation du gouvernement national; de plus, si cette intervention devait être entachée d'inconstitutionnalité, toute personne intéressée exerçant les droits et actions que lui confère l'ordonnance juridique interne pourrait réclamer la nullité du décret en question devant la Cour suprême de justice. Pour cette raison, le gouvernement considère que, si les arguments de l'organisation plaignante se révèlent pertinents, il existe suffisamment de garanties juridiques au Venezuela pour réparer le dommage supposé de l'intervention inconstitutionnelle du gouverneur de l'Etat de Miranda au moyen d'une action en nullité pour inconstitutionnalité. Pour les mêmes raisons, dans l'exercice qualifié de «contrôle diffus de la constitutionnalité», les tribunaux du travail peuvent ne pas appliquer le décret en question.

692. En ce qui concerne le décret no 572 du Président de la République, le gouvernement répond aux allégations en déclarant que la violation alléguée de la liberté syndicale n'est qu'apparente, puisque l'exclusion des seuls pompiers de l'air n'affecterait qu'une seule branche de l'activité des pompiers, liée à la prestation d'un service d'importance vitale (les fonctions attachées au contrôle du trafic aérien), et non l'ensemble des branches qui composent cette activité. En d'autres termes, la restriction à l'exercice de la liberté syndicale dans le secteur aéronautique -- le contrôle aérien étant un service qui affecte la vie et la sécurité de la population -- ne peut être interprétée comme une violation de la liberté syndicale du SINPROBOM, puisque les membres de cette organisation n'appartiennent même pas au secteur de l'aéronautique.

693. En ce qui concerne les allégations relatives à la loi sur l'exercice de la profession de pompier, le gouvernement rappelle qu'en se fondant sur les dispositions de ladite loi où les corps de pompiers sont qualifiés d'organismes de sécurité, et sa concordance avec l'article 7 de la loi organique sur le travail, les autorités publiques vénézuéliennes ... ont conclu que les pompiers devaient être exclus du champ d'application de la loi organique sur le travail ... et qu'en conséquence ils ne devaient pas être titulaires du droit à la liberté syndicale; des opinions de ce genre -- signale l'organisation plaignante -- pourraient entraîner des actions concrètes de la part de cette catégorie de travailleurs ou de fonctionnaires au préjudice du droit à la liberté syndicale des pompiers.

694. Le gouvernement relève à ce propos que l'organisation plaignante emploie le terme «pourraient», ce qui implique un potentiel, et que, jusqu'à présent, l'administration du travail a reconnu la liberté syndicale du SINPROBOM puisque cette organisation dispose d'une existence juridique (elle a été formellement enregistrée par le ministère du Travail); s'est vu reconnaître la capacité de négocier des conventions collectives de travail (elle est déposée au ministère du Travail) et d'effectuer les démarches relatives aux listes de pétitions; s'est vu reconnaître la protection octroyée par la loi par le biais de la charte dite syndicale (le ministère du Travail a instruit des procédures de réengagement et de versement des arriérés de salaires), etc. Le gouvernement précise cependant, qu'à l'initiative du corps des pompiers lui-même, un projet de loi a été soumis au Congrès de la République qui, par la suite, au moment d'être sanctionné par les chambres législatives et d'entrer en vigueur (27 mai 1996), a disposé que les corps de pompiers étaient considérés comme des organismes de sécurité, ce qui a créé la possibilité d'une interprétation selon laquelle les corps de pompiers sont exclus de l'application de la loi organique sur le travail (article 7).

695. En ce qui concerne les allégations relatives à la municipalité autonome de Chacao, le gouvernement déclare que l'organisation plaignante se borne à émettre des opinions et des jugements de valeur qui ne correspondent pas à la réalité. Plus précisément, la demande d'annulation de l'inscription du SINPROBOM en tant que syndicat a été refusée par le service du ministère du Travail qui a reçu cette demande, puisque cette mesure impliquerait une dissolution par voie administrative, ce qu'interdit la convention no 87.

696. Le gouvernement conclut en signalant que, nonobstant les considérations qui précèdent, le ministère du Travail a entamé des conversations avec les dirigeants syndicaux du SINPROBOM afin de préciser le contenu de ses arguments et de tenter de trouver une solution concertée au problème en question.

C. Conclusions du comité

697. Le comité observe que, dans le cas présent, l'organisation plaignante allègue que, en considérant les pompiers comme membres du personnel de sécurité, la législation exclut cette catégorie de travailleurs publics du champ d'application de la loi organique du travail et donc du droit syndical et de négociation collective. Plus précisément, elle allègue que la municipalité de Chacao a demandé au ministère du Travail d'éclaircir le caractère légal du syndicat des pompiers. Pour l'organisation plaignante, ceci prouve que la municipalité en question a l'intention de demander la dissolution du syndicat.

698. Le comité observe qu'en réponse le gouvernement déclare que, jusqu'à présent, l'organisation jouit de l'existence légale et s'est vu reconnaître la capacité de négocier collectivement. En outre, le gouvernement indique que les autorités ont refusé l'annulation de l'inscription de l'organisation plaignante en tant que syndicat.

699. Tout en prenant note de ces indications, le comité remarque néanmoins que l'organisation plaignante émet la crainte que la loi de 1996 sur l'exercice de la profession de pompier soit interprétée de telle manière que les pompiers se voient privés du droit syndical et du droit de négociation collective, dont ils jouissent actuellement, du moins en pratique.

700. Le comité tient à signaler qu'il ne lui appartient pas de statuer sur la législation du travail applicable aux différentes catégories de travailleurs et d'employés du secteur public ni, plus précisément, de déterminer si certaines catégories particulières de personnel doivent ou non être régies par des régimes ou des statuts spéciaux. Quelle que soit la solution adoptée à ce propos, il incombe cependant au comité de s'assurer que les travailleurs couverts par les conventions nos 87 et 98 jouissent des droits que celles-ci reconnaissent.

701. Dans ce sens, le comité rappelle que, selon la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, «tous les agents de la fonction publique (à la seule exception possible des forces armées et de la police, en vertu de l'article 9 de la convention no 87), comme les travailleurs du secteur privé, devraient pouvoir constituer les organisations de leur choix pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 206.] Plus précisément à propos des sapeurs pompiers, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé que les fonctions exercées par cette catégorie d'agents publics ne justifie pas leur exclusion du droit syndical. [Voir Liberté syndicale et négociation collective, 1994, paragr. 56.]

702. Pour ce qui est du droit de négociation collective, le comité a signalé que «tous les agents de la fonction publique, à l'exception de ceux qui sont commis à l'administration de l'Etat, devraient bénéficier du droit de négociation collective, et une priorité devrait être accordée à la négociation collective comme moyen de règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions et modalités d'emploi dans le secteur public». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 793.]

703. En revanche, il est clair pour le comité que le corps des sapeurs pompiers constitue un service essentiel au sens strict du terme et qu'en conséquence le droit de grève peut leur être interdit. Dans ce cas, ces travailleurs privés du droit de grève devraient bénéficier de garanties appropriées destinées à sauvegarder leurs intérêts, par exemple l'interdiction correspondante du droit de lock-out, l'établissement d'une procédure paritaire de conciliation et, seulement lorsque la conciliation échoue, l'institution d'une procédure paritaire d'arbitrage. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 551.]

704. Compte tenu de tous ces éléments, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien en droit comme en pratique du droit d'organisation et de négociation collective des sapeurs pompiers, étant entendu que le droit de grève peut leur être interdit. Le comité exprime le ferme espoir qu'ainsi aucune dissolution de syndicats de pompiers ne sera prononcée.

Recommandations du comité

705. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien en droit comme en pratique du droit d'organisation et de négociation collective des sapeurs pompiers, étant entendu que le droit de grève peut leur être interdit. Dans ce cas, ces travailleurs privés du droit de grève devraient bénéficier de garanties appropriées destinées à sauvegarder leurs intérêts.

b) Le comité exprime le ferme espoir qu'ainsi aucune dissolution de syndicats de pompiers ne sera prononcée.

c) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur ce cas.

 

Genève, le 14 novembre 1997.

Max Rood,

 

Président.

Points appelant une décision:
 

paragraphe 138;
paragraphe 194;
paragraphe 206;
paragraphe 224;
paragraphe 240;
paragraphe 257;
paragraphe 272;
paragraphe 326;
paragraphe 347;

paragraphe 362;
paragraphe 394;
paragraphe 403:
paragraphe 450;
paragraphe 480;
paragraphe 500:
paragraphe 525;
paragraphe 540;
paragraphe 555;

paragraphe 576;
paragraphe 596;
paragraphe 609;
paragraphe 634;
paragraphe 671;
paragraphe 684;
paragraphe 705.

 


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.